Professional Documents
Culture Documents
REVUE BIBLIQUE
Typographie Fimiin-Didot et C". — Paris.
^p^
REVUE BIBLIQUE
PUBLIEE PAR
PARIS
LIBRAIRIE VICTOR LECOFFRE
J. GABALDA, ÉDITEUR
RQE BONAPARTE, 90
1918
E>6
X.
.1-]
SAINT AUGUSTIN,
PÉL\GE, ET LE SIÈGE APOSTOLIQUE
(Ul-417)
(t) AuG. De rjestis Pelagii, 61 : « Post veleres haereses, invecta etiam modo haeresis
est, non ab episcopis seu presbyteris vel quibuscumque clericis. sed a quibusdam veluti
monachis,... (quae) conare'ur chiistianae fidei firmanientum evertere. » I/iid. 65
Haec :
<<
sunt quibus haeresis illius dumeta colidie puUulare, irnino iam silvescere dolebamus. »
l
6 REVUE BIBLIQUE.
rapporter aux livres que j'ai écrits à peine converti et encore laïque,
et que j'ai écrits sans connaître la sainte Écriture comme je l'ai con-
nue plus tard on y verra que dès lors, et pour autant que le récla-
:
(1) Contra Iulian. \i. 3'j. O. Rottmanneh, T)er Augus Unis mua (1892), p. (j.
(2) Lpislul. cxi.iii, :! : « Ej^o proinde fateor me ex eonim numéro esse conari, tiui proti-
(4) Augustin s'en explique loyalement, aussi bien à propos du De libero arbitrio que
du De Gen. adv. Mail, et du De diiabus anim. contra Man. Voyez Retract. I, x, 2 et 3;
XV. 2 et a.
SAINT AUGUSTIN, PELAGE ET LE SIÈGE APOSTOLIQUE. 7
(1) Retract. I, xxm, l.Pour ces traits fondamentaux, voyez Exposit. quar. prop. xiii-
(3) Ibid. XXV « ... ipsius operis magnitudine ac labore delerritus, et in alia faciliora
I, :
detlexus sum. » Voyez du moins son Epistulae ad Rom. inchoata expositio (même période
393-396). Sur Augustin commentateur de saint Paul, R. P. Lagrange, Épître aux Romains
(1916), p. IX.
(4)Reuter, Augustinische Studien, p. 10. Looks, art. « Augustinus » de la Realencykio-
paedie de Hauck, t. II (1897), p. 278-280. Portalié, art. « Augustin » du Dict. de théolo-
gie de Vacant, t. I (1903), p. 2379.
8 REVUE BIBLIQUE.
une grâce déjà, un don gratuit, une vocation non méritée. On posera
ce principe, et on s'y tiendra fermement, immuablement, qu'en Dieu
il n'y a pas d'iniquité; mais non moins fermement et immuablement
on croira que Dieu a pitié de qui il veut, et qu'en cela même Dieu se
conduit selon une équité impénétrable à laquelle nous ne saurions
appliquer les règles de nos contrats humains. Ceux qui ont faim et
soif de la justice peuvent être en paix, ils seront rassasiés un jour.
La nouveauté principale du De diversis qiiaestionibus ad Sunpli-
cianum est dans cette brèche que fait Augustin à la théorie de la con-
naissance religieuse soutenue par lui jusque-là. Je professais, dira-
t-il plus tard, que la foi par laquelle nous croyons en Dieu (entendez :
pensais pas que la foi fût prévenue par la grâce de Dieu, parce que je
n'imaginais pas que la foi fût produite en nous autrement que par la
présentation de la vérité, « credere non possemus si non praecederet
praeconium veritatis ». Nous n'avions donc qu'à consentir à la prédi-
cation de l'Évangile, et ce consentement était de nous, du moins je le
pensais (1). Augustina été ramené de son erreur par la méditation du
texte de saint Paul : Quid habes qiiod non accepisti [I Cor. iv, 7), qui
lui apparu comme l'aftirmation implicite que la foi elle-même est
e.st
(1) Voyez LooFS, art. « Pelagius und der pelagianische Streit de la Realencykl. de >»
(3) Epislul. cLxxxvi, 1. De gestis Pelag. 46 a Rornae constituti Pelagii nomea curn
:
magna eius laude cognovi postea coepit ad nos fama pervenire quod adversus Dei gra-
:
tiam dispularet. »
(fi) Looks, p. 751. Dom de Brlyne, « Étude sur de notre texte latin de saint
les origines
Paul )>, Revue biblique, 1915, p. 358-392, a proposé l'hypothèse que notre Vulgate des épi-
tres paulines serait le texte latin revisé par Pelage et qu'accompagnaient ses Expositiones.
10 REVUE BIBLIQUE.
simulée que fût leur doctrine, il ne parait pas qu'elle ait provoque
à Rome de contradiction (4).
(1) Looks, j». 751-754. Sur les travau.v de Souter, voyez P. Laokange, Épilre aux
Calâtes (1018). p. ix-.\.
(2) Celte couleur .stoïcienne est dénoncée par saint Jérôme dans sa lettre à Ctésiphon.
Epislul. CXXXIIL 1 « venena... quae de pliilosophorum et maxime Pythagorae et Zenonis
:
principis Sloïcoruin fonte manarunl. » Cet aspect du pélagianisme n'a pas échappé a
Augustin, Epislul. clxxwi, 37.
(3) HiERONYM. Epislul. cit. 5.
plus tard à Carthage (2). Mais nous savons que le diacre Paulinus y
prit part il soutint l'accusation contre Caelestius, qu'il pressa de
:
celui d'un prêtre romain nommé Rufmus (pas Rufm d'Aquilée, mais
tout de même un ami de Pammachius), puis refusa d'en révéler d'au-
tres, qu'il connaissait, assurait-il Audivi et pliires esse. » A en
: <c
Caelestius dixit : lam de traduce peccati dixi, quia iutra Catholicam consti-
tutos plures audivi destruere necaon et alios astruere : licet quaeslioDis res sit ista,
non haeresis.
(1) Ibid. Ce Paulinus est l'auteur de la VUa s. Ambrosii écrite en 412-413 à la de-
mande d'Augustin.
(2) De gestis Pelagii, 23. Contra Iulian. in, 4.
chait c'était à savoir qu'Adam avait été créé mortel, et cju'il serait
:
mort soit qu'il péchât, soit qu'il ne péchât point; que le péché
d'Adam avait lésé le seul Adam,
genre humain; que la Loi et non le
que les enfants sont en naissant dans la condition d'Adam avant son
péché; que genre humain dans son universalité
le ne meurt pas plus
par la faute d'Adam qu'il ne ressuscite dans son universalité par la
résurrection du Christ (2). A la négation de l'existence du péché
originel et de la nécessité de la grâce, le concile de Carthage oppose,
au moins par manière de contradictoire tacite, la doctrine de l'exten-
sion à tout le genre humain de la peine encourue par Adam, et la
doctrine de la grâce du Christ seule capable de procurer le salut de
l'homme pécheur : doctrine plus élémentaire que celle qu'Augus-
tin a exposée à Simplicianus quatorze ans plus tôt, doctrine que le
concile ne s'attarde pas à justifier, parce qu'il sait apparemment que,
en ces termes, elle est d'enseignement commun dans la Catholica.
Toutefois, le concile de Carthage n'anathémalise pas formellement
les erreurs qu'il dénonce, comme s'il hésitait à s'engager à fond.
Il est possible aussi c[ue l'évêque de Carthage Aurelius ait estimé
opportun de ne rien brusquer. L'évêque d'Hippone, qui, nous l'avons
vu, n'assistait pas à ce concile de iil, pensait que les erreurs des
novateurs devaient être combattues, mais cju'il était prudent de
laisser ces erreurs anonymes. On corrigerait les fidèles cju'elles
(1) Sur cet api)el, voyez Paulini diaconi libellus Zosimo papae oblatus contra Cacle-
stium, fi [r. L. t. XX, p: 711).
(2) Ces proposiUons sont énoncées par Auc. De (jestis Pelagii, 23, comme étant les pro-
])Osition8 « condamnées m par Aurelius et ses collègues au concile de 411 [audita atquc
(lamnata).
(.'{) kvc. De (jesiis ptlag. 'i(j. Epistul. <;l\xxvi, l : «nomine aucloris (Pelage), ne
...tacilo
ofl'cnsus insanabiiior redderetur », dit Augustin parlant de sou traité De natura et gialui.
Ibid. 2 : « Ita et pernicies destruerelur erroris, et hominis verecundiae parcerelur ».
prestige par leur génie, qu'il estime grand (1). Et il est plus vrai
va s'y employer.
On peut lire dans un sermon qu'il a prêché à cette époque des dé-
clarations comme celles-ci :
Nulius hominum in ista quae ex Adam defluit massa raortalium, nuUus oranino
hominum non aegrotus, nullus sine gratia Cliristi sanalus (2)..
on les porte à l'Église pour y être guéris, l'Église leur prête le cœur
de leurs aînés pour croire, les lèvres de leurs aînés pour professer
leur foi, afin que, infirmes du fait du péché d'un autre, ils soient
Nemo ergo vobis susurret doctrinas aliénas. Hoc Ecclesia sempei- habuit, semper
tenuit, hoc a maiorum fide percepit, hoc usque in finem persévérante!' custodit(3).
traditionnelle. Si, en effet, ces enfants sont sans péché, pourquoi les
baptiser? Pourquoi dans l'Église ne dit-on pas aux fidèles qui les
apportent Pas ces innocents! On ne le leur a jamais dit, on ne le
:
Carthage. Si, dit-il, le baptême n'est pas pour les enfants le salut,
si pour certains baptisés le Christ n'est pas Jésus, c'est-à-dire Sau-
veur, « je ne sais si votre foi peut être reconnue conforme à la
{\)Epistul. Gh^xxsi, a.
(2) Sermo clxxvi, Rapprochez clxv, 9 « Ecce primus home totam massam daranabi-
2. ;
lem fecit », etc. Sur cette formule chère à Augustin, voyez Rottmanner, p. 8-9.
(3) Sermo clxxvi, 2. Rapprochez De Genesi ad
litt. x, 19 et 39.
J4 REVUE BIBLIQUE.
humain a été atteinte en Adam par le poison, dont elle est guérie par
le sacrement de baptême dans l'enfant qui vient de naître, recon-
:
miis Itsiim : ideo enim vos lesum videre non potestis quia sycomo-
rum ascendere erubescitis » (3).
citant de lui qu'il l'éclairé sur quelques questions précises qu'il lui
soumet. A en juger par la réponse d'Augustin, Marcellinus a demandé
des éclaircissements sur la réprobation par le concile de Carthage des
thèses de Gaelestius Augustin est ainsi amené à donner une exposi-
:
(1) Sermo (,i,xxi\, 7 « ... nescio utrum fides vestra in régula sana possit agnosci. »
:
(2) Ibid. y ; " Quare conlradlcis, «juare novis disputalionibus antiquain fidei regulam
frangerc conaris? »
(3) Ibid. 2 el 3.
(4) Sermo xxvi, 8 : « Haec vobis contra novellam haeresim quae tentât assurgere, saepe
disputare cogimur. » (Rapprochez De peccat. meritis, m, 12). Ce sermon xxvi est pro-
noncé le lendemain du Sermo ci.vi (à Carthage, in basilica Grafiani).
SAINT AUGUSTIN, PELAGE ET LE SIÈGE APOSTOLIQUE.
1'^
ment pour lui faire dire autre chose. Ergoter est vain « Quid adhiic :
héritée d'Adam. Voilà pourquoi, à peine nés, les enfants sont portés
au baptême, on court les y porter avec une pieuse crainte, « ad j^erci-
piendum sacramentum salutis aeternae siiorum currentium pro
timoré portantur », et (nous avons entendu déjà Augustin parler ainsi
dans un de ses sermons de Carthage) l'Église ne dit pas Enlevez ces :
fession de foi, est-ce que ces petits sont capables de croire? Incapables
de croire, allez-vous dire que ces enfants sont des incrédules? Ou
allez-vous supposer qu'ils sont à ranger entre les croyants et les
incrédules? Non, l'Église les considère comme des fidèles « Non hoc :
praeferenda. » Ibid. 31 Quid iiinc respondeant omnino non video, qui volentes humants
: •<
biles texuerunt. »
(2) Ibia. 39 : « ...aucloritatem universae Ecclesiae, procul dubio per Dominum et apostolos
tradilam... » A la suite (n. 40-55) Augustin aligne les textes ou iestimonia scripluraires
qui justifient la doctrine de l'Église, et il conclut (n. 56) : « Consideratis autem omnibus
non commeraoravi, nilnl
divinis testimoniis quae commemoravi,... vel quaecumque similia
.
j6 REVUE BIBLIQUE.
eu jusqu'ici que des notes qu'on a mises sous ses yeux. Les deux pre-
miers livres du De peccatorum meritis achevés, Augustin a pour la
première fois commuoication des Expositiones de Pelage sur saint
Paul il se décide aussitôt à donner à son traité un troisième livre,
:
invenilur nisi quod unLversa Ecr.lesia tenet, quae adversus oinnes profanas novitates vigi-
lare débet... « Cf. De Genesi ad lut. x, 39 : « Consuetudo matris Ecclesiae in baplizandis
parvulis npquaquam spernenda est, neque iillo modo superllua depulanda, nec omnino
credenda nisi apostolica esset traditio. »
mentant, que l'article du péché originel est professé par l'Église tel
qu'il a été cru et compris dès le commencement (3). Le texte de
Cyprien est catégorique, eontagium mortis » que
en effet, sur le <
l'enfant tire de sa naissance selon Adam. Augustin en conclut :
tus iste loquatur j). Et il fait valoir que l'affirmation de Cyprien est
le considérant d'une réponse donnée par le concile de Carthage
(1) Ihid. III, 8 : « His... testimoniis divina luce clarissimis, divina auctoritate certis-
simis, nonne veritas sine ulla ambiguitate proclamatur...? » Les textes mis en ligne par
Augustin sont Mat. i, 21 ix, 12; loa. m, 5; vi, 54. ;
(3) Ihid. 10 : « Unde non immerito beatus Cyprianus [Epistul. lxiv, 2 et 5] satis osten-
dit quam hoc ab initio creditum et intellectum servet Ecclesia. »
REVUE BIBLIQUE 1918. — N. S., T. XV. 2
18 REVUE BIBLIQUE.
dum, et per peccatum mors, et ita in omnes hornines pertransiit, in quo omnes
baptiser les petits enfants, on nous accorde que le baptême leur ouvre
(1) Ibid. 12 : (^ Ilunc doclissimum viruin si facile interrosare posfieuius, qiiaiu multos
ulriusque linjjuae divinaruin Scripturaruin traclatores et christianorum dispulalionum
scriplorPA coinineinorar.;!, (|ui non aliud ex (nio Chrisli Kcclesia est constitula senserunt,
non aliud a inajoribus acceperunl, non aliud posleris Iradidcinnl. »
(2) Il)id. 14.
— Dans le De spiritu et lillera. qui est adressé aussi au comte Marccllinus,
Aujîustin donne un sappléincnl au livre second du Oe pcrc. »ieriii\. La lettre est le pré-
ceplc sans la ;;r;\cc, l'esprit sij;ni(ie la f'rAce ajoutée au précepte, la sràce est nécessaire
j)0ur lobservaliim des préceptes. Que les enneniis de la grâce ne disent pas que ce senti-
ment est d'Aii-uslin, car c'est proprement la doctrine de saint Paul.
Ci) Sernio i'Aciv, « Sollicitns aulcm nos facil. non ipsa senlenli^i i.nn ujim in Kc-
1 :
clesia catliolica sunima aucloritale fundala. sed disjuilatioues quoruindam quae modo
crebrescerc et mnltorum animos evertere moliunlur ».
SAINT AUGUSTIN, PÉL\GE ET LE SIÈGE APOSTOLIQUE. Ï9
Tandem veiiisti : non ergo qiiia tu ratiocinaris, sed quia Dominus dixit. Laudo
plane hoc, sanum est. Sicut homo non invenisti rationem, fugis ad auctoritatem :
approbo, prorsus approbo, bene i'acis. Non invenis quid respondeas, ad auctoritatem
fuge : a«m ibi' te persequor, non inde expello, immo fugientem recipio et amplec-
tor (3).
transmis à toute l'humaniié, rhonime n'y est soustrait que par la foi,
les petits enfants deviennent par leur baptême des fidèles, et donc
échappent ainsi à la damnation, et de conclure fortement :
Proinde u^mo nos fallat, Scriptura evidens est, auctoritas fandatissima est, fides
catholicissinia est : omnis generatus damiiatur, aerao iiberatur nisi regeneratus (4).
Et encore :
Hoc habet auctoritas matris Ecciesiae, hoc fundatus veritatis obtinet canon : con-
tra hoc robur, contra hune inexpugnabilem rauruni quisquis: arietat, ipse coofrin:-
gitur (.5).
Cette doctrine est aussi bien celle de saint Cyprien, l'antique évêque
de ce siège de Carthage écoutez ce qu'il enseignait ou plutôt ce
,:
lis saint Cyprien, leur dit-il, afin que vous voyiez quel est le sens
(1) Ibid. 2.
potes, sed rationiem affer, hac enira te gloriari détectât. » Ibid. 7 : « Adversus sagittas
ratiocinationurn tuarum rnuratus assiste. Sed tu, bellalor, hoc est fortis raliocinator, huic
responde... »
(3) Ibid. 7. Voyez encore ibid. 8 : « Cédant paulisper coniecturae rationis huraanae,
assumantur aima divina... »
de commenter (1).
Il achève son sermon
en priant les adversaires qu'il combat de ne
qu'il s'abstient quant à lui
point le traiter d'éhrétique, qualificatif
de leur donner l'Église veut les tolérer encore, en effet, pour les
:
guérir, pour les instruire. Ils vont trop loin, il faut une bien grande
1 Ibid. V.) :
• \d hoc «Tf^o lego sancluin Cyprianuin, ni videatis ([uomoclo sil inteîlectus
Ihid. -10.
2J
(3) Epiatul. r.LMl. 22.
(4) Inler. Ain. EpUlnl. r.i.vi. Lodfs, p. "fil, place en Sicile entre 413 cl il8 la «onipo-
hilion des si\ opuscules pt'-lafjiens relrouvt's par Caspahi, liriefe, Abhandlniujen und Pre-
di'jlrii (18;mi), p. t-ic,7. I>(>in Morin, dans la ncrne hniéflicdnc, 181(8, p. 'i81-i9;{, yllribuc
(a) Augustin (oiiiplr-lera sa leltrc à Hilarius par le Irailé De pcricriione histifidc liotni-
ou rcfulc des dcfinidoncs ni iliriinr fii,lr^i.ii i|ui lui onl élé comniu-
nis. en 41."). il
SAINT AUGUSTIN, PELAGE ET LE SIÈGE APOSTOLIQUE. 21
manité n'est pas condamnée en bloc, si l'homme peut être juste sans
la grâce, alors la croix du Christ ne nous est plus rien or c'est là :
est menée par l'évêque d'Hippone presque seul. Pelage est à Jéru-
salem, couvert par la confiance imprudente que lui accorde l'évêque
de Jérusalem, Jean, et à l'abri de laquelle il défie les instances émues
d'Augustin. Le moment
venu où l'autorité, non plus celle de l'É-
est
criture ou de la Tradition, mais l'autorité vivante doit intervenir,
si Ton veut que soit préservée sans équivoque la pureté de la foi.
II
(1) On aurait tort de conclure de là que Pelage néglige de se fonder sur l'Écriture. Au
concile de Diospolis il s'en défendra énergiquement. Voyez Aie. De gestls Pelagii, 13.
Pelage recourt aussi aux textes des auteurs ecclésiastiques, Aug. De nat. et
bien
grat. 71 : « quibusdam catholicoruni tractatorum opusculis posuit,
...(testimonia) de
volens occurrere ils qui eum solum dicerent ista defendere. » Pelage a cité Lactance, saint
Hilaire, saint Arnbroise, saint Jérôme, saint Jean (Chrysostome) de Constantinople, Augus-
tin enfin {De libero arbitrio).
22 REVUE IBIBLIQUE.
Jérôme, que toutes les Ég-lises sachent quelles sont oes doctrines que
l'on propage clandestinement « Om/œs coynoscent Eccksiae qidd
:
sentiaùs » (Ij. Les novateurs peuvent séduire les simples et les igno-
rants, ils ne sont pas capables de tromper les hommes qui méditent
jour et nuit la loi de Dieu, ilérôme parle haut, sa lettr<i ressemble à
une interpellation à Févêque de Jérusalem.
Un prêtre espagnol, aaui et envoyé d'Augustin, Orose, est à cette
date à Bethléem Févêque Jean le mande à une réunion de son
:
que la nou-
doctrine de la chute et de la grâce n'est pas pour lui si
1 l)f gestui, W, : <c Pela^ius respondil Anatheinalizo quasi stullos, non quasi haeielicos,
:
8i(|ui(l«-iii non osi dogroa. n Ces trois derniers mois veulent dire que 1 assertion incriminée
ni'sl |iaH rlKouriMisçinenl une |)ro|)Osition, dogma, qu'on oppose à un article de foi.
Aii((UHlin l'entendra ainsi (juand il !•( rira : « Utruiii auteiu ex aliquo dogmate ista sint
dirla, an veto non lixa plai ila(|uc sentcnlia, scd facile emendabili vanilate,... discutiendum
in prarsenlia non pularunl. » Ibid. 18. <Jn voit là que dogma =
fixa j)lacUaque senten-
tta. L<r mot doijiiKi en est encore à son sens littéraire antique.
('.?( Itp fjfsds, 23 el 'i.
3, Ihid. .1(1.
•A llud 4 t.
{:>} Conlrn lulinnuin. i, l'.i. Cf. ihid. ni, i ; « ... in Palaestina.;. ubi causam veslrain
(PclagiuA) suac damoalionis liinorc ilatnnavit : ibi cnim oiniiino cccidil liaercsis vestra. »
SAINT AUGUSTIN, PELAGE ET LE SIÈGE APOSTOLIQUE. 2a
converti) peut vivre sans péché par son énergie et par la grâce de
Dieu, « proprio labore et gratta Dei ». Pelage supprimait maintenant
ces précisions, il substituait l'adverbe « facilement » à l'expression
« proprio labore et gratta Dei » , et il osait dire que le concile l'avait
approuvé, « comprohata est » (3). Pelage prit toutes
definitio nostra
les mesures pour que sa lettre devançât dans le public la diffusion
des Gesta authentiques du concile, et qu'elle établit solidement
l'opinion que le concile avait été pour lui (4).
M. Loofs, qui a entrepris la défense de Pelage contre saint Augustin,
ne veut pas qu'on dise que Pelage s'est moqué de ses juges séance
tenante (5). Comment nier cependant que Pelage, ayant consenti ou
fait semblant de consentir aux demandes du concile, a voulu ensuite
(1) Par là s'explique la sévérité de saint Jérôme contre le concile de Diospolis. Augustin,
au contraire, après quelques mois où il ne sut que penser, a toujours jugé favorablement
de ce concile, peut-on dire avec Tillemont (t. XIII, p. 685).
(2) AuG. De gestis, 54.
(3) Ibid.
(4) Ibid. 55. Les Gesta authentiques du concile tardèrent à se répandre. Dans l'été 416,
au moment où se réunit le concile de Carthage et celui de Milève, les Gesta ne sont pas
encore parvenus aux mains de saint Augustin. Epistul. clxxxvi, 2.
(5) LooFS, p. 764.
26 RE\XE BIBLIQUE.
'
1, l'fl.i-c a\uil
li iiilcnH à falsilier les actes du concile de Diospolis
i;uil qu'il en publia
i-t r(-|.ttnilitun abrégé {hrervttio). Au;;uslin en eut un exemplaire « ... cliartula
hii-m<^iiie :
defensioois suae, quain luiiii i)er queindam carum nostrum Hipponeusem cdvem, orienla-
.Hilrii. diac.imuj, luisil u [De (jeslis,
leiii
57). Or celte breviatio a été coUationnée paj-
Au^uNhii av.T les (iiaia aulbentiquus (</'«;. 57-58). on
y verra des exemples du procédé
de Pélauc bupprinianl les déclarations qu'il estime lui être fâcheuses.
<( NuUo modi» iaiii qualieuuique episcopali aucloritale déesse
vi, 2 :
*^**' •-' Augustin juslitie ainsi la reprise de laflaire par les concile* de
"•• ''
data facieuda sufûcere posse naturam, et eo modo gratiae Dei quae sanctorum
evi-
Carthage n'a pas à anathématiser Pelage, qui est absent, mais Car;
thage peut conciliairement se prononcer sur un point de doctrine, et
reprendre pour lui donner corps la pensée de son concile de ill, en
formulant l'anathématisme qu'on vient de lire, et qui exprime l'exis-
tence du péché originel chez les enfants avant leur baptême, d'une
part, l'incapacité de la nature à permettre à l'homme de vivre sans
péché et d'accomplir les commandements divins par sa seule volonté,
d'autre part. Les évêques assemblés à Carthage ne font jusqu'ici rien
qu'ils n'aient fait en ill, et qu'ils n'aient fait en 411 avec une par-
faite netteté, Us savent toutefois que l'anathématisme
assurent-ils.
qu'ils viennent de formuler n'aura d'eltét utile, sinon en Afrique,
du moins dans la Catholicité, que s'il est adopte par la Catholicité :
(le ne pas douter que, quand l'évêque de Rome aura reçu les Gesta
I l.jiisiul. i;i.x\v, 2 : i( Hoc ilaque césium, Domine frater, sanclae caritati lune inti-
inaiHluin iluxiinus, ul slalulis iiostrae inediocrilatis eliain aposlolicae sedis adhibeatur
aiiclorila!>. pro luciida sainte imilloruiii cl i|uoruiiidain perversitate etiam corrigenda. »
I. ('\|>i*">!iiiin imn mediucrUas ou uoslia mediocritas est de style pour désigner le sujet
iftii parie.
ri]lbi(l.:i.
;ii Ibid. 4.
''i; Ihid. : n Consideii I -m. m >,hm ui.i^ lu.i il jiiisloruliltus nobis coinpaliatur visceri-
bus. »
'U; Iiiter An;. Fpùitiil. clwvi : Domino beatissimo mcritoque venerabili et in Chrislo
«
bonoramio |ia|iai- Innon-nrhi. Suivcnl les noms, le premier celui dtt primat de Numidie,
le huitième lolui lit- sjiiiil Aii^UNlin.
SAINT AUGUSTIN, PELAGE ET LE SIÈGE APOSTOLIQUE. 29
Sed arbitramur, adiuvante misericordia Domini Dei nostri, qui te et regere con-
sulentem et orantem exaudire dignetur, auctoritati saoctitatis tuae, de sanctarum
Scripturarum auctoritate depromptae, facilius eos qui taai perversa et perniciosa
sentiunt esse cessuros, ut de correctione potius eorum congratulemur quam contri-
stemur interitu (3}.
(1) Ibid. 4 multo plures, qui eius sensus diligentius indagare potuerunt, ad versus
: '( ...
cum pro gralia Chrisli et catholicae fidei verltate conlligunt, sed praecipue sanctus filius
tuus frater et compresbiter noster Hieroniinus ».
(2) Ibid.
1 K Quia te Dorninus gratiae suae praecipuo raunere in sede apostolica collo-
:
(3) Ibid. 5.
30
REVUE BIBUQUE.
Aiiatlieniet ergo Pelagius scripta sua, ubi contra eam (= gratiam Dei)... disputât,
ea sua esse iiegat. aut scriptis suis ab iniraicis suis dicit immissa quae sua esse
nevLal, aiialliciurt ea. tanien, et damnet paterna exhortatione et auctoritate sancti-
Ce HLilaisc est aggravé par ses auditeurs et par ses amis qui ne se
lassent j)as de b; propager, et qui ne s'arrêteront de parler contre la
GT.uM' (!<• I>i<'u. que quand ils apprendront que le livre de Pelage
'
V /^' " npiislolica dorlrinu ^iraliain non iiiuncrilo islo nomine appellal (|ua
K«l*aniiir <•( mur ex tiile Cbrlsli. De ha(- scripluin est... {Cal. n, 21; v,
i; Rnni.
w. » .. \i. • ri iniilla alia (|ua»' indius potes meniinisse, ot inlellegere prudenlius, et
'•
illu<tlriii.-< i-r '
^Irat fl pr.Miiia e««e proprinm Chri^lianorum.., Ibid.M « ... de hac gralia clirislianis > :
TcrilAH !
ils attendent du pape Innocent une réponse qui les console et qui
ni
qui ont été fondées par quelqu'un des apôtres ou qui ont reçu quel-
que lettre de l'un d'eux ces Églises sont vénérables entre toutes,
:
(1) ïbid. 15 : <Si enim (auditores et dilectores Pelagii) cognoverint euradem libram
quem illius ve! pulant esse vel nonint, episcoporum catbolicornm auctorilate, et maxime
Sanctitalis tuae quam apud eum esse maioris ponderis minime dubitamus, ab eodem ipso,
anathematum damnai um, non eos ulterius existimamus ausuros... »
atijue
(2) Ihid. 19 « Dabil sane nobis veniam suavitas mitissima coidis tui, quod prolixio-
:
rem epistulam forlassis quam Aelles tuae misimus sanctitati. Non enim rivulum », etc.
« Sed... utrum etiaiii noster licet exiguus ex eodem quo etiam tuus abundans emanet
frater, Sanctitns lua, Veneralio lua, etc.), mais rien de la déférence exceptionnelle
marquée à l'évêque de Rome et à son autorité. Il se borne à louer l'évêque Jean et ses
collègues de juger des choses catàoliquement [catholica régula sapitis).
(3) Epistul. cAwwm, 3 « ... christianae socletatis, quae per sedes apostolorum et suc-
:
• Tenri ipsa sede Pelri a|)ostoli, rui pascendas oves suas post resurrectionem
ail Dominus
«oiniiicndavit. ns<|ue ad iiracsentem episcopatum surcessio sacerdotum. »
Cl Knarr. in ps. \uv, 23 « Ostcndatur : milii Roinae in honore tanto templum Romuli,
in quanto ibi ostondo inemoriam PeUi. ^
(V Smiin c:r,\cvi. G « lacet Pt-lri (or|»us Roniae, dicunt homines, iacet Pauli corpus
:
Homne.... el misera est Homa, et vaslatur Honia, allligitur, ronteritur, incenditur. Tôt
sirane» liunl per famcm, pcr pcstem, jier gladium, ubi sunt memoriae apostolorum... « Cf.
il'id. M. In Ion. runnij. tract, xivu. 12 ; « ubi est Paulus apostolus iiiodoï... Romae in
.-('puirro.
tre Pierre a été le premier des apôtres. Il l'est par la date de son
appel (3), il l'est plus encore par le rang que l'Évangile lui donne
entre les autres apôtres :
(1) Voyez la lettre de saint Paulin de Noie (en 408), int. Aug. Epislul. xciv, 1 « Cum :
eo iuxta soUeranem meum morem post Pascha Dominl pro apostolorum et martyruin vene-
ratione venissem... Fateor... non potuisse me volumen ipsum statlm ut acceperam Romae
légère : tantae enim illic turbae erant... »— On avait en Afrique beaucoup de dévotion
pour les deux apôtres Pierre et Paul. Dans le martyrologe de Carlhage (vi» siècle), saint
Jacques et saint André sont les seuls apôtres fêtés à Carthage, autres qu'eux. (Carthage
fête aussi saint Laurent, saint Clément, sainte Agnès, empruntés à Rome). Voyez les
Serm. ccxcv-ccxcix d'Augustin pour le 29 juin, In natali apostolorum P. et P. Son
Sermo xv a été prononcé à Carthage « in basilica sancti Pétri «.On a retrouvé à
Calama des reliques de saint Pierre (C. R. Acad. des inscr. 1896, p. 192). Nombreuses
étaient en Afrique les reliques de saint Pierre et de saint Paul, ensemble (C. I. L. t. VIII
9714, 9715, 9716, 10693, 10707, 17715, 17746, 18656, 20600, 21496...), et ces reliques sont
des témoins des relations de l'Afrique chrétienne avec Rome.
(2) In loa. euang. tract, cxxiv, 2.
(3) Sermo ccxcix, 2 « Apostolus Petrus inter discipulos quos Dominus... elegit
:
primus
electus est, Paulus aulem... longe postea... Petrus ergo primus apostolorum, Paulus
novissimus... Petrus in apostolis primus, Paulus in apostolis novs^imus ». Cf. ccxcviii
1.
(4) Se7-mo cLxxvi, 1. Ibid. 4 « In illo ergo uno apostolo, id est Petro, in ordine
:
aposto-
lorum primo et praecipuo... >> Sermo cxlvii, 1 : « Apostolum Petrum prlmum omnium
apostolorum meministis in Domini passione fuisse turbalum. » Sermo ccxcv, 4 « In :
apostolis Petrus [est primus. » Ibid. 1 « Beatus Petrus primus apostolorum... » Sermo
:
apostolis Petrus est primus... » la loa. euang. tract, lvj, 1 « Quis nesciat primum :
grand prêtre, peut être comparé à Moyse quand il tue l'égyptien pour
défendre un hébreu [Exod. ii, 12), et comme Dieu pardonne à iMoyse
ce meurtre, ainsi il pardonne à Pierre son coup d'épée, puisque
Moyse devient le chef de la Synagogue et Pierre le pasteur de l'É-
fflise :
Quid ergo iacoiigruura, si Petrus post hoc peccatimi factus est pastor Ecclesiae,
siciit Moyses post percussum aegyptium factus est rector illius synagogae (4) ?
(! In Ion. fuann. tract, cxxiv, .5.Rapprochez Knarr. in ps. c.viu, 1 « ... propter ]iri- :
(4/ Ctmtra Inustum. \\m. Tu q». r^^\l]. L'idée de consiilfrer Moïse comme la figure tlo
ftaînt l'iern- se retrouve en plus d'un monument de laiTliéciogie clirétienne. 11. Guis.vu,
llisioire ilr Home, rl des pnprs nu M. A., {. \ (1906), p. 455-456.
SAINT AUGUSTIN, PELAGE ET LE SIÈGE APOSTOLIQUE. 35
cette foi qui est la tienne je bâtirai mon Église, interprétation qui
peut se ramener à la précédente, la foi de Pierre, l'objet de la foi
de Pierre étant le Christ (4). Mais l'interprétation d'Ambroise était
(1) Allusion aux vers : — Hoc ipsa petra Ecclesiae — canente cnlpam diluit », de
l'hymne Aeterne rerwn conditor : Sitôt que le co<i chante, la pierre de l'Église (l'apôtre
Pierre) efface sa faute. Même interprétation dans le Psalmus contra partem Donali
d'Augustin, qui est de 393.
(2) Retract. 1, x\i. Les R. qui sont de 426-427 expriment sur ce point le sentiment défi-
nitif d'Augustin : laisser les interprètes libres. Le passage classique des In loa. euamj.
tract, que nous citerons ne rétracte pas les R., car les Tract, in loa. sont de 416-417.
(3) In loa. eiiang. tract, cxxiv, 5 « Non enim a Petro petra, sed Petrus a petra, sicut
non Christus a christiano, sed christianas a Christo vocatur... Super hanc ergo, inquit,
petram quam confessus es aedificabo Ecclesiam meam. Petra enim erat Christus, super
quod fundamentum etiam ipse aedificatus est Petrus... » Rapprochez Enarr. in ps. lx, 3 :
« Ut aedilicaretur Ecclesia super petram quis factus est petra.' Paulum audi dicentem :
Petra autem erat Christus. In illo ergo aedificati sumus. » Il)id. lxvi, lO; CIII, ii, 5; CIII,
III, 6. Sermo lxxvi, 1; cxlvii, 3; ccxliv, 1; cclxx, 2; ccxcv,
1. In loa. euang. tract.
VII, 14; hwx, 1. — Reuter, p. 287, ne signale que l'interprétation petra =: Christus :
lacune singulière, que Speciit, p. 131, a raison de signaler.
(4) Quid est. Super hanc petram aedificabo Ecclesiam
In loa. epistul. tract, x, 1 : h
meam? Super hanc fidem, super id quod dictum est. Tu es Christus filius Dei vivi. »
Autant Sermo clxxmii, 14 « (Dominus) approbavit fidem Pétri eamque petram esse
:
i\) Enarr. in ps. iai\, 4 : « Petrus... in illa confessione appellatus erat petra supra
<|uain fabritarelur Ecclesia. ii, Uapprochez XXX,
5; XXXIX, 25; LV, 15. Dans S,ermo
»
., -///lo lAxvi, 2. — Ua|.|.rociiez Cir. JJri, \\n,, 54 (,,. 302) : « \os ergo, qui sumus
TO€^rpur.|up Clirisliani, non in Petrum crcdimus, .sed in quem credidit Petrus... »
:. /.. lot,, euan'j. tract. 12 « Nam in Petro
1., :
non esset Ecclesiae sacramentum
si
non r, di. ..ret D.unini T>bi ilvbo claves... Si hoc Petro
tdntum dictum est, non facit hoc
Krrl.-K,a Cm., -x. ,.i.u,m„.,.„i K. .le^ia, in caeio
.
ligalur excommunicatus; eu... reconcilia-
SAINT AUGUSTIN. PELAGE ET LE SIÈGE APOSTOLIQUE. 37
réconciliation délie dans le ciel, et voilà pourquoi les clés sont les
clés du royaume des cieux. Le pouvoir des clés appartient à l'Eglise
sur terre « Columba ligat, columba solvit, aedificium supra petram
:,
Doniinus lesiis discipulos suos ante passionem siiam, sicut nostis, elegit quos
apostolos appellavit. Inter hos pêne ubique solus Petrus totius Ecclesiae meruit
gestare personam. Propter ipsam personam quam totius Ecclesiae solus gestabat
audire meruit : Tibi ilabo claves regni caelorum. Has enira claves non home unus,
sed unitas accepit Ecclesiae. Hinc ergo Pétri excellentia praedicatur, quia' ipsius
imiversitatis et unitatis Ecclesiae figuram gessit quando ei dictum est : Tibi trado
quod omnibus traditum est (3).
« Mémento claves eius hic Dominum Petro et per eum Ecclesiae i'eli-
lur ab Ecclesia, ia caelo solvitur reconciliatus : si hoc ergo in Ecclesia fit, Pelriis quando
claves accepit Ecclesiam sanctam significavit. »
(1) In loa. euamj. tract, cxxiv, 5 : « ... peccata... Qua significalione intellegitur Christus
petra, Petrus Ecclesia. » Ibid. 1 : « ... ad Uganda et solvenda peccata claves regni caelo-
rum primus apostolorum Petius accepit... Nec iste solus, sed uni versa Ecclesia ligat sol-
vitque peccata... » Ibid. cwiii, 4.
(2) Serino cc\cv, 2.
(3) Ibid. Même thème, Sermo c\u\, 7. Enarr. in ps. cvui, 1. De agone chr. 32 et 33.
Ni le texte Contra Gaudent. i, 39, ni le texte De baplismOj vn, 99, ne vont contre cette
conclusion.
(4) Scorpiace, 10 (éd. Wissowa, Optât, vu, 3 (p. 171)
p. « ... bono unitatis
167). Cf. :
beatus Petrus... et praeferri apostolis omnibus meruit et claves regui caelorum coramuni-
candas ceteris solus accepit. « C'est une subtilité d'ergoteurs gallicans et joséphistes de
prétendre que Pierre a reçu ensuite de l'Église le pouvoir qu'il avait reçu d'abord pour elle.
(5) Specht, p. 150, le note à propos contre IIeuter, p. 30i, i[ui voudrait que le pouvoir
des clés appartint à tous les chrétiens, les la'iques compris. Pierre est ailleurs pour
Augustin le représentant, la figure des bons pasteurs [Sermo cvlvii, 2), mais dans un
sens purement moral sans cela, on devrait dire que le pouvoir des clés n'est exercé vali-
:
dement que par les bons pasteurs, pensée donatiste qu'Augustin n'a certainement pas. Ceci
encore contre Reuter, p. 304.
3)^
REVUE BIBLIQUE.
Non enim sine causa inter omnes apostolos huius Ecclesiae catholicae personam
susiinet Petriis huic enim Ecclesiae claves regni caelorum datae sunt cum Petro
:
(Jatac .sunt, et cum ei dicitur ad omnes dicitur Amas me, pasce oves meas (2). :
Non enim inter discipulos solus meruit pascere dominicas oves, sed quando
Christus ad unum loquitur unitas commendatur, et Petro primitus quia in apostolis
lenel iiic; al) ipsa scdc Pclri apostoii, cui pascendas ovos suas post resurrectionem
Dominii^ c imiucndavit, ns(|Me ad praesentcni episoopauim successio sacerdolum (.5,,.
'
/' r. 32.
^< V, 'i. ILipiiroi-bex Sermo mm, 30.
( \l (.. / jH^IllI. \\\\l. ?i,
succession des évoques nos pères ce siège est la pierre dont ne:
viennent pas à bout les portes orgueilleuses de l'enfer. Ipsa est petra
s'entendra de la sedes Pétri, et sedes Pétri de saint Pierre considéré
comme l'apôtre en
personne de qui a été par le Christ institué
la
Yordo patrum : la sedes Pétri en tant qu'elle se perpétue dans la
succession épiscopale est invincible aux puissances de l'enfer.
Nous n'aurions que de tels textes d'Augustin, nous serions autorisés
seulement à dire qu'il a considéré dans saint Pierre l'épiscopat histo-
rique de la catholicité. Mais on ne peut douter qu'Augustin ait fait au
siège de Rome, en considération de saint Pierre, une condition pri-
vilégiée.
Il en 398, à des Donatistes, que les premiers auteurs de leur
écrit,
l'uio libi eam parteni orbis suflicere debere in qua primiim npostolonim suorum
voluit Domiuus ^loriosissiiuo maityrio corouare cui Ecclesiae praesidentem beatum
:
I; Ja^ils. Drr Pnpsl und (la% Konzil (ISG!.), p. 94, cilé par Specht, p. i:.8.
(2) Epistul. \i.iii, ic.
quodisti in quorum te conventum (si tamen prodest aliquid) introduxi : cum his etiam
ipse considet, etsi posterior tempore, prior loco (1).
praecessit, memhra non sunt secutura? » Rome est donc toujours caput
gentium, les peuples du monde sont les membres du corps dont Rome
est la tête (3). Vingt ans plus tard, la même expression se retrouve
dans une lettre d'Augustin : il parle de la grâce, de la doctrine de
l'épîtreaux Romains sur la grâce, et relève que l'apôtre Paul a donné
cet enseignement aux Romains afin que de Rome il se communiquât
à tout l'univers, puisque Rome est la tête du monde « ... gratiam, :
praesideas, esse amicus humillum. » Contra diias epist. Pelagian. i, 1. « Cum vero non
desinant fremere ad dominici gregis caulas,... communisque sit omnibus nobis qui l'ungi-
mur episcopatus oflîcio (quamvis ipse in ea praeemineas celsiore fastigio) spécula pasto-
ralis, facioquod possuni pro mei parlicula muneris. » Ibid. 2.
(3) Sermo xxiv, 6. Rapprochez Sermo ccclwxi, mais l'authenticité en est sujette à
caution :Habet ergo Roma caput gentium duo lumina gentium (Pierre
« et Paul) ab illo
d asile dans son Kgl.ise à des chrétiens (jui s'y réfugient pour manquer
impunément à une parole (pi'ils ont jurée? Sur ces deux doutes, écrit
Augustin, je désire (pje, avec l'aide du Seigneur, nous délibérions
dans notre concile, et (jue. si besoin est, nous écrivions au Siège apos-
(I) Epislut. rxir.n, ". I,a îeUre <'«»t adressée à u» prfilre romain influent, Xystus, le futur
l>a|>r de ce nom.
'
Dr haptiMiii.. m. :..
tolique, afin que Fautorité de tous s'accorde à fixer la règle que nous
devons suivre :
(1) Epistul. CCI., appendice ; Fragm. eu: epistul. ad Classicianum. La date de la lettre
est indécise. Tillemont (t. XIII, p. 257) opte pour 412 environ. Classicianus rir spectabilis
(vicaire d'Afrique ou praeses Mauretaniae) est un peisonnage inconnu d'ailleurs, m'assure
M. Fallu de Lessert.
(2) Reuter, p. 306.
(3) Nous pensons au concile d'Hippone du 8 octobre 393, décidant de consulter l'Église ii
transmarine », en fait Rome et Milan, mais on ne donna pas suite à la décision. Nous pen-
sons au concile de Carthage du 28 août 397, décidant d'y donner suite, et en effet on écrit
à Rome et à Milan. Sur la lin de 397, le pape Sirice et Simplicianus de Milan se sont
prononcés contre les propositions africaines. Le concile de Carthage du 16 juin 401 délègue
un de ses membres auprès du nouveau pape (Anastase) et du nouvel évoque de Milan
(Venerius). On a la réponse d' Anastase qui se prononce contre les propositions africaines.
Le 13 septembre 401, le concile se réunit à Carthage et décide de remercier le pape de ses
conseils, en lui expliquant pour(juoi on ne les suivra pas. Monceaux, t. IV, p. 368-370.
44 REVUE BIBLIQUE.
s'il ne fallait que cela pour convaincre les Pélagiens, les évêques
La réponse de rcvêcjue
«... voluijius, tiiisqiie reso'i'ptis..., consolari ».
de Rome apportera la paix à toute l'Église angoissée « Familia :
(I) Relteii, p. 3o7. Ueuter eacore assure que les Africains ne deinanJenl pas à révê(|ue
(le Rorne de leur découvrir la vérité, parce qu'ils ne doutent pas de la itosséder. C'est
très vrai.Les Africains se sont prononcés, ils ont formulé leur foi dans un anaihématisuie,
cl ils demandent A Rome de le conlirmer. II y a là une nuance qui n'est pas négligeable et
([ui est un signe du temps. Mais limporlant est que les Africains soumettent leur anathe-
Mais que devient alors la thèse que le même Reuter soutient (1), à
savoir que la primauté de l'apôtre Pierre et la primauté romaine ne
sont pas pour Augustin une réalité (eine selbstdndige Grosse), mais
un moyen choisi pour représenter l'unité de l'Église, Augustin
d'ailleurs se taisant sur les limites dans lesquelles il enferme cette
représentation? Comment concilier cette thèse avec les expressions
africaines sollicitant de Rome un jugement, une interprétation pé-
remptoire, un rescrit, sur une matière de foi catholique? Les Afri-
cains demandent la confirmation par Rome de leur doctrine, comme
si Rome, au-dessus du concile de Numidie, au-dessus du concile de
Carthage, était le dernier ressort : pas n'est question ici de la possibi-
au delà, d'un concile plénier de l'Église universelle, pas un mot
lité,
Siège apostolique.
IV
qu'il faille expliquer que la grâce soit autre chose que le libre arbi-
tre la grâce est, en gros, l'aide de Dieu [adiutoriiim Dei), et cette
:
deux fois qu'une, comme une vérité que Rome tient à inculquer
sans aucun détour. Il écrit au concile de Carthage que, en s'adres-
sant à Rome, montré qu'il savait ce qui est dû au Siège aposto-
il a
été institué par les Pères, à savoir que, si une controverse s'ouvrait,
fût-ce dans de lointaines provinces, on ne la tint pas pour tranchée
(non prius ducerent finiendwiî) avant que le Siège apostoli({ue en
eut eu connaissance, afin que la juste sentence fût confirmée par son
autorité, et que les autres Églises tinssent de lui leur règle de con-
duite.
Vel id vero quod patrum instituta sacerdotali custodientes officio non censetis esse
calcanda, quod illinon luimana sed divina decrevere sententia, ut quidquid quamvis
in disiuiictis remotisque proviuciis ageretur, non prius ducerent finienduin nisi ad
huius sedis notitiam perveniret, ut tota huius auctoritate iusta quae fuerit pronun-
tiatio firmaretur, indeque sumerent celerae Ecclesiae — vehit de natali suo fonte
aquae cunt-tae procédèrent, et per diversas totius mundi regiones puri latices capitis
(1) Inier Au;. Kpistul. ci.xwi, 7. Ibid. 9 : « Ideocjuc a nobis testimonia niilla ponuntur,
quia et liis plena relatio est, et satis constat lot doctissimos saccidotes cuncta dixisse,
nec decpt credere vos aliquid quod ad causani possit prolicere jnaeteriisse. »
(2) Magisterium désigne renseignement de Caelestius et de Pelage.
(3) Inter .Vlt,. Fpixtul. c.i.xxiu, 4. Noter l'emploi du mot (lo(/ma, et aussi du mot
relatio. Aii{;uslin qualilie lui-mAme de relationes les synodales adressées de Carthage et
de Milève au pape. Epislitl. clxwm, 2. Nous verrons plus loin le prix de ce terme.
(4) Le texte dit :
" ... cum omnes in hoc loco positi ipsum sequi desideremus aposto-
lum... " <»n peut entendre ce ti'xie des évoques de Rome, Innocent ol ses prédécesseurs,
plutôt que de l'entendre d'Innocent et de ses clercs : locus est synonyme de sedcs.
SAINT AUGUSTIN, PELAGE ET LE SIÈGE APOSTOLIQUE. 47
une image, qui répond à celle dont se sont servis les évêques afri-
cains, quand ils disaient que leur mince filet de doctrine sortait de
la même source que le large courant qui coulait à Rome, mais l'image
est autrement expressive sous la plume du pape Innocent, puisque
pour l'évéque de Rome il n'y a pas d'eau dans le monde qui ne dérive
de la source apostolique qu'est Rome.
En effet, poursuit le pape, vous n'ignorez pas que de toutes les pro-
vinces on consulte Rome et que les réponses sont adressées par Rome
dans toutes les provinces « ... quod per omnes provincias de aposto-
:
(1) CLXXXI, 1.
plus éloignées et celles avec qui les communications sont les moins
aisées, in disiunctis remotisque provinciis. Le pape Innocent, en s'ex-
priniant de la sorte, énonce un fait actuel (1). Mais sur quoi consulte-
t-on ainsi le Siège apostolique? Sur les cas difficiles,
évidemment; sur
les cas où le concile dune province veut s'assurer que la sentence à
laquelle il conclut est la juste sentence. Une controverse n'est vidée
que quand la sentence prononcée par un concile provincial a été
confirmée par le Siège apostolique. Les autres Églises apprennent
ainsi de Rome ce qu'elles doivent prescrire, qiiid praeciperent,
qui elles doivent absoudre, qnos ahluerent, qui elles doivent repous-
ser, quos. vitarent, ou, pour reprendre l'image de la source, quels
sont les hommes indécrottables (je m'excuse du mot, qui est le seul
que nous ayons en français) pour qui n'est pas faite l'eau pro-
pre. Peut-être y a-t-il lieu de voir dans ces dernières expressions,
qui ne seraient pas déplacées dans une lettre de saint Jérôme une ,
c'est surtout dans les causes où le contenu de la foi est mis en ques-
tion, « qiioties fidei ratio ventilatur », qu'il convient de se tourner
vers Pierre.
Le pape Innocent, en vérité, esquisse un traité de la primauté
romaine. Voici, en que s'affirme la raison qui attire vers Rome
effet,
les Églises, tous les évêques du monde chrétien. Rome, c'est l'apôtre
Pierre tous nos frères dans l'épiscopat, « omnes fratres et coepi-
:
Rome que l'on peut collaborer avec toutes les Églises. Le pape félicite
les évêques africains de témoigner par leur démarche qu'ils n'en
jugent pas autrement que lui-même (3). Il ajoute aussitôt que —
(1) lOid. 1 : « Inler cèleras loinanae Ecclesiae curas et apostolicae sedis occupaliones,
quibus diversonim consulta fideli ac modica disceptatione Iractamus... »
(2) Ibid. 1.
(3) Même pensée dans ci,xx\i, 2 : « Gralulor... quod... lilteras ad nos deslinastis, et —
SAINT AUGUSTIN, PELAGE ET LE SIÈGE APOSTOLIQUE. 49
anxiis rébus quae xit tenenda sententia », est la règle antique que
l'univers chrétien a toujours observée Vous avez, dit-il aux Africains, :
obéi à 1-a loi que vous savez comme moi qu'elle est la loi de tout
temps observée par le monde entier, antiquae scilicet regulae for- <.<.
mam se.cuti quam loto semper ah orbe mecitm nostis esse servatam »
Vous aurez le mérite d'avoir observé les canons, et le monde entier
en bénéficiera « Nam et canonimi potiemini gratia servatoriim, et
:
beiieficio vestro lotus orbis utetur » (1). La procédure suivie par les
Africains est la discipline de l'Église, elle a pour elle les exemples de
la tradition antique, elle assure la solidité de notre religion, « nostrae
religionis vigorem... firmastis ». Vous avez, leur dit le pape, estimé
que vous deviez respecter dans votre office épiscopal les règles insti-
tuées par les Pères, « quod illi non humana sed divina decrevere sen-
tentia ». Vous avez montré que vous connaissiez ce qui est dû au
Siège apostolique, « scientes quid apostolicae sedi debeatur ».
Règle antique, canons, sentence des Pères, sont des expressions
qui ne visent pas les fameux canons 3 et 7 de Sardique, lesquels
n'ont trait qu'à l'appel à Rome du jugement prononcé contre un
évêque par un concile provincial. Le pape Innocent élargit de beau-
coup la compétence du Siège apostolique, et il la légitime du fait du
recours habituel qu'on y a de toutes les provinces du monde.
Les droits de Rome ainsi solennellement rappelés (2), le pajJe Inno-
cent déclare faire sien le jugement que les Africains ont prononcé
contre Pelage et ses erreurs. Les novateurs sont pour lui des esprits
subtils et retors qui vont à renverser toute la discipline de la vraie
doctrine en couvrant leurs erreurs de l'apparence de la foi aposto-
(1) Ibid. 3.
faux de voir dans ces déclarations du pape Innocent aux évêques d'A-
(2) Il serait très
frique une manifestation sans précédents. Dès
404, la lettre d'Innocent à l'évêque de
Rouen contient des déclarations pareilles. On doit en dire autant de la lettre du pape
Sirice à l'évêque de Tarragone, en 385. Solim {Kircficnreclit, p. 418-419) l'a mis
bien en
lumière. Mais la synodale du concile de Sardique au pape Jules, quarante ans plus tôt,
est une anticipation de ces déclarations romaines, quand elle dit « Hoc enim optimum et :
valde congruentissimum esse videbitur, si ad caput, id est ad Pétri aposfoli sedem de sin-
lique (1). Quiconque soutient que l'homme n'a pas besoin du secours-
divin, est ennemi de la foi catholique, et indigne de notre commu-
nion : il faut le chasser du giron de l'Église (2). Que si, néanmoins,
ces dévoyés condamnent ce qu'ils ont jusqu'ici professé, « si damnent
Jiaec cjiiae hucusque senserunt », les évèques pourront user envers eux
de l'indulgence que l'Église a coutume de ne pas refuser aux faillis,
et les réintégrer dans la communion (3),
(1) CLXwi, 2 « ... sub imagine catholicae fidei disputantes,... totam veri dogrnatis
:
quaerunl evertere disciplinam. Le pape dit i^eri docjmulis, le mot dogma ne sudisanl
>^
jias à exprimer l'idée de canon de la doctrine. Nous relèverons plus loin l'expression
l'rron-, resipuerint..., eis medicinam solitam id est receptaculuia suum ab Ecclesia non
iiegari. «
rum loco degant » (1), L'évêque romain insiste sur cette portée uni-
fl) Ibid. 2 : « ...seu hac il!i ia Urbe siat fquos nescientesnec manifestare possuraus nec
negare...), sive in quovis terraruin loco degant.... nec interest ubi isti fiierint, duin » etc.
(2) Ibid. 4 : H Quod si accersiendus esset, ab iis raeliiis fieiet qui magis proximi et non
longo terrarum spatio Tideiitur esse disiuncti. »
(3) Ibid. : •• ... non a nobis accersiri, sed ipse débet polius festinare ut po.ssit absohi.
Augustin et Aurelius avaient écrit : « Aut ergo a tua veneralione accieudus est Romaiji .. »
Fratres mei, compatimini mecum. Ubi talcs inveneritis, occultare nolite, non sit
iu vobis perversa misericordia. Prorsus ubi taies inveneritis, occultare nolite. Redar-
guite contradicentes, et resistentes ad nos perducite.
lam enim de hac causa duo concilia missa sunt ad sedem apostolicam, inde etiam
rescripta venerunt. Causa finita est utinam aliquando finiafiir error.
:
comme font les édits, mais qui interprètent le droit. Rendus par l'au-
torité législative, souveraine, les rescrits sont sans appel. Les rescrits
du pape ont tranché la question : le procès est clos, il y a chose jugée,
définitivement jugée, « que l'erreur
causa finita est ». Plaise à Dieu
prenne fin! Le pape Innocent, dans sa réponse aux évêques du con-
cile de Cartilage, avait dit que, d institution ancienne, on ne considé-
rait pas qu'une action fût terminée si le Siège apostolique n'en con-
naissait, « fjuidquidageretur... non prius ducerent finiendum nisi ad
liHius Sedis notitiam perveniret », et que les évêques africains par
leur démarche témoignaient être dans ce sentiment Augustin fait :
Roma locuta est, causa finila est, qui tel quel ne se retrouve pas chez
Aug-ustin. Sous cette forme populaire, il est beaucoup moins riche de
contenu que dans la rédaction authentique. « De hac causa duo con-
cilia missa surit ad apostolicam sedem » deux conciles, Carthage et :
par des rescripta :deux conciles ont agi comme des magistrats
les
à penser qu'elle puisse être portée devant un autre juge elle a été :
particuliers sont des libelli, des preces, des supplicationes : ce"ei des fonctionnaires
sont des relationes, des consultationes des suggestiones., L'empereur répond par des
rescripta.
Comparez De (jestis, 66. Augustin en ce même temps, parlant de l'attentat dont vient
(2)
d'être victime Jérôme à Bethléem, déclare vouloir s'en taire et souhaiter «[ue l'afïaire,
qui est de la compétence de l'évêque du lieu, soit vidée par lui « Nos itaque tam longe :
positi optare debemus his causis talem illic (à Jérusalem) finem dari, de quo non
sit
trouve pas un mot sur le Siège apostolique, il est parlé seulement des
e/J^5C0/;^ /r«;^swMrm^ qui ont innocenté Cécilien (1).
On ne saurait toutefois passer sous silence qu'Augustin a représenté
plus d'une aux Donatistes que les catholiques dWfrique ont sur
fois
(1) PsEUDo-AuG. De unitale Eccl. 4 : « Restabat utique ut cpiscopi transmari ni, qua
I>ars inaxirna difl'undcbatur Ecclesiae catholicae, de Afroruni collegarum dissensionibus
iudicarenl, illis videlicet instanlibus qui criuien malae ordinalionis aliis obiciebant. •
—
Ibid. l'auteur énunière les Eglises apostoliques, c'esl-.i-dire celles (|ui sont mentionnées
.'Jl,
notilier à Home équivaut pour l'Afrique à notifier à toute la CaUioliai. Cela dès le temps
de saint Cyprien. Voyez Soum, p. 363.
(3) Orr.iT, n, 2 (p. 3G).
SAINT AUGUSTIN, PELAGE ET LE SIÈGE APOSTOLIQUE. 55
Macrobius (votre évêque de Rome) peut dire qu'il siège dans la cathe-
dra Pelri (2)? Augustin n'a pas été plus tendre pour ces faux romains
émigrés d'Afrique qu'il se plait à désigner par leur surnom ridicule
de Cutziipitae (3). ^
auraient dû adresser leur lettre à l'évèque que les Donatistes entretiennent à Kome!
(5) Enarr. in ps. XXX VI, n, 23 Milia episcoporum per orbem terrarum qui damna-
: '
torité de l'Écriture.
Le Causa finita est n'est donc pas une anomalie dans ronscigne-
(4) Ibid.
')..
(.".) Ibid. '}.h : " Si aiitcm cedunt sedi apostolicae, vcl potius ipsi rnagistro el domino
aposloloruin (|ui dicil... » Ibid. 28 : « Et contra apostolicae sedis aucloritatem... »
SAINT AUGUSTIN, PELAGE ET LE SIÈGE APOSTOLIQUE. 37
ment d'Augustin. Mais, insiste Reuter, Augustin n'a pas pour autant
enseigné de l'Église romaine, et moins encore l'infailli-
l'infaillibilité
aussi énergique-
bilité de l'évêque romain (1). Nous pourrions dire
ment Augustin n'a pas enseigné l'anti-infaillibilisme de Doellinger.
:
de ses conciles universels, elle est dans la Catholica en tant que telle.
L'autorité de la Catholica ne crée pas l'objet de la foi, puisque la
foi est par définition un dépôt, mais elle le confirme,
elle l'éclaircit,
en tant que le dépôt est préservé par l'autorité de l'Église, cette foi
est ecclésiastique; et dans ce sens Augustin peut
parler de la foi
« quam docet ecdesiastica et apostolica veritas » (2). L'autorité
de
la Catholica est définie par Augustin ce que décide l'Église univer-
selle, « en prenant le
quod universae iam placuit Ecclesiae » (3),
mot placuit dans le sens de décision délibérée [Act. xv, 28), mais
aussi bien dans le sens de consentement et d'unanimité de fait.
Or
que voyons-nous dans du pape Innocent? Une déci-
le cas du rescrit
parallélisme tout entier et est-il ainsi toujours, parla force des choses,
« distique » ou « tristique »? Dans le premier cas, les mots gardent,
pour la poésie hébraïque, la valeur qu'ils ont pour les autres langues :
(1) Dans Tlieologische Stndien und Kritiken, 1831, pp. 40-114, sous le titre : Die Siro-
phen oder der Parallelismus der Verse der hebr. Poésie. Voir «surtout p. 42.
(2) Die Psalinen, IV, Gotha, 1862, p. 450, note 24. Sur la loi de Delitzsch on indique
ordinairement Psalmen, Einleitung, g 5. C'est g 6 qu'il faut lire. L'introduction aux
Psaumes de Hupfeld a paru à la fin du dernier volume de son Commentaire.
(3) Dans Grundziicje des Rijthmus, des Vers und Strophenbaues in der hebr. Poésie,
Halle, 1875, p. 21 (cf. p. 26 et 41 ss.) et mieux encore dans ZATW, 1892, p. 215.
(4) Dans ZATW, 1882, p. 47 et dans Hastings, Dictionarij of the Bible, IV, 4.
(6] Die Chorgesunge im Bûche der Psalmen, Freiburg im Breisgau, 18%, p. il et p. 90.
(7) Die Metril; des Bûches Job, dans Bibl. Studien, II, 4, Freiburg im Breisgau, p. 1 s.
(8) De re metrica veterum Hebraeorum, Vindobonae, 1889, p. 41.
60 REVUE BIBLIQUE.
hébreu au stique. Après lui, A. Merx (5) et H. Steiner (6) ont nette-
ment formulé appliquée dans ses Carmina
la théorie. G. Bickell l'a
aurait alors (au cas de parallélisme à trois membres) des vers déme-
surément longs et irréguliers (13) ». Comme on voit, les préoccupa-
tions portent ici sur la mesure du vers. Dans l'autre camp, elles avaient
« Or, cette symétrie ne se montre pas dans un stiqiie isolé, mais seu-
dire tout aussi bien « La rime est une sorte de parallélisme de l'arti-
:
enfin les croisements de rimes ne sont pas plus inconnus que les
enchevêtrements du parallélisme. On peut donc écrire du vers fran-
çais, au point de vue de la rime, et en lui donnant pour un moment
(1) Cette énumération d'auteurs n'a pas la prétention d'être complète, ni dans un sens
ni dans l'autre. Elle laisse, cependant celte impression que la théorie de Koster n'est pas
« une loi généralement reconnue ». De son temps, K. Schlotlii>afiii, adepte lui aussi de
Koster, écrivait :Le plus grand nombre des interprètes qui se sont occupés des livres
«
poéti(iues de l'Ancien Testament a suivi Sommer « [Veber den Sirophenbau in der hebr.
Poésie, Leide, 1884, p. 4). Et il n'est pas seul à avoir fait cette constatation. Il est certain
que, depuis, la majorité s'est déplacée. Mais c'est tout ce que l'on peut dire.
(2) Stilistik, Rhetorili, Poeli}, in Bezug auf die biblische Ltlteratnr, Leipzig, 1900,
p. 345. Il est surprenant qu'on lise ensuite « Il serait mieux de pouvoir introduire pour
:
le stique... le terme de « vers ». afin que le sens de ce mot fût maintenu et qu'on arri-
vât à l'employer de même façon pour l'hébreu et pour les autres langues. » M. Konig
croit-il donc qu'il n'y ait là qu'une question de mots?
.',-V'j
62 REVUE BIBLIQUE.
un stique isolé, mais elle consiste dans une paire symétrique de sti-
ques ou distique. » Par conséquent a l'unité rythmique fondamen-
tale », ce qu'on appelle communément le vers, n'est pas constituée
en français par un seul « stique » de huit ou dix syllabes, par exem-
ple, mais elle consiste essentiellement dans une paire symétrique de
pareils stiques, c'est-à-dire en un distique en d'autres termes, deux
:
vers français n'en font plus qu'un. La conclusion est absurde, certes.
Mais comme raisonnement est également rigoureux, qu'on l'ap-
le
vers se mesure, non sur la quantité des syllabes, mais sur leur nom-
bre ou encore sur le nombre des accents. Ce sera le cas pour les vers
mesurés par les seuls accents, semble-t-il, si le nombre des syllabes
atones varie assez sensiblement, et selon des règles peu strictes, dans
l'intervalle des syllabes accentuées, et pour les vers syllabiques,
si une assez grande latitude dans le groupement des
est laissée
syllabes à l'intérieur du vers ou de rhémistiche. Dans les deux cas,
un même résultat est obtenu la place de certains accents rythmi-
:
ques varie, la succession des temps forts et des temps faibles, sans
l'alternance desquels il n'y aurait plus de versification, est dès lors
moins rigoureusement déterminée, moins mécanique, peut-on dire,
et s'imposera donc moins vite à l'oreille. Le rythme est plus varié,
mais par là même plus discret. Il perd en précision ce qu'il gagne en
souplesse. Il sera moins promptement discerné. La présence d'un
certain nombre de syllabes ou d'accents dans un premier membre de
phrase pourra n'être qu'une rencontre, lors même que ce nombre
coïncidera avec la mesure requise pour une sorte de vers, et seuls les
meml^res suivants, par la symétrie qu'ils affecteront, ou non, avec
le premier, apprendront à l'auditeur s'il se trouve en présence d'un
teté suffisante que par la répétition de plusieurs vers, est fondé néan-
moins sur la structure du vers en lui-même et que la rime par exem-
ple, et ailleurs l'allitération (1), n'interviennent que pour aider à la
(1) Les exégètes allemands ont allégué plus d'une fois en faveur de la théorie de Kiister,
au moins à titre de comparaison, l'ancien vers germanique 'L(ingzeile) composé lui aussi
de deux membres {Kurzzeilen) unis entre eux par l'allitéralion. La notion du vers est
longtemps restée confuse dans l'esprit des métriciens allemands p\ aujourd'hui encore tous
n'ont pas adopté à ce sujet une terminologie précise et ferme. Hermann Paul, dont per-
sonne ne récusera l'autorité, a pourtant établi avec netteté le concept du vers et dans le
cas présent, il l'a identifié avec la Kurz-zeile : l'ancien vers germanique à deux membres
est en réalité une paire de vers unis par l'allitération comme d'autres le sont par la rime
[Grundriss cler (jermaniicheii P^iloloyie, herausgegeben von II. Paul, seconde édilion,
Strasbourg, 1905, II, 2: Metrik, seconde section Deutsche Metrili. von H. Paul, p. 43 ?.,
:
cf. pp. 42, 124),. E. Sievers fait usage d'une terminologie moins uniforme, mais il ne sem-
ble pas que sa pensée diffère (même ouvrage, II, 2 : Metrik, première section: Altger-
manische Metrik von E. Sievers, p. 6, cf. p. 13).
64 REVUE BIBLIQUE
(2) On
sait, en effet, que dans l'un et l'autre de ces dj^x petits poèmes, deux Iristiqucs
(k) Les Septante G (avec les sigles des mss. entre [larent'héses) sont cités d'après
Swete, Holmes et Parsons.
