Peut-on parler d’un déclin de la théorie des principes généraux du droit ?
« Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de
la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. » L’article 4 du code Civil est aussi applicable aux juridictions administratives. Ainsi, le Conseil d’Etat, doit trancher un litige même en l’absence de règles spécifiques. C’est pour cette raison qu’il a développé une théorie, celle des principes généraux du droit. Ce sont des principes jurisprudentiels qui déterminent ainsi des notions fondamentales participant à la construction du droit administratif. Il s’agit pour le Conseil d’Etat d’interpréter les lois. La notion de principe général du droit existe depuis longtemps, sans jamais avoir été clairement définie. En effet, le Conseil d'Etat utilisait des principes issus de la révolution tels que l’égalité des citoyens devant la loi. Pour la première fois, dans l’arrêt Conseil d'Etat Ass. 26 octobre 1945 ARAMU, le conseil d’Etat consacre le respect des droits de la défense comme un principe général « applicable même en l’absence de textes ». En l’espèce, une vendeuse de journaux avait été sanctionné alors qu’elle n’avait pas pu plaider sa défense. Cependant, depuis les années 1970, le Conseil d'Etat a développé des PGD plus spécifiques Benoît Jeanneau parle de PGD de seconde génération et note par là même, une forme de déclin de la théorie. Pour déterminer si cette théorie est réellement en déclin, il s’agit d’étudier distinctement quelle est la théorie à l’origine et ensuite il semble opportun d’examiner en quoi consiste le déclin de la théorie.
I L’origine des principes généraux du droit
Afin de protéger les administer, les lacunes législatives du droit administratif, sont comblées par le Conseil d'Etat à travers les principes généraux du droit fondés notamment sur les lois. A La protection des administrés face au vide juridique 1 La volonté manifeste de combler les lacunes du droit administratif Le droit administratif n’est pas codifié, et il apparaît parfois, qu’il n’existe pas de règle de droit sur laquelle se fonder pour trancher un litige. Le juge administratif crée alors de la jurisprudence. Les PGD sont donc un outil de prédilection utilisé par le Conseil d'Etat pour juger une affaire faute de normes écrites. Comme le juge administratif a l’obligation de juger même en l’absence de textes en vertu de l’article 4 du code civil, il fait naître des PGD. Ces derniers ont une portée très large et se fondent sur les lois et des principes à valeur constitutionnelle afin de justifier le moins arbitrairement possible ses décisions. On en veut pour preuve le principe du droit de la défense dégagé dans deux arrêts majeurs CE, sect., 5/05/1944, Dame veuve Trompier-Gravier et de façon plus exprèsse CE, ass., 26/10/1945, Aramu 2 La protection des administrés : un engagement du conseil d’Etat Les PGD développés par le Conseil d'Etat sont « généraux » et représentent ainsi une ligne de conduite, des valeurs défendues par le Conseil d'Etat et importantes aux yeux des administrés. La création des PGD montre la volonté du Conseil d'Etat de protéger les administrés face à une administration qui abuse parfois de son pouvoir au nom de l’utilité publique contre la liberté individuelle. Le Conseil d'Etat apparaît donc comme un contre-poids, un régulateur de l’action administrative pour protéger les adminisitrés. Par exemple, en droit du travail le juge administratif a développé de nombreux principes généraux tels que le principe d’égalité devant l’accès aux emplois publics (CE 28 mai 1964 Barel). B Les fondements légaux de la création des principes généraux du droit 1 La base textuelle Le Conseil d'Etat utilise une base textuelle assez large, se fondent sur les codes, la constitution, les préambules la DDHC. Il tire de ces fondements des points de convergences et c’est cela qui fonde les PGD, en fait c’est l’idée politique « préexistante à la loi » qui est défendue. Ainsi, le juge administratif ne fait que rappeller l’idée originaire de la loi. La loi est la référence principale en matière de création de PGD mais il peut aussi utiliser des normes supérieures telles que le préambule de la Constitution de 1946 (Conseil d'Etat SECT 26 JUIN 1959 Syndicat des ingénieurs conseils) Il convient donc de se demander quelle est la force active des pgd, du lien entre le texte et le principe.
2 La force active des pgd
Pour que les principes soient découverts par le conseil d’Etat, il faut que le principe soit antérieur au texte, il doit être une simple mise en exergue d’une idée ancienne. D’ou le fait que le PGD n’est pas la création d’une règle de droit par le Juge Administratif. Ce dernier ne fait que rappeler un principe existant mais jamais encore stabiloté. Il se référe aux idées contenues dans le texte lui même, le juge administratif lit entre les lignes. La valeur juridique des pgd ne tient que de la volonté du conseil d’état puisque c’est une interprétation du droit. Ils ne peuvent donc pas avoir une valeur supérieure ni même égale aux lois. Ils ont une valeur attribuée aux normes de valeurs jurisprudentielle.
