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par
Albert Lejeune
Professeur DSA-UQAM
1
Remerciements: cet article doit beaucoup aux contributions des membres de mon comité de thèse: les
professeurs Jean-Guy Desforges et Taïeb Hafsi (École des HEC), Lin Gingras (Université Laval) et Gilles St-Amant
(UQAM). Nous sommes particulièrement redevable aux professeurs Jan Jorgensen (Université McGill) et Nadia
Thalmann (École des HEC et Université de Genève) pour leur support lors de l'élaboration de notre cadre
conceptuel. Les informateurs et informatrices rencontrés-es durant la cueillette de données sur le terrain m'ont été
d'une aide inestimable pour mettre de l'ordre dans ma perception de leur réalité; leur anonymat sera respecté ici. Des
échanges approfondis avec des collègues comme Vincent Sabourin et Pierre Cossette (UQAM) ainsi que les
responsables de la recherche du Groupe DMR (Messieurs Jean-Marc Proulx, Roger Fortin et André Dubuque) m'ont
permis plus de clarté et de concision.
page 2 .
Introduction
proposons pour cela un cadre conceptuel qui permet la description de configurations mixtes de
configurations et de leur lien avec la performance fait actuellement, de notre part, l'objet d'une
financiers en France et au Québec. Des données préliminaires, issues de cette recherche, seront
Le texte est présenté de la façon suivante: 1. nous commençons par revoir l'importance
stratégique de la TI qui a été plutôt abordée dans les années 1980 comme contenu stratégique, 2.
nous précisons ce que nous entendons par "forme de la TI", une catégorie de la TI qui nous
oriente vers une approche des processus stratégiques liés à la gestion de la TI, 3. nous proposons
rendons compte de nos premières données cueillies sur le terrain au sujet de l'existence de ces
Pour traiter des liens entre la TI et la stratégie, la littérature des années 1980 a surtout
retenu le concept d'arme stratégique. Pour décrire les liens entre TI et performance, cette même
2
Child (1987) propose comme définition de la technologie de l'information l'ensemble des applications et du
matériel qui sert au traitement et à la communication à distance de l'information. De façon générale les auteurs
s'accordent pour définir par la TI (technologie de l'information) la fusion, matérielle et logicielle, des technologies de
l'informatique avec celles des télécommunications.
3
Nous distinguerons trois aspects de la performance: la performance financière (réduction des coûts, retour sur
l'investissement, profitabilité), la performance d'affaires (parts de marché, positionnement) et la capacité stratégique
(par exemple, un contexte stratégique favorable à l'innovation).
page 3 .
l'information.
(1984) qui dégagent de l'analyse de cas la présence de mouvements stratégiques inédits, issus de
développer des avantages compétitifs et de nouvelles stratégies à partir de la TI. C'est aussi,
d'une façon très systématique, le cas de Wiseman (1985) qui conçoit une grille de cinq coups
technologie de l'information, sur les trois cibles des clients, fournisseurs et concurrents.
Pour ce qui est de la performance, on peut souligner, avec Kauffman et Weill (1989),
que ces recherches se sont faites, la plupart du temps, à partir des théories macro et micro-
économiques.
A l'issue des années 1980, nous avons une compréhension des liens entre la TI et la
stratégie qui est axée sur la formulation de stratégies nouvelles ou sur le contenu stratégique. Le
contenu stratégique concerne plutôt le secteur industriel qui entoure la firme. Ainsi Porter et
Millar (1985) ont-ils établi que la technologie de l'information modifiait les règles de la
compétitifs, et 3. en démarrant des affaires complètement nouvelles. Des auteurs, de plus en plus
nombreux, ont travaillé les notions d'arme stratégique (Parsons, 1983; Benjamin et al., 1984), les
Konsinsky, 1984; Johnston et Vitale, 1988) et plus tard leurs avantages coopératifs (Rotemberg
et Saloner, 1989 cité par Venkatraman et Zaheer, 1990). Pour atteindre ces avantages compétitifs
ou coopératifs (Feeny et Ives, 1990), des chercheurs ont analysé les liens entre la stratégie et
l'architecture de la TI (Devlin et Murphy, 1988; Venkatraman, 1989), ainsi que des liens entre la
provoquent une réorganisation économique (Clemons et Row, 1989) à travers une intégration
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électronique des marchés et des hiérarchies (Williamson, 1975; Malone, Yates et Benjamin,
1987).