NOTES SUR LES PSAUMES. 65
égaux. Ces vers seraient de six accents, avec césures tantôt après le
second et le quatrième accents (vers 1, 3, 5, 6; vv. 1 «, '2, 3 6, 4), tantôt
après le troisième seulement (vers 2,4, 7, 8; vv. 1 h, 3 a, 5, 6). Il ne
saurait être question d'un autre mètre, d'abord parce que les coupes
dont la place varie, en principe ne marquent pas la fin du vers, mais
ne sont que des césures; ensuite parce que, dans les vers de la pre-
mière série, la suspension du sens après le second et le quatrième
accents est presque toujours trop faible pour indiquer l'achèvement du
vers la plupart du temps il est impossible de s'arrêter avant le
:
Les mss. et autres témoins de l'ancienne version latine L sont cités d'après Sabatier
Bihliornm sacroi-um latinae versiones antiquae, II, Reims, 1743), Migne (P. L. XXIX,
117 ss. ; XXXVI, 21 ss. ; LXXXVI, 739 ss.), Amelli [Liber psalmorum iuxta antiquis-
simam latinam versionem... Romae, 1912), Bonaccorsi (Psalterium latinum cum ç/raeco
et latino comparatum, Florenliae, 1914). Hier. Jiom. Hebr. = Psautier romain, Psautier
hébreu. Hier. Com. = Sancti Hieronymi... Commentm-ioli in Psalmos, dans Anecdota
Maredsolana, 111, Maredsoii, 1895.
Pour les versions coptes C, les citations se réfèrent à Ciasca et Budge.
Les autres abréviations sont connues. Kiinig = Lehrgebonde; Driver = Jlebrew
Tcnses.
REVUE BIBLIQUE 1918. — N. S., T. XV. 5
f,Q REVUE BIBLIQUE.
Sievers enlèvent mm
primo et ex. De même, au v. 0, -jTî est répété
et disparaîtrait sans inconvénient l'une des deux fois. Il faudrait enfin
supposer la chute d'un mot au v. 3 a, qui est trop court. Ainsi re-
touché, le psaume se trouverait composé de deux tristiques, entre
lesquels un distique est intercalé. A titre de curiosité seulement, on
remarquera que si le v. 3 c a pris la place d'un vers dû à l'auteur, le
poème aurait été constitué à l'origine par trois tristiques; et si ce vers
disparu n'avait comporté qu'une césure et que "jTT secundo fût de
trop au v. G, un vers à césure médiane aurait alterné régulièrement
avec un vers à deux césures dans toute la composition primitive. Mais
il n'est pas invraisemblable que le psaume ait soùtl'ert les autres
moditications. L'état du texte massorétique aux vv. 3 c et 5 a et celui
du texte grecau v. i prouvent que des additions plus considérables
encore, et moins naturelles peut-être, ont eu lieu dans les éditions du
psaume qui nous sont parvenues. Les retouches et accidents qu'il a
subis s'expliqueraient peut-être par le fait qu'il aura été tardivement
incorporé au premier livre des Psaumes transmis d'abord en dehors
:
du livre officiel, il aura été moins bien gardé ou traité plus librement.
Bref, on ne saurait nier absolument que ce petit poème ait pu, à
l'origine, compter des vers égaux. Mais on ne saurait prouver non
plus que l'auteur n'a pu écrire une composition aussi irrégulière que
celle de la Massore.
Le sujet est le bonheur du juste et la ruine finale du méchant.
Première partie : définition de un point de vue négatif
l'homme juste, à
(v. 1), puis à un point de vue positif (v. 2); son sort le bonheur lui :
est promis (y. 3). Seconde partie, sort opposé du méchant sa ruine :
est aimoncée d'abord sous une forme imagée qui correspond au style
du V. précédent (v. puis en termes propres qui la définissent
4),
exactement (v. 5); c'est que la justice de lahvé réglera sa destinée
comme celle du juste (v. 6).
1 ileurciiv riioinnie qui n'a jioiiit maiclié selon le conseil des mécliaiiis.
n'est pas eulre clans la voie îles pécheurs et ne s'est pas assisdaiis la conipagniedes railleurs.
- mais dont le plaisir est dans la loi de lahvé, et qui sur sa hn médite jour et uuill
"•
Il siTa comme un arhre planté prés des cours d'eau,
qui donne son Iruit en sa saison et dont le l'euillase ne se lléli'ii pas.
i'.l loul ce qu'il entrejjreuU, il le mène à bien.
* Il n'en sera pas ainsi des méchants, mais ils seront comme la balle que le vent emporlc :
>
( 1
les mcclianis ne resteront pas dehoutau jugemenl, ni les pécheurs dans la société des-
' car lahvé connaît la voie des justes, mais la voie des méchants périra. [justes;
NOTES SUR LES PSAUMES.
Il
Psautier et S t'ois dans le livre des Proverbes, mais 8 fois seulement dans les autres
livres; et comment ne pas rappeler à ce sujet les béatitudes évangéliques (Matth.
V. 3 ss. 'Ct parall.)? Le bonheur est donc promis à l'homme de bien. La formule
n'exprime, en e/fet, ni la constatation d'un fait actuel ni seulement un vœu ou un
souhait; elle est relative à l'avenir, mais contient une affirmation ferme et assurée.
Dans la Massore voulait qu'on prononçât le terme avec une lenteur
cet esprit,
solennelle une accentuation exagérée, au point de rendre sensible même le
et
cheva pour marquer qu'il était « mobile », elle le faisait précéder, et même dans
:
certains mss. et éditions suivre du méthey (de même Ps. xxxii, 2; xl, 5; Prov.
VIII, 34) : cf. Delitzsch, Com.; Rokig, II, p. 341 ; ZATW, xxiv, 324 s. — L'emploi
de tytNn vi)- indique que le psaimiste n'envisage pour l'instant que l'homme adulte,
à l'exclusion des femmes et des enfants. Il ne s'agit d'ailleurs, comme le montrei'a
le v. suivant, que non de l'homme en général. Le mot a l'art,
de l'Israélite, et
comme vj^^irin qui lui est opposé au v. 4. sans doute parce que lauteur a en vue
deux classes déterminées ^e personnes (cf. Kônig, III, 292 m). Le relatif ^t.^s^ —
que les poètes omettent volontiers, ne surcharge aucun psaume au même degré que
celui-ci. Au reste, les trois premiers mots du v., par la double ("i) et triple (x, tT)
répétition des mêmes consonnes, forment un ensemble peu harmonieux, pour autant
du moins que l'oreille d'un Occidental peut en juger.
"S", au sens figuré, désigne souvent la coiiduite morale. ~TJ n'a pas le sens
'!e « réunion, assemblée » ('A Iv ^jvaÀEÛcyet), mais de « conseil donné ou reçu,
dessein, principes de vie pratique, maximes ». Les deux mots, construits comme
ils le sont ici, ne se rencontrent ailleurs que dans II Chr. xxii, 5, dans une pro-
position que le Chroniqueur ajoute à sa source (II R. viii, 28); mais une locution
analogue et peut-être plus ancienne mÂ*!;i^22 ~Sn se lit dans Jér. vu, 24 (mais
voir CoRNiLL in loc); Mich. vi, 16; Ps. lxxxi, 13. Le sens n'est pas douteux :
(f suivre le conseil ». —
L'usage du parfait dans les trois verbes de ce v. indique
que l'abstention totale du juste est un fait acquis pour le passé (« qui n'a jamais
marché, etc. ») et se continue dans le présent (GK 106 A;). ''îTw'l « les méchants » —
est en opposition à alplT]; « les justes » (vv. .5, 6). La suite du v. montrera qu'il
s'agit des ennemis de la religion, à la fois pécheurs et incroyants, c'est-à-dire des
impies-, mais pour l'homme pieux, ce sont bien là les « méchants ». L'emploi du
mot en ce sens s'est développé surtout dans Ézéchiel, les Psaumes et les livres
sapientiaux. L'expression D''";yi ViTJ se retrouve dans Job \ \ xxi, 16; xxii,
18; cf. Is. XXIX, 1-5; Job XVIII, 7 ; Ps. CVI, 43.
Par contre, l'expression \x"i2n ~Tî2 est unique (mais pour l'idée cf. Jér. vu.
23 s. ; Ps. XXXVI, 5). La « voie » est la manière de vivre et d'agir » et surtout
«
la « conduite » morale avec toutes les conséquences qu'elle peut entraîner, donc
« conduite et sort » (cf. Matth. vu, 13 s.). La signification première de IDI? est
« se tenir » (cf. les dérivés « place », « colonne ») et par conséquent, suivant les
moments, « ou « rester, s'arrêter » d'après tout
se présenter, se placer, entrer » ;
le contexte, le sens ici est « qui ne s'est jamais placé ou tenu », donc « qui n'est
:
pas entré ». Les « pécheurs » sont les pécheurs habituels, qui font profession de
68 REVUE BIBLIQUE.
SwHn signifie, comme dans Ps. cvii, 32, « réunion, assemblée, cercle ». D'après
Is.XXIX, 20; Prov. I, 22; lir, 34; l\, 7 s.; XIII, 1; Xiv, 6; XV, 12; XIX, 25, 29;
XXI, 11, 24; XXIV, 9; Eccli. viii, 11; XIII, 1 le « railleur » n'est autre que le ,
verbe vr
dans Prov. ix, 12; xiv, 9; xix, 28; Ps. cxix, 51). De tout temps les
objections des incrédules contre la religion ou des débauchés contre la morale
ont pris le ton de la moquerie et de la dérision. Aussi les Sages en vinrent-ils à
identifier le mécréant hostile et agressif avec le railleur. — G Àoiawv a dû être lu par
le pluriel dans Tertullien : pestium {Adv. Marc, iv, 42 : P.L. II, 465; De spectac.
3 P. L. I, 634), pestilentium (Adv. Marc, ii, 19
:
P. L. II, 307), dans saint :
P. /.. XXXVII, 1962) et dans saint Jérôme peslihnlium [Corn.; In Osée vu, 5 : :
P. L. XXV, 876). Mais la divergence des termes employés dans cet elfort vers le
pluriel trahit des traductions directes sur le grec et confirme l'existence du singu-
lier dans l'Ancienne Latine.
On peut voir une gradation dans l'emploi des verbes marcher..., entrer..., <<
s'asseoir ». La progression est aussi dans la pensée le juste est l'homme qui ne se :
laisse pas influencer par les conseils et les maximes des méchants, qui n'adopte pas
le genre de vie des pécheurs et à plus forte raison ne prend point part aux attaques
des impies contre la religion. Le v. suivant le caractérisera d'une façon positive.
Mais apparaît déjà que pour le psalmiste l'adhésion à Tune ou à l'autre « voie »
il
est conditionnée par la profession d'une doctrine les maximes des méchants d'un :
côté (V. 1), la loi de lahvé de Tautre (v. 2) servent de point de départ. De plus,
méchants, pécheurs et incroyants sont les mêmes hommes, et les « méchants » se
lit seulement ni.T'S en lahvé »; Bickell laisse tomber iniini. Mais il est fort
«
possible que le psalmiste ait voulu insister sur la Loi par une répétition, ou qu'il
ait négligé son style : les répétitions de mots ne l'eflraieut pas (cf. D'iyy;"! aux
vv. 1, 4, 5, 6; DiplTÀ' aux vv. 5, 6; y\l aux vv. 1, (i). — Sur I^Sn cf. Ps. cxii, 1 ;
cxix, 35.
nin% comme les imparfaits du v. 3, exprime des actes qui se répètent (cf. G K
107 (j). Il au sens de « émettre des sens inarticulés » nous
signifie « murmurer » ;
XI, 18 ss.).
évident avec Jos. i, 8 pourrait donner à croire qu'il s'agit seulement du code deu-
téronomique; mais il peut aussi bien être question de la Loi tout entière et peut-
être même d'une façon générale de l'Écriture. Du moins, les emprunts du psaume
INOTES SUR LES PSAUMES. 69
aux divers livres bibliques le donnent à penser. Le v. décrirait le Juif pieux tout
appliqué à épeler le texte sacré.
3. n'^r\'], qui ouvre le v. 3, est un parlait consécutif et doit être traduit par le futur
(contre Briggs), comme l'ont compris G /.al ïn-oi: ï M*!*! P joovj LCV et erit; :\'^\r^\^
continue réellement "i^'k^'x dont il est la suite logique, et Ton pourrait très bien
traduire : « Heureux l'homme qui..., car il sera... ». En elTet, "'Tc^kV}, ~1"I2, lin, etc.
expriment soit un vœu, soit une promesse, et annoncent par conséquent ce qui
sera; aussi sont-ils le plus souvent suivis d'un imparfait qui a le sens du futur :
cf. Ps. XLi, 2; Lwxiv, 5; Lwxix, 16-17; c\ii, 1 ss. ; cwviEi, 1 S. Ces expres-
sions équivalent donc à un futur et comme telles, peuvent aussi bien être
elles
suivies du parfait consécutif. Et c'est en effet ce qui arrive dans Is. x\x, 3; lxv, 24:
.Ter. XVII, 6, 8, par exemple, où nTiT se lit comme ici cf. KÔiMg. III, 367 q). Ce
serait d'ailleurs 'se méprendre sur la pensée de l'auteur que de traduire ni~* par le
présent. Le psalmiste ne constate pas un fait actuel; exprime une espérance, une
il
certitude si l'on veut, mais relative à un fait qui n'existe pas encore et qu'il appar-
tient à l'avenir de réaliser,comme il appert du v. -5. Il n'aurait du reste pas besoin
d'encourager le juste comme il le
fait, si dès à présent celui-ci était comblé de
Le contraire a lieu au
''^AT\'d un terme
v. 4. —
poétique. Le pluriel de i^Ss
est —
s'expliquerait bien si yî? était un collectif. Mais le mot fait allusion à un système
d'irrigation artificielle (cf. Prov. xxi, 1 eaux qu'on dirige à volonté; Is. lviii, 11;
:
Eccl. Il, -5-6) usité surtout en Egypte et eu Babylonie et qui, dans chaque cas, com-
portait nécessairement plusieurs canaux. Ainsi peut-on expliquer que le singulier
aSs ne se trouve qu'une fois (Ps. lxv, 10),dans un cas assez spécial. En dehors
d'Is. XXX, 2-5; XXXII, 2; Lam. m, 48, le terme ne se rencontre que dans les livres
sapientiaux. — Le premier vers du v. 3, sanf addition du mot t;S£, est pris litté-
ralement de Jér. xvii, 8. L'image est d'ailleurs usuelle dans la Bible (cf. Éz. xlviii,
12). Le vers est trop court : un mot comme ''72I (Is. xxx, 2.j; cf. xi.iv, 4) ou
dans sa pensée, une adaptation de l'image à sa conception d'une rétribution, non pas
constante (sur le v. 3 c, voir ci-dessous) mais en un temps réservé et marqué (v. ô).
A un autre point de vue, les images s'opposent moins bien ciiez lui que dans Jéré-
mie. Dans psaume, nous avons d'un côté l'arbre fécond et toujours vert, de
le
l'autre la balle que le vent emporte; dans le prophète, l'arbre toujours arrosé, qui
ne craint pas les années sèches et porte régulièrement son fruit, est opposé à une
plante desséchée dans un désert brûlant.
La troisième ligne rappelle fort Jos. i, 8 (cf. Gen. xxxix, 3; II Chr. vu, 11;
XXXI, 21 pour les expressions). Le ïargum en fait une troisième proposition relative,
en dépendance de yi^ii primo. Mais si les deux verbes au qal peuvent avoir V'J pour
sujet (cf. Gen. i, 11; Ez. xmi, 9 s. etc.), il n'en est pas de même de nSi* à Vhiph.
70 REVUE BIBLIQUE.
(('i suivi par LCV prospéra buidur a lu le qal, bien à tort , et le contexte repousse
d'ailleurs une pareille interprétation. Ces verbes doivent régulièrement être traduits
par le présent, comme les autres imparfaits des vv. 2 et 3: on trouve donc expri-
mée ici la foi à la rétribution temporelle : tout réussit à l'homme de bien.
de tout parallélisme, ce qui est un cas unique dans le psaume. -2. Il s'interpose —
mal à propos entre le v. 3 ab et le v. 4, car ce dernier rappelle par contraste la
figure de 3 ab et y oppos^, par-dessus 3 c, une autre figure. 3. Il rompt avec la —
doctrine fondamentale du psaume, d'après laquelle la rétribution aura lieu seulement
deux accents, et les vers des vv. 2, 4 b, 5 a, G a restent sensiblement plus longs
que ceux des vv. 1 h, ô b, (> b. Mais au point de vue du sens les conséquences sont
déplorables. La négation ]3 nS, qui ouvre le v. 4. n'a plus un sens satisfaisant: elle
est trop loin de i"iU?X, pour s'y opposer. L'image du v. 4 b ne rime à rien, si elle
ne forme plus contraste avec celle du v. 3 ab, et nx iD, qui l'introduit, perd toute
siunification, car l'opposition marquée par cette formule ne peut viser que la des-
4. L'opposition exprimée par "j; N*'' au début du v. 4 ne porte pas sur la conduite
des méchants, qui a été suffisamment rappelée par le v. 1 et ressort encore, par
contraste, du v. 2, mais sur leur sort, ditlérent de celui des bons qui vient d'être
décrit. D'ailleurs, DN i- « au contraire » est suivi du tableau de la destinée qui les
attend et ne laisse par consé(iuent aucun doute «ils ne seront pas comme l'arbre... ; :
mais ils seront comme la balle... ». Le futur s'impose, car ]Z .x'^ nie le futur qui pré-
cède, et besoin, vivement senti, d'encourager les justes laisse trop bien entendre
le
que les méchants, pour l'instant, ne sont pas en mauvaise situation matérielle.
G, suivi par L (sauf Casin.) VC, répète o-:-/. ojtwç après iaeSÊu:. Bathgen et Well-
nS secundo. Mais cette addition semble condamnée par la
liausen rétablissent p
mesure.
\"!2, collectif, a l'ai-ticle, la proposition étant vraie de toute l'espèce. Ce mot dé-
signe « des graminées, blé, orge, etc., composée de deux
l'enveloppe du grain
écailles ovales ou glumelles s'emboitant l'une dans l'autre, de façon à former une
sorte de capsule ». Après le battage, on séparait le grain de la menue paille et de la
balle en projetant le tout en l'air à l'aide de larges pelles, dès que s'élevait la brise
du soir. Le grain, plus lourd, retombait sur l'aire; le reste et surtout la balle, plus
légère, était emporté par le vent ^Vic.ouRoux., Bict. de la B. I, 1417). Les auteurs
NOTES SUR LES PSAUiVlES. 71
bibliques ont comparé à la balle, ainsi chassée par le vent, les ennemis d'Israël
(Is. x\ii, 13; XXIX, 5; XLi, 15 S.) et les méchants (Os. xiii, 3; Ps. xxx\ , 5;
Job XXI, 18) poursuivis par la justice divine (cf. Jér. iv, 11-12 et Soph. ii, 2, qui est
difficultueux).
A la un du v., G, suivi par LVC, ajoute à-rzo Ttpoaoi-ou -% y-Tî;. Il a du lire :
'-IV>
NM i:ï '^:ra (et non hv cf. Gen. iv, 14; I Sam. xx, 15;
: I R. xiii, o4:
Jér. xxviii, 16-, Soph. i, 2, 3, etc.). présente, au début du v. M
suivant, deux mots
qui ne peuvent avoir à cet endroit aucun sens satisfaisant (voir ci-dessous) : elle a
reler/em, seinel tanliua scriptum repperi. A facie terrae nec hoc quidem in vete- :
ribus habetur exemplaribus {Gom.). Mais il était trop épris de la veritas hebraica
pour que son témoignage doive prévaloir ; les additions de G restent certaines, à en
juger par les mss., par les versions dérivées et par les citations patristiques les plus
anciennes, et Origène lui-même témoigne de iTih -oocjwtioj -r^; vrjç {In Psalm. I;
P.G. XII, 1089 ss.). Bickell, Zenner et Duhm se prononcent en faveur de cette der-
nière addition, sauf à la retraduire en hébreu de façon un peu différente. Mais le
rythme ne la recommande pas plus que la précédente.
5. De quelque façon qu'on traduise p Ss? : « c'est pourquoi, pour ce motif, par
conséquent », cette locution est hors de propos dans le contexte. Oa ne saurait
montrer comment, de l'énoncé du v. 4, on peut déduire, comme une suite ou une
conséquence, le fait affirmé au v. 5. Au contraire, le v. .5 motive bien plutôt le v. 4
et pourrait très bien débuter par « car», tandis que la raison du fait allégué au v. 5
sera donnée au v. (5, lequel à cet effet commence par "î:. Les commentateurs qui
veulent à toute force justifier la leçon massorétique expliquent « Les méchants sont :
sans valeur comme la balle (v. 4); pour ce motif ils ne subsisteront pas au jugement
(v. 5). » Mais c'est fausser le sens de la comparaison et même celui du texte. La com-
paraison ne porte pas précisément sur la non-valeur de la balle, mais sur son sort,
sur le fait qu'elle est emportée par le vent, ce qui symbolise la ruine des méchants,
de même que la comparaison précédente n'a pas pour objet la valeur de l'arbre,
mais sa destinée, le fait qu'il porte du fruit et reste toujours vert, ce qui symbolise
le bonheur des justes. D'autre part, si l'on tient compte de la syntaxe et du sens
général du psaume, on reconnaîtra que le v. 4, comme le v. 3, doit être entendu
au futur (voir ci-dessus). L'auteur ne dit donc point : « Les méchants sont (sans va-
leur) comme la balle », mais : « Les méchants seront comme la balle emportée par
le vent. »
Il faut reconnaître que les versions sont toutes en faveur de ": hy. Pourtant saint
Arabroise écrit : Quoniam non resurgiint Impii in ludicio {In Ps. i, .5 : P.L. XIV,
948; In Ps. cxviii, 154 : P.L. XV, aucune autre citation de ce Père ne
1491;, et
contredit cette forme du texte. L'Ambrosiaster écrit aussi Quia non resurgunt :
impii in iudicio {In Rom. ii, 16 : P.L. XVII, 69); mais ailleur.<! il a la forme com-
mune : Ideo non résurgent... {In I Cor. xiv, 52 P.L. XVII, 271). La leçon de ces
:
deux auteurs est en somme contemporaine des plus anciens mss. grecs, et si elle
témoignage de M.
72 REVUE BIBLIQUE.
drait la résurrection aux justes et serait par conséquent antérieur à Daniel (xii, 2)
qui l'étend aux méchants. Mais les commentateurs modernes, même catholiques (et
parmi eux le P. Knabenbauer et M. Pannier), sont à peu près unanimes à reconnaî-
tre à lOlpi le sens de « subsister » (cf. ï « être acquitté ») : les méchants ne se
maintiendront pas lors du jugement, mais ils seront abattus par la justice de lahvé.
Le psaume, comme on verra, n'est pas assez récent pour que l'idée de résurrection
s'impose. La suite du v. indique d'ailleurs une autre interprétation. Elle précisera
aussi la notion du « jugement ». Mais il apparaît déjà qu'une action spéciale de la
justice divine est annoncée il ne suffirait pas de songer à ses interventions ordi-
:
(cf.Geo. xvni, 19; Am. ni, 2: Os. xirc, 5; Nah. r, 7; Ps. xxxr, 8; xxxvir, 18-,
Prov. xxvii, 23). lahvé ne peut connaître la voie des justes et se désintéresser de
leur sort. La « voie » désigne ici, comme au v. t, la conduite des justes ou des
méchants, mais avec les conséquences qu'elle doit entraîner : en pratiquant telles ou
telles moeurs, on marche dans une voie donnée, qui aboutit nécessairement à telle
ou telle destinée. L'opposition entre le participe yiT» et l'imparfait I3xn semble
indiquer qu'on ne doit pas traduire ce dernier par le présent; le futur est d'ailleurs
seul en rapport avec les verbes et les figures des vv. 3-5. Donc méchants
la voie des
« périra », c'est-à-dire qu'elle aboutira à la ruine des méchants eux-mêmes. Quel-
ques interprètes ont voulu lire le pi'el Tnxn « cause la ruine », c'est-à-dire «
y
mène », L'imparfait serait dans ce cas un fréquentatif et devrait être traduit par le
présent. ÎMais l'emploi assez large et varié du verbe au qal (cf. II Sam. i, 27;
Jér. X, 15; Lr, 18; Ps. XXXI, 13; cxii, 10; Prov. X, 28; Job viti, 1.3) ne permet
pas d'affirmer qu'il ne puisse s'étendre à "p.-; bien que, construit avec ce sujet, il
constitue une formule unique (cf. cependant Ps. ii, 11). — Quelques exégètes
retranchent "ns primo à cause du mètre.
Le V. exprime la raison suprême de
rétribution annoncée au v. précédent, savoir
la
la justice de Jahvé. La sanction morale ne saurait être affirmée avec plus d'énergie.
III
ment plus voisin de son texte que les écrits du Nouveau Testament
74 REVUE BIBLIQUE.
bien eu cause et les auteurs de nos textes sont loin des conceptions
pharisaïques.
Ainsi replacé dans son milieu, le psaume i'^' apparaît comme une
œuvre sans grande mais qui porte bien la marque de
originalité,
son temps. L'auteur dépend, dans sa façon d'exposer le problème
moral, des Sages qui ont écrit une partie au moins du livre des Pro-
verbes (x, 1-xxii, 16); sa doctrine de la rétribution, avec mention du
jugement et de la communauté des justes, est celle des propliètes
qu'on a nommés; enfin la teinte de légalisme qu'il ajoute achève de
faire de son œuvre, si courte soit-elle, une sorte de confluent où vien-
nent s'unir les trois courants qui à cette époque portaient la pensée
juive. Formé, pour une de formules empruntées, le style n'a
part,
rien non plus d'original ni de brillant bien qu'on y trouve quelques
:
/
PSAUME III
1^
psaume contient un appel que les derniers versets rendront plus expli-
cite. —Le mouvement de la pensée se mesure sur le rythme des
strophes détresse présente du psalmiste (v. 2-3; première strophe)
:
;
G.Ie me
suis couché et me suis endormi;
Je me suis éveillé, car lalivé me protège.
'Je ne suis pas effrayé des multitudes de peuple
(pii sont rangées en cercle contre moi.
II
KÔMo III, 269 a). Il est hasardeux d'expliquer l'emploi de celte forme, avec Briggs,
par un motif d'euphonie, en raison de lS qui suit et qui ne devrait pas être immé-
diateiïieut précédé d'un accent. La désinence peut retenir quelque chose de l'idée de
mouvement ([u'elle impliquait à l'origine (Driver 1.82 06*.). Mais la vérité est qu'on
doit se trouver, ici et dans les autres cas où le mot est employé (Jeu. ii, 10;
1*3. Lxxx, en présence de formules traditionnelles, consacrées en quelque sorte,
3),
cl (lui ont naturellement retenu des formes périmées. L'adage cité a pu exprimer
à l'origine la pensée des incroyants, suivant laquelle Dieu n'intervient pas en
ce monde
!(;s dévots n'ont pas à compter sur son secours. Les iahvistes fervents
:
répondaient par l'axiome opposé « Le salut appartient à lahvé » (Jon. ii. 10;
:
Ps. m, 9;. — iS n'a pas été Iti par les Septante, comme en témoigne encore G
(B N 278j contre G (A
des minuscules) A-:-<r> et (R 27 202 288) «Ctou,
et la plupart
ou du moins n'a pas été lu à cet endroit, si h Toi Oew ajTou (pour dmSxi) indique
qu'il était rejeté la (in du v. Il devient dès lors très probable que ce mot a été ajouté
.i
après coup de lunie façon G serait le témoin d'un état primitif du texte qui igno-
et
rait le pronom. Cepend.mt il e.st traduit et à sa place dans L tous les témoins) et C.
De fait iS est inutile 'v^*£;S qui précède suffit à rendre la pensée très claire) et
iNOTES SUll LES PSAUMES. 77
surcharge le rythme. Ce doit être une glose. P a traduit : « Point de salut pour toi
en ton Dieu », parce qu'elle a entendu lUJE^b dans le sens de « à mon âme «.
Si a''31 désigne ici les mêmes personnes qu'au v. 2, c'est-à-dire les ennemis du
psalmiste, le v. 3 exprime la joie maligne que leur cause sa détresse. Faut-il aller
plus loin et prétendre qu'il révèle leur mentalité d'incrédules et démontre que l'op-
position à laquelle le
'
ennemis avec les « méchants » et confond sa propre cause avec celle de lahvé,
semblerait appuyer l'hypothèse. On ne doit cependant pas oublier que lahvé est le
Dieu national et le défenseur-né d'Israël de ce point de vue, les formules les plus
:
De mn"' est de trop pour le rythme et n'est pas nécessaire pour le sens
fait : le
psalmiste se tient devant lahvé d'une façon constante au cours de sa prière et il
peut lui adresser la parole sans le nommer chaque fois au préalable. Sur la pensée et
l'expression du premier vers, cf. Gen. xv, 1; Ps. v, 13; xviir, 3. Dans le second —
vers, on doit entendre « Tu es la cause de ma gloire et grâce à toi je lève la
:
5. iS*lp, placé devant le verbe qui exprime aussi la personne, est à considérer
comme un double sujet- (GK 144 /, m, cf. 118 q; Kônig III, 325 p, 329 m). —
L'emploi de l'imparfait dans le premier vers indique une action qui se répète
(cf. Glv 107 y) et on peut le qualifier de présent historique (cf. Konig III, 366 n,
cf. 1.58); l'imparfait consécutif, dans la suite du précédent (IConig III,
le second, est
366 du temps.
g), à la fois au point de vue de la logique et L'expression i;i/*"7p in —
(cf. GK 135 n) a été en usage surtout après l'exil; on la trouve cependant dans des
textes exiliens (Ez. xx, 40; Jér. xxxi, 23) et sans doute même préexiliens (Is. xi,
9). On peut se demander néanmoins si la formule a pu être employée avant l'exis-
tence du temple, quand l'arche seulement résidait sur la colline de Sion, et même
si, après la construction de l'édifice, un certain laps de temps n'a pas dû s'écouler
crie vers lui, Dieu lui répond aussitôt, non sans doute par des paroles, mais par
des actes, comme il sera bientôt rappelé (v. 8 bc).
des événements passés et bien déterminés: ils ne formulent donc pas une expérience
générale mais racontent des faits particuliers (cf. Duhm). Ou peut en conclure que
le psaume est ceusé avoir été composé
au matin. Le cohortatif nJ*>:*\sl, qui n'est —
pas sans emphase veut exprimer ce qu'il y a de positivement voulu dans
,GK 49 e),
réveil paisible nest pas ici la suite ou la fin naturelle du sommeil, mais un fait
extraordinaire dû à la protection de lahvé : il est merveilleux que rien de fâcheux
ne soit arrivé au psalmiste pendant la nuit.
Sa confiance est donc si assurée qu'il accomplit dans un calme imperturbable les
actes de la vie ordinaire, ceux même que le moindre trouble et à plus forte raison
l'imminence du danger devraient empêcher. Et l'issue heureuse montre que sa con-
fiance n'était point vaine.
une expression technique d'ordre militaire, « se ranger » ou « camper »,
7. n'^ïT est
qu'on trouve ainsi sans complément dans Is. xxii, 7 (cf. Job x, 20). lUTN pour- —
rait être une glose. On sait que le relatif est volontiers omis en poésie. Il
n'est
aanS (cf. Ps. xxv, 19), et I.VC l'ont suivi; mais Aquila et Théodotion confirment
faute due à une dittographie du "ù* initial du mot suivant, confondu avec la con- ;
fusion opposée, compliquée d'une haplographie. est moins vraisemblable. D'autre
part, P traduit comme si elle lisait onTlS. Le parfait, dans 8 6c, caractérise Tex- —
pression d'une vérité démontrée par l'expérience du passé (cf. GK 106 k: Kdxir. III,
12(i : pcr/eciitm experienlae; Driver 12) : « tu as toujours frappe mes ennemis à
liser dans le présent, vérité générale et constante par conséquent. Nous employons
Lam. ni, :J0: Jean xi\. 3, d'iulliger un outrage, mais, comme l'explique le vers
suivant, il tend à mettre les ennemis hors d'état de nuire, ainsi qu'une bête féroce
à laquelle on briserait les dents.
L'ordre du texte est troublé dans les deux derniers versets (vv. 8 et !j; la logique. :
8 bc motive l'assurance par TexpiM-ience du passé, de même que les derniers mots
du V. G expliquent par la protection de lahvé l'immunité dont le psalmiste a joui
pendant son sommoil. Le v. s bc devait donc suivre sans intermcidiaire le v. 7, et
le V. 8 a est au moins déplacé; Flaraent, Duhm et Briggs le retranclienl, mais à tort.
L'appel à lahvé qu'il contient ne doit pas le faire condamner. Certes, le psaume est
NOTES SUR F.ES PSAUMES. 79
n'est pas acquise au psalmiste, il est en face de ses ennemis et au milieu même du
péril (vv. 2-3, 7\ Il espère le triomphe, mais c'est de lalivé qu'il l'attend (cf. vv. .5-6),
d'une intervention de sa puissance analogue à celles qu'il rappelle dans le v. 8 hr.
Il estdonc tout naturel qu'à un moment donné il formule un appel à son Dieu, un
appel qui ressemble presque à un ordre tellement il est assuré d'être entendu. Cet
appel ne doit pas être retranché. Toute la question est de savoir s'il est actuellemeut
à sa place. Or il paraît bieu qu'il trouble la suite naturelle des pensées entre le v. 7
et le V. 8 bc.
Si l'on poursuit l'examen des détails du texte, d'autres faits choquent l'esprit
à la simple lecture. La première partie du v. 9 parle de lahvé à la troisième per-
sonne et la seconde, tout aussitôt, sans transition et sans le nommer, l'interpelle
à la seconde. Ily a une certaine incohérence dans le procédé. Les traducteurs
de GVCP ont essa3'é d'adoucir le heurt des deux propositions en insérant la co-
pulative au début de la seconde: mais c'est un palliatif insuffisant, et M qui n'a
pas le waw, non plus que T, tout en gardant la leçon la plus dure pourrait bien
& arder la vraie. Zenner n'a pas hésité à introduire la seconde personne dans la pre-
mière partie du verset il est malheureusement trop facile de violenter les textes.
:
Tous ces inconvénients disparaissent si l'on suit l'ordre adopté dans la traduction :
défait ses ennemis puis il termine par un 'appel pressant mais assuré à Dieu, comme
;
que tout les condamne, comme on l'a montré, la logique et le rythme. Cette formule
connue (Jon. ii, 10), contre-partie traditionnelle de l'adage du v. 3, devait fatale-
ment surgir dans l'esprit d'un copiste, pour peu que les lettres d'un groupe mutilé
ou altéré y prêtassent. Il suffit de comparer nîrTOi mnit (v. 9 a) et iJïia;in H']'"'
(v. 8 a) pour comprendre que tel a été le cas. La leçon primitive, restituée en
marge, aura été insérée plus tard dans le texte à un autre endroit, en laissant sub-
sister le doublet fautif. —
On peut objecter encore que dans 8 bc ainsi placé, lahvé
se trouve interpellé sans avoir été nommé au préalable. Mais c'est là chose assez
fréquente dans la poésie biblique (cf. Job \n, 7, etc.), et il est fort probable qu'il en
était de même à l'origine au v. 4 du psaume.
1913, p. 8 n.). C'est la thèse souleoue par B. Jacob [lATrv, 1896, 152) et K. J.
Grimm (EuphemiKtic liturgical appendixes in the Ofd Testament, Leipzig, 1901) au
sujet du verset tout entier. Il est incontestable que plusieurs psaumes portent des
additions de cette nature. Mais est-ce le cas pour le ps. m? Que l'on retranche la
tique mutilé, savoir un vers avec un mot de trop, mais sans membre parallèle. Et
si, avec M. Pannier, on laisse 9 a à l'auteur, c'est un nouveau vers sans parallèle,
trop court cette fois, et dont on ne saurait d'ailleurs se servir pour compléter 8 a :
Mais donc surprenant qu'un chef du peuple mette la cause de la nation non
est-il
le v. 9 6 a été déplacé dans l'intention d'achever le psaume sur une pensée plus
douce que celle de 8 bc, et le v. 9 a ajouté ensuite pour arrondir 9 b un peu trop
court. Mais l'ordre censé primitif en ce cas paraît moins naturel que la suite adoptée
dans la traduction : le v. 8 br motive le v. 7 plutôt que le v. 8 a, 9 b. En outre,
l'hypothèse attribue aux liturgistes une intervention à la fois trop hardie et trop
maladroite. S'ils avaient eu l'audace de transposer les textes, ils auraient déplacé
ou le v. 8 fl, 9 6 tout entier, ou au moins le second vers dans son intégralité (c'est-
à-dire avec IhSn' en tête), et ils auraient en tout cas organisé le v. 9 un peu mieux
qu'il ne l'est. En réalité, la mauvaise coupure sur laquelle finit le v. 8 a et l'incohé-
rence sensible du v. 9 indiquent que l'état actuel du texte n'est pas le résultat d'une
intervention intelligente, mais d'un ou de plusieurs accidents aggravés par une
conjecture inexacte.
m
Le titre du psaume se réfère à II Sam. xv-xviii, (jui racontent la ré-
volte d'Absalon, la fuite de David et sa victoire finale. Le poème aurait
étécomposé par le roi au moment le plus critique des événements.
La valeur des titres des psaumes ne peut être déterminée que par
une étude d'ensemble à ce sujet (1). Si Ton s'en tient uniquement au
exagérée que puisse paraître la Irailition représentée par les litres, surtout en certaines
versions, il est tout naturel île rcconnaiire (jue l'attribution daviiJique repose sur quelque
fondement solide, que jilusieurs hymnes remontent par delà de longs siècles jusqu'au fils
nuit (xvii, 1 ss.); il peut, mieux que tout autre, identifier sa cause
avec celle d'Israël; il peut aussi rappeler que Dieu l'a toujours fait
triompher, et cette fois encore il lui donnera de vaincre ses ennemis :
tous traits qui se retrouvent dans le psaume. D'autre part, dans le livre
de Samuel, David, au dire de Séméi, n'est pas simplement abandonné,
mais châtié de Dieu; il ne songe à aucun moment à identifier sa
cause avec celle du peuple, ni même avec celle de lahvé, et sa con-
fiance en Dieu ne parait certainement pas, dans le récit de l'historien
(II Sam. XV, l'i-, 25 s., 30; xvi, 11 s.), avoir été aussi assurée que
notable et vraiment sur n'a pu être relevé à cet égard. Ni les construc-
tions grammaticales, ni lo style du poème n'excluent absolument une
date préexilienne, et le fait que le psaume a été reçu dans le premier
livre de la collection constitue à lui seul
une présomption d'ancienneté
relative contre lafpielle il n'y a pas
d'objection sérieuse à élever.
PSAUME IV
II
2. \S'1p3. est traduit dans L (Hier. Com. Rom. Med. Moz. Carnut. Casia. Sangerm.
A"eron. Cassiod.) cum invocarem te, et de même dans P, ce qui suppose à l'origine
dans G àv tw è-i/.aXîLaOa' 33, que C a d'ailleurs rendu servilement. Il est probable
que telle a été en
leçon primitive des Septante, non pas qu'ils aient lu
effet la
un autre original hébreu, mais ils ont seulement traduit assez librement. Plus tard,
quand sévit le littéralisme, ixt aurait été substitué à as. — "^^z'J « exauce-moi »
(MT 'ASe Hier. Hefer.) devient ijJV « il m'a exaucé » dans GV, et "îjniay « tu m'as
exaucé » dans L (Hier. Com. Rom. Med. Moz. Carnut. Casin. Corb. Sangerm. Veron.
84 REVUE BIBLIQUE.
fluencée, s'accordent sur la seconde personne, cène peut être par hasard : elles ont
lu dans les Septante primitifs
EÎc^T^xouacJ; jaoj, qui est en effet conservé dans G (66 293)
et dans l'Aldine. Gaura été retouché ensuite sur l'hébreu, mais de son état originel
aura retenu le parlait la révision, comme il arrive assez souvent, n'a réussi qu'à
:
moitié et ressemble à un compromis entre les deux textes. Il arrive donc que dans
ses plus anciens manuscrits et dans les plus anciennes citations patristiques, G se
présente sous une forme déjà retouchée d'après l'hébreu, et ses plus anciens témoins
peuvent être les versions dérivées, dans la mesure où elles n'ont pas été révisées
elles-mêmes. —Aucune divergence n'existe dans les divers témoins au sujet des
trois derniers verbes du v. — Le suffixe de ip~ï peut qualiûer inSN, le substantif
r"î2f étant ici l'équivalent d'un adjectif : « mon Dieu juste » (cf. GK 135 ?i). Les
commentateurs estiment cependant plus conforme à l'usage de la langue d'étendre
l'expression par analogie à >'J'd'^ ^'^^^* « Dieu de mon salut », c'est-à-dire « qui
opères mon salut » (Ps. xviii, 47) et de traduire « Dieu de mon droit », c'est-à-
dire « qui venges mon droit ï. On pourrait aussi considérer ip~ï comme un génitif
d'apposition (cf. KÔNir, III, 337 d), la justice attribuée à Dieu étant ici celle qui
il n'v a pas de partait précatif en hébreu (,Driv. 20; GK p. 323, n. 2). Sur le
daqech euphonique de "iS voir GK 20 f. Littéralement on devrait traduire : « dans
prière », et il faut dès lors entendre « toi qui d'autres fois déjii m'as délivré, écoute
:
cette fois encore ma prière. » Mais rien dans le contexte n'indique ni même n'insinue
que nimn se réfère à un passé antérieur; tout au contraire, lïi, qui fait pendant
à \x"ip2, montre que mmn est en parallélisme, lui aussi, avec le verbe nj" et il
est dès lors tout indiqué de lire : « Quand j'ai appelé tu m'as rôpondu,... dans la
détresse tu m'as délivré ». L et G ont donc pour eux, outre leur ancienneté, la
logique des trois premiers quarts du v. 2. On verra bientôt qu'ils ont pour eux
encore celle de tous les autres w. du psaume. Mais les deux impératifs qui restent?
D'abord, le second vers a un accent de trop dans ce psaume en effet, sauf les :
vv. ;> //-6, dont la métrique laisse à désirer, et un mot en surcharge dans 9/;. les
vers sont très régulièrement de quatre accents. Or on ne peut enlever au v. 2 6 que
«^
NOTES SUR LES PSAUMES.
n'aurait-il
ij:n. Laissons donc ce mot de côté pour le moment. Reste ya*^. L'auteur
haplo-
pas écrit nynu; « tu as entendu », le n ayant pu facilement tomber par
de sens
estune glose à éliminer, le 1 qui rattache 'JID'à au contexte antérieur n'a
avoa-
que si on lit ce verbe au parfait et non à l'impératif. Le psalniiste peut-il
écrit : « Dans la détresse tu m'as délivré et exauce ma prière »? Évidemment non.
2. Le contenu du psaume, eu dehors des verbes en discussion dans ce v.,
tout entier
le psalmiste.
exclut l'idée d'un danger présent et d'une demande adressée à Dieu par
On ne trouvera pas un seul mot dans les vv. suivants qui ressemble à une suppli-
auditeurs à se convertir pour avoir part aux biens dont lahvé comble ses fidèles
(vv. 3, 5-7). Le v. 2 n'est donc pas dans le ton du psaume s'il exprime uue demande ;
il en contredit toutes les paroles. A plus forte raison uq cri de détresse est-il
deux dernières corrections ne sont appuyées d'aucun témoignage, mais elles sont
exigées par la logique de la pensée et en partie par le rythme, et les divergences des
témoins dans la première moitié du v, prouvent combien le texte a souffert et per-
mettent de penser que ces témoins sont discutables là même où ils sont unanimes.
Duhm insinue qu'on pourrait abandonner le v. 2 et le considérer comme une
addition liturgique. Ce v., entendu comme il doit l'être, cadre trop bien avec le
Défait, U"iN' n'a pas toujours son sens le plus relevé (cf. Ps. xxxvii, 7; xxxviir,
1.5; xcxii, 7). On traduira « fils des hommes » si le psalmiste s'adresse à tous les
non à toute l'espèce. Il ne s'agit ici que des Israélites et encore de ceux qui ont
besoin de conversion (v. .5). — Sur la vocalisation de HD voir GK 37 e.
opprobre? » en sous- entendant nMi comme daos Is. iv, 2, ou n\r\ comme dans
Is. XXX, 3. ndlD signifie en effet « honte, confusion », mais aussi « insulte, dédain »
et « objet de dédain » (cf. en particuUer Éz. xxxiv, 29; xxvvi, 6, 15). Cette leçon
est appuyée par TP et, pour le premier substantif au moins, par S n 86Ça
[aou. 'A ot
ïvoo?ot>oj £i; lvTG07:r;v Hebr. incliti mei j.g/iommiose n'en diffèrent sans doute
et Hier.
que par la lecture du premier mot i-^D au lieu de n'zs. Mais G iSacuxâoo'.ot "va
: ;
Sangerm. gravis corde; Hier. Rom. Gassiod.. gravi corde) CV ont lu -^2"] li'i \732.
parfois voulues (cf. Ex. viii, 28), des opérations intellectuelles. Elle peut carac-
'
tériser aussi bien un esprit lourd qu'un cœur endurci. L'un et l'autre sens sont
recevables ici.
La leçon massorétique est retenue par Bickell, Bàthgen, Duhm, Briggs. Mais à la
suite de Géuebrard et d'Houbigant, Gràtz. Flanient, ^Yellhausen, Zenner préfèrent
celle de G. « Jusques à quand outragerez-vous ma dignité » suppose que le psal-
raiste s'adresse à des adversaires personnels et veut les amener à résipiscence. Cette
idée n'est pas en harmonie avec le reste du psaume. Rien n'indique que les fils '<
cher à ce qui est vain et trompeur (v. ,3 b) et même pécher (v. 5) n'implique pas
nécessairement qu'on lui soit hostile (voir ci-dessous). Sans doute, la conversion est
en vue au v. -5, mais la conversion à lahvé, et non dans l'intérêt du psalmiste, qui ne
paraît en butte à aucune attaque et ne court plus aucun danger, mais dans l'intérêt
des pécheurs eux-mêmes, pour leur assurer les biens dont lahvé est le dispensateur.
La leçon de G, au contraire, est d'accord avec le vers suivant : « Inintelliiïents
que vous êtes, vous poursuivez ce qui est décevant! » et avec le reste du psaume :
« C'est lahvé qui distribue les biens : convertissez-vous et vous Içs" obtiendrez. »
Duhm objecte avec raison (cf. GK IIG s] que le sujet {DPi<) de la proposition
nominale qui constitue le premier vers devrait être exprimé. Mais si "cS était
retranché, l'objection tomberait, car 1^ 1"13 ne formerait plus une proposition
indépendante, mais qualifierait le sujet des deux verbes qui suivent : cette construc-
tion est assez fréquente en hébreu (Gen. xlix, 11; Ex. xiii, 18; Éz. xxxvi, 35;
Sah. I, 10; Ps. xcii. 14 avec un sens causal comme ici; Job xxiv, 10), même avec
des verbes à la première ou à la seconde personne et dans des propositions interro-
gatives (Job i, 21 ; xv, 7; Ruth i, 21). Or hgS, qui est très douteux au point de vue
du mètre, doit être né d'une dittographie de zS avec altération d'une lettre, le n
inaler lectionis ayant été ajouté par la suite. La même dittographie, interprétée
autrement, a donné naùssance à la leçon massorétique.'
Dans le forme ancienne de la désinence (cf. GK
second vers, pzrîNn garde la
pourraient en eux-mêmes désigner le culte des idoles (cf. Am."ii, 4). Mais il s'agit
plut()t de la recherche des biens de ce monde par des moyens purement humains et
même moyens que la morale réprouve comme opposés soit à la justice soit
par des
aux bonnes mœurs. Les « fils d'hommes » ne vont-ils pas être exhortés à ne plus
pécher (v. .5)? En attendant, le psalmiste déclare que ces moyens sont inefficaces et
décevants on ne trouve le bonheur que par la grâce de Lihvé et on n'obtient sa
:
faveur qu'en le servant fidèlement (v. 5), démontré par l'expérience comme il est
personnelle du psalmiste (vv. 4, 8), expérience dont ses auditeurs ont pu êtr», les
témoins. Le même enseignement est développé plus longuement dans le ps. lxii,
dont les vv. 10 ss. semblent paraphraser le présent v., et encore dans le ps. xxxiii,
vv. lG-21. Dire, avec les commentateurs fidèles à la Massore, (ju'il est ici question des
calomnies qui lèsent la gloire du « prince » est une supposition uratuile qui ne s'har-
monise pas avec le contenu des autres versets. Dans celui-ci même, le seul parallé-
lisme de 27- lU^'pin avec « aimer le vide » suffit à démontrer qu'il ne s'agit point de
« pratiquer le mensonge de la calomnie »,mais de « poursuivre une chose trom-
peuse et décevante ».
d'un raisonnement, mais une conséquence matérielle qui se dégage des faits ou de
la situation (Driver 122; voir GR 154 b et cf. Ps. ii, 10).
Sur rhzn pour XiSsn (Ps. xxxi, 22) cf. GK 75 gq; mais 37 mss. Kennicot et
Kûpto; -bv cîatov aùtou a été admise par les autres versions, à l'exception seulement de
T, qui s'en tient à n^D : « Dieu a mis à part un juste pour lui », et de P, qui sem-
ble combiner les deux interprétations : « Dieu a rais à part pour lui un élu de façon
merveilleuse ». L'orthographe massorétique devait impliquer à l'origine le sens que
ï a retenu (voir au v. 9). Cependant, si le sens de « mettre à part » avait été dans
l'intentionde l'auteur, "h aurait sans doute suivi immédiatement le verbe. Mieux
vaut adopter la traduction commune des versions « Dieu a rendu extraordinaire... ». :
Mais encore l'expression iS "iDn ne se lit point ailleurs et semble peu correcte, du
moins si le S indique le datif (grammaticalement, il pourrait avoir été introduit pour
exprimer le génitif et laisser cependant -icn indéterminé un de ses pieux » : «.
;
mais l'hypothèse est peu plausible). Aussi Dyserincli {Krit. Scholien, dans Theolo-
gisch Ti/dschrifl, 1878, 279 ss.) et Gràtz veulent lire lS i-cn comme dans
Ps. xxxr, 22 (cf. xvii, 7); Cheyne, Wellhausen et Duhm, "h IDU; Briggs lit aussi
~pn, mais retranche iS. Le ms. grec 201 porte d'ailleurs Kuoioç lerjadcjrojcre -b k'Xso;
a-JTou Ir.i ibv une double traduction. Une erreur dans M est vrai-
b'cjtov aj-ou, avec
semblable une méprise analogue a été commise dans le psaume xxxi, 22 par plus
:
d'un traducteur, et la formule introduite par Dyserinck semble plus correcte que
celle de la Massore. Faut-il lire iïDr; ou "Dn? Les passages parallèles des
psaumes xvii et xxxi seraient en faveur de la première leçon; mais les vei'sions
sont d'accord avec le texte pour laisser le nom sans suffixe, et d'autre part .s'iSsil
s'emploie bien avec un nom indéterminé (cf. Is. xxviii, 29) et ion lui aussi reste
volontiers dans l'indétermination (cf. Gen. xxxix, 21 Ex. xx, 6, etc.).
;
Tandis que le verbe du premier vers est au' parfait et relate donc un fait parti-
culier et déterminé du passé, "D'ù'i dans le second généralise et veut caractériser la
conduite habituelle de lahvé envers le psalmiste. Duhm, à la suite de Bickell, écrit
iJi^au^ en s'appuyant sur G £?cjav.oJcc-a( [aou et sous prétexte qu'il ne suffit pas
d'être entendu, mais qu'il faut être exaucé. De fait, GLC ont le pronom ; seul P
l'omet. Mais 712'C même sans complément peut avoir le sens d' « exaucer » (Ps. xxir,
25; XXXIV, 7, 18; Lxxi, 18, 19) : du moment que lahvé entend, le psalmiste ne
doute pas qu'il agisse en sa faveur. Il est fort possible que G ait ajouté le pronom
ici, commeil l'a fait dans les psaumes qui viennent d'être cités.
(2)2')2 "IQN' est « dire dans son cœur », donc « penser » (Gec xvii, 17
Is. xlvii, ;
en vos cœurs ». Mais ~I13N* doit régulièrement être suivi de renonciation des choses
dites, au contraire de 12"? « parler ». L'expression n'est donc pas employée ici cor-
rectement. En outre, quel que soit le sens attribué au contexte, soit antérieur, soit
subséquent, la pensée est trop commune et trop faible. TiDN doit être le résultat
d'une altération. Duhm, pour qui le v. fait allusion à des mécontentements qui
pourraient dégénérer en révolte, se décide à lire îiin, retranche les deux mots sui-
vants et traduit Soyez révoltés, mais taisez-vous! » Mais si l'on tient compte
: «
double sujet (cf. Ps. m, 5, et voir GK 144 m) : « que vos cœurs comprennent! » par
opposition au v. 3 fl, ou encore une expression comme DpijS "nnis : « Puriliez vos
cœurs! » (cf. B. S. xxxviii, 10). Si le texte était peu lisible, le copiste aura supposé
un mot usuel et une expression courante.
La suite du v. n'est pas exempte non plus de difficultés, notamment en ce qui
concerne la place à attribuer au waw. Il a été lu avant D3i2'kira "l'J par G (R 156)
PL (Hier. Com. Rom. Uoz. Carnut. Casin. Colbert. Gorb. Sangerm. Veron. Cassiod.
Cypr. Ghromatius [In Matth. vu, 1; PL. XX, 345]), contre MGCV'AS qui ne l'ont
pas à cet endroit. Il est placé devant 1î2"T par M'A Hier. Hebr. au contraire de GPL
(Hier. Com. Rom. Moz. Carnut. Casin. Corb. Sangerm. Veron. Cassiod. Cypr. Ghro-
matius) CVS. On doit d'abord négliger le relatif que G, suivi par divers témoins
de L (Hier. Com. Rom. Moz. Casin. Veron. Cassiod.), par G et V, a introduit devant
IIDN (sans avoir à toucher à la forme verbale XéyeTe); car M'A Hier. Hebr. SP et
plusieurs témoins de L (Carnut. Corb. Sangerm. Cypr. Chroraatius), les meilleurs
peut-être et les plus anciens, ont retenu l'impératif que le contexte ne permet pas
de révoquer en doute et dont la présence exclut celle du relatif. Quant au >.vaw,
il ne doit pas être car S" et son complément, commençant un
lu devant *1Q- :
second vers, se réfèrent forcément au verbe qui suit et ne sauraient en être séparés.
Un waw devant S" ne serait pas contre le sens, car le second vers apparaît conmie
une conséquence du premier, mais il n'est pas nécessaire et surchargerait peut-être le
rythme. On obtient ainsi : « Sur votre couche tenez-vous en repos! » (cf. v. 9;
pour le sens de Dî^T, voir 1 Sam. xiv, 9; Jér. xlvii, (5; Job xwi, 34). La con-
version opérée, lé cœur purifié de ses fautes, il n y a plus qu'à attendre en paix
les biens que Uhvé répartit à ses fidèles : inutile de s'agiter pour les conquérir
(vv, 3, 7-8). — Au reste, le texte de ce v. pourrait bien être encore plus altéré -lu'il
ne contient qu'un seul vers, trop long au contraire et qui en tout cas reste sans
seconde moitié du v. 6 achève la pensée du v. 5 et com-
parallèle. D'autre part, la
plète exactement, au point de vue du mètre, son second vers. Si le sens obtenu
en faisant abstraction de 6 a est satisfaisant et la mesm-e exacte, cette moitié de
verset sépare à tort les vV. 5 et 6 b. Comme on ne saurait lui trouver une place
convenable ailleurs et que les préoccupations du psalmiste, tout en étant très re-
moins d'ordre cultuel (v. 7) que d'ordre moral (vv.
ligieuses, sont 3, 5), la clause
aura été ajoutée quand le psaume fut adapté à l'usage liturgique.
NOTES SUR LES PSAUMES. 89
Les « sacriflces de justice » sont les sacrifices prescrits par la Loi suivant les
circonstances, et revêtus de toute? les conditions exigées, c'est-à-dire otlerts cor-
rectement (cf. Deut. XXXIII, 19-, Ps, Li, 21). On pourrait traduire par « les sacri-
fices requis » en donnant au dernier mot une portée qui s'étende non seulement
à la substance ou à la nature, mais à toutes les conditions du sacrifice offert.
7. D'après le contexte (vv. 8-9), 2Ta désigne ici le bonheur. « Faire voir le
Ps. X, 12) pour NÛ7 (GK 76 b). Elle est admise généralement par les commentateurs
modernes, d'ailleurs, nï^J est écrit dans le ms. 24-5 de Kennicott et nt:j dans le
ms. 30. L'autre interprétation, adoptée par G lar][j.awGr, L (Hier. Com. Rom, Ve-
ron. etc. Ambros. August. Cassiod. Hilar. designatum est Tertull. significatum est)
et V signatum est G, se réfère à DDJ dénominatif de C2 « signal, étendard » (Rôn. f,
p. 631; cf. Ps. LX, 6; Zach. IX, 16) et supposerait le parfait 7iiph. riDJ (cf. P « il
supposerait l'impératif qal avec le n du cohortatif nEJ. Mais le sens de DCJ, à quel-
que temps qu'on le lise, ne convient pas au complément direct qui suit; et xiyj
paraît au contraire tout indiqué si l'on se reporte à Nomb. vi, 24-26 : les deux
clauses parallèles relatives à la face de lahvé, telles que les énonce la bénédiction
du grand combinées en une seule, tandis que le ps. lxvii,
prêtre, se retrouvent ici
24; Prov. XVI, 1.5), soit surtout de Dieu (Ps. xxxi, 17; xliv, 4; lxxxix, 16), sym-
bolise les sentiments de bienveillance dont l'un ou l'autre sont animés ne disons- :
nous pas qu'un visage s'éclaire ou s'assombrit, suivant qu'il exprime la satisf.iction ou
le mécontentement? On peut à peine se demander si xiiîj doit être lu à l'impératif
comme dans M. Comme le texte des Nombres d'où il est tiré, ce vers formule
une prière : le parallélisme entre 7 ti et 7 6 exige cette interprétation, et l'emploi
de la première personne du pluriel dans les deux membres du v.. tandis que la
première du singulier reparaît au v. 8, ne permet aucun doute. Il faut donc laisser
7 b aux D^n de 7 a, qui peuvent être les « fils d'hommes » du v. 3 Juifs peu :
fervents qui concilient leur iahvisme avec le péché (vv. 3, o), ce qui explique que
les faveurs de lahvé leur soient refusées. Il ne suffit pas de demander le bonheur,
même à lahvé (v. 7), pour l'obtenir, il faut encore, comme le psalmiste, servir
Dieu fidèlement (v. 5) pour être exaucé comme lui (vv. 2, 4\
mni est à joindre au premier vers du 8, comme a fait P et comme
v. l'ont
reconnu, à la suite de Bickell, Cheyne, Flament, Duhm, Zenner et Briggs : au-
trement. 7 6 est trop long d'un accent et 8 a trop court d'autant.
8. Une erreur de copiste suggérée par les mots suivants a fait écrire dans G
xap:;ou, reçu par Sh C V Hier. Com. Ambros., au lieu de y.atpou attesté par MT'AS©
Hier. Hehr. PL (tous les témoins, sauf saint
Ambroise qui doit suivre ici une source
grecque : cf. PiAhlfs, Septuaginta-Studien, II, Ber Text des Septuaginta-Psalters,
Gôttingen, 1907, p. 226). En outre, y.oà IXx'ou a été ajouté dans G et a passé de là
dans PCL (tous les témoins) et V; seuls MT Hier. Hebr. Com. et G (150, par correc-
90 REVUE BIBLIQUE.
tion sans doute) restent indemnes. L'addition a donc eu lieu dans G à une date
ancienne et avant toutes les traductions dérivées des Septante. Le maintien de
/ai devant oXwj dans la plupart des mss. (une quarantaine de minuscules seulement
l'ont perdu) atteste néanmoins encore le caractère adventice de xal âXaLou. Ce devait
êtrCj à l'origine, une glose marginale inspirée de Deut. \n, 13; xi, 14; xii, 17;
xiY, 23; XVIII, 4, etc. et destinée à compléter l'énuraération des récoltes, comme
dans Os. ii, 8, 22, etc.
Il faut supposer l'ellipse du relatif soit devant njai (GK 155 l : î)V serait à l'état
"
la meilleure. — Sur l'emploi de p2, cf. Glv 133 e note; et sur l'usage du pronom
suffixe indéQni, c'est-à-dire représentant des personnes indéterminées comme dans
ps. XLV, 10, voir Rô-N. III, 324 (/ « plus qu'au temps où
; leur leur vin et
a eu grande abondance ».
Les récoltes se faisaient dans la joie et cette joie était devenue un ternie habituel
de comparaison (cf. Is. ix, 2; Jér. xlviii, 33). Ici la récolte est supposée abondante
et la joie plus grande encore que de coutume. Il n'y a pas lieu d'insister sur le
caractère intérieur de la joie du psalmiste et de l'opposer à la joie extérieure et
bruyante des moissonneurs et des vendangeurs (contre Duhm). Les situations dif-
fèrent sans doute, mais le psalmiste, lui aussi, a reçu une faveur d'ordre temporel
et il ne lui déplaît pas de manifester son contentement.
9. Tini marque la quasi-simultanéité (cf. Is. xli, 23) des deux actes de se coucher
et de s'endormir. Le psaluiiste se sait tellement en sécurité que le sommeil ne le
fuit pas; il n'a pas à le chercher, même un instant. Le cohortatif du premier verbe
indique en outre que l'acte est fait d'une résolution ferme, en pleine conscience et
volonté; ou peut aussi considérer que le aaw devant le second verbe continue le
TizS dans le second vers ne peut être rapporté à nnx dans ce cas en effet :
on devrait lire 'nizS (Ko-\. III, 344 6), qui a été pour ce motif introduit dans un ms..
et la spéciQcation serait d'ailleurs assez inutile. Mais liih et n'ClS font dès lors
double emploi et l'une des deux expressions est d'autant plus suspecte que le vers
a un mot de trop pour le rythme. Or il ne semble pas probable que l'auteur ait
écrit ""zS, dont wcdH serait une glose. Le premier terme est moins bien adapté au
contexte que le second et à s'en tenir au contenu du psaume, on ne voit point que
le psalmiste vive à l'écart de son peuple. r\'^lh doit donc être original. On com-
prend mieux que TT^S ait été ajouté. Ce n'est pas une glose explicative H'CZ'^ est :
assez clair. Mais les deux mots étaient volontiers mis en parallèle dans les textes
III
des deux textes indiqués (Kon. III, 239 /) et jamais dans les autres ;
livres il n'est précédé de C'Zi. Mais il n'est pas surprenant que les
deux verbes 23ïr et ]«;'' soient lus à la suite l'un de l'autre (voir
1 Sam. XXVI, 7 ; I R. xix, 5 et Job m, 13)*
cf.
92 REVUE BIBLIQUE.
Il nous est dit à la fin du IN" évangile, xxi, 25, que « Jésus a fait
encore beaucoup d'autres choses » que celles qui sont racontées dans
les chapitres précédents, ce qui nous invite à croire que les évangiles
n'ont pas rapporté toutes les actions du Seigneur et non plus toutes
ses paroles. y a donc lieu de rechercher celles qui nous ont été
Il
mentionne les traditions non écrites, à'/pasouç; cf. IrÉxXée, Adv. Haer.
I, 8, 1 ;
Basile, De Spiritu sancto, 566.
en 1776 que le terme a été employé pour la première fois
C'est
par KOrner, dans son ouvrage De Sermonibus Christi 'Avpâac^,
:
our Lord by the Fathers and other priinitive Writers, 1874. Ad.
Hflgexfeld, Librorurn deperditormn fragmenta [Novumest Tamentum
extra Canonem receptum),
1884. B. Pick, The Life of Jésus according
to extra-canonical Sources, 1887. Th. Zahn, Geschichte des neut.
Kanons, 1, 1888. A. Resch, Agrapha, ausserkanonische Schriftfrag-
mente, 1889, 1906. J. H. Ropes, Die Sprïïche Jesu, die in den kano-
nischen Evangetien nicht ûberliefert sind, 1896. E. Nestlé, Novi Testa-
nienti graeci Suppleinentum, 1896. Grenfell et Hunt, Sayings of
our Lord from an early Greek Papyrus, 1897. New Sayings of Jésus
and Fragment of a lost Gospel, 1904 (1). B, Jackson, Tœenty-five
Agrapha or extra-carionical Sayings of our Lord, 1900. Griffenhoofe,
The unwritten Sayings of Christ, 1903. Vrya^sc^f.^^ Antilegomena.
Die Reste der ausserkanonischen Evangelien, und urchristlichen
Ueberlieferungen, 1905. Grenfell et Hunt, Fi'agment of an uncano-
nical Gospel from Oxyrhinchus, 1908. C. \Yessely, Papyrus grecs
relatifs à Tantiquité chrétienne dans la Patrologia orientalis de Graf-
FiN et Nad, t. IV, fasc. 2, Paris. T. Holzmeister, Unbeachtete pnlris-
tische Agrapha, dans Die Zeitschr. fur Katholische Théologie, 1915,
p. 98-118.
Les sources où nous puisons les paroles extracanoniques du Sei-
gneur sont les suivantes : I. Les écrits néotestamentaires, les évangiles
exceptés; ces paroles sont donc extra-évangéliques, et non extracano-
niques. IL Les manuscrits du Nouveau Testament. III. Les évangiles
et les Actes apocryphes; IV. Les papyrus. V. Les écrits des Pères de
TÉglise et des hérétiques. Nous passons en revue toutes les sentences
attribuées à Notre-Seigneur en essayant d'en déterminer l'authenti-
cité. A. chacune d'elles est ajoutée une des notes suivantes : A. =
authentique; P. probablement authentique; I). douteuse; N. A. non
authentique. Nous n'étudions pas les questions critiques et exégéti-
ques qui se posent à propos de ces sentences.
Il y aura lieu de laisser de coté un certain nombre de sentences
qui, pour une raison ou une autre, ne doivent pas entrer dans notre
recensement. 1" Les sentences qui reproduisent des paroles évangéli-
(f) Les ouvrages imbliés sur ces Logia sont trop nombreux pour que nous les citions tous.
LES SENTENCES DU SEIGNEUR EXTRACAxNONlUUES. 93
ques sous une forme plus ou moins différente 2" celles qui provien- ;
Dans son discours aux presbytres d'Éphèse, saint Paul leur dit en
terminant son allocution \zi... ;j.v/;;j.ovc'j£',v -rs -wv '/.ô-^uyv tou KupCcj
:
'r^7CJ. 'i-i aj-bç ='.-zy' Ma/.âp'.cv ïaiv/ ;j.5caacv o'.sivai Xay.êâvîtv, Act. XX, i^
35. Il faut se souvenir des paroles du Seigneur Jésus qui a dit lui-
mcme Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir.
:
ma mort jusqu'à ce que je vienne, que Paul rapporte sans les attribuer
v.pizuû:. vous dis que de toute bonne parole que les hommes ne
.le
zzMz* vous dis que toute parole oiseuse que les hommes auront
.le
Dans la péricope de Mt. xvii, 24-27, ont été introduites des paroles
de Jésus de Pierre qui semblent modifier le texte. Jésus demande
et
Es-/; Si[^.(.)V Nxu l\.é'(i\ z Ir^azXjq' ooç, O'Jv -/xl j'j o^ç c/'kkbxçiioq îcijtwv ;
Simon dit : Oui. Jésus dit : Donne donc et toi aussi comme étranger
à ceux-ci. Ces paroles semblent en opposition avec la suite du
texte canonique, où Jésus ordonne à Pierre de payer le tribut afin
que l'on ne soit pas scandalisé — N. A.
nibus, donne cette leçon : Quod autem uni dico, omnibus vobis dixi.
Le sens des deux sentences nous parait trop différent pour que l'une
soit une variante de l'autre. Optât, De Sehismate Donatistariim, i, 1,
a rapporté aussi cette parole du Seigneur, mais il l'a placée dans
un autre contexte — P.
