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TROIS CONFIGURATIONS POUR LA GESTION STRATÉGIQUE DES

DOSSIERS DE LA TECHNOLOGIE DE L’INFORMATION:


UNE ÉTUDE DANS LE SECTEUR DES SERVICES BANCAIRES ET
FINANCIERS1

Communication primée à la 1ère conférence internationale de gestion stratégique,


École des HEC, Montréal, octobre 1991, à paraître sous forme de partie de livre chez Économica,
Paris, 1992.

par

Albert Lejeune
Professeur DSA-UQAM

1
Remerciements: cet article doit beaucoup aux contributions des membres de mon comité de thèse: les
professeurs Jean-Guy Desforges et Taïeb Hafsi (École des HEC), Lin Gingras (Université Laval) et Gilles St-Amant
(UQAM). Nous sommes particulièrement redevable aux professeurs Jan Jorgensen (Université McGill) et Nadia
Thalmann (École des HEC et Université de Genève) pour leur support lors de l'élaboration de notre cadre
conceptuel. Les informateurs et informatrices rencontrés-es durant la cueillette de données sur le terrain m'ont été
d'une aide inestimable pour mettre de l'ordre dans ma perception de leur réalité; leur anonymat sera respecté ici. Des
échanges approfondis avec des collègues comme Vincent Sabourin et Pierre Cossette (UQAM) ainsi que les
responsables de la recherche du Groupe DMR (Messieurs Jean-Marc Proulx, Roger Fortin et André Dubuque) m'ont
permis plus de clarté et de concision.
page 2 .

Introduction

Le but de cette communication est de discuter en profondeur des liens entre la

technologie de l'information, la stratégie et la performance dans les grandes organisations. Nous

proposons pour cela un cadre conceptuel qui permet la description de configurations mixtes de

la technologie de l'information2 (la TI), de stratégie et de performance3 . La description de ces

configurations et de leur lien avec la performance fait actuellement, de notre part, l'objet d'une

recherche empirique auprès de plusieurs entreprises du secteur des services bancaires et

financiers en France et au Québec. Des données préliminaires, issues de cette recherche, seront

utilisées pour illustrer les liens entre la TI, la stratégie et la performance.

Le texte est présenté de la façon suivante: 1. nous commençons par revoir l'importance

stratégique de la TI qui a été plutôt abordée dans les années 1980 comme contenu stratégique, 2.

nous précisons ce que nous entendons par "forme de la TI", une catégorie de la TI qui nous

oriente vers une approche des processus stratégiques liés à la gestion de la TI, 3. nous proposons

une série de trois configurations mixtes de stratégie et de technologie de l'information, 4. nous

rendons compte de nos premières données cueillies sur le terrain au sujet de l'existence de ces

configurations et 5. nous concluons en développant une théorie sur l'existence de ces


configurations.

L'importance stratégique de la technologie de l'information

Pour traiter des liens entre la TI et la stratégie, la littérature des années 1980 a surtout

retenu le concept d'arme stratégique. Pour décrire les liens entre TI et performance, cette même
2
Child (1987) propose comme définition de la technologie de l'information l'ensemble des applications et du
matériel qui sert au traitement et à la communication à distance de l'information. De façon générale les auteurs
s'accordent pour définir par la TI (technologie de l'information) la fusion, matérielle et logicielle, des technologies de
l'informatique avec celles des télécommunications.
3
Nous distinguerons trois aspects de la performance: la performance financière (réduction des coûts, retour sur
l'investissement, profitabilité), la performance d'affaires (parts de marché, positionnement) et la capacité stratégique
(par exemple, un contexte stratégique favorable à l'innovation).
page 3 .

littérature a retenu la mesure du retour sur l'investissement réalisé en technologie de

l'information.

Le concept d'arme stratégique se retrouve dans l'analyse de Scott Morton et Rockart

(1984) qui dégagent de l'analyse de cas la présence de mouvements stratégiques inédits, issus de

la technologie de l'information. Porter et Millar (1985) voient à l'aide de l'analyse de la chaîne

de production de valeur et de la grille stratégique de Porter (1980) de nouvelles façons de

développer des avantages compétitifs et de nouvelles stratégies à partir de la TI. C'est aussi,

d'une façon très systématique, le cas de Wiseman (1985) qui conçoit une grille de cinq coups

(différenciation, avantage coût, innovation, croissance, alliance) à jouer, à l'aide de la

technologie de l'information, sur les trois cibles des clients, fournisseurs et concurrents.

Pour ce qui est de la performance, on peut souligner, avec Kauffman et Weill (1989),

que ces recherches se sont faites, la plupart du temps, à partir des théories macro et micro-

économiques.