En complétant l'approche de l'arme stratégique, qui est plus une approche de type
contenu, nous voulons regarder les processus qui permettent à la TI, déployée massivement une
voulons aussi comprendre comment une organisation choisit, dans un contexte organisationnel
L'étude critique de Kauffman et Weill (1988) montre qu'un niveau d'analyse trop global
entraîne la dilution des résultats et l'incapacité pour le chercheur de conclure sur le "comment" et
le "pourquoi" des liens entre technologie de l'information, stratégie et performance. Comme nous
voulons poursuivre une approche contextuelle, l'unité d'analyse que nous retenons pour la TI doit
être reconnue comme telle par les décideurs de l'organisation. Nous suivons en cela l'approche
de Bower et des Politiques générales d'administration. Bower (1982) insiste pour définir le
champ de PGA comme celui d'une aide ou d'un apport à la haute direction pour traiter les
Comment classer les dossiers de la TI pour pouvoir décrire leurs relations avec la
technique des systèmes: d'après Boyton et Zmud (1987), la gestion des TI est passée d'une étape
support aux managers et aux professionnels ainsi qu'à une extension des applications centrales
("core" applications) vers l'extérieur de l'organisation. Cette évolution des SI a débuté (1965-
1975) par des traitements effectués sur des données, s'est spécialisée (1975-1985) dans la
Mais ce qui change n'est pas seulement la technologie. Le changement vient des nouveaux
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objectifs qui peuvent être assignés à la TI dans l'organisation. D'un premier mot d'ordre,
est maintenant chargée de faire communiquer entre elles plus de personnes et plus vite.
Nous posons, dans le cadre de notre recherche, que les diverses applications de la TI
l'objectif qui leur est assigné dans l'organisation. Nous distinguons les trois formes suivantes de
la TI:
opérationnelles et transactionnelles.
d'expériences entre les membres d'un groupe afin d'accélérer l'apprentissage et la création de la
propre à chacune des formes de la TI, entre les ressources matérielles, les ressources logicielles et
les ressources humaines (les spécialistes et les usagers) qui sont les composantes actives d'un
Illustrons maintenant ces trois formes de la TI dans le secteur des services bancaires et
financiers. Dans une banque, les guichets automatiques, les terminaux point de vente, les
réseaux de communication bancaires, les systèmes de traitement automatique des chèques, les
transferts de fonds électroniques et les systèmes d'échange de données informatisé sont des
Toujours dans une banque, le fichier client intégré, ou Customer Integrated File, les
systèmes experts, les systèmes d'aide à la prise de décision, les systèmes de télémarketing, les
systèmes d'information pour les dirigeants sont des dossiers de la TI pour la représentation. Il
s'agit de produire de l'information à partir de données et de modèles et de les acheminer vers les
utilisateurs.
l'organisation (Malone, 1985) sont des dossiers qui relèvent de la forme de la TI pour
Flores, 1986), cette forme de la TI permet la coordination des acteurs de l'entreprise et le suivi
d'actions communes.
(la machine qui automatise, l'usager autonome qui doit être formé et supporté, l'intégration par la
TI des acteurs des équipes de travail), et différentes générations de logiciels (orientés sur les
Nous présentons ici la notion d'espace de la stratégie, dérivée des sciences cognitives
l'architecte).