TIV2 ïoy(x'Co[).vfOv -0) zy.Vty.-is) cÎttsv aù-oJ' "Av6po)-s, ê'. [j.àv oioaç t'! t:ci£'.'ç.
aaxasi;; si' £^ s^ !'"'; C'-saç, èTcty.aTxpa-cr y.a'i TrapaSâ--/;; î'^ tcj V5;j.s'j,
étéconnu de Jacques, ii, 12; i, 25; ii, 10, IJ. Ses expressions se
rapprochent de celles du IIP évangile et du IV : El ;j,èv oloaç ti ttsisCç,
[xay.apioç v. = v. TajTx cïsxtî, ji.xy.âp'.ci ècTs, ààv ttoi-^tc ajTa, Jn, xiii, 17.
Resch en conclut que nous avons là une parole authentique du
Seigneur. Ropes nest pas de cet avis, parce qu'il n'a trouvé nulle
trace, chez les Pères, de ce logion. Il cite cependant un passage de
saint Augustin qui le rappelle d'assez près Contra advers. legis :
est sans aucun doute digne de Jésus et qu'il est possible qu'elle
émane de lui. Elle est basée sur ce principe que la valeur de l'ac-
tion dépend du motif qui l'a inspirée — P.
Yap 'j'.c; TOij àvOpoWcj ;jy. r^XOe d/'J'/àç àvOpw-tov àrrcAÉja'. oCk'kt. stTjaa'..
l'homme n'est pas venu perdre les âmes des hommes, mais les sauver.
Le codex D n'a pas la première partie de cette sentence. La grande
majorité des manuscrits majuscules, des codex de la Vulgate, des
Pères, Cyrille d'Alexandrie, Jérôme omettent cette sentence, de sorte
qu'il n'est pas certain qu'elle fasse partie du texte canonique. Elle
est cependant authentique et provient probablement de la tradition
occidentale — A.
et ajoute les parties placées entre crochets 'Ey^ vàp èv [jAgm û[jm^:
non sicut qui recumbit sed sicut ministrans et vos crevistis in mini-
sterio meo sicut ministrat.
Resch, p. 50, croit que ce fragment conservé par le seul codex de
Bèze est une parole authentique da Seigneur, parce qu'elle s'en-
cadre bien dans l'ensemble du discours et qu'elle présente des carac-
tères de véritable originalité — A.
Au lieu de iAOâTo> -rj ^'iacrùsix aou, Le, xi, 2, le codex Ev. 604, édité
par Hoskier, et le codex Vaticanus, olim Barb. IV, 31, ont la leçon
suivante,: 'EXÔstw Tb -vsjt^a aou tc «y'-îv ïo r,\j.x:; y.a- -/.aQapiaaTW yj;xx-;.
Car dans cet évangile, il dit (Luc), au lieu de èXÔ^Tw ^ocjiheia azj r, :
èXÔÉTO), or,7(, -h aY'-2v Tzveuixa aou ko ri[i.Oiq 7.7.1 y,xBxpiiixi>i Y;[j.aç. Cf. Maxi-
mus^ t. I, p. 350 [ad Malth. vi, 10). Ces deux témoignages ne suffi-
sent pas pour infirmer la tradition textuelle des évangiles de Mat-
thieu et de Luc, ainsi que toute la tradition patristique — N. A.
*
Ne nous induisez pas dans une tentation [que nous ne puissions pas
supporter], bien qu'on ne la trouve pas dans un manuscrit du Nou-
veau Testament, mais seulement dans la Liturgie d'Alexandrie, éd.
Swainson, p. 6 et dans la Liturgie syriaque de saint Jacques, ib.
p. 343; JÉRÔME, in Ezecli. xlviii, 16; Hilaire, in Ps. lxviii Ps.-Augus- ;
point que vous soyez tentés au delà de vos forces; mais avec la
tentation il vous en donnera aussi l'issue, de sorte que vous puissiez
la supporter? C'est possible, mais cela ne suffit pas pour nous faire
admettre comme authentique cette addition — N. A.
100 REVUE BIBLIQUE.
est, qui non sinit per immundos spiritus veram Dei apprehendi
virtutem, idcirco jamnunc révéla justitiam tuam. Voici le texte grec
donné par le codex Freer avec la réponse de Jésus : Kà/.eTvot àr.zko-
YOUVTO AÉYCVTcç" OTi ô a'.ojv ci)~cz Tv^ç àvoij.taç 7.y.\ tyjç à-icttaç ûtto tov act-a.-
vàv àcT'.v, c [j/q èwv xà br.b twv 7:v£u;j.â-o)v x'/.yJ}y.p-a -:y;v àX"/;6tvr;v zc'O Qzc^j
y.aTaXxSécOat oûvaixiv' cià tcutc «jroy.âXu^'Ov g:>ù ty;v oiy.aiocjv^v r^or^, VÂzivzi
y.y.apvriGœi-on èvô) xapscôôr^v îîç 6âva-cv î'va ù'^roaTpstl/tociv e'.ç -rr^v àXr/Jîiav
giles synoptiques; oixatotrûv/j @zoX> dans Paul; oi'y. -oj-o daïis Marc;
r.yt\t[J.y ày.âOapxov, àiîoy.aXûzTO), à-Ko'ko^{Oi)'^.0Li, èâw, jrapasccwtj.'. dans tout
le Nouveau Testament; àX-^Oivr) ojvaij.tç, -KpoGké'fu), c£',vôç, 7:veu'f<.aTiy.ri
lira, a^OapToc o6ça, ne sont pas des expressions néotestamentaires,
il faut en conclure que l'auteur de ce passage connaissait bien le
Nouveau Testament, mais qu'il ne se croyait pas obligé à se servir
seulement des expressions de ce livre. Nous n'avons donc pas là des
paroles authentiques de Jésus. Leur origine pourrait remonter à des
paroles authentiques du Seigneur, dont elles ne seraient qu'un écho
.affaibli (2) — N. A.
(1) Das Freer- Logion, Leipzig, 1908.
breux Celui qui s'étonne régnera et celui qui règne sera en repos.
:
le même sens que ces autres Celui qui cherche ne s'arrêtera pas :
être faut-il le remplacer par f)a;j.5-r;6c'ç, ainsi que l'indiquent les pas-
sages cités plus haut — D.
*
'Eàv s£ 7:poîi*r^Taî ti; -b 7.aO' 'ESpaisuç £ijaYY£Af.C)v, |v6a xj-zc, z zM-.-qp «p'/jaiV
y.p-.i i'kyzi a£ r [j.r-rz 'j.z'j -.z z-'',:v -vsjy.a iv [j.'.y. Toiv Tcr/wv ;j.ou /.ai àvr,-
v£Y-/.£ !A£ tlq-z zpzq -z \U-{y. Qycùip. Si quelqu'un accepte l'évangile selon
les Hébreux où le Seigneur lui-même En ce mument même ma
dit :
•/.al àv£Aa6£V \j.t T.'nj[J.y. âvx a£7cv tyjç v-i^ç %y.l z-jpavzu 7,<x\-ri^ry.-^/é'f ;j,-. zlç Ispo'J-
iaoKOJç èÇ-Zj-z-ÔTCç. TpeTç ^àp oojÀouç Trspur/e, tov [[aèv y.aTaî-aYCVTa Tr,v li-ap-
<)^œt-y. -:b -râXav-rov. sira -bv [;iv àrco£/0-?;vai, tov ce [;.£[j.90-^vai ;j.ôvcv, tsv oè
maître avec des courtisanes et des joueuses de flûte, l'autre qui fit de
grands profits et l'autre qui cacha son talent, et comment à la fin,
l'un fut accepté, l'autreseulement blâmé et l'autre jeté en prison.
Ce passage est un mélange des paraboles abrégées de' l'enfant pro-
digue, Le, XV, 11-32 et des talents, Mt, xxv, 14-30; Le, xix, 12-27.
Ceci nous inchne à croire que nous n'avons là qu'une allusion tar-
dive à ces paraboles. D'ailleurs, ce passage ne se trouve pas dans la
Theophania d'Eusèbe, éditée par (iressmann — N. A.
bonos, quos pater coelestis mihi dédit. Cette sentence, qui rappelle
d'assez près des paroles du Seigneur rapportées par saint Jean, xvii,
2, 6, peut être confirmée par la description du choix que fait Jésus
entre les bons et les méchants, Me, xxiv, 34. 11 est donc possible que
nous ayons là une parole authentique du Seigneur F. —
Saint Épiphane, Haer. xxx, 16, rapporte une sentence qu'il a trou-
vée dans l'Évangile des Ébionites 'Qç -b Trap' aÙTot; [-.olq 'Eôcojvaio'.ç)
:
3JaY7£A'.:v 7.aA;j[j.£v;v -zp'.iyz'. 'i-.'. -^XOsv y.araÀyo-î:'. ikq Oujiaç, /.al làv [j-y;
r.y.jGTioth -oï) OJs'.v, cj ~y.ùzz-ai àcp' jiawv -h, opY*!- Comme il est contenu
dans l'évangile appelé d'après eux (les Ébionites) J«^ suis venu abolir :
'Ea£o; W/m -k-à :j ô'jjiav, et elle doit s'entendre des sacrifices de l'an-
cienne Loi, car Jésus a institué un nouveau sacrifice, celui de l'eu-
charistie. 11 paraît probable que cette sentence a des rapports avec
l'enseignement des Esséniens qui rejetaient les sacrifices. Elle pro-
vient d'un milieu judéo-chrétien de tendance essénienne — N. A.
104 REVUE BIBLIQUE.
Nous retrouvons cette même tendance dans les paroles que, d'après
Épiphane, Haer. xxii, les Ébionites attribuaient à Jésus Oî 'E6io)- : i
T,y.Qyjx ©avstv ;j,£6" û;x(ov. [Les Ebionitesj font dire aux disciples : Où
veux-tu que nous te préparions la Pàque à manger? et là- dessus que
(Jésus) répondit : Est-ce que j'ai désiré de désir de manger cette
chair la Pàque avec vous?
Cette sentence opposée au texte évangéli(jue, Le, xxii, 15, ne peut
être authentique — N. A.
Hebraeos ... narrât historia Ecce mater Doniini et fratres ejus dice-
: :
et baptizer ab eo? Nisi forte hoc ipsum, quod dixi, ignorantia est.
Cette sentence est rappelée dans le De rebaptis^nate, c. 17, Cypriani
Op. éd. Hartel, IÏI, p. 90 In quo libro (Pauli Praedicatio) contra
:
frater taus in verbo et satis tibi fecerit, septies in die suscipe eum.
Dixit illi Simon discipulus ejus Septies in die? Re'spondit Dominus
:
Dans sa première épitre aux Corinthiens, xv, -7, saint Paul nous
apprend que Notre-Seigneur a apparu à Jacques. L'évangile selon les
Hébreux, Jérôme, De Viris illustribus, c. ii, décrit en détail cette
apparition et rapporte des paroles que le Seigneur aurait dites à Jac-
ques Evangelium quoque, quod appellatur secundum llebraeos...
:
dédit Jacol)o Justo et dixit ei Frater mi, comede panem tuum, quia
:
45; 9, 63, 64; 13, 92, Resch, p. 252, a reconstruit un dialogue entre
106 REVUE BIBLIQUE.
Kùoioç' Méypiq xv ùixzXq al 'fjyyA-Atq T'iy.TcTS. 'HXOcv yxp y.a-yXïtrjxi -:à É'pYo:
TTjç 0-/;A£Îaç. Kai -r; ^xaojij/^ è'çi-r; ajTw* 7.aAw; cjv £7uci-/;ffa ;j,y; -rev.ojsa; 6 cà
Kjpioç ^[;.î{'J;a-o AsywV Tràaav 97.73 .â^'^vr^v, Tr^v oè T.v/.piy.-'f s/ouaav [j.-i^
'r^VTi?-
K'jpiOw' CTav l'jv t'; t-^ç a'iffy'jvTjC è'vojij.a 7:aTrj7r,TE, -/.aï STav vÉv/jTai -à oûo ëv,
7-a^i Tb àppv) \i.t-y. -.%: 6-^Asur. c"jt£ appv/ z'kt bf,K'j. Quand Salomé lui
Aussi longtemps que vous, femmes, enfanterez. Car je ne suis pas venu
détruire les œuvres de la femme. Et Salomé lui dit J'ai donc bien :
herbe, mais ne mange pas de celle qui est amcre. Mais Salomé deman-
dant quand seront connues ces choses au sujet desquelles elle Ta
interrogé, le Seigneur dit Quand vous foulerez aux pieds le vêtement
:
£;oj w; Tb £70), -/.xî, TS à'p7£V ij-STa r^ç 0-/;Ac(aç, C'jt£ apc7£V c"JT£ 6^aj. Quel-
Nous lisons dans Épiphane, Haer, xxvi, 'î : 'Op[jx,ynoL>. $è 7.r.o [xojpwv
y.ai s'I'TîV èyco au y.ai au kyM' v.y.\ o-ou ààv tqç, èvôj èy.si î'.ij.C, y.a: Iv T.izy.av) s'.p!
£ff';:ap[XiVoç' y.at oOsv èàv OéX-/;? a-uX^Évs'-ç ;j.£, à;/è 2è -uXaéywv èauTov 7'jX-
Us s'appuient sur des visions folles et sur des témoignages qui ont
\i^;ziç.
été annoncés dans cet évangile (évangile d'Eve). Ils affirment par
exemple ceci Je me tenais sur une haute montagne et je vis un
:
Y^p £V -a?;; YP^?''"?» ''•^'•^w? ^ Kûpisg '/A'^'z'.' lozi) G'.aTtO£[;,ai i)[jJ.v v.avrr,'/ oia-
6r,y.Y;v, sj/ cbç o'.£OÉ;rr,v t:T; r-y-piaiv u'xwv èv ':psi\(t)pr,6. Nous lisons dans
les Ecritures que le Seigneur dit : Voilà que je vous impose une nou-
velle alliance, non comme celle que j'ai imposée à vos pères sur le
mont Horeb.
il est probable que nous avons là un développement de l'ensei-
gnement de Notre-Seigneur, Le, xxii, 29 : /.x^-ù) ciaT(6£(j.ai \)[j.vf y.aOÔ);,
Aciç' ÏTt ;x£v oùv Ti; GeATjff-^ -ou 'Icpar^X iJ.t-TK-i]<jy.q où tc3 bvb\J.oc-b:; y.cj
zit7T£U£tv Itîi tov 0£3V, àsîOr, J5VT3:'. aijTw ai y.'yj.p-.iyx' \}.t-y. swcîy.a ïrr^ èçsX-
0£-£ £;; Tiv /ic7y.:v \}:r^ v.: zi'r.r^- :>/. Y;y.0!j(7aiJ.£v. C'est pourquoi Pierre dit
108 REVUE BIBLIQUE.
repentir et croire en Dieu par mon nom, ses péchés lui seront par-
donnés. Après douze ans allez dans le monde pour que personne ne
dise Nous n'avons pas entendu. L'ordre qu'avait donné Notre-Sei-
:
AjTi'/.a èv TOJ lletpsu Iv/;pJY[j.aTi h X^'jpibc. ot^gi r.p'zz tcjç \}.y.Hr^-:y.q, [Aî-à vr^v
y:)âa~aavi' ^^€k^c,i.\XT^v û[Ji5ç cwcsy.a [j.y.^)r-Sy.:; /.ptvaç à^buç £[;.oO, — c'jç 5 Kûptcç
/;0ÉXr(7£v, — y.ai à-otJTÔAo'jç r^i^'o^q Ti-^risiiJ.zvoq sivai, •::£;j.-o)v èzi tIv y.io'y.cv
sùaYY£A''c7aa^a'. ~c'jq 'Axza tyjv o'.xou[j.£vï;v àvôpw-cuç, y^'^^^'^"''--^'' °~^ -'•? &^ô:
iffTiv, oià TYjç -Cl) XpiaTcO 7:i'jtc(i)ç siay/Ç o-q\Q\Jv-y.: -y. \j.éWow-(x, C'wç ot iv.oû-
moi —
ceux que le Seigneur voulait et vous ayant jugés des apôtres —
lîdèles, vous envoyant dans le monde enseigner aux hommes sur la
terre de connaître que Dieu est un, et montrant par la foi en moi ce
qui doit être, afin que ceux qui ont entendu et ont cru soient sauvés;
mais que ceux qui n'ont pas cru, ayant entendu, rendent témoignage
qu'ils n'ont aucune excuse pour dire Nous n'aA ons pas entendu. :
Nous trouvons cette sentence dans les rictus Pclri vum Simone,
f. 10 : Audivi enim et hoc eum dixisse : Qui mecum sunt non intel-
lexerunt. Lllc doit être une (umclusion déduite de paroles de Notre-
Seigneur, Me, vni, 17; Le, xviii, 3V; Jn, \vi, 1"2 — N. A.
LES SENTENCES DU SEIGNEUR EXTRACANONIQUES. 100
Èaxiv Àaiv.5av(i)v tov aToçavov tyjç "/ypSç ï-\Acta Philippi, -fiq, •/sç;aA'^ç aÙTOU,
29. Voilà que ma chambre nuptiale est prête et heureux cehii qui a
son vêtement brillant, car il est celui qui reçoit la couronne de la
joie sur sa tête.
Cette sentence nous parait être une transcription des paroles du
roi à l'homme qui était venu au f-'stin sans être revêtu de la robe
nuptiale, Mt. xxii, 11. La couronne de la joie rappelle la couronne de
la vie, aTÉœavsç -zf^q u(oy;ç. promise à celui qui supportera la tentation
àz£to-J] /.(x-éhzvluxq -•J;v vnzXr^') ;j.:'j Ta'j-r,v t;,ôvcv tol) \J.T^ à-jroocuvx', y.av.bv àvTt
Le Sauveur dit
7.XY.ZU. Philippe, puisque tu as abandonné seule-
:
ments de Notre-Seigneur, Mt. v, 39, /i.3 Le, vi, 27. Il est donc pos- ;
23? Cela paraît peu probable. Cette sentence ne présente donc aucun
caractère d'authenticité — N. A.
les paroles suivantes Jésus a dit Le monde n'est qu'un pont, sur
: :
lequel vous devez passer, mais vous ne devez pas vous attarder à y
demeure. Cette sentence se retrouve dans une inscription
bâtir votre
musulmane de l'Inde, mais n'a aucun appui traditionnel N. A. —
IV. Les Papyrus.
acj. Et alors tu verras à ùter la paille qui est dans l'œil de ton frère.
Cette sentence est la seconde partie de la sentence relatée par Luc, vi,
42 : Ote d'abord la poutre qui est dans'ton œil. Ce logion
Jésus dit :
aou — A.
IL A^ysi 'l'OJOuç" 'Eàv ;rr; vr^a-eùar^TS Tbv y.isiJ.sv, ci [j.y) vjÇiT-.t -y;v ^««Jt-
As-av -z"j 0£oy, y.a'i âàv jrJ; jaSêaTiV/jTs tb (7â66a-:v cjv. c'i/sjTS Tbv ::aT£pa.
II!-1V. As^'î' Ir,(7:jç, ï^TÇi èv [j.î'aa) tij /.iîy.cu y.j:'. àv japyA ojç;0r,v ajTO?:;
•/,3:i £Jpsv Trâv-aç [;.EOJsvTa^ y.a't cjoÉva sjpcv oi'I/wvTa iv aùtsCç /.al t:cv£ï •/;
'i/'j-/r, ;j,su SkI -:<.: jIzX: twv àvOp(o-wv, o-t -u^Xsi sîaiv tyj y.xpoix aÙTwfv], y.al
[cjl 3X£[zo'ja-iv ::-:o)-/s'. y.xl sr/. ;'{c3c7'.v tj-^v --.hiyv.yy ajTwv. Jésus dit : Je
me suis tenu au milieu du monde en chair je fus vu par eux et je
et
les ai tous trouvés ivres et je n'ai trouvé parmi eux personne qui eût
soif, çt mon âme dans la peine (s'afflige) sur les fils des hommes,
est
parce qu'ils sont aveugles de leur cœur et [ils ne voient pas; pauvres
ils ne voient pasî leur pauvreté.
Cette sentence est très claire et très belle; a-t-elle été réellement
prononcée par Notre-Seigneur? Plusieurs des expressions qui la com-
posent se retrouvent dans le Nouveau Testament, et même rappellent
de très près des paroles authentiques de Jésus « Mais moi je suis au :
milieu de vous », Le, xxii, 27, et d'autres analogues dans Mt. xvm,
20; Jn, I, 26, mais surtout celles qu'il prononça le huitième jour de
la fête des Tabernacles, Jti, vu, 37 :
'« Le dernier jour, le grand jour
de la fête, Jésus, se tenant debout, s'écria : Si quelqu'un a soif, qu'il
ne retrouve nulle part dans les évangiles une idée analogue à cette
parole : « Je les ai trouvés tous ivres » ni sa parallèle : « Et je n'ai
trouvé parmi eux personne qui eût soif », Pourtant, une parole de
Dieu dans Jérémie rappelle cette idée : « Car j'ai enivré toute àme
ayant soif », xxxviii, 25.
La parole : « Et j'ai été vu par eux dans la chair » a son analogue
dans I l'im. m, 16 : « U a été manifesté en chair
retrouve ». On
d'ailleurs des sentences analogues à cette troisième sentence dans
les écrits canoniques et apocryphes, Apoc. iir, 17; Origèxe, in
Ml. xiii, 2; Pislis Sopliia, p. 232; Éphrem, Evangelii eoneordantis
Expositio, éd. Mœsinger, p. 203.
On voit donc que, bien que cette sentence ne soit textuellement
nulle part dans les évangiles, elle n'est cependant pas étrangère à
la manière de parler familière au Sauveur, et les traces que nous
en retrouvons, soit dans le Nouveau Testament, soit dans la littéra-
ture chrélienne, tendraient à prouver qu'elle ou une autre analogue
a pu être prononcée par Notre-Seigneur P. —
V. [As'yJsi ['l-^ïoj^, "0-]oj èàv (0!j'.v [^ oùy,] sftalv à'jOs^i, xaî [si tzo-j]
112 REVUE BIBLIQUE.
sûpr^cei; [^-s, a/.Cffov -b çûXcv, vÀ^(i) è/.sî s'.;j/;. Jésus dit : Partout où ils
Christus... est dicens Lbi unus est ibi et ego sum. Et ubi duo sunt
:
ibi et ego ero, Evangelii conc. Exp., éd. Mœsinger, p. 105. La fin
de sentence indique la présence de .Jésus-Christ en toutes choses,
la
ainsi que dans lepître aux Éphésiens, iv, 6, ce qui suppose la
croyance à la divinité de Jésus-Christ, mais elle a peut-être une
tendance vaguement panthéiste. Pourtant, cette allirmation de
romniprésence du Christ est une reproduction plus accentuée du
prologue de l'évangile de saint Jean et de l'épitre aux Éphésiens, », 23 :
affirme donc quil est avec le fidèle et que, comme Dieu, il est pré-
sent partout dans la nature, même dans les fondements les plus
impénétrables — D.
\-jL~foz r.zKv. (hpy.T.i'.y.; t\: t:'Jç Ytvojtjy.cvTaç ajTsv. Jésus dit : Un prophète
n'est pas bien accepté (reçu) dans sa patrie, ni un médecin ne fait
VII. AIys'- 'lr,!J0'j^' ttÔA'.ç i<yAo'àoiJ.-/]\)ATrt i-' iîy.po'^ [o]po--jq ù'V^Xcï y.x:
(1) New Saijings of Jésus and a fragment of a lost Gospel from Oxyrhinclius, London.
Cf. Batiffol, .\ouveaux fragments évangéligices de Behnesa-, Revue biblique. Nouvelle
série, t. I, l')04, p. 481.
du Tii- siècle. Elles sont pour la plupart en assez mauvais état. Les
voici telles qu'on a pu les rétablir; nous citons la restitution des édi-
teurs et entre parenthèses dans la traduction les termes restitués par
M. B. Swete [Expository Times, vol. XY, p. 488, 1904). Les mots en
italique dans la traduction sont des conjectures de MM. Grenfell et
Hunt.
\. 0\ 'zzlzi zl aÔvci 0'. [... o'ùç èAa])o/;c-sv 'lr,(j]sjc b Çwv ,K[6ptcç ...J
-axI
0o)p.a 7,x'. £i7U£V [a'JTCÏç* Tac ottiç] av twv Àd';o3v tout o)v ày.oùijY; ôavdtTCuj sj
rr^pTiCTf], cj Ye'juYîTai ÔavdcTCj v.z Tbv alwva. Elle peut donc être" consi-
[j/Jj
./e5M5 dit : Que celui qui cherche (le Père) ne cesse pasywv^?^^ ce (7m'27
jiaciAeîa èv cjpa[vw ïz-v) ...] -x -TrexEivi tcj C'jp|avou "/.ai SYjpiwv z\-\. itzh 7-/;v
Y^v âaT[iv y; irÀ tïJç yyjç xaij cî r/6-J£ç i:^ç 6aAâ[c75ryÇ cuToi cl £>vy.ov]-£ç 6[j.àç,
y.af, y; ^aa[iX£ia twv cjpavwv] èv-cç û[j.wv [s]a-Tt |y.at oi-ziç àv éauTCv] yvcÔ xa'jTYjV
£'jp-/;[c7£i ] iauTOÙç vvoiaîtjOE [y.at £l5'(^!7£T£ ct'. ulsl] £!:-:£ ù[j,£îç toîj Tatpbç
:îjt[ ]
Yvo')7[£G-]6£ sauTS'j? £v {
] xal ùtxstç £jt£ r,7:-z\ ]. Jésus dit !
sons de la mer, ce .sont ceux qui vous tireront et le royaume des cieux
est au dedans de vous et quiconque se connaîtra soi-même le trou-
vera. (Kfl'orcez-vous donc) à vous connaître. (Si vous vous connaisse/:
véritablement ^ous-mèmes) vous saurez que vous êtes (vous serez)
les fils (et les lilles) du Père tout-puissant. Vous vous connaîtrez vous-
Les choses invisibles de Dieu nous sont révélées par les choses visi-
bles; mais le royaume des cieux n'est pas seulement dans le ciel, il
est aussi en nous. Faisons donc effort pour nous connaître et nous
connaîtrons que nous sommes les fils du Père. La fm de la sentence :
po)V T^spl t:u tottou -^[ç ]a-£-:£ oti tîoXaoI è'o-ovTai 7u[pwT0i 'é(jyxioi xai] aï
èV/a-ût
demander au
TpwToi -Aa). [.. —
sujet de sa place
Jaiv. Jésus dit : Un homme n'hésitera pas à
dans le royaume. Vous connaîtrez
que beaucoup de premiers seront derniers et les derniers premiers,
et ils auront la vie éternelle (et peu la trouveront). La première
ÎJ.svcv] àizo (joXi à-oy.3:Ay9[6]-(^(TeTaî [701* oh yip stJtiv -/.p-j-jr-rcv oùx savefpov
YsvYÎasTai] -/.al T£6a[j.[j,£vov s oùx hf^pf^-qi^TX'.. Jésus dit : Tout ce gui n'est
pas devant ta face et ce qui est caché pour toi te sera révélé. Car il
Tai^GUŒiv aÙTbv c['. ;j.a6-^Tai xjtîj y.yl Xz^çouavr Ilwr vr^azzù\GO]}.t^ -/.ai t.mç, ]
rien, sauf les choses qui concernent la vérité; car si vous faites ces
question que posent les disciples rappelle celle qu'ils font au Sei-
gneur dans Luc, xi, 1. Cette sentence n'est donc pas authentique
pour le texte, mais peut-être Test-elle pour le sens — P.
L [à]7:b irpwi 'é[(ùq o6à [xTjtJs ào £J7:[épaç iwç rrjpwi \j:rr-i ["fj
'^pcç-"^ ôfij.wv
y.aiÛ!J.£Î?; t(ç av 7:poa6[£Î]-^ èzi. rçf T^kv/.{Tt ùij.wv ; 7.Wo[c ojtô(7£t i)\j.v) -l
soit pour votre vêtement ce dont vous vous revêtirez. Vous êtes de
beaucoup meilleurs que les lis qui grandissent, mais ne filent point.
Si vous avez un vêtement, de quoi avez-vous besoin? Qui pourrait
ajouter à votre stature? Lui-même vous donnera votre vêtement.
Ce fragment nous donne des sentences du Seigneur analogues à
celles que nous trouvons dans Mt. vi, 20; Le, xii, 22, 23, mais les
leçons du papyrus sont en générai plus courtes que celles des pas-
sages correspondants des évangiles. Quand elles sont plus longues,
elles n'altèrent pas cependant En somme nous
le texte traditionnel.
b'lz[j.i')y.\ A£Y£'." "Otxv l7.c'jzr,z(}z -/.y). ;;.y; y^z'/y^^r," \ Ses discii)les lui
direni :Quand nous seras-tu visible et quand
verrons-nous? te Il
dit : Quand vous serez dévêtus et que vous n'aurez point honte.
LES SENTENCES DU SEIGNEUR EXTRA.CANONIQUES. H7
voici tel qu'il a été lu par les éditeurs "Kk[t-(f ty;v y.XsTca] --^ç
[^vw- :
l
oùx] z\aT[k[^axz, -ml -olq] v.r!t^[-p\xi^oiq oh[v. àvsoj-
cewç £j-/.pû'i/[aTS, aÙTo't
r.fo [-ou| àoi/.-^uai -jrdcvTa cooi'^=.-ai. 'Alla Kpotsiyexz \j:r^ tmz v.a: ûp.£Îç ~cc o\}.oix
àv[6pto7:]a)V àWy. [y.Jar, /.iXac-iv G-j;j.évo'jc7'.v y.ai r.0KKr,v [Sxcjavcv. Kai Tuapa-
/.a6à)v a'jToù; elGT^^a-^e^f £'.; abxo -:b à^vEur/^ptov za'. TrepuTCa-cst £v tw ispw.
Kat 7upoa£[A]6à)V ^apiaalbq -iq ocpyy.pzbq A£'j[£iç?] to '6wo[)m cruveTU/sv aùxotç
y.ai a[lr.z}> tw cra)[f^]pt, tiç è-JTÉTps'i^év ac. T.ocz[tv/] tcjts to àYV£UT-/ipiov v.a\
tOECv [xauj-a xà ayia (Ty.£u-/) H/<i-r£ }.oucra[[j.]£v[o)] îJ.[ïi]T£ xwv p.aO-rjTwv aou TOÙç
cvj-a y.aOapov, 5v ouoelq a[Xkoq £'. y/r;] Xouffà[j.£vcç 7.a\ àXXà[^aç Ta £v5u][J.a-a
7:aT£!;, O'M ô[pav] ToX[;.a Taûxa Ta ayta cry.£Û-r]. Kal s[Tàr sjOecoç o ao)[rn]p ff[ùv
aÙTw £y.£Îvoç, y.aOapEyo)' £X:u(7â;j/r,v y»? ^^ ttj X([;,vy] tou A[aU£iJo y.aà
A£Y£'-
01 k-zépaq y.XiV-axoç xàT£XOwv 3'.' ÉTÉpa; à[v]-^AÔov. Ka'i X£'jy.à ivouH-axa £V£-
ou7a;rr)v xai y.aOapà, y.al xb-t -^aOcv xa'i 7:poa£8X£'J;a zoù'Oiq -zoiq àyCoiq
(r/.£Ûsc7iV 5 aa)[rJ;]p -^zpoç, aj-:bv à-c[y.pi]6£t^ îîtzsv, cjaî, -doVS: ;j/J; cpwvTÎôjç*
(7'j ïkoùaM TOÛTOtç TCtç )^£op,£VOtç u[sai7f,v èv c'.ç x'jvs; y.al yoXpoi H^6XY;v|'"Taij
VU7.TCÇ -/.xl -/ii^ipaç. xal vt'!ii[j,£[v]cç tô èx-:bç oépî^a èjp/^ço), oizzp [xajl. ai
Tripvai xai a[l] a'jXvjTptosç [j/jp{[Ç]ou[aiv y.]ai Xououîjiv v.y}. crix-rj^cuai [xal -/.]aA-
le temple (hiéron), es-tu pur? Il lui dit Je suis pur, car je me suis :
Nous lisons dans l'épître de Barnabe, vu, il : Ojtoj, sy;::(v, o': OéXovté^
;xî '.oîtv 7.ai a6aaGa{ [aou t^^ [i7.(jiKzi<xq oçsiXcuaiv GXiêÉv-âç y.x\ 7:aOôv-cç XaôsTv
;j.s Ainsi, dit-il, ceux c[ui veulent me voir et atteindre mon royaume
doivent m'obtenir par laffliction et les souffrances.
Avons-nous là une citation d'une parole du Seigneur ou une con-
clusion que l'auteur a tirée de l'exposé précédent? Les commenta-
teurs de l'épître ne s'accordent pas sur ce point. Toutefois le rap-
port assez étroit qui existe entre ce passage et celui des Actes,
XIV, 22, que Prochorus donne comme une parole de Jésus, nous
inclinerait à y voir une sentence authentique du Seigneur. O'Sxmç
Y^p, lisons-nous dans Prochorus, Acta Joannis, éd. Zahn, p. 83, Outw;
ivïTîiXx-o Xc'ywv* '.soj aTîOffTiXXw (7£... 7.a; TcâXiv î'Ittsv iQl^'iV' sti
Y3cp \J.z\
120 REVUE BIBLIQUE.
c'.i zcA/aov (f/J.àzMV c£i 0;x3tr sÎcjsXOîTv e'.ç Tr,v i^aatAsiav tou ©sîîj. Car il
hz-ioi cjy. £-/£', -/.aôô); ï\j.ï OstopsiTS ïyyny.. Palpez-moi et voyez, car un
esprit n'a pas de la chair et des os comme vous voyez que j'ai. On ne
peut donc pas tenir cette sentence rapportée par Ignace comme
nouvelle; elle était déjà connue par l'évangile de Luc. Il est possible
même que la forme sous laquelle il en donne une partie ot-, o>/, z'.]j\ :
oaii;.ôvf,ov às(.)[xaTcv, Soit plus primitive que celle de Luc, c-i r.')t\»'^y.
livt 'j\xx: b y,y.v>lz v;;/:; v.y-y.'nl: ïHtKz'.. La loi nouvelle veut que vous
non tantum septimo quoque die, sed per omne tempus, sentence que
les Masbothéens, d'après Ps.-Hierooymus, Indiculus de haeresibus,
attribuent à Notre-Seigneur Masbothaei dicunt ipsum Christum esse
:
qui docuit illos in omni re sabbatizare. Il est possible que cette sen-
tence soit une interprétation des enseignements de Notre-Seigneur
sur le sabbat — P.
ffîv-ra'- è-l Tw sv3;j,aT( ij-ij, et irajoute : v.xl eacv-ra'. cyid'^.x-y. -/S', ylpizv.z '. et
ily aura des schismes et des hérésies. Nous retrouvons cette sen-
tence, mais moins complète, dans les Homélies Cl. xvi, 21 eaov-ai :
vio, tî); = Kôp'.s; eitev, ... a'pÉffsiç; elle est aussi dans Lactance, Div.
Inst. IV,30 et dans Didyme, De Trinit. m, 22. Toutes ces citations
rappellent cette idée qu'il y aura des schismes et des hérésies, idée
qui se retrouve dans la première épître de saint Paul aux Corinthiens,
XI, 19 : AsT Yap y.y}. ylpi-^i: h JiJ.Cv c'!vau II est donc très probable que
cette sentence est authentique — P.
Aib y.x't '/ji^i-rspo; Kjp'.c; 'I'/;croliç Xpvjxoq dr.vr h oT; av û^j-xç 7,a-aXâ5a), èv
sera sauvé par le fort, que nous retrouvons littéralement dans le Judi-
cium Pétri, c. 26. Elle se rapproche de la parole de Jésus Où -/psîav :
iyc-j7v/ 0'. î(7"/'J2VTîç '.y.-po\J àXX ci v.xvSoq ïyo^-ec, mais surtout de cette
sentence d'(higène, m Mt. T. XIII, 2 : y.xl 'Ir^^o^jq yoDv or^a^iv* c-.i -cl,:
Tou 0£oîi î(j)jupè-:spcv to)v àvOptoTrwv èa-tv? Cela nous parait douteux. Nous
trouvons d'ailleurs dans les épitres pauliniennes, / Cor. viii, 7 ss. ;
•r;;j,wv 'It]«joOç Xpiatbç b uVoq zou 6£0J à's-r;* tx à-j'aOx à/.OîTv Ssi, [/.ay.âptoç ce,
©•/;aiv, Si' OJ 'épye-ai' o[ioCiùq y.a'. Ta y.zy.à àvxY/.r, èaÔsîv, cjx'. oà to) àvôptoTiw
Les bonnes choses doivent arriver; heureux, dit-il, celui par qui
de Mr,ok oîsots to tôxov tû oiaosAw, Éph. iv, 27. Nous n'avons pas de
:
l).z-j. Mon mystère est pour moi et pour les enfants de ma maison.
Les Homélies Clémentines, xix, 20, rapportent la même sentence :
~a \).'jGTfipio: kiiol y.ai tcî; uîcT;; -.oXi oî'xcu \j.o-j -:'jA7.;xts. Gardez les
OéKr,[j.a -.Cl) Tzarpôç ;xou. Mr, y.aXsr^-s cuv sauToTç Tzazépy. krJ. --qç, y?;?* oea^sTat
50; XXIII, 9 r.y-ipx ;r/; y.aXécr-^-s û-j.wv ïrd -.^; '(r,q' £'.; ".'âp è—iv û[;.ôJv b
:
tres de saint Paul, / Cor. vm, 5 Éph. m, 15. Il est possible que cette ;
Nous lisons dans les Didascalia, n, 8 '/A';ii vàp Ypacpv^- : r, xrr,p àcbv.iy.zq
consecuturum — D.
vojv 7.yX où. -.Z'jq r.ivnoy-x; È-£ivwv xai 5tà tojç oi'iwvTa; èoi'I^wv : A cause de
ceux qui sont malades, je suis malade; à cause de ceux qui ont faim,
j'ai faim à cause de ceux qui ont soif, j'ai soif, soit authentique, car
;
Dans son épitre aux Éphésiens, iv, 20, saint Paul leur ordonne :
'0 t^"A'.2ç jxY) ï-'.o-A-A<-i k~\ r.y.ç>oa-'(i:j[)Z) jy.wv. Que le soleil ne se couche
pas sur votre colère. Polycarpe, Ad Philip, xii, 1. cite la même sen-
tence. Un traité du x*" siècle : De recta fuie, sect. I, dit quelle est
r.ipi -rfjç T(T>v àziJTwv àr.oKt'.x:. C'est pourquoi j'ai dit auparavant daus
l'évangile : Priez pour vos ennemis et heureux ceux qui pleurent sur
la perte de ceux qui ne croient pas, doit être une combinaison de
Mt. \. 44 et de Mt. v, V, avec l'addition secondaire, -ip\ -.?,: twv xt.(-
cTwv xt.c'kv.x; — N. A. pour celte addition.
LES SEiNTENCES DU SEIGNEUR EXTRACANONIQUES. 127
vliv èpef TOJ Tcojxw b Kupioç' èoizattoô'/] xà 'é^vr^ \j~ap u[J^ocç ô'yar.zp xai ty;v
owpsàv î^.sxà x-^v '/aptv, clç eux àçsG'/^a-cxa'. cjxî Iv xw atwvi xcjxw o'Jxî Iv xw
fjLÉAAcvxt. Ceux-ci sont ceux au sujet desquels le Seigneur s'est pro-
noncé disant avec amertume et sévérité Ceux-ci sont de faux Christs :
chiimi : Taie quid et illud Evangelii sonat Est confusio quae ducit :
Les paroles que Macaire, Hom. XII, 17, met dans la bouche du
Seigneur '0 Kjpioç sasysv ajtoTç" ti hy:j\).y.'Ct-.t -y. rr^\j.tly.: vXr^pz-)o\)J.y^t
:
ne nous semble pas non plus que les paroles du Seigneur rap-
Il
portées par Macaire, Hotn. XXXVll W'/X icv.:j(.)v t;j Kupî^u \é^(zy-:z' :
Asyst yàp ô Kupioç àv tw zjy.-^^ùdi)y v. -.h \J.iy,po^/ olv. k-r,pTtGaTe, xb [Asya t(ç
6;j,îv owaîi; Aevo) v^P 'Jp-i^v,- oti 6 tj.z-z: Iv çAayî^Tto y.y.: îv ttoA/uo ~iz'.::
ce qui est modique, qui vous donnera ce qui est grand? Car je vous
le dis Quiconque est fidèle dans les moindres choses sera aussi fidèle
:
dans les grandes, est dans sa seconde partie une citation de Le, xvi,
REVIE BIBLIQUE 1918. — N. S., T. XV. 9
130 REVUE BIBLIQUE
«YVYjv xa\ TY)v o-opavTooc ào-T:iAcv, ïva 'rY;v akôvtov !^(j)Y)v àxoXàêwiJ.sv. Puis il
dit donc ceci Gardez votre cliair chaste, et votre sceau immaculé,
:
xo',y;toû twv oXoiv y.at TïavToy.pa-opo; Oscli. Je sais que comme le dit le
du Dieu tout-])uissant vous est cachée. Ces paroles sont trop éloignées
de la façon ordinaire de parler du Seigneur. Elles rappellent plutôt
/ Cor. C 19-2-2; ii, 7 — N. A.
Nous ne pouvons tenir pour paroles du Seigneur celles qui lui sont
attribuées par les Homélies Clémentines, ii, 17; elles dérivent du
eh. XXIV de Matthieu — N. A.
Athenagoras, Lcgatio, 32, introduit par ces mots jy.-rv aévivtcç -z'j :
pâtre secundum quod quis dignus est aut erit, se rapproche de Mat-
thieu, XXV, 15. Le style indirect indique une citation ad sensum;
la formule n'est pas conforme au style évang-éîique — N. A.
âme, rappelle des paroles canoniques, Ge?i. xix, 17; Le, xvii, 33. Il
est possible que nous ayons là un extrait d'un évangile apocryphe D. —
jîav TOÎ àv':i)(p((7T0u TcXav^rjÔTjîJîaÔat.' àoûvaTOV oà tobq kv.'kev.zoùq' oib çï)(Jiv* 7,a'.
S', o'jva-bv Toù.; zv'KB'A-O'jq 'j.ou. FlaXiv otav Xéyv]* IçsXOïts àx toîj ol'xou tou ira-
Toiç ;xou, ToTç -/Xr-.oiq ké'^'ii. D'où il est dit que les hommes appelés seront
trompés, lors de l'apparition de l'Antichrist; il est impossible que les
élus le soient. C'est pourquoi il dit : Si même il était possible que les
Père, il parle aux appelés, présente la même distinction que dans Mt.
xxfi, 14, entre les yXr-.zi et les k%kôxxoi et dans la seconde partie se
rapproche des paroles du Seigneur, Jn, ii, 16. Cela ne prouve pas
cependant que nous avons là des paroles authentiques de Jésus D. —
70U, clos; xbv Osiv acu et dans Tertullien, De Oral. c. 26 Vidisti, inquit, :
dit : Que celui qui est marié ne soit pas rejeté et que celui qui n'est
132 REVUE BIBLIQUE.
pas marié ne se marie pas. Que celui qui dans un dessein de célibat
a promis de ne pas se marier reste non marié, aient été empruntées
à un évangile apocryphe, peut-être l'évangile selon les Égyptiens.
Elles rappellent des paroles de saint Paul : 1 Cor. vji, 10; 1, 8, 27
— N. A.
Faut-il voir une parole du Seigneur dans la sentence citée par Ori-
g'ène, in Jeron. xiv, 5 : Ka\ èv tw eùaYYs^^^'w àvavéYpaTïxai* xal àirofftéÀXet
à::;cTs>aT) z\z TJio'jq Tcpoç/j-a;, ss, elle paraît plutùt dériver de ce passage
des Proverbes, ix, 3 : 'Atts^ts'/asv [-q jcipîa] t:jç èajt-?;; ^oûAsur — D.
a me, longe est a regno, que nous retrouvons dans Didyme, m Ps.
Lxxxvm, 8, qui l'avait probablement empruntée à Origéne. Peut-
être a-t-elle été inspirée par ces paroles du Seigneur dans Le, xii, 49 :
Kx: ';'xp z.ipr,-xi -i/viv ût:^ aÙTcy* ojaî "oT; l'ycuaiv y.al àv j'::z7.phv. Aa;A6avcj7iv
est encore dit par lui Malheur à ceux qui possèdent et qui reçoivent
:
;j.sv yip Xpeiav à'/iov \x\}.zx')V. -riç. àOwcç i'jTaf h l\ \i.r^ ypv.x^ h'/wv 2w7EI ci'y.r//
lai. éd. Haller, p. 53; dans les Didase. éd. Lagarue, iv, 3
dans Clé- :
*
« «
Pacificos itaquç^ filios Dei nominat, sicut et dicit : Qui Spiritu Dei
ambulant, hi sunt filii Dei? Éphrem, Evangelii concord. Expos, éd.
MOESINGER, C. 6. — D.
Quod auteni n turbatus est » consonat cum eo, quod dixit : Quamdiu
vobiscum ero et vobiscum loquar? et alio loco : Taedet me de
generatione Probaverunt me, ait, decies, hi autem vicies et
ista.
bi Toîç T:po<p-/]Taiç \'bo-j r.ÔLçzi\u. C'est pourquoi il dit : Voici que je suis
présent, moi qui parle dans les prophètes. Ailleurs, ib. xxiir, 5.
giles — P.
falia eos etiam iiunc sentire respondit : Dimisistis viviim qui ante
vos est et de moituis fabulamiiii. Contra adversarium legis et pi^oph.
H, 14— N. A.
Il est possible que nous ayons des paroles du Clirist dans la sentence
suivante : Estote fortes in bello et pugnate cum antiquo serpente,
et accipietis regnum aeternum,
Dominus, OUI EnglisJi Homilies,
dicit
Lyon.
E. Jacquier.
(1) En dehors de celles qui sont rapportées dans les autres écrits du Nouveau Testa-
* ment.
LES SYMBOLES DE ZACHARIE
Plus encore que celles d'Osée, les prophéties de Zacharie sont célè-
bres parleur obscurité. Obsciirisshnus liber, disait saint Jérôme dans
la préface de son commentaire et ailleurs il se plaignait de passer
;
(1) Tarn concise et obscure iil (J^lipo sit opus (C. a Lapide, in Zach., iv, (i).
chars (vi, 1-8). A ces visions il faut joindre une action symbolique, le
Toutes ces visions sont continuées par un acte symbolique qui les
résume et les couronne (n" 9).
Afin d'alléger l'étude individuelle des symboles, mentionnons ici
une théorie qui, si elle était admise, exigcj-ait de nombreuses modifi-
cations dans l'ancienne exégèse de Zacharie. Venant d'un savant tel
que M. van lloonacker, elle mérite de retenir l'attention. Laissons la
Ainsi donc, dans sa première vision, celle des cavaliers (i, 7 ss.),
Zacharie se placerait à l'époque de la captivité, avant 538, lorsque le
châtiment de l'empire oppresseur et la délivrance des Juifs étaient
proches. Dans la deuxième vision, celle des cornes et des artisans
(il, 1-4), le prophète contemplerait
« les dispositions arrêtées en vue
deuxième amiée de Darius, la parole de .Tahvé fut adressée en ces termes à Zacha
rie, iils de Baracliie, (ils d'^Iddo, le prophète :
8. J'eus une vision nocturne, et voici qu'un homme était monté sur un cheval
rouge et il se tenait entre les deux montagnes
' '
dans le has-fond, et derrière lui
[ |
c'est, mon Seigneur? Et l'ange qui me parlait me dit : .le vais te faire voir ce qu'ils
Ce sont ceux que .lahvé a envoyés pour parcourir la terre. 11. Et ils répondirent a
parcouru la terre, et voici que toute la terre est habitée et tranquille. 12. Et l'ange
de Jahvé prit la parole et dit : Jahvé des armées, jusques à quand n'auras-tu pas
pitié de Jérusalem et des de Juda contre lesquelles tu es irrité depuis soixante-
villes
dix ans? 13. Et Jahvé répondit à l'ange qui me parlait des paroles bonnes, des
paroles consolantes. 14. Et l'ange qui me parlait me dit : Crie : ainsi a parlé Jahvé
des armées :
la vision; l'ange interprète, appelé ici (vv. 9, 13, li), comme généra-
nier les spectacles dont il ne- saisit pas la signifîcalion; enfin Jahvé
en personne. —
Les autres personnages font l'objet de nombreuses
discussions. U ange de Jahvé d'abord, qui figure encore dans le sym-
bole du chap. m, 1, 3, 6. Bien qu'ils ne le disent pas expressément, les
vv. 11 et 12 l'identilient avec l'homme, le cavalier, qui se tenait entre
les «deux montagnes », dans le bas-fond. Le rôle qu'il joue dans la
scène n'est pas absolument nécessaire à la trame du récit; il pourrait
même être supprimé sans inconvénient, à condition d'être partagé
entre Jahvé et l'ange interprète. Plusieurs critiques modernes, Well-
hausen, Nowack, Marti, estiment que c'est là une raison suffisante
pour faire disparaître du symbole tout vestige de ce personnage mys-
térieux. Mais, s'ils conservent l'homme « de la vallée », la suppression
de l'ange ne simplifie guère la vision; et cet avantage hypothétique
ne compense pas l'inconvénient qu'il y a toujours à remanier un texte
diplomatiquement très ferme. Avec van Hoonacker, Mitchell et tous
142 REVUE BIBLIQUE.
les roiKjes, les alezans (1) et les blancs. Les Septante en mentionnent
quatre : les rouges, les alezans, les tachetés et les blancs (Tuppct y.ac
ibaç>o\ y.a\ r.ov/Skoi v.al Asuy.oî). Gomme Zacharie témoigne une prédi-
lection constante pour le nombre quatre {quatre cornes, ii, 1 quatre ;
sance, qui ne souscrive pas à cette manière de voir. Pour lui, la scène
doit être comprise tout autrement. L'ange de Jahvé, monté sur un
cheval rouge, se tient au couchant —
c'est la traduction adoptée pour
le mot hSvjTC —
entre les deux montagnes « qui forment la porte par
où le soleil quitte l'horizon » (2). Non pas que l'ange ait été le chef de
l'expédition, mais « c'est à lui que les courriers viennent rendre
compte de leur mission » (3). Les chevaux des courriers ne forment
que trois groupes : les noirs (terme substitué à rouges), les alezans
qui reviennent d'explorer respectivement le nord, l'est et
et les blancs,
le sud. Quant au couchant, il n'intéresse pas les Juifs, et voilà
pour-
quoi le point de départ comme le point d'arrivée des attelages est à
l'occident. « Il est à remarquer, dit M. van Hoonacker, qu'il n'est pas
(1) En lisant Cpiï? au lieu de D^piHT qui n'est pas un nom de couleur.
raison que cet ange soit simplement un chef de file, le g^iide de l'ins-
pection universelle. Mais, si on lui assigne pour fonction spéciale de
garder l'occident, ne le rabaisse-t-on pas au rang des émissaires qui
s'en vont dans les. autres directions? Sans doute il n'aurait pas à
bouger, mais cette inertie comporterait-elle le moindre avantdg-e?
Ne constituerait-elle pas plutôt une infériorité? On nous dit que « les
courriers viennent lui rendre compte de leur mission ». Mais n'y a-t-il
pas là une sorte d'incompatibilité? D'après son attitude, l'ange de
Jahvé ne devrait être que l'ég-al de ses compagnons, imtis inter
pares : il est à cheval comme eux; son cheval a une couleur spéciale
(rouge)comme les autres attelages; il occupe un des points cardi-^
naux comme les autres courriers. Comment se fait-il donc que les
envoyés du nord, de l'est et du midi viennent
rendre comr>te. lui
comme à leur chef? Si l'ange de Jahvé est supérieur aux émissaires, il
ne doit pas s'acquitter d'une fonction analogue à la leur s'il est sim- ;
plement leur égal, les autres n'ont pas à lui rendre compte. —
3. Enfin, pourquoi l'occident ne serait-il pas soumis à l'inspection
divine? On nous répond que les Juifs ne s'y intéressaient pas, que
leur (( horizon politique ne s'étendait pas de ce côté ». Cette affirma-
tion parait contestable. Sans parler de Joël, iv, 4-6, il suffît, pour s'en
convaincre, de se reporter à la deuxième partie de Zacharie (ix),
dont M. van Hoonacker place la composition aux « premiers temps
après le retour n (2). Nous y apprenons que les rapatriés s'inquiétaient
(3) In 1, ».
leurs soins... Les anges subordonnés à saint Michel lui rapportent que
tout le pays de leur commandement est habité et en repos... (A son
tour) le' archange saint Michel... prend occasion du rapport
même
que les autres anges lui ont fait de l'état du pays, de demander au
Seigneur qu'il achève ce qu'il a si bien commencé. Ce n'est point
assez que la Judée soit repeuplée et en paix; son bonheur ne sera
point parfait que Jérusalem ne soit rebâtie et le Temple réparé et
que les villes de Juda ne soient rétablies dans leur première splen-
deur » (1).
grands ennemis d'Israël, qui du reste ont déjà réglé en partie leurs
comptes avec la justice divine. Assyriens, Chaldéens, Égyptiens;
ensuite toutes les principautés qui se partageaient l'Asie occidentale,
depuis ridumée jusqu'à Tyr et Sidon. Car les Juifs n'eurent jamais
d'amis fidèles ni d'alliés permanents. Jusque dans ces minuscules
royaumes, les compétitions et les intrigues étaient la règle de la poli-
tique internationale. Chaque voisin était toujours un rival, et très
souvent un ennemi. La devise universelle était Chacun pour soi :
semble que le texte primitif portait entre les montagnes, ce qui est
la leçon actuelle des Septante (àva[ji(jov Ttov opswv), ou même entre les
deux montagnes, symbole des cliars (vi, 1
c,om.m.e dans le hébreu :
et Septante) (1). Placé entre les montagnes ou entre les deux monta-
gnes, l'ange se trouve naturellement dans wn bas-fond, une dépresi-
sion, une vallée —
sens le plus probable de nS^iï^. C'est en cet endroit
qu'il attend le rapport des émissaires. Il est à cheval (2), pour ne
point paraître inférieur aux cavaliers. Ceux-ci viennent le renseigner
surFétatde la terre, qui est habitée et Iranquille. A son tour, l'ange
s'adresse à Dieu et le conjure d'avoir enfin pitié de Jérusalem et
des villes de Juda. Il que l'ange de Jahvé se
ressort de cette requête
distingue très nettement de Jahvé lui-même, auquel il est franchement
subordonné. On peut ainsi mesurer l'évolution accomplie depuis les
textes du Pentateuque, où l'ange de Jahvé parlait et agissait au
nom du Seigneur et semblait se confondre avec lui dans une même
personnahté.
L'ange de Jahvé n'est pas le seul qui figure dans le symbole.
Zacharie nous en présente un autre avec cette formule stéréotypée :
l'ange qui me pa.rlait. Comme dans les 'visions d'Ézéchiel (xl, 3 ss.) et
de Daniel (vu, 16; viii, 16; ix, 21), pour ne pas mentionner lesapo-
calypses apocryphes, cet ange anonyme sert d'interprète à Zacharie.
Il se tient à côté de lui, ou du moins toujours à sa disposition,
Symbolisme. —
Cette vision nocturne n'est pas un symbole pro-
prement dit. Cependant, de même que nous avons étudié le cadre
figuré qui tient lieu de symbole, nous devons relever Tes enseigne-
ments qui se dégagent de ce tableau. A cet effet, nous avons à con-
sidérer le rapport des cavaliers, la requête de Vange de Jahvé et
l'oracle de Dieu. Les courriers annoncent que la terre est habitée et
(1) La confusion enlre les montagnes Cin et les myrtes DiD~n une fois oi)éréc au
V. 8, il était naturel que le scribe la maintînt aux \v. suivants (cf. van lloonacker,
p. 51)1].
(2) Ce trait de la description doit être conservé (avec van Hoonacker, contre NowacK,
Marli. Mitchell).
LES SYMBOLES DE ZAr.HARIE, liT
habitée comme un pays qui n'a pas été ravagé et dont les habitants
n'ont pas été déportés — les Juifs étaient qualifiés pour savoir ce que
ces mots voulaient dire — . Bref, ces contrées jouissaient d'une prospé-
rité qui, dans lestimation sémitique, passait pour synonyme des béné-
dictions divines.
Les rapatriés ne pouvaient s'empêcher comparaison de faire la
entre cette situation brillante et le lamentable état dans lequel se
trouvaient encore en 519 Jérusalem et les villes de Juda. L'ange de
Jahvé rappelle au Seigneur cette humiliante infériorité « Jahvé des :
Zacharie de la même
formule dans un autre passage (2) montre,
ainsi que le reconnaît M. van Hoonacker, que « les 70 années repré-
sentent encore, comme chiffre sacramentel, la période de j:>énitence et
de deuil, qui avait été avant tout celle de la captivité » (3), et,
premier rapa-
ajouterai-je, qui n'était pas nécessairement close par le
triement de 538. Pratiquement ce chiffre de soixante-dix ans semble
être devenu une locution consacrée qu'on utilisait avec une certaine
largeur d'interprétation, soit en en modifiant le point de départ (i),
soit en l'entendant d'une période plus ou moins longue. De toute —
manière, Zacharie pouvait encore parler en 519 des soixante-di.r
« Quand vous avez jeûné et céléi)ré le deuil au cinquième et au septième mois, et cela
(4) lui-même n'avait i>as lixé avec i)récision le point de départ des soixante-
.lérémie
dix années. Quelques auteurs ne sonl-ils pas allés, jiour le iiesoin île la cause, jusqu à
distinguer deux jtériodes de 70 ans, l'une commençant en 606 et l'autre en 587, à la ruine
de Jérusalem?
LES SYMBOLES DE ZACHARIE. 149
est inutile de les rejeter dans le passé jusqu'en 538 ou 5'i.0. Sans
doute, en 519, le principal artisan de la catastrophe judéenne, Baby-
lone, avait déjà reçu un commencement de châtiment. Mais l'empire
de Nabiichodonosor était encore loin d'être traité comme l'avait été
Juda. Pour un que Zacharie, le châtiment, c'était la destruc-
Juif, tel
tion totale, le désert et la mort. Babylone n'en était pas encore là.
Elle y devait venir. On ne saurait oublier du reste que l'oracle com-
minatoire vise les « nations » qui de quelque manière ont contribué à
l'écrasement d'Israël, c'est-à-dire toutes les nations de « la terre ».
Les deux symboles qui suivent ne feront que développer les deux
parties de cet oracle, le châtiment des nations et le relèvement de
Juda.
1. Je levai tes yeux et j'eus une visiou, et voici quatre cornes. 2. Et je dis à l'ange
qui me parlait : Qu'est-ce que c'est? Il me dit : Ce sont les cornes qui ont dispersé
Juda [] [et Jérusalem?'] 3. Et Jahvé me fit voir quatre artisans. 4. Et je dis : Qu'est-ce
150 REVUE BIBUQUE
qu'ils viennent faire? Il me répondit : Ce sont les cornes qui ont dispersé Juda, en
sorte que personne ne venus pour les frapper de ter-
levait la tête, et ceux-ci sont
reur, pour abattre les cornes des nations qui ont levé la corne contre la terre de
Juda afin de la disperser.
Nowack propose ils sont, venus pour aiguiser les instruments (ninx),
:
van Iloonacker pour les entourer {les cornes)\ Mitchell, plus radical,
:
peuvent aussi bien représenter tous les agents, quels qu'ils soient,
naturels ou surnaturels, dont le Seigneur se ser^ira pour son (puvre
vengeresse.
Ce que les artisans doivent réaliser est suffisamment indiqué : ils
vont d'abord frapper de terreur, puis abattre toutes les cornes des
nations, qui sont en quelque chose responsables du malheur de Juda.
On le voit, le symbole n'est que la mise en scène de quelques méta-
phores usuelles, comme il résulte du résumé suivant :
De même que les cornes sont abattues par les artisans, les nations
coupables seront abattues par les agents de Dieu, vengeurs du peuple
choisi.
Cette vision se meut dans le même ordre d'idées que la précé-
dente Elle est moins vaste, mais plus précise. Tandis que là on nous
apprenait en général que la colère divine s'allumait contre les nations,
nous apprenons ici que les cornes vont être littéralement abattues.
C'est ainsi que la deuxième vision confirmait dans l'auditoire judéen
l'impression de confiance et d'élan qui émanait de la première.
l^e lecteur connaît déjà l'interprétation générale donnée de cette
(( Dans les visions du chap. ii, le thème de la première vision est déve-
loppé. Tandis qu'au chap. i, vv. 7 ss. le prophète a assiste en esprit à
la préparation de la délivrance du peuple juif dans les conseils divins,
il voit, au chap. ii, entrer en exécution d'une part le jugement porte
n'est pas l'empire perse évidemment qui est visé, mais bien l'empire
babylonien ». Et enfin « ISous rappelons encore que la mise en scène
:
pas «encore épuisé la coupe des malheurs, mais ensuite, avec elle, les
autres peuples qui furent les complices des Chaldéens.
5. Je levai les yeux et j'eus une vision, et voici qu'un homme main une
avait à la
lem, pour voir quelle en doit être la largeur et quelle la longueur. 7. Et voici que
sortait l'ange qui me qu'un autre ange venant à sa rencontre: 8. et il
parlait, ainsi
lui dit Cours, parle en ces termes à ce jeune homme C'est à la manière des villes
: :
A vrai dire, les exégètes sont en désaccord sur les deux points sou-
ligûés dans la phrase précédente. de Knabenbauer, M. van X la suite
Hoonacker est convaincu que c'est l'-ange interprète qui reçoit les
ordres du second ange, et que le jeune homme à qui les ordres sont
communiqués n'est autre que le prophète en personne (1). Au con-
traire, la plupart des commentateurs modernes, Nowack, Marti,
Mitchell..., pensent que c'est l'ange iuterprète qui donne les ordres
et quecommission doit être transmise à l'arpenteur. Je crois qu'ils
la
ont raison. Il serait très surprenant que Zacliarie parlât ainsi de lui-
même à la troisième personne ('2), alors que dans tous les autres
symboles, y compris la vision actuelle, il se met directement en scène,
disant :je yis,je regardai, l'ange qui me parlait... On objecte qu'à ce
compte ce n'est pas le prophète qui est instruit des destinées de la
ville, arpenteur étranger. Mais qui ne voit ici la fiction lit-
mais cet
téraire? En réalité, c'est bien le prophète, témoin et acteur de la
scène, qui profite du petit discours. Du reste, il en profite moins pour
son compte personnel que pour la communauté hiérosolymitaine. On
se souvient que, dans le premier symbole, l'ange avait également
chaîné Zacharie de communiquer au peuple l'oracle de Jahvé concer-
nant Jérusalem et les nations. Autres remarques qui paraissent—
décisives. Aux vv. 5 et 6, le jeune homme et Zacharie conversent
comme deux personnes distinctes. De plus, l'impératif cou?\s suppose
que l'ange envoyé doit rejoindre une personne qui s'éloigne, en l'es-
pèce, l'arpenteur qui va mesurer la ville. Cette hâte ne se compren-
drait pas messager devait simplement aborder le prophète, qui
si le
ne bougeait pas. —
Ajoutons que l'ange interprète est dans son rôle
en se tenant auprès de Zacharie; il n'y serait plus s'il était à la dis-
position du premier ange venu, qui pourrait le charger de messages
pour des personnages quelconques. Dans la solution adoptée, il ne
t lépasse pas les limites de ses fonctions. Il donne des ordres à un autre
ange, ce à quoi personne ne saurait trouver des inconvénients; et, ce
faisant, il renseigne encore le prophète, car le message répond pré-
cisément aux questions incluses dans la première demande que Zacha-
rie adressait à l'arpenteur.
Assurément, une scène aussi peu compUquée dans le fond pourrait
occuper moins de personnages et s'énoncer en termes beaucoup plus
simples. Par exemple, la vision ne perdrait rien à supprimer le rôle
(2) M. van Hoonacker se voit obligé d'exuliquer le ternie jeniir homme par l'usage
sacerdotal d'Kv., x\iv, r. et <ie I Chron., xii, 28. Car un iiroplièle qui avait des visions en
538 ne devait plus être dans sa prime jeunesse en :>\\).
. LES SYMBOLES DE ZACHARIE. Ib5
gloire de Jérusalem.
Hyperbole ou messianisme? Zacharie n'avait pas à mesurer ces
prophéties au cordeau de la réalité. Il lui suffisait d'inculquer à ses
compatriotes cet optimisme qui était le sien. Qu'on fit confiance à
Jahvé II allait satisfaire tous les vœux, et au delà.
1
suivants (10-17), qui divisent les interprètes. Les uns, comme Marti,
les déclarent interpolés; d'autres, comme van lloonacker, y voient
la C(mtinuation du discours de l'ange anonyme (1).-
(1) Il faudrait ajouter que, d'après M. v. II., les vv. 7 ss. ne doivent pas être considérés
LES SYMBOLES DE ZACHARIE. 157
mon œil (12) il va châtier les nations -.j' agile ma main contre elles (13),
;
l'adversaire Que Jahvé te réprime, ô adversaire, que Jahvé te réprime, lui qui a
:
l'arpenteur),
« comme faisant partie de la desciiption de la troisième vision » (celle de
cf. p. 598.
(1) Op. cit., p. 600.
I=i8 REYUE BIBLIQLE.
fait choix de Jérusalem! Celui-ei, n'est-il pas im tison arraciié du feu ? 3. Or Josué
était vêtu d'iiabits sordides et il se tenait devant l'auge. 4. Et Tange", reprenant la
parole, dit à ceux qui se tenaient devant lui : Enlevez-lui ses vêtements sordides —
et il lui dit : Vois, je t'ai fait enlever ton iniquité — et revêtez-le d'ornements d'ap-
parat. 5. ]
'
et mettez '-lui sur la tête une tiare pure! Et ils lui mirent la tiare
pure sur la tête et ils le revêtirent d'ornements. Et l'ange de Jahvé se tenait debout.
Qu'on lui donne des habits d'apparat et une tiare neuve! Cette fois le
texte dit en toutes lettres qu'on fît comme il avait été prescrit;
Lia scène comporte trois personnages principaux l'ange deJahvi', :
De l'ange de Jahvé, Marti dit très bien qu'il diflere de Jahvé lui-
même, en tant qu'il est son vicaire terrestre, der irdische Stellvcrtre-
ter JaJiwes (1). Le premier symbole de Zacharie nous avait })r"évenus
de cette différence. Mais ici elle est plus accusée : l'ange parait le
fondé de pouvoir de Jahvé; il résiste à l'adversaire, préside à l'inves-
très faible des rapatriés, pareil, dit Zacharie, à iin tison arraché de
l'tncendie. C'est sur lui que se concentre l'intérêt du symbole.
A droite de Josué, devant l'ange de .ïahvé, se tenait l'adversaire
[vct'-, le satan, avec l'article). Les critiques ont beaucoup disserté sur
pas eu à créer (1;, est plutôt un agent surnaturel, de même nature que
les anges, agent du mal, non pas à la façon de l'Ahriman deZoroas-
><
ser paraître que la fonction. Nous disons dans le môme sens le juge,
V avocat, le procureur du roi... Comme c'est son rôle, l'adversaire est
là pour faire opposition à Josué devant l'ange de Jahvé, et il se tient
à la droite du grand prêtre. On croyait autrefois que la droite était la
place oflicielle des accusateurs. Mais un examen plus attentif des réfé-
rences bibliques a montré que le côté était indifférent. Par exemple, le
même psaume cix (Vulg. cviii) évoque l'accusateur à la droite du
méchant pour qu'il lui nuise (v. 6) et Dieu à la droite du pauvre pour
qu'il le protège (v. 31). — Sur quel point précis portaient les accusations
de l'adversaire? Le texte ne le précise pas; mais il est à croire,
d'après la suite, qu'elles tendaient à empêcher l'investiture par la
substitution des habits neufs aux vêtements sordides. L'ange de Jahvé
déboute l'accusateur il fait ôter à Josué ses habits malpropres qui
:
sont bientôt remplacés par des ornements d'apparat. Ces ordres sont
exécutés par des agents dont on ne parle (]ue lorsqu'on a besoin de
(1) M. van Hoonacker dit très bien : « Pour faire tenir le rôle de l'accusation à un
acteur qu'il désigne comme VÇ "w", il faut que Zacharie ait trouvé la figure de ce « Satan »
tions. Les anciens rabbins pensaient que .losué avait épousé en capti-
vité une femme étrangère; daprès quelques exég'ètes, il se serait
rendu coupable de faiblesse en tolérant les pratiques idolàtriques de
ses compatriotes (C. a Lapide), ou en ne stimulant pas leur paresse
dans l'œuvre de la reconstruction du temple Trochon). Aujour-
d'hui, toutes ces explications sont justement abandonnées. — Saint
.lérôme proposait une solution plus heureuse, lorsqu'il montrait le
grand prêtre chargé, non pas de fautes pei*sonnelles, mais des ini-
quités de son peuple. C'est encore le sentiment de Théodoret, de dom
Calmet, Nous reviendrons là-dessus.
etc.