A l'issue des années 1980, nous avons une compréhension des liens entre la TI et la

stratégie qui est axée sur la formulation de stratégies nouvelles ou sur le contenu stratégique. Le

contenu stratégique concerne plutôt le secteur industriel qui entoure la firme. Ainsi Porter et

Millar (1985) ont-ils établi que la technologie de l'information modifiait les règles de la

compétition: 1. en changeant la structure industrielle, 2. en créant de nouveaux avantages

compétitifs, et 3. en démarrant des affaires complètement nouvelles. Des auteurs, de plus en plus

nombreux, ont travaillé les notions d'arme stratégique (Parsons, 1983; Benjamin et al., 1984), les

avantages compétitifs des réseaux interorganisationnels (Barrett et Konsynski, 1982; Cash et

Konsinsky, 1984; Johnston et Vitale, 1988) et plus tard leurs avantages coopératifs (Rotemberg

et Saloner, 1989 cité par Venkatraman et Zaheer, 1990). Pour atteindre ces avantages compétitifs

ou coopératifs (Feeny et Ives, 1990), des chercheurs ont analysé les liens entre la stratégie et

l'architecture de la TI (Devlin et Murphy, 1988; Venkatraman, 1989), ainsi que des liens entre la

planification de la stratégie et la planification des systèmes (King et Cleland, 1975) qui

provoquent une réorganisation économique (Clemons et Row, 1989) à travers une intégration
page 4 .

électronique des marchés et des hiérarchies (Williamson, 1975; Malone, Yates et Benjamin,

1987).

La gestion stratégique des "formes de la TI"

En complétant l'approche de l'arme stratégique, qui est plus une approche de type

contenu, nous voulons regarder les processus qui permettent à la TI, déployée massivement une

organisation, de chercher un accrochage avec la stratégie à l'intérieur de l'organisation. Nous

voulons aussi comprendre comment une organisation choisit, dans un contexte organisationnel

précis, de mettre de l'avant tel ou tel dossier de la TI.

L'étude critique de Kauffman et Weill (1988) montre qu'un niveau d'analyse trop global

entraîne la dilution des résultats et l'incapacité pour le chercheur de conclure sur le "comment" et

le "pourquoi" des liens entre technologie de l'information, stratégie et performance. Comme nous

voulons poursuivre une approche contextuelle, l'unité d'analyse que nous retenons pour la TI doit

être reconnue comme telle par les décideurs de l'organisation. Nous suivons en cela l'approche

de Bower et des Politiques générales d'administration. Bower (1982) insiste pour définir le

champ de PGA comme celui d'une aide ou d'un apport à la haute direction pour traiter les

problèmes, les dossiers, les situations ou les aspects centraux de la firme.

Comment classer les dossiers de la TI pour pouvoir décrire leurs relations avec la

stratégie? La littérature en MIS permet de distinguer trois étapes dans le développement

technique des systèmes: d'après Boyton et Zmud (1987), la gestion des TI est passée d'une étape

d'adaptation de la TI au fonctions centrales de la firme (1965-1975) à une étape (1975-1985) de

support aux managers et aux professionnels ainsi qu'à une extension des applications centrales

("core" applications) vers l'extérieur de l'organisation. Cette évolution des SI a débuté (1965-

1975) par des traitements effectués sur des données, s'est spécialisée (1975-1985) dans la

fabrication d'information pour le décideur et consiste maintenant à fournir de la connaissance.

Mais ce qui change n'est pas seulement la technologie. Le changement vient des nouveaux
page 5 .

objectifs qui peuvent être assignés à la TI dans l'organisation. D'un premier mot d'ordre,

largement répandu, d'automatisation des opérations et des transactions, la TI sert à mieux

analyser et à mieux représenter4 aux gestionnaires l'organisation et son environnement, et elle

est maintenant chargée de faire communiquer entre elles plus de personnes et plus vite.

Nous posons, dans le cadre de notre recherche, que les diverses applications de la TI

(les différents SI d'une organisation) se classent en trois formes de la TI selon la nature de

l'objectif qui leur est assigné dans l'organisation. Nous distinguons les trois formes suivantes de

la TI:

1. la forme de la TI pour l'automatisation des traitements effectués sur des données

opérationnelles et transactionnelles.

2. la forme de la TI pour la représentation comprend les systèmes d'information qui

complètent l'espace de représentation propre au gestionnaire en situation de résolution de

problème en lui fournissant les informations adéquates.

3. la forme de la TI pour l'interaction permet l'échange d'informations et

d'expériences entre les membres d'un groupe afin d'accélérer l'apprentissage et la création de la

connaissance (Schein,1988; Nonaka,1988).

Nous utilisons le concept de forme de la TI pour désigner un arrangement particulier,

propre à chacune des formes de la TI, entre les ressources matérielles, les ressources logicielles et

les ressources humaines (les spécialistes et les usagers) qui sont les composantes actives d'un

système d'information (O'Brien, 1990).

Illustrons maintenant ces trois formes de la TI dans le secteur des services bancaires et

financiers. Dans une banque, les guichets automatiques, les terminaux point de vente, les

réseaux de communication bancaires, les systèmes de traitement automatique des chèques, les

transferts de fonds électroniques et les systèmes d'échange de données informatisé sont des

dossiers qui appartiennent à la forme de la TI pour l'automatisation des opérations et des

transactions. Cette forme de la TI permet l'automatisation d'opérations auparavant manuelles; les


4
Dans le sens de Simon (1969): "Solving a problem means representing it"
page 6 .

transactions sont facilitées et accélérées par l'existence de réseaux électroniques et de procédures

d'échange de messages et de documents.

Toujours dans une banque, le fichier client intégré, ou Customer Integrated File, les

systèmes experts, les systèmes d'aide à la prise de décision, les systèmes de télémarketing, les

systèmes d'information pour les dirigeants sont des dossiers de la TI pour la représentation. Il

s'agit de produire de l'information à partir de données et de modèles et de les acheminer vers les

utilisateurs.