5
Voir Newell et Simon, 1972
page 7 .
l'architecte comme étant en même temps une légitimité sociale codifiée par un pouvoir (la
et de mettre en oeuvre une stratégie, (ii) les outils concrets de ce travail de représentation, par
exemple le processus de planification stratégique et (iii) les théories qui sous-tendent ce travail
Raymond (1984) utilise une typologie en trois points de ces espaces: (i) l'espace vide,
(ii) l'espace programmatique, et (iii) l'espace habité. La cohérence conceptuelle des notions
d'espace de la stratégie et de mode stratégique (Mintzberg, 1973) est remarquable; elle permet de
mieux rendre compte des nouvelles pratiques comme les cercles de qualité, le consensus, et
l'intrapreneurship.
l'entrepreneur: par sa vision d'un territoire à occuper dans le futur. À l'intérieur d'un espace
politique, pratique et théorique vide, parce que vidé des contraintes qui s'opposent à sa
pouvoir personnel, prend des décisions majeures, provoque des changements radicaux et se bat
replanifient une séquence de mouvements qui doivent mener au but défini. Les analystes jouent
les rôles clés, l'analyse est pratiquée systématiquement, les décisions sont intégrées en une ou des
stratégies. L'espace de la représentation est défini par les outils pratiques de la planification et les
d'activités...).
L'espace habité ne connaît pas nécessairement les caractéristiques négatives (du point
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l'absence de buts clairs, la pratique de solutions réactives, les petits pas incrémentaux et les
décisions disjointes. L'espace habité offre à de multiples sujets légitimés l'occasion de prendre
des initiatives à l'intérieur d'un contexte stratégique qui favorise l'innovation et le changement.
Ce type d'espace se caractérise par une certaine autonomie structurelle et un haut degré de
comportement face à l'environnement qui pourrait être ramené à une manoeuvre d'attaque ou de
Notre recherche, qui vise à construire une théorie sur les relations entre le concept
d'espace de la stratégie et celui de forme de la TI, sera guidée par trois propositions de base qui
l'automatisation.
organisationnelle:
nos entrevues et de notre cueillette de données. Nous avons retenu pour cette recherche une
seule industrie, l'industrie québécoise des services bancaires et financiers, et partant de la notion
de forme de la TI, nous avons retenu trois dossiers de la TI: le dossier des guichets automatiques
pour illustrer la forme de la TI pour l'automatisation, le dossier du fichier client intégré pour
(1990-1991), nous avons terminé une série d'entrevues systématiques auprès de la haute direction
(le niveau des vice-présidents-es) de trois entreprises bancaires, différentes par leur taille, leur
structure, et leur philosophie des affaires. Il s'agit d'entrevues en profondeur (McCracken, 1988),
intégralement, codées (voir Miles et Huberman, 1984; Strauss et Corbin, 1990) et analysées.
Une douzaine de ces entrevues ont été réalisées dans les trois organisations choisies pour la
recherche. Dans cette communication, nous mettrons l'accent sur quelques thèmes apparus
systématiquement lors de nos échanges avec les managers6 ainsi que sur des changements
6
Chaque entrevue porte directement sur les trois dossiers de la TI que nous avons retenu pour illustrer chacune
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Déjà en 1970, la banque One installait le premier guichet automatique suivie, sur une
plus grande échelle, par Citicorp (Info Week, 1986a), tandis que plusieurs réseaux de guichets
automatiques sont en émergence aux États-Unis (Clemons, 1990). Depuis une quinzaine
d'initier une multitude de transactions bancaires, sont présents au Québec. Hier installés pour
gagner un avantage compétitif dans l'industrie, ils sont aujourd'hui générateurs d'avantages
coopératifs à travers l'interconnection des réseaux de guichets des banques canadiennes sous le
Spontanément, lors du tour d'horizon avec nos informateurs-trices, ce dossier est relié à
haute direction de ces trois organisations lie la problématique des guichets à l'imprimante de
livrets, aux systèmes vidéo de communication avec la clientèle sur le site de la succursale, aux
terminaux point de vente (ou POS pour Point Of Sale ), aux liaisons téléphone-ordinateur à
l'aide des boîtes vocales (audiotexte), à la télématique, au paiement direct, au réseau partagé
Interac et aux réseaux concurrents de transfert de données initiés par les commerçants. Le
des trois formes de la TI: les guichets automatiques, le fichier client intégré et les systèmes d'aide à la prise de
décision de groupe. Chaque entrevue commence par un tour d'horizon de ces trois dossiers, nous examinons ensuite
la contribution de chacun des dossiers à la performance et nous terminons par les problèmes, les obstacles, les défis
qu'ont soulevés ces trois dossiers lors de leur formulation et lors de leur implantation.