Les critiques modernes ont pris une autre direction. Nowack part
de ce principe sémitique que « quiconque est poursuivi par le
malheur, passe pour puni de .lahvé ». Les rapatriés se trouvaient
toujours dans un état misérable. Ils pouvaient donc se demander
encore si leurs souffrances avaient apaisé la justice divine, si, leurs
'2; Van lloonacker, op. cit., p. Do:,-, cf. Marti, p. 408. Pour Mitchell, la vision ilraina-
LES SYMBOLES DE ZACHARIE. J61
qu'elles lui sont ensuite enlevées comme des habits sordides. Faut-il
dire, avec saintJérôme, Théodoret et domCalmet, que Josué porte les
iniquités de tout le peuple? Mais on ne voit pas en vertu de quel
pacte le grand prêtre seul serait rendu responsable des péchés du
peuple, et pourquoi, dans cette hypothèse, Zorobabel, chef civil de la
communauté, qui est si étroitement uni à Josué dans les derniers
symboles de Zacharie, ne lui serait pas également associé dans l'at-
ponsabilités dont il était grevé. Car les prêtres avaient une lourde
part aux crimes nationaux qui avaient amené la catastrophe de 587.
Aux yeux de la justice divine, ces fautes étaient une déchéance en
même temps qu'une souillure. Cet état de choses allait-il se prolon-
ger? A la société nouvelle, au temple nouveau, ne fallait-il pas un
sacerdoce renouvelé? Pour se renouveler, le sacerdoce avait besoin
d'une absolution générale, qui le désolidarisât des fautes commises
par les prêtres préexiliens; il lui fallait une nouvelle consécration, une
nouvelle investiture, qui rappelât celle d'Aaron au désert. C'est à
lise l'opposition entre la justice et la miséricorde de Dieu. C'est la miséricorde qui finit
(1^ On trouve une confirmation de ces preuves dans ce fait nue les symboles suivants,
lorsqu'ils parlent de Josué et de Zorobabel, entendent toujours parler des personnages
historiques de ces noms.
REVUE BIBLIQUE 1918. — N. S., T. XV. 11
162 REVUE BIBLIQUE.
Josué; sur une seule pierre [il y a\ sept yeux; voici que fy grave des
sculptures —
oracle de Jahvi' des armées et j'enlèverai l'iniquité de —
cette terreen un seul jour, »
Versets très difficiles. Autant de problèmes que de mots. Qui est le
qui entendent ces paroles du Messie au sens littéral et celles qui les
entendent directement de Zorobabel.
Dans la première catégorie se rangent saint Jérôme, C. a Lapide,
Trochon, Crampon, Knabenbauer; dans la seconde Eusèbe, Théodoret,
dom Calmet, Nowack, Marti, Mitchell, van Hoonacker...
Pour les premiers, le Germe est le Messie, et la pierre la société
théocratique à réédifier; les sept yeux seraient les sept anges qui se
tiennent devant Dieu et s'intéressent au rétablissement de la théo-
cratie (Koabenbauer) les sculptures seraient les emljellissements que
;
il bâtira le temple de Jahvé (cf. iv, 6-9), il semble qu'il faille s'en tenir
à cette indication.
C'est ce que font les auteurs de la deuxième catégorie. Ces derniers
néanmoins se partagent eux-mêmes sur divers détails fort importants.
Par exemple, pour WcUhausen et Now^ack (1), la pjierre serait la pierre
précieuse du diadème réservé au roi k venir, les yeux en seraient les
facettes, et la gravure serait le nom du roi, Zorobabel, inscrit sur la
pierre. Pour Mitchell, la pierre est un ornement destiné au costume
du grand prêtre (2).
Plus généralement, les auteurs modernes entendent par pierre la
clefde voûte ou le fronton qui doit terminer la construction du tem-
ple (cf. rv, 7), et par sculptures les ornements qui en feront une
œuvre d'art (Marti, van Iloonacker). Les sept yeux sont expliqués ou
bien de la sollicitude divine qui suit tous les progrès de ce travail
(Marti) ou bien des « sept facei* de la pierre qui devront recevoir les
or»ements sculpturaux » (van Hoonacker).
Je me range très franchement parmi ceux qui expliquent tout ce
passage de Zorobabel pour les mêmes raisons qui rendent pré-
,
prophète n'est pas plus explicite en cet endroit, c'est que ces
Si le
versets ne sont qu'une sorte de préface ou de transition à la vision
suivante, qui sera toute consacrée à ce même sujet (iv, 6-10). Il arrive
fréquemment aux prophètes d'être très obscurs, à peine intelligibles,
lorsqu'ils traitent pour la première fois un difficile sujet; tel Isaïe en
ses premiers oracles sur l'Emmanuel ou le Serviteur de Jahvé. Peu à
peu la lumière se développements qui suivent éclairent les
fait, et les
tion extérieure donnée par Dieu à des institutions dont il était l'auteur
Quelques Pères, écrit dom Calmet, croient que le Seigneur promet ici d'envoyer
(1) «
Zorobabel, qui élait un si/mbole du Messie, et qui devait rétablir le Teuijile. Les versets
11 et 12 du cliap. vi favorisent ce sentiment « {Commentaire liltc'ral. ]>. :.54). Cependant
invisible, mais réel. van Hoonacker dit très bien dans le môme
M.
sens : « Il est vrai qu'au moment où Zacharie met dans la bouche
de Jahvé cette proclamation, Zorobabel et ses compagnons avaient
déjà repris l'oeuvre du temple et bâtissaient avec entrain... Mais on
conçoit aisément, vu le caractère apocalyptique de la composition,
que la réalité présente soit considérée, dans la vision de Zacharie,
d'une manière idéale, comme objet des dispositions providentielles de
Jahvé » '1).
1. L'ange qui me parlait revint m'éveiller comme un homme qui s'éveille de san
sommeil, 2. et il me dit Que vois-tu? Et je lui dis J'ai eu
:
'
: une vision, et voici
sept lampes [] et sept conduits pour les lampes 'qu'il contient '. .3. Et deux oliviers
'
dis à l'ange qui me parlait : Qu'est-ce que c'est, mon Seigneur? 5. Et l'ange qui
me parlait me répondit : Ne Non, mon Seigneur.
sais-tu pas ce que c'est? Et je dis :
par la puissance, ni par la force, mais par mon esprit, dit Jahvé des armées.
7. Qu'es-tu, grande montagne, devant Zorobabel? Une plaine. Et il élèvera la pierre
du sommet parmi les acclamations Hên, hên lâh (à elle grâce, grâce!). 8. Et la :
parole de Jahvé me fut adressée en. ces termes 9. Les mains de Zorobabel ont posé le :
fondement de cette maison, ses mains l'achèveront, et vous saurez que Jahvé des ' '
armées m'a envoyé vers vous. 10. Car qui a méprisé le jour des c1ios.es petites? Ceux-là
se réjouiront à la vue de la pierre [?] entre les mains de Zorobabel. Ces sept sont
les yeux de Jahvé qui parcourent toute la terre; 11. Et je pris la parole et je lui —
dis Que sont-ce que ces deux oliviers à droite et à gauche du candélabre ? 12. glose ?)
: (
13. Il me dit Ne sais-tu pas ce que c'est? Et je dis Non, mon Seigneur. 14. Et il
: :
me dit Ce sont les deux flis de l'huile qui se tiennent près du Seigneur de toute la
:
terre.
sept et sept, les lampes qui sont sur lui, qu'il contient, au lieu de qui
sont au-dessus de lui. On convient également que le v. 12 est d'une
authenticité douteuse. Mais que les critiques il s'agit des versets 6-10,
déclarent étrangers au présent contexte. M. van Hoonacker les trans-
pose à la fin du chap. m; plus généralement (Wellliausen, Nowack,
Gautier, Mitchell), on les rejette tout à la fin du chap. iv, après le
ni par la force, mais par mon esprit, dit Jahvé des armées. Qu'es-tu,
grande montagne?... » Assurément il y a là une anomalie littéraire.
D'autre part, tous les critèi-es externes sont favorables à l'authenti-
cité de ces oracles. Le texte massorétique est très ferme, les versions
n'offrent pas le moindre indice d'hésitation. A quoi l'on ajoutera le
critère interne, ci-dessus exDosé : les vv. 6-10^^, à tout le moins les
vv. 6 et 7 sont nécessaires à l'intégiité du symbole; sans eux le sym-
bole est incomplet et déséquilibré.
Y a-t-il moyen de concilier cette anomalie littéraire avec l'authen-
ticitédu passage en question? Il existe sans doute divers moyens.
Toutes choses bien pesées, on regarde ici comme la plus probable
l'hypothèse suivante. Supposons que Zacharie, dont la rédaction est
souvent fragmentaire et pénible, avait déjà consigné par écrit les ora-
cles des vv. 6-10'^ et qu'il les avait sous la main. Lorsqu'il est arrivé
au symbole des oliviers, constatant .l'analogie du nouveau syjnbole
avec le fragment rédigé, il se sera contenté d'utiliser les matériaux
préexistants, sans prendre la peine de les remanier, et il se sera cru
dispensé de nous offrir toute autre explication, en forme scolastique.
sur le candélabre.
Je le répète, ce n'est là qu'une hypothèse. Mais en tout cas, on peut
tenir pour assuré que symbole ne saurait se passer des vv. 6 et 7.
le
(2) Jbid.
(3) llaoc ut (luiviiims, et ut vires ingenioli noslri ferre poluerunt, loculi sumiis, et
Hebraeoruiii cl nostrorum varias opiniones perslringciiles : si (juis mcliiis iino verius
dixerit, et nos libenler melioribus acqiiiescirnus in li. 1.).
viers (2). — M.
van Hoonacker s'arrête à l'interprétation suivante :
teurs n'ont pas tort de penser que ces expressions caractérisent Tom-
niscience et la souveraineté de Dieu; mais il faut ajouter que ces
attributs ont ici comme principal objectif la reconstruction du temple.
Les deux oliviers sont au-dessus du candélabre. Mais il n'est pas
dit qu'ils alimentent d'huile le réservoir et les lampes. S'il en était
est notoire que l'huile ne découle pas toute faite des oliviers dans
les lampes liturgiques. Cependant presque tous les auteurs supposent
cette relation entre les oliviers et les lampes cette conception :
de Tépha.
Je levai de nouveau les yeux et j'eus une vision, et voici [qu'il y avait] un rou-
1.
qui vole, long de vingt coudées et large de dix. 3. Et il me dit C'est la malédiction :
qui sort au-dessus de tout le pays; car tout voleur va être dès maintenant châtié
d'après elle, et tout '
parjure '
va être châtié dès maintenant d'après elle. 4. Je lai
fait sortir, dit Jahvé des armées., et elle vient à la maison du voleur et à la maison
de quiconque jure en vain par mon nom; elle logera dans sa maison et la con-
sumera, bois et pierres.
[la faux) (1) et le parjure sera puni par elle.' k la place des mots
soulignés, l'hébreu massorétique porte np; m>22 n"'2. Les critiques,
Wellhauscn, Nowack (dans son coirimentaire et dans la Bible Kittel),
Marti, Mitchell..., proposent de remplacer les deux premiers mots
par hq:; ra comme vu, 3. avec le sens de déjà depuis longtemps,
en donnant au verbe de «Hre impuni : c'est la malédiction...,
le sens
« car le voleur était depuis longtemps impuni, et le parjure était
leau; là-dessus 3*^ ouvre une parenthèse sur les causes et les délais du
châtiment; 4" revient ensuite au thème initial, après une nouvelle
introduction, et c'est alors seulement [k^) que les ravages de la malé-
diction nous sont décrits.
M. van Hoonacker propose une explication meilleure dans l'ensem-
ble et qui a l'avantage de ne modifier en rien l'hébreu massorétique.
Il donne à niqqah le sens de être expulsé (cf. Is., m, 26) et il traduit :
Ceci est la malédiction qui sort, contre la face de tout pays ; car le
(i)La version des Septante âx. to-jto-j ïta; Oavâto-j £y.oixyi9r|<T£Ta'. suppose un texte ana-
logue à TM niC3 nvD hi 7]^p2 n")2.
174 REVUE BIBLIQUE.
.3. L'ange qui me parlait apparut et me dit : Lève les yeux et regarde ce qui appa-
raît là. 6. Et je dis : Qu'est-ce que c'est? Il répondit : C'est l'épha qui apparaît.
Et il ajouta : C'est leur iniquité '
dans tout le pays. 7. Et voici qu'un disque de
plomb fut soulevé et il y avait une femme accroupie au milieu de l'épha. 8. Et il dit :
C'est l'iniquité, et il la rejeta au milieu de* l'épha et il remit à son ouverture la pièce
de plomb. 9. Et je levai les yeux et je regardai, et voici que deux femmes parurent :
le vent [soufflait] dans leurs ailes et elles avaient deux ailes pareilles à celles de la
cigogne, et elles enlevèrent l'épha entre la terre et le ciel. 10. Et je dis à l'ange qui
me parlait : Oii emportent-elles l'épha? 11. Il me répondit: [C'est] pour lui bâtir
au lieu de leur œil (d;''"), avec les Septante qui portent -^ y.li/.iy. y:j-Xrt.
(1) « ]1 (ZacLarie) se fait l'écho ici des sentences de ré|)rohalion prononcées par les
anciens i)rophrt(;s; c'est le pays et la sociflé d'avant l'exil (lu'il a en vue, il s'est placé en
esprit à celte époque du passé où le pays s'était en eflél attiré la malédiction de Jahvé
par tous les crimes qui s'y commettaient » [op. cit., p. 621).
LES SYMBOLES DE ZACHARIE. j75
(2) Ce n'élail pas ce but Ijienlaisant qui était envisagé m, 2. lors(|u'on disait du grand
prî'tre : « Celui-ci n'esl-H pas V7i tison arraché du feu y «
mais seul, le péché reste en Chaldée, tandis que bientôt le peuple est
rapatrié. En réalité, le symbole ne sugg-ère pas ces distinctions: tout
ce que les femmes ailées portent en Chaldée, épha et iniquité, y reste
à jamais.
Mais l'objection la plus sérieuse qu'on ne manquera pas de faire à
cette théorie^ c'est qu'elleperd de vue contexte général des sym-
le
pour éviter que l'épha ne fasse double emploi avec le rouleau, pro-
pose de voir dans l'iniquité la figure de l'idolâtrie.
Résumons le symbole :
même que, dans l'épha, les grains séparés sont tous réunis ensemble,
REVUE BIBLIQUE 1918. — N. S., T. XV. 12
178 REVUE BIBLIQUE.
1. De nouveau, yeux et j'eus une vision, et voici que quatre chars sor-
je levai les
taient d'entre les deux montagnes, et les montagnes étaient des m )nts d'airain.
•>. Au premier char étaient des chevaux rouges, au second char des chevaux noirs,
3. au troisième char des chevaux blancs et au quatrième char des chevaux tache-
tés, — puissants. 4. Je pris la parole et je dis à l'ange qui me parlait : Qu'est-ce
que c'est, mon Seigneur? -5. L'ange me répondit : Ce sont les quatre vents du ciel
qui viennent de se présenter au Seigneur de toute la terre. 6. '
Les chevaux rouges
sortent vers la terre de l'orient ', les chevaux uoirs sortent vers la terre du nord; les
blancs sortent vers '
la terre de l'occident ', et les tachetés sortent vers la terre du
midi. 7. Les puissants sortaient et ils cherchaient à s'en aller pour parcourir la
terre. — Et il (Jahvé) leur dit : Allez, parcourez la terre, et ils parcoururent la
terre. Et il (l'ange) m'appela et il me dit : Vois, ceux qui sont sortis vers la terre
du nord ont apaisé la colère '
de lahvé '
dans la terre du nord.
» que trois; encore sur l'un de ces trois ne nous fournit-il que des
renseignements tronqués. Il nous apprend que les chevaux noirs se
dirigent vers le nord et les tachetés vers le sud. Des blancs il dit
qu' « ils sortent vei^s après eux » (sic). Le texte est manifestement
corrompu. La proposition vers (Sn) appelle un nom de contrée. Tous
les critiques modernes, Nowack, Marti, van lloonacker, Mitchell...,
adoptent de Wellhausen, qui propose de lire
la restitution : les blancs
sortent vers la terre de l'orient (n'pn V^f?""'''^)- ^^ pourrait lire aussi
bien : ils sortent vers la terre de l'occidefît (invan). — Mais que de-
viennent les chevaux rouges, le premier des quatre attelages? Là-
Les rouges (en lisant n^aii^n au lieu de 'À*'C>sn) sortirent vers la terre
de Voccident. — Cette reconstitution ne va pas non plus sans quel-
ques difficultés. M. van Hoonacker qualifie à^ arbitraire la substitution
cause de tout le désordre. C'est fort bien de les supprimer. Mais com-
ment expliquer qu'ils aient pu s'introduire à cette place? Ne pour-
rait-on supposer que ces mots ou des mots analogues étaient d'abord
une note marginale dénonçant la lacune (2), ou plus simplement
qu'ils appartenaient à une phrase précédente dont tout le reste a
disparu? Toujours est-il que la mention des chevaux rouges au début
du V. 6 rend à la vision toute son élégance et sa cohésion. C'est là
que je proposerais de la rétablir. On lira Les chevaux rouges sortent :
vers la terre de l'orient, car, s'ils partent les premiers, il est à croire
qu'ils prennent la direction de l'est plutôt que celle de l'ouest.
On peut se contenter de signaler les autres observations suggérées
par l'état du texte massorétique. A la fin du v. 3, l'adjectif puissants
[D'^Tza) pourrait n'être qu'une glose; s'il est authentique, il qualifie
les quatre attelages à la fois. Au v. 5, Wellhausen, suivi par Nowack
et Marti, propose de lire : « Ceux-là sortent vers les quatre vents du
ciel (!;2"iN*S), après qu'ils se sont présentés devant le Seigneur de toute
la terre ». Mais, comme la très bien observé M. van Hoonacker, cette
correction n'est pas heureuse. « Les quatre attelages peuvent avoir
été appelés les (juatre vents du
en vertu d'une conception ([ui ciel,
voyait dans les quatre vents, gouvernés par des esprits célestes, des
puissances au service de Jahvé (comp. Jér.. xlix, 36 et les quatre
Keroubim de la vision cVÉzéchiel, i). ou bien par manière de méta-
phore ou de comparaison implicite, pour marquer la rapidité de
T; M. van Hoonacker a parfaitement justifié celte épithète sans substantif (op.. ci/.,
p. 628).
(2) Par exemple, si l'on avait écrit nzik^ N {le premier, vers le déserl, cf. Is., x\xv, 7 ,
lu par erreur ~2~"'w"N% et inséré dans le texte de très l)onne heure, avant la traduction
des Septante.
LES SYMBOLES DE ZACHARIE. 181
soit qu'il en ait été déjà question au premier symbole (où nous avons
lu entre les deux montagnes au lieu de entre les mijrtes, i, 8, 10, 11),
nous ramènent dans les sphères des visions, semblent avoir pour but
Seigneur du monde, à qui ils ont sans doute rendu compte d'une pre-
mière expédition, et ils témoignent une vive impatience de recevoir
une nouvelle mission. Jahvé —
car c'est de lui qu'il s'agit 7'' finit —
par exaucer leurs désirs. Sur un signo^ de lui, ils partent et ils par-
courent la terre. On ne nous raconte pas tout ce qu'ils font. Néanmoins
l'ange interprète signale à Zacharie la besogne accomplie par l'atte-
lage noir ces chevaux apaisent le courroux divin sur la terre du
:
Symbolisme. —
L'ange apprend à Zacharie que les quatre chars
sont « les quatre vents du ciel ». Peu satisfaits de cette explication,
certains exégètes en ont longtemps cherché une autre, en partant de
ce principe que les chars et les vents devaient être la figure de qua-
tre empires, tout quatre artisans du deuxième symbole.
comme les
Pour saint Jérùme et C. a Lapide, les quatre peuples représentaient
les Babyloniens, les Médo-Perses, les Grecs et les Komains; pour Cal-
met, les Assyriens, les Chaldéens, les Perses et les Lagides. Et, chose
assez curieuse, ces divers empires devaient s'entre-détruire, afin de
se châtier mutuellement. —
Le lecteur sait déjà que cette explica-
tion ne cadre pas avec le contexte historique de Zacharie. Puisque les
chars prennent en même temps des directions opposées, pour s'ac-
quitter de fonctions analogues, pourquoi supposer qu'ils désignent
ri([ue des autres symboles. En outre, eùt-il été besoin d'une vision,
détruite en 538? Nous savons déjà que les oracles des prophètes ont
une valeur pratique.
Disons donc que le symJjole se réfère encore à l'avenir, c'est-à-dire
à une période postérieure à Tan 519. Bien que la Chaldée fût asservie
à cette date, Babylone n'étant pas ruinée, le courroux de Dieu n'était
pas satisfait. Il devait l'être quelques siècles plus tard, lorsque, glis-
sant toujours sur les pentes de la décadence, l'ancien empire de
Nabuchodonosor fut devenu un désert, repaire des chacals et des
oiseaux de proie.
En résumé : Les coursiers qui, sur l'ordre de Dieu, s'en vont par-
courir la terre et châtier la terre du nord, figurent les agents divins
qui inspectent le monde pour le compte de Jahvé et qui, en particu-
lier, vont assouvir sa colère sur la Chaldée.
son de Josias, fils de Soplionie: tu recevras de la part des exilés, des mains de Hel-
daï, de Tobie et de Idaïah qui sont venus de Babylone; 11. et tu recevras de l'argent
et de l'or, et tu feras '
une '
couronne, et tu la placeras sur la tête de Josué, fils
de Josédec, le grand prêtre. 12. Et tu lui diras Ainsi parle Jahvé des armées : :
Symbole. —
Acte ou vision? Il n'est pas nécessaire d'avoir étudié
à fond le symbole pour répondre à cette question préliminaire. La
très grande majorité des interprètes, tant anciens que modernes,
pensent que le fait s'est réellement passé. Par contre, M. van Hoona-
cker se prononce très catégoriquement pour la simple vision. Ses
raisons se ramènent aux suivantes 1. Si le prophète a voulu mettre
:
en scène des hommes venus d'orient, il est étrange qu'il n'ait pas
commencé par une brève relation de l'événement. — 2. Si ces en-
voyés avaient apporté de l'argent, il eût été plus urgent de l'em-
ployer à la construction du temple qu'à la confection de couronnes
symboliques. —
3. Le prophète ne parle pas de l'exécution de l'ordre
reçu. —
Le V. 11 signifie très distinctement que Zacharie avait
4.
lui-même à prendre de l'or et de l'argent pour confectionner en
personne la couronne. Est-ce vraisemblable? 5. Il est facile enfin —
184 REVUE BIBLIQUE.
description contenue dans nos vv. 9-15 a pour objet une scène
idéale entièrement analogue à celles auxquelles Zacharie nous a fait
assister dans les visions » (1).
Les partisans de la réalité de l'acte trouveront sans doute que ces
objections ne sont pas insolubles, 1. C'est assez nous présenter les
exilés que de nous dire qu'ils sont venus de Babylone (v. 9). —
2. L'argent apporté devait servir surtout à la construction du
temple; mais Dieu pouvait avoir des raisons pour en ati'ecter une
partie à la confection d'une couronne. 3. Il n'était pas nécessaire —
que le prophète parlât de l'exécution de l'ordre (cf. Ézéch., iv, v, etc.).
— 4. N'est-il pas un peu exagéré de prendre à la lettre l'expres-
sion : tu feras une couronne? L'Exode (xxv ss.) est précisément
rempli de formules analogues; or, personne ne les a entendues en
ce sens que Moïse lui-même dût confectionner l'arche, les chérubins,
le chandelier, le tabernacle... Ces mêmes expressions reviennent
I Reg., v-vi, pour décrire le mobilier sacré dont Salomon garnit le
[ J (1)
dans la maison de Josias, fils de Sophonie; tu recevras de la
part des exilés, des mains de Heldaï, de Tobie et de Idaïah qui sont
venus de Babylone; tu recevras de l'argent et de for...
Avec le v. 11, les difficultés reparaissent. L'hébreu massorétique
porte : tu feras des couronnes (au pluriel; Sept. uTstpavouç). Saint
Jérôme, Calmet, et, de nos jours «ncore, Gautier, pensent qu'il s'agit
en de plusiew\s couronnes. Mais la plupart des interprètes an-
effet
ciens et modernes, à la suite de Théodoret, pensent qu'il n'est ques-
tion que à^une seule couronne (en lisant mï::^), parce que, au v. 14,
le verbe hébreu est au singulier : « la couronne » sera (n'»nn), et que les
(1) Tu te rendras DN^ est sans doute une répétition. Encore le 2 peut-il être gardé
comme préposition.
(2) Marti, op. cit., p. 420.
186 REVUE BIBLIQUE.
super solio suo, et erit sacerdos super solio suo. Mais la suite et il y :
aura un conseil de paix entre les deux indique que ces deux personna-
ges doivent être mentionnés dans la même phrase. C'est ce qu'ont bien
compris les Septante, qui portent prêtre sera à sa droite (y.at sa-at
: et le
leiwêtre sera sur son trône, et il y aura un conseil de paix entre les
deux. Au témoignage de saint Jérôme, les rabbins interprétaient ce
passage de la même manière « Mais le pontife Jésus, fils de Josedec,
:
(1) In h. l.
raient leur version, le texte hébreu est censé avoir déjà été corrigé
aux deux endroits. Pourquoi les Septante n'auraient-ils admis que
l'une de ces modifications? Il semble plus probable que le texte
primitif portait comme l'hébreu : il siégera sur son trône. Légalité
que Zacharie s'applique à conserver entre ses deux héros appuie sin-
gulièrement cette conjecture. Sans contredire cette préoccupation, les
Septante ont pu la perdre de vue et rendre l'expression hébraïque
par une autre qui leur paraissait tout aussi honorable.
Disons, pour terminer, que le v. 15 semble incomplet. Il promettait
un discours extrasyniholique, analogue à celui de m, 7, mais la phrase
est brusquement interrompue.
Description du symbole. —
On peut dès maintenant se faire une
idée exacte de la nature du symbole. Zacharie reçoit ordre de se
rendre chez Josias, lils de Sophonie, pour y recevoir les offrandes des
Juifs de Chaldée, naguère apportées par trois de leurs représentants,
Heldaï, Tobie et Jedaïa. Il n'est pas dit qu'il doive percevoir toutes les
offrandes de la juiverie babylonienne; il recueillera seulement l'or et
l'argent nécessaires à son dessein actuel, la confection d'une couronne.
Quand le diadème sera achevé, Zacharie devra l'imposer au grand
prêtre; il lui tiendra aussi un petit discours, pour lui présenter un
personnage éminent, nommé Germe. Ce nom lui vient de .ce qu'il
doit germer par-dessous, c'est-à-dire avoir une illustre descendance.
Il aura pour fonction de bâtir le temple. Il aura un port majestueux,
il siégera sur un trône et sera chef. De son côté, le grand prêtre sié-
chef, et chef reUgieu.r, bien qu'il ne soit pas roi. Il n'est pas roi,
(3) Op. (il., \>. (53^ pour être complet, qu'un certain nombre d'auteurs,
Ajoutons,
saint .lérôme, C. a Upidc, Trochon, Crampon, Knabenbauer, appliiiuent littéralement au
Messie ce qui est dit du Germe.
LES SYMBOLES DE ZAGHAKIE. 191
et de la publicité.
N'eùt-il fait que cela, Zacharie occuperait une place de choix dans
l'histoire de la Restauration. Il mériterait de figurer à côté de Moïse
qui intronisait les grands prêtres, à côté de Samuel et d'Elisée qui
intronisaient les rois.
Fontarabie.
Denis Buzy S. C. J.
I
MÉLANGES
(1) Les variantes sont citées ici d'après l'éd. Swete pour les grands onciaux, d'après
]'éd. IIoi.mes-Parsons pour les cursifs. Cette dernière est jusqu'à présent la seule pour
le de Néhémie. D'ailleurs, inènie après railièveinenl de l'édition de Bhoom; et
livre
\V. Me
Lean, elle restera précieuse à cause du nombre considéralile des mss. (|u'elle a
collationnés. Tant de richesses sont en partie rendues inutilisables par la pauvreté du
sens critique, et l'absence de tout effort en vue d'une rlassiliralion rationnelle des témoins
invoqués.
MÉLANGES. 193
Neh. 1, 9 : y.rS ay.pcu tc-j cjpavij : -\- îwç a:Kç,z'ù t:u cupavou 93, 108,
j^ca nig siip^
1, 11 : [A-r, cr, : -h 7,'jpis [j,r^ aTC 0(7-: pc'Vr^; (^93 azoa-pôd^siç) to -pocro)-sv
jcj : 93, 108, 1-21, x" '"^.
""''
2, 1 : svojirijv a'JTC'j : H- y.ai r^irr^v cr7.'jOpo)TCO; : 108, 121, N" '"*'
(93 3-/.u6pc7:oç).
2, 6 : auTO'j : H- iva Tt v.yAr^zy.'. Tcap i[j.z<. x'''' (ras. n"M 121 (93 -.va
2, 8 : rSkuq : + r/;; gapsw; t=j cr/.su x""^ (ras. x*'') 93, 108,
Conipl.
2, 8 : ti- ciy.sv ov £f.7cX£'j7;;j.ar. B : si- ciy.:v sic cv x'" (ras. x''') 93,
108, Compl.
2, 12 : ouy.3a-'.v B : cuy.-^; x'" (ras. x'") 93, 108.
5, 9 : cveioit7[;.o'j (-f- tojv sOvojv) : to)v v/fipdyj u;j.o)v x''*
'"*"'
5, 14 : aTTo -^iJ-spa; : pr. y.ar. ys f<'' "^^ '", 93, 108, Compl.
Il On aura remarquéque souvent les corrections inlrotluitcs par x' ' ont été eflacces par
il) Cf. S. JiinôME, 'praef. in lib. Paratip. ; ['.L.,\\\UL 1324 s. : Alexandria et Aegyptus in
Septuaginta suis llesychium laudat auctorem; ConstantinnpoUs usque Antiodiiani Luciani
martyris excmplaria probat; metliae inler lias prouinciae l'alacstinos codices lo-^unt. ([uos
ab iirigene elalioratos Eusebius et Pamphilus uulgauerunl: totusijue orl)is liaec inter se
tritaria uarictate compugnat. Cf. encore S. JiiuÔME, Epist. CVI ad Sunniam et Frete-
lam, 2; P. L., XXII, 838.
(3) Sur le 58, cf. IIolmes-Pausons, t. I, praef. ad Penlal., avec celle remarque finale :
196 REVUE BIBLIQUE.
utilisés par H. -P., comme spécialement hésychiens les n"' 44, 74, 68,
106, 107, 134. L'examen des variantes relatives à notre livre confirme
l'appartenance de tous ces codd. à une même famille. Voici par
exemple une liste relevée pour le chap. 3.
3, 4 — aoo)7. B; laoouy. K, 64. 74, 106, 119. 121, 134, 243, 71.
(1 Sur le (14 1. ( 11. -P., t. I, procf. ad Peut. : « hnbel in iiiargine aiiquas aliorum inler-
prelum Iccliones et eas ad Ilexapla sua translulit Monlfaucomis ex hoc i|>so ut uideCiir,
1, 6 zp:7£J7-^v t:j ccjacu: om. t:j A, ]^>, 44, 74, 106, 134, 236,
:
119.
1, 10 : sv T-f, 2jva;j.£i; om.
A, 58, 74, 100, 134, 108, X. rr, .s.
osé porter une main sacrilège sur l'œuvre vénérable des Septaute :
/inguis Scriptiira mile translata doceat faha esse quae addita siint (1).
La recension liésychienne, surtout, ne trouva pas grâce devant la.
critique de l'autorité le Décret de Gélase met le nom d'Hesychius
:
avec ceux des auteurs dont les livres sont interdits aux fidèles. Nous
comprenons mal une telle sévérité, lorsque nous nous trouvons en
présence de résultats aussi pauvres que ceux que nous avons
recueillis dans la lecture du livre de Néhémie.
Aussi ])ien ce livre, si court, est-il insuffisant — et ce sera notre meil-
leure excuse — pour nous permettre de nous faire une idée d'ensemble
de l'œuvre d'Hesychius. Nous avons reconnu l'existence d'un groupe
compact de manuscrits qui procèdent d'une tradition commune et
qui sont surtout les n"" k\, 74, 106, 134 et 248. Étudiant le texte grec
de rOctateuque, M. Me Lean, le savant éditeur des Septante, avait
depuis longtemps reconnu dans les n"® 44, 74, 100, 134 auxquels il
ajoute les n"" 76 et 84, les principaux témoins du texte hésychien f2 .
Janvier 1918.
Gustave Bardy.
(2) N. Me
Lkan, dans Jountal of theological Studies. II, janvier 1910, p. 306. Il in'a
semltlé encore que souvent le cod. A était d'accord avec les rass. de cette famille;.je dois
du moins signaler l'existence de nombreuses leçons communes, sans me prononcer sur le
difficile problème du texte de l'Alexandrinus pourquoi pas hésychien cependant?
:
200 REVUE BIBLIQUE.
II
n'est guère de matières non plus dont les érudits n'aient fait l'objet
d'études spéciales : uns ont disserté sur le Tabernacle, le Temple
les
et les synagogues; d'autres sur le gouvernement, la milice, la justice
chez les Juifs; d'autres sur la musique, la poésie, les jeux, le vête-
ment et la chaussure. Mais qui donc pouvait se tlatter d'aborder la
MELANGES. 201
(1) Ze Grand Dictionnaire de la Bible (édil. de 1717), If, p. 17. col. 2 « On y voit :
(2) Op. land.. I, p. 438, col. 1 et 2 « Dans ce fameux Monastère de saint Elisée, dont
:
charmé des délices de la solitude, qu'il résolut de s'y arrêter tout à fait, et même d'y
finir ses jours. On voit son épitaphe écrite en trois langues, en Latin et en
en l'^rançois,
Arabe. Cette épitaphe est gravée sur une pierre^ au coin de l'Église, vis-à-vis du saint
Sacrement. » On trouve le relevé de cette inscription dans plusieurs itinéraires des
xvji° et xviu'- siècles.
202 REVUE BIBLIQUE.
composition de son ouvrage. C'est dans cette ville qu'il eut le plaisir
d'admirer les tours d'adresse d'un prodigieux éléphant nouvellement
venu du royaunie de Siam. Le 2 V janvier 1699, il se fait envoyer un
procès-verbal de la découverte surprenante qui avait eu lieu dans
son ancienne paroisse, afin de pouvoir la consigner dans la seconde
édition de son dictionnaire qui eut lieu en 1703 (1). L'ouvrage fut
(Ij Op laud., 1. p. .j:î4, col. 1 : « Ce que je viens de dire est certifié par le sieur Charles
Monier Chàleiain du lieu de Saint-Uze, et par le sieur Chalamé Châtelain dudlt Molard, et
"
MÉLANGES. 203
édité une troisième et dernière ibis en 1717, mais nous ne savons pas
si ce fut par les soins de l'auteur ou par ceux des marchands libraires
de la rue Mercière à Lyon.
Le dictionnaire ])iblique de Maitre Simon jouit d'une faveur extraor-
dinaire à son apparition. L'éditeur le fait remarquer en tète de la
seconde édition « Ce seroit ici le Jieu de faire l'éloge des avantages
:
par le certificat de Monsieur Dommergue Prêtre- et Chapelain cUi Château qui me firent la
grâce de m'en envoyer la présente Relation l'an 1C99, le -'4 janvier, outre qu'ils ne disent
rien que je n'aie moi-même vu étant pour lors Curé de la paroisse de Saint-Uze. »
Lyonnais d'adoption après avoir été Dauphinois, c'est ainsi que le manifeste encore sa
nomenclature des vieilles églises à lui connues (I, p. 4-39, col. 2) « telles que nous :
voïons, écrit-il, encore dans Lyon, comme sont celles de saint Jean, de saint Nizier, de
saint Just et de saint Paul; de l'Isle-Barhe, de saint Maurice de Vienne, de saint Pierre
et de saint André le bas de la même ville «.
(1) L'édition de 1717 qui nous a servi à élaborer le présent article et publiée comme les
autres 'à Lyon chez
veuve de Jean Certe et Jaques Certe, fils, marchands libraires, rue
la
Mercière, à la Trinité,' se présente avec un titre interminable Le Grand Dictionnaire :
II
Certains de ses articles trouveraient leur place dans toute autre ency-
clopédie qu'un dictionnaire biblique, comme onenjugerapar les titres
suivants : Abyssinie, Andes, Chine, Eulogle, Diaconicon, Baptistère,
Hécalonibe, Sainte-Hélène, tandis que Calmet élimine avec soin toute
matière appartenant exclusivement au domaine de l'archéologie
chrétienne et de l'histoire ecclésiastique.
Ce qui ne manque pas de frapper aussi à la lecture de quelques
articles, c'est leur défaut de composition. On voit accumulée sous une
même rubrique la matière qu'il eût fallu répartir sous plusieurs.
Aiûsi, l'histoire à^Aaron est suivie d'un chapitre sur les fonctions des
prêtres et d'un tableau chronologique des grands prêtres jusqu'à la
ruine de Jérusalem. A propos
de Bala, l'auteur amène l'épisode de
l'incestueux de Corinthe. Césarée de Philippe et Césarée maritime
sont traitées sous un même titre. Le lecteur est déçu de trouver à
l'articleGethsemani, au lieu d'une description détaillée du Jardin et
de la Grotte, une esquisse de la Voie douloureuse, telle qu'on la
montrait au xvii" siècle. L'article Saints mériterait mieux le titre de
Miracles, car ce n'est qu'une série de faits miraculeux de l'Ancien et
du Nouveau Testament.
Le défaut de classification est en plus d'un cas aussi évident. Pour
quel motif Alexandre vient -il avant Alexandra, Bosphore après
Bosra, Hérodiade après Hérodiens? Le même sujet revient à diffé-
rentes reprises, présenté avec quelques divergences sous divers titres
qui en fait ne devraient en faire qu'un seul, par exemple le doublet
Ammaus-Emmaus, ou encore le triplet Arba-Chebron-Hebron.
La philologie de Simon n'est pas assez éclairée pour se débarrasser
des fausses étymologies et des jeux de mots que les anciens aimaient
à composer sur les noms bibliques. Ainsi Carmcl aurait pour signi-
fication : mollis, tenelhis, cognoscens circumcisionem. Mais le sens de
« vigne excellente que Calmet donnera dans son a^^pendice lexico-
»
plaçant Achsaph à ez-Zib, et Aila sur son golfe et cela d'après les in-
dications d'Abulféda, tandis que Sinion erre à la suite d'Adricomius et
de Jacques de Vitry Accaron est confondue avec Césarée de Pales-
:
magnifiques Églises dans les lieux où se sont passez les plus grands
de nos Mistères, il ne faut pas douter qu'elle ne se fût exactement
informée de tous ces endroits pour ne rien faire à la volée ni imposer
à la postérité chrétienne. Ce que je dis de la maison de Caïphe, je le
dis de tous les autres Lieux saints qu'on montre et qu'on visite dans
la Terre Sainte; mais principalement dans la Capitale (1). >
Le malheur est que le chaînon sainte Hélène, que l'esprit populaire
avait fini par mettre en tous lieux comme lien traditionnel entre les
trois premiers siècles et l'âge chrétien, manque en réalité pour beau-
coup de sanctuaires. On ne doit cependant pas se montrer trop rigou-
reux envers notre auteur, qui s'est fait son opinion sur la foi de quel-
ques personnes dont la vie s'était passée en Terre Sainte. Mais il est
inexcusable d'avoir écrit, un peu à la volée sans doute, qu'il était vrai-
ment remarquable que la cavalerie de Titus eût épargné la basilique
de l'Ascension au mont des Oliviers. Dom Calmet-a cru bon de ne
point' s'embarrasser des questions incertaines. « On ne sçait rien
temps de la mort de sainte Anne, ni de saint
d'exact, écrit-il, sur le
.loachini, ni même sur leur tombeau, quoiqu'on montre aux voyageurs
certains monuments, que l'on veut leur persuader avoir été leurs
sépulcres. » Et ailleurs à propos de Calphe : c On montre encore
aujourd'hui sa maison à Jérusalem. Mais quel fonds peut-on faire sur
ces sortes de monument, après tant de révolutions arrivées à la ville
de Jérusalem? »
(1) Tels sont les articles Adoption, Adorer, Aile, Ame, Ami, Arislée, Armées, Armes,
Arsenal, Aulel, Barbares, Captivité, Canon, Chair, Chaussure, Danser, École, Embau-
mer, Esclaves, Hexaples, Pain. Vulrjate, Zoroastre.
REVUE BIBLIQUE 1918. — N. S., T. XV. 14
210 REVUE BIBLIQUE.
qu'il n'y avoit rien Ghez Paul Lucas, Calmet s'est ren-
de semblable. »
seigné sur le zèbre. Il a même vu chez lui « la peau d'un de ces ânes
barrez, qui sont de la grandeur d'une moyenne mule, ayant plusieurs
bandes de couleur brunes, grises, noires et tirantes sur le roux. Je
soupçonne, ajoute-t-il, que ce sont ces ânes que l'Écriture appelle des
Anes brillans, et qui servoient de monture aux princes d'Israël ».
m
Les nombreux points défectueux du premier dictionnaire biblique
ne doivent pas cependant éclipser totalement son utilité et ses mérites.
Calmet l'a suivi pas à pas dans l'arrangement des matières et l'a
tenu constamment ouvert devant lui pendant la composition de son
propre ouvrage. Soit qu'il le reprenne ou le réfute implicitement ou
nommément, soit qu'il le cite, soit qu'il le résume ou le copie, nous
sentons partout une lecture attentive des articles de Simon.
Le grand prêtre Jaddus aurait dit à Alexandre le Grand que les
dieux du paganisme n'étaient que des hommes divinisés. Sur cette
opinion qui n'est qu'une conjecture sans fondement, le bénédictin
nous avertit en marge de voir le dictionnaire de .M. Simon sous le titre
(^Alexandre. Pour ne pas paraître trop acharné contre son précur-
seur, Calmet se contente le plus souvent de voiler sous l'anonymat
l'opinion de l'adversaire. Quicon([ue s'amusera à confronter le même
article dans les deux dictionnaires ne s'y trompera pas. Au titre
Anios y en a qui croyent que l'homme de Dieu qui vint parler
: « Il
Calmet, qui prennent Coa pour l'isle de Cô, célèbre par les ouvrages
de soye et de laine qu'on y faisoit. Mais cela ne prouve pas qu'il y ait
des chevaux. » « Ceux qui confondent la ville de Bagdad avec Ba-
bylone sont dans une erreur grossière. — Quelques-uns ont crû que
le nom de CédroiL lui venoit de la quantité de cèdres qui étoient, dit-
on, autrefois plantez sur son rivage. Mais on n'a aucune preuve de ce
fait. » Les renseignements que Simon puise dans les pèlerins ou les
vaincra par ces deux exemples où sont mises en regard les notices de
l'un et l'autre ouvrage.
SIMON CA.LMET
Baasa, fils d'Ahias, de la tribu d'Is- Baasa, fils d'Ahias, général des armées
lachar, général des armées de Nadab, fils de Nadab, fils de Jéroboam, roi d'Israël.
de Jéroboam, roi d'Israël, il tua son Il tua son maître en trahison au siège de
maître en trahison, au siège de Gebe- Gébéthon, ville des Philistins, et usurpa
thon, ville des Philistins, et usurpa le le royaume, qu'il garda vingt-quatre ans
roïaume qu'il garda vingt-trois ans en- entiers. Il extermina toute la race de
tiers, il extermina toute la race de .Jé- Jéroboam ainsi que Dieu le lui àvoit or-
bec est noir, long, délié et un peu cro- Septante le traduisent par une Huppe
chu, les jambes grises et courtes. Elle de même que saint Jérôme. Moj'se la
a sur la tête une aigrete de plumes fort déclare impure. La huppe est de la gros-
jolies et de diférente couleur, qu'elle seur d'une grive; son bec est long, noir,
baisse et hausse comme il lui plaît, son délié, un peu crochu-, ses jambes sont
cou et son estomac tirent sur le roux, grises et courtes. Elle a sur la tète une
ses ailes et sa queue sont noires avec aigrette de plumes de difi"érentes cou-
des raies blanches Lertt. xi, 19. leurs, qu'elle baisse et hausse comme il
Cette imitation se trahit surtout dans les sujets qui relèvent de l'his-
toire naturelle : pierres précieuses, plantes, animau-v. Elle se constate
aussi dans la définition de certaines institutions et dans quelques
notices biographiques (1). -
(1) Ainsi en est-ilpour les articles Addon, Agaba, Agapes, Agate. Ahicam, Améthyste,
Aloès, Amram, Aporior, Bar-Jona, Bélial, Gith, Grenade, Hérisson. Coq, Circoncision,
Colon.
MÉLANGES. 213
que le voyageur dont parle Jésus-Christ dans saint Luc... ait été atta-
qué à Adommim. » Il rejette l'identification pourtant très fondée
d'Arimathie avec Ramathaïm-Sophim admise par l'auteur du premier
dictionnaire, et ne l'a point suivi non plus dans sa distinction entre la
Bosra d'Édom et celle de Trachonitide. « Quelques géographes admet-
tent plusieurs villes de Bosor ou Bozra; mais nous ne voyons point de
nécessité de les multiplier. » Et pourtant la réalité demande le con-
traire. Un en quête de renseignements sur le Cénacle, le Cal-
esprit
vaire, le Lac de Génésareth, le Jardin Ferme situé à bon droit au-
dessous de Siloë, préférera s'adresser à R. Simon qu'à Dom Calmet.
Celui-ci a cru devoir omettre des articles tels que Charité, Obéis-
sance, où son devancier rappelle les passages bibliques relatifs à ces
vertus. Sous la rubrique Travail nous trouvons également un réper-
que Calmet ne nous fournit que des renseignements
toire utile, tandis
philologiques. Pour offrir une notice parfaite, les deux articles
devraient être combinés.
Le docte bénédictin ne dédaigue pas de citer le Grand Dictionnaire
lorsque celui-ci est susceptible d'enrichir sa documentation. La lecture
de ce détail touchant les Stigmates noté par Simon « la plupart des :
l'ancien usage des Chrétiens, qui se faisoient sur le poignet et sur les
bras, des stigmates, qui représentoient la croix, ou l'" monogramme
de Jésus-Christ usage qui subsiste encore aujourd'hui parmi les
:
]ilulôl la sentence de ce juge d'iniquité tournée de huit manières diiïérentes par des Auteurs
nouveaux, comme saint Anselme dans le Livre de la Passion, saint Vincent Ferrier, Lans-
perg, Guillaume de Paris, l'Évangile de Nicodème. Jean de Carthagène, Sempronianus,
Adricomius. Mais on nous pardonnera aisément, si nous les négligeons, puisqu'elles n'ont
aucune autorité. L'Lvangile ne dit pas môme que Pilate ait prononcé une sentence... »
II, ip. 161 « M. Simon, Auteur du Dictionnaire de la Bible imprimé à Lyon en deux volumes
:
en 1667, etc. »
MELANGES. 21o
III
Les auteurs qui ont le plus récemment étudié cette question s'ac-
cordent eu principe sur la manière d'utiliser données astronomi- les
ques; ils ne divergent que dans lapplication qu'ils en font, les uns
fixant la mort du Sauveur au vendredi li, les fiutres au vendredi 15
nisan. Quant à nous, il nous semble certain qu'on ne peut raison-
nablement contester que Notre-Seigneur ait été crucifié la veille de
la Pàqoe juive toutes les expressions dont se servent les évangélistes
:
-J
o
moré par la fête du 13 adar, /.a'. £C0Y;;,âTt(jav -rravreç [j.t-.y. y.otvou <hr,s>(G[>.0L-
"ArfeTai -zfi aupia-Afi cpwvf,, r.po ;j.'.5ç -/jE^ipaç zf^q Mapcoyaiy/^ç r,\jApy.q (3). Ces
faits se passaient en l'an 151 des Grecs (4), automne 162 à automne
161 avant J.-C.
En l'an 161 (bissextile), les lunaisons vraies commençaient respecti-
(1) Les contrats araméens d'Éléphantine (V siècle av. J.-C.) contiennent parfois deux
dates, l'une établie d'après le calendrier Israélite et l'autre d'après le calendrier égyptien.
En tenant compte de cette dernière, il semble, pour la presque totalité des cas (par ex. :
Staerk, Alte und Neue Aramaische Papijri, II. Juristiscfie Vrkunden, I, p. 34 etsuiv.,
textes A, B ?, D, E, F, G?, J, K), mais non pas tous (par ex. Staerk, ibid. p. ."16, n° 3),:
que l'usage alors suivi pour l'établissement de la néoménie ait été identique à celui
qu'observaient plus tard les rabbins du ir et du ni» siècle de notr«> ère (cf. S. Gltesmann,
Rev. des Éludes, juives, t. LUI, 1907, p. 200).
Dès lors il serait naturel de conclure à l'existence d'une tradition continue, d'une ma-
nière de faire constante: toutefois les faits que nous allons citer paraissent révéler dans
la tradition une solution de continuité, une sorte de rupture.
(2j II Mac. \v, i (cf. ibid. 3).
(3) Cf. / Mac. vu, 43 et 49; Josèphe, A. J. xii, 10, 4.
A supposer qu'à cette époque on ait déjà tenu compte de la date de l'équinoxe pour
(5)
fixer la Pàque, le l" nisan 162 était déterminé par la lunaison du 3 avril, et non par celle
du 5 mars : par suite, le 1" adar suivant devait l'être par celle du 22 février 161.
(6) A. J. XIII, 8, 4.
.
6o)v ŒTpaTYjybv, abxôBi l'[j.£ivcv Tii^ipaç ouc, cs-rjOÉVTCç 'Tp/,avsij tcu 'louoaiou
cia T'.va kop-î-q^ iraTpiov sv f)
toîç louooâciç cÙt, '^v vs,aiîj.sv âçcosûsiv. Kai Taj-a.
;xsv où 'is'Joô-ai AsyojV iv£C7-:Y] yàp •/; ri£vr/]/.:<7T-/; kop-r-q [j.z-hc -:o oiiici.xo^)
dant une partie s'échappa et atteignit Beth Zabdé, où elle resta jusqu'il
la nuit pour continuer sa fuite. « R. lehouda ajoute Ou avait attaché :
(3) On sait que la Pentecôte tombait le 5 lorsque les deux mois prrcrdenls avaient eu
chacun 30 jours; le 6, quand l'un de ces mois avait eu 29 jours et l'autre 30; le 7, lorsque
tous les deux en avaient eu 29.
(4) J. Deuenbouhc, Essai sur l'histoire et la géographie de la Palestine, p. 446.
frontière (1).
guerre civile de six années, eut la cruauté de faire crucifier sous ses
yeux huit cents de ses adversaires, et qu'à cette nouvelle, ceux d'entre
eux qui n'avaient pas été arrêtés, quittèrent en toute hâte la Judée.
Sachant que la dernière étape, celle qui mit les pharisiens hors
d'atteinte et sauva ainsi les destinées d'Israël, eut lieu le lendemain du
sabbat, et que « ce jour de fuite devint un jour de fête » dont l'anniver-
saire se célébrait le 17 adar, on est amené à se demander si l'on ne
pourrait préciser l'année de cet événement.
Josèphe, après avoir rapporté la prise de Gaza, la mort d'Antiochos
Grypos l'avènement de Démétrios
et III (5), mentionne les victoires
trios III n'a régné que neuf ans, de 217 à 225 Sél. =96-5 à 88-7; An-
tiochos Dionysios est monté sur le trône en 22i Sél. =: 89-88 A. G.
La campagne malheureuse de Démétrios III contre Alexandre
Jannée doit correspondre à l'année qui précède l'avènement d'Antio-
chos Dionvsios, soit à 223, Sél. =
90-89 A. C. (7) les six ans de guerre ;
vant les Antiquités (8), et cinq, d'après la Guerre des- Juifs (9).
(1) llîpl T&iTov (iv^va (A. J. MV, 4, 3j; xpiio) [xrjvl xy;: TTOAiopxta; [B. ./. I, 7, 4).
(2) 'Ev TYj Toù Kpôvo-j ri[X£pa (DiON Cassius, xxxmi, 16).
(4) Ibid. Cette dernière indication est inexacte : Jérusalem fut prise sous le consulat de
L. .lulius Caesar et de C. Marcius Figulus, 64 A. C. En ellet,
l'entrée d'Hérode à Jérusalem, en l'an 37, eut lieu 27 ans après rexpédition de Pompée
[A. J. XIV, 16, 4);
Aristobule II fut détrôné après demi f-l. /. xiv, 3, 4)
un règne de trois ans et il avait :
remplacé son frère Hyrcan II peu après la mort de leur mère Alexandra, qui avait gou-
verné elle-même pendant neuf ans, de 77 à 68 (cf., pour la chronologie des rois Asmo-
néens, Niese, Herines, 1892, Zur Chronologie des Josep/ius], donc, suivant toute vraisem-
blance, dans cette même année 68 trois ans et demi plus tard nous conduisent à lan 6'i.
:
la chronologie des campagnes de Pompée, telle qu'elle se déduit de Dion Cassius ixxxvii .
de Plutar<iue {Vie de J'ompée) et d'Orosc (vi, 5 et suiv.;, exige que les afl'aires de Judée
aient été réglées en 64 si Josèphe nous montre Pompée recevant la nouvelle de la mort
:
de Mithridate près de Jéricho (A. J. xiv, 3, 4), c'est qu'il a confondu plusieurs expéditions
ou tentatives d'expéditions contre Arétas; il est d'ailleurs tout à lait invraisemblable que
le général romain se soit mis à assiéger Jérusalem au moment même où il était pour lui
{9} I, 18, 2.
MÉLANGES. 221
saut au moyen d'une brèche faite à ses remparts ». Les rabbins ont
mique du 30 mars; le 1^' iyyar, par celle du 28 avril: le 1" sivan, par
celle du 28 mai; enfin celle du 1" tammouz, par celle du 27 juin :
(1) Prise que II Rois, xxv. 3 et Jérémie, xx\is^ 2 s'accordent à placer au 9' jour du mois.
(2) Sous le règne actuel d'empire romain), ils (les Juifs assiéfïés dans Jérusalem) pas-
<c
saient deux vases d'or pour prix de deux agneaux; une fois (par dérision ou par désir
d'en finir plus rapidement), on leur envoya deux porcs mais à peine arrivés à moitié de
:
la hauteur, les porcs se cramponnèrent à la muraille au point qu'elle fut ébranlée (et que
lunaison vraie,
(1) .1. J. \\ï\, 6, 4 : inl £è toO MaTÛiou touto-j ispoiu-Évov. ff-s^iioaivEi xat ^Tepov àp/i:p£x
7.aTa(T--/ivai irpo; (xîav iFijAspav yjv 'lo-jôaToi v/iaxEiav ayo-j^tv Ahia oi èo-Tiv rfiz- ô MarOta;
UpW!i.s>/o; £v vjxtl -rri çEpoûo-ï) elç T,[i.épav -fj
t| yr,<7xda. èvidrato, ëSo^Ev èv ôvîtpaTi cb[jLt>.r)xévxt
Y'jvaixî- xaî cià t65î o-j ôyva[A£vccj lepo-jpYîïv, 'Iwuriito; 6 to-j 'E/.Ar,[*'>'>' suviEpâçaTo avToi,
(TuyvEvr,; o)V. 'HpwÔY); 0£ TÔv te MatOJav ÈTCETrotûx^'. tt); àp-/t£pw(7vvr,; xai -rôv sTEpov MarOiav,
o; ÈYrjYEpxst Tf|V TtâiTiv, xal avôpa; Èx twv ÉTaîpwv aùtoO ixawTî ÎJwvTa;. Kai r] tjù-f]yi] Ô£ t^
(1) J. Yoma, I, 1.
pareil cas, il se faisait remplacer, autant de temps qu'il était nécessaire, par un prêtre de
second ordre; et celui-ci se retirait aussitôt que cessait d'exister l'empèchenient qui avait
tenu éloigné le grand-prêtre.
(3) On identifie ordinairement cette éclipse avec celle du t3 mars de l'an 4 avant Jésus-
Christ ; le jeûne dont il est question dans le passage qui nous occupe pourrait être celui
d'Esther célébré le 13 adar.
Mais il de faire tenir dans le mois qui précède Pàque (du 13 adar au
est diiricile
15 nisan cette année-là, il ne semble pas qu'il ait pu y avoir place pour un mois embo-
:
t lismique) tous les événements racontés par Joséphe aggravation de la maladie d'Hérode;
:
transfert de ce prince à Callirhoé; retour à Jéricho; réunion des principaux juifs dans
cette ville; exécution d'Antipater: mort d'Hérode cinq jours plus tard; ses funérailles;
son deuil pendant sept jours; entrée d'Archélaiis à Jérusalem, avant le 15 nisan. Et —
d'autre part, il ne faut pas négliger le renseignement fourni par les gloses de la Meijll-
lath Taanith d'après lequel la mort d'Hérode serait arrivée en hiver (7 kislev ou 2 schu-
bal).
224 REVUE BIBLIQUE.
G. Le chapitre xx du
nous donne des détails fort
livre des Actes
« Pour nous, après les jours des azymes, nous nous embarquâmes à Philippes,
et au bout de cinq jours, nous rejoignîmes [Paul et ses compagnons] à ïroas où
nous passâmes sept jours. Le premier jour de la semaine, comme nous étions assem-
blés pour la fraction du pain, Paul, qui devait partir le lendemain, s'entretint avec
les disciples, et prolongea son discours jusqu'au milieu de la nuit... Et il parla
longtemps encore, jusqu'au jour; après quoi il partit... Pour nous, prenant les
devants par mer, nous finies voile pour Assos, où nous devions reprendre Paul;
c'est ainsi qu'il l'avait ordonné; car il devait faire le voyage à pied... 11 nous rejoi-
gnit à Assos (3). )>
-Sy.q r^\j.ipy.: twv àZù[jA,)v, oif est amené à identifier les cinq jours de la
traversée de Philippes à Troas aux 23-27 nisan, et les sept jours sui-
vants nous conduisent au 4 ou 5 iyyar (k).
Comme tout, dans le récit des Actes, donne à penser que « le pre-
mier jour de semaine », où l'on « s'assemblait pour la fraction du
la
rt^alité le jour
(2 L'éclipsc, ayant eu lieu le 15 septembre à 11 heures du soir, loinball en
suivant d'après la manière de compter des Juifs.
(:{) Actes, xx, 6-7, 11-1 i.
(4) Au 4 iyyar, si nisan avait :^o jours; au ."., si nisan avait 29 jours.
MELANGES. 22b
Albinus, successeur de Festus, est arrivé en Judée au plus tard vers le milieu de l'an 62
(cf. ScHiJRER, Geschichie, p. 579) ;
—
Festus étant mort en charge, il y eut un intervalle
de quelques mois entre son gouvernement et celui d'Albinus; le contexte de Joséphe —
permettant d'évaluer la durée de l'administration de Festus à deux ans environ, il en
résulte que le rappel de Félix ne peut se placer que vers le printemps de l'an 60 au plus
tard, mais plus vraisemblablement vers le printemps de 59 saint Paul aurait été arrêté :
à la Pentecôte 57.
La tradition ecclésiastique, représentée en particulier par Eusèbe, indique, suivant la
recension arménienne, l'an XIV de Claude, l'an X d'Agrippa (= 54 ap. J.-C.) et, suivant
le remaniement de saint Jérôme, l'an 11 de Néron, l'an XII d'Agrippa (= 56) pour le rappel
de Félix. Ces deux dates se heurtent à des difficultés insurmontables. Il est probable —
que la source d'Eusèbe p utilisé, pour établir l'année du rappel de Félix, le comput
des années d'Agrippa, et l'on sait que ces années ont été comptées de deux manières dif-
férentes, suivant qu'on les faisait commencer à la mort d'Agrippa I (milieu de 44) ou à la
mort d'Hérode de Chalcis (48). Si l'on adopte la seconde supputation, le rappel de Félix
tomberait en 57-58 (recension arménienne) ou en 59-60 (saint Jérôme) et l'arrestation de
saint Paul aurait eu lieu à la Pentecôte 55 ou à la Pentecôte 57 la première date étant :
autres Niese, Hermès, 1892, p. 192 sqq., Zur Chronologie des Josephus), que les dates
données dans la guerre des Juifs se réfèrent au calendrier hébreu et non pas au calendrier
syro-macédonien. Voici les raisons qui appuient notre manière de voir :
part des Juifs révoltés. Réduits à la ville haute, puis cernés dans le
palais d "Agrippa, ils durent le 6 eloul (1) évacuer le Stratopédon et se
renfermer dans les trois tours royales d'Hippicus, de Phasael et de
Mariamne.
Bientôt la situation des assiégés devint que leur chef
si difficile,
awi6r, -payOr^va-. Tbv ^èvcv (2); et le même jour, à la même heure, par
une sorte de coïncidence fatale (3), vingt mille Juifs furent égorgés à
Césarée.
En l'an 66, le mois de nisan fut déterminé par la lunaison du
15 mars et, par suite, le mois d'eloul par celle du 9 aovit le samedi :
donien.
Panemos, au bout de
b)Le siège de Jotapat, commencé le 17 Artcmisios, prit lin le l""
'û jours (c'est donc qu'.Vrtemisios avait 30 jours et Daisios 31, soit : 16 + 31 + 1 = 47),
toire juive que Josèphe mentionne; on pourrait donc y voir une glose postérieure, d'au-
tant i)lus qu'elle ne présente aucun intérêt pour la suite du récit.
(l; Ibid. n, 19, 1 : KsCTuo; si; A-jo6a 7:po£/9MV v.irr,v àv5oô)v Tr,v ttoa'.v 7.aTa"/,aaêxv£r c'.à
'
yàp Tr,v tr,; IxriVOTirjyîac éopx'ôv àvaScêrf/CSi Ttàv t3 n'Arfloç si; [zoo<j6'}.-j[Lx .
(2) Ibid., 19, 2 : ^v yàp Sr) xb (lâXtsxa Trap' aùxot; 9p/i(7x.£-j(5[AEVOV oâSêatov.
(3) Ibid. : (/.évovto; Sa -iroû Kso-tio-j xaxà ytaçm Tpi(jlv ifjixépaiç.
(4) II, 19, 4 : <7-cpaT07rEÔc-j(jâ(X£voç ôà ènl tq-j y.a>.o-j[jivo-j ïxotto-j, TpKïi ixàv -/jaipa-.; ow.
ÈTreyeJpci tri nô/.Ei.
(5) Ibid. : -zrj Tïtâpr/i Se, riti; ^v Tpixxà? 'V7îEpê£pE»xîo-J (J.y)vô;, ôiaxâÇa; tyiv arpaxtàv îîffôya-
y£V £ÎÇ T/JV TtOAlV.
228
REVUE BIBLIQUE.
placés sur l'estrade, chantèrent le cantique « Il
de faire le service. Les lévites,
:
« R. Jérémie (vers 240) dit au nom de R. Hiya b. Aba (vers 200) Il serait juste :
« le 9 et la consomption Gnale a eu
lieu le 10 (2) ».
accalmie le 9, les Juifs firent une sortie par la povte orientale (7);
(6) ;
(;5) n. J. M, 4, 5.
„
lire le 1" du mois de Loos au lieu du 8, ,A au heu de
,
H dj. après
V ,
le
;'i) «. J. VI, '1, 1 :
en 135, eut lieu, lui aussi, un jour de sabbat; du moins telle est la
tradition (In
En l'an 135, le 1°' nisan fut déterminé par la lunaison du 1*" avril,
Telles sont les dates qui peuvent servir à vérifier la méthode ordinal -
cutées, à cause de l'imprécision des textes qui ont servi à les déduire;
— la date K a paru suspecte à plusieurs critiques qui ont voulu l'ex-
pliquer en invoquant un procédé historique bien connu en Orient (2).
Notre excuse sera de n'avoir voulu négliger aucun élément susceptible
de donner quelque indication pour la question qui nous occupe.
Ces réserves étant faites, voici, résumé dans un tableau récapitu-
latif, l'ensemble des résultats fournis par l'identification de chacune
des dates que nous avons étudiées, — Chaque date deux
est suivie de
chiffres, premier exprime le jour de la
dont le lunaison astronomique
correspondant à cette date et le second la différence qui existe entre
le jour de la lunaison astronomique et le quantième du mois juif :
= 5 +
B
C
I
(
6 sivan 129
7 sivan 129
17 adar 89
'
=5 + 2
=15 + 2
1
D 17 tammouz 64- = 16 + 1
E 17 tammouz 37 =16 + 1
H 17 eloul 66 =15 + 2
I 22 tisri 66 =20+2
(10 — 1
/ 9 ab 70 = ]
ou
(11-2
J ^'^
(10-0
( 10 ab 70 =< ou
1 11 — 1
K 9 ab 135 = 11 — 2
3°
le 25-26 et le 26-27.
xVu contraire, si l'on avait aperçu pour la dernière fois la lune
précédente le 12-13 mars, il était évident qu'on avait dû l'apercevoir,
MÉLi^SGES. 231
R. Dossa b. Horkinos (vers 70-120) dit Celui qui récite la prière publique le
:
GuemaraLes plus sages ne sont pas de cet avis parce qu'en ce cas où il n'y a
:
pas de doute possible que c'est une néoménie, il est inutile d'ajouter les mots
« que le moment précis soit aujourd'hui ou hier » ; ou bien eucore, conformé- —
ment à ce qu'a dit R. Jacob b. Aha (vers 160-200) au nom de R. Yassa celui qui :
se place devant l'estrade pour au jour du nouvel an, n'a pas besoin du tout
officier,
« Bien que les sages de la Palestine vous aient mis par écrit l'ordre de fixation
des jours de fête, ne éhangez en rien l'usage des deux jours de fête établis par
vos ancêtres et que leur âme repose en paix (2). «
(1) J. Eroubiti, m, 9.
R. Gamaliel (vers 75-110) avait dans sa chambre, sur un tableau et sur le mur,
l'image des diverses phases possibles de la lune. Il les montrait aux témoins et leur
demandait laquelle de ces positions ils avaient remarquée. Un jour, deux -témoins
vinrent dire avoir vu la lune (ancienne) le matin à Test, et le soir (la nouvelle) à
l'ouest. Ce sont de faux témoins, dit aussitôt R. Yohanan (vers 50-82) mais lors- ;
A toute néoménie, il est impossible de voir la lune pendant les 6 heures qui
suivent sa disparition et les G heures qui précèdent son retour. En effet, on a
enseigné ; Lorsque l'ancienne lune a été vue le matin, on ne peut pas voir la
nouvelle l'après-midi; ou si on u'a pas pu voir
l'après-midi on a vu la nouvelle,
l'ancienne le matin. Cependant R. Gamaliel a accueilli ces mêmes témoins parce
qu'il avait appris par tradition paternelle que parfois la marche de la lune est
R. Gamaliel (vers 75-110) fit dire à R. Josué (vers 75-120) : .Te t'enjoins de venir
me trouver avec ta canne et ta bourse (en tenue de jour profane), au jour où,
d'api es ton calcul, ce serait le Grand Pardon. R. Akiba (vers 90-135) allant le voir
le trouva désolé d'un tel ordre et lui dit : Il faut que j'enseigne, car tout avis
proclamé par R. Gamaliel (alors naci) est valable en loi, comme il est écrit : « Voici
les fêtes de l'Eternel, les appellations saintes que vous nommerez » -, que ces fêtes
surviennent en leur temps ou non, on tiendra seulement pour consacrées celles que
le grand tribunal aura déterminées.