Enfin, les systèmes de courrier électronique intelligent, d'aide à la prise de décision de

groupe et tout autre interface organisationnel intelligent susceptible d'améliorer la connexité de

l'organisation (Malone, 1985) sont des dossiers qui relèvent de la forme de la TI pour

l'interaction. En utilisant l'ordinateur comme un médium de communication (Winograd et

Flores, 1986), cette forme de la TI permet la coordination des acteurs de l'entreprise et le suivi

d'actions communes.

En rencontrant successivement, ou simultanément, ces trois formes de la TI,

l'organisation va gérer, de l'automatisation à la représentation et à l'interaction, des architectures

distinctes (de centralisée à distribuée ou client/serveur), des problèmes d'implantation distincts

(la machine qui automatise, l'usager autonome qui doit être formé et supporté, l'intégration par la

TI des acteurs des équipes de travail), et différentes générations de logiciels (orientés sur les

traitements, sur les données et sur les bases de connaissance).

L'espace de la stratégie et la technologie de l'information:


vers des configurations mixtes

Nous présentons ici la notion d'espace de la stratégie, dérivée des sciences cognitives

(l'espace de représentation)5 et de la sociologie de l'architecture (l'espace de représentation de

l'architecte).

Un sociologue de l'architecture, Raymond (1984), définit l'espace de représentation de

5
Voir Newell et Simon, 1972
page 7 .

l'architecte comme étant en même temps une légitimité sociale codifiée par un pouvoir (la

légitimité de représenter en construisant), un ensemble de procédés de techniques et de

pratiques, et un complexe d'outils et de formes mentales aptes à la représentation. L'espace

de la stratégie comprend ainsi (i) la légitimité de représenter, c'est-à-dire le pouvoir de formuler

et de mettre en oeuvre une stratégie, (ii) les outils concrets de ce travail de représentation, par

exemple le processus de planification stratégique et (iii) les théories qui sous-tendent ce travail

de représentation, par exemple la vision du leader ou la recherche du "fit" avec l'environnement.

Raymond (1984) utilise une typologie en trois points de ces espaces: (i) l'espace vide,

(ii) l'espace programmatique, et (iii) l'espace habité. La cohérence conceptuelle des notions

d'espace de la stratégie et de mode stratégique (Mintzberg, 1973) est remarquable; elle permet de

mieux rendre compte des nouvelles pratiques comme les cercles de qualité, le consensus, et

l'intrapreneurship.

L'espace vide correspond au mode entrepreneurial. Il est caractérisé par la vision de

l'entrepreneur: par sa vision d'un territoire à occuper dans le futur. À l'intérieur d'un espace

politique, pratique et théorique vide, parce que vidé des contraintes qui s'opposent à sa

trajectoire, l'entrepreneur recherche activement de nouvelles opportunités, développe son

pouvoir personnel, prend des décisions majeures, provoque des changements radicaux et se bat

pour la croissance d'un "empire".

L'espace programmatique est, comme le mode planificateur, caractérisé par la

formulation et la mise en oeuvre du plan. Face à l'environnement, dans un espace

programmatique, le sommet de l'organisation et le staff de planification stratégique planifient et

replanifient une séquence de mouvements qui doivent mener au but défini. Les analystes jouent

les rôles clés, l'analyse est pratiquée systématiquement, les décisions sont intégrées en une ou des

stratégies. L'espace de la représentation est défini par les outils pratiques de la planification et les

théories disponibles (analyse industrielle, courbe d'expérience, gestion du portefeuille

d'activités...).

L'espace habité ne connaît pas nécessairement les caractéristiques négatives (du point
page 8 .

de vue de la performance organisationnelle) du mode adaptatif de Mintzberg (1973), à savoir

l'absence de buts clairs, la pratique de solutions réactives, les petits pas incrémentaux et les

décisions disjointes. L'espace habité offre à de multiples sujets légitimés l'occasion de prendre

des initiatives à l'intérieur d'un contexte stratégique qui favorise l'innovation et le changement.

Ce type d'espace se caractérise par une certaine autonomie structurelle et un haut degré de

consensus à l'intérieur du groupe. Dans l'espace habité, la théorie de la représentation est

construite en groupe, ex-post (voir Weick, 1979) et la stratégie est émergente.

Notre compréhension de l'espace de la stratégie ne désigne pas d'abord un

comportement face à l'environnement qui pourrait être ramené à une manoeuvre d'attaque ou de

défense. L'espace de la stratégie désigne un espace, politique, instrumental et théorique,

pour la décision et pour l'action individuelle et collective à l'intérieur, et à l'extérieur de


l'organisation. Selon les organisations et les environnements, le leader, le plan, ou le consensus

du groupe caractérisent l'étendue et le fonctionnement de cet espace.

Vers des configurations mixtes de stratégie et de TI

Notre recherche, qui vise à construire une théorie sur les relations entre le concept

d'espace de la stratégie et celui de forme de la TI, sera guidée par trois propositions de base qui

concernent l'existence de configurations mixtes d'espace de la stratégie et de formes de la

technologie de l'information de la façon suivante:

-l'espace vide semble le plus apte à recevoir la forme de la TI pour

l'automatisation.

-l'espace programmatique semble le plus apte à la TI pour la représentation.

-l'espace habité semble le plus apte la TI pour l'interaction.