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premier échange, non directif, sur le thème des guichets automatiques souligne, du point de la
haute direction, une certaine unité conceptuelle des dossiers qui relèvent de la TI pour
l'automatisation des opérations et des transactions. Cette unité conceptuelle vient de ce qu'un
même phénomène est à la base de ces dossiers de la TI pour l'automatisation: les transactions des
clients sont de moins en moins initiées à partir d'un formulaire rempli par un-une employé-e mais
de plus en plus initiées électroniquement à partir d'une instruction donnée par le ou la client-e au
clavier d'un guichet automatique, d'un terminal point de vente, d'un téléphone ou d'un micro-
ordinateur. De plus ces transactions impliquent d'autres intervenants que le client et son
banquier: par exemple, le marchand qui a vendu un bien ou un service au client et le banquier du
marchand. En attendant la diffusion de la carte à mémoire que le client pourra recharger dans un
guichet automatique, les guichets automatiques émettent déjà des bons à dépenser ("script
money") dans des succursales de la SAQ (Société des alcools du Québec) qui interdit la carte de
crédit et impriment des cartes mensuelles pour le transport public (carte CAM). Bientôt les
directement les caisses enregistreuses des marchands au détail à leurs ordinateurs centraux,
comme ils le font déjà en acheminant les commandes et en effectuant les paiements des grandes
La contribution à la performance
Une partie de nos informateurs souligne la réduction des coûts comme étant la
contribution à la performance des guichets automatiques. Cette réponse est cohérente avec
Parker et Benson (1988): comme la TI en général, les guichets automatiques ont été justifiés par
un retour important sur l'investissement par la suppression d'emplois (ce qui ne s'est pas avéré
exact dans les entreprises observées) et accélère les transactions et les opérations.
Mais une autre réponse nous est souvent apportée: les guichets automatiques coûtent
cher aux banques. S'ils divisent par deux ou trois le coût d'une transaction, ils multiplient
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également par deux ou trois le nombre des transactions de base effectuées par le client. Les
guichets automatiques n'ont pas réussi, au Québec, à faire faire par le client les opérations de
conseil personnalisés.
FIGURE 1.
A x e p r in c ip a l d e g e s t io n
d e la T I p o u r
PLA N IFIC A TIO N
l’a u t o m a t is a t io n PR ÉSID EN T
STR A TÉG IQ U E
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V- P M A R K ETIN G V- P F IN A N C ES V- P O PÉR A TIO N S
IN FO R M A TIQ U E
F O U R N IS S E U R T I
Dans les processus d'implantation des guichets automatiques au Québec, nous pourrions
l'automatisation correspond à la première implantation massive de ces guichets (voir la figure 1).
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l'organisation qui était, dans ce dossier de la TI, "en phase" avec la vice-présidence informatique.
L'implantation massive et rapide a été décrétée par le sommet qui a fixé les points de service et
géré directement, à partir du siège social, le réseau de guichets installé. Pour des raisons qui
tournent autour de l'autonomie des succursales, les installations de guichets ont suivi dans les
banques coopératives une logique d'équipement des succursales et non d'implantation stratégique
de guichets hors site sur des lieux d'achalandage (centre-ville, centres d'achat, lieux de travail
etc).
En terme d'outils utilisés dans cet espace de la stratégie, nous retrouvons l'action
informatiques comme IBM, NCR ou Diebold. Cette origine technique du dossier des guichets
automatiques, la banque du futur: chez les plus innovateurs, une vision de la monnaie plastique,
automatiques appartient alors à une vision du sommet qui doit anticiper ce que sera la banque de
demain. Cette première configuration mixte utilise un accrochage particulier d'un dossier de la TI
formulation et son implantation. Cet axe principal de gestion, illustré à la figure 1, est en liaison
étroite avec les fournisseurs de technologie de l'information: dans ce cas précis, les fournisseurs
de guichets automatiques.