« AUesler que si, une fois la consécration faite, on reconnaissait que l'on avait
suivi l'avis de faux témoins, la proclamation (de la néoménie) devait être main-
tenue. I,
R. Simon (vers 130-160) recommandait ceux qui fixent d'avance par calcul
à
la durée des mois et l'époque des jours de fête, de porter leur attention à ne pas
et si le calcul oblige à mettre un samedi l'un de ces deux jours, il vaut mieux
l'adapter au nouvel an et non à la fête des branches de saule.
Et plus loin Si au bout de deux jours après la fin du mois on n'a pas vu la lune, on
: '<
ne proclamera pas la néoménie d'office... »; « il ne faut pas croire qu'aussi bien qu'une
année soit parfois rendue embolismique pour faire face à un cas urgent, il en soit de même
pour déclarer un mois bissextile... »; et en sens inverse, le passage même de la Mischna
que commentent ces quelques extraits « Si le tribunal et tout Israël ont vu la lune, si
:
les témoins ont été interrogés à ce sujet, et qu'avant la proclamation oflicielle la nuit soit
survenue, on ajoutera un jour coinplérnentaire. » Rosch haschana. m, 1.
ceci montre bien que même au temps ou s'élaboraient les règles du calendrier
Tout
juif, y avait fréquemment conflit entre les pratiques traditionnelles et les perfectionne-
il
« ... en interprétant littéralement le verset [Lévilique, xxiii, 11, 15) qui dit
de compter sept semaines depuis le jour de la présentation de l'orner (16 nisan)
jusqu'à la Pentecôte, le lendemain du sabbat, ils cherchaient à fixer cette fête
un samedi. A cet effet (leurs témoinsj partaient dès la veille au soir dans la pré-
somption que la néoménie serait reconnue et consacrée. » Bien luieiKx : « ils com-
mençaient déjà à appliquer leur fraude au mois dAdar, afrn d'aboutir à une fixation
de la néoménie de Nisan selon leur calcul » (l).
C'est le fait bien connu des Samaritains allumant des feux destinés
à égarer les Juifs de la dispersion :
Mais c'est surtout l'anecdote peu édifiante qui nous montre des
membres de l'aristocratie sacerdotale (4) —
de saint
les apyi=pz\ç
Luc — soldant de faux témoins pour déterminer une anticipation de
néoménie utile à leurs intérêts.
« Un jour les Boéthusiens soldèrent deux faux témoins pour leur faire attester
que la néoménie était consacrée. Le premier témoin vint faire sa déposition et s'en
alla; le second vint ensuite déclarer ce qui suit : « Je me trouvais dans le défilé
« deAdoumim, et là je vis la lune accroupie entre deux rochers, ayant une tête sera-
it) Itosc/i hcmclinno, ii, 1; Tratl. Schwab, VI, p. 75 : Ces manœuvres destinées à fix^r au
•limanclie le jour de la présentation de la gerbe d'orge sont attribuées par la Tosephta
aux Boéthusiens, et signalées à propos de la tentative de corruption que nous citons
plus loin :
« Un jour les Boéthusiens subornèrent deux témoins pour qu'ils vinssent et égarassent
les docteurs
car les Boéthusiens soutiennent que la Pentecôte ne peut tomber que le
:
lendemain du sabhal... « Cf. sur cette attribution, Derenboirc, Esiui, p. 137 et note.
(2, Il (louvail (loiic y avoir une nouvelle décision annulant une décision précédente"^
(3) llosch liascfiana, ii, i; Trad. Schwab, VI, 75.
p.
(4) Les Boéthusiens, comme la indiqué Derenbourg {Essai,
J. p. 137, 177 et 196), parais-
sent avoir rr-ru leur nom des fils de Roéliios, qui furent grantls-prétres au tcnqis d'Hérode
et dont <pielques passages du ialmud signalent la triste réputation.
MÈF.ANGES. 235
(( blable à celle d'un veau, des oreilles comme celles d'un chevreau-, après quoi je
« m'aperçus que javais 200 zouz serrés daus ma ceinture. — Quant aux 200 zouz,
« dirent les membres du tribunal, nous te les abandonnons; ceux qui t'envoient
« seront amenés et subiront la peine des coups de lanière; mais pourquoi es-tu entré
« dans ce complot qui devait nous induire en erreur? — J'ai bien vu, répondit-il,
que ces gens cherchaient à égarer les sages; dès lors j'ai pensé bien faire en allant
« dévoiler leur conduite aux sages (1;. »
t
ver de notre part des conclusions fort réservées sur Iç rôle que
pouvaient jouer les calculs astronomiques dans la détermination des
dates du calendrier juif.
nous fallait traduire notre impression, nous dirions
S'il :
cités se réfèrent ta la fin du temps des Hérodes sans doute, ils peu- :
il s'est écoulé 11.753 jours, soit 211 mois de 30 jours et 187 mois de
29 jours;
e) du 26 juin 64 {= 1 tammouz) au 27 juin 37 (=
tammouz), il s'est1
écoulé 9.862 jours, soit 176 mois de 30 jours et 158 mois de 29 jours;
f) du h février 89 (= 1 adar) au 26 juin 64 (= 1 tammouz), il s'est
éoulé 3.274 jours, soit 168 mois de 30 jours et 146 mois de 29 jours.
Pour le second de ces intervalles (6), comprenant 9 ans, nous
avons, par rapport aux mois de 29 jours, un excédent de 6 mois de
30 jours;
Pour le 3*^ (c), comprenant 61 ans, nous avons un excédent de
47 mois de 30 jours;
Pour le 4" (c?), comprenant 32 ans, nous avons un excédent de
24 mois de 30 jours;
Pour le 5" (e), comprenant 27 ans, nous avons un excédent de
18 mois de 30 jours;
Pour le (/), comprenant 25 ans, nous avons un excédent de
e*-'
22 mois de 30 jours;
On sait que la lunaison moyenne est égale à 29 jours, 12", 44'",
3^" ces 44™ 3^"' s'ajoutant d'année en année finissent par former un
;
total de jours important, qui ne tarde pas à rendre inexact tout calen-
Dates extrêmes de
considéré
l'inlervalle
238 REVUE BIBLIQUE.
satisfaisant.
Force nous est donc de tâtonner à nouveau (2) et de rechercher si,
parmi les cycles en usage dans le monde ancien, aucune combinai-
son ne permet de rendre compte du tableau ci-dessus.
Or une telle combinaison existe, et, ce qui mieux est, elle parait
bien être indiquée dans un passage (3) du chapitre lxxiv du livre
d'Hénoch, écrit précisément au temps de la dynastie Asmonéenne.
[Il y a] pour trois années [solaires] 1.092 jours; pour cinq années, 1.820 jours;
pour la lune, pendant huit années, il y a 2.832 jours tous les jours qui manquent :
(1)Remarquons dès à présent que par suite de la diversité des dates extrêmes limitant
chaque période, il peut y avoir une erreur d'un jour dans ce total, erreur provenant par
exenqde du 30' jour dadar ou de ve-adar de l'année précédente.
On oublie tro|), lorsqu'on étudie les calendriers antiques, qu'ils furent construits
(2)
par lAtonnements. En ces temps reculés,' les données précises faisaient défaut ; tout au plus
pouvait-on, à l'aide de durée de l'année solaire.
moyens rudimentaires, apprécier la
l'ourlant, ce fut cette appréciation, d'abord fort imparfaite, (jui servit de base à la plu-
part des calendriers ou se préoccupa de combiner les mouvements de la lune avec ceux du
:
soleil, de chercher quel nombre de révolutions lunaires pouvait coïncider avec tel autre
nombre de révolutions lunaires; et comme d'ordinaire l'on ne pouvait utiliser que des
observations portant sur un espace de temps restreint, on en vint à construire des cycles
rudimentaires, — celui de 3 ans, tout d'abord, puis celui de 5 ans, destiné à corriger et à
rectifier le précédent.
Or tous ou presque tous les cycles servant de base aux anciens calendriers dérivent de
ces deux cycles primordiaux cycle de 8 ans (3 :5), cycle de 1(5 ans (3 + 5 + 3 .%), + +
lycie de 19 ans (3 -i- 5 ^- 3 + 5+3); et les premières théories astronomiques, les pre-
miers calendriers à allures scientifiques ne sont que des systématisations de plus en plus
vastes où l'on cherche, en utilisant des observations toujours plus précises, à Térifier et à
rectifier, au moyen de procédés empiriques, les tables dressées à l'avance.
(3) Ce passage appartient au Livre du changement des luminaires du ciel, dans le-
quel l'auteur apocryphe a compilé, sans toujours bien les comprendre, deux ou trois systèmes
astronomiques différents. Cf. le commentaire de M. 1". Martin, Ae Livre d'Hénoch, 1906.
;'i f'ela |i!irail ressortir du contexte ; il semble que dans l'un des systèmes résumés
par l'auteur, les jours nécessaires pour compléter l'année ou le c\cle d'années, étaient inter-
calés l'un ajirès l'autre à intervalles fixes; ainsi les chapitres i.xxii et lxxiv indiquent for-
iiiellemenl que les quatre jours nécessaires jiour compléter l'annéiî solaire sont intercalés
aux «'(|uino\es et aux solstices.
D autre part, au chap. lxxiv, 10-11, l'auteur compare les périodes lunaire et solaire
MÉLAiXGES. 239
de 5 ans; il laisse de côté les 4 jours intercalaires, et ne trouve plus entre les deux périodes
qu'une différence de 30 jours (au lieu de 50), ce qui prouve bien que les totaux indi-
qués Lxxiv, 12-15, ne sont pas nécessairement exclusifs d'autres jours supplémentaires. « En
ces jours, on additionne 5 années, et il y a 30 jours d'excédent pour le soleil et tous les ;
jours que compte une de ces 5 années, quand elles sont complètes, sont 364 jours; (mais
quand elles ne sont pas complètes, les jours que compte une de ces 5 années sont au nombre
de 360). Et vient l'excédent du soleil et des étoiles (qui est de) 6 jours (360 354 6) — = ;
pour 5 années, (ces) 6 arrivent à (faire) 30 jours; (le cours de) la lune est donc inférieur
de 30 jours à (celui) du soleil et des étoiles. »
« Uriel me fit voir les signes, les temps, les années et les jours », est-il dit lxxv, 3. Ne
s'agirait-il pas des entités déterminant « le changement des luminaires du Les jou7's
ciel » '?
sont évidemment les 360 jours de l'année; les signes, d'après lxxii, 13 et 19, correspondent
aux solstices et aux équinoxes, aux 4 jours intercalaires de lxxv, 1 ; les années pourraient
désigner le 365" jour nécessaire pour compléter l'année solaire, ou mieux le jour ([ui marque
le début de chaque nouvelle année; enfin les temps, ainsi qu'il est suggéré par lxxix, 5,
(1) Les autres périodes indiquent plusieurs années comme points de départ possibles.
(2) Une inscription de Cyrénaïque, CIG III, 5361, fait coïncider le 8» jour de la fête
des Tabernacles (22 Paophi de l'an 55 (exo-jç ve saû? xs snl o-ja/ôvov ttiç
tisri) avec le 25
ffXYivoiTTiYÎaç) d'une ère dont le point de départ paraît être la réduction ^du pays en province
(67 av. J.-C.)- En l'an 13, 55" année de cette ère,, le 25 Paophi (= 22 tsri) correspond
au 19 octobre; dés lors le l^' tisri 4 Paophi = =
28 septembre, ce qui s'accorde avec
le tableau que nous proposons. (La néoménie astronomique tombait le 30 septembre 13).
D'après la tradition rabbinique, le 14 nisan n'était pas tombé une seule fois un sabbat
depuis le temps de Schema'ia et d'.\btalion (vers 37) jusqu'au temps de la discussion entre
Tlillel et les Béni Battyra (vers 15) celte donnée se vérifie à l'aide de notre tableau pour
:
115 24 m !)9 27 m 83 30 m 67 2 av 51 5 av 35 9 m
lli ^] m 98 ^6 m 82 Wm 66 22 111 50 25 m 31 28 m
//.•; 31 m 97 3 av «/ 6 av C.5 10 m 49 13 m 33 IC m
112 \'2 m 96 2'é m 80 27 m M 30 m 48 •
2 av 32 5 av
IH 10 m 9o /S ??l 79 tCt m 63 19 m 47 22 m 31 25 m
110 2!» m 94 1 av 78 4 av 62 <S' Hi 46 11 m 30 ti m
io:i 17 m 93 20 m 2:t m 6'i 26 m 29 m 29 1 av
ii av 92 .'/ m 1-2 m 60 l't m 18 m 28 21 m
107 20 m 91 29 m I av 59 4 av 43 5 m 27 Il m
i'> m 90 ^S m 74 21 m 5S 2i m 12 27 m 26 30 m
lor, 2av <sry 5 av ,9 m 1-2 m 5/ 2.-,
18 m
104 22 ni 88 25 m 72 28 m 56 31 m 40 3 av 24 6av
ICS il m 87 y^ m 71 i7 ??l 55 20 m 39 23 m 23 20 m
\0i 30 m 86 i av 70 5 av 54 & î« 38 12 m 22 1", m
toi lis m 21 m 09 24 m 27 m 5' 30 m 21 2av
100 t» av 84 10 m 68 13 m 52 IG m 36 19 m 20 22 m
16 9 m 1 /2 Wi 17 1') m 33 18 m 49 21 m (55 24 m
15 28 m 2 31 m IS 3 av 34 7 m 50 10 m 6(i y. 3 m
14 17 m 3 20 m 19 23 m 35 26 m SI 29 m 67 1 av
13 4 av i S m 20 11 m .;« y j »i 52 /7 m 6'<S' 20 m
12 24 m 5 27 m 21 30 m 37 2 av 53 5 av (i9 m
11 1 i m 6 y7 m 22 20 m 38 23 m 54 26 m 70 29 m
10 2 av 7 5 av 23 9 m 39 12 m 53 15 m 71 M' m
;/ 21 m S 24 m -'} 27 m 30 m r,G 2 av 5 av
s mm 9 13 m 23 10 m 41 19 m 57 22 111 25 m
7 29 111 10 1 av 26 4 av 42 .V m 58 // m /} m
6 Ifi m 11 21 m 27 24 m 43 27 m 59 30 m 75 2 av
5 av 12 9 m :.'<S' 12 m 4i l'> m r;o 18 m 7<; 21 m
25 m 13 28 m 29 31 m 45 3 av 61 6 av
astronomique ;
—
enfin elle tombe à peu près deux cents ans « après
Alexandre », au temps marqué par Al-Birûni (1) comme
c'est-à-dire
étant celui d'un remaniement du calendrier juif (2).
Nous serions donc d'avis que les Juifs contemporains de Notre-
Seigneur, comme la plupart des autres peuples de l'antiquité,
réglaient par le calcul la marche de leurs années et de leurs mois.
« Nombre de savants auteurs pensent qu'ils l'ont fait réellement ;
(1) Chi'onologie des Peuples Orientaux, éd. Sachau, Londres, 1879, V, p. 68.
(2) Dans un mémoire publié en 1913 [Étude sur loi-ùjine astronomique de la Chro-
.
nolofjie juive, dans les Mémoires présentés par divers savants à l'Académie des Inscrip-
tions, XII, 2° partie, pp. 59.5-683), M' D. Sidersky a essayé de reconstituer, au moyen des
informations fournies par le Talmud, le calendrier juif des 80 premières années de l'ère
chrétienne. Ce travail apporte des lumières intéressantes sur les origines du calendrier
actuellement en usage, et en particulier sur « l'instant physique qui a servi de point de
départ au comput juif moderne »; il montre aussi quelle influence les Juifs de Babylonie
ont exercée à deux reprises, au temps de Gamaliel I et au m" siècle, sur leurs frères de
Palestine, et comment certains perfectionnements dus à leur initiative pourraient bien
se rattacher aux connaissances astronomiques des Ch;ildéens. Néanmoins les résultats
obtenus ne nous paraissent pas à l'abri de toute critique tout d'abord il. Sidersky a beau
:
vouloir faire abstraction du mécanisme actuel du calendrier juif, il n'en raisonne pas
moins très souvent d'après les données et les usages de ce calendric: en outre, au lieu ;
de partir de dates connues et de chercher à interpréter, ainsi que nous avons essavé de
le faire, les usages qu'elles supposent, il s'appuie pour commencer sur « les
textes
anciens », et vérlGe ensuite une seule date, —
la plus incertaine de toutes, celle qui jus-
tement sert d'objet à notre travail, —
la date de la Passion que, dit-il, « l'Église place
dans Tannée 33 ».
Nous pourrons voir ailleurs ce que dit en réalité la tradition ecclésiastique, et ce qu'il
faut penser de cette affirmation si catégorique.
(3) Le P. Pkat, Recherches de Science religieuse, janvier 1912, La date de la Pas-
sion... p. 94, avec la majorité des savants, est d'un avis contraire. — Il résume leur
REVUE biblique; 1918. — N. s.. T. XV. 16
242 RE\rE BIBLIQUE.
opinion de manière suivante « S'il est un point d'histoire assuré, c'est que les .Juifs,
la :
au I" siècle, n'avaient pas encore de calendrier fixe. Non seulement Pliilon et Josèpiie
n'y font pas la moindre allusion, mais toute la législation de la mischna et de la ghemara
dans l'hypothèse contraire... »
serait inintelligible
On doit observer tout d'abord que Philon ni Josèphe ne prétendent faire oeuvre d'ency-
clopédistes. Josèphe, en particulier, comme l'indique si bien DeRENBOtRC \Essai, p. 90),
est « toujours muet lorsqu'il s'agit de décrire les institutions de son pays
».
pour les temps antérieurs, il ne nous renseigne que d'une façon très inégale.
A moins de s'en tenir aux conclusions toutes négatives que nous formulions p. 236, et
de renoncer, pour être logique, à toute recherche sur la date de n'importe quelle Pâqne
juive, on est obligé de reconnaître que plusieurs faits, que plusieurs textes demeurent
inexplicables dans l'hypothèse de la non-existence d'un calendrier fixe. C'est donc que,
depuis la captivité, « observations et calculs s'étaient perfectionnés » au point de « per-
mettre aux Juifs de reléguer au second plan la visiiiilité directe du croissant » (SinERSR\.
p. 622). —
Au temps de Notre-SeigneUr, on n'était pas encore parvenu à calculer avec une
grande précision l'instant de la nèoménie. ainsi qu'on put le faire ]>ius tard, mais on
utilisait un cycle empirique dont le secret était jalousement gardé.
!l p. 622. Cf. dans le traité Rosch liaschana de nombreuses indications
SibKi'.sKY,
sur ce système de télégraphie optique, et des précisions géographiques attestant qu'il
était en usage avant la ruine de l'État juif.
'2] Liingueinuiil décrites dans le Talinyd, mais sur lesfiuelles Josèphe et Phiion gardent
un silence coiapict.
(3} Citées jjIus haut, pp. 233 et suiv.
(4) Il s'agi» d'une lixilé relative, puisque l'intorcalalion do ve-adar était subordonnée à
l'observation de 1 équinoxe, ainsi que nous allons le voir.
MÉLANGES. 243
elle a lieu après midi (quelle différence y a-t-il entre ces deux cas)? »
— Samuel répondit Non. » Abba reprit
: « « Si vous ne savez pas :
l'onde très pure de la source leur déplaît, qu'ils boivent aux ruis-
selets boueux, et que, pour lire les Écritures, ils mettent de côté
le soin diligent qu'ils apportent à connaître avium salivas et con-
carum cjurqites (c'est la leçon de Hilbergi, et qu'en cela ils soient
assez simples pour estimer rustiques les paroles du Christ, sur les-
quelles depuis tant de siècles déjà tant de génies ont versé leurs
sueurs et néanmoins n'ont énoncé que leur opinion sur le sens de
;ij liicroiiymi A>(><«?r/p, értit. Hilborg, dans Corpus scriplonim ecclesiaslicorum lati-
nornm, Vienne, 1010, t. LIV, p. 223-22G.
MÉLANGES.
lui pour qu'il n'ose pas dire ce que d'autres n'ont pas honte de
faire. Qu'avait-il donc dit pourtant? A-t-il décrit les idoles (obscènes)
gravées sur les plats? A-t-il dans les repas chrétiens mis sous les
yeux des vierges les embrassements des Bacchantes et des Satyres?
A-t-il jamais tenu quelque propos plus amer? A-t-il
manifesté de
(1) Celte leçon était admise par la plupart des Pères, dit Vallarsi, ]iar l'Anibrosiaster.
i|iii connaissait le texte grec, qui la discuté et écarté, et par Ruiin, remarque dom Saba-
lier.
(2) Sur linil, manu.scrils dont il s'est servi, Hilberg n en cite qu'un ayant la leron de
Vallarsi et cet éditeur lui-même note que l'unique manuscrit, celui de la reine Christine,
lui a la Ipion de ^ilbl•r^, dit plus vrai que le texte qu'il édite. On voit qui, du P. La-
j;raii;;e on de inni. ;. 1.' miinix compris la leUre de sainl .Jérôme.
MELANGES. 247
biblique. Il cite une maavaLse leçon courante qu'il a suivie une fois
>
qui donne la clef de tout » (p. 4V0), met en opposition les deux sortes
de critiques bibliques qui sont en conflit. Les détracteurs de Jérôme
sont de gros ânes (des mulets stériles plutôt que des hongres) (2
gaulùh. Les éditeurs Vallarsi et Hilberg citent en note une glose qui
reconnaît dans l'épithète gallicù une indication indirecte de la patrie
des détracteurs de saint Jérôme, qui préfèrent les mauvaises leçons de
l'Italique aux leçons conformes à l'original (3). Le petit âne de Za-
charie, délivré de ses liens et harnaché pour le service du Seigneur,
cet ânon qui, après avoir porté Jésas sur son dos, se mit à chanter
d'accord avec Toracle d'isaïe, xxxii, 20, selon les Septante : Beatus
qui seminat secus omnem aqiiam,Mhi bos et asinus calcant, est Jérôme
lui-même, qui au service du Seigneur et ffui chante qu'il faut
est
faire paître les ânes auprès des bonnes sources.
La conclusion du P. Lagrange « Qu'on cesse donc d'alléguer l'é-
:
(1) Sacrorum Bibliorum versiones antiquae. in-fol., Reims, 1743, t. lll, p. 867.
pitre à Marcella pour prouver que Jérôme avait publié une révision
de l'Apôtre en 383 » (p. 447), est fortement battue en brèche, puis-
qu'elle repose sur une fausse interprétation de la lettre. La conclusion
que j'en ai tirée et qui est rappelée (p. 445) resté valable. Les détrac-
teurs de la révision des Évangiles doivent, s'ils sont logiques, accuser
saint Paul d'impéritie et accepter trois leçons de ses Épitres, tirées
de la vieille Vulgate, auxquelles Jérôme oppose les leçons correspon-
dantes, conformes au texte grec. Les leçons latines condamnées ap-
partenaient à une édition réelle. Pourquoi les leçons préférées n'au-
raient-clles pas été tirées, elles aussi, d'une édition réelle, faite par lé
saint docteur? Le P. Lagrange distingue entre « leçons » et « édition )>.
qui n'était pas encore exécutée en 384, est attestée nettement en 392.
C'est dans l'intervalle de 384 à 392 qu'elle a été faite. Il est
impossible de fixer l'époque précise à laquelle Jérôme aurait accompli
ce travail. Son activité littéraire après 384 est bien connue : il a révisé
les de l'Ancien Testament sur les Septante; il a commenté
livres
quatre Kpîties de saint Paul il a coipmencé à traduire le texte hébreu
;
(1) Le docteur critique assez acerbement les leçons et les traductions des textes
saint
latins. « Mais dereclief comment se fait-il que jamais il ne se vante d'avoir naguère
rétabli
le commen-
le bon texte, et qu'il semble toujours faire ce travail au moment où il écrit
Ea 3S.i, dans sa révision des Evangiles, il avait corrigé d'après le teite grec la qua-
'\)
iriéme demande du Pater, Matth., vi, il, et remplacé le coiidianum de l'ancien texte
par l'adjeclil' barbare supersubslanlialem. décalque d'èmoûaiov. En commentant, en 386,
l'Epilre à Tite, il rencontre, ri, 14, l'adjectif analogue kzo'.o'jciov La comparaison des deux
.
adjectifs grecs lai fournit Toccasion d'une petite dissertation. 11 cite d'abord le texte
ancien : Panem nostrum cotidianum da nobis hodie. Il ajoute aussitôt Mclius : ia
ijraccn liahelwr pauem nostrum ir.ioximov id est, praccipvuni, egrerjium, peculiarem,
, et
il entend ce pain de lEucharistie. Il n'ignore pas que (juelques-uns expliquent l'adjectif
grec (juod super omnes ojctaç si(, hoc est super 07)mes universas subslantias. Quod
:
les Chroniques sur les Septante, comme en font foi les préfaces qui
nous sont parvenues (Ij. Or, du vivant môme de Fauteur, la plus
grande partie de ce travail était déjà perdue (2), et nous ne possé-
dons que le texte du livre de Job. Personne n'a eu la pensée d'in-
sérpr définitivement dans la première ^é^^sion des Épitres, tout
imparfaite qu'elle fût, les corrections nouvelles que Jérôme avait
faites dans ses commentaires des quatre lettres pauliniennes déjà
mentionnés. La Vnlgate de ces Épitres est restée ce qu'elle était
primitivement par respect pour ce premier travail du saint docteur.
Je n'éprouve donc, pour ma part, aucun malaise à constater que '<
le commentaire des Galates » (p. 4i7) n'est pas fait sur la Vulgate.
Griitzmacher constate le même fait (3). J'ai suffisamment étudié les.
Dans le commentaire de l'Épitre aux Galates, iv, 4, il cite l'ancien texte de Luc, xxii,
37 : Et ciim iniquis reputahis est, et il le corrige aussitôt : Nam licet in latinis codi-
cibus propter simplicitatem interpretum maie editum sit et cum iniquis repulatus est,
tamen sciendiim aliitd apiid graecos significare y.vov.o', quod hic scriptum est, aHud
xor/.ov quod in lalinis voluminibus habetur. "Avoixo; enim dicii ille qui sine lege est
et nnllo Jure constringitur. Dans I Cor., ix, 24, saint Paul emploie ce terme el le traduc-
teur latin l'a bien rendu sine lege. Il aurait pu traduire de même saint Luc, nisi eum
:
ambigiiitas fefellisset. Ibid., col. 372-373. Le saint docteur corrige donc l'ancienne ver-
sion, sans faire la moindre allusion à sa propre révision, où il avait adopté un terme
'
Contre Jovinien, Jérôme compare quatre passages de l'ancienne \ersion latine des Epi-
tres de saint Paul avec le texte grec. Or, I Cor., vn, 33, il préfère la leçon de la Vulgate;
mais, I Tim., ii, 9, il condamne la leçon sobrietas des manuscrits latins qu'il a conservée
dans sa révision, et il traduit ffwç^poujvyi par caslitas; il agit de même, Rom., xii, 3; enfin,
I Cor., vu, 35, il traduit la fin du verset, que l'interprète latin avait omise, faute de la
comprendre, autrement que dans sa révision. P.L., t. XXIII, col. 230. Ainsi, à
et il le fait
l'époque oii la Vulgate existait certainement, saint Jérôi.ie ne se vante pas de l'avoir
exécutée; il critique encore l'ancien texte latin, et si, une fois, il lui préfère sa révision, sans
le dire, trois fois il modifie son texte révisé. Il a pu agir de même en 386, sans que sa
manière de faire prouve qu'il n'avait pas encore révisé le texte des Épitres de saint Paul.
(1) P.L., t. XXIX, col. 401-404.
(2) Il ne pouvait la transmettre à saint Augustin : elle lui avait été ravie par un larcin.
Epist.. CXXXIV, ad Augustinum, P.L., t. XXII, col. 1162.
(3) Hieronijmiis, Berlin, l'.K)6, t. 11, dans la mime
collection, t. X, p. 31-32.
dicta sint. P.L., t. XXVI, col. 474. C'est l'ancienne version qu'il appelle Vulgata inter-
pretatio. Après cela, il cite et explique une autre leçon du même verset.
2S2 REVUE BIBLIQUE.
anciens textes » (p. i43j. J'admets avec le R. P. qu'il révise ces textes,
en composant ses commentaires, mais j'ajoute qu'il les révise pour la
seconde fois et, comme Zahn l'a justement remarqué, qu'il le fait
d'après les commentaires grecs qu'il déclare lui-môme avoir consultés
et suivis. « Les leçons que Jérôme a préférées (dans son commentaire
de rÉf)ître aux Galates) ont toutes leur place dans la Vulgate (ii, 5 ;
latins que saint Jérôme supprimait est restée dans la Vulgate; vi, 7,
cum fidelitate (sive benevolentia) au lieu de cùin bona vohintate. Le
commentaire contient donc un plus grand nombre de corrections du
texte latin que la Vulgate c'est une révision perfectionnée (1).
;
sous les yeux une recension qui s'impose à lui pour le texte »
(1) Griitzmacher a remarqué que le commentaire de l'Épître aux Éphésiens, rédigé avec
plus de séclieresse (|ue les précédents, était, d'autre part, plus abondant et plus indé-
pendant qu'eux, et (jue l'auteur a relevé plus fréquemment les variantes du texte grec
liour corriger la version latine. Hieronymus, t. 1, p. 37-44.
'Tj Je trouvela preuve la plus évidente que saint Jérôme établit lui-même le texte de
>on coniinenlaire dans les deux listes des opéra carnis et des fructus spirilus de Gai., v,
vj-'s.s. L'ancienne version latine comptait 18 œuvres de la chair et 10 fruits de l'esprit,
voir Sabatier, l. lU, p. 781, 782. Or, saint Jérôme, se conformant au texte grec, n'énu-
rai-re <|ue
l."i œuvres de la chair. Il en exclut donc 3 des manuscrits latins aduUcrium, :
Le texte du commentaire des Galates est donc plus conforme au texte grec que la Vulgate
de White la Vulgate clémentine est encore plus imjiarfaite, elle énumère 17 œuvres' de
MÉLANGES. 253
tes s'appuie sur une révision de l'ancienne latine qui est, d'une cer-
taine façon, l'œuvre de saint Jérôme, puisqu'il ne s'interdit pas de
retoucher le texte, mais son attitude vis-à-vis de la traduction latine
antérieure exclut l'hypothèse d'une recension publiée par lui anté-
rieurement. De plus, son texte est, par rapport à nos meilleurs manu-
scrits Vulgate, plus rapproché de l'ancienne latine (d-g), de
de la
sorte que la Vulgate, recension plus achevée, doit être postérieure
au commentaire des Galates » (p. 444). Le commentaire de l'Épître
aux Éphésiens donne une impression différente. Il est plus achevé
que notre Vulgate. C'est donc qu'il est une révision de, l'ancienne
version latine. Si saint Jérôme ne commentait pas la révision qu'il
avait déjà faite antérieurement, il n'expliquait pas non plus la vieille
Vulgate purement et simplement. Le R. P. l'a remarqué lui-même :
E. Mangexot.
la chair, ayant impudicitia en troisième lieu, et 12 fruits de l'esprit, ayant en plus patien-
tia, mansuetudo Jérôme tient au chiffre des quinze œuvres de la chair
et castitas). Saint
auquel il est parvenu par 1 étude du texte grec. Il le mentionne de nouveau, en répétant
sa liste. Comment, in Epist. ad Titum, m, 10, 11, t. XXVI, col. 596. Il n'en avait cité
que 14, il est vrai, dans son commentaire de la lettre aux Éphésiens, vi, 12, col. 546; il a
oublié veneficia. On ne comprendrait guère qu'ayant obtenu ce résultat, il ne le conserve
pas dans sa révision de lltalique, si elle a été postérieure au commentaire. J'en conclus que
cette révision est antérieure et que le commentaire est un perfectionnement de la Vulgate.
LA RÉVISION DE LA YULGATE PAR SAINT JEROME
des épîtres paulines, s'est comporté comme s'il n'avait pas révisé la
version latine antérieurement. M. Mangenot croit toujours à lexis-
tence antécédente de cette révision peut-être saint Jérôme n'en avait-
;
tée.
De cette attitude je concluais qu'elle n'existait pas. D'après M. Man-
genot : 1) « s'il ne parle pas de sa révision antérieure, y c'est qu'il
attache peu d'importance. Son désintéressement à l'égard de ses
travaux bibliques, etc. ». En effet, la lettre à Marcella prouve bien
clairement à quel point il était désintéressé de ses œuvres I. Quant
aux retouches des Septante, on comprend que ces textes perdaient de
leur importance après ses traductions directes de l'hébreu;
2) les divergences entre les leçons que Jérôme préfère et la ré^d-
sion que contient notre Vulgate ne prouvent rien, puisque dans plu-
sieurs cas prononcé contre des traductions qui appartiennent
il s'est
sûrement à sa révision, ainsi à propos des évangiles. Ces cas sont
certainement intéressants. Il en est bien d'autres dans le Commen-
taire sur saint Mattliieu.
l*ar exemple sur v, 25 : Esto coxsi:ntte?;s pr-o €û ^uod nos; habfmiis
in latinis codicibns consentiens, in graecis scriptwn est 3jv:wv qiiod
hilcrprclalur henevolus <iul bexignus.
VH, 1«; : Vcrbum exterminant, fjuo^î m rcclesmsticis scripturis
ritin intcrpj^cliim tritiim est, aîiiirl mitlto sigiiijîcat, quam vulgo in-
UdUghur... i>EMOLJu>juR sewîyW^'r accipere debemus quad graece dici-
MÉLANGES. 255
cité f't Vulgata habet editio, donc aussi dans l'édition anciennement
reçue, le nom du prophète manque. Certains manuscrits ont Isaïe,
mais le véritable Jtexte original devait porter Asaph.
XV, 30 In eo loco ubi latinus interpres transtiUit débiles,
:
m
graeco scriptum est y.aXXcJç... nos proprietatem huius verbi non habe-
mus (pour indiquer un manchot).
XVI, 22 : Absit a te Domine : vel ut, melius habetur in graeco...
pROPiTirs SIS TiBi Domine.
On peut voir encore vu, 25; viii, 19; ix, 32; xi, 16; xxi, 18; xxii,
30 pour de petites remarques sur le texte.
Faut-il conclure avec M. Mangenot que dans ces cas (et dans ceux
qu'il a cités) saint Jérôme « ne craint pas de corriger sa révision
précédente »? Il faut distinguer. Il nest pas fâché de montrer que
ces traductions ne rendent pas les nuances, qu'il saisit très bien;
mais aurait-il remplacé par d'autres les termes qu'il prend pour
texte? Sûrement non, car il avait pour principe qu'il ne fallait pas
sans une raison décisive changer l'usage reçu. Il n'en est pas moins
vrai que dans son commentaire sur saint Matthieu c'est évidemment
sa révision qu'il commente, le fait est évident et reconnu de tous.
Sa pratique quand il s'agit des Gaiates es-t complètement différente.
j€ ne puis que renvoyer anx faits groupes dans mon précédent ar-
ticle. Il s'agit, je d'une appréciation assez déhcate, mais
l'avoue,
enfin si .Jérôme avait déjà révisé les épitres paulines quand il a com-
posé ses commentaires, non seulement il n'avait pas cette réN-ision
sous les yeux, comme le reconnaît M.
Mangenot, mais elle était sortie
de sa mémoire. Est-ce plausible? Pour admettre l'existence de la ré-
vision à cette date, il faudrait des preuves décisives. Se trouvent-
elles dans la lettre à Marceila?
II.Les adversaires de saint .lérônie lui reprochaient d'avoir essayé
de changer quelque chose dans les évangiles, aliqua in evangeliis
emendare temptaverim, et ils le trouvaient mauvais à cause de l'au-
torité des anciens etde l'opinion publique dominante, adversus auc-
toritatem veterwn et totius mundi opinionem. Mais ce ne sont point
des rustres; ce sont au contraire des gourmets, qui connaissent très
bien avium salivas concarum gurgites; ils savent donc déguster le
et
gibier et gober les huîtres. Ils estiment que les paroles très simples
du Christ et de saint Paul nont pas besoin de tant dé recherches
érudites. C'est seulement en cela qu'ils sont simples. Puisqu'ils s'arro-
gent de critiquer un travail sur les évangiles, je pense que
le droit
ce sont des prêtres. En tout cas ils devaient trouver mauvais que les
255 REVUE BIBLIQUE.
Mais supposons C|ue Jérôme procède dans les règles, llli legant,
noslegamiis. Saint Jérôme lit, dit M. Mangenot en soulignant deux fois
ce verbe, et plus loin saint Jérôme « cite de mémoire ». Il faudrait
pourtant choisir. Admettons encore que saint Jérôme ait lu dans une
révision ou édition qu'il préfère à celle de ses adversaires. Où est la
preuve que cette révision soit la sienne et que ce soit notre Vulgate?
Tous les mots, sauf sub, se trouvent dans des textes de l'ancienne
latine (1), et il est deux termes ne receperis et aiitem qui certaine-
ment ne sont pas de la Vulgate. Aussi est-ce à ce moment que Jérôme
est censé citer de mémoire! Cette fois encore, et quand il défendait
sa révision, selon l'hypothèse de M. Mangenot, il n'en possédait
pas et n'en savait plus le texte 1
(1)Tempori a doroiné chez les latins; cependant Soden le qualifie seulement de ieron
africaine; domino n'était pas inconnu dans l'ancienne latine; sans parler de c (Colberti-
nus) qui est de la Vulgate pour les épîlres paullnes, NVN\. citent d' c f* <e/)/. — Fidelis
est la leçon de l'ancienne latine d'après Sabatier, et même
d'Ambrosiasler dans I ïim.
5, 1; si .\ml.rosiasler a humamis dans I Tim. 1, 15, ce n'est toujours |)as un manuscrit.
— IS'e receperis est ancienne latine, ainsi que nisi duobus uni tribus tcstibus; M.
Man-
Renol n'a toujours pas cité de manuscrit pour l'omission. — De môme pour autem: le
J-'uldensis n a pas sub.
MELANGES. 257
consonare au figuré. Pour que l'accord soit plus complet, Jérôme a mis
le singulier beatus qui seminat au lieu de beati qui seminant, tant il
« qu'il faut faire paître les ânes auprès des bonnes sources ». Cette
(1) Encore est-il que sur huit manuscrits, si un seul n'a pas la négation, trois la met-
tent avant j9w<en<, quatre après omnino. En pareil cas, on soupçonne aisément que le mot
absent dan« l'original a été suppléé par conjecture dans deux endroits différents.
(2) « Chevaux simplement, d'après le nouveau Thésaurus. Cependant je crois qu'il y
>>
a une allusion à la stérilité des détracteurs qui ne font rien et i[ui blâment les autres.
Pourquoi gaulois? D'après une ancienne glose, Vallarsi et Hilberg. -'.e M. Mangenot
semble approuver, c'est parce que les détracteurs étaient Gaulois ei préféraient la version
l Cela n'aurait d'apparence que si la traduction venait de la Gaule, car les dé-
italique...
tracteursne sont pas des mulets ou des hongres, ils sont seulement amateurs de ces
animaux. Je croirais simplement que ces mulets étaient des bêtes de luxe, comme nous
dirions « des chevaux anglais )>.
t^ ^.Zn^^ "JZ
-^ e <,ue ceue »tteo.ion donnéej, ..
attribue plus d'importance qu aux
^;^^:^^:Z
textes littéraires, i.ai
^^^Vtl „f
judaïsme, de même que le J"^^' "^^ -;;'
càtécl^^ S ,,
i^ foi-.
par les chrétiens contre les Juifs, elle le fut contre ses inventeurs » (1). Il faut savoir
bon gré à M. Juster d'avoir ainsi reconnu que les Juifs ont commencé, quoique, à
vrai dire, il se contente de renvoyer à Scliiirer pour les imprécations contre les
chrétiens (2). Il a donc senti toute l'importance de la polémique antichrétienne,
dont on se douterait peu en parcourant
sources purement juives. Relevons ces
si les
formules parfaitement justes, propres à dissiper bien des préjugés. » L'unité
de la
polémique juive montre qu'elle a été savamment élaborée et répandue »
(3). Et en
etl'et, sous les empereurs païens, les Juifs n'avaient
rien à craindre. La polémique
juive répondait même à leurs désirs et « nous révèle l'étroite union qui
existait dans
le domaine politique, entre Juifs et païens —
leur accord en théorie et en fait sur
ce terrain » (4). Lorsque le christianisme fut devenu religion de
l'Empire, la polé-
mique continua chez les Perses, et devint même peut-être plus ardente
Aphraate :
(1) T. I, p. 337.
(2) On peut voir dans Le Messianisme chez les Juifs, p. 330, le texte de la prière Chemone-
'Esrê.
(3j T. I, p. (il, note i.
(4) T. I, p. 35.
(5) T. I, p. 01, note 1.
(6) cité t. I, p. G-2, de Pair, grecque, LY, MO.
7 T. I, p. 2t)0.
260 REVUE BIBLIQUE.
certaines pratiques judaïsantes. Tous n'avaient pas compris combien la religion nou-
velle différait de l'ancienne, par l'élément spirituel, parle don de l'Esprit. Et c'est aussi
ce que M. Juster a peine à entendre. Quand M»' Ducliesne dit que l'Église « accepta
tin, ne met les deux Testaments en contradiction que pour condamner l'Ancien.
Les honnêtes gens et les gens d'esprit se mettraient du côté de M. Juster. Cette sin-
gulière litanie n'en est pas moins piquante. L'animosité des trois religions opérait
des rapprochements inattendus. Les Juifs faisaient cause commune avec les païens,
(1) T. I, p. 317.
(â) r. I, I). .S08, citant Vliron. Pasc. ad an. «540, éd. lloiui, l,
i).
4-2i ss.
(3) T. I, p. i'Xi.
{*) T. I, p. 130.
RECENSIONS. 261
C'est à la fin de son Introduction que M. Juster a essayé une évaluation de l'im-
portance numérique des Juifs. C'était une nouvelle occasion de contrôler Josèphe.
Au lieu de cela, ses chiffres sont pris comme une base assurée. Et alors nous voyons
défiler les 3.000.000 de Juifs présents à .lérusalem pour la Pâque, les 1.100.000 tués
lors du siège de Jérusalem. Enfin Josèphe nous dit (Vita 4.3) que la Galilée à elle
seule avait 204 villes dont les moindres avaient 15.000 habitants. Cela ferait au
bas mot 3.060.000, et en réalité beaucoup plus, car il faudrait compter avec les
villages et avec les grandes villes. Avec ces prémisses, l'auteur est modeste en ad-
mettant .5.000.000 d'habitants pour toute la Palestine au sens large, et encore plus en
ne cotant les Juifs de tout l'Empire qu'à six ou sept millions. D'autre part, si l'on
tient compte des données actuelles les plus précises, on estimera que M. Harnack
est au-dessous de la vérité en mettant 700.000 Juifs dans un pays qui nourrit aujour-
d'hui à peu près ce nombre d'habitants. Il était alors plus prospère, et l'on peut
compter le temps de Jésus-Christ, sans parler de la population
double pour le
païenne dans certaines villes. Et il nous paraît incontestable, d'après les textes
connus de Strabon et de Josèphe, qu'il y avait beaucoup plus de Juifs dans la Dias-
pora qu'en Palestine, si bien que leur nombre total pouvait être d'environ quatre
ou cinq millions avant guerre de 70. Ce nombre alla plutôt en diminuant, du
la
moins en Palestine. M. Juster nous dit qu'à la fin du iv" siècle les Juifs avaient en
Palestine « leurs villes dont ils formaient toute ou la majorité de la popula-
tion » (1).
Ces villes étaient peu nombreuses et pour s'y grouper ils ont dû évacuer le reste
du pays, car la Palestine devenait rapidement chrétienne. Les ruines d'églises s'y
retrouvent partout, contre de très rares synagogues. Les Pères continuent à parler
de l'obstination des Juifs, mais ils mettent aussi en garde contre des conversions
peu sincères. Elles furent sans doute assez nombreuses au \^ siècle (2). Peut-être
aussi les Juifs émigrèrent-ils en Perse. Cependant, au temps de Justinien, ils étaient
encore assez nombreux pour se révolter en s'unîssant aux Samaritains. Il en resta
toujours, surtout en Galilée; et au xiii'^ siècle. Benjamin de Tudèle put raconter sa
visite aux juiveries. Cependant les colonies actuelles de Jérusalem ne datent guère
que de du xiv* siècle. Nous notons ces faits qui ne sont pas sans portée à
la fin
l'heure où nous sommes. Jamais les Juifs ne furent chassés de Palestine, jamais
l'hébreu ne leur fut interdit.
Parmi Diaspora, M. Juster range ceux qu'on trouve en Mésopo-
les Juifs de la
tamie, Médie, Babylonie à l'époque romaine et qui seraient les descendants des
« dix tribus juivestransportées par les Assyriens et les Chaldéens. Les dix tri-
»
cependant quitté la Palestine plus tard, jettent une ombre sur leur religion à l'étran-
ger. L'auteur nous dit que les Juifs déportés firent pénitence, qu'ils restèrent en
paenitentiam de plèbe, de sacerdotibus vero et doctoribus non potes (Anecd. Mareds. 3, 2363).
Désormais on exigeait des Juils des preuves de leur sincérité. Au début de l'Église elles étaient
supposées plus facilement, et l'instruction des catéchumènes beaucoup plus rapide. Mais lors-
que M. Juster note Les Juifs passés au christianisme n'auraient même pas été baptisés,
: ••
d'après Kremer, Tlieologische Z. 186!», p. 25 et 26 (inaccessible), cité par J. H. Scholten, Die Tauf-
fonnel, p. 33, note 1, 1885, Gotha " {op. l., p. lo8, note 2 on se demande sur quel malentendu
,
relations avec les tribus retournées en Palestine, que celles-ci purent facilement
leur imposer, « petit à petit, le nouveau code péniblement élaboré par les
scribes » (1). Tout cela n'est guère cohérent. Si Ton admet le système de ^yellhau-
sen — comme M. Juster le fait ici, — il n'y a qu'une solution logique, o'est de
faire commencer le judaïsme Loin que la Palestine ait alors « façonné ces
à Esdras.
Juifs diasporaux et cela chez eux », c'est à Babylone que les Judéens se conver-
tirent, et un noyau d'exilés revenus à Jérusalem commença vraiment l'histoire du
peuple juif. Ceux qui se trouvèrent plus tard en Babylonie et en Mésopotamie pou-
vaient appartenir à la déportation de Nabuchodonosor. Artaxerxès Ochus en trans-
planta d'autres en Médie. donc assez vain d'escompter, d'après cet exemple,
Il serait
une infusion de vie religieuse venue de Palestine et vivifiant la Diaspora chez elle.
Enfin une dernière catégorie, très récemment connue, c'est celle des Juifs émi-
grés à Damas que nous avions proposé de nommer « la ISouvelle Alliance » (2).
M. Juster accepte cette dénomination, mais refuse pour l'émigration le temps d'Ha-
drien. Il place cet exode « après une catastrophe nationale qui ne saurjit être
antérieure au commencement du second siècle, ni 'postérieure à la fin du premier
siècle avant Jésus-Christ )>
(3). J'ai souligné antérieure et postérieure, parce que, si
tout ne me trompe, ces mots devraient être intervertis. La catastrophe m'avait paru
être la révolte de Barkokébas. Mais je reconnais que M. Juster a doilné des raisons
très plausibles pour la guerre de Varus, en l'an 4 av. J.-C. Judas le Galiléen serait ;
390 ans depuis la captivité de Babylone ne coïncide pour aucun comput raisonuable;
il faudrait le changer en 590, ce qui tomberait presque juste. Mais c'est à peine un
avantage quand on tient compte des erreurs chronologiques du temps. Et je ne puis
admettre que l'auteur des statuts dise « aux fils de la Nouvelle Alliance qu'il ne
suffit pas d'entrer dans le Temple, mais qu'il faut encore observer les autres pres-
criptions des « statuts ». Ce ne peut être le sens de la page 6, ligne 11 ss., puisque
de Jérusalem. La question demeure donc au moins douteuse.
la secte s'est éloignée
Nous nous sommes arrêté longtemps sur cette longue introduction pour eu sou-
ligner l'importance. Les notes y occupent une place beaucoup plus considérable que
le texte ; c'était inévitable si les indications bibliographiques y étaient rejetées. C'est
d'ailleurs la physionomie de tout l'ouvrage, et vraiment il n'y a pas à s'en plaindre,
car c'était donner droit de cité à des textesnombreux, bien choisis et quelques-uns
assez rares. De plus M. Juster renvoie très exactement aux passages de son propre
ouvrage, précaution indispensable dans des matières qui se croisent fréquemment.
Cependant sectionnement a quelque chose d'excessif. L'auteur a tenu à mettre
le
en vedette tous les titres importants. D'où un très grand nombre de chapitres. Mais
si le chapitre ii a plus de cent pages, tels chapitres n'en ont pas même une, comme
Chapitre \Mi,
Tribus»; Chapitre xx,
« Droit de vote ». On se demande si cette
>
disproportion est justifiée. Les grandes rubriques sont Le culte juif; L'organisation :
çoit mal un autre chapitre distinct sur le divorce. La .Juridiction, civile ou pénale,
est encore un grand chapitre, et l'œuvre se termine par l'énumération des charges
publiques et une appréciation de la situation économique, dans laquelle, pour le
dire en passant, les aptitudes et les goûts agricoles des Juifs pourraient bien avoir
^té exagérés. Sur tous ces points y a lieu de distinguer il la législation romaine avant
et après Constantin, en Palestine et dans la Diaspora.
Nous ne pouvons suivreM. Juster dans l'examen de tant de questions délicates
et disputées. Il est certainement dans le vrai quand il insiste sur le double carac-
tère indivisible du judaïsme, religion et nationalité. Sous les empereurs païens, les
Juifs eurent des privilèges pour leur culte parce qu'ils étaieut une nation. Même
après la ruine du Temple on ne cessa pas de les traiter comme un peuple distinct.
D'après Mommsen, ils ne pouvaient plus être classés officiellement que parmi les
déditices. ,Quoi qu'il en soit de la qualification du droit public, ils continuèrent à
former des communautés, à jouir d'une juridiction propre, à pratiquer leur culte.
là des privilèges. M. Juster le concède et tient beaucoup à dire en
Et c'étaient bien
même temps que ces privilèges étaient conformes au droit public. Alors ce n'est
plus guère qu'une question de mots. Il y avait assurément dérogation au droit
commun, mais cette dérogation, émanant de la toute-puissance impériale, créait un
droit nouveau.
Sous les empereurs chrétiens, les Juifs avaient gardé intact leur caractère eth-
nique. Mais il ne semble pas que les constitutions impériales les aient classés d'après
cette conception. Quand le code Théodosien les qualifie ludaeae legis homines (1),
il insiste plutôt sur le lien religieux de la loi mosaïque qui les retient dans une
même catégorie. Seulement on leur interdit le prosélytisme, selon les anciennes
dispositions, surtout depuis Hadrien, parce qu'on ne veut pas qu'ils empiètent sur
le christianisme. Désormais, il est vrai, les Juifs ne sont plus privilégiés, ou ils ne
le sontque relativement dans la classe non orthodoxes. L'auteur a
inférieure des
voulu préciser très exactement la double tendance des empereurs chrétiens, ménager
le culte juif, respectable par ses origines, toujours utile à la démonstration chré-
tienne, et eu même temps tenir les Juifs en bride, et même les humilier. Son im-
partialité ne saurait être contestée. Peut-être cependant n'a-t-il pas assez pris soin
d'expliquer les dispositions restrictives par l'attitude des Juifs. Après ce qu'il nous a
ditde l'ardeur de leur polémique, de leur penchant pour les agitations politiques,
on pourrait soupçonner que plus d'une fois ils ont offert au législateur plus que des
prétextes. Comment
par exemple les autorisera avoir des esclaves chrétiens, si l'on
voulait pratiquement empêcher les maîtres de circoncire leurs esclaves? Et, puisque
la polygamie leur était tolérée, ne fallait-il pas prendre des précautions eu faveur
des chrétiennes esclaves? Le seul Iléraclius, dit M. Juster, voulut forcer tous les
Juifs au baptême (2). Mesure insensée, si elle fut vraiment prise, mais la conduite
des Juifs qui livrèrent Jérusalem aux bandes de Chosroès et participèrent allègre-
ment au massacre ne fut-elle pas peut-être, alléguée comme raison?
De cette trahison, M. Juster donne une singulière excuse : une ville qui
« c'était
leur appartenait historiquement, ils livrèrent, au roi perse, Jérusalem, où ils étaient
persécutés par les chrétiens » (3). Tant il est difficile de concilier l'idée d'une patrie
avec l'appartenance à une race qui place au-dessus de tout ses intérêts! M. Juster
n'a pas raisonné de la sorte quand il s'est fait tuer pour la FrfiDce. La prise de
Jérusalem par Titus en 70 autorisait-elle une atroce vengeance en l'an 614? Quant
aux persécutions, l'auteur n'en donne aucune preuve; l'épithète serait excessive pour
(1^ C. Th. 1-2, 1, m (383), texte cité pour prouver que « le judaïsme s'est encore une fois im-
posé avec son caractère ethnique », op. 1. 1, p. 2o0, note 1.
(2) T. I, p. 2.j1.
(3) T. II, p. 213.
264 REVUE BIBLIQUE.
un passé qu'ils ignorent, ils calquent beaucoup de leurs récits, plus ou moins
inventés, sur ceux, historiques, des écrivains juifs, et autres » (2). Quand on va aux
notes, on voit comme preuves les prétendus emprunts faits à Josèphe par l'auteur
des Actes, qui se serait aussi documenté sur les procès auprès de quelque homme de
loi. Après cela il est surprenant que les évangélistes aient tous présenté de la façon
la plus fausse la situation juridique des Juifs quant au droit de vie et de mort. La
thèse de M. Juster, c'est que le Sanhédrin le possédait encore, et que par consé-
quent Jésus ne peut avoir été crucifié par Ponce Pilate. Comment prouver une thèse
si contraire à l'évidence historique ? Retenons d'abord que l'auteur ne prétend pas
s'appuyer sur des textes romains. Non, il se place bien sur notre terrain. « Toute
question d'historicité réservée, retenons que la simple analyse littéraire (3) des
récits évangéliques commande la solution qu'il n'y a eu qu'un seul procès Jésus, et
que ce procès n'eut lieu que devant une seule autorité » (4). Nous serions curieux de
connaître les bases de cette analyse littéraire autrement que par un renvoi à
M. Goguel et à M. Loisy. Mais si nous acceptions le dilemme, il faudrait opter pour
le procès devant le procurateur, la crucifixion de Jésus étant aussi certaine
que son existence, et alors la thèse juridique tombe. Et sommes-nous réduits à
n'admettre qu'un tribunal? D'après Mommsen, Schiirer et tant d'autres, la sentence
n'était pas exécutable sans la confirmation du procurateur. M. Juster n'ose pas soute-
nir absolument le contraire. Il fallait donc saisir deux tribunaux. Mais, objecte-t-il,
ilne pouvait y avoir deux états judiciaires différents O.i le crime était religieux, le :
Sanhédrin seul compétent, l'exécution (permise si l'on veut par Pilate) selon les
formalités juives de la lapidation; ou bien le crime était politique, crime de sédition
dont seul procurateur devait connaître. Or les évangélistes rapportent deux procès,
le
sans pouvoir les relier logiquement, car cela était impossible. Que voilà bien l'his- —
toire mise au défi par une prétendue logique! Les évangélistes racontent ce qui s'est
passé, et la solution est bien simple.
Ceux qui voulaient faire périr Jésus, Pharisiens et Sadducéens réunis par la haine,
ne pouvaient intenter qu'un procès religieux, ont fait. Leur condam-
et c'est ce qu'ils
nation devait être confirmée, mais elle n'avait chance de l'être que si le procès
religieux intenté à un innocent revêtait des apparences de danger pour le pouvoir de
Rome. Voilà pourquoi le messianisme qu'ils reprochent à Jésus prend couleur de
sédition devant le procurateur. Quand celui-ci se décide à agir, la cause a pris une
telle tournure qu'elle relève de lui; il l'évoque à son tribunal. Il n'y a qu'un grief,
celui de messianisme, blasphème aux yeux du Sanhédrin, agitation révolutionnaire
devant Pilate. Le procès évolue en changeant de juridiction et l'exécution est natu-
rellement commandée par le dernier tribunal.
Quant à la thèse juridique de M. Juster, traitée avec une passion qui ne lui est pas
(1)T. I, p. 41.
(2) Eod. loc.
(:J) l.cs mois que nous soulignons ont des caractères espacés dans le texte.
(i) T. Il, p. l.lli.
RECENSIONS. 265
ordinaire, elle ne peut se soutenir sans faire violence aux textes. On doit s'attendre
à des cas exceptionnels, dans une situation de transition. Même au temps d'Origène
le patriarche des Juifs se permettait des exécutions capitales sans prendre soin de se
cacher entièrement (1). A. plus forte raison les débuts du gouvernement romain
comportaient des exécutions plus ou moins régulières. Ainsi celle de saint Etienne
d'après les Actes (Act. 8). Ces faits dérogent au droit, sans atteindre le principe.
Or le principe que le droit de vie et de mort était réservé à Rome repose sur l'ac-
cord des textes évangéliques, des textes talmudiques et de Josèphe. Dans les textes
talmudiques, comme dans le Nouveau Testament, le principe est posé ; des déroga-
tions exceptionnelles — à supposer qu'elles soient datées — ne sauraient ! lui enlever
son caractère. Quant à Josèphe (2), voici comment il est traité. Passage authen-
tique : « César, à la nouvelle de la mort de Festus, envoya Albinus en Judée comme
gouverneur... Ananos le jeune que nous avons dit avoir reçu le souverain pontificat,
était d'un caractère audacieux et absolument entreprenant; il appartenait à la secte
des Sadducéens, dans ses jugements la plus cruelle de toutes parmi les Juifs, ainsi
que nous l'avons déjà montré ». Avec la seconde partie commence l'iuterpolation :
« Ananos, avec ces dispositions, vit dans la mort de Festus une occasion favorable;
tandis qu'Albinus était encore en route, il réunit une assemblée de juges [/.aôtrï-.
TJvÉôptov y.piTwv], fit comparaître devant eux le frère de Jésus dit le Christ, appelé
Jacques, avec quelques autres, accusés comme lui de transgresser la loi, et les con-
damna à être lapidés ». —
Je veux bien que cette phrase soit interpolée, et qu'on y
ait ajouté la mais qu'importe pour notre question? Voici la trou-
mention de Jésus :
vaille Précédemment Josèphe disait que c'étaient les pharisiens qui empêchaient les
:
sadducéens d'être sévères, et non les procurateurs Mais si Josèphe ne voulait pas ! —
dire qu' Ananos a profité de l'interrègne, pourquoi faire mention de cette circons-
tance et du caractère audacieux d'Ananos ? Évidemment c'était pour raconter quel-
que chose d'illégal. Voici enfin ce qui fait sortir l'auteur de ses gonds « Les esprits
:
Ce n'est pas une raison pour la refuser à Josèphe. Elle peut néanmoins avoir un sens.
Le gouverneur n'apprit pas des Juifs quels étaient ses droits, mais il prit connais-
sance de la façon dont ils avaient été violés. Il ne sert de rien de s'écrier « Mais :
oui, Pilate et Albinus portent une même marque d'ignorance c'est celle que leur :
applique l'apologétique chrétienne. Car c'est elle qui dépouille les Juifs de leur
juridiction, c'est elle qui leur fait crier qu'ils en sont dépouillés » (3). Est-ce donc
aussi l'apologétique chrétienne qui a fait crier les Juifs dans le Talmud ? Peu s'en
faut ! « On pourrait se demander, nous ne le faisons pas, s'il n'y a pas là quelque
interpolation pieuse des Juifs persécutés pour avoir crucifié le Christ, et voulant se
laver ainsi d'un crime qui ne leur serait pas imputable « (4).
C'est égal, la tentation était forte! il faut féliciter l'auteur d'y avoir résisté. D'au-
tant que les Juifs avaient mieux à faire; c'eût été d'euluver les passages où ils se
vantent d'avoir eux-mêmes exécuté Jésus, selon les formes juives (.5) !
eu somme, homieur au sens pratique des Romaius pour faciliter leur main-mise.
fait
Dans certains cas de flagrant délit, la condamnation pouvait être rapide, l'exécution
sommaire, sans que le gouverneur ait à intervenir. Eucore est-il que ces cas étaient
sûrement pn-vus, et ces exceptions-là conQrment la règle. Titus a dit « clairement
que les Juifs pouvaient mettre à mort les païens Iransgresseurs de l'enceinte du
Temple », c'est-à-dire ceux qui franchissaient les limites marquées par des stèles.
Mais Titus faisait sentir ce que cette concession spéciale avait d'inouï. Comme le dit
l'inscription du musée du Louvre, la mort suivait pour ainsi dire automatique-
ment (1).
L'autorité du Nouveau Testament est encore récusée à propos des deniers à l'effi-
gie de César. M. Juster semble dire qu'ils n'auraient pas pénétré en Palestine avant
70. Il concède qu'on n'a trouvé aucune monnaie d'or ou d'argent frappée par les
de Jésus. Mais il ne fallait pas citer Ex. 34, 22; Deut. IS. 10, qui ne font allusion
qu'à la fête des semaines, selon le sens agricole ancien de cette fête.
A propos du patriarche des Juifs, M. Justerdû parler de ses « apôtres ». Voici
a
d'abord qui paraît très bien vu « Après la destruction du Temple les sommes à
:
quents. Le patriarche, pour se tenir en rapport avec la Diaspora, fut forcé de créer
des fonctionnaires spéciaux. Ce sont les apostoli » (3). C'est dire que les « apôtres »
ne sont pas plus anciens que le patriarche. Mais alors on ne conçoit pas que le mot
ait été emprunté par les chrétiens, comme le veut l'auteur (4), car saint Paul avait
pris le nom d'apôtre plus de vingt ans avant l'an 70 — sans parler des anciens
apôtres de Jésus!
Encore une observation à propos du serment des Juifs. On nous dit que. « vivant
dans la société païenne, les Juifs s'assimilaient les expressions païennes et les em-
ployaient sans penser à mal ». Il se peut, mais ce n'est pas ce que veut dire le
célèbre texte de Martial r Ecce negas iurasque mihi per lempln Tonantis. Non credo :
iunt, verpe, per Anchialutn. Le sens est malsonnant, mais très clair. Le Juif que
Martial met en scène est tout prêt à jurer par Jupiter Tonnant, parce qu'il n'y
croit pas, et ne sera donc engagé à rien. Mais à cette ruse Martial oppose une bouf-
fonnerie pour prouver qu'il n'est pas dupe. Si le Juif jure par Anchialus qu'il aime,
et qui sait ce qu'il caution sera meilleure. Et on nous propose sérieuse-
en est, la
ment d'admettre que Anchialus cache le mot hébreu chrjrt ins, et de remplacer
ium par iuro L'épigramme devient ainsi assez mordante
: « : le Juif jure sur Jupiter
et Martial fait un serment juif » (.5). A MM. Lewy et Juster il faudra joindre sans
doute le juif d'Horace Credat ludaeus Apella! ;
(1, ÉavTiot a'.Tto; iffTai otà tb è5axo/,o-j9Eïv Ôivatov, citi- t. Il, p. i'i.i.
(4) T. I, p. M'i.
(3) T. I, p. 3HX.
(4) Kod. loc, p. 3«!>, noie.
(îi) T. II, p. i^\ noie 1.
RECENSIONS. 267
L'impression est très correcte : Noté I, 35 ;xax£xai; I, 173 GuaiSeat; I, 394 /.piTritoa;
Paris.
Fr. M.-J. Lagrange.
nieur en chef des ports et phares d'Egypte tome IX des Mémoires présentés à
-,
l'Ins-
titut Éyptien. —
Le Caire, Institut Égyptien, 1916.
« Il est une île suf la mer agitée en avant de l'Kgypte; on l'appelle Pharos...; dans
l'île se trouve un port commode d'où les matelots remettent à la mer leurs vaisseaux
Jules César, Quinte-Curce, Strabon surtout, ont nommé ou décrit par le menu le
port d'Alexandrie, mais aucun de ces auteurs n'a fait allusion à un port plus ancien
qui aurait été situé ailleurs que le grand port construit par Alexandre. En revanche,
Pharos est bien connu des biblistes, comme le lieu traditionnel oii Tes Septante vieil-
lards se réunirent pour traduire la Bible en grec. On sait que les anciens ciceroni
prétendaient montrer les ruines des cellules où ils s'étaient enfermés. Il va sans dire
« Phare » dont on s'est appliqué à exhumer les débris ou tout au moins à retrouver
quelques traces.
A noire connaissance, M. Jondet est le premier qui ait porté ses investigations
autour du port moderne, il avait cru reconnaître des vestiges d'anciennes construc-
tions submergées. Poursuivant ses recherches avec activité, il est arrivé à découvrir
les restes d'un port antique situé dans la région occidentale de l'île,
aux abords de
la pointe moderne de Ras et-Tin. Les contours de ce port
immense n'atteignent pas
moins de six kilomètres; sa largeur variait entre 200 et 40C mètres. Il était fermé à
l'ouest par un brise-lames colossal établi en pleine mer et protégé lui-même par des
travaux parallèles plus avancés. L'entrée du port était au sud, vers l'enracinement
du brise-lames moderne.
Ces travaux maritimes, dit l'auteur, ne se réduisent pas à des fondations plus ou
«
moins apparentes ou dont la présence est douteuse bien au contraire, leur supers- :
tructure subsiste en grande partie depuis la fondation jusqu'à l'arête des murs
de
quai, le dallage des murs existe en plusieurs endroits... » ; certains ouvrages plus
268 REVUE BIBLIQUE.
exposés à l'action de la mer ont été démolis en partie mais il en reste suffisamment
pour reconstituer l'ensemble à coup silr.
M. Jondet s'est appliqué à rechercher et à présenter avec le plus grand soin les
résultats suivants topographie des ouvrages antiques, hydrographie des fonds, indis-
:
Et dès lors on songerait plus volontiers à une puissance maritime qu'à une puissance
continentale.
Notons que l'ouvrage de M. Jondet, édité avec soin, est bien illustré et accom-
pagné de plans luxueux, à une vaste échelle, qui permettent de suivre facilement les
descriptions et les raisonnements de l'auteur.
Fr. R. S.
BULLETIN
Textes et éditions. —
La Revue a annoncé (1910, p. 402) la reproduction en
fac-similé photographiques réduits du Codex Alexandrinus. Une première partie
comprenait le Nouveau Testament. Il a paru durant la guerre un très beau volume,
le premier des quatre qui doivent comprendre tout l'Ancien Testament, et qui
contient l'Octateuque, c'est-à-dire le Pentateuque, Josué, les Juges et Ruth (1^. Sur
l'originedu manuscrit, l'analyse des écritures etc., l'éditeur M. Kenyon se réfère
au volume précédent. Il note cependant l'opinion paradoxale de M. Burkitt (Jour-
nal of T/ieological Studies, X, p. 603, 1910), d'après lequel le m'anuscrit aurait été
trouvé par Cyrille Lucar au mont Athos, et serait originaire de Constantinople.
Mais, demande M. Kenyon, pourquoi Cyrille ne se serait-il pas vanté de sa décou-
verte, et aurait-il affirmé l'origine égyptienne dans la lettre écrite et signée de sa
main? Cette lettre latine figure en fac-similé en tête du manuscrit. M. Kenyon ne
revient sur les différents correcteurs que pour mettre en vedette l'importance du
premier d'entre eux qui probablement contemporain du manuscrit, et qui n'a
est
pas craint d'efïacer deux, trois ou quatre lignes pour les remplacer par un nouveau
texte. Il y aurait lieu d'étudier le pourquoi de ces corrections.
Il est inutile d'insister sur le service éminent que rendent de pareilles publica-
tions; elles mettent tout le monde à même de consulter le très précieux manuscrit
du British Muséum.