Chacune des configurations mixtes aurait une relation spécifique avec la performance

organisationnelle:

-la première configuration mixte, l'espace vide et la forme de la TI pour


page 9 .

l'automatisation, favoriserait la réduction des coûts.

-la deuxième configuration mixte, l'espace programmatique et la TI pour la

représentation, favoriserait le positionnement stratégique.

-la troisième configuration mixte, l'espace habité et la forme de la TI pour

l'interaction, favoriserait l'innovation.

À la recherche des configurations mixtes sur le terrain

Nous arrivons à une présentation sommaire de quelques données empiriques, issues de

nos entrevues et de notre cueillette de données. Nous avons retenu pour cette recherche une

seule industrie, l'industrie québécoise des services bancaires et financiers, et partant de la notion

de forme de la TI, nous avons retenu trois dossiers de la TI: le dossier des guichets automatiques

pour illustrer la forme de la TI pour l'automatisation, le dossier du fichier client intégré pour

illustrer la forme de la TI pour la représentation et les systèmes d'aide à la prise de décision de

groupe pour illustrer la forme de la TI pour l'interaction.

Dans un travail de recherche préliminaire (1985-1989), nous avons additionné une

quarantaine d'heures d'entrevues avec des consultants en systèmes d'information et des

gestionnaires intermédiaires dans l'industrie bancaire, en France et au Québec. Actuellement

(1990-1991), nous avons terminé une série d'entrevues systématiques auprès de la haute direction

(le niveau des vice-présidents-es) de trois entreprises bancaires, différentes par leur taille, leur

structure, et leur philosophie des affaires. Il s'agit d'entrevues en profondeur (McCracken, 1988),

d'une durée de 2 à 3 heures. Ces entrevues sont enregistrées au magnétophone, transcrites

intégralement, codées (voir Miles et Huberman, 1984; Strauss et Corbin, 1990) et analysées.

Une douzaine de ces entrevues ont été réalisées dans les trois organisations choisies pour la

recherche. Dans cette communication, nous mettrons l'accent sur quelques thèmes apparus

systématiquement lors de nos échanges avec les managers6 ainsi que sur des changements
6
Chaque entrevue porte directement sur les trois dossiers de la TI que nous avons retenu pour illustrer chacune
page 10 .

majeurs qui se produisent ou se sont produits dans les organisations observées.

le dossier des guichets automatiques et l'espace vide

Le dossier: les guichets automatiques

Déjà en 1970, la banque One installait le premier guichet automatique suivie, sur une

plus grande échelle, par Citicorp (Info Week, 1986a), tandis que plusieurs réseaux de guichets

automatiques sont en émergence aux États-Unis (Clemons, 1990). Depuis une quinzaine

d'années, les guichets automatiques, ex-distributeurs automatiques de billets aujourd'hui capables

d'initier une multitude de transactions bancaires, sont présents au Québec. Hier installés pour

gagner un avantage compétitif dans l'industrie, ils sont aujourd'hui générateurs d'avantages

coopératifs à travers l'interconnection des réseaux de guichets des banques canadiennes sous le

nom de réseau Interac.

L'appartenance à la forme de la TI pour l'automatisation

Spontanément, lors du tour d'horizon avec nos informateurs-trices, ce dossier est relié à

d'autres dossiers qui appartiennent à la catégorie de la forme de la TI pour l'automatisation. La

haute direction de ces trois organisations lie la problématique des guichets à l'imprimante de

livrets, aux systèmes vidéo de communication avec la clientèle sur le site de la succursale, aux

terminaux point de vente (ou POS pour Point Of Sale ), aux liaisons téléphone-ordinateur à

l'aide des boîtes vocales (audiotexte), à la télématique, au paiement direct, au réseau partagé

Interac et aux réseaux concurrents de transfert de données initiés par les commerçants. Le

des trois formes de la TI: les guichets automatiques, le fichier client intégré et les systèmes d'aide à la prise de
décision de groupe. Chaque entrevue commence par un tour d'horizon de ces trois dossiers, nous examinons ensuite
la contribution de chacun des dossiers à la performance et nous terminons par les problèmes, les obstacles, les défis
qu'ont soulevés ces trois dossiers lors de leur formulation et lors de leur implantation.
page 11 .

premier échange, non directif, sur le thème des guichets automatiques souligne, du point de la

haute direction, une certaine unité conceptuelle des dossiers qui relèvent de la TI pour

l'automatisation des opérations et des transactions. Cette unité conceptuelle vient de ce qu'un

même phénomène est à la base de ces dossiers de la TI pour l'automatisation: les transactions des

clients sont de moins en moins initiées à partir d'un formulaire rempli par un-une employé-e mais

de plus en plus initiées électroniquement à partir d'une instruction donnée par le ou la client-e au

clavier d'un guichet automatique, d'un terminal point de vente, d'un téléphone ou d'un micro-

ordinateur. De plus ces transactions impliquent d'autres intervenants que le client et son

banquier: par exemple, le marchand qui a vendu un bien ou un service au client et le banquier du

marchand. En attendant la diffusion de la carte à mémoire que le client pourra recharger dans un

guichet automatique, les guichets automatiques émettent déjà des bons à dépenser ("script

money") dans des succursales de la SAQ (Société des alcools du Québec) qui interdit la carte de

crédit et impriment des cartes mensuelles pour le transport public (carte CAM). Bientôt les

banques complèteront leur stratégie d'offre globale intégrée électroniquement en connectant

directement les caisses enregistreuses des marchands au détail à leurs ordinateurs centraux,

comme ils le font déjà en acheminant les commandes et en effectuant les paiements des grandes

chaînes de distribution par l'EDI (l'échange de données informatisé).