Mais cette configuration mixte ne cesse d'évoluer. De 1980 à 1990, au Québec, le lien
entre espace vide et guichet automatique se transforme parce que le guichet automatique n'est
plus lié d'abord à la réduction des coûts mais bien au positionnement sur les marchés, surtout sur
les marchés urbains où une majorité de transactions sont effectuées sur des guichets situés dans
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l'enjeu est l'installation, par l'industrie bancaire canadienne, des grands réseaux concurrents aux
services bancaires et financiers automatisés, dont fait partie le libre service à l'aide d'appareils
activés par le client (Customer Activated Devices ) qui doit permettre un meilleur positionnement
continue à exister autour d'un axe qui réunit le Président, la Vice-Présidence informatique (où les
des guichets automatiques est sorti de cette configuration pour entrer, comme le fichier central
rôle essentiel (voir la figure 2). Le guichet automatique doit se justifier maintenant à l'intérieur
d'une offre intégrée de services automatisés (où se retrouvent les terminaux point de vente, le
succursale; comme machine évolutive programmable à distance, il fait partie d'un potentiel
7
À ce sujet, les revues spécialisées soulignent que des groupes stratégiques pour l'implantation de la TI sont
établis au plus haut niveau (Bank Systems and Equipment, 1989a), notamment sous la forme de plan d'action
exécutif (Best's Review, 1988); que sommet stratégique cherche à établir les bases de communication nécessaires
pour développer l'activité bancaire au niveau global (mondial) (Microprocessing & Microprogramming, 1988) (avec
la banque de Boston et la banque One, la Citicorp est souvent citée en exemple: elle a investi en cinq ans (de 1979 à
1984) plus de trois milliards de dollars U.S. en matériel et logiciels pour de multiples applications; la dernière étant
son réseau global de transactions (Info Week, 1986b)).
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spécialistes en systèmes pour s'ouvrir sur les défis internes8 et externes9 de la stratégie
(Andrews, 1980), de nouveaux dossiers de la TI apparaissent. Il s'agit pour les banques, à l'aide
de la TI, de développer leur connaissance des clients actuels ou futurs. Les applications de base
Information File, le télémarketing et tous les outils d'analyse ou d'aide à l'analyse de ces données
Pour nos informateurs-trices, ce dossier du fichier client intégré est distinct des dossiers
traditionnels de la TI. Il y a cinq ans ou dix ans, selon les organisations, ce dossier n'était l'objet
l'information complète sur les clients et le marché pour parfaire leur segmentation du marché.
Dans les entrevues, ce dossier est relié spontanément aux outils d'analyse de l'information ainsi
logiciels actuels de gestion des données qui sont installés sur les systèmes centraux (comme
"IMS" d'IBM) et la capacité de ces systèmes de reçevoir des systèmes relationnels de gestion de
bases de données (comme "DB2" d'IBM). Autant la TI pour l'automatisation questionne les
8
Comme le passage d'une culture bureaucratisée à une culture proactive de vente, et le passage d'une emphase
traditionnelle sur les opérations à un focus sur la stratégie.
9
Comme le décloisonnement des quatre piliers des services financiers et la déréglementation qui favorisent de
nouveaux concurrents.
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représentation questionne la gestion des données dans l'organisation ainsi que la production de
dynamiques distinctes sont à l'oeuvre et tentent de se rapprocher: l'élaboration, par les gens du
marketing, d'un système d'information marketing (SIM) et la réécriture, par les informaticiens,
des systèmes opérationnels (comptes chèques, comptes d'épargne, hypothèques...) pour obtenir
La contribution à la performance
Tous nos informateurs décrivent comme critique pour la performance future de leur
organisation le succès de ce dossier dans les prochaines années. Si ce dossier est perçu comme
extrêmement critique, les arguments en sa faveur sont parfois vagues: les informateurs-trices ne
soulignent plus l'impact sur les coûts comme ils ou elles le faisaient pour le premier dossier. Les
services. Dans une industrie décloisonnée, les nouveaux circuits de distribution exigent une
structuration des données en fonction des clients. Le concept de dossier d'information sur le
consommateur ("CIF", pour Customer Information File ) doit alors permettre la vente croisée, la
gestion des relations avec le client, l'analyse de la profitabilité des différents segments du marché,
"CIF" s'impose avec le réseau inter-organisationnel comme des outils nouveaux pour la mise au
point d'un avantage stratégique de différenciation (Banking Software Review, 1988; CIO, 1988a;
CIO, 1988b).