Le petit livre de M. Max L. Margolis sur l'histoire des traductions bibliques (2) n'est
sûrement pas destiné aux cercles éfudits. Il a son intérêt, puisqu'il contient les vues,
rapidement exposées pour le grand public, d'un Israélite fort instruit. Le ton est
ménagé de façon à ne point trop choquer le public chrétien (3). Mais l'information
la plus utile est celle qui regarde la préparation d'une nouvelle traduction de la Bible
en 1888. Dès l'an 1892 on se mit à l'œuvre, en prenant pour base la traduction de
Leeser (1853). Plusieurs savants juifs, en Amérique et en Angleterre, devaient tra-
duire chacun un livre, leurs travaux étant soumis j un comité présidé par le
D'' Marcus Jastrow. Mais il était peu pratique de s'entendre par correspondance.
La Société de publication et la Conférence centrale des Rabbins d'Amérique, qui
projetait de son côté une traduction, s'entendirent pour constituer un nouveau
comité de sept membres, trois nommés par la Société et trois par la Conférence, le
septième, éditeur en chef, devant être l'élu des deux groupements. Cet éditeur est
M. Margolls, qui exécuta une nouvelle traduction en onze mois (sept. 1908 à août
1909). En décembre 1908 il exposa ses principes à la commission (MM. Schechter,
Cvrus Adier, J. .Tacobs pour la Société, Kohler, David Philipson et Samuel Schul-
man oour la Conférence), qui tint seize sessions, quelques-unes durant dix jours ou
plus (1908-1915), pour aboutir à une approbation définitive dans la session finale,
la dix-septième, à l'automne de 1915. Les cas discutés étaient tranchés à la majorité;
en cas de partage, la voix du président (M. Cyrus AdIer) était prépondérante. L'im-
pression est achevée en 1917. Les frais ont été facilement couverts. On se propose
maintenant une série de commentaires. M. Margolis a cru devoir s'en tenir le plus
possible à la révision de la Bible anglaise de IGll. Il proclame d'ailleurs hautement
que la Bible ayant été donnée aux Hébreux, écrite en hébreu, les Juifs sont mieux
à même que quiconque d'en pénétrer les secrets. Il semble que cette grande tenta-
tive émane d'une foi juive reUgieuse très ardente. L'Amérique est manifestement
devenue son principal foyer.
Nous avons sous les yeux le résultat d'un labeur si diligent, la nouvelle traduction
anglaise de la Bible hébraïque (1), nouvelle eu cela aussi que pour la première fois
des savants juifs ^nt abordé ce problème. La langue anglaise est celle du
difficile
amclidration Ggnre dans Dent. 32,42 « Des têtes à longs cheveux de l'ennemi ».
:
<1) TIte Ilolii Ncr//>aor, accordirifi: lo llie Masoi'cUc lexl, a iicw Iranslalioii. ^\Uh tlie aiJ of
previniis versidiis and wiUi conslaiit cousullalion .>!' .lewisli Aiitliorities, iii-«" ilc XV-1I3G
|>i). l'iii-
lailclphia, \\h) Jcwisli l'ublicalion Society of America, 5(>77-iui7.
(-2 KLi.. l'.tlii,
i>.
n-2-2.
verset «S est traduit : « Ils ont choisi de nouveaux dieux; alorsil y avait de la guerre
dans les portes ». Et les traducteurs semblent assez satisfaits d'avoir rendu le'v. Il :
« plus haut que la voix des archers, près des norias ». Mais ^^\^''C: rendu ici tell of il
peut-il signilier dire d'une voix forte? et que font ces archers près des norias.'
Aussi bien les traducteurs se sont refusés en principe à tontes les opérations con-
jecturales de la critique textuelle, même
appuyée sur l'ancienne version grecque.
Ce qu'ils ont voulu donner, c'est une traduction du texte massorétique. Chacun est
libre de choisir son but; le leur était de fournir aux Israélites de langue anglaise
une Bible traditionnelle, de tout point semblable à celle qui a servi de base aux
Talmuds, sauf la langue. Et nous ne pouvons que recevoir avec beaucoup de satis-
faction une œuvre aussi étudiée. Si ces maîtres n'ont pas réussi à donner un sens
acceptable à leur texte, c'est qu'il est désespéré. Aussi la division est celle de la
Bible massorétique en Loi, Prophètes et Écrits. Le texte n'est pas seulement celui
des consonnes traditionnelles, c'est le texte massorétique, avec ses voyelles et sa
ponctuation, et d'après le Qrè, c'est-à-dire d'après la substitution interprétative des
Rabbins, plutôt que d'après le Ketidb, qui cependant a été suivi quelquefois, par
exemple sur Ps. 139, 16 et II Chr. 24, 27: 34, 9 {Prrface, p. xj. L'édition suivie
est celle de Baer pour les parties qu'il a édictées, et pour le reste celle de Ginsburg.
Rien donc de plus traditionnel que cette traduction, d'après fa tradition ortho-
doxe des Talmudistes et des Massorètes. On nous permettra de dire qu'elle est ultra-
traditionnelle. Non que nous regrettions que les savants juifs n'aient pas entrepris
une édition critique, puisque ce n'était pas leur dessein. Je veux dire qu'ils ont
excédé dans le sens traditionnel.
On sait que la tradition pharisienne refuse d'entendre le sabbat de Lev. 23, 15
comme un jour de sabbat. Ce jour, point de départ des cinquante jours qui aboutis-
sent à la fête des semaines, était d'après eux le premier jour de la fête de Pâques,
soit le 15 nisan, quel que soit le jour de la semaine. C'est pour autoriser cette tradi-
tion que l'on traduit « jour de repos », et non pas « sabbat ». De même pour le
moment où l'on immole les agneaux de la Pâque, le terme « entre les deux soirs »
était interprété par les Pharisiens « du crépuscule », tandis qu'il paraît bien désigner
la soirée. Les traducteurs rendent : at dusk, au crépuscule, et la notice dit clairement
pourquoi : « C'est plus en harmonie avec la tradition des Rabbins ». 11 est plus grave
d'avoir omis « et » dans Ex. 13, 12, « d'après la Me/cilta et les commentateurs
Juifs ».
La même fidélité à l'exégèse rabbinique a amené la traduction : « aussi longtemps
que l'on viendra à Silo » pour Deut. 49, 10, où il est si évidemment question d'une
personne. Il fallait s'attendre à retrouver dans Is. 7, 14 la traduction d'Aquila,
« jeune femme » au lieu de « vierge ».
Tout le monde convient qu'une traduction doit être litt'^rn'.e, mais il est encore
plus nécessaire qu'elle soit claire. Comme exemple d'un heureux littéralisme, il faut
citer II Sam. 22, 4 : « Célébré, je crie, est le Seigneur ». Je ne sais si cela peut se
dire en français, mais c'est bien le sens du texte, beaucoup plus nerveux que la tra-
duction : {( J'invoquais celui qui est digne de louange, Jéhovah >> {Crampon). Mais
nous notons précisément ici l'absence du nom propre du Dieu d'Israël qui donne tant
de saveur aux anciens textes. Avec sa crainte de profaner le nom divin, Israël est
toujours condamné au Qré perpétuel qui le remplace par « le Seigneur ». Du moins
c'est la tradition des Septante, bien préférable à l'absurde « Éternel » des traduc-
tions françaises protestantes.
D'ailleurs les traducteurs ont pris soin d'aboutir autant que possible à un sens
272 REVUE BIBLIQUE.
veras point contre le sang de ton prochain » (Lev. 19, 16), avec Segond et les ver-
contre le sang de ton prochain », mais un sens faux, puisque les Israélites devaient
figurer comme témoins dans les causes capitales. La nouvelle traduction neither :
shalt thou stand idly hy the blood of thy neighbour, introduit l'explication juive tra-
(Il Sam. 14, -j). C'est ce que saint Jérôme avait compris morluus est enim vir :
meus. J'en trouve un exemple plus important dans II Sam. 23, 3 s., où on lit :
« comme la lumière du matin, quand le soleil se lève, un matin sans nuages, quand
par la clarté brillante après la pluie, le tendre gazon pousse de la terre ». Le style
périodique s'impose aux langues modernes, sous peine de ne pas rendre une coordi-
nation réelle dans le texte. Pour la même raison, on ne peut qu'approuver la traduc-
tion de Deut. 1, 13 qui change l'ordre des mots, mais qui rend bien le sens, avec
Crampon et Segond (contre la Vulgate). En revanche je regarde comme excessif
« Car un Dieu jaloux, oui le Seigneur ton Dieu, est au milieu de toi » (Deut. 6, 15),
car le contexte exige : « Car lahvé, ton Dieu, qui est au milieu de toi, est un Dieu
jaloux ».
Il ne pouvait être question ici d'un examen de la nouvelle traduction. Nous vou-
lions seulement indiquer selon quels principes elle a été exécutée. Tous ceux qui
s'intéressent à la Bible hébraïque seront très heureux de s'informer auprès d'autori-
tés si considérables et si bien au courant de la tradition d'Israël.
Le temps n'est pas loin où seuls les érudits pouvaient exploiter les documents qui
nous renseignent mieux sur la période qui a précédé et qui a suivi les origines
le
du christianisme. IMais quel changement dans l'intérêt de ces études! MM. Oesterley
et Box ont pensé qu'on n'avait pas fait assez pour les lecteurs de langue anglaise,
et ont entrepris une nouvelle collection (1). L'objet de cette série est de fournir
les étudiants de livres à bon marché, et de faire connaître les textes en anglais,
par une traduction et des notes. Ce bon marché est d'ailleurs tout relatif; on sait
qu'en Angleterre les livres, qui paraissent ordinairement cartonnés, sont plus chers
qu'en France. Ceux qui voudront recourir aux originaux ne seront pas moins
satisfaits de prendre le contact avec des traductions, faites par des personnes com-
pétentes. Les éditeurs protestent modestement que leur désir est d'inviter les lec-
teurs à consulter des ouvrages Pour atteindre ce dessein, une
plus considérables.
bibliographie plus complète eut été très souhaitable.
Lii nouvelle collection se composera de trois séries. La première comprendra des
textes juifs de Palestine, ou qu'on puisse rattacher à cette catégorie
Papyrus ara- :
(1) TrannhUions of carlij Documents, a séries of texts important for the study ol Christian
origins, hy various aulhors, tindcr the joint edilorsfiip or tiic Rpv. W. O.' E. OisiKiii.EY, D. D. and
the Kev. Canon C. H. Ilox, M. A. —
Socielv for promoting Christian Knowledge. London G8, :
suivront, et même
une partie des commentaires de Qirachi sur les Psaumes.
Une semblable collection ne ressemble en rien à un canon ecclésiastique, et ne le
détermine même pas négativement. Cependant nous trouvons étrange qu'on ait
placé parmi ces apocryphes deux livres aussi respectés de l'antiquité chrétienne
que l'Ecclésiastique et la Sagesse de Salomon qui figurent dans le canon de l'Église
catholique.
Les volumes que nous avons reçus, et qui portent tous le millésime de 1917, sont
sans doute les premiers parus.
La Sagesse de Salomon est éditée spécialement par M. Oesterley (I). Notre livre
canonique a joui d'un traitement de faveur en ceci que les notes v sont plus nom-
breuses. L'introduction est conçue sur le plan des introductions bibliques ordi-
naires. La comparaison avec l'Ecclésiaste s'imposait. Il est assez étrange qu'on
attribue au Doyen Plumptre, comme s'il l'avait inventée le premier assez récem-
ment (2), l'opinion qui fait de la Sagesse une réfutation du Qohéleth. M. Oesterley
partage cet avis. Or il date de Schmidt, en 1794, et, quoiqu'il ait été souvent repris
depuis, il a été réduit à rien de main d'ouvrier par notre collaborateur M. Pode-
cliard dans son commentaire de l'Ecclésiaste (3). On dirait vraiment que l'auteur
de la Sagesse, dont on relève par ailleurs l'érudition, n'aurait pas pu connaître
le matérialisme à son vrai foyer qui était une philosophie grecque. La conclusion
de M. Oesterley « ne pourra être légitimement tirée que si les traits qui indivi-
dualisent prétendu épicurisme de l'Ecclésiaste sont ceux-là mêmes qui carac-
le
Canon un ouvrage dont les doctrines ont été combattues parun ouvrage qu'il
rejette du Canon! 11 est vrai de se prononcer sur le caractère erroné
qu'il évite
ryrtimique de la première (6). Tandis qu'Eiclihorn avait supposé le livre écrit par
le même auteur, la fin dans sa jeunesse, et le début dans son âge mûr, M. Oester-
ley incline à reconnaître deux auteurs, mais tous deux juifs et d'esprit hellénis-
tique. De quand date le livre.^ Un commentateur très récent, M. Goodrick, croit
que la persécution à laquelle il est fait allusion est celle de
CaUgula (37-41 ap. J.-C).
^I. Oesterley estime avec raison que cette conjecture n'est pus décisive, que la
Sagesse est certainement antérieure à Philon. au moins pour la première partie,
datée d'environ 50 av. J.-C.
La deuxième partie pourrait être plus jeune d'une centaine d'années, et tout l'ou-
vrage était connu de saint Paul longtemps avant qu'il songeât à écrire ses épîtres. Car
saint Paul ne l'a pas seulement connu. Sur les trois points de l'idolâtrie, de la pré-
destination et de l'eschatologie il a été plus ou moins sous l'influence des idées, et
confirmation. La Lettre est suivie d'un appendice contenant les anciennes attestations
juives et chrétiennes sur l'origine de la traduction des Septante.
Le Livre des Jubilés (.3) appartient ainsi que les suivants à la première série. Il est
publié d'après la traduction de la version éthiopienne par M. Charles, mais l'intro-
duction est de M. Box. Nous n'avons pas besoin de rappeler à nos lecteurs les
articles si substantiels du regretté François Martin (4). Ils ne se prononcent pas sur
le parti auquel appartenait l'auteur. Les érudits plus anciens. Jellinek (1855), Béer
(1856), Friinkel (1856) cherchaient parmi les Esséniens, les Samaritains, les Hellé-
nistes. M. Singer (1898) descendait jusqu'aux judéo-chrétiens ^5). A cette époque
on croyait l'ouvrage du i'^'" siècle de notre ère. C'est surtout grâce aux travaux de
M. Charles qu'on s'est rais d'accord sur la du ii^ siècle av. J.-C, mais on est
fin
toujours très embarrassé quant aux tendances. M. Charles avait désigné l'auteur
comme un Pharisien, de la plus stricte observance. Le P. Lagrange parlait d'un
pharis.iïsme « qui. à peine, a pris conscience de lui-mêuîe » (6). Et c'est bien à quel-
que chose de semblable que s'arrête M. Box, en faisant allusion aux Assidéens
[Khasidim) du P'" livre des Macchabées (I Mac. 7), si l'on peut dire que M. Box
s'irrête là (p. xxix), car il semble bien plutôt glisser vers l'opinion de M. Les-
I; The Lelter of Aristcas, translalcd wiUi an appendix of ancit-nl évidence on llic oriyin of
llieSepluaginl, Ijy H. St. .T. Tiiackicuay, M. A., (iriiilicld l.ei'lurof on llie Sepluasinl in Ilic Inivcj-
sity ol Oxlunl, x\.2l-li(> pp.
JérusaUûi d'après la lettre d'ArisU-e, RB., IM08, p. .•jaO-ri.ia: et IWO. p. .Vw-.'i75.
('2/
The Uook of Juljilees or the liUlc ceiiesis, Iranslated from llie clliio|)ic Icxl hy
(:i) II. H. CuAriLEs
I). l.ill., I). I). ... wiUi an introduction by G. n. Box, .M. A.. \\\\\ii', pp.. 1!»I7.
:Zynsk_y (1), qui estnettement pour un Sadducéen. Puisqu'on admet (Charles, La-
grange, Martin, Box, etc.) que l'auteur n'envisage pas la résnrrection puisqu'il ;
est passionné pour la Loi, et, semble-t-il, pour la Loi seule; puisqu'il glorifie à ou-
école très réduite. Avec M. Charles, M. Box pense que le messianisme, sans Messie
descendu de Juda, est déjà commencé par les victoires Hasmonéennes, qu'il se pour-
suivra sans catastrophe et sans intervention éclatante de Dieu. M. Martin a soutenu
la thèse contraire, et admis l'inauguration miraculeuse d'un royaume messianique,
sans le mot de royaume. Mais il a montré quelle était l'ambiguïté ou plutôt l'inco-
hérence de l'auteur sur bonheur terrestre et les félicités de
les relations entre le
l'au-delà. De sorte que, sur ce point aussi, on est embarrassé de conclure. L'efface-
ment du Messie n'a-t-il pas pour corollaire nécessaire l'effacement des temps messia-
niques.'
UApocahj'pse de Baruch (2) figure aussi dans la traduction par M. Charles du
syriaque, traduit lui-même du grec, vraisemblablement d'après un original hébreu.
C'est donc le texte anglais contenu dans The Apocri/pha and Pseiidepigrapha of the
old Testament (1913). L'introduction est de M. Oesterley. Elle est fort courte. La
date est fixée entre l'an 70 et l'an 100 après J.-C, à cause de l'alûnité avec le
IV*^ livre d'Esdras les deux livres appartiennent à la même période. Sans doute,
:
r mais on aurait aimé à connaître l'opinion de l'éditeur sur leurs rapports. Peut-être
renvoyée à l'introduction sur lY Esdras. M. Oesterley
cette délicate question est-elle
s'est contenté de comparer certaines doctrines de l'Apocalypse de
Baruch sur la Loi,
i dogmes chrétiens. Tout
» le péché originel, la résurrection, le messianisme, avec les
en mettant en relief les inconsistances de l'Apocalypse, il a conclu à l'unité d'auteur,
prophétique, serait peut-être antérieur. M. Ferrar lui trouve une étroite ressemblance
vec les discours du Sauveur sur la ruine de Jérusalem et la fin des choses. « Il est
terre, chute des montagnes, obscurcissement du soleil, etc., qu'on retrouve dans
lion célèbre Israël élevé au ciel des étoiles; d'un côté, l'appel des gentils annoncé, de
son titre :
nous n'avons pas une
Les antiquités bibliques de Philon (1). Cette fois
réédition ou une simple traduction d'un texte publié ailleurs. M. James, sans pré-
tendre donner une édition critique, qui ne peut être le fait d'une traduction, a
cependant eu soin de composer le texte qu'il a traduit, et il expose l'état 4es faits
sur lesquels il s'est appuyé. Le Liber Philonis Antiquitutum a été imprimé cinq
fois,y compris Veditioprinceps de Sichardus à Baie en 1527. Il n'existe qu'eu latin,
conservé dans un certain nombre de manuscrits que M. James a utilisés. C'est une
histoire parallèle à celle de la Bible, qui va, dans l'état actuel, d'Adam à la fin du
règne de Saùl, mais qui était probablement poursuivie jusqu'à la captivité et au
retour de Babylone. Elle fut écrite en hébreu, et ti'aduite en grec. Le latin que
nous possédons est une traduction du grec. La traduction anglaise de M. James est
la première. L'ouvrage ne peut être attribué à Philon, et n'a rien de philonien.
I" siècle. Mais s'il ne descend pas plus bas, c'est seulement parce que l'ouvrage ne
fait aucune allusion aux chrétiens. L'éditeur estime qu'il a connu la littérature
c< plutôt de ce qu'il ne dit pas que de ce qu'il dit » (p. 46 . Avec IV Esdras et
gnaler (2).
La Bible poh/ijJotte d'Alcald (3; fut approuvée par Léon X le 22 mars 1520, mais
(1) T/ic biblical Anlif/uilics of Philo, now lirsl Iranslated from llie old laliii Version. !>> M. H.
.lAMKS, I.ilt. D., V. li. A., V1--280 pp.. 1(117.
The AiiOcalyjise af Abraham, edited %vitli a translation Ironi thc slavonic lexl and notes,
(•>)
l»y G. H. Uox, M. A., Nvilli tlie assistance cl J. I. Lani>sm\nn. xxxivi»!» pi>. The Ascension of —
Isai'ih, l>v II. 11. Cn.U'.i.Es, h. l.Itt., D. 1). vitli an introduction l)y tlie Rev. C. H. Box, M. A., xxvi-
Gi pp., 1918.
(;») P. Mariano llcvilla Rico. Agustino La l'oliglota de Alcahi, Estudio
: Iiislôrico-Critico, in-8»
de XVI-17S pp. - Imprcuta Ilelénica, Madrid. 1017.
BULLETIN. 2T7
I
elle était terminée en juillet 1517. On pouvait donc, dès 1917, célébrer le quatrième
centenaire de cet événement si honorable pour l'Espagne de la Renaissance, et si
glorieuse pour le Cardinal Cisneros, qui mourut le S novembre 1517, son œuvre ter-
minée, sans en voir le succès. Le R. P. Revilla Rico a été bien inspiré de consa-
crer une étude à ce souvenir.
11 nous renseigne sur les savants qui travaillèrent sous la direction du grand Car-
dinal franciscain, les Espagnols Nebrija, Diego Lôpez de Juan de Vergara,
Zi'iniga,
le Cretois Demetrio Ducas, et les trois juifs convertis, Alfonso de Zamora, L*ablo
Coronel et Alfonso de Alcalà.
Le plus brillant peut-être, mais aussi le plus indépendant, était Nebrija. qui porta
ombrage à l'Inquisition, et qui finit par renoncer à Tentreprise. Au fond il ne pour-
suivait pas le même but que le Cardinal. Ce dernier voulait une édition d'après les
manuscrits; Nebrija rêvait d'une correction complète de la Vulgate. L'œuvre n'eût pas
manqué de grandeur. Nous comprenons aujourd'hui ce qu'elle avait alors de chimé-
rique. Même le principal reproche qu'on a fait aux éditeurs, c'est d'avoir publié des
textes corrigés à leur guise. Le P. Rico s'est attaqué à ce reproche, mais il ne l'a pas
tiré au clair. 11 est vrai qu'une pareille tâche supposerait la collation des mss. grecs
suivis par les éditeurs. Du moins, on ne voit pas que la question ait fait un pas. Des
autorités considérables (1 ont avancé que le grec des Septante avait été souvent re-
touché d'après l'hébreu. Le R. P. Rico nie seulement la fréquence du fait, mais il ne
s'appuie guère que sur la déclaration de principe des éditeurs. Il semble bien que
pour le grec du Nouveau Testament ils ont été plus scrupuleux. Aussi eût-ce été un
procédé bien hasardeux de conformer un texte original à sa traduction; le P. R^ico ne
reconnaît guère de bien coupable que l'addition du verset des trois témoins. Il admet,
avec tout lemonde, que le grec des Septante se rapproche de la recension dite de
Lucien, et que le grec du Nouveau Testament est en somme le texte byzantin ou
textus receptus. Mais son admiration tourne au détriment du panégyrique, lorsque,
pour rehausser le mérite de la polyglotte d'Alcalâ, il tente de réhabiliter le texte reçu.
La question est jugée, et les divergences d'opinion sur la valeur des travaux de von
Soden ne touchent pas ce point. On peut reconnaître l'incontestable raériie des biblis-
tes espagnols sans refuser de suivre le progrès des études. Puissions-nous posséder
des critiques (2) aussi éminents dans notre temps qu'ils l'ont été au début du
xvi" siècle, avant Luther.
î centuation et les esprits. Par exemple, à la p. lOl on lit àpyôç et un raisonnement appuyé sur ce
mot p. 103 lit àp-/dv...
iiîi Par M. le Professeur Jacquier.
<4) The Prosecution of Jésus, its Date, History and Legality, in-8'^ de v-302 pp., Princeton
Iniversity Press, Princeton, UM6.
078 RE^UE BIBLIQUE.
ques-iines des solutions qu'il présente, car elles ne respectent pas toujours la
.« Serviteurs ». Ils peuvent avoir été assistés par quelques gardes du Temple. Les
Romains n'ont pas participé à l'arrestation de Jésus. Cette arrestation fut légale.
car elle avait été ordonnée par l'autorité compétente.
L'interrogatoire de Jésus par le Sanhédrin ne fut pas un procès, car les cours
juives ne possédaient plus le droit déjuger dans les causes criminelles après que la
Judée fut devenue province romaine. On peut comparer cet interrogatoire aux
travaux d'un jury, préparant un acte d'accusation qui devait être présenté devant
une cour criminelle. La seule cour qui pouvait juger les causes criminelles était
celle du gouverneur romain. Il n'y eut qu'un interrogatoire de Jésus par le
Sanhédrin et il eut lieu le matin qui suivit son arrestation. Le Sanhédrin soumit à
Pilate un acte d'accusation, portant envers Jésus des charges de fausse prophétie et
de trahison envers l'empire romain. Cet interrogatoire de Jésus par le Sanhédrin
fut légal, car il fut seulement le préliminaire du procès devant Pilate. Un interro-
gatoire n'est pas soumis aux mêmes règles qu'un procès criminel.
Le procès devant Pilate fut un procès régulier conduit d'après les règles ordi-
naires de la procédure. Pilate c'a pas acquitté formellement Jésus, mais a affirmé
qu'il n'avait pas montré d'intention criminelle il le tenait pour un illuminé reli-
:
gieux, mais non pour un révolutionnaire. 11 demanda donc aux Sanhédrites accusa-
teurs de ne pas pousser à fond leur accusation, mais ayant écnoue il fut obligé de
déclarer Jésus coupable de trahison, et de le condamner au supplice de la croix. Ce
procès a été en effet conduit d'après les règles de la procédure, mais il resterait à
Naa. une suite de Logia et d'Agrapha du Seigneur Jésus, qu'il a recueillis dans les
écrivains arabes, surtout dans les ascétiques (1). Dans une introduction il explique ce
que sont ces Logia et quelle en est la valeur historique. Il les a eixlraits d'écrits dont
la plupart ne remontent pas plus haut que le x<= ou le xi« siècle après J.-C. mais
il remarquer que ces paroles de Jésus ont été transmises par la tradition et
fait
datent du siècle de l'Hégire, par conséquent du viir' siècle. Du fait de cette datation
récente leur authenticité est très faible. L'auteur cependant n'accepte pas le juge-
nient de d'Hebbelot, Bibliothèque orientale, p. 294'' « Les Mahométans mettent :
dans l'ÉvangUe tout ce qui leur plait, et ils en citent des passages qui ne s'y trouvent
point. Car il est vrai de dire que tout ce (lue les Musulmans citent de l'Kvangile,
soit historique, soit doctrinal, a quehiiie fondement dans le même Lvangile mais :
Is lui donnent quehjue nouveau tour afin qu'il ne paraisse pas qu'ils l'ont emprunté
des chrétiens, et pour persuader aux ignorants qu'ils ont entre leurs mains les vrais
(l) Loijiu cl Aiirnpl^a Domini Jesu apitd Monlemicos scrijHorcs, aaceticos praeserlim, usitala.
collegil, verlil, noiis instruxil MiciuEi. Asin et Pai.acios fasc. prior, 101 pp., Paris, 1917.
:
BUI.LETIN. 279
originaux. » D'après notre auteur, ces Logia peuvent être rattachés à la tradition
chrétienne, sinon écrite, du moins orale. iNous avons examiné la moitié des Logia
publiés, etil nous a semblé que, si quelques-uns d'entre eux rappelaient des paroles
authentiques de Jésus, c'était d'assez loin. Je choisis quelques-uns de ceux qui les
rappellent de plus près :
^
Mt. V, 28.
34. Dixit Jésus (quem Deus salutet!) Thesaurizate thesaurum vestrum apud
: <
eum qui non est dilapidatum; nam de eo qui thesaurum hnjiis raundi possidet tiineri
potest jactura; de eo autem qui Dei thesaurum possidet, jactura timeri nequit. » Cf.
Mt. VI. 19, 20.
En un qui nous montre comment l'écrivain arabe a transformé la tradition
voici
évangélique. 49. Dixerunt apostoli ad Jesum (quem Deus salutet!) « Quid est :
quod tu super aquam ambulas, nos autem non possumus? » Respondit eis « Qua- :
Nous ne' croyons donc pas que ces Logia et Agrapha nous transmettent aucune
parole authentique de Jésus, qui nous soit inconnue. Ce recueil nous fera surtout
connaître l'interprétation que les auteurs arabes donnaient des paroles et des ensei-
gnements de Jésus, et surtout les déformations qu'il leur ont fait subir.
Esséniens, les Sadducéens et les Pharisiens. Des premiers il n'y a pas lieu de s'oc-
cuper, car on ne voit pas que Jésus ou Jean-Baptiste aient eu aucun rapport avec
eux. Les Sadducéens, appelés ainsi probablement du prêtre Zadok, représentaient à
Jérusalem la classe riche, favorable aux Romains, s'en tenant à la Loi et rejetant
(1)The Uebrew-Christian Messian, or Uie Présentation of ihe Messian to the Jews in the Gos-
pel according la St. Matthew, in-8" de xxn-425 pp., London, Society for i)romoting Cl.ristian
Knowledge, l!>16.
I
280 REVUE BIBLIQUE.
toute addition traditionnelle. Les Scribes, primitivement ceux qui écrivaient les
question des miracles évangéliques, envisagés sous leurs divers aspects. Quoique des
hommes de Dieu aient opéré des miracles à toutes les époques, nous constatons
que. bien que les miracles du Seigneur naient pas prouvé directement sa divinité, ils
ont établi cependant la vérité de son aflirmation qu'il était le Messie envoyé par
Dieu.
La quatrième Lecture traite de Jésus docteur, et s'occupe tout d'abord de l'origina-
lité des enseignements du Seigneur. Celui-ci n'a subi aucune inlluence étrangère,
qu'elle soit bouddhiste, perse ou grecque. Il a été profondément original, et s'il a
face de la Loi. Lorsqu'il a déclaré qu'il était venu non abolir la Loi, mais la perfec-*
tiouner, le Seigneur n'avait pas en vue les observances légales, mais les principes et
les vérités qui étaient à la base de la Loi.
La sixième Lecture s'occupe des enseignements moraux de Notre-Seigneur. La
plupart d'entre eux étaient déjà connus, mais il les a renouvelés, approfondis et leur
a donné une force nouvelle eu les appuyant sur son autorité.
Les septième, huitième et neuvième Lectures étudient les titres qui ont été donnés
au Messie dans les évangiles Fils de David, Fils de l'homme, Fils de Dieu. Les
:
Juifs, se rappelant les paroles de l'Ancien Testament, des livres apocryphes et pseu-
dépigraphes, croyaient à la venue dulMessie, roi national. Jésus a réalisé l'espérance
populaire, mais en la spirilualisant. Il fut le Fils de l'homme, car il a réalise la
double représentation de l'homme dans ses soulfrances et sa faiblesse, mais il l'ut
aussi Fils de Dieu par nature.
La dixième Lecture étudie Jésus proclamant le royaume de Dieu déjà présent,
mais devant venir seulement plus tard dans sa plénitude; la onzième, Jésus-Christ
sur la croix, rachetant l'hunianité, et la douzième, Jésus victorieux de la mort et
envoyant ses apôtres prêcher son nom à toutes les nations.
Ces conférences du D' Lukvn AVilliams seront lues avec intérêt et profit; elles
résument bien ce (pie l'on sait sur les questions traitées, mais il ne nous semble pas
qu'elles conticniif'tit rien de bien nouveau. Aous constatons avec regret que l'auteur
BULLETIN. 281
lie parait connaître aucun des travaux français, qui ont été publiés sur les questions
qu'il étudie. [E. .1.]
et les 3 premières années de Salomon. Cela donne bien 480 ans, mais au prix de'
deux computs invraisemblables. Pourquoi ne pas compter les petits juges.^ C'est, dit
M. Gampert, pour une raison d'analyse littéraire, parce que cette chronologie est
plus récente que celle des grands juges. —
Cela est fort douteux, mais cela est
d'ailleurs tout à fait sans portée, puisque M. Gampert attribue le chiffre de 480 à un
rédacteur fort tardif, peut-être du iv siècle. Quelle raison peut-il avoir de renvoyer
plus bas encore la chronologie des petits juges.' Deuxième point laible de cette
argumentation : le texte cité (l Sam. 7, 2) n'assigne pas l'O ans à Samuel; les vingt
ans ne sont qu'une partie de la judicature de Samuel qui ne peut guère avoir été de
moins de 40 ans.
Et en somme les petits juges, pour avoir moins d'importance que les grands, n'en
sont pas moins des Sauveurs d'Israël, i^eur temps d'action a plus le droit de figurer
dans un total chronologique que les années d'oppression. M. Gampert raye Saiil,
parce qu'il n'a pas été légitime, soit; mais on ne peut en dire autant de .Tosué; il
est beaucoup plus rationnel et conforme aux idées anciennes de ne compter ni les
années d'oppression ni le règne de Saiil.
des générations anonymes, car rien ne fait ici allusion aux grands prêtres. Lorsqu'on
compte par génération on n'est dans le vrai qu'en faisant abstraction d'une lignée
où la régularité fait nécessairement défaut.
(1) Les « iSO ans » de I Rois vi, 1, note critiiiue par Auguste Gampert, in-8" de 9 pp., Lausanne,
1917.
(2) Estudios de Crilica textual y literaria. Fasc. I. Brève introduccion a la critica textual del
A. T. por A. Fkrnandez Tkuyols, S. L, Prof, en el P. I. B., in-8<> de xii-lo2 pp., Roma, Pontilicio
instituto biblico, 1917.
282 REVUE BIBLIQUE.
lui offrir un complet de critique textuelle de l'Ancien Testament '1). Son but
traité
était plutôt d'esquisser les conditions dans lesquelles elle doit s'exercer, et la méthode
raisons suffisantes, semble-t-il. du moins pour une haute époque, puisqu'en cela les
Hébreux se seraient éloignés de l'usage des autres Sémites. Le R. P. note que dans
I Sam. 9. 22: 11, 8; II Sam. 6, 1. les Septante lisent soixante-dix et soixante-dix
raille deux fois, au lieu de trente et trente raille deux fois. Il ne voit aucune raison
d'admettre une altération volontaire. Cette raison se trouve dans l'amour des gros
chiffres la preuve, c'est que les Septante ont mis 600.000 au lieu de 300.000 dans
:
(iones obvenisse (p. 29). Seraient-elles toutes antérieures à Texil? L'activité d'Esdras,
que certains Pères ont étendue si loin, n'aurait-elle pas porté sur ce point? Si cela
paraît vraisemblable, le Pentateuque samaritain ne saurait être antérieur à l'exil,
supposer que c'était l'exemplaire même d'Aqiba. Cette base paraît sans doute trop
étroite au R. P., car il attribue l'unité non pas à un seul manuscrit, mais à une
lecension. C'est peut-être oublier (|ue le concept de recensiou appartient à la critique
(1) On trouve p. H»', et \i. lOS des indicaliinis sur lo N. T. (|ui ilcl)Or(lcnt le cadre.
BULLETIN. 283
(les Ra])bins, il est probable que l'autorité reconnue d'uu maître a suffi à le recom-
mander, sans qu'on ait songé à entreprendre une comparaison critique des leçons.
Mais, auparavant, il y avait de grandes divergences, s'il est vrai que les Septante
représentent un texte hébreu difTérent du texte massorétlque et plus ancien. La ques-
tion est toujours très controversée. Depuis ïhenius, les Septante ont considérable-
ment gagné du terrain sur le texte massorétique. Kn ce moment l'on croit saisir les
indices d'une réaction, à mesure qu'on analyse avec plus de précision ce qui a pu
amener traducteurs à de^ leçons qui ne seraient qu'en apparence divergentes du
les
tex-te hébreu reçu. Le R. P. Fernandez se place en théorie dans le camp des Septante.
17, >;3: 18. 5 (1), comme les plus caractéristiques il déclare que c'est pour lui un —
point à peine au-dessous de la certitude que les Septante n'ont pas traduit les pas-
sages indiqués parce qu'ils ne les avaient pas dans leur texte, ce qui suppose une
divergence notable entre les mss. hébreux. Le P. Dhorme avait expliqué l'omission
des traducteurs par le souci de ne pas faire naître une difficulté dans l'esprit des
lecteurs. P. juge cette explication de tout point invraisemblable. Pourquoi les
Le R.
Juifs auraient-ils été plus scrupuleux que tant d'interprètes anciens et modernes qui
n'ont pas vu dans ces passages d'antinomie insoluble avec le contexte? Mais pourquoi —
parler d'antinomie insoluble? Deux récits racontaient d'une façon différente la pre-
mière rencontre de David avec Saûl. Les deux faits sont historiques, mais chaque
présentation était naturellement conçue première. Calmet n'avait pas mé-
comme la
connu cette difficulté « Il est étonnant que Saùl ne connaisse point David, après
:
l'avoir vu si souvent dans sa maison ». Ces inégalités sont inévitables dans une rédac-
tion qui groupe différents écrits. Les mêmes questions sont suscitées par les quatre
évangiles. Les Septante ont peut-être pensé qu'il valait mieux ne pas poser ce pro-
blème délicat devant l'esprit inquisiteur des Grecs. Si leR. P. avait posé la question
d'une façon concrète, au lieu de se tenir, comme trop souvent, dans de prétendues
impossibilités psychologiques, la discussion aurait gagné en précision.
A
propos delà critique interne, l'auteur aborde la métrique et la strophique, avec
tact et mesure, ce qui convient bien au- sujet. Il n'a pas même signalé la question
relative à l'unité du vers. Enfin il conclut par d'assez longues citations qiù font con-
naître les principes d'Houbigant, de Rossi, de Cappelle et de Steuernagel.
Il a fait mieux que d'insister sur les siens en donnant une leçon de choses dans
un
deuxième fascicule (2), consacré à la discussion des cas épineux dans 1 Sam. 1-15.
texte massorétique et les Septante. L'auteur le sent très bien, et parfois il ne tient
Vulgate et le Targum supposent le texte dit massorétique, et l'on peut en dire presque
autant de la Peschita qui, à tout moins, ne représente pas un texte hébreu difl'é-
le
rent. De plus, puisqu'il est certain que le ms. Alexandrinus et l'édition de Lagarde,
représentant la recension de Lucien, ont été, directement ou indirectement, assi-
milés au texte massorétique, ne doivent pas entrer dans la balance. Encore une
ils
ser. On est donc étonné que dans un cas qui lui tient à cœur, parce qu'il y est ques-
D'ailleurs les cas sont discutés avec soin. Après les déclarations du premier
fasci-
(1) A la page -26, l'auteur se contente d'un vague renvoi à Duokme, Les livres de Samuel.
[-2] Fasc. U. I Sara. 1, VJ. Critica texiual por A. Ferxaxdez Truyols, S. I., vn-92 pp.
I
28i REVUE BIBLIQUE.
cule en faveur des Septante, on s'attendrait à les voir résoudre tout autrement. Il est
R. P. leur donne raison; ce n'est pas, je pense, une fois
i
en somme à renoncer au texte massorétique que lorsqu'il peut donner une raison
plausible de la leçon qu'il porte erreur de copiste ou autre, il faut qu'on puisse
:
<iuement. L'argument a de la valeur, quand les deux termes sont clairs, posés ainsi
clairement; mais quand on ne s'explique ni l'addition, ni l'omission, faut-il rejeter
l'addition des Septante simplement parce que l'omission n'a pas de causes connues?
Sur I Sam. 14, 18, le R. P. préfère les LXX contre le texte massorétique et le
chiffres, mette toujours leur apparition sur compte d'une erreur de copiste, alors
le
que la tendance à la surenchère est visible du texte hébreu aux Septante, des Sep-
tante à .losèphe (sur I Sam. 11, 8). J'espérais que l'auteur, qui vise plus à la mé-
thode qu'à de détail, dégagerait la pensée des Septante. D'après lui, ils
la critique
l'opinion qu'ils ont des deux textes. C'est cette opinion qu'il faudrait une fois raison-
ner solidement.
'î^vosos {Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles- Lettres, mai- juin
Le vol. XII des papyrus d'Oxyrhynque (!) ne contient aucun texte biblique, ni
classique, étant entièrement consacré aux documents officiels ou privés. Nous
aimons cependant à signaler ce qui caractérise le milieu dans lequel s'est développé
le christianisme. C'est un bien ancien document 'n° 1477) que cette liste de
questions qui va du n" 72 au n° 92. et qui se prolongeait sans doute sur une feuille
perdue. A qui s'adressait ce questionnaire? A quelque divinité sans doute. Ou bien
l'oracle consulté était-il l'ame d'un mort? On lit ce que certains de nos contemporains
ont df-mandé aux tables tournantes, avec les nuances du temps : Resterai-je où je
vais? serai-je vendu? mon ami me rendra-t-il service? m'entendrai-je avec un autre?
l'absent reviendra-t-il.? gagnerai-je quelque chose, à l'affaire? trouverai-je à vendre?
serai-je exilé (2)? deviendrai-je sénateur? serai-je débarrassé de ma femme? etc
Préoccupations tout à fait terre à terre, qui sont de tous les temps, et qui relèvent de
la superstition plus que de la religion si les questions sont posées à un oracle. Elles
paraissent remonter au temps de Dioclétiea.
Dans temps où nos soldats sont à l'honneur, citons les sentiments délicats d'un
ce
soldat, qui, bien différentdu Pitou vulgaire du temps de paix, demande qu'on ne lui
envoie rien, et déplore qu'on ait inquiété sa mère sur sa santé. C'est du début du
second siècle (n 1481) « Theonas à madame sa mère ïetheus, avec toutes ses salu-
"
:
tations. Je veux que vous sachiez que si je ne vous ai pas écrit depuis si longtemps,
c'est que je suis au camp, mais non comme malade ne vous inquiétez donc pas. ;
Moi-même j'ai eu de l'ennui, ayant su que vous l'aviez appris, car je n'ai pas été
gravement malade. J'en veux à celui qui vous l'a dit. Ne prenez pas la peine de nous
rien envoyer. Nous avons reçu les paquets de la part d'Héraclidas. Mon frère Diony-
tas m'a apporté le paquet, et j'ai reçu votre lettre »...
Il se rencontre encore (n° 1484) une invitation à la table de Sarapis. Dans une note
M. Milne met en doute le caractère sacré d'un tel repas. Et il a peut-être raison. Ne
peut-on pas supposer qu'il y avait dans les temples des salles à manger où l'on pou-
vait prendre des repas qui ne fussent pas précisément des repas sacrés? C'est ainsi
qu'on entendrait l'invitation de l'exégète à dîner dans le temple de Déméter (n° 1485).
Nous devons ajouter que ces échantillons, qui relèvent du fait divers, ne donnent
aucune idée de la richesse des documents publiés, qui continuent à jeter une vive
lumière sur la vie antique, spécialement sur l'administration. On y voit un pro-
priétaire déclarer des ânesses en vue de la taxe,un magistrat obliger les banquiers
à accepter les nouvelles monnaies impériales, un mari reprendre l'union conju-
gale, dûment autorisé pour cela, avec un nouveau contrat de mariage, des procès,
divers actes administratifs, un inventaire de biens des temples, etc., etc. Il y a des
rescrits impériaux dont un de Septime-.Sévère.
semble en résulter que des l'an 200 Il
The Oxijrhyndni.s Papyri, Part XII, edited with translations and notes, by Bernard P. Ghen-
(1)
D. Litt. ... and Arthur S. Hlm-, witli two plaies, in-4" de xvi-SSapp., Londres, 191G. — M. Hunt,
FELi-,
retenu par ses devoirs militaires, n'a pu collaborer aussi activement que de coutume.
(2) a ïJYa«-.JTo;i(2i ; traduit : s/mll I take to flight?
286 REVUE BIBLIQUE.
informent sur des coutumes que Hébreux ont probablement connues, sans parlrï
les
(les traits d'histoire qui lont une lumière nouvelle. _\ous empruntons cette revua à
Vol. Xi, n'' IV" (1914). Le Gohryas de la Cyropédie et les textes cunéiformes. Le P.
Scheil montre que le plus ancien Gobryas, du temps de Cyrus le Grand, est le même
(lue le Gubaru des textes cunéiformes de l'époque de iNabuchodonosor-ISabonide
(G04-538). C'était un chef babylonien, qui se rendit à Cvrus sans combat et lui faci-
sur le Neriglissor de Bérose, ou Nergal sar usur, roi de Babylone (559-556). C'était
un simple particulier, très riche, qui s'éleva aux grands emplois, et monta sur le
trône à un âge assez avancé, ayant environ C5 ans.
Contrat babylonien à légende araméenne. La légende araméenue est I D1SSD3
j";!!!: S" Il m
ui. C'est-à-dire qu'il s'agit de un paras et cinq sicies empruntés par
Nabû riwwân (Nabù rimanni). L'équivalence du texte babylonien prouve que paras
est bien une demi-mine, comme M. Clermont-Ganneau l'avait conjecturé. Le P.
Scheil estime que le taux de l'intérêt dépassait 20 p. 100 par an. Le temps est la
Au sujet de 1/2 mine d'argent, argent du dieu Icliar-2)adda, Amatum le cœur du dieu Icliar-
padda et de Girra-gacfiir a contente. Mois d'Arah-Samma, 17"'« jour au malin.
On noiera avec le maître traducteur que le sujet du vœu demeure secret; celui
qui promet se réserve de décider seul s'il a été exaucé. « L'impétrant n'avait fait
que signer le document; c'est le dieu Isar-padda qui donne quittance; il le fait par
l'intermédiaire de son représentant, Girra-gasir, dont le cœur n'est pas moins satis-
fait que du
dieu, et qui appose allègrement son cachet » (p. 72).
celui
/.''S au temps de Ilim-Sin. On s'était habitué en Allemagne à regarder
lliibiri les
llablri d'el-Amarna comme représentant exactemeutjes Hébreux au moment où ils
cliercliaient à envahir la Palestine. Cette équation, qui n'a jamais été acceptée dans
la Ih'vne [\), était gro.sse
de conséquences. L'une d'entre elles était de supposer l'Exode
accompli au temps delà XVlll*' dynastie. C'est à ce moment en eiïet que les llabiri
font cause commune avec certains chefs indigènes de Syrie et de Palestine contre la
domination égyptienne. Or le P. Scheil a constaté leur existence six cents ans plus
tôt, a Larsa, au temps de llim-Sin. Il propose d'y voir, à l'origine, une peuplade
stationnés le long du désert pour contenir les populations semi-nomades des bords
de lîuphrate et de la Paimyrène. « Pour ces troupes perdues que n'affectaient guère
les vicissitudes de la métropole, fût-ce un changement de dynastie, c'était, à l'état per-
manent, la vie de police, d'escarmouches, d'incursions. On les appela bientôt les
Habii-i,du nom d'un de. leurs prÏLicipaux groupes. Entre temps, le mode et le milieu
de leur recrutement avaient pu changer, mais leur rôle primordial de défendre ces
contrées contre iingérence égyptienne, au proQt de l'influence babylonienne, persista
avec le nom de Habiri, jusque sous la dynastie kassite, au temps de la dix-huitième
dynastie égyptienne » (p. 114). Le nom est écrit en toutes lettres, Ha-bi-ri, sur l'ins-
Ce sont 4 {ou ">) vêlements... pour les officiers (des) Habiri, que Ibni Adad... a reçus. Pré-
sur l'avoir du temple de Chamach, par Ili ippalzayn. Mois de Nisan, il' jour, année de
levé {?)
Rim-Sin, roi.
« Le premier de nos morts quitte sans regrets une vie qui n'eut pour lui rien d'un
banquet. Sur une terre de misère, son dieu et bon génie lui avait donné en partage
un lot qui ne produisait que laîches et joncs, et où tout était peine et labeur. On lui
avait mesuré parcimonieusement l'eau et l'herbe, dans un désert appelé champ d'a-
ridité. Loin de partir à regret, il lui tarde, au contraire, que son dieu le fasse
engloutir par la maison des ténèbres. Il veut s'en aller et comparaître devant les
Anunakis, qui, avec la déesse Mamiti, sont les juges des enfeis. Son âme traversera
le tombeau sans s'y arrêter, et, guidé ou assisté par son dieu protecteur et interces-
seur, il paraîtra devant les dieux grands. Il attendra une sentence dont, semble-t-il,
il n'ose espérer qu'elle sera favorable. En effet, si les juges ont égard aux iniquités,
qui donc s'en sauvera? Mais il a confiance eu la miséricorde. Son dieu particulier,
dont il a souvent, durant la vie, réclamé l'intercession, en récitant les Sigû ou
psaumes pénitentiaux. et dont il n'a jamais négligé le culte, lui sera secourable. II
embrasse ses pieds, c'est-à-dire il l'implore pour obtenir par lui indulgence et
grâce » (p. 166 s.).
r
.;
;
Or sus' II'"- j' "<^'' ««"«: '"on dieu, mon Enunaki! Que je fran-
seigneur, devant la face des
tombeau! Que je saisisse dieux grands! Que j'entende {moKven-
ta main, devant les
chi'ise le
lence. r/ue j'embrasse tes pieds!
Tu as tardé! {Enfin) la maison de ténèbres, ô mon diei^ ûu la
l'aism'emporler. Un marécage de fatigue et de peine, sur la terre de misère, tu as et ma me
donner en partage tu {m' as mesuré précieusement l'eau et l'herbe, dans le champ de la sé-
,
cheresse.
disait le texte de Rawl. IV. 7, 2. abi ul %-di, s'il était posthume ou en très bas âge
quand ce père mourut. Le P. Scheil préfère supposer une mauvaise restitution du
scribe aboutissant à abi ni i-di.
Syrie. — Les Études Sj/riennes de M. Franz Cumont (1) sont dédiées à M. Cler-
mont-Ganneau, « interprète pénétrant et commentateur érudit des antiquités
recherches qu'il a groupés dans ce beau volume. Tout y est de même valeur obser- :
Divinités syriennes, attirent plus l'attention de l'historien des religions. Mais c'est
toujours la méthode. L'archéologie, c'est-à-dire l'examen des monuments,
même
(ournit le thème, et les textes en tirent presque autant de lumière qu'ils en four-
nissent pour dégager le sens religieux, principale préoccupation de l'auteur. Le
groupe le plus compact des monuments —
si l'on peut aussi donner ce nom à de
M'iitps iiitailles —
est relatif à l'aigle, chargé d'emporter le définit dans le ciel, et
spécialement dans le soleil dont il est le symbole. L'ensemble forme une évidence telle
(I) Études syriennes, par Frvn/. Cimont, membre àv l'Inslitut, in-X' de xi-3T9 pp. avec de nom-
breuses illuslrations. Pitris, Picard, 1917.
(2) La Crète ancieiDif, ditOH, |).ii7.
BULLETIN. 289
l'empereur est toujours figuré guidant un quadrige vers le ciel, seulement il tend la
main vers une autre main ouverte, celle du Dieu de la Bible, qui d'en haut s'abaisse
vers lui pour le saisir » (2). Ce trait est des plus curieux voilà bien une sorte de :
et sur les ailes de l'aigle... et Dieu te haussera et te fixera au ciel des étoiles ». Il
s'agit bien là d'une eschatologie transcendante, d'une révolution cosmique (3), et non
pas de l'empire romain figuré par l'aigle comme le voulait Kautzsch (4).
Sur tout ce rôle du pensée de M. Cumont paraît assez
soleil dans l'eschatologie, la
flottante quant aux origines, et l'on ne saurait qu'apprécier cette réserve. Notons
cependant cette particularité qu'à lire le texte on croirait à l'origine sémitique et
même syrienne, par exemple d'après les pages 61 et 106. Mais si l'on se reporte aux
notes, il faudrait conclure qu'ici l'Egypte est l'initiatrice. En effet des théories ensei-
gnaient que les âmes, descendues y remonter après la mort, etdu Soleil, devaient
ces théories se répandirent en Syrie au plus tard à l'époque des Séleucides, dit le
texte. Mais nous lisons en note à la page suivante « L'idée que les Pharaons allaient
:
après leur mort s'absorber dans le soleil était déjà répandue dans l'ancienne Egypte »,
et nous voyons plus loin (p. 106, note 2) que cette Egypte ancienne est représentée
par des textes des pyramides, c'est-à-dire d'une très haute antiquité. Aussi est-il
vraisemblable que c'est l'Egypte qui a inspiré les anciens pythagori^ 'eos du v^ siècle
av. J.-C. Quelle valeur peut avoir en comparaison de ces dates le temps des Séleu-
cides? Plus j'y réfléchis pour ma part, plus il me semble constater l'influence de
l'Egypte dans le monde antique en matière de fins dernières. Les Sémites, et spécia-
lement les Syriens, n'ont pas eu à l'origine pour dévotion qu'ils ont eue
le Soleil la
dernières qu'à partir d'Alexandre, ne peut-on pas sans scrupule insister davantage
sur les origines égyptiennes de cette idée? La question de l'aigle funéraire est dis-
tincte de ce premier point. Il se pourrait fort bien que chaque pays ait eu son
oiseau du Soleil, l'Egypte le faucon et les Sémites l'aigle. On trouvera tous les élé-
ments de solution dans l'appendice de M. Cuniont sur rorigine de l'aigle funéraire
[p. Î08-118).
Je demeure plus sceptique au sujet de l'article intitulé : La double Fortune des Sc-
mites et les processions à dos de chameau. Il s'agit d'une petite terre cuite qui repré-
sente les images de deux femmes portées à dos de chameau. M. Cumont les prend
pour des déesses, et je n'en vois d'autre preuve que leurs couronnes tourelées. C'est
un indice grave. Mais que faisaient-elles à chameau? Il faut supposer une procession,
organisée pour porter sur le dos de ces animaux les images divines. Pourtant l'auteur
a rappelé et reproduit une autre terre cuite (musée du Louvre), où deux femmes sont
assises sur un chameau dans la même posture. C'est, il le concède, un sujet de
genre. Interdira-t-on au modeleur de ces fantaisies d'ajouter à la parure de ses fem-
mes des coiffures ordinairement réservées à la divinité? Ou bien n'a-t-il pas voulu
simplement jucher sur un chameau deux déesses? Le point de départ est bien précaire
pour les doctes développements fournis par l'érudition impeccable de M. Cumont.
Il nous fait observer que les Sémites ont connu deux Fortunes ou Tychés; mais l'une
était celle de Vénus, l'autre celle de Jupiter, donc l'une féminine et l'autre mascu-
line...
« Pour qu'un lien puissant, que Gaïonas, juge des repas, a établi, fournisse une vic-
time (ou « un sacriDce ») aux dieux, et l'interprétation : Gaïonas a fait construire ce
bassin pour retenir captifs les poissons destinés à être offerts en sacrifice. Or ce
Gaïonas, un Syrien du temps de Commode, est aussi connu par son épïtaphe, mé-
lange de vers grecs et de quelques mots latins :
Gaïonas animula
Mais on se demande sur quoi il fondait son assurance. D'après M. Cumont, c'est
sur les repas sacrés eux-mêmes, dans lesquels les invités buvaient « le vin, breuvage
d'immortiililé », et consommaient le poisson d'Atargatis. « Par la vertu mystérieuse
de ces aliments sacrés, le fidèle était égalé aux dieux et assuré de prolonger au delà
du terme fatal de la mort une vie bienheureuse » (p. 282).
C'est de quoi je ne suis pas persuadé, et en cet endroit aucune référence n'appuie
la conjecture du savant belge. Il est vrai que le titre de juge du repas rappelle à
M. Cumont que dans certaines confréries on jugeait des irrégularités ou sévices qui
BULLETIN. 291
pouvaient se produire dans le festin sacré. Mais ce qu'il ajoute va plus loin : « Les
célèbres fresques de la catacombe de Prétextât, qui représentent des scènes de la vie
défunte Vibia introduite par son « bon ange » {angélus bonus) au banquet des bien-
heureux, où l'on sert, comme sur la terre, le poisson ; on l'y voit ensuite assise au
milieu de cinq autres convives, couronnés de fleurs, qui sont, dit une inscription, les
Bonorum mdicio iudicati (p. '283). Il y avait donc un jugement, et il ne suffisait pas
des aliments sacrés pour être assuré de l'immortalité bienheureuse. Peut-être y
un premier jugement, le vote d'admission à un certain degré dans les mys-
avait-il
tères, une sorte de scrutin de ballottage comme dans les cercles. Et cela même n'a-
vait-il pas plus d'importance que le repas?
Lorsque les élus rendaient le jugement définitif, n'avaient-ils pas égard aux vertus
morales? le terme de bonorum semble l'indiquer.
Dans l'inscription du Janicule, Gaïonas parle du sacrifice, non des repas sacrés
directement. A s'en tenir à la notion commune, l'efficacité du repas est nécessaire-
ment jointe à celle du sacrifice. Il n'y a donc pas lieu d'insister trop sur la vertu
propre de l'aliment pour donner l'immortalité. Encore faut-il savoir gré à M. Curaont
d'avoir parlé d'aliments sacrés, où d'autres n'auraient pas hésité à parler d'aliments
qui sont le Dieu lui-même.
11 semble bien d'ailleurs que le mot de animula exclue la résurrection.
leur cœur s'est tourné vers le Seigneur, le voile est ôté (3, J6) ». Il ne s'agit pas
de ce qui arrivera quelque jour dans l'avenir, mais de ce qui arrive toutes les fois
qu'un Juif se convertit.
Et cette phrase étant empruntée à la version des LXX (Ex. 34, 34), il est bien
t
292 REVrE BIBLIQUE.
donné pour l'humilier, pour qu'il ne s'enorgueillît pas des visions et des révélations
Le mot grec traduit par écharde (azôXoJ») signifle proprement un pal, c'est-à-dire
du même genre que il remplace même quel-
la croix, et
un instrument de supplice
quefois le terme ordinaire qui désigne une croix (1).
Il faut considérer 1° qu'une infirmité corporelle, quelque douloureuse qu'elle
grave a un tel caractère et doit \
soit, n'a rien en soi d'humiliant, que seule une faute
supporter (2),
3. Dans l'épître aux Philippiens : Le Seigneur est près (4, 5), et à la fin de la F"
aux Corinthiens Maran atha (3) ne signifient nullement que Jésus-Christ va revenir
bientôt. La première de ces paroles est empruntée à divers passages de l'A. T.
(Ps. 34, 19, etc.) et exprime simplement l'idée que Dieu est près de ceux qui
l'invoquent. Aussi l'apôtre ajoute-t-il : Ne vous inquiétez de rien, mais exposez vos
demandes à Dieu, etc. (4).
4. Quant à la 2% si atha est un verbe, ces deux mots araméens ne signifient pas
Not7'e- Seigneur vient ou va venir, mais ISotre- Seigneur est venu. Ce qui ne pourrait
s'entendre que de sa venue il y a 1900 ans. Mais il me paraît plus probable que
c'est un substantif à l'état emphatique ou déterminé (âthâ) et qu'il faut traduire :
marque dislinctive du fidèle, ce n'est pas, comme pour les Juifs, la circoncision
(Gen. 17) ou l'observation des sabbats (Ex. 31. 13-17), mais Jésus-Christ, naturel-
lement pour ceux qui croient en lui ou qui l'aiment. Idée qui se rattache excellem-
ment à la précédente Si quelqu'un n'aime point le Seigneur Jésus-Christ, qu'il soit
:
anathème (5) !
Èv aapx't è8i)tat(j[)6r),
(déclaré juste);
En esprit (dans son existence spirituelle, après sa résurrection) il est apparu à
des messagers (c'est-à-dire aux apôtres, qu'il a envoyés prêcher l'évangile. Cf. I Cor.
15 etc.).
De celte façon, il y a 5 vers seulement, dont les deux premiers ont le complément
(1) V. le Thésaurus.
(â) V. Revue de thèol. de Montauban, 1912, p. 412-1.-;.
avant le verbe, et les trois autres après (èv lôvsaiv, èv xoa[Aw, èv 86Ç7)). Les deux pre-
mières idées exprimées sont aussi bien plus claires, et l'ordre de toutes est alors
plus naturel.
Le mystère de piété ne peut guère être séparé du verbe passif être manifesté :
pietatis sacramentum quod manifestatum est (Vulgate). Il en est de lui (de Jésus-
Christ) comme du mystère d'iniquité, de l'homme de péché, du fils de perdition (ou
Antichrist), qui devait aussi être révélé ou se manifester par toute sorte de pro-
diges nienteurs et de fourberies iniques (Il Thess. 2, 3-10) (1).
6. Les deux textes de l'ép. aux Galates et de celle aux Romains cités comme exemples
d'anacoluthe (2) peuvent, je crois, être entendus autrement. Dans le i^'" à-b Bè :
Twv 00/.0ÛVTWV ETvat Tt oTToî'oL TOTE Tiaav xtX. (Gai. 2, 6), rien n'empêche de traduire :
« Mais quelles personnes étaient jadis de ceux qui passaient pour être quelque
chose, peu m'importe!.. » Ce qui fournit une phrase tout à fait régulière. On allé-
guait à l'apôtre que parmi ces Sozoovte; il y avait eu autrefois des hommes parti-
culièrement éminents. Mais cette considération ou objection ne le trouble pas :
[hr^XoCj. Peut-être à Jacques frère de Jean, mis à mort en 44 (Act. 12) » (3), et à
qui
que par un seul homme le péché entra dans le monde et par le péché la mort etc.,
par contre (aÀXa), ainsi que la faute ne serait pas aussi de même le don! » [Bien sur
que si, qu'il en est de même!] car si par la faute d'un seul la plupart sont morts, à
bien plus forte raison la grâce de Dieu etc. a abondé pour la plupart (4).
Comment supposer que la faute de l'homme puisse avoir plus d'efQcacité que le
don de Dieu?...
On voit que, de cette manière, ôaTîsp est répris par oj; au v. 15 et que oStw; répond
à l'un et à l'autre : De même que par le péché d'un seul la mort a passé sur tous les
hommes (v. 12), de même et à plus forte raison par la grâce d'un seul le don de
Dieu a abondé sur eux (v. 1.5). La protase et l'apodose se correspondent parfaite-
ment, et la comparaison ne peut pas être plus complète.
Les deux membres de la phrase sont seulement séparés par une longue parenthèse
(V. 13 et 14) assez obscure, que je me suis efforcé d'expliquer aussi dans
l'opuscule
Mars 1917.
Ch. Bruston,
doyen honoraire.
sance aux hommes, comme si ce datif pluriel pouvait signifier à un homme, à Jésus {Revïie
bibliq., 1916, p. 7). Pourquoi ne pas traduire qui avait donné une telle puissance pour les
:
hommes (dativus commodi)? C'est pour les hommes, en eflet, pour le fardon de leurs péchés,
que le Messie avait reçu de Dieu un tel pouvoir.
REVUE BIBLIQUE.
Monsieur le Directeur,
(p. 128), soit immédiatement après la mort d'Akxandre, soit même à l'époque des
Makkabées.
Je regrette que votre savant collaborateur, qui connaît si bien les ouvrages en
allemand et en anglais sur la matière, n'ait pas remarqué dans mon Histoire de la
linérature 'prophétique, etc. (1881) une explication fort différente du passage en
(|uestion. Ou peut la trouver aussi dans, mes Étudea bibliques A. T. (1909) (1) et
ailleurs. Il ne serait pas inutile, je pense, de la faire connaître brièvement à vos
lecteurs :
Le texte ne parle pas de lavan (la Grèce), mais des enfants de lavan':
Je ferai lever tes enfants, ô Sion, contre tes enfants, ô lavan!
Ce qui n'est pas tout à fait la même chose. D'après la table des peuples (Gen. x),
les eufiints de lavan étaient : Elîshâ et Tarshîsh, Kittîm et Dôdânîm (ou Rôdânîm),
c'est-à-dire Gaule et Espagne, à l'ouest, Chypre et Rhodes à l'est. V. Les colonies
grecques d'après l'A. T., par Ch. Bruston, 1906 (2). Mais toute population d'origine
grecque établie en pays étranger pouvait être appeh'e de même.
Or, comment un discours dirigé d'abord contre Damas, Hamath, Tyr et Sidon et
les villes des Philistins, pourrait-il s'adresser ensuite aux successeurs d'Alexandre?
N'est-il pas évident que les ne peuvent pas être un peuple tout
fils de Javan (v. 13)
différent (dans le temps, dans l'espace et en importance) de ceux dont il a été question
précédemment (v. 1-7)? Pourquoi attribuer à un prophète un pareil manque d'unité
de pensée, une pareille incohérence ou divagation? Dans un tel contexte, les lils de
Javan, qui doivent être attaqués et vaincus par ceux de Sion, ne peuvent être que l'un
ou l'autre des peuples voisins de Sion, mentionnés peu avant comme devant être
abaiss('s par l'Eternel. Ni les Araméens de Damas et de Hamath (Sémites), ni les Ca-
nanéens de Tyr et de Sidon fKhamites, d'après la table des peuples) ne peuvent avoir
été appelés ainsi. les Philistins, mentionnés en dernier lieu, étaient, d'après
Mais
divers passages bien connus de l'A. T., venus de l'île de Raphtor, c'est-à-dire de
Crète : ils appartenaient donc suivant toute apparence à la même race que les Hellè-
nes ou Ioniens (=- lavan); il est donc naturel qu'ils soient appelés ici fils de laran.
L'argument de Stade ne prouve donc rien en faveur de l'origine récente de la
2" partie du livre de Zakarie.
J'ajoute que la mention de Iladrak, au début du chap. ix, plaide fortement en
laveur de l'antiquité de ce discours. On lit, en effet, dans une inscription de Téglath-
pli;ilas,ir : Kl)a-;i-da-ra-(ga) abù-shu sha Ra-tsun-ni Dimash-qaï, c'est à-dire Khâda-
rak, perc de Retsin de Damas. V. liemc de théol. de Moutauban, 1900, p. 208. Et
dans de Zakar, roi de Hamath, Hazi-ak est mentionnée comme la capi-
l'inscription
ale du royaume de Hamath. V, ibid. 1908, p. 371. Que ce soient là trois formes du
même nom, ce n'est guère douteux; seulement, la 3« est le nom d'une ville. Mais
les noms de ^rtés par des individus ne sont pas rares. Or dans le texte pro-
ville
2 novembre 1917.
Ch. Bruston.
(1) Ce qui coïncide fort bien avec le règne du prédécesseur de Retsin, de Damas.
Le Gérant : J. Gabalda.
(1) On a fait observer depuis longtemps que le mètre de cinq accents n'est pas réservé
à la lamentation.
(2) Dans ZATW., 1882, p. 5 s. et dans Hastings, Dict. of the Bihle, IV, p. 5.
A cette distribution de
pensée en deux vers s'ajoute, le plus
la
souvent, un réel parallélisme de pensée, soit que le second vers
(1)
répète sous une forme un peu différente l'idée contenue dans le pre-
mier (cf. Ps. II, J) ou exprime en termes analogues une idée cor-
respondante (cf. Ps. xcvi, 11; civ, 19; cxiv, 3, 5; cxv, 5, G, 7 :
antithétique).
Ce qu'on appelle parallélisme synthétique et surtout parallélisme
de pure forme ou rythmique n'est pas un véritable parallélisme. Ni
les idées ne sont parallèles, ni même les expressions ne sont ordi-
nairement rangées dans un ordre symétrique. Il reste seulement
(fue le second vers achève ou complète, de quelque façon que ce soit,
la pensée du premier et qu'il est de longueur égale, ce qui revient à
dire que groupés deux à deux par le sens et présentent
les vers sont
la même étendue. (Jr, ce disant, on ne fait que constater la loi du
groupement par distiques et l'existence d'une mesure, toutes choses
qui ne sont point le parallélisme et même n'en dépendent pas, car
elles peuvent exister sans lui de même qu'il peut exister sans
elles (2). En fait donc, le parallélisme manque assez souvent dans la
versification hébraïque
personne, avec la meilleure volonté du
et
monde, ne le découvrira dans nombre de textes poétiques de l'An-
cien Testament (cf. Ps. ii, 6; m, 3,7; xxvii, 4; xxxi, 23; cxi, 1; cxxi,
1, 2, 4, 8; Gant, i, 7, 8; ii,l-2a, etc.).
7, 10; m, 3, 4, 5, 9; Is. v,
Ces observations ne sont pas nées du besoin d'une cause. Elles
n'ont d'ailleurs rien de nouveau et on les trouvera exprimées chez
plusieurs exégètes anci<^s et récents (3). Il est utile néanmoins de
(1) Pour la facilité de l'expositiou, on suppose ici que le membre parallèle s'identiiie
îivec le vers et le parallélisme tout entier, avec le distique. La suite montrera qu'il en est
ainsi en efTet le plus souvent, mais non pas toujours.
(2) Il de faire observer, par exemple, que le parallélisme de pensée
est à peine besoin
n'entraîne pas nécessairement l'égalité des membres parallèles. Le vers de cinq accents
comprend deux membres toujours inégaux et néanmoins assez souvent ] aialleles entre eux.