La contribution à la performance

Une partie de nos informateurs souligne la réduction des coûts comme étant la

contribution à la performance des guichets automatiques. Cette réponse est cohérente avec

Parker et Benson (1988): comme la TI en général, les guichets automatiques ont été justifiés par

un retour important sur l'investissement par la suppression d'emplois (ce qui ne s'est pas avéré

exact dans les entreprises observées) et accélère les transactions et les opérations.

Mais une autre réponse nous est souvent apportée: les guichets automatiques coûtent

cher aux banques. S'ils divisent par deux ou trois le coût d'une transaction, ils multiplient
page 12 .

également par deux ou trois le nombre des transactions de base effectuées par le client. Les

guichets automatiques n'ont pas réussi, au Québec, à faire faire par le client les opérations de

convenance qu'il faisait auparavant au comptoir. La contribution du guichet automatique à la

performance se situe actuellement, pour ces managers, en terme de positionnement, géographique

et technologique, à travers une offre de services de convenance automatisés et des services

conseil personnalisés.

FIGURE 1.

A x e p r in c ip a l d e g e s t io n
d e la T I p o u r
PLA N IFIC A TIO N
l’a u t o m a t is a t io n PR ÉSID EN T
STR A TÉG IQ U E

V- P
V- P M A R K ETIN G V- P F IN A N C ES V- P O PÉR A TIO N S
IN FO R M A TIQ U E

F O U R N IS S E U R T I

LE DOSSIER DES GUICHETS AUTOMATIQUES ET L'ESPACE VIDE: LA


CONFIGURATION DE DÉPART

Un espace de la stratégie: commentaires sur l'espace vide

Dans les processus d'implantation des guichets automatiques au Québec, nous pourrions

distinguer deux configurations. La configuration mixte d'espace vide et de TI pour

l'automatisation correspond à la première implantation massive de ces guichets (voir la figure 1).
page 13 .

En terme de légitimité, le dossier des guichets automatiques a été géré au sommet de

l'organisation qui était, dans ce dossier de la TI, "en phase" avec la vice-présidence informatique.

L'implantation massive et rapide a été décrétée par le sommet qui a fixé les points de service et

géré directement, à partir du siège social, le réseau de guichets installé. Pour des raisons qui

tournent autour de l'autonomie des succursales, les installations de guichets ont suivi dans les

banques coopératives une logique d'équipement des succursales et non d'implantation stratégique

de guichets hors site sur des lieux d'achalandage (centre-ville, centres d'achat, lieux de travail

etc).

En terme d'outils utilisés dans cet espace de la stratégie, nous retrouvons l'action

puissante des leaders au sommet: principalement la présidence et la vice-présidence

informatique. Ce dossier est lié intimement à l'offre technologique des fournisseurs

informatiques comme IBM, NCR ou Diebold. Cette origine technique du dossier des guichets

automatiques va renforcer la légitimité des actions de la vice-présidence informatique.

En terme de théorie, le sommet voit, dans sa décision d'implantation des guichets

automatiques, la banque du futur: chez les plus innovateurs, une vision de la monnaie plastique,

de la carte à mémoire et de l'automatisation des transactions prévaut. L'implantation de guichets

automatiques appartient alors à une vision du sommet qui doit anticiper ce que sera la banque de

demain. Cette première configuration mixte utilise un accrochage particulier d'un dossier de la TI

pour l'automatisation avec la stratégie. Nous observons, à l'origine de l'implantation du dossier,

l'établissement d'un lien privilégié entre la vice-présidence informatique et la présidence pour sa

formulation et son implantation. Cet axe principal de gestion, illustré à la figure 1, est en liaison

étroite avec les fournisseurs de technologie de l'information: dans ce cas précis, les fournisseurs

de guichets automatiques.

Mais cette configuration mixte ne cesse d'évoluer. De 1980 à 1990, au Québec, le lien

entre espace vide et guichet automatique se transforme parce que le guichet automatique n'est

plus lié d'abord à la réduction des coûts mais bien au positionnement sur les marchés, surtout sur

les marchés urbains où une majorité de transactions sont effectuées sur des guichets situés dans
page 14 .

les succursales ou sur les lieux d'achalandage (guichets hors site).

En 1990 le guichet automatique n'est plus ce robot qu'il suffit de connecter à

l'ordinateur central. Nous pouvons observer sa transformation en deux grands dossiers: 1. un

dossier de l'infrastructure, matérielle et logicielle, de communication intra et inter banques 7 où

l'enjeu est l'installation, par l'industrie bancaire canadienne, des grands réseaux concurrents aux

réseaux électroniques des chaînes de distribution américaines et 2. le dossier de l'offre intégrée de

services bancaires et financiers automatisés, dont fait partie le libre service à l'aide d'appareils

activés par le client (Customer Activated Devices ) qui doit permettre un meilleur positionnement

de la banque. La configuration mixte espace vide-TI pour l'automatisation

continue à exister autour d'un axe qui réunit le Président, la Vice-Présidence informatique (où les

ingénieurs en télécommunication tendent à remplacer les informaticiens dans ce domaine des