La difficulté qu'ont les managers à formuler un impact précis du dossier fichier client
intégré sur la performance tient à la difficile exploitation du potentiel d'un fichier client intégré: il
devra en même temps assurer la croissance de l'entreprise, son positionnement sur des segments
précis et permettre une offre pro-active de produits et des services par les succursales. Ce qui fait
que ce dossier est souvent "mal cerné" par les succursales et par des membres de la haute
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direction. C'est ce qu'écrit Adler (1988), dans le contexte de l'automatisation flexible: "...with
technology's continued acceleration, each new step in automation is a bigger one, which
fichier client intégré est en train de se construire. Mais cette configuration ne peut pas se calquer
sur le fonctionnement politique, pratique et théorique des banques actuelles: pour s'installer cette
processus de planification stratégique moderne qui laisse aux succursales une marge importante
d'autonomie (voir la figure 2). L'impulsion ne doit plus venir de l'informatique et des
fournisseurs spécialisés: c'est aux gens de marketing et, dans une moindre mesure de
configuration mixte qui se met en place autour du fichier central client est complexe; c'est en fait
une hiérarchie enchevêtrée où les succursales doivent prendre des initiatives sur le marché à
partir des données du fichier central client tandis que les managers au sommet veulent conserver
une cohérence dans les stratégies déployées. La configuration est complexe aussi à cause du
marché. Ce dernier est décloisonné, et dans la mesure où des offres jointes de produits sont
possibles, les succursales doivent, par exemple, à l'aide du fichier central client, marquer des
points dans la vente d'assurances aussi bien que dans la vente d'hypothèques.
nouvelles activités de conseil qui devront bénéficier, avec les opérations de convenance, d'un
gestion des données génère beaucoup de problèmes sur les ordinateurs centraux où les systèmes
d'information ont été développés par produit. L'approche client a conduit les informaticiens à
mettre au point des plate-forme "spaghetti", selon leur propre expression, tant l'adaptation aux
nouveaux systèmes d'information est mal supportée par l'ancienne technologie de la gestion des
données. Il y a ainsi changement d'outils informatiques aussi bien que d'outils de gestion.
L'initiative des succursales est applaudie; les directeurs de succursale doivent être des
entrepreneurs; la formation du personnel et son orientation vers la vente est accélérée, une
fonction marketing en oeuvre au sein même de la succursale est encouragée pour les plus grosses
succursales.
La théorie qui guide cette configuration mixte n'est plus la monnaie plastique ou la
succursales et elle n'est pas toujours clairement soutenue par les ressources et la légitimité du
sommet. Cette configuration mixte crée de l'incertitude et de l'ambiguïté: en son coeur, il n'y a
plus une solution technologique toute prête comme le guichet automatique, il y a seulement des
FIGURE 2.
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A x e p r in c ip a l d e
la g e s t io n d e la
TI pour PR ÉSID EN T
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STR A TÉG IQ U E
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IN FO R MA TIQ U E
C L IE N T S
Conclusion
La banque est connue pour être centrée sur ses opérations plus que sur son
mise en oeuvre stratégique limité. Mais la banque traditionnelle a vécu (Bryan, 1988). Aux
États-Unis, les défis posés aux banques en termes de profitabilité, de part de marché, de
exemple, Business Week, 1990, 1991). Les banques que nous avons observées au Québec sont
financiers.