(SjKôster a écrit (r/^eo/or/. studicn und Kritikeii, 18.31, p. k'i) « Parfois enfin tout paral-:
lélisme disparaît... Le plus fréquemment les vers sont de deux membres ^stiques) tantôt
parallèles, tantôt non parallèles « W. de Wette se demandait [Commentar iiber die Psalmen
.
4' éd., Heidelberg^ 1836, p. 54) « Que faire des très nombreux passages où le
:
parallé-
lisme manque absolument, où les pensées ne se correspondent ni par synonymie, ni par
antithèse, ni syntliétiquement? » Et il justifie ainsi l'admission d'un parallélisme « de
forme purement extérieure et rythmique ». —
Kuenen est plus formel encore [Einleitung
III, t) « Il saute aux yeux que pour ces
: formes de parallélisme (synthétique et rythmique),
le nom de parallélisme ne convient qu'a moitié ou pour mieux dire ne convient pas du
tout. Il suit de là qu'il vaudrait mieux ne pas faire usage de ce terme dans une définition
300 REVUE BI13LIQUE.
les rapoeler. car,par suite d'un goût pour les idées simples et abso-
lues qui doit être une des formes de la paresse d'esprit, l'usage de
certains mots s'étend si bien qu'il en arrive à convoyer des idées
inexactes (1).
manquer une seule fois. Or il arrive assez souvent qu'il soit absent,
sans compter les cas où il se relâche et s'affaiblit au point qu'on peut
discuter sur son existence.
En dehors de ce fait tangible, il y a que parallélisme et versifica-
des lignes se rencontrent fréquemment qui ne sont en correspondance avec leurs voisines
ni par un parallélisme de termes, ni même par un parallélisme général de pensée. Ce que
Lowlh a appelé « parallélisme synthétique » est en réalité une absence de parallélisme
dans des lignes comme Ps. ii, 6... »
(2) Cela est si vrai qu'un auditeur ignorant le latin, le franrais on l'anglais, mais ayant
de l'oreille, pourra, après quelques brèves explications, percevoir l'essentiel du rythme et
de la mesure ou plutôt ce qu'il y a de plus matériel et pour ainsi dire de mécanique
dans l'un et l'autre, car les nuances du rythme, la faron par exemple dont il s'adaptera à
la pensée ou au sentiment exprimés, lui échapperont nécessairement) des vers anglais,
français ou latins, s'ils sont convenablement scandés, un peu comme on i>eut jouir de la
musique d'un chant dont on ne comprend |)as la langue. Tout le monde sait, par contre,
que le rythme et la mesure s'évanouissent dans une traduction, tandis cjuc le paral-
lélisme y est conservé.
(.!) La sus|)ensioii et l'achèvemenl du sens s'adressent h l'esprit, mais all'cctenl aussi bien
l'oreille par la pause qui en résulte. Le parallélisme i>ourra, avoir des conséquences rela-
tivement au nombre et à l'ordre des mots; mais ces conséquences seront moins im-
médiates et moins nécessaires.
NOTES SUR LES PSAUMES. 301
(( le principe formel poétique > chez les Hébreux (3)? Et Duhm n'a-t-il
dru Mien llundcs, I, Mlgemeines iiber die. hebr. Poésie und iiber dos Psabnenhuch,
Gntlingcn, 1839, |)p. 65 ss. et 109.
[2] Dans Haeveknick, //«nrf&McA des hislorisch-lirilischen Einleilung in das A. T., III.
Krlan«en, 1S49, pp. 29 s.; cf. p. r> s. Voir aussi ne Wette,v loc. cit., p. 46 ss.
{3y Slilistih. etc., p. 313.
l'allitération.
rime affectent certains accents rythmiques, les
1. L'allitération et la
influe avant tout, pour le renforcer, sur l'élément formel qui est en
dépendance immédiate de celle-ci, savoir la suspension ou l'achève-
ment du sens à la fin du vers les limites de celui-ci seront encore
:
(1; Le parallélisme antilbétique équivaut, lui aussi, à une répélilion et peut être con-
sidéré comme uno variété du parallélisme synonymique. Celui-ci est d'ailleurs le plus fré-
quent, surtout dans les Psaumes.
(2) Comme de distribuer entre deux strophes différentes des vers qui appartiendraient
à un même parallélisme.
NOTES SUR LES PSAUMES. 303
conq)assé, n'a pas existé, une poésie dont il resterait des traces par
exemple dans Is. v, 1-2 et dans divers passages du Cantique. En pous-
sant plus loin, on voudrait avec Sievers trouver une mesure quel que
soit le caractère du style. Mais il n'est pas possible d'administrer la
(Ij Ci'llemanière de voir est en particulier celle de K'iinig {SlilisUh, p. 318 ss.) et de
('. Steuernagel [Lrlirhuck der Einleilung in das A. T., Tubing^n, 1912, pp. 106 s. et
i63).
(2j Voir le Ps. c\ par exemple, dont le texte est malheureusement assez altéré.
NOTES SUR T.ES PSAUMES. 307
II
un fait acquis? Et qui sait si, de quelque autre façon, notre argument
ad hominem ne prendra pas, en cours de route, une valeur absolue?
I Nous sommes bien transportés, et non sans perspectives de solution,
du domaine des théories sur le terrain des faits.
I. Dans la i" Lamentation, sur laquelle surtout s'est porté son exa-
11, 14. 15, 16, 17, 18, 19, 22, 23, 25, 30, 33, 40, 43, 47, 49, 53,
54, 57, 58, 60, 61, 65), la proportion se rapproche de ce qu'elle est
C'était une nécessité pour le poète de le relâcher, dès lors qu'il adop-
tait ce procédé de" groupement la iv' Lamentation, qui ne compte
:
que des distiques, est aussi d'un parallélisme plus fréquent et mieux
marqué entre les vers (1). Enfin, si le parallélisme est parfois plus
sensible à Fintérieur du vers que d'un vers à l'autre, c'est que les
membres étant plus courts et la pensée plus ramassée dans le pre-
niier'cas, l'opposition ou la synonymie sont aussi plus frappantes (2).
Sous le bénéfice de ces observations, il semble que l'on doive cons-
tater l'existence d'un parallélisme de pensée, de vers à vers, dans la
i" Lamentation, aux vv. 1 abc, -2 bc, 3 ab, k ab, 6 bc, 1 ab (3),
8 ab, 9 bel 10 abc, 11 ab, 12 bc, 13 abc, U ab, 15 ab, 17 bc, 18 bc,
19 bc (cf. G), -20 ab, 21 ab, 22 ab (4), soit dans une quarantaine de
vers sur soixante-six. Le parallélisme des vers est aussi fréquent et
plus net dans la ii' (vv. 1 abc, 2 ab, 3 ab, i ab, 5 ab, 8 abc, 9 bc,
10 ab, 11 ab, 12 bc, 13 ab, li abc, 15 ab, 16 ab, 17 ab, 18 bc, 19 bc,
21 ab, 22 ab), un peu moins fréquent dans la m" (vv. 1-3, 10-11,
12-13, 19-20, 22-23, 28-29, 31-32, 34-36, 37-38, 40-41, 43-44, 48-
49, 52-53, 56-57, 59-60, 61-62, 64-66) (5), mais plus constant et
mieux marqué dans la iv" (vv. 1, 2, 3, 4, 5, 7, 8, 10, 11, 13, 15, 16,
17, 19, 20, 22) que dans toutes les autres.
11 faut avouer cependant que le caractère effacé du parallélisme
(1) Le même phénomène exemple dans les Ps. c\i et cxii qui,
se reproduit ailleurs, par
ooinposés des distiques, se terminent l'un et l'autre par deux tristiques. Dans ces der-
les deux
niers, deux membres seulement sur trois sont en parallélisme de pensée, tantôt
premiers (Ps. cxi, 9 ab, 10 ab; cxii, 10 a &), tantôt les deux derniers (Ps. cxii, 9 bc); les
autres restent en dehors de tout parallélisme. Le même cas se présente fréquemment dans
le Cantique.
(2) ne faut pas non plus perdre de vue que le nombre des stiques étant double de
Il
celui des vers, l'impression pourra être en faveur du parallélisme des premiers, lors même
que la proportion des vers parallèles sera plus élevée.
(3) Il s'agit du premier et du troisième vers ; le second doit être une glose.
(4) Le parallélisme subsiste dans le v. 22 ab, même si les transpositions proposées par
(5) Il dans cette Lamentation, que le vers initial d'un groupe alphabétique soit
arrive,
en parallélisme avec le dernier vers du groupe précédent voir vv. 12-13, 48-49, et cf.
fc :
vv. 3-4, 6-7, 15-16, 24-25, 27-28, 42-43, 54-55, 57-58, 60-61.
(6) Dans ZATW., 1882, p. 33 ss. 1891, p.
235 ss., et 1892, p. 31 ss.
;
On a seulement laissé
de côté les textes trop courts ou trop douteux, et ajouté Ps. v, cxxxvii, 4 ss. et Is.
xxxviii, 10 ss., tous poèmes dont la mesure est certaine, bien que le texte du cantique
d'Ézéchias par exemple soit assez altéré.
310 REVUE BIBLIQUE.
Ps. CI. Quatorze. — Trois ^a? Sb, — Quatorze (vv, i). (3).
Ps. cxxii. Dix. — Trois 4 — Quatre (vv. a, 6, 7). (vv. 6-7, 8-9).
Ps. cxxin. — Néant. — Cinq
Six. (vv. 2, 3-4).
Ps. cxxiv. Neuf. — Deux? 7 — Sept (vv. 4, b) (5). (vv. 1-3, 4-5, 7).
Ps. cxxv. Huit. — Un — Un 1-2 (v. 4). (vv. a).
Ps. cxxvi. Huit. — Un 2 — Quatre 2 &ab: (v. a). (vv. h-d, cf. 5).
,
Ps. cxxxvii, 4 Huit. — Un — Quatre
ss. 8-9: (v. 5). (vv. 6a/>, cf.
5-6 a).
(1) Il arrive dans ce psaume, comme ailleurs aussi, que le parallélisme, d'abord interne,
s'étende bientôt au delà des limites du vers : c'est le cas aux vv. 2-.3 a et 3 b-i. D'autres
fois, le parallélisme interne n'est qu'apparent. Ainsi second
il peut sembler d'almrd que le
hémistiche du v. 5 a est en parallélisme avec le ]>remier; en réalité, le vers tout entier,
cl surtout le second hémistiche, trouve son paralltlc exact dans le vers suivant (v. 6 a).
On en considérant les deux hémistiches du v. 10 « comme ])arallèles
se tromperait encore
l'un à l'autre; de même
pour ceux du v. 10 b. Le parallélisme est entre la totalité du v.
lu o d'une part cl la totalité du v. 10 b d'autre part. Seulement il y a croisement le pre- :
(5) Vers douteux en raison du mètre. 11 y aurait d'ailleurs des réserves A faire sur la
mesure des Ps. cx\iv, cxxv et cxxvii en particulier.
;6) Le sixième vers 'v. 5 n) esl mutilé.
NOTES SUR LES PSAUMES. 311
Is. I, 10-12, 14-10. Douze. — Deux (vv. 11 h, lié). — Huit (vv. 10,
Is. XIV, iô-21. Trente-trois. — Seize (vv. kh, 5, 6«, 8 rt^ 9ô, 10^^^
VVah, 15, 16rt6, 17«, 17ô-18a, 20 6, 21 h). — Dix-neuf (vv. i6-5, 6,
7-8 a, 9 6c, 12, 13a6, 13c-14-15, 16 6-17 a, 18 6-19«).
Is. xxxvii, 22-29 R. xix, 21-28). Vingt. -- Neuf (vv. 23 «, 2i6cf/,
(II
14c). — Quinze (vv. 1 ah, 2 6-3 a, 6c-7, 9 «6, 11 rt6c, 13 bc, iïah;
cf. 6 «6, 8 «6, 10 6c).
Is. L, — Huit 5 6
4-11. DLx-huit. 9 10 (vv.il ab).-—6, a, 7 6, 6, hc,
19fl6;cf. 20).
LU, 7-11. Onze. — Trois
Is. 7 8a, 9 — Six (vv. 7a6, 6, 6). (vv. 10,
11).
9-Lvn,
Is. Lvi, Trente-sept. — Vingt-trois
13. 10 abc, H ah, (lvi, 9,
12 a; Lvn, lc-2a, 4 5 «6, 6a6, 8 6c, a6, 116, 12a, 126-13a, 6c, 9
13 — Seize
6c). 10 ii ab;
(lvi, «6, lc-2a6, 3-4
6c, 7a6,
lvii, 1 a,
8 10 a6;
6c, cf. 4 6c;.
Is. 4-12. Vingt-deux. — Neuf
Lxii, a6c, 5 8 10 lie, (vv. 4 a, a, 6,
9 hcd; ii bc y 12 ab.
cf.
Abd. vv. 12-14. Huit. — Un? 12 — Six 12 fv. 13 a). (vv. 6-c, a6,
14 ab).
Soph. 4-7 n, — Quatre 4a6, 5
a. Six. — Quatre (vv. ac: a, 6). (vv. 4, 5
15 m,
ce/; 2 a6, 1, 5 6a6c,7a, 8
4 6, 9 a, 13 14 19 — 6c, 6, 6c, a, 6).
Dix-sept (il, 13, 14a6;iii, 3a6, 5 a6, 6 a6c, 13 6c, 14 «6, 15 a6; cf. n,
15 ab ; m, 8 ccl).
(1) li. l'.iiclianan Gray a constaté lui aussi dans Isaïe les variations d'étendue du paral-
1'. I WIi.
NOTES SUR LES PSAUMES. 313
(1) Mais non pas toujours (cf. Lam. i, 2 a, 5 a, 8 c, 13 h; Ps. v, ').. <^tc.;. Des cas de pa-
rallélisme partiel se rencontrent aussi dans les vers d'autre mesure, mais ils y sont plus
rares.
seulement moins constant et surtout moins nettement marqué que dans les Psaumes ou
les chants prophétiques.
(3) C'est ainsi, en elYet, que l'a entendu Keil pour les Lamentations (dans Haeveemck,
Einleitung, IIL pp. 50 et 512). Voir aussi de Wette {loc. cit.).
;.|i^
REVUE BIBLIQUE.
(cf. 10a); Lvii, la, 12a (cf. 7a, 8a); lxii, 7 6, 8 6 (cf. 9 6, lia); lxiii,
1) Dans quelques vers, la coupe semble absolue après le troisième accent et le second
hémisUche paraît même se rattacher au vers suivant; mais c'est que l'on comprend ou que
l'on Iraduil mal. Sur Is. wxvti, 23 et 2Wf;xi.Mi, 13 a, cf. Duhni; sur Lam. i. 'tO, cf.
lUiiliie. Dans Lam. ii, 17 ab,
lUTN secundo ne doit pas être ratlacbé a te qui précède :
12, 18, 20, 56; iv, 20 ô (cf. iBa); Ps. v,lla;xix, 13 (après inversion),
14 6; XLii, ba; cxxi, 5; cxxii, 4 b; cxxiv, 4? cxxvi, 2 6; cxxvii, ôab;
cxxix, 4; cxxx, 5a (cf. G); cxxxvu, 9; Is. xxxvii, 25 a, 26a (cf. 22a,
26 6); xxxviii, 10 a6,- xlvii, 3a, 6 6, 8 6, 106c; lvif, la; Abd. v.> 16
in fine; Soph. ii, 8 ^, 12 a.
Plus rarement on constatera l'existence d'un véritable parallélisme
interne, mais dont les membres ne coïncideront pas avec les hémi-
stiches. Le parallélisme lui-même en ce cas, et non pas seulement la
place occupée par la coupe du sens, interdira d'affirmer que le vers
estcomposé de deux stiques, l'un de trois, l'autre de deux accents. 11
en est ain§i dans Lam. n, 2 c, 8 6, 13a; in, 5, 12, 20, 62, 66 iv, 21 a; ;
lequel les groupes de trois et deux accents, trop souvent séparés l'un
de l'autre par une césure purement rythmique et indépendante du
sens, ne sont que des hémistiches (1). .
(1) Parmi les critiques qui se refusent à diviser le vers de cinq accents en deux stiques
et reconnaissent seulement l'existence d'une césure qui le partage en deux hémistiches iné-
gaux, on peut citer J. G. Sommer [Biblische Ahhandlungen, Bonn, 18i(j, p. 101), G. Giet-
mann [De re metrica Hebraeorum, Friburgi Brisgoviae, 1880, p. 35, où le vers est dit
« de onze syllabes » avec césure après la troisième arsis, tandis que j 58, le même vers
es't appelé « de neuf syllabes », sans qu'il soit question de césure), E. Sievers (Metrische
à propos de disposer sur une seule ligne et de considérer coinme l'unité fondamentale de
la strophe l'élément de cinq accents, auquel il persiste d'ailleurs à donner le nom de dis-
tique, etil justifie son procédé en ajoutant Ceci semble exigé par le fait que la pensée
: *<
n'est complètement présentée que dans le distique et que, dans quelques cas, il n'y a pas
iih; m, le (dans The Internat. Critic. Corn. : A rrit. and exeyet. Com. on Micah,
Zephaniah, etc., Edinburgh, 1912, p. 175 s.).
.
Lxxxix, i2a, ikb, k9a;XCYi, la, ka, lia; cxlv, 3a, 8. Si l'on pré-
tend expliquer les faits allégués en supposant l'existence d'un vers
de quatre accents composé, selon la théorie de Kôster, de deux sti-
ques de deux accents chacun (1), la position des adversaires n'en
devient pas meilleure, car l'hypothèse n'est pas conform£ à la réalité
considérée dans son ensemble. Certes il arrive dans le vers de quatre
accents, conmie dans celui de cinq, que la coupe du sens à la césure'
égale celle de la fin du premier vers d'un distique. Le fait se réalise à des
degrés divers dans Ps. iv, 3ù, oa, la; xii, lia, bab, 66; xli, 3a, ôab,
66, 7 «6, 9 6. 10 «6; xlvi, 3a, "lab, 10 6, 116; lxviii, 2a. bac, 23a;
Lxxiv, 8a, 22a; lxxxvi, ia, 2a, lOa; lxxxix, 96, i2a; cxli, ia,
86, etc. Mais ce sont là des exceptions. En règle générale, la coupe
du sens après le second accent est beaucoup trop faible pour qu'on
puisse parler de stiques de deux accents, et surtout l'élément de
quatre accents ne forme pas à lui seul le distique dans lequel la
pensée doit s'achever et s'enfermer, mais il s'unit à un autre élément
semblable qui le répète ou le complète. Il suffît de lire des vers
conmie ceux de Ps. iv, ka, "ib, Sab, 9b; xii, 26, 3 «6, kab. etc. pour
s'en convaincre. Le parallélisme dominant est celui des éléments de
quatre accents entre eux et le parallélisme interne, non seulement
reste le plus rare, mais se trouve englobé dans un parallélisme ou
du moins dans un groupement de pensée plus étendu. L'exemple du
Ps. IV est typique à cet égard (2).
111. Que conclure de cet ensemble de faits relatifs aux vers des dif-
(1 Tel serait, d'après Dulim, le mètre des Ps. iv, mi, xvii, \xx, mais non des Ps. xii.
\l.\l, I.WIII, I.XMV. L\X\M, LXWIX. \CVI. CM.I, ('.XI.\
(2) ]1 ne semble pas nécessaire de s'étendre sur le vers de trois accents. Le parallélisme
interne n y est cependant pas inouï. On y rencontre parfois deux verbes à la suite dans
un parallélisme s)Tionymi(iHe qui ne laisse rien à désirer : Ps. vn. Ib, da 'f 13 6, 16a.- 1\.
3«. 'ih: xMii, 8f/.- \x, \sah: wv, 20fl; xxvi, 2a, 11 h; cf. m, kh.
NOTES SLR LES PSAUMES. 317
à la persistance de ses sentirnents, à son génie monotone et tenace, c'est bien celle de la
répétition.
i2) Style court et coupé.
3) Sans doute le parallélisme interne, dans le vers de trois accents, n'est-il (ju'une
exception, un accident si l'on veut, le fait subsiste néanmoins et il est la preuve d'une
tendance.
(4) Si le Ps. I réalise le parallélisme interne dans les vv. ih. 1, oo, 4, 5, 6 (vers 2, 3,
5-8), il n'en est pas de même aux vv. la et 3a (vers 1 et 4) et le parallélisme des vv. 3 à,
apparaît ainsi de plus en jîIus que la cause du vers doit être dis-
Il
un ordre inverse à celui du vers précédent. Il faut avouer d'ailleurs que la mesure du
Ps. est loin d'êtri^ certaine et tout ce qu'on en peut dire ou déduire reste assez hypo-
I
tliétitiue.
(11 Celte indépendance s'affirmerait encore si l'on considérait les cas très nets de paral-
lélisme à trois membres contenu dans deux vers seulement, de cinq (Lam. m, 34-30;
Ps. \, 2-3 o, 12; \xMi, 5; cxxi, A-'i, 7-8; c\\i\, 4-5; cwvii, 2; Soph. m, i'i ab: cf. Lam.
II. 17 ab; IV, 10; Is. M.vii, iBftc) ou de quatre accents (Ps. iv, 2; \vi, 9; xvii, 1; xu, îOab:
i.xwM, 15; Lxxxjv, l'i), soit qu'un membre parallèle s'étende sur un vers entier, chacun
lies deux autres s'idenlifiant à un hémistiche, soit que l'un des hémistiches reste en dehors
(lu parallélisme. Les cas analogues sont naturellement plus rares dans les vers de trois
accents; voir cependant Ps. xxvi, 2 et cf. Ps. m, 4.
Ces conclusions subiraient peut-être quelques modifications ou du moins devraient
(2,
être nuancées davantage si l'on pou\ait faire dès à présent Ihistoiro de la veisilication
hébraniue. Pour le moment il ne s agit que de l'étudier telle qu'elle se présente à nous
dans l'cnscinble des textes et sans vouloir établir une perspective de son développement.
Tout ce <|ne l'on peut dire, c est que si le vers de trois accents est le plus ancien,
comme il semble, il s'identifiait au membre parallèle et le parallélisme remplissait le
distiqut'.
NOTES SUR LES PSAUMES. 319
PSAUME Y
mesure indiquée. Lorsque, dans des textes qui ont autant souffert
que ceux des psaumes, sur IG lignes restées complètes, on trouve
encore 13 vers intacts de cinq accents, sans parler des fragments
isolés, et que les trois autres lignes se laissent aisément réduire à la
mesure indiquée, on est assez fondé à conclure que tel était, à l'ori-
gine, le mètre de toute la composition.
plus court que les deux autres. En réalité, l'état actuel du texte lie
présente un tristique de ce genre (3 -j- 2 H- 3 accents) qu'à la fm
iv. 9) de la troisième strophe, et nulle part ailleurs. Pour le trouver
à la fin (v. 11) de la quatrième, il faut supprimer les trois derniers
mots du verset (-:: "t^ k", à la fm (v. 13) de la cinquième, ajouter
au contraire '~^x à n*~', sans quoi le second stique serait réduit à
un seul mot de deux syllabes. Quant aux deux premières strophes,
elles finissent (vv. 3è-4., Qè-l) par des tristiques égaux (3 3 H- 3), +
et encore à condition de retrancher cr- à la fin de la seconde
•;
(v. 1 b). De fait, Duhm réalise pour son compte l'addition et les
retranchements indiqués.
La distinction des strophes est nettement marquée par le sens.
La seconde (vv. 5-7) s'oppose à la première (vv. 2-4^) et à la troi-
sième (vv. 8-Or. la quatrième (vv. 10-11), à la troisième et à la cin-
quième (vv. 12-13). La seule difficulté est qu'elles ne sont pas toutes
de longueur égale. Celles de nombre pair, et qui se correspondent
pour le sens, ont l'une et l'autre cjuatre vers entiers: des trois autres,
qui se correspondent aussi, la première et la troisième ont chacune
trois vers et un fragment de trois accentscinquième aurait une
; la
longueur égale si l'on supposait seulement la chute d'un mot après
n\-ii, comme fait Duhm. Il n'est pas à croire cependant que cette
inégalité des strophes, d'une série à l'autre, soit intentionnelle. Si
l'on examine avec soin la fin des strophes de nombre impair, on a
presque partout l'impression de quelque chose d'anormal, soit au
point de vue du parallélisme, soit même au point de vue de la cohé-
rence des idées, et l'on en vient à penser que toutes ont subi quelque
mutilation et que le type exact de la strophe s'est conservé seule-
ment dans la seconde et la quatrième. Quoi (ju'il en soit, la mesure
de cinq accents paraît sûre pour le vers et peut servir de base à
des corrections. L'état actuel du psaume laisse d'ailleurs reconnaître
une forme très soignée, produit d'un art voulu et conscient de lui-
même. On remarquera en particulier combien est fréquent le chassé-
croisé des expressions parallèles, soit à l'intérieur du vers (vv. 2,
13). soit surtout dans le distique (vv. 5-6 a, G b-7, 8, 10, 11, 12).
Le psaume v est Fécho des luttes qui trop souvent furent livrées
autour du temple, et des compétitions qui s'élevaient au sujet du
service divin. La considération, l'autorité et les profits qui résultaient
de l'exercice du sacerdoce ou même des fonctions inférieures fai-
NOTES SUR LES PSAUMES. 321
saieut naitre les ambitions. Les partis entraient en jeu; des caljales
s'ourdissaient; des accusations étaient formulées, des dépositions
opérées. Plusieurs psaumes sont nés de circonstances pareilles, par
exemple le xxvii^ et le xlii-xlih®, qui sont d'ailleurs du même mètre
(cf. Ps. XXIV, XXVI, xxxv). Lé psaume v fait donc entendre la prière
d'un prêtre ou d'un lévite que des hommes mal intentionnés cher-
chent, par des voies obliques, à évincer du service du temple et à
supplanter dans ses fonctions. Que lahvé écoute les gémissements
et la du psalmiste en détresse (vv. 2-4). Il ne saurait permet-
prière
tre au méchant de demeurer dans son temple, car il le déteste (vv. 5-
7). C'est le psalmiste qui, par sa grâce, aura accès dans sa maison;
mais que lahvé lui évite tout faux pas dans son service, car ses enne-
mis l'épient (vv. 8-9). Us cherchent hypocritement à le perdre :
fasse Dieu qu'ils n'y réussissent pas et puisse-t-il même les chasser
(vv. 10-11). Ceux-là triompheront et se réjouiront, qui espèrent en
lahvé et aiment son nom, car il bénit et protège le juste (vv. 12-13).
'[ ] Non, [ ] tu ne prends pas plaisir au mal non, le méchant ne sera pas ton hôte; :
|
[
]' les diseurs de mensonge;
l'homme de sang et de fraude, [ 'tu l'abhorres', lahvé.
A cause de la multitude de leurs méfaits cliasse-les, car ils sont révoltés contre toi. |
II
;}. '-'jrà, au lieu de l'usuel nyvw', est sans doute l'inf. construit pi.
(
Sprache, Brunswick, 1861, Î82 d;
Olsiiausen, Le/irbuch der hehr.
cf. G K 20 m\ appeler au secours », qui, se trouve ailleurs (Ps.
<(
était naturel, avec celui de ce lahvé Seba ôtli » (Is. vi, 5; Jér. xlviii,
15; Mal. 14; Ps. xxiv, 9-10; lxxxiv, 4). Sur l'octroi du même titre
i,
Mais dans le premier cas, le contexte ne laisse aucun doute sur l'objet
réel (cf. Jug. xx, 30, 33; I Sam. iv, 2, etc.). Il n'en est pas toujours
de dans le second (cf. Is. xliv. 7; Job, xxxvii, 19). Duhm
même
suppose que ce verbe et le suivant sont empruntés à la langue litur-
gie] ne et signifient : « préparer » roiirande et « épier » les signes
de son acceptation par Dieu. Mais ces termes ne sont pas spéciaux
;\ la langue liturgique et il n'y a pas d'exemple que celle-ci emploie
superfétation. Mais ""Slp "acn est aussi suspect, du moins sous cette
forme. Le verbe d'abord est à l'indicatif : si l'optatif eût été dans les
suite ~£j.'xi ••• "p">< ••• '^'^ï^rit^, car ces trois verbes à la première per-
:
copiste distrait, qui avait écrit jusqu'à ^'pi jwimo, serait retombé par
erreur sur "'p- secundo et la proposition omise, recueillie en marge,
aurait été par la suite réintégrée à la fin du v. au lieu de l'être au
commencement. Si ~*n"i était déjà inséré, il était naturel d'ailleurs de
joindre ""pi primo aux deux verbes qui suivent. Un accident analogue
a commencé à se produire dans G (170) où. -o xpwi s'.say.cJsv; tvjç owv^ç
ouhlié d'abord, a été inséré à la marge inférieure.
[j.z-j,
retrouve dans Ps. xv, 1; lxi. 5, mais suivi de 2 préposition. Il est ici
au potentiel (GK 107 .s; Diuveu, 37).
lahvé, qui ne saurait favoriser le mal, n'acceptera pas que le mé-
chant soit son hôte dans le temple. Car c'est bien de l'entrée dans le
temple qu'il s'agit d'après la strophe suivante où le psalmiste exprime
l'espoir d'être admis au bénéfice des avantages qu'il refuse à ses en-
nemis (v. ÎS Mais la formule « être 1 hôte de lahvé » (laquelle n'est
.
l)as plus une métaphore que les expressions des vv. 6rt et 8) ne serait
pas sut'lisamment vérifiée dans le cas présent si on l'expliquait seule-
NOTES SL'Il I.ES PSALMES. 32;;
ment de l'accès au temple tel qu'il était accordé à tous les Juifs à
l'heure de la prière ou du sacrifice. Un ne voit pas bien d'abord com-
ment l'exercice de ce droit aurait pu être refusé soit au psalmiste, soit
à ses ennemis. Mais le verbe doit signilier un séjour plus intime et i)lus
prolongé : la qualification d'hùte n'implique pas nécessairement la
brièveté du séjour, mais le fait seul d'être reçu dans la maison d'au-
trui. 'Les versets suivants (vv. 0, 9, 11) achèveront de démontrer qu'il
s'ag-itbien de demeurer dans la « maison de lahvé » ou du moins d'y
pénétrer d'une façon régulière et à un pour remplir des
titre spécial,
fonctions officielles : le Juif, même répréhensible au point de vue
moral, peut entrer dans le temple, mais lahvé ne saurait permettre,
dans l'idée du psalmiste, qu'il en soit l'hôte habituel, comme l'étaient
les prêtres et les lévites en fonction.
Le premier hémistiche est trop long-autant qu'on en peut juger,
:
II, 1; II Cbr. XI, 13 (voir aussi pour l'idée Ps. cxxxiv, 1 b; cxxxv, 2
et cf. Ps. CI, 7 qui contient un parallélisme analogue). Devant tes yeîi:Jt
veut dire « en ta présence ». Donc les méchants ne seront pas admis
à se tenir en présence de Iahvé, dans le temple, pour le servir.
7. Les « diseurs de mensonges » de ce verset sont en parallélisme
Ihnnine. Il est vrai que cette let;on reste isolée et comme elle est la
plus naturelle, on peut craindre que ce Père (ou son copiste hébreu)
ait été entraîné par le contexte. Cependant, il semble qu'on doive
NOTES SUR LES PSAUMES. 327
cf. Ps. xxxiv, 12; xc, 11; cxi, 10; cxix, 38).
Et cet accès est considéré par le psalmiste comme une faveur (« par la
grandeur de ta miséricorde » Sans doute ne s'agit-il pas seulement
,.
9. Le sens cl" c< ennemis » convient à '>J^^^:i dans tous les passages
où ce mot se lit (Ps. xxvii, 11; liv, 7; lvi, 3; lix, 11; cf. xcïi, 12),
non celui d' « espions ». —
La mention « à cause de mes ennemis » et
l'indication donnée ensuite (v. 10) que ceux-ci cherchent hypocritement
à perdre leur prochain, ne laissent aucun doute sûr le sens de la
prière « conduis-moi dans ta justice! » Les ennemis du psahniste,
:
9). On lit ^:i:S dans MTP'ASG (27 140 179 210 282) G L (Carnut.
Colbert.) Hier. Com. Hehr., mais -j'-zeS dans 2 mss. hébr. G (ABnK et
tous les autres minuscules) L (Mozar. Casin. Veron. Sangerm. August.)
V Hier. nmn.;Qi-z^' dans MTP'A^G (27 115 UO 179 210 282 x*)
G L (Garnut. Colbert.) Hier. Co7n. Hein-., mais "ïj-n dans G (ABÂ' 'K et •
est donc que les intentions des ennemis sont de faire du mal leur :
d'une fosse ouverte pour qu'on y tombe comme dans un piège, mais,
d'un sépulcre béant toujours prêt à recevoir les cadavres (cf. Prov.
XXX, 15-16) comme lui, le carquois et la langue méchante en sont
:
(de ccr) « anéantis-les » (cf. I Sam. v, 6). Mais zrN', au qal ^i être
charg-é d'une faute, lexpier » et aussi « être châtié » (cf. Ps. xxxiv,
22\ peut signifier à l'/iiph. d'abord « charger d'une faute », c'est-à-
dire « condanmer », ce qui correspond à l'interprétation de G 7.pîv:v
CLV iudica et mieux encore à celle de TP'AI v.y-y.v.zvKy Hier. Hehr.
condemim, mais aussi « faire expier, punir ». Il n'y a donc pas de
motif de ne point accepter ce hapax, d'autant plus que « anéantis-
les » semble excessif dans le contexte la suite du v. qui n'est pas :
croirait par le parallélisme du vers suivant, •je Se; est courant dans
29e). Cette dernière proposition, selon Duhm qui la rejette, serait une
réminiscence dOs. xiv, 1. De fait, ici seulement et dans ce passage du
proi)hète, le complément de rr^z est précédé du i; i)artout ailleurs
NOTES SUR LES PSAUMES. 3:M
finissent par une prière, l'une pour le psalmiste, l'autre contre ses
ennemis.
12. Les verbes in?2C^T, •::n\ r^b'j^^ sont à l'indicatif plutôt qu'au
jussif, comme semble l'indiquer le v. 13 qui est des plus affirmatifs.
Le waw en ce cas à traduire par « alors ». Cependant le
initial est
(c car tu les protèges » (cf. GK 158 a). Sans doute, le même motif est
développé plus longuement au v. 13, mais il peut être indiqué une
première fois au v. 12 (cf. Ps. m. ô et 8 b^ où le même cas se pré-
sente). Quelle que soit la traduction, il semble bien que l'ordre des
mots dans l'original devait être celui que Duhm a rétabli. La transpo-
sition effectuée, outre que la suite du sens est plus satisfaisante, que
les diverses propositions se font un meilleur équilibre et s'adaptent
mieux à la forme du vers, les waw se trouvent aux places qui convien-
nent et l'adverbe -'*vS modifie à la fois les deux verbes qui le suivent
et qui tous deux aussi trouvent un complément dans -ji.
La formule hcc) "p'C "'zna se retrouve dans Ps. lxix, 37; cxix,
132 et la mention du nom de lahvé, précédée d'autres verbes {"ôpl,
KlV "Tij, dans Ps. ix. M; lxi, 6; lxxxiii, 17. Pour les Hébreux plus
que pour nous, le nom était l'évocation de la personne, et dans beau-
coup de cas le mot « personne » pourrait être substitué. D'ailleurs,
;{3o REVUE BIBLIQUE.
fait dans le ton du poème, comme dans sa mesure. Sans doute, l'au-
teur fait intervenir les fidèles de lahvé; mais c'est que, comme les
psalmistes en général (Ps. i, 5, G; m, 9; iv, 3, 5-7, etc.), il a le sens
très vif de la communauté ne se considère pas comme isolé et
: il
III
ordre.
Dune faron générale, on ne peut méconnaître dans cette compo-
sition le progrès du sentiment affectueux envers lahvé : la place qu'il
E. PODECUARI).
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES
{suite) (1)
II
{suite) (2)
(1) Cf. Revue biblique, 11)16, p. 299-3il: 1917, |i. .'>4-13", 451-488.
(2) Cf. Revuti biblique, 1917, p. 451-488.
f.'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. .'«l
fl) Jer., XXVII, 1 ; xxTiu, 1. — (2) Jer., wvii, 14. — 3) Jer., vu, 4. — (4) Jer., xxvii, 16,
338 REVUE BIBLIQUE.
Sous l'influence des uns et des autres, les cinq rois avaient envoyé
des ambassadeurs à Sédécias (3). Le souverain de Jérusalem et son
entourage avaient été ébranlés, les prêtres et les prophètes de Yahweh
avaient fait cause commune
avec les ministres des dieux étrangers (i).
Flatté dans ses illusions les plus chères, le peuple attendait de ses
chefs une détermination conforme aux projets des rois alliés (5).
On pourrait regarder renseignements qui précèdent comme
les
(1) Jer.. wMii, 3, 4, 11. — (2) Jer., \xvii, t». — (3) Jer., xxvii, 3. — ('i) Jer., xxvii, V>,
14, If.. — (5; Jer., \XMi. 10. — (fi) Jer., li, 59. — (7) Jer., wwu. 1.
I.AMI-: JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 330
(1) Jer., XXII, 1-y. — (2) Cf. Esdr., vu, 9, où le prêtre-scribe met cinq mois pour venir de
Babvlone à Jérusalem. Voir RB. 1917, p. 80, note 7. — (3) Cf. Ez., xi, 15 et xxxm, 24.
— (4) Cf. Neh., II, 10, 19; m, 33-35 (Vulg. iv, 1-3): iv, 9 (Vulg. 15): etc. — (5) Cf. Esdr.,
(1) Jer., \\i\, :?. — (>) Jer., \\i\, i-7. — (3) Jer., \\i\, .8-23. — (4' Jer.. \xi\, ;>'i-:'.s.
palais et s'asseoir sur le trône des pères. Une conduite contraire amè-
nerait sur la maison royale et le pays la ruine et la destruction (1 i.
Au cinc|uième mois de l'an i, la situation était tout autre; cette
fois, l'attitude de nature à attirer sur sa personne
de Sédécias était
des
de son pays. La nation qui ne se soumettra point sera victime
divins, épée, famine et peste, et finira par tomber
sous les
fléaux
augures et
coups du conquérant. Les devins, interprètes de songes,
débiter des
magiciens qui tiennent un langage contraire ne font que
mensonges et veulent le malheur de leur pays; le seul moyen
d'avoir
« par des ambassadeurs », lire : « par leurs ambassadeurs » [L\\). - (4) Jer., xxmi, li-io.
342 REVUE BIBLIQUE.
Les leur ont donné raison. Mais, pour les voyants qui prédisent
faits
la paix, ils ont grand besoin que les événements justifient Torigine
divine qu'ils attribuent à leurs discours (3). En entendant ces paroles,
Hananias, irrité, jjrit le cou de Jérémie et le brisa
joug de dessus le
(1) Jer., wvii. 10-22. — (2) Jer., \sviu, 1-4. — (3) Jer., wviii, ô-'j. — (4) Jer.. wviii,
10-11. — (5) Jer., wMu, 12-17. — (c) Jer, v\iv, 1-3.
!;AME juive Al TEMPS DES PERSES. :343
faveur les captifs de Juda que j'ai envoyés de ce lieu au pays des
Chaldéens. J'abaisserai sur eux un regard favorable et je les ramè-
nerai dans ce pays; je les établirai pour ne plus les détruire, je les
planterai pour ne plus les arracher. Je leur donnerai un cœur pour
me connaître (et savoir] que je Yahweh. Ils seront mon peuple
suis
et je serai leur Dieu, car ils reviendront à moi de tout leur cœur (2). »
que tout soit parfait en Chaldée? Loin de là, et Jérémie
Est-ce à dire
se préoccupe de l'influence que peuvent exercer sur les exilés les
prophètes optimistes des bords de l'Euphrate. De là le message qu'il
confie aux envoyés du roi. Sans doute il use de ménagements envers
les captifs. Yahweh a pour eux des pensées de paix, et non de mal-
heur; il veut leur assurer un avenir et de l'espérance. Il leur donne
la certitude qu'ils ne le prieront pas en vain, qu'ils ne le chercheront
pas sans le trouver; il ramènera leurs captifs, il les rassemblera de
toutes les nations et de tous les lieux où il les a chassés, il les ramè-
nera au lieu d'où il les a exilés (3) mais il faudra que soixante-dix ans
;
dires des hommes de Dieu i6). Et contre deux des faux voyants, et
contre Séméias il profère des arrêts de malédiction i7).
Si laconiques que soient ces déclarations, si sobres ces ébauches de
discours, on y peut quand même relever des indications précieuses;
on y peut voir s'ébaucher des traits qui vont s'accuser de plus en plus
à mesure que l'àme juive va se former et se développer.
(1) Jer.,wiv, 8-10. — 2) Jer., xxiv, 5-7. — (3) Jer., x\i\, 11-14. — (i) Jer., \\i\. \i\
— (5) Jer., XMX, -7. — («) Jer., ^xix, 8, 15-19. — (7) Jer., xxix, 21-23, 31-32.
344 REVUE BIBLIQUE.
II
bientôt avec netteté : comme Jérémie, c'est sur eux seuls qu'il
compte pour la réalisation des espérances nationales, et tout le but de
son ministère sera de les y acheminer. C'est pour eux qu'il parle, soit
(1) Ez., I. — (2) Jer., XXIX; cf. Ez., \iii. — (3) Ez., i. 4, iT), '26, 27, 28 (cf. m, 23;
vin. 4; elc). — (4) I lleg., xxii, 19-23. — (5) .\m., vu, 1, 4, 7; viu, 1 ;
i\. 1. — (6) Is., vi.
— '7, .1er., I. — (8) Ez., i, — Ez.,
5. (!)) i\, 3; \, 1, 2, 3, etc.-; cù x, 20. — (lu) Ex., xxv,
18-22, — (II) Is., VI, 2. — (12) Ex., \\i\, 10, — (13) Ez., i, 26. •
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 347
(1) Ez., I, 15, 16. Si les roues ou, plus exactement, les cercles des roues se croisent à
angle droit, c'est afin que, sans avoir à se retourner, le char de l'apparition puisse d'un
trait se diriger vers l'un des quatre points cardinaux (qui résument ici toutes les direc-
tions de l'espace), selon l'impulsion que l'Esprit lui donne.
(2) Ez., I, 6, pour la même raison que les êtres vivants ont quatre faces;
9, 12. C'est
on note d'ailleurs que chacun va devant soi et qu'ils ne se tournent pas en marchant. —
(3) Ez., I, 26'', 27.
348 .
REVUE BIBLIQUE.
laissait des traces, visibles au regard de tous (2). Désormais, par con-
(11 Ez., III, 10, 11. — (2) lia n''2, m- à m., maison de rébellion; Ez., ii, 5, 6, 8 ;
m, 9,
20, 27; XII, 2 [bis), 3, 9, 25, etc. — (3) Ez., il, 3-8, dont m, 4-9 est peut-être ua doublet.
350 REVUE BIBLIQUE.
ne peut manger que des aliments impurs (8). Enfin l'infirmité même
du prophète, par sa durée et ses phases successives, re|>résente la
prolongation de la captivité, non seulement pour les Judéens, mais
pour les anciens Israélites du schisme eux-mêmes (9).
(1) Ez., III, 16-21; vide infra, p. 370 sv. — (2) C'est seulement avec le eliaii. viii que
commencent les visions de la sixième année. — (3) Ez., m, 22-27. — (4) Ez., iv, 1-v, 4.
— (5J Ez., IV, 1-3. — (G; Ez., iv, !(-ll, 16, 17; cf. xii, 17-20. — (7) Ez., v, l-'i : cf. vers. 12.
— (8) Ez., IV, 12-15. — O: Ez., IV, 4-8.
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 3al
posent les espérances. Mais tous ne sont pas, du fait même de leur
déportation, appelés à y participer. Même en Chaldée, il y a des
« fils rebelles ». A vrai dire, gTand est le nombre de ceux dont,
décrets au milieu de toi sous les yeux des nations; et je ferai sur toi
une chose telle que je n'en ai point encore fait et que je n'en ferai
plus,- à cause de toutes tes abominations. Des pères dévoreront leurs
fils au milieu de toi et des fils dévoreront leurs pères. J'exécuterai
que tu as souillé mon sanctuaire par toutes tes infamies et tes abo-
minations, moi aussi je briserai, et mon œil sera sans pitié et je
n'aurai pas de compassion (5). » La rigueur sera telle que Jérusalem
deviendra pour les nations elles-mêmes une leçon eu même temps
qu'un sujet de stupeur (6).
Les allusions à la profanation du Temple, auxquelles Ézéchiel
donnera bientôt une plus grande importance, nous rappellent l'état
du grand sanctuaire tel que le livre des Rois nous le décrit au mo-
ment où, fortement impressionne par la lecture du Deutéronome,
Josias se prépare à en entreprendre la réforme (1); il est déjà pro-
bable que la réaction païenne du règne de Joachim (2) avait res-
suscité ces désordres et qu'ils sévissaient encore sous Sédécias (3).
A plusieurs indices on pourrait dès maintenant saisir et apprécier
l'influence de ce grand code dont Jérémie avait prêché l'observa-
tion et dont sans aucun doute les captifs avaient des copies au milieu
d'eux. Nous reviendrons sur ce sujet (4). On ne peut toutefois omettre
de signaler cette influence deutéronomique tant elle y est aisément —
reconnaissable —
dans une prophétie qui n'est pas datée, mais qui
suivit d'assez près la précédente (5). En une énergique prosopopée,
Ézéchiel transmet la parole de Yahweh aux montagnes et aux collines,
aux ouadis et aux vallées du pays d'Israël (6). Or le thème du
reproche divin tient en une seule ligne : « Je vais faire venir contre
déclarer: ces bâmôth seront détruits, les autels dévastés, les colonnes
solaires brisées (8). Puis le fléau s'étendra au pays tout entier qui
sera ruiné et désolé depuis le «t-'^/eô jusqu'à Riblah (9). Et, pour bien
marquer la relation de la peine avec la transgression, les hommes
tomberont frappés à mort devant leurs idoles, autour de leurs au-
tels, sur toute colline élevée, sur tout sommet de montagne, sous
^1) Cf. II Reg., \xu, l-\xiii, 25; II Chron., xxxiv, 8-x\\v, 19. — (2j Cf. 11 Reg., xxiii, 37;
Il Chron., xxxvi, 5. — (3) Cf. II Reg., xxïv, 19; II Chron., xxxvi, 12-14. —(4) Yide
infra, p. 017-033. — (5) Ez., vi. — (6) Ez., vi, 2, 3.
— (7) Ez., vi. 3' .. — (8) liz., vi. 4. —
(9) Ez., M, 14, selon la correction probable du texte hébreu np'ini "l^l'rP ^'< depuis
le dé.^ert de Diblalhah ») en nnSzi "IZlQa (« depuis le désert [au sens absolu, sans
T T r ..
: - .
doute pour désigner le désert par excellence, celui du Sud, le né(iél)] jusqu'à Riblih [dans
l'extrême Nord, en Cœlé-Sjrie^). (10) Ez., vi, 13. — —
(11) Cf. Ez., vi, 7, 10, 13, 14; vu, 4,
« Voici la fin! La fin vient sur les quatre coins du pays; maintenant
arrive! La fin vient, c'est la fin. Elle s'éveille contre toi; la voici,
elle arrive! Ton sort est venu, habitant du pays; le temps vient, le
« Je vais donner cours à ma fureur contre toi, répandre sur toi mon
5'-10. On a déjà noté que les vers. 11, 12 paraissent se rattacher au chap. v.
(1) Ez VI
- VIII, 1-3. - (3) Ez., vu, 1-4, 5-9. - (4) Ez., vu, 2\ 3-^ 5\ 6,
-''\ - (5) Ez., vn,
(2) Ara.,
— 3^ i\ - (7) Ez., vil, 10-13.— Ez., vu, 14. -
3^^ 4% 8'-?, 9\ (6) Ez., VII, S't\ G''. (8)
encore la vanité des idoles qu'ils ont sculptées avec ces métaux et
dont Yahweh va faire des ordures ou qu'il va livrer aux étrangers (1).
Il leur faut se préparer aux derniers malheurs,
carde son abandon
et de sa colère Yahweh donne la preuve la plus terrible en permet-
tant aux hommes de violence de profaner son joyau et d'entrer dans
son temple (2). Le temps est venu de préparer les cliaiiies, car voici,
mandé par le Dieu d'Israël, le peuple qui, par son idolâtrie, ses
sortilèges et ses superstitions sans nombre, mérite d'être appelé de
tous le plus méchant. va s'emparer des maisons, profaner les lieux
Il
après l'événement; il est au moins aussi juste de dire que les nom-
breuses expériences du passé, d'un passé encore récent, suffisent à
expliquer pareille justesse de détails. Aussi bien la description est-
elle maintes fois interrompue par des allusions aux iniquités de Juda
qui motivent la catastrophe (5) et elle aboutit comme par un mouve-
ment tout naturel au leit-motiv : « Et ils sauront que je suis Yahweh !
»
III
(1) Ez., Ml, 18-21. — (2). Ez., VII, 22. — (3) Ez., vii,' 23-2G», — (4) Ez., vu, 26''-27". —
(5) Ez., VII, 13''.S l'J's 20, 2:i'', 27''. — (6) Ez., viii, 1. —(7) Ez., xxj 1. — (8) Ez., xxiv, 1.
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. . 355
(1) Ez., xm; XIV, 1-11. — (2)Ez., xui, 17-23. —(3) Ez., xm, 2% 3, 6, 7, 8, 9"« ;
cf. xxn,
28. — Ez., XIII, 4. — (5) Ez., xm, 10^ 14. — (6; Ez., xiii, 11, 12. — (7) Ez., xm, 5. —
(8) Ez.,
(4)
xm, 10% 16. — (9) Ez., xm, 13-16. — (10) Ez., xm, 9'.3. — (11) Ez., xiv, 1-8.
—
(12) Ez., XIV, 9-1).
356 REVUE BIBLIQUE.
du roi lui-même. Juda était tout à l'heure une lionne qui avait assisté
impuissante à l'infortune de ses lionceaux. Il est maintenant com-
paré à une vigne (i). Vigne jadis plantée sur le bord des eaux, riche
en fruits et branches fournissaient des sceptres de souve-
dont les
rains, elle a été arrachée avec fureur, pour être plantée dans le désert,
où elle s'est desséchée, brûlée par le feu; elle n'a plus de rameaux
puissants, de sceptres pour dominer (5). Ce n'est plus seulement
un roi, c'est la dynastie elle-même qui est frappée de condamnation.
Mais, plus encore que cette lamentation, la parabole des aigles et du
cèdre (G) fournit à l'historien des détails précis. La date en est, il est
n'est pas en vain qu'on viole une alliance et des serments dans les-
quels Yahweh a été pris à témoin (6). Le roi ira expier son crime chez
celui-là même auquel il aura manqué de fidélité (7).
Ses guides et ses chefs conduisaient ainsi le malheureux peuple
dans la voie du crime. De fait, en un tableau (8) de peu de temps
antérieur à la grande catastrophe, le prophète nous montre toute la
masse de la nation lamentablement gangrenée, pareille à une terre
que la pluie n'a pas de longtemps purifiée. Les princes y multiplient
leurs violences et leurs rapines, les prêtres manquent à leurs devoirs
les plus essentiels, les prophètes jettent l'illusion par leurs vains
oracles, les magistrats sont rapaces jusqu'à la suprême violence;
le peuple les imite par ses crimes, ses vols, son inclémence vis-à-vis
(1) Ez., xMi, 17. Sans doute, tant qu'Apriès n'eut pas effectivement commencé à porter
secours à Sédécias Jer., ïxxvii, 4-6), un tel langage était à la rigueur possible. Toute-
(cf.
fois, indépendamment de la lumière qui lui venait de la révélation divine, Ézécliiel était
trop bien informé sur ce qui se passait dans l'Ouest pour méconnaître à ce point l'esprit
résolu, actif d' Apriès. —
(2) Ez., svn, 2-10. —
(3) Telle avait été perpétuellement la
marche des événements au huitième siècle et au septième, ainsi que l'attestent les écrits
d'Osée, d'Isaïe, de Jérémie. — (4) Ez., xvii, 17. —(5) Ez., xvii, 9, 10. — (6) Ez., xvii, 15,
(8) Ez., XXII, 24-31. On remarquera que ce petit oracle paraît vouloir passer en revue
toutes les classes de la société : prophètes (vers. 2'i], pivUes ,vers. 26j, grands (vers. 27},
prophètes (vers. 28), peuple (vers. 29). Mais les prophètes sont nommés deux fois, tandis
qu'il n'est pas fait mention des princes. Or, d'une part, des deux textes consacrés aux pro-
phètes, le second seul énumère des griefs eu rapport direct avec les fonctions prophétiques
(vers. 28); d'autre part, au vers. 25, le grec porte ^; ol àyyiyo-Vsvoi, et le contexte cadre
avec cette leçon. Aussi corrige-t-on d'ordinaire H^Nl^: Iwp en rriNit;: -|*^*n.
358- REVLE BIBLIQUE.
des faibles. n'y a personne qui puisse se tenir sur la brèche pour
Il
ils viendraient en exïl; là, par leur conduite criminelle et leurs mau-
arbres de la forêt. Or, de tous les bois, celui de la vigne est le plus
inutile; il bon qu'à alimenter le feu et, quand la flamme Ta
n'est
atteint, on n'en peut absolument plus rien tirer (8). Telle Jérusalem :
une vigne inutile! Déjà le feu l'a attaquée en 598, il achèvera bientôt
son œuvre (9).
doctrine, révélée est en plein développement, des points de vue nouveaux de l'action provi-
dentielle se manifestent les uns après les autres, en attendant que leur juxtaposition intro-
duise entre eux une complète harmonie et estompe les couleurs les plus vives et les plus
tranchées.— (3) Ez., xiv, 13-20. — (4) Ez., xiv, 21-23. — (5) Is., v, 1, 2"'«. — (6) Is., v,
2i.i._(7) Cf. Os., XI, 1-4; Jer., u, 1-7; etc. — (8) Ez., xv, 1-5. — (9) Ez., xv, 6-8.
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 359
est pour des jours nombreux, c'est pour des temps lointains qu'il pro-
phétise (2)1.. » Ézéchiel ne se laissait pas désarçonner « Je ferai :
(Vulg. XX, 46-48;. — (5) Ez., xxi, 5-10 (Vulg. xx, 49-xxi, 5). On remarquera que le
prophète se sert d'une nouvelle parabole pour expliquer celle qui précède. — (6) Ez., xxi,
(1) Ez., VIII, 14, 15; les femmes paraissent ici francliir la porte septentrionale du par-
vis intérieur. Au \ers. 16, il n'est pas sur ijue les vingt-cinq hommes qui sont dans dans
le parvis intérieur soient des prêtres; même le nom d'anciens, qui leur est donné plus
loin (IX, 6), semble exclure cette hypothèse. — (2) Ez., mii, 5. L'idole de la jalousie paraît
identique à la statue d'Astarlé qui, d'après II Reg., xxiu, (>, se trouvait dans la maison de
Vahwch (cf. II Reg., xxi, 7). '— Cî) Ez., vin, 10-1'>. — (4) Ez.. viii, 14. — (.5; Ez., viii, 16.
(6) Ez., viii, 17. Au lieu de DSN « leur nez », on lit d'ordinaire i2Nt « ils envoient à
nuit rOTZ" est incertain). La tradition massorétique considère dSN' comme un TihUnn
hussôp^"'rim (correction des scribes) de "iSN. — (7) H Reg., xxi, 1-7; xxiii, 4-:^i. —
(8) Ez., IX, 1, 2, 5-7.
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 361
Manassé avait rendu vaines les mesures prises par Ézéchias (1), de
même Joachim laissa libre jeu aux mondains désireux de rétablir
les usages qui avaient été proscrits; quant à Sédécias, quels que
fussent ses sentiments personnels, il était trop faible, trop irrésolu,
pour se faire l'àme d'une réaction dans le sens de l'orthodoxie. De là
sans doute les jugements sévères que les livres historiques portent
cité, à commencer par ceux qui souillent les saints parvis (4), puis
l'incendie de la ville (5). Mais dans cette œuvre se manifeste le
façon très nette des oracles d'Osée renfermés dans les chap. iv, 1-xiv, 1. — (4) Ez., ix,
Yahweli parait sur le seuil même du. sanctuaire (1). 11 n'y demeu-
rera pas longtemps. Prenant place sur le char mystérieux des appa-
ritions, il sort des parvis et s'arrête à la porte orientale (2). Enfin
un dernier vol le conduit sur la colline qui est à l'Est de la cité, sur
le mont des Oliviers (3). C'en est fait : Yaliweli n'est plus clans son
Temple, il n'est plus dans sa cité sainte; sur celle-ci tous les maux
peuvent fondre désormais sans qu'il s'en préoccupe; de ses ruines
elles-mêmes tous ceux qui l'aimaient comme la demeure du Très-
Haut peuvent se désintéresser.
Même à cette heure où son attention semblait se concentrer tout
entière sur les prévarications spécifiquement religieuses, Ézéchiel ne
perdait pas de vue les exigences morales de son Dieu; Yaliweh ne lui
déclarait-il pas qu'à leur tour les violences et les rapines qui désho-
noraient la capitale et tout le pays contribuaient à attirer sur eux
l'anathème (4)? Bien plus, dans une vision secondaire qui, elle aussi,
se déroulait dans le cadre du Temple (5), le Très-Haut dénonçait au
prophète les chefs du peuple. Il articulait contre eux trois griefs. Il
leur reprochait de méditer l'iniquité, de donner de mauvais conseils
dans la ville, d'y exercer par leurs' injustices toutes sortes de vio
lences (6). Il dénonçait ensuite leur vaine sécurité : « Ce n'est pas
si proche, disaient-ils; bâtissons des maisons (7)!... « Prenant à leur
compte un proverbe courant et comparant
une chaudière, la cité à
ils se félicitaient d'être la chair qui y trouve un abri (8). Dans cette
(I) Ez., IX, 3^; X, 4. — (2) Ez., x, 18, 19. —(3) Ez., xi, 22, 23. — (4)Ez., viii, l?»-"; ix, 0.
daire. —
11 va de soi que la question de critique textuelle h la([uelle nous donnons quch|ue
attention n'a aucune conséquence pour ce <iui regarde l'authenticité de l'oracle de xi, 1-21.
(6) Ez., XI, 2, 6. —
(7) Ez., xi, 3". Le sens de ce membre de phrase est douteux. —
(8) Ez., XI, 3''. — (9) Ez., XI, 7.
L'AME JlIVE AU TEMPS DES PERSES. 363
pés par le glaive (J). Telle sera l'expiation de leur désobéissance aux
ordonnances divines. L'effet de la déclaration de Yaliweh est tel que
subitement l'un des chefs est frappé de mort (2), Recueillant encore
d'autres paroles qui se disaient à Jérusalem au détriment des exilés
et exprimaient le sacrifice facile que Ton faisait de leur présence, le
IV
C'est donc avant tout sur les désordres du présent que la grande
vision de l'an 6 concentrait l'attention d'Ézéchiel. Celui-ci n'ou-
bliait pas pour cela la loi unes aux autres
de solidarité qui relie les
(1) Ez., XI, 9-11. — (2) Ez., XI, 13. — (3) Ez., xi, 14-21. — (4) Jer., xv, 4; cf. II Reg.,
XXI, 10-15; xxu, 15-17; xxiii, 26, 27; xxiv, 3, 4; II Chron., xxxvi, 14-16. Cf. aussi, A
propos d'Israël, la même loi de solidarité exposée dans II Reg., x\ii, 7-23. — (5) Jer., ii, 7,
20-22 ; vn, 12-15, 21-28 ; etc. — (6) Ez., xvi. — (7) Ez., xx. — (8) Ez., xxni. — (9) Cf. Jer.,
m, 6-iv, 2.
364
REVUE BIBLIQUE.
gieuses. Il nous faut saisir les grandes idées de ces prophéties qui
comptent parmi les plus étendues du recueil.
comme le dit le voyant, de raconter les abominations des
Il s'a-^it,
pères (1).
plongent très loin leurs racines. Par ses origines et
Or elles
est de race cananéenne son père
sa naissance, en effet, Jérusalem ;
initiale. Telle mère, telle fille la Hethéenne n'a-t-elle pas rejeté son
:
fut mal accueillie; non seulement on ne lui donna pas les soins les
plus indispensables, mais on l'exposa sur la face des champs (5). Elle
ment et une alliance, et elle fut à lui (7). Il la couvrit des plus belles
parler de contradiction. D'une part, en effet, Osée Jérémie ne remontent pas plus loin
et
dépassé lépo(iue de l'entrée en Canaan. Ézéchiel pousse plus. loin ses investigations. De
et il la trouve dans l'atavisme du peuple
celte inconduite précoce il cherche l'explication,
choisi. Avant une nation païenne (cf. Jos., xxiv, 2), pareille
l'élection divine, Israël était
aux autres nations païennes; idolâtre et immoral comme elles, il avait des aflinités par-
ticulières de tendances avec les peuples qu'un jour il chasserait de Canaan. Les
faveurs
divines n'ont pas eu raison de ces atavismes et vite leur influence a prévalu sur un pre-
gines a une seconde raison d'être; il met en relief que tout ce qui a jamais distingué
(7) Ez., XVI, 8. Ézéchiel exploite en lui donnant un sens moral quelle était dordi-
ici,
naire loin d'avoir, celte idée, fréquente chez les Sémites, que les dieux son! les époux des
peuples qui les honorent; mais, en même temps, il marque dune façon très nette que le
li£n qui unit Yahweh à son peuple, loin d'être un lien de nalure pareil à celui que les
l)aiens établissaient entre eux et leurs dieux, est le résultiit d'un choix parfaileincnt libre.
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 365
(( votr'e Dieu, » ce jour-là j'ai levé ma main vers eux pour les faire
sortir du pays d'Ég-ypte et [les amener] dans un pays que j'avais
exploré pour eux, où coulent le lait et le miel; c'était le joyau de
tous les pays (2). » Plus condensé, ce texte est quand même plus expli-
cite. On n'y remonte pas, il est vrai, jusqu'aux patriarches, mais, à
(1) Ez., XVI, 9-14. — (2) Ez., xx, 5, 6. — (3) Ez., >;xm, 2-i. Dans ce passage, le langage
de Yahweh trouve son explication dans la reconnaissance de la légitimitéde la polygamie
en Israël. — (4) Ez., xvi, 15-22. — (5) Ez., xx, 7, 8; xxiii. 19. Ni Osée, ni Jérémie ne par-
lent de ces idolâtries d'Egypte. — (6) Ez., xx, 10-12, 19, 20, 21.
36« REVUE BIBLIQUE.
demeure attaché (1), il ajoute des résistances directes à son Dieu (2).
venait disputer leur sol. Ce fut l'époque de ces désordres sans nombre,
de ces adultères répétés que le premier oracle semble décrire avec
(1) Ez., XX, m\ 18'', 24''. — (2) Ez., XX, 13, 16". — (3) Ez., x\, 15. — (4) Ez., xx, 23.
volontaire, de son obstination. La même pensée inspire les paroles que Yahweh dit à
Ézéchiel. Ce ne sont pas les lois qui, en elles-mêmes, sont mauvaises, inapte.s à entrete-
nir la vie; au contraire, le propre des lois divines c'est d'assurer la vie à ceux qui les
pratiquent (Ez., xx, 11, 13, etc.). Mais Yahweh a permis que, dans leurs apostasies, les
Israélites regardent comme venant de lui des coutumes de mort, en réalité issues du
fond pa'ien de leurs âmes; il a permis qu'ils s'y astreignent comme à des ordonnances
divines, alors qu'ils refusaient d'observer celles qui leur eussent procuré la vie; il a permis
sans doute aussi qu'ils interprètent en ce sens des ordonnances authentiques qui avaient
une autre portée. L'exemple allégué est celui des sacrifices des premiers-nés qu'au nom
de Yahweh, le prophète lui-même condamne en plusieurs endroits (xvi, 20, 21; xx, 31";
xxii, 3'', etc.). Ces sacrifices, en vigueur dans la plupart des religions sémitiques, étaient
souvent olïerts par les Israélites au Moloch ammonite. Mais il paraît bien (ju'ils les of-
fraient aussi, notamment dans la vallée de Toiiheth, à Yahweh lui-même. De là l'indignation
de Jérémie attestant que le Dieu d'Israël n'avait jamais rien ordonné de semblable (vu, 31 ;
28i' (Vulg.
XIX, 5). On pouvait toutefois entendre en ce sens les ordonnances d'Ex., xxii,
29''j; xxxiv, l<). Une telle exégèse était manifestement fausse (cf. Ex., xxxiv, 20''«); mais
pris que les maux causés par les Philistins étaient la peine de cette
idolâtrie, et il s'est laissé priver d'une part des dons divins sans
changer de conduite (10); il a toujours continué de regarder avec
sympathie vers la terre des pharaons (11). Cependant le cours des
événements a amené l'épouse infidèle à prêter attention aux Assy-
riens; elle s'en est aussitôt éprise et a tout fait pour les attirer i'12). Ici
l'allégorie fait une distinction qui ne figure pas dans le premier ora-
cle. Des deux sœurs, ce fut d'abord Oholah qui entama avec Ninive
(1) Ez., XVI, 15-34. — (2) Ez., xvi, 15-21. — (3) Ez., xvi, 30-34. — (4) Ez., xvi, IG: \x,
29. — (5) Ez., XX, 28. — (6) Ez., xvi, 23-25, 31. — (7) Ez., xvi, 17. — (8) Ez., xvi, 20, 21.
— (9) Ez., XVI, 26; xxiii, 3. — (10) Ez., xvi, 27. — (11) Ez., xxiii, 19. — (12) Ez., xvi, 28.
— (13) Ez., xxiii, 5-10. — (14) Jer., m, 6-iv, 2. — (15) Ez., xvi, 47, 52. — (16) Ez., xvi, 51.
3fi8 REVUE BIBLIQUE.
charme des Assyriens (2) puis elle s'est prostituée aux Chaldéens,
;
son sein (4). Elle gardait toujours des sympathies pour les Égyptiens
et, en la personne de Joachim et de Sédécias, elle est retournée
vers
filles (7). Et, sous l'image des peines réservées aux femmes adultères :
l'idolâtrie et aux rites sanguinaires dont elle est trop souvent l'occa-
sion (13). Ce.sont ces crimes qui, plus que les autres, hâtent le temps
de la malheureuse cité, qui vont en faire la honte et la risée des
nations (14). L'heure du jugement est imminente; seul il pourra
(1) Kz., XVI, 'i8-50. — Ez., xxiii, 11-13. — (3) Ez., xvi, 2<) xxiii, 14-17''«. — (4) Ez.,
(2)
—
;
xxiii, ITi'.i. — (5) Ez., XXIII, 18-21. — (6j Ez., xxiii, 31-35. — (7) Ez., xxiii, 22-27.
(8) Ez., xxiii, 28-30, 45-49; xvi, 35-38, 40-42. — (9) E/.., xvi, 39".ï-« ; xxiii, 28-30. — (10) Ez.. xx,
30, 31. — (11) Ez., XXII. —(12) Ez., xxii, 2-13. Toucbaiil les divers reproches que iormule
le prophète à cet endroit, vide infra, p. 402-405. — (13) Ez., xxii, 4. — (14) Ez., xxii, 3*?,
4*T\ 5.
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 369
jette l'argent et l'or pour les fondre et les épurer (2). L'allusion à
l'incendie de la Ville Sainte était des plus nettes.
Dans l'allégorie, Ézéchiel lui-même avait été invité à prononcer le
jugement, tant la cause était claire (3). Il importait en ellct que la
leçon profitât aux ceux-là surtout qui pouvaient être tentés
exilés, à
Il n'en peut pas être ainsi; Israël ne saurait être comme les autres
tiner dans cette pensée, qu'à main forte, à bras étendu, à courroux
répandu, Yahweh lui imposerait son autorité (6). S'il le fallait, il
le rassemblerait des pays où il est dispersé et le mènerait au
(l>Ez., XXII, 13-16. — (2) Ez., xxii, 17-22. — (3) Ez., xxiii, 36-400-., 42. — (4] Ez., xx,
30, 31. Noter, ici encore, l'allusion très claire aux fautes commises en terre d'exil, môme
par les chefs du peuple, — (5) Ez., xx, 32. — (6) 34, 35^ Le
Ez., xx, 33. — (7) Ez., xx,
pays d'Egypte » on peut d'ailleurs y voir une allusion au grand désert syrien.