télécommunications) et les fournisseurs en infrastructure de télécommunications. Mais le dossier

des guichets automatiques est sorti de cette configuration pour entrer, comme le fichier central

client, dans un espace programmatique, où les gestionnaires du plan et du marketing jouent un

rôle essentiel (voir la figure 2). Le guichet automatique doit se justifier maintenant à l'intérieur

d'une offre intégrée de services automatisés (où se retrouvent les terminaux point de vente, le

dépôt direct, le distributeur simple de billets, l'imprimante de livret...); de par sa nouvelle

programmabilité locale, il est devenu un des outils de mise en oeuvre de la stratégie de la

succursale; comme machine évolutive programmable à distance, il fait partie d'un potentiel

stratégique innovateur; de par sa position géographique enfin, il contribue à la conquête de

segments nouveaux dans les marchés urbains.

7
À ce sujet, les revues spécialisées soulignent que des groupes stratégiques pour l'implantation de la TI sont
établis au plus haut niveau (Bank Systems and Equipment, 1989a), notamment sous la forme de plan d'action
exécutif (Best's Review, 1988); que sommet stratégique cherche à établir les bases de communication nécessaires
pour développer l'activité bancaire au niveau global (mondial) (Microprocessing & Microprogramming, 1988) (avec
la banque de Boston et la banque One, la Citicorp est souvent citée en exemple: elle a investi en cinq ans (de 1979 à
1984) plus de trois milliards de dollars U.S. en matériel et logiciels pour de multiples applications; la dernière étant
son réseau global de transactions (Info Week, 1986b)).
page 15 .

le dossier du fichier client intégré et l'espace programmatique

Le dossier: le fichier client intégré

A partir du moment où la TI cesse d'être placée exclusivement sous le contrôle de

spécialistes en systèmes pour s'ouvrir sur les défis internes8 et externes9 de la stratégie

(Andrews, 1980), de nouveaux dossiers de la TI apparaissent. Il s'agit pour les banques, à l'aide

de la TI, de développer leur connaissance des clients actuels ou futurs. Les applications de base

sont essentiellement la base de données structurée autour du dossier client ou Customer

Information File, le télémarketing et tous les outils d'analyse ou d'aide à l'analyse de ces données

brutes pour affiner la segmentation du marché et améliorer la planification stratégique.

L'appartenance du fichier client intégré à la forme de la TI pour la représentation

Pour nos informateurs-trices, ce dossier du fichier client intégré est distinct des dossiers

traditionnels de la TI. Il y a cinq ans ou dix ans, selon les organisations, ce dossier n'était l'objet

d'aucune recherche ou tentative de formulation. L'impulsion vient essentiellement des

gestionnaires du marketing qui veulent à leur disposition, et à la disposition des succursales, de

l'information complète sur les clients et le marché pour parfaire leur segmentation du marché.

Dans les entrevues, ce dossier est relié spontanément aux outils d'analyse de l'information ainsi

produite comme les systèmes d'aide à la prise de décision.

Toutefois, à la différence du dossier précédent, ce dossier questionne également les

logiciels actuels de gestion des données qui sont installés sur les systèmes centraux (comme

"IMS" d'IBM) et la capacité de ces systèmes de reçevoir des systèmes relationnels de gestion de

bases de données (comme "DB2" d'IBM). Autant la TI pour l'automatisation questionne les

interfaces avec le client et les infrastructures de communication, autant la TI pour la

8
Comme le passage d'une culture bureaucratisée à une culture proactive de vente, et le passage d'une emphase
traditionnelle sur les opérations à un focus sur la stratégie.
9
Comme le décloisonnement des quatre piliers des services financiers et la déréglementation qui favorisent de
nouveaux concurrents.
page 16 .

représentation questionne la gestion des données dans l'organisation ainsi que la production de

l'information pour les gestionnaires, aux niveaux opérationnel et administratif. Deux

dynamiques distinctes sont à l'oeuvre et tentent de se rapprocher: l'élaboration, par les gens du

marketing, d'un système d'information marketing (SIM) et la réécriture, par les informaticiens,

des systèmes opérationnels (comptes chèques, comptes d'épargne, hypothèques...) pour obtenir

une vision intégrée des produits détenus par un client.

La contribution à la performance

Tous nos informateurs décrivent comme critique pour la performance future de leur

organisation le succès de ce dossier dans les prochaines années. Si ce dossier est perçu comme

extrêmement critique, les arguments en sa faveur sont parfois vagues: les informateurs-trices ne

soulignent plus l'impact sur les coûts comme ils ou elles le faisaient pour le premier dossier. Les

gestionnaires sont à la recherche de performance en terme de positionnement de leurs produits et

services. Dans une industrie décloisonnée, les nouveaux circuits de distribution exigent une

structuration des données en fonction des clients. Le concept de dossier d'information sur le

consommateur ("CIF", pour Customer Information File ) doit alors permettre la vente croisée, la

gestion des relations avec le client, l'analyse de la profitabilité des différents segments du marché,

l'aide à la planification stratégique et la confection de rapports aux gestionnaires. Le concept de

"CIF" s'impose avec le réseau inter-organisationnel comme des outils nouveaux pour la mise au

point d'un avantage stratégique de différenciation (Banking Software Review, 1988; CIO, 1988a;

CIO, 1988b).