dans une banque. Qu'est-ce qu'une banque d'ailleurs sinon un ensemble de processus et de
page 20 .
produits informationnels (Porter et Millar, 1985)? Si les efforts d'informatisation des années
1970 jusqu'au début des années 1980 ont pu voir la TI pour l'automatisation se déployer dans un
espace vide (politiquement, pratiquement et théoriquement), le portrait de la fin des années 1980
et des années 1990 est radicalement différent. L’espace de la stratégie change dans et autour de
vide, le guichet automatique est un dispensateur de monnaie relié à l’ordinateur central; dans
kiosques, imprimantes à livrets, terminaux points de vente...) intégrés par des réseaux
étudiée à travers le fichier client ou "CIF", n’offre pas de continuité dans son évolution. Nous
nous expliquons: dans l’espace vide l’information sur l’environnement est peu utilisée. Toutes
les données transactionnelles sont stockées et gérées par des systèmes de base de données qui ne
permettent pas la mise en relation des données contenues dans différents systèmes (prêts, marge
de crédit, hypothèque...) pour obtenir l’image globale d’un client. Dès lors, la création d’un
véritable fichier client intégré qui combine les données transactionnelles avec les données socio-
démographiques impose une réécriture des systèmes transactionnels et la mise en place d’un
dizaines de millions de dollars. Dans un espace habité, qui favorise la comportement stratégique
de la succursale, la distribution de toutes ces données sur des plates-formes locales impose un
déploiement massif à moyen terme; les banques ne semblent pas encore considérer l’ordinateur
comme un médium de communication comme le fait, par exemple, American Airlines avec son
projet InterAAct (voir Hopper, 1990). Les applications supportant l'interaction seraient pourtant
page 21 .
un facteur essentiel de renouveau au sein de ces organisations (voir la figure 3 qui illustre cette
configuration).
FIGURE 3.
A x e p r in c ip a l
d e g e s t io n
PLANIFICATION
d e la T I
PRÉSIDENT
STRATÉGIQUE
p o u r l’in t e r a c t io n
V-P
V-P MARKETING V-P FINANCES
INFORMATIQUE
V-P
OPÉRATIONS
V-P
V-P BANQUE V-P FIDUCIE V-P COURTAGE
ASSURANCES
G E S T IO N N A IR E S
EM P L O Y É-ES
Nous avons observé des changements majeurs dans les organisations choisies pour la
est un informaticien qui vient directement d'un poste de direction de l’informatique; ici une
filiale conjointe est créée pour centraliser les opérations informatiques, ailleurs les succursales
gèrent elles-mêmes leur plate-forme micro-informatique. Ces faits ne sont que des indices de
théoriquement des changements se produisent: des légitimités changent (notamment celle des
informaticiens et des marketeurs), des nouveaux outils émergent (comme les bases de données
page 22 .
centrales distribuées sur les plates-formes locales) et des nouvelles visions prévalent (comme
celles des directeurs de succursales). Il y a dix ans, un banquier, fasciné par la configuration
Demain, dans des marchés segmentés et une industrie décloisonnée, le slogan risque de
devenir (voir Adler, 1990): le système, c'est la capacité d'apprentissage des succursales! C'est à
dire une configuration mixte d'espace habité et de TI pour l'interaction. Entre ces deux
pour la représentation.
Dans cette communication, nous avons voulu distinguer trois formes de la TI pour les
mettre en relation avec trois espaces de la stratégie. Nos premières données nous indiquent que
les organisations gèrent, de façon implicite et après coup, des configurations mixtes de
théoriques de ces configurations nous décrivons des processus stratégiques (aspects politiques),
l'action). Ainsi, en incluant une observation des technologies de l'information, cette recherche est
une contribution au travaux de pionniers effectués par Miller et Friesen (1984) et Miller (1990)
sur les configurations organisationnelles. Comme les autres facteurs décrits par Miller (1990), les
peuvent mener au succès; utilisées à l'extrême, elles peuvent mener au désastre. Mais toujours
environnement, à une plus grande rapidité et flexibilité d'action et à mieux supporter une grande
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