;
(8) Ez., —
IX, 35''-39.
370 REVUE BIBLIQUE.
des générations actuelles avec les anciennes, devait laisser des traces
profondes dans les esprits. Le premier résultat serait d'amener les
exilés fidèles à admettre la chute de cette ville, la ruine de ce pays
dont ils auraient détaché leurs cœurs, de les faire s'accoutumer à
cette idée et s"y résigner; il serait désormais entendu que, exception
faite d'un petit nombre de justes, la génération palestinienne actuelle
expierait, avec sespropres crimes, les fautes séculaires. D'autre part,
aux fidèles —
à ceux de l'exil notamment il faudrait, par leurs —
vertus, leurs mérites, leurs souffrances, contribuer présentement à
atténuer la rigueur des châtiments divins. Seule la captivité ari'ête-
rait ce courant funeste des responsabilités. A une condition encore.
La génération actuelle aurait pu, par une conversion radicale; se
dégager du fardeau qui pesait sur elle et arrêter la catastrophe.
L'application, par analogie, du principe éclairerait l'histoire des
tenq)S postexiliens. Seule une vie nationale de tout point conforme à
la volonté de Dieu assurerait l'œuvre de la restauration. Le désordre
persévérerait-il en Juda ou viendrait-il à y renaître, que la colère
divine y sévirait à nouveau, plus terrible même que par le passé; de
nouveau, la loi de solidarité relierait au passé les générations pré-
sentes et empêcherait la réalisation des promesses; de nouveau le
vieux diction retrouverait son a[)plication : « Les pères ont mangé des
raisins verts et les dents des fils en sont agacées (1) ». La communauté
postexilienne devait vivre de ces principes et de ces convictions.
Toutes les âmes sont à moi; Tâmc du fds comme l'àme du père
est à moi; l'âme qui pèche sera celle qui mourra (1) ».
On ne saurait méconnaître l'opposition qui existe entre ces deux
attitudes du prophète. Divers critiques l'enregistrent au passif d'Ézé-
chiel, en plaidant en quelque sorte les circonstances atténuantes; ils
insistent, comme par une sorte de compensation, sur la grandeur et
la fécondité de chacune de ces idées, prise à part, [l en coûte quand
même de mettre au compte d'un prophète de pareille envergure une
contradiction pure et simple, et il est tout naturel de se demander si
ces deux séries de déclarations portent sur le même objet. Au sujet
du principe de solidarité aucun doute n'est possible; il est posé en
vue des événements qui doivent se dérouler immédiatement, de la
ruine de Jérusalem et de la déchéance de Juda. On est en conséquence
porté à penser que c'est en vue d'une autre perspective que le pro-
phète condamne le vieux proverbe. Ici toutefois les précisions sont
des plus nécessaires. Même dans le châtiment de Jérusalem, Yahweh
gardera les règles de la plus stricte justice. Une fois sans doute, Ézé-
chiel parle de l'épée qui, dans une même œuvre d'extermination, con-
fondra le juste et le méchant (2) mais on est en poésie et il s'agit
;
soit la gravité du fléau, il épargnerait des justes tels que Noé, Daniel
(1) Ez., XVIII, 3, 4. — (2) Ez., xxi, 8, 9. — (3) Ez., xiv, 21-23. — (4) Ez., xiv, 12-20. —
(5) Ez., IX, 3'', 4, 6'.i, 11.
3^2 REVUE BIBLIQUE.
doit châtier leurs fautes. Rien n'indique dès lors que ce soit en vue
des circonstances présentes, en faveur de toute la génération actuelle,
des Judéens de Palestine et de ceux de Chaldée, qu'Ézéchiel veuille
abolir l'ancien dicton.
Mais nous nous heurtons à une opinion des critiques, consé-
ici
d'autre part, quel rôle le prophète d'Anathoth (^i) et celui des rives du
Chobar (5) attribuaient aux captifs, et très spécialement à ceux de 598,
dans les réalisations futures. N'est-il pas dès lors tout indiqué que,
vivant au milieu de ces captifs, témoin aujourd'hui de leurs présomp-
tions et demain de leurs découragements, le prophète se préoccupe
(1) .1er., m, i:)-18, 21-2.5; iv, 1, 2, 27: xviii, 8, 9; xxv, 12-14; elc. — (2) Jer., xxvii, 7
xxix, 10-14. — (3) Jer., xxix, io-14. — (4) Jer., xxiv, 5-7. — (-î) Ez., xi, 14-21.
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 373
les espérances n'étaient pas pour tous les exilés, elles n'étaient pas
pour ceux qui renouvelaient en terre de Ghaldée les prévarications
qui avaient attiré les suprêmes châtiments sur le malheureux pays
de Juda. Le devoir d'un chacun était, en conséquence, de se rendre
digne de prendre sa part de Tœuvre à accomplir. Or c'est en ce
sens que nous parait le mieux s'expliquer la condamnation du vieux
proverbe et la manière dont elle est développée. Aussi bien, dans
un oracle postérieur à celui d'Ézéchiel, .lérémie à son tour déclare
périmée la vieille formule du principe de la solidarité des générations
successives (1). Mais, à cet endroit, le contexte est des plus clairs :
méchant sera sur lui (1). « On pouvait ainsi détacher ses regards du
passé; on n'avait plus rien à en redouter. On pouvait en revanche
contempler l'avenir; la race juste qui serait le point de départ de
l'Israël nouveau serait uniquement constituée par les individus qui
(1) Ez., XVIII, 20. — (2) Ez., xMii, 5-9. — (3) Ez., xviii. 10-13. — ('<) Ez-, xMn, l'i-l'J.
— [b) Ez., xviM, 21-23, 27, 28. — (6) Ez., xviii, 24-26. — (7) Ez., wiil, 30-,,32.
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 37C
rel une action apostolique dont l'objet serait d'amener ceux qui se
laisseraient persuader à conformer, par une invincil)lc persévérance
ou un retour sincère, leur vie à l'idéal qu'il leur prêchait. De fait,
personne ne doute que telle ait été Tattitude d'Ézéchiel à partir de .587.
On fait état en ce sens de cette sorte d'appel qui prélude à la
deuxième phase de sa carrière (1). A cette date, le prophète a cons-
cience d'être établi comme une sentinelle sur le pays, afin d'y sur-
veiller les mouvements d'un chacun et de lui transmettre la parole
de Yahweh (2). Il a non moins vivement conscience de la grave
responsabilité qui, de ce chef, pèse sur lui ; se sentant pasteur d'àmes,
il a mission, sous peine d'engager son propre salut, de
sait qu'il
dire à chacun ce qui peut le maintenir dans la bonne voie ou l'y
ramener (3). On remarquera avec soin que ce nouvel appel est accom-
pagné d'un résumé des principes d'individualisme que nous venons
d'exposer (4) cette constatation a son importance pour la solution
;
(1) Ez., xxxm, 1-20. — (2) Ez., xxxiii, 2-9. — (3' Ez., xxxm, 6, 8. — (4) Ez., xxxni,
12-20.— (5) Ez., m, 16-21.
(6) Ea réalité, le vers. 22 présente un trait qui n'est pas toujours rendu par les versions
et qui crée un véritable tieurt : main de Yahweli fut
« Et la là sur moi ». Il est incontes-
table que le mot 2^17 trouve son explication, non dans les vers. 16-21, mais dans le
vers. 15,
,
quoi(jue d'une façon implicite. Le milieu n'était pas encore mùr pour
cette expérience; Ézéchiel rencontra de l'opposition, une opposition
qui semble avoir été, sinon générale, du moins fort importante.
Comme il est dit dans la péricope suivante, si le prophète ne doit
plus « sortir au milieu deux », s'il ne doit plus « être pour eux un
censeur maison rebelle (4.), c'est qu'ils parti-
», c'est qu'ils sont une
cipent aux dispositions générales de la maison d'Israël. Et c'est ce
qui cxpliijue, aux yeux du voyant, cette infirmité providentielle —
cause matérielle de son abstention sur laquelle le texte se plaît à —
insister et qui désormais le retiendra à peu près constamment dans
sa demeure (5). l\cnoncera-t-il pour autant au ministère dont son
(1) « (m, IG") Et il arriva à la lia de sept jours (22°) et la main de Yahweh fut lu sur
moi. » — {2j Ez., II, 2-1II, 11. _ (3; Et., m, 16-21. — (4) Ez., m, 25'', 2(i. —
(5) Ez., m,
24-27.
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 377
mât à l'adresse de tous, Ézéchiel posait, ici encore, des principes qui
devaient avoir un lointain et immense retentissement. Jusqu'à cette
date, c'était l'unité nationale qui avait surtout compté; les individus
étaient au second plan, enveloppés tour à tour dans les bénédictions
et les anathèmes à l'adresse de l'ensemble. C'en est fait de cette
subordination. L'individu vaudra désormais par lui-même. Dès main-
tenant et même sur la terre de Palestine, il dépendrait d'un chacun
de se désolidariser de la perversité universelle et du châtiment qui
la doit punir. A plus forte raison, sur la terre d'exil chacun peut
suivre sa voie en toute indépendance et sans avoir à craindre le
contre-coup de ce qui se passe en Palestine; chaque individu peut
travailleren vue de ses propres intérêts. Il y a plus. Si l'on regarde
vers l'avenir, c'est la destinée du peuple qui se trouve subordonnée
aux individus; ceux-là seuls pourront travailler efficacement à la
restauration nationale que leur justice individuelle rendra dignes de
ce privilège, et la restauration nationale ne s'opérera avec toute la
splendeur attendue que dans la mesure où il se trouvera un groupe
de justes assez important pour la procurer. Ces pensées seront la
grande consolation de ceux qu'affligera, même après l'exil, la per-
versité persistante de la masse du peuple et qui y verront l'expli-
cation des délais divins et de leurs propres déceptions. Au moins
pourront-ils se dire qu'ils ne négligent rien de ce qui peut amener
les heureux avènements après lesquels le véritable Israël soupire;
à défaut de ces grandes réalisations, dont ils auraient tant de joie à
être les témoins, ils auront au moins la certitude de sauver leur âme
propre.
(1) Rapprocher, dans Ez., xxxiii, les vers. 1-20 et les vers. 21, 22. — (2) Ez., xviii.
VI
(1) Cf. Ez., XXII, 6, 25, d'une part, et, de l'autre, Am., ii, 6-S .'); m, O'-r, 10; m, 3-6(?) ;
lô'.i; VI, 3-6; Viil, i-0; Is., i, 23; ni, li, 15; Mi., il, 'i, 9; UI, 1-3, (Ml"«.
LAME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 379
ralité, ses cruautés, ses vols, sa dureté envers l'étranger (1). Pour
plusieurs de ces thèmes de jugements, il faut, entre autres références,
renvoyer à un tableau d'ensemble des prévarications nationales qui
est tout à fait à la manière des inspirés des âges précédents (2). Il
n'y a pas à être surpris de constater des rapprochements plus nom-
breux avec les prophéties de Jérémie. Il y en a de caractéristiques :
tateuque. C'est ce qui arrive par exemple, lorsque Ézéchiel parle des
vexations envers l'étranger (5), le pauvre (6), le malheureux, l'orphelin
et la veuve (7), de l'accueil fait aux présents corrupteurs (8), de
l'intérêt et de l'usure (9). 3Iais les rapprochements deviennent beau-
coup plus frappants à propos d'un certain nombre de détails con-
crets du programme de notre voyant.
Le Livre de la Loi renferme, nul ne l'ignore, trois codes princi-
paux le code de l'alliance, le code deutéronomique, le code sacer-
:
(1) Cf. Ez., via, 17'"''; ix, 9=v ; xxii, 6, 9»\3, 11, 12'', 29, d'une part, et, de l'autre, Os.,
1''.
IV, 1-4, 11, 14; vit,
(2) Cf. Ez., XXII, 24-31, d'une part, et, d'autre part, Is., v, 8-24.
(7) Ez., XXII, l^;cL Ex., xin, 21-23 (Vulg. 22-24); Deut., xxiv, 17; xxvii, 19.
(8) Ez., xxn, 12>; cf. Ex., xxiii, 8; Deut., xvi, 19.
(9) Ez., xxn, 12''' (wiu, 8^'^ 17»?); cf. Ex., xxii, 2i (Vulg. 25); Deut., ixill, 20, Jl
ce qui est profane (6), On les condamne encore parce qu'ils n'en-
1) Ez., xxii, 9"; cf. Lev., xix, IG"». — (2) Ez., xxn, 10'' (xvili, 6''?); cf. Lev., xviii, 13:
XX, 18; [xv, 24]. — (3) Ez., xxii, 11"? ; cf. Lev., xviii, 15; xx, 12. — (4) Ez., xxu, 8° (« mes
choses saintes » et non « mon sanctuaire »). — (5) Lev., xvii-xxvi. — (6) Ez., xxii, 26''r.
(10) Ez.,xxn, 10'; cf. Deut., xxiii, 1 (Vulg.-xxii, 30): xxvii, 20; Lev., xviii, 8; xx, 11.
(11) Ez., XXII, 11''; cf. Deut., XXVII, 22; Lev., xviii, 9, Il ; XX, 17.
(12) Ez., xxu, 7"«; cf. Ex., xx, 12 ; xxi, 17 ; Deut., v, 16 ; xxvii, 16 ; Lev., xix. 3"«; xx, '.(.
(13) Ez., xxu, T1-; cf. Ex., xxii, 20 (Vulg. 21); xxiii, 9; Deut., x, 19; xxiv, 17; xxvii, 19;
Lev., XIX, 33, 34.
(14) Ez., xxn, 11»» (xviii, 6''', \\H, 15''); cf. Ex., xx, 14; Deut., v, 17'' (Vulg. 18;; xxu,
(16) Ez.,xx, 12, 13, 16, 21,24; xxil, 8, 26; xxni, 38 ; cf. Ex., xx, 8-11; xxni, 12; [xxxiv, 21];
Deut., V, 12-15; Lev., xix, 3"?, 30"-: xxvi, 2"« (en son tenant à la seule Loi de sainteté).
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 381
(2) Ez., xxii, 12-^; cf. Ex., xxni, 8; Deut, \vi, 19.
xvHi, 7^P, 12-T, 16'?; cf. Ex., xxii, 25, 26 (Vulg. 26, 27); Deut.,
xxiv, 12, 13.
(3) Ez.,
Dans Ézéchiel, opprimer l'étranger se dit p^^î?? 1^7^ 13^ (xxii, 7) ou IfinTN
(4)
XXI.V, 17; XXVII, 19). Dans la Loi de sainteté : r\m 15 (Lev., xix, 33). — Dans Ézéchiel,
mépriser père et mère se dit : ^^jDn DNi IN (xxii, 7-). Dans le Code de l'alliance :
sainteté : SSp (Lev., xx, 9). - Dans Ézéchiel, commettre V adultère se dit ny.\S-riX
SD^T (Deut., xxn, 22). Dans la Loi de sainteté inVl riwNTIî;? =]NJ
Sy3-nSs?n n-^^ix-D'i :
(Lev., XX, 10). — Dans Ézéchiel, prendre usure et intérêt se dit np"? nl2inl "jUJ:
Code de l'alliance non sans un rapport plus large avec celle du Deuté-
ronome (2). La raison de cette apparente anomalie est facile à donner.
Eu réalité, le prophète ne fait pas de citations proprement dites.
Les principes sur lesquels il fonde ses jugements lui viennent, à la
vérité, des textes législatifs mais de ces textes il s'inspire plus qu'il
;
(1) Dans Ézéchiel, l'inceste commis parle fils avec la femme de so.i père (qui n'est pas sa
mère) est ainsi exprimé : nSfl 2N 7\'r\V (Ez., xxii, 10='). Dans le Deutéronome :
=^^9 «iSm
l'i^K (sans parler de la formule directe lUN nurN-rx Wph , Deut., xxm, 1 [Vulg. xxii, 30],
ou llnx rr^TN^ny ^Z'à, xxvu, 20). Dans la Loi de sainteté : r]hs, [DX nliy'l] nx rTCJ
(Lev., xvui, G; XX, 11). — Dans Ézéchiel, lincesle avec la sœur paternelle s'expiime par
n:!r Ti2N-n2 inriN-nx (xxn, 11''). Dans le Deutéronome Tizx~nn innx~aî; 2wU;
:
(Deut., XXVII, 22). Dans la Loi de sainteté : nl'^ [IJI^NTIZ [l]nnx n^i* (Lev., xviu, 9; et
(2) Dans Ézéchiel, opprimer la veuve et l'orphelin se dit n:i~ Hj-^SnT Din^ (xxn,
:'). Dans le Code de l'alliance :
~:" nin^l HJ^^Sn (Ex., ixii, 21 [Vulg. 22]). Dans le
Deutéronome : HIdSkT nini[~"ia] CSÛ'C .TlSH (Deut., x\iv, 17; xxvn, 19). — Dans
Ézéchiel, recevoir des présents (corrupteurs) se dit npT "Hw (xxn, 12^); de même dans
De même dans le Code de l'alliance [Ex., -xxn, 25 [Vulj;. 2f)]). Dans le Deutéronome:
'ci2>n-rx 2irr; rcn (Deut., xxiv, i3). — (3) Cf. zach., vu, 4-14.
LAME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 383
(8) Os., n, 7 (Vulg. 5), 9 (7), 10 (8), 14 (12), 15 (13), etc. On notera toutefois que, dans
le langage d'Osée, le de Baal (même au pluriel) semble employé pour désigner
nom
Yahweh lui-même et ses statues, tels qu'on les honore dans les sanctuaires.
(9) Am., IV, 4, 5; V, 4, 5, 21-2.">: vu, 9; viii, 14; ix, 1.
(10) Os., IV, 13-19; V, 1-7; VI, 8, 9; viii, 4'-6, 11, 13; ix, 10; x, 5-8; XI, 2; xiii, 1, 2.
(II) Is., I, 10-17; cf. Am., v, 21-25. — (12) Mi., i, 5. — (13) II Reg., xviii, 3, 4 : II
Cliron., xxix-xïxi.
384 REVUE BIBLIQUE.
à tous les sanctuaires; mais, tandis que le Temple purifié demeure (1),
les hauts-lieux sont purement et simplement supprimés (2) non ;
(1) II Reg., xvm, V. — (2) II Reg., wiii, 4". — (.3) II Reg., xxi, 3-7; II Cliron., xxxiii,
3-7.— (4)Jer., II, 20, 23; m, 6, 21, 23. — {:>] Jet., XI, 13: XVII, 1-4. — (6) Jer., il, 23,
25i-
28; m, 2, !», 24; vu, 16-19; Vin, 10-12; xi, 10. 12, 13; etc. — (7)Jcr., vu, 21-23. — (8) Jer.,
VII, 1-11. — (9) Jer., VII, 12-15.
I/AME JUIVE Ad TEMPS DES PERSES. 383
« Yahweh a choisi pour y habiter, pour y faire habiter son nom 1) )>.
dit un mot qui en mette en relief les privilèges, pas même quand il
mon sanctuaire par toutes tes infamies et toutes tes abominations (5) » ;
à elle seule déjà, cette faute suffirait à motiver des arrêts desquels
toute pitié et toute compassion seraient exclues (6). Sur ces infamies
il ne manquera pas de s'expliquer. Occasionnellement il reprendra
le thème de Jérémie et reprochera aux Judéens de venir au sanctuaire
après s'être rendus coupables des forfaits les plus graves, ici, après
avoir immolé en leurs sacrifices sacrilèges des multitudes de victimes
innocentes (7). Mais il approfondira davantage le sujet. Une de ses
visions (8) les plus importantes est consacrée à l'exposé des outrages
qu'inflige à Yahweh, dans l'intime même de ses parvis, la pénétra-
tion de toutes sortes d'idoles, formes diverses du syncrétisme le plus
complexe. Nous l'avons déjà dit : les turpitudes qu'il dénonce sont
bien celles de l'époque de Sédécias; mais, d'autre part, nombreux
sont les points de contact entre sa description et le tableau que le
livre des Rois (9) nous retrace des désordres favorisés par Manassé
et réformés par Josias. On a l'impression très nette que le prophète
et le pieux roi, non seulement sont en présence du même spectacle,
mais le jugent d'après le même idéal. A l'un et à l'autre, c'est le
(1) Deut., XII, 5, 11, 18; XIV, 23; etc. Si, une fois (.1er., vu, 30), il rappelle ce privilège
du Temple, dans un mouvement d'indignation à la pensée des désordres et des idolâ-
c'est
tries dont la demeure divine elle-même est le théâtre (cf. Ez., viii). (2) Jer., xi, 1-10. —
(3) Des paroles telles que .Ter., viii, 19; xiv, 9; xvii, 12, ou bien ne se rapportent pas
prophète pour la demeure de Yahweh. — (4) Jer., m, 16, 17. — (5) Ez., v, IP?. — (6) Ez.,
V, 11>'. — (7) Ez., XXIII, 38, 39; cf. Jer., vu, 9, 10. — (8) Ez., viii. — (9) II Reg. xxm, 4-
son trésor, son bijou caché, qui devrait être à l'abri de toutes les
profanations (3); c'est parce que les fils d'Israël l'ont souillé, parce
que, par leurs crimes, ils ont attiré, comme exécuteurs du châtiment,
des hommes de violence qui y pénétreront pour le souiller encore (4),
c'est pour ces raisons que des fils d'Israël Yahweh détourne les
regards (5). Plus tard le Très-Haut dira tout simplement « ma mai- :
son (6) ». Mais c'est surtout dans la vision de l'an G (7) que le pro-
phète exprime admirablement l'attitude de Yahweh vis-à-vis du sanc-
tuaire de Sion. Tout d'abord il y rencontre la « gloire de Yahweh »,
telle qu'il l'a vue dans la plaine (8), et il semble qu'elle y soit comme
(Ij Jer., MI, 11; cf. vers. 30. — (2) Ez., v, ll^i. — (3) Ez., vu, 22•^ — (4) Ez., \ii, 22''.
— (5) Ez., >ii, 22"'. — ((;)Ez., x\iii, SO"-. — (7) Kz., vui. — (8) Ez., viu,4.— (9) Ez., vni, (>"?.
(10) Il est eo effet possible, bien que moins probable, que l'arche ail été emportée par
Nabuchodonosor des le siège de :m. —(11) Ez.. \iii, 12''; ix. 0''. —
(12) Ez., vin, l'i, 10.
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 387
est venu où, contraint en quelque sorte par les abominations d'Israël
sans doute le pays; expulsé de sa demeure, il n'a plus ^de lien avec
la terre d'Israël.
par rapport au Temple de Jérusalem
Telle est l'attitude d'Ézécliiel :
(1) Ez., ^Tii, 17. — (2) Ez., VIII, 18. — (3) Ez., ix; x, 1-8. — (4) Cf. Ez., xi, 7. — (5) Ez.,
i\, 3; X, 18, 19; xi, 22, 23. — (6) Agg., i, 4-11, 14; il, 3-9, 15-19. — (7) Zacli., I, 16, 17
III; I\, 6'-10'; VI, 12-15; vui, 2, 3, etc.; ix, 8; xiv, 16-19. —(8) Mal., I, 6-14; m, 1-4, 6-12.
— (9) Is., XLiv, 28; lvi, 1-8; etc. — (10) Deut., xii, 5. — (11) Deut., xii, 6-28. — (12) Deut,
XII, 6-28; XIV, 22-27. — (13) Deut., xii, 12; xiv, 26, 27.
388 REVUE BIBLIQUE.
(1) Deul., \vi, 1-17. — (2) Deiil.. xvii, 8-13. — (3) Deul., \ii. 5. — (4) Deul., mi, 11,
14, 18, 21, 2(\; XIV, 23, 24, 2.-); xvi, 2, 6, 11, i:., 16; etc. — (5) Deut., MI, 5, 2.-); Ml, 2, 3.
— (6) Deut., XII, 4, 29-31; XIV, 1, 2; \\l, 21-22; etc.
LAME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 389
étendue sur toute colline élevée et sous tout arbre vert (1). Il décla-
rait ailleurs à .luda Autant tu as de villes, autant tu as de dieux, et
: «
(1) Jer., II, 20, 23; m, 6, 13; etc. — (2) Jer., xi, 13. — (3) II Reg., xxm, 4-24. — Ez.,
(4)
V, 11. — (5) Ez., VI, 2-5; 6-10,13, 14. — (6) Ez., vu, 3, 8. — (7) Ez., vu, 24. — (8)Ez., vni, 5,
10-12, 14, 16. — (9) Ez., XVI, 15-42. — (10) Ez., xx, 28, 29. — (11) Ez., xxm, 7, 8, 12, 17,
19, 30, 37, 39, etc. — (12) Ez., xxil, 4, 9'''^ — (13) Ez., xviil, 6'«, iU, lâ^-'-.
390 REVUE BIBLIQUE.
tragé par leur infidélité, leur infidélité envers moi. Quand je les eus
fait entrer dans le pays que j'avais juré de leur donner, partout. où ils
ont vu une colline élevée et un arbre touffu, ils y ont offert leurs
libations, —
qui comptent parmi les plus légitimes; encore pourrait-on
concevoir quelque hésitation du fait de la mention des « sacrifices qui
excitent ma colère », Le reste du temps, les hauts-lieux sont con-
damnés à cause du culte qu'on y rend aux idoles infâmes (2) même ;
avoir parlé de « manger sur les montagnes (3) ». C'est que la diffé-
rence est grande entre un législateur et un prophète. D'essence, le
premier vise les cas abstraits d'essence, ; le second est l'homme d'un
miheu nettement spécifié et se place de la façon la plus concrète en
présence des circonstances qui l'entourent. Pour celui-ci, il n'ya pas
de haut-lieu in abstracto. Il n'y a que les hauts-lieux tels qu'il les a
vus en terre de Juda, centres d'idolâtrie, rendez-vous de tous les
syncrétismes, souvent véritables panthéons associant, dans la pro-
miscuité la plus suspecte, les divinités d'Egypte avec celles d'Assyrie
et de Ghaldée, les dieux et déesses de Syrie avec ceux de Phénicic, les
baals de Canaan avec Vahweh d'Israël (i). D'après ce qui se passait
au Temple (."3), on peut augurer de ce qui pouvait exister en pro-
vince, plus loin encore de tout contrôle d'orthodoxie. L'on s'ima-
gine quelque chose d'analogue, toutes proportions gardées, à ce que
l'exploration découvre à Pétra. Sur les nombreux pics et cimes qui
i\) Ez., \\. 27, 28. — 2) Ez., VI, 4, 6; \vi, 17, 33; xxil, •!, 4; etc. — (0) Ez., XMii, (V, 15".
(4) Ez., MIK .5, 1(1-12, 14, l(i; xvi, 26, 28, 29; XXIll, 5, S, 11, 12, 14, 19: etc.
(••.) Ez., Mil; cf. H Keg., XXI, 3-7; xxiu, 4-21.
LAME JUIVE XV TEMPS DES PERSES. 391
(1) Cf. I Reg., XII, 28, 29, les veaux d'or de Béthel et de Dan. — (2) Ex., xx, 4, 5; Deut.,
IV, 1.5-19; V, 8, 9. — (3) Ez., VI, 4. — (4) Deut., xvi, 21, 22. — (ô] Gen., xxii, 1-14. —
(6) Ez., XVI, 20, 21 ; XX, 26, 31; xxii, 3, 4. — (7) Ez., XM, 16, 25, 26, 28, 29, 30-34; etc. —
(8j Deut., xxiii, 18, 19 (Vulg. 17, 18).
392
REVUE BIBLIQUE.
nonçant sa sentence, n'avoir en vue que le cas concret qui lui est
soumis, la personne concrète qui est amenée à son tribunal ni les ;
pères ne doivent expier pour leurs fds, ni les fils pour leurs pères (5).
Mais on le sait les jugements humains ne tirent leur valeur que de
:
leur conformité avec les arrêts divins. Bien que sous-entendu dans
un texte où il s'agit surtout des décisions contingentes de la justice
Il semble
terrestre, ce principe est présent à îesprit du législateur.
bien que énoncés que Jérémie l'empruntera; il n est pas
c'est à ces
douteux qu'Ézéchiel s'en inspire dans ses aperçus d'une si grande
précision théorique et pratique.
Nombreuses sont à leur tour les affinités de style que les critiques
se sont plu à souligner dans leurs comparaisons des deux
écrits ils ;
n'ont pas mancjué d'établir les listes parallèles qui peuvent éclairer
ce sujet (6).
ressemblance de
Nous signalerons un point où cette ter-
(1) Cf. Lev., XVII, 3-9. — (2) Ez., xvi, 8. — (3) Dout., v, !>, 10. — (4) Ex., xx, 5, 6.
—
(.)) Deut., XXIV, i(j. — (6) Cf. par exemple celle qui ligure dans S. Driver, An Inlroduc-
tion to Ihe Literature of thc Old Testament, 1' édition, p. 99-102 (à propos du Deutéro-
nome).
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 393
n'hésitaient pas à voir les résultats des révélations dont les pères
avaient été favorisés. Avec Ézéchiel, les formules sont différentes.
Chez lui le devoir s'exprime surtout sous forme d'ordonnances et de
lois (1); il aime à rappeler les préceptes que Yahweh a donnés aux
ancêtres dès les origines de la nation (2). Ce sont ces décrets qui sont
principe de vie et c'est en les observant qu'Israël peut s'assurer le
salut (3). D'autre part, dès le désert, le péché d'Israël a consisté dans
le mépris et l'inobservation de ces commandements [\). Les infidélités
du peuple choisi se sont perpétuées dans le cours de son histoire (5)
et c'est pour les expier qu'il est aujourd'hui condamné à de si sévères
châtiments (6). En conséquence, ceux qui, en vue de l'avenir, veulent
se désolidariser du passé doivent avant tout se préoccuper de mettre
à exécution les lois divines (7) leur observation apparaît synonyme
;
(1) Ez., V, 6, 7, 8. — (2) Ez., xx, il. — f3) Ez.,,xx, 11, 13, 21. — (4) Ez., xx, 13, 16,
18-21. — (5) Ez,, V, 6, 7, 8. — (6) Ez., 'y, 8-10. — (7) Ez., xvm, 9, 17-r. — (8) Ez., xviii,
5, 17-ï. — (9) Ez., V, 6, 7, 8. — (10) Deut., XII, 1. — (11) Deut., xii, 25, 28; xitl, 17, 18
autre fait qui va plus directement à notre sujet. Ézéchiel n'était pas
seul dans son cas; parmi ses compagnons de captivité, y en avait il
d'autres qui, comme lai, avaient dès leur jeunesse pris cette loi en
amour, qui, comme lui, l'avaient étudiée et méditée, qui, comme lui,
(1) Deut., XVI, 18-26; XVII, 8-13; xix, 11-13, 16-21; x\l, 1-9. — (2) Dcul., \ix, Ki, 15-21;
XXV, 1316. — (.3) Deut., XXV, 1-3. — (4) Deut., xxi, 15-17, 18-21; xxii, 13-21, 22, 23-27,
28-2»; XXIV, 1-4, 5; xxv, 5-10. —
(5) Deut., xii, 12; XV, 12, 13-17; xvi, 11, l'i. (6) Deut,, —
xxrv, 14, 15. —
(7) Deut., xv, l-fi, 7-8, 9-11; xxiii, 20-21 (VuIr. 19-20); xxiv, 6. 10-13, 19-22.
— (8) Deut., XIV, 29; XMV, 17, 18. — (9) Deut., x\i, 10-1 4.
LAAIE JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 395
1] Ps. cxxxiu, 1. — (2) Ps. c\xxMl, 4. - (3) Cf. Is., xl, 18-20; xu, 6, 7, 21-29 ;
xlii
17; XLiii, 8-13; XLiv, 6-8, 9-20; XLVi; XLViii, 3-6, 12-16. — (4) Bar., vi.
396 REVUE BIBLIQUE.
salem. De cet attachement les déportés prirent déjà très vive cons-
mêmes plaintes et les mêmes lamentations (3) qu'à ceux qui là-bas
avaient vu tomber les murailles et brûler les charpentes. Mais la
sympatlde désolée pour le passé n'absorba pas entièrement les puis-
(2) On
qu'à l'époque
sait des Machabées, les Juifs puritains traitaient à peu prés comme
des païons ceux de leurs congénères qui favorisaient l'introduction des coutumes helléni-
ques en pays de Judée (cf. I Mach., i, 12-10, 45, 55, 5G; etc.). —
(3) Lam., i, 4, 10; ii,
t>, 7 ; etc.
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 397
ration revêtira une modalité qui, pour n'être pas entièrement nou-
velle, acquerra une importance auparavant inconnue; ce sera, avant
tout peut-être, une obéissance, une scrupuleuse fidélité à observer la
lettre de ces commandements dans lesquels on verra l'expression
exacte de la volonté de Yahweh. Cette transformation, pour secondaire
qu'elle soit, paraîtrait inquiétante ,si ou
elle allait à la destruction
même à l'altération des sentiments qui jusque-là avaient présidé aux
manifestations de la piété, à l'exécution de la parole divine. Mais il
n'y a pas à craindre, à cette date, que la lettre tue l'esprit qui vi-
vifie. Le Deutéronome est à ce point pénétré de ce que l'on appelle
VII
pour le faire sur ce qu'ils lisaient dans les écrits prophétiques anté-
rieurs à leur âge les voyants du huitième siècle n'avaient-ils pas
:
chaque fois elle provoquerait dans les âmes des questions angois-
santes. Mais la discussion même et la solution de ces problèmes abou-
tiraient toujours à épurer leur religion *et à élever le niveau de leur
foi.
(1) Is.. VI, 13'?; cf. MI, .3; X, 20-22; etc. - (2) Is., m. 9-13''".
sera l'une des caractéristiques les plus frappantes des Ames convain-
cues.
7") Cette piété aura ses caractères très particuliers. Inspirée prin-
cipalement par le Deutéronome, elle aura pour fondement un tel
immédiates.
10°) C'est du Temple qu'au regard des exilés et conformément à des
oracles déjà anciens devait étendre sa souveraineté sur
(1), Yahweh
son peuple avant de la faire rayonner sur l'univers tout entier. Hélas!
jusqu'à cette heure, et même en Israël, et même à Jérusalem, le
gouvernement divin n'avait obtenu que des résultats imparfaits et
éphémères. Jamais les fidèles serviteurs de Yahweh n'auraient pu se
contenter d'aussi maigres résultats. La Jérusalem actuelle ne pouvait
leur suffire; de très bonne heure, ils s'habituèrent à aspirer vers une
qui allaient s'accentuant dans l'esprit et le cœur des exilés entre les
[A suivre.)
J. TOUZARD.
LES SYMBOLES DE DAMEL
S'il est un livre qui ait une réputation de symbolisme, c'est celui
rent et les cornes belliqueuses sont dans toutes les mémoires. Au-
cune de ces narrations pittoresques ou pathétiques ne nous a été
transmise dans un but purement historique ou littéraire. Leur intérêt
réside essentiellement dans leur signification symbolique, à saveur
de parabole.
Le lecteur ne s'attend pas à trouver ici un commentaire détaillé, qui
nous entraînerait en de nombreuses digressions étrangères à l'objet
de cet article. On se bornera à résumer la physionomie générale de
chaque symbole, et l'on mettra un soin particulier à en dégager la
signification symbolique. Encore est-il que cette tâche se trouve déjà
aux trois quarts remplie par l'auteur sacré lui-même qui a pourvu
chaque symbole d'une longue explication. En maints endroits ces
commentaires ne laissent rien à désirer. L'auteur écrit les noms
propres en toutes lettres, ou bien il décrit les personnages avec une
telle exactitude qu'on ne saurait s'y méprendre. Il est des cas cepen-
dant où ses indications ne sont pas aussi précises. Et c'est alors que
les exégètes se hâtent de reprendre leur hberté, en nous offrant les
solutions les plus variées. On s'efforcera ici d'apporter quelque lu-
mière en ces points controversés, en les étudiant à la lumière des
principes qui régissent l'exégèse symbolique.
On étudiera d'abord grandes visions des chap. ii, vu et
les trois
Symbole. —
Contentons-nous d'un simple résumé destiné à en
rappeler les grandes lignes. La deuxième année de son règne. Xabu-
404 REYLE BIBLIQUE.
chodonosor vit en songe une statue géante, dont les éléments divers
frappèrent vivement son attention. Elle avait la tête d'or, la poitrine
et les hras d'argent, le ventre
et les cuisses d'airain, les jambes de
Ptolémées.
Tout bien pesé, c'est à ce dernier système qu'on croit devoir se
rallier dans cette élude. C'est, en effet, la combinaison qui s'impose,
si l'on établit deux choses l"que le deuxième royaume doit être
:
être celui des Romains. Si Ton fait la preuve de ces deux points, il
suit naturellement que le troisième royaume est celui d'Alexandre,
et le quatrième celui des rois de Syrie et d'Egypte.
LES SYMBOLES DE D,\MEL. 405
ne semble pas que les anciens aient jamais contesté cette affirmation.
Toute l'école de saint Jérôme et de Théodoret, qui voyait les Romains
dans le quatrième royaume, et les Macédoniens dans le troisième,
identifiait logiquement le deuxième avec les Médo-Perses (saint
Jérôme) (1) ou du moins avec les Perses (Théodoret). La distinction
des Mèdes et des Perses, avec la préoccupation de les assimiler à deux
éléments de la grande statue, a vu le jour en ces dernières années.
Elle est proposée entre autres par Behrmann (2), Driver (3), Marti (i)...
Il peut être intéressant de connaître les raisons alléguées. Si le livre
2, 15, 25, 26; ix, 1) et celui de Cijrus le Perse (vi, 28; cf. x, 1).
N'est-ce pas encore Daniel qui insiste sur la différence des deux cornes
(viii), et qui nous laisse entendre que celle des Perses était sensible-
ment plus grande que celle des Mèdes? A ces remarques Marti en
ajoute une autre tirée de la vision de la statue elle-même. Le deuxième
royaume, observe-t-il, est plus petit que le premier, et sans doute
plus petit que le troisième, dont il est dit qu'il « dominera sur toute
la terre » (ii, 39). Ces données ne conviennent-elles pas exactement aux
royaumes des Mèdes et des Perses? N'est-ce pas d'ailleurs le livre de
Daniel qui donne comme successeur au Mède Darius le Perse Cyrus?
Ces faits sont partiellement exacts, mais ils contiennent aussi cer-
taines confusions, cause de malentendus. Daniel parle bien à plu-
sieurs reprises de. Darius le Mède et de Cyrus le Perse. Mais il ne
signale par là que la diversité des races, laquelle demeure indiscu-
table. Jamais ne nous présente ces deux peuples comme constituant
il
habet siinilitudinem, minus priore et majus sequenti (in ii, 39); cf. Théodoret, P.] G.,
dans toute sa clarté, il faut projeter cette lumière sur les parties
restées plus obscures. Or, d'après les déclarations autorisées de
Daniel lui-même (viii, 20), la Mnlie
forment qu'un
et la Perse ne
royaume, symbolisé par le même animal, un bélier à deux cornes
(vm, 3). La déclaration est explicite. Il n'y a pas lieu de supposer,
sans preuves, que la pensée de l'écrivain a oscillé sur un élément
symbolique de cette importance. Ou n'est donc pas fondé à croire
que les Mèdes et les Perses aient d'abord joué deux rôles indépen-
dants dans son symbolisme, et constitué à ses yeux deux çoyaumcs
distincts. Plus on étudie Daniel, plus on se convainc de l'unité admi-
rable qui préside dans tout son ouvrage au développement du sym-
bolisme. Le chap, ii, avec sa vision inaugurale, ne fait pas exception.
Concluons avec saint Jérôme, Théodoret, et généralement les inter-
prètes catholiques, que le deuxième royaume doit être identilîé avec
l'empire médo-perse.
Le quatrième royaume ne saurait être celui des Ro?nains. Plus
2°
quatrième empire n'est pas celui des Romains, ce ne peut êtie que
celui des rois d'Egypte et de Syrie. Tous les caractères que lui donne
Daniel, conviennent à ces deux royaumes (1) ». l*ai'mi ces caractères
le savant Bénédictin relevait :
1° la « dureté, marquée par le fer,
qui désigne la violence et la cruauté de ces monarques envers le
peuple de Dieu »; 2° les destitutions de généraux de princes^, con-
et
formément à ces paroles : « Ils briseront et mettront en pièces tous
les autres empires » 3° « les divisions continuelles qui régnèrent
;
« les efforts que firent ces princes pour se réunir par des mariages
"i-"
Daniel avec ce qui est dit ci-après aux chapitres vu, 7 et viii, on
22,
remarquera aisément que prophète dans tous ces le endroits n'a eu
qu'un même objet et n"a voulu marquer qu'une môme chose, et
que toutes les circonstances de la prophétie ne peuvent commo-
dément s'expliquer que de l'empire des Séleucides et de celui des
Lagides (2) ».
Les critiques venus depuis le dix-huitième siècle n'ont eu qu'à dé-
velopper ces arguments pour donner toute sa force à leur interpré-
tation, Comme on le voit, ces raisons peuvent se ramener à deux
chefs : 1° ladu quatrième royaume, tracée par Daniel,
description
convient aux royaumes des Séleucides et des Lagides beaucoup mieux
qu'à l'empire romain; 2*' cette identification respecte davantage les
lois universelles du symbolisme.
La première preuve n'a guère besoin de longs développements.
Le chap.'ix, 5-i5, qui nous raconte en détail les multiples intrigues
des cours d'Antioche et d'Alexandrie, constitue le meilleur com-
mentaire du chap. II. On peut y voir à quel point l'histoire coïncide
avec la vision. En revanche, l'histoire souffre violence, dès qu'on
essaie de ramener l'empire romain aux proportions du quatrième
royaume. Voici, par exemple, le commentaire de saint Jérôme « Le :
particularisés l'un avec Vautre? Ces mots ne désignent pas ici des
:
générales du symbolisme.
1° C'est un fait constant que les prophètes expriment volontiers
une même pensée au moyen de plusieurs symboles. Pour marquer la
« Les Jambes de fer qui lui sont attril)uées vers. 33, se rapportent sans doute à la pre-
mière période de son Jiisloire (de l'empire romain), périoiie de force irrésistible; dans la
dents de fer (le fer, ici encore), qui dévore et brise tout (exactement
comme le fer de la statue), qui est hérissée de dix cornes, puis d'une
onzième dont les méfaits ne peuvent se décrire avec des expressions
humaines. Mais voici qu'à son tour cette « bête est tuée, et son corps
détruit et livré au feu » (vu, 11); et l'on voit s'avancer avec les
nuées comme un Fils d'homme qui reçoit « domination, gloire et
règne », et sa « domination est une domination éternelle qui ne
passera point, et son règne ne sera jamais détruit » [ibid., 14). Ce
deuxième symbole a évidemment une étroite affinité avec le pre-
mier. Entre autres choses, on ne peut s'empêcher de noter, d'une
part, les ressemblances de la quatrième bête avec le fer et Vargile
de de l'autre, l'analogie du royaume accordé au Fils
la statue, et,
d'homme avec le royaume issu de la petite pierre. Ce n'est pas —
tout. Le chap. viii évoque d'autres bêtes symboliques un bélier qui, :
lointain. Néanmoins,
libre de révéler à ses messagers l'avenir le plus
il n'a pas coutume de révéler
tout Favenir à chacun de ses prophètes.
A l'un révélera le schisme des dix tribus, sans lui découvrir l'his-
il
de faire entrer dans leur champ de vision des événements dont l'Es-
prit n'a pas jugé à propos de les instruire. L'exégète constate
l'oracle
pas expliqué plus clairement dans ces deux premières visions, aussi
clairement que dans les suivantes?
Formulée de la sorte, cette question témoignerait d'une certaine
inexpérience exégétique. Il suffit de se rappeler les oracles les plus
célèbres pour savoir que les prophètes n'ont pas tout découvert, n'ont
pas tout vu, n'ont pas tout dit dès la première fois, sitôt qu'il leur
était donné de contempler un mystère. L'Esprit de Dieu semble avoir
constamment suivi à leur égard une méthode de révélations pro-
gressives. Tantôt il leur montrait l'avenir en gros, dans un ensemble
où les détails demeuraient encore vagues et confus; tantôt il leur
découvrait un détail dans toute sa lumière, puis un autre, sans leur
montrer comment le second se rattachait au premier, et comment
tous les deux s'intégraient dans l'ensemble. La révélation totale se
compose de ces aperçus fragmentaires, qui s'éclairent les uns les
autres et se complètent. Qu'on se souvienne des grandes prophéties
de l'Emmanuel et du Serviteur de Jahvé.
En l'espèce, il n'y a pas lieu de s'étonner que l'histoire des Séleu-
cides ne soit qu'à peine esquissée dans la première vision de Daniel (ii).
412 REVUE BIBLIQUE.
(1) lu h. l.
(2) On verra ci-dessous que, dans les symboles de Daniel, le roi a d'éfroiles alFinilés
avoc le royaume, au point que le prophète parle indilTiTCminenl de l'un ou de l'autre,
surtoi'l lors(|u'il s'a^^il de l'éj>0(]ue messianique. Néanmoins, dans le symbole actuel, il
(1) Op. cit., p. 587, 588. Encore est-il (jue Dom Calmet passe insensiblement, dans la
Symbole. —
Dans une vision nocturne, Daniel aperçoit quatre
grandes bêtes qui montent de la mer. La première est comme un lion
(n''ix3), avec des ailes d'aigle. La seconde ressemble à un ours
(2"S niaT) : elle dresse un de ses côtés et tient trois côtes dans sa
gueule. La troisième est comme un léopard (l-DJ^), avec quatre ailes
d'oiseau sur le dos et quatre têtes. Enfin, la quatrième est telle qu'elle
ne peut se comparer à aucun être de la création; elle est « terrible,
effrayante et extraordinairement forte », avec de grandes dents qui
brisent et dévorent tout. Elle a dix cornes, et même elle en a bientôt
une onzième, qui arrache trois des cornes précédentes; sa bouche
profère de grandes choses, elle livre aux saints une guerre sans
merci et l'emporte sur eux durant un certain temps.
Après quoi, un vieillard (textuellement un ancien des jours) -a])-
paraît sur un siège, avec une majesté ineffable, environné de ser-
viteurs en nombre infini qui s'empressent à ses ordres. La quatrième
bête est mise à mort, sans doute avec toutes ses cornes, et le voyant
aperçoit un être semblable à un homme (textuellement comme un
fils d'homjne) qui reçoit du vieillard la domination éternelle.
Symbolisme . —
Daniel demande l'explication du symbole. On lui
répond que les quatre bêtes représentent quatre rois (v. 17). Comme
il désire des renseignements particuliers sur la quatrième bête et ses
onze cornes, on lui apprend que cette bête figure un royaume; les
dix cornes représentent autant de rois de ce royaume; un autre roi,
représenté par la onzième corne, doit se lever après eux, il al)attra
temps, dés temps et une moitié de temps. Mais, à son tour, ce tyran
sera anéanti et les saints du Très-Haut posséderont la domination
éterneHe (2V-27).
Daniel se tient pour satisfait de ces explications. Les commenta-
teurs, poussant plus loin la curiosité, cherchent à mettre des noms
propres sur tous ces personnages : tâche légitime, mais ardue.
L'exposé qui accompagne ci-dessus le symbole du chap. ii permet
de prévoir les principales opinions qui vont ici encore se faire jour.
Ce sont les mêmes qu'au symbole précédent. Saint Jérôme et ses
partisans identifient les quatre bêtes avec les Chaldéens, l«s Médo-
Perscs, les Grecs d'Alexandre et les Romains. Les critiques modernes^
Hchrmann, Driver, Marti, préfèrent les identifier respectivement avec
les Chaldéens, les Mèdes, les Perses, Alexandre et ses diadoques.
LES SYMBOLES DE DA.MEL. 4lo
l'esprit agressif est figuré par le côté dressé, et la voracité par les
trois côtesdans la gueule de l'ours. La troisième bête n'est autre
que Cyrus, et ses quatre cornes sont les quatre quartiers de la terre
conquise par le puissant monarque (2). Par suite, la quatrième bête
représente Alexandre et les royaumes issus de son empire. — Marti
constate à son tour que le chap. vu est très apparenté au chap. ii.
« En général, écrit-il, la signification ne fait pas de doute les quatre
:
Voiirs qui a deux côtés, dont Vwn plus élevé que l'autre (vu, 5), rap-
pelle manifestement le bélier k deux cornes, dont l'une est plus haute
que l'autre (viii, 3). Et comme les deux cornes du bélier symbolisent
le royaume mède et le royaume perse, celui-ci plus puissant que
celui-là, il est tout naturel que les deux côtés de l'ours aient la même
signification. Pareillement l'ours qui tient trois côtes dans sa gueule
(vir, 5) est à rapprocher du bélier qui donne de ses cornes dans
(I) On rtMoaniucra quaii cliap. suivant (viii, 8), les (|iialre cornes n'ont pas non plus
une siliialion bien définie. Elles succèdent, il est vrai, à la grande (ornc brisée, mais on
les croirait encore sur la Icle du bouc, puisqu'on n'a pas encore dit que celui-ci ait été
mis à mort.
LES SYMBOLES DE DANIEL. 417
(1) la VII, 8. —
Op. cit., coL 1420.
(2) —
(3) La Suinte Bible, note sur vu, 7.
(4) Voir dans Driver [op. cit., p. 102) diverses autres listes.
418 REVUE BIBLIQUE.
cependant une autre qui, si elle est fondée, aura l'avantage d'écarter
définitivement cette difficulté.
Le V. 8 est traduit d'ordinaire : « Je considérais les cornes, et voici
qu'une autre corne, petite, s'éleva au milieu d'elles, et trois des pre-
mières cornes furent arrachées par elle » (Crampon), et l'on entend
ces trois cornes de trois rois, prédécesseurs d'Antiochus Épiphane, qui
auraient été éliminés par lui. Mais n'y a-t-il pas une confusion autour
de ce mot (Kniaip) premiers, antérieurs? Le terme en lui-même et le
contexte immédiat donneraient sans doute à croire qu'il s'agit de pré-
décesseurs au sens habituel du mot, ayant occupé le trône d'Antioche.
Mais la suite montre que le vocable a un sens plus vague, plus indé-
terminé, et qu'en somme il ne désigne que des rois antérieurs à Épi-
phane, étrangers à la Syrie et détrônés par le terrible monarque. Le
V. 20 dit seulement que trois rois seront abattus par la corne, sans
marquer d'autre relation entre le tyran et ses victimes; le v. 24^ an-
nonce lui aussi en termes généraux que le potentat humiliera trois ((
apprenons que les dix cornes sont les dix rois d'un royaume , et
contexte. Elle cesse de l'être, lorsqu'on la compare avec les noms des
autres bêtes symboliques qui figurent dans la vision. Aucune de ces
dernières n'est franchement assimilée à un lion, à un ours ou à un
léopard; elles sont comme un lion, comme un léopard, elles ressem-
blent à un ours. Et la chose se conçoit, puisque ce ne sont que des
animaux imaginaires, n'ayant d'autre réalité que celle des visions
ou des rêves. La même raison explique la préposition comme dans
l'expression coîiime un d'homme; car le
fils fils d'homme n'est, lui
(3) Au chap. suivant (viii, 15), Daniel aperçoit encore comme une figure d'homme.
420 REVUE BIBLIQUE.
Tels sont les faits. D'après les principes ordinaires de l'exégèse sym-
bolique, voici quelle en est la conclusion. Comme Daniel ne mentionne
dans son application qu'une collectivité, à savoir le royaume des saints
ils, é'avance avec les nuées, dans les hauteurs, tandis que le peuple
des saints est sur terre, victime de la persécution d'Antiochus Épi-
phane. Le fils son investiture en présence du Vieil-
d'homme re(;oit
lard, c'est-à-dire toujours dans les hauteurs, tandis que le peuple des
saints la reçoit à l'endroit où il se trouve, c'est-à-dire encore sur
terre. — Reconnaissons-le, ces raisons, si elles étaient fondées,
quement lorsque la quatrième bête est tuée (v. 11), c'est-à-dire lors-
que la redoutable corne elle-même est abattue, que la vision du fils
d'homme se déroule dans les cieux. Qui ne voit dès lors que le même
peuple, après avoir été persécuté sur terre, peut très bien monter
symboliquement dans les airs pour y recevoir la royauté, récompense
de son triomphe (1)?
Au surplus, ilune chose
faut noter : les nuées ne figurent que
dans le symbole proprement dit (v. 13, li), jamais dans l'applica-
royaume des saints, tout comme les quatre bêtes sont le symbole de
quatre royaumes, chaldéen, médo-perse, macédonien et syrien.
Est-ce à dire que le sentiment de saint Jérôme et de Théodoret,
partagé par de nombreux auteurs catholiques, soit erroné ou pure-
ment accommoda tice? Bien au contraire, il rentre lui aussi dans le
sens littéral, tel qu'il a été défini. Et ceci n'est pas une gageure,
humiliations d'Israi-l
(1) Daniel insiste (vv. 21, 22, 25, 27) sur ceUe antithèse entre les
et son triomphe.
422 REVUE BIBLIQUE.
rois symbolisés par les dix cornes de la quatrième bête (v. 24), et
Antiochus Épiphane, représenté par la onzième corne (1). Il y a plus.
Lorsque l'histoire d'un royaume se résume dans l'histoire de l'un de
ses monarques, Daniel parle indistinctement du roi ou du royaume,
passant avec facilité de l'un à l'autre; c'est le cas de l'empire chal-
déen personnifié en quelque sorte en Nabuchodonosor C'est toi qui :
qui est le cas de l'empire à' Alexandre ; l'identitication est alors com-
plète, et Daniel peut écrire « Le bélier à deux cornes..., ce sont les
:
éminent qui devait en être l'unique roi? Car le royaume des saints,
de l'avis unanime^ n'est autre que le royaume de Dieu, dont le Mes-
sie devait être le fondateur. Ce roi s'identifiait avec son royaume,
(1) cr. aussi vu, 17, où TM porte : Ces quatre bêtes, ce sont quatre rois...
LES SYMBOLES DE DANIEL. 423
(1) Pour ce que pour l'étude des textes des paraboles d'Hénoch
fait, ainsi et du IV« livre
d'Esdras, cf. P. Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, p. 2a.5, 89...
,
trois ans et demi. Le but de cette vision, comme celui des visions
précédentes, était d'encourager les Juifs en leur montrant la fin
prochaine du persécuteur.
seront coupées, son feuillage secoué, ses fruits dispersés, ainsi que
les animaux qui s'abritaient à son ombre. Seule la racine de l'arbre
pourra rester en terre, mais liée par de fortes chames de fer et d'ai-
rain.
Ici le voile allégorique se déchire (\\ 12''), et l'on nous laisse entre-
Symbolisme. —
Après un temps de réllexion et quelques formules
préliminaires de protocole, Daniel aborde franchement l'intcrpréta-
tion. L'arbre magnifique, c'est Nabuchodonosor au faîte de sa gloire
Haut a tout pouvoir sur la royauté des hommes ('22 après quoi, )^
;
comme [les plumes des] aigles et ses ongles comme [ceux des}
oiseaux » (30). « A la fin des jours », Nabuchodonosor leva les yeux
vers le ciel et recouvra l'usage de la raison (31).
Comme on le voit, l'application du symbole a été faite très exac-
tement par l'auteur inspiré; elle est d'une telle clarté qu'on ne sau-
rait y rien ajouter.
Au point de vue de la contexture symbolique, cette vision procède
à la manière des allégories, comme d'ailleurs toutes les visions précé-
dentes. Elle est expliquée trait pour trait; chacun des symboles par-
tiels s'encadre dans la réalité correspondante, de même que, dans une
2(). Et voici le sens de ces mots M'' né [mine) : Dieu a compté (m^'ndh)
:
ton royaume, et il y a mis fin. 27. T^qél [sicle) il a été pesé [teqilta) :
Ton royaume a été divisé [f/risath) et donné aux Mèdes et aux Perses...
Les commentateurs ont cherché bien des fois les raisons pour les-
quelles les sages de (^haldée|ne réussirent pas à déchiffrer l'inscrip-
tion. Toutes les hypothèses ont été émises. Ou a sui)posé que ces
mots étaient procédé cryptographique dit athhasch,
écrits d'après le
dans lequel la première lettre (a, aleph) a pour équivalent la der-
nière (th, tau), la seconde (b, beth) Favant-dernière (ch, chin), et
ainsi de suite; ou bien que l'écriture en était verticale au lieu d'être
horizontale rabbins); ouîbicn que toutes ces lettres étaient déplacées
comme dans les anagrammes, ou simplement écrites à rebours, de
LES SYMBOl^ES DE DANIEL. 't29
deux fois le mot initial 7n'nê, tandis que les versions (Septante, Théo-
,dotion,' Peschitto, Vulgate) ne l'ont qu'une fois. En outre, les ver-
sions grecques et la Vulgate lisent Mane, Thecel, Phares {[jry.Tr„ Oez-èX,
o7.pz;) au lieu de m^né, fqêl et pharsin, ce qui est également le texte
— Disons ici que, si le premier m^nê' n'est pas une glose, il doit
signifier compté, tout bien compté, comme le suggère Haupt.
Symbolisme. —
Jusque vers la fin du siècle dernier, on regardait
les trois mots mystérieux m^nê, t'qèl, p°rès comme des participes
passifs, ayant respectivement la signification de compté, pesé, divisé.
N'était-ce pas l'interprétation qui seipblait proposée par Daniel en
personne? M^iu- : Dieu a co^npté ton royaume; tq<'l : il a été pesé;
p^rês : il a été divisé...
Depuis une trentaine d'années, une autre interprétation s'est fait
jour, qui corrige en partie la précédente et en partie la complète.
Le mérite principal en revient à M. Clermont-Ganneau (1). En 1878,
le savant orientaliste lut le mot p^rës, demi, sur un poids du Brilish
comme des noms de poids une mine, un sicle (2) et deux demi-mines.
:
(1) Mané, Théccl, Phares et le festin de Ballasar (extrait du Journal asiatique), 1886.
(2) Sur le sens du deuxième mot, M.
Clermont-Ganneau n'était pas encore bien fixé.
« Theqel, écrivait-il, est ou un troisième nom de poids (celui du sicle), ou le verbe pesé
d'où est tiré le nom du sicle » (art. cit., p. 25). II proposait même d'unir à ce mot le vav
qui précède pliar'^sin, pour en composer le verbe taq'lu (1;pr). Le tout aurait donné la
])hrase suivante Pour chaque mine, ils ont pesé deux pheras.
:
430 REVUE BIBLIQUE.
Cette opinion, après avoir été combattue par Behrmann, a été rejn^se
gèrent à Marti l'hypothèse que les vv. -ili-^S seraient une tentative
pour donner un sens à l'inscription qui n'était plus comprise (3).
Mais il est peu croyable que les vocables mystérieux aient été con-
et négligeait l'accessoire.
L'essentiel, c'était unmort pour l'empire de Baltasar. Ce
arrêt de
royaume a été compté; il a été j:)esé aux divines balances et trouvé
en déficit; il va être partagé et donné aux Médo-Perses.
Le récit ajoute que, cette même nuit, l'oracle s'accomplissait;
l'empire chaldéen s'effondrait dans une sommaire tragédie.
Le symbole actuel nous rappelle un des sens les plus ordinaires
de la hidâh ou énigme sémitique (1), bien que la Bible ne présente
point de cas exactement analogue à celui-ci. On songe naturellement
aux deux énigmes de Samson :
faut y ajouter les cent vingt éditions de la Vie populaire. Les autres
œuvres de Renan n'ont point eu cette popularité.
Et si certains savants plus appliqués ont été plus loin dans le
avant d'avoir reçu les ordres majeurs. En 18G(i il était en Orient, oùil écrivit la Vie de
Jésus, publiée en 1803, Paris, Michel Lévy frères, in-8° de 'i62 pp. —
Nous avons sous
les yeux la cinquante-deuxième édition, reproduction de la treizième, « revue et corrigée
avec le |)lus };rand soin » Préf., p. un quatre ans après la première édition. C'est à cette
édition que renvoient toutes nos références qui n'ont pas d'autre désignation.
MÉLANGES. 433
mépris de la tradition, ils n'ont pas obtenu pour cela seul la faveur
du public. Il moralement laide, ait des
faut donc que cette œqvre,
({Lialitcs qui la font aimer. Au moment où FAllcmagne semlde avoir
43 REVUE BIBLIQUE.
1 La philosophie de Renan a été très bien jugée par M. Gabriel Séailles dans son
livre Ernest lienan. Essai de Riofiraphie psycholojiique, Paris, 1895. Voici la conclusion
:
:
•' Avec un égoïsine d'enfant, il eulraniera le inonde dans les métamorphoses de sa nature
mobile et capricieuse; il ne pourra faire un pas sans déi)lacer l'axe du monde il ne sor- ;
encore à propos de l'infortuné Lamennais que M. Renan a écrit que ceux qui sortent du
sanctuaire, et qui font la guerre an dogme qu'ils ont servi, ont dan* les coups qu'ils lui
portent M/te sûreté de main que le laïc n'atteint Jamais, un caractère particulier de
MÉLANGES. 43^
lieu,de n y plus croire dune manière absolue; car la foi absolue est
incompatible avec l'histoire sincère (1). » Notez d'abord quel rang
de choi^ il se décerne par sa situation d'ancien séminariste mais ;
nes pour de « petits esprits ». « Les hommes qui ont le plus hautement
compris Dieu, Çakya-Mouni, Platon, saint Paul, saint François d'As-
sise, saint Augustin, à quelques heures de sa mobile vie, étaient-ils
déistes ou panthéistes? Une telle question n'a pas de sens (2). » Mais
s'il lui paraissait digne de lui de planer au-dessus de ces questions
où
se sont usés les « petits esprits » de Hegel, qui cepen-
de Spinoza et
dant comptaient pour lui, car il eût récusé Descartes et Bossuet, Pas-
cal et saint Thomas d'Aquin, Renan n'en a pas moins clairement
énoncé sa conviction du devenir de Dieu, sous une pure forme orien-
« L'humanité fait du divin, comme l'araignée file sa toile (3).
»
tale :
avec une sorte d'onction {k) ». Plus tard il s'est moqué de lui-même et
de cette onction. Mais au début, il ne riait pas. Il se croyait une mis-
sion, et n'était point tendre pour le catholicisme qu'il avait quitté. Il
pères de famille sur les attaques dirigées contre la religion pav quelques écrivains de nos
jours, Paris, 186-3, p. tlO, citant Essais, p. 141, 142).
(1) P. civ.
(2) P. 78.
(3) Job, XL. L'œuvre universelle de tout ce qui vit étant de faire
En termes de prose : «
Dieu parfait... la raison... prendra un jour en main l'intendance de cette grande œuvre et,
après avoir organisé riiunianité, organisera Dieu » [L'aoenir de la science, p. 37).
(4) Liberté de penser, t. VI, p. 347.
436 REVUE BIBLIQUE.
vous (5). »
lous. Pour Fun, c'est la vertu; pour l'autre, l'ardeur du vrai; pour un
autre, l'amour de pour d'autres, la curiosité, l'ambition, les
l'art;
parti pris de parler comme les autres, sans penser comme eux,
était-il simplement de l'hypocrisie? Sûrement non, car un simple
hypocrite aurait marché sans frémir vers le sacerdoce, comùie un
Paul de Gondi, futur cardinal de Retz. D'où vient donc cette atti-
tude à laquelle il s'astreignait alors, de se dire religieux, et même
chrétien, véritable disciple de .Jésus?
Était-ce persistance au fond de l'àme du sentiment religieux, reste
de tendresse envers le Dieu qui avait réjoui sa jeunesse? Mais puisque
ce Dieu n'existait pas! Dès sa sortie du séminaire Renan est devenu,
ce qu'il fut toujours, un adepte convaincu de la science. La science
fut, à lui, sa catégorie de l'idéal. S'il l'a colorée de religiosité,
était-ce seulement pour ne pas verser dans l'incrédulité grossière?
Peut-être, et il répugna toujours à cette nature si fine et si nuancée,
de se joindre au groupe des libres-penseurs qui avaient par surcroît
le tort de vider leur verre en l'honneur du Dieu des bonnes gens de
Déranger. Mais il eût pu s'isoler. Son affectation religieuse ne fut
pas assurément non plus prudence diplomatique, nécessaire dans un
temps où la voix des évêques était entendue du pouvoir, car il fit
tête à l'orage, et encourut la disgrâce impériale avec dignité.
Il faut donc qu'il y ait eu dans son esprit assez d'indécision pour se
'
Sinaulier état d'ànie, stssurément, énigme pour des Français, et qui
ne s'explique que par son adhésion à la théologie allemande du
temps où il quitta le séminaire. Il a pris soin de nous dire que sa foi
a été détruite par la critique historique, non par la philosophie.
Avec plus d'un écrivain catholique, M. Séailles refuse de l'en croire.
« La vérité est qu'en 18i3, à la fin de son séjour à Issy, alors qu'il
i
MELANGES. '
439
(31 P. 463.
(4) P. 89 s.
(5) P. 119.
(6) P. 244.
(7) P. 29(5. Ce « bras du peuple » vient à propos pour répondre au mépris de l'iiumanité
qui devenait excessif.
440 REVUE BIBLIQUE.
que respire la Vie de Jésm. Tel qu'il était, cet idéal était le sien, et
c'est celui qu'il proposait à son temps, dans l'espérance proclamée
bien haut, sincère alors, de conserver de la reUgion ce qu'elle a
d'absolu et d'éternel, ou plutôt d'utilité relative et à venir... du
moins pour les simples. Or ce dessein n'est pas sans analogie avec
celui du protestantisme libéral. seulement un degré plus bas
Il est
IL '
— La critique littéraire des évangiles. Autres sources.
(1) Nous ne parlons ici des évangiles que comme base de la' Vie de Jésus, non du
(2) P. xxxviii, en note Les grands résultats obtenus sur ce point n'ont été acquis
: «
reste, fait droit dans ses éditions successives, avec beaucoup de bonne foi ». La seconde
phrase n'est pas exacte. Strauss a légèrement atténué dans sa troisième édition de la Vie
de Jésus sa négation de l'authenticité du IV" évangile, mais il n'a jamais rétracté son
opinion sur la dépendance et le caractère secondaire de Marc.
(3) P. XIII.
(1) p. XLMII.
(2) P. LM.
(3) P. I.M.
11 est vrai qu'ailleurs (p. ui) Marc est « bref jusqu'à la sécheresse »!
(5)
{(]) P. lAVMlI.
i
MELANGES. 443
que Ptenan, sans hésiter, lui attribue aussi les Actes des Apôtres. Il a
(1) p. LU.
(2) P. un.
444 REVUE BIBLIQUE.
(1) p. I.XXXVll s.
(3) P. \ii\.
MÉLANGES. 445
pas admis cette combinaison. Et dans (]uelle vue l'avait-il donc faite?
Les critiques ne seraient pas fâchés de le savoir.
Les combinaisons conciliantes de Luc pourraient bien n'être qu'une
réminiscence de Baur. Renan a autre chose à lui reprocher. Quelques
sentences sont « poussées à l'excès et faussées », et par ailleurs « il
émousse les détails pour tâcher d'amener une concordance entre les
différents récits ». Exemple du premier cas Luc a fait dire à Jésus
: :
« Celui qui ne hait pas son père et sa mère », etc. Le. xiv, 26);
parole trop dure pour le « Charmeur » de Galilée, mais où les cri-
tiques reconnaissent le son primitif, atténué par Matthieu (x, 37),
sauf à l'expliquer par l'opposition toujours très crue dans les langues
sémitiques. Dans le second cas de prétendue concordance, Luc (iv, 16)
(1) p. LXXXVI.
(2) p. 213, note 1. ,
(3) P. LXXXVU.
446 RE\UE BIBLIQUE.
(13 P. Lwii, note 1. Le presbytre Jean aurait été inventé pour attribuer l'Apocalypse à
un autre que .Tean. Dans le texte de Papias, les mots r, xî 'Iwàvvri; auraient été inlcr|)olés.
C'est un conji droit à la théorie reprise par M. Harnack; mais absolument rien ne favorise
l'hypothisr d'une interpolation.
(2) P. Lxiv, noie 2; p. i.xv, note 3.
MELANGES. 447
put profiter de cet état pour faire parler selon sou style celui que
tout le monde appelait par excellence « le Vieux » (ê TcpîîojTspcç) (1).
Il une indélicatesse fort peu pieuse
paraissait gentil d'imaginer —
envers un vieillard; —