La difficulté qu'ont les managers à formuler un impact précis du dossier fichier client

intégré sur la performance tient à la difficile exploitation du potentiel d'un fichier client intégré: il

devra en même temps assurer la croissance de l'entreprise, son positionnement sur des segments

précis et permettre une offre pro-active de produits et des services par les succursales. Ce qui fait

que ce dossier est souvent "mal cerné" par les succursales et par des membres de la haute
page 17 .

direction. C'est ce qu'écrit Adler (1988), dans le contexte de l'automatisation flexible: "...with

technology's continued acceleration, each new step in automation is a bigger one, which

increases the ambiguity of objectives and of paths to attaining them" (p.44).

L'espace de la stratégie: commentaires sur l'espace programmatique

Cette configuration mixte de l'espace programmatique et d'un dossier critique comme le

fichier client intégré est en train de se construire. Mais cette configuration ne peut pas se calquer

sur le fonctionnement politique, pratique et théorique des banques actuelles: pour s'installer cette

configuration exige le changement.

Changement de légitimité d'abord. L'espace programmatique doit mettre de l'avant un

processus de planification stratégique moderne qui laisse aux succursales une marge importante

d'autonomie (voir la figure 2). L'impulsion ne doit plus venir de l'informatique et des

fournisseurs spécialisés: c'est aux gens de marketing et, dans une moindre mesure de

planification stratégique, qu'il revient de mener les développements dans ce domaine. La

configuration mixte qui se met en place autour du fichier central client est complexe; c'est en fait

une hiérarchie enchevêtrée où les succursales doivent prendre des initiatives sur le marché à

partir des données du fichier central client tandis que les managers au sommet veulent conserver

une cohérence dans les stratégies déployées. La configuration est complexe aussi à cause du

marché. Ce dernier est décloisonné, et dans la mesure où des offres jointes de produits sont

possibles, les succursales doivent, par exemple, à l'aide du fichier central client, marquer des

points dans la vente d'assurances aussi bien que dans la vente d'hypothèques.

L'offre de services conseil va exiger la réorganisation de la succursale au profit des

nouvelles activités de conseil qui devront bénéficier, avec les opérations de convenance, d'un

environnement bureautique évolué et de nouvelles applications de type système expert. La


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gestion des données génère beaucoup de problèmes sur les ordinateurs centraux où les systèmes

d'information ont été développés par produit. L'approche client a conduit les informaticiens à

mettre au point des plate-forme "spaghetti", selon leur propre expression, tant l'adaptation aux

nouveaux systèmes d'information est mal supportée par l'ancienne technologie de la gestion des

données. Il y a ainsi changement d'outils informatiques aussi bien que d'outils de gestion.

L'initiative des succursales est applaudie; les directeurs de succursale doivent être des

entrepreneurs; la formation du personnel et son orientation vers la vente est accélérée, une

fonction marketing en oeuvre au sein même de la succursale est encouragée pour les plus grosses

succursales.

La théorie qui guide cette configuration mixte n'est plus la monnaie plastique ou la

banque de demain, c'est le "fit", réalisé localement, de la structure de la succursale, du marché

local et de la stratégie produit/marché.

La configuration est complexe et mouvante: elle concerne de façon inégale les

succursales et elle n'est pas toujours clairement soutenue par les ressources et la légitimité du

sommet. Cette configuration mixte crée de l'incertitude et de l'ambiguïté: en son coeur, il n'y a

plus une solution technologique toute prête comme le guichet automatique, il y a seulement des

données qui attendent, cette fois, une technologie de l'organisation.

FIGURE 2.
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A x e p r in c ip a l d e
la g e s t io n d e la
TI pour PR ÉSID EN T
PLA N IFIC A TIO N
STR A TÉG IQ U E
la r e p r é s e n t a t io n

V- P
V- P M A R K ETIN G V- P FIN A N C ES V- P O PÉR A TIO N S
IN FO R MA TIQ U E

C L IE N T S

LE FICHIER CLIENT INTÉGRÉ ET L'ESPACE PROGRAMMATIQUE

Conclusion

La banque est connue pour être centrée sur ses opérations plus que sur son

environnement. Sa structure est traditionnellement centralisée et son effort de formulation et de

mise en oeuvre stratégique limité. Mais la banque traditionnelle a vécu (Bryan, 1988). Aux

États-Unis, les défis posés aux banques en termes de profitabilité, de part de marché, de

changement culturel, de choix technologiques et de restructuration sont énormes (voir, par

exemple, Business Week, 1990, 1991). Les banques que nous avons observées au Québec sont

elles aussi au milieu de grands changements culturels, structurels et stratégiques suite à la

déréglementation et au décloisonnement de l’industrie canadienne des services bancaires et

financiers.

Quelle peut être alors la contribution de notre recherche dans ce contexte?

Nous soulignerons d’abord l’importance de réfléchir aux déploiements massifs de la TI

dans une banque. Qu'est-ce qu'une banque d'ailleurs sinon un ensemble de processus et de
page 20 .

produits informationnels (Porter et Millar, 1985)? Si les efforts d'informatisation des années

1970 jusqu'au début des années 1980 ont pu voir la TI pour l'automatisation se déployer dans un

espace vide (politiquement, pratiquement et théoriquement), le portrait de la fin des années 1980

et des années 1990 est radicalement différent. L’espace de la stratégie change dans et autour de

l’organisation ce qui offre un nouveau potentiel à la technologie de l’information. Dans l’espace

vide, le guichet automatique est un dispensateur de monnaie relié à l’ordinateur central; dans

l’espace programmatique, il se transforme en une gamme d’interfaces automatisés (guichets,

kiosques, imprimantes à livrets, terminaux points de vente...) intégrés par des réseaux

électroniques continentaux et bientôt mondiaux; dans l’espace habité, le guichet connecté à un

PC programmable localement peut devenir plus qu’une commodité: un véritable outil de

différenciation piloté stratégiquement au niveau de la succursale.