II La dégénération des principes généraux du droit
A’ Le déclin de la portée des principes
1 Une portée originaire très générale Les PGD de première génération ont un haut degré de généralité et visent à protéger les droits et libertés fondamentaux ils sont divisible en deux grandes catégories : les droits des administrés face au pouvoir administratif et ceux qui touchent à l’organisation juridique. Ces PGD peuvent recouvrir un très grand nombre de situations. C’est en effet un objectif du juge administratif de créer des règles générales pour faire face à l’absence de règles législatives, ce sont des principes de bases comme la pâte d’une tarte, après on voit quels fruits on dépose desssus. D’où la naissance d’une seconde génération de PGD beaucoup plus spécifiques. 2 Des principes de plus en plus spécifiques au profit des pvc La deuxième vague de PGD a un champ d’application beaucoup plus restrictif. Cette seconde génération est marquée par une serie d’arrêts et entre autres : Conseil d'Etat du 6 décembre 1978 GISTI et Conseil d'Etat 8 juin 1973 Dame Peynet) Pour Benoît Jeanneau les PGD auraient deux défauts leur technicité et leur moindre généralité : « La force de la théorie des PGD c'est de faire apparaître des principes marqués par leur grande généralité ». Il s’agit dans cette génération d’encadrer l’action administrative ou protéger les administrés dans leur spécificité. Le contrôle administratif est plus précis on en veut pour preuve Conseil d'Etat 2 juillet 1993 Milhaud qui impose le principe général du respect de la dignité humaine mais qui précise même après la mort. L’application de ce principe en matière administrative est très étroite. Il n’est Pas certain que cette deuxième génération marque un véritable déclin de la théorie des PGD car les nouveaux ne sont que les ramifications de la 1ère génération avec une vision plus pragmatique du juge administratif. Il s’agit d’un besoin véritable de notre temps d’où la nécessité de la modernisation de la théorie. B’ La valeur juridique des PGD 1 Le rapprochement des pgd aux principes à valeur constitutionnelle Comme la loi ne peut intervenir dans le domaine règlementaire (art 37 Constitution 58) , lois et règlements on même valeur, or les règlements sont soumis au PGD, on peut donc se demander si les pgd n’ont pas une valeur supérieure aux lois. Or, les règlements sont des actes administratifs soumis au contrôle du Conseil d'Etat au même titre que les autres. En revanche, concernant la valeur constitutionnelle des PGD, depuis le développement des PFRLR qui ressemblent beaucoup aux PGD on peut se demander s’ils n’ont pas la même valeur. Mais il semble plutôt que ce soit une façon pour le Conseil d'Etat de s’aligner sur les décisions du conseil constitutionnel. Certains auteurs ont aussi voulu attribuer une valeur législative aux PGD en ce sens qu’ils sont tirés de la loi et ça permettrai semble t’il d’expliquer que les décisions administratives soient soumises à eux. (Conseil d'Etat 28 MAI 1982 Roger) Toutes ces thèses semble vouloir attribuer une très forte valeur aux pgd mais ces théses attribuent ainsi au conseil d’etat une autorité qu’il n’a pas. Les PGD ont une valeur infra législative et supra décrétale. 2 La consécration de la valeur infra legislative et supra-décrétale des pgd (chapus) C’est René Chapus qui a dévellopé cette théorie qui semble la plus réaliste. Selon lui, le rang des normes jurisprudentielles est nécessairement lié à celui qu'occupent dans la hierarchie, les sources organiques du droit, la source formelle dont elles émanent. En d’autres termes, la source formelle est le juge administratif qui doit assurer le respect de la loi. Il est lui même soumis à la loi ce qui veut dire que les principes qu'il élabore ne sauraient être contre la loi. En revanche, le rôle du juge administratif est de vérifier la légalité des actes administratifs c'est-à-dire de contraindre les décisions d'administration à respecter le principe de légalité, il faut forcément que les principes qu'ils élaborent soient au dessus des décisions de l'administration. René Chapus conclue en disant que le Conseil d'Etat est serviteur de la loi et il est senseur des décrets c'est-à-dire les actes administratifs les plus élevés de l'administration. Donc pour arriver à dire ça, les PGD qu'il pose doivent avoir une valeur supradécrétale et ont une valeur infralégislative c'est-à-dire qu'ils seraient au dessus des administrations les plus importantes et en dessous de la loi.
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