À la différence du guichet automatique, la TI pour la représentation, que nous avons

étudiée à travers le fichier client ou "CIF", n’offre pas de continuité dans son évolution. Nous

nous expliquons: dans l’espace vide l’information sur l’environnement est peu utilisée. Toutes

les données transactionnelles sont stockées et gérées par des systèmes de base de données qui ne

permettent pas la mise en relation des données contenues dans différents systèmes (prêts, marge

de crédit, hypothèque...) pour obtenir l’image globale d’un client. Dès lors, la création d’un

véritable fichier client intégré qui combine les données transactionnelles avec les données socio-

démographiques impose une réécriture des systèmes transactionnels et la mise en place d’un

système relationnel de gestion des données. Il y a là un saut technologique qui se chiffre en

dizaines de millions de dollars. Dans un espace habité, qui favorise la comportement stratégique

de la succursale, la distribution de toutes ces données sur des plates-formes locales impose un

autre saut technologique extrêmement coûteux.

La TI pour soutenir l’interaction entre acteurs et décideurs ne fait pas l’objet de

déploiement massif à moyen terme; les banques ne semblent pas encore considérer l’ordinateur

comme un médium de communication comme le fait, par exemple, American Airlines avec son

projet InterAAct (voir Hopper, 1990). Les applications supportant l'interaction seraient pourtant
page 21 .

un facteur essentiel de renouveau au sein de ces organisations (voir la figure 3 qui illustre cette

configuration).

FIGURE 3.

A x e p r in c ip a l
d e g e s t io n
PLANIFICATION
d e la T I
PRÉSIDENT
STRATÉGIQUE
p o u r l’in t e r a c t io n

V-P
V-P MARKETING V-P FINANCES
INFORMATIQUE

V-P
OPÉRATIONS

V-P
V-P BANQUE V-P FIDUCIE V-P COURTAGE
ASSURANCES

G E S T IO N N A IR E S
EM P L O Y É-ES

LE DOSSIER DES SYSTEMES D'AIDE À LA DÉCISION DE GROUPE ET


L'ESPACE HABITÉ

Nous avons observé des changements majeurs dans les organisations choisies pour la

recherche. Des vice-présidences passent d’une logique fonctionnelle à une logique de

produit/marché; un président se met à diriger directement l’informatique; un directeur de produit

est un informaticien qui vient directement d'un poste de direction de l’informatique; ici une

filiale conjointe est créée pour centraliser les opérations informatiques, ailleurs les succursales

gèrent elles-mêmes leur plate-forme micro-informatique. Ces faits ne sont que des indices de

changements en profondeur de l'espace de la stratégie. Politiquement, pratiquement,

théoriquement des changements se produisent: des légitimités changent (notamment celle des

informaticiens et des marketeurs), des nouveaux outils émergent (comme les bases de données
page 22 .

centrales distribuées sur les plates-formes locales) et des nouvelles visions prévalent (comme

celles des directeurs de succursales). Il y a dix ans, un banquier, fasciné par la configuration

mixte d'espace vide et de technologie de l'information pour l'automatisation pouvait s'exclamer:

le produit, c'est le système! Un système largement automatisé, intégré et accessible en libre

service par le client.

Demain, dans des marchés segmentés et une industrie décloisonnée, le slogan risque de

devenir (voir Adler, 1990): le système, c'est la capacité d'apprentissage des succursales! C'est à

dire une configuration mixte d'espace habité et de TI pour l'interaction. Entre ces deux

configurations, les banques essaient de bâtir un espace programmatique en développant la TI

pour la représentation.

Dans cette communication, nous avons voulu distinguer trois formes de la TI pour les

mettre en relation avec trois espaces de la stratégie. Nos premières données nous indiquent que

les organisations gèrent, de façon implicite et après coup, des configurations mixtes de

technologie de l'information et de stratégie. En étudiant les aspects politiques, pratiques et

théoriques de ces configurations nous décrivons des processus stratégiques (aspects politiques),

des structures (aspects instrumentaux) et des cultures (aspects théoriques, idéologiques de

l'action). Ainsi, en incluant une observation des technologies de l'information, cette recherche est

une contribution au travaux de pionniers effectués par Miller et Friesen (1984) et Miller (1990)

sur les configurations organisationnelles. Comme les autres facteurs décrits par Miller (1990), les

technologies de l'information, utilisées avec intelligence et sensibilité par les gestionnaires,

peuvent mener au succès; utilisées à l'extrême, elles peuvent mener au désastre. Mais toujours

ces technologies, parce qu'elles manipulent de l'information, ont le pouvoir d'amener

l'organisation à une meilleure connaissance d'elle-même, à une meilleure connaissance de son

environnement, à une plus grande rapidité et flexibilité d'action et à mieux supporter une grande

interaction entre les acteurs et les décideurs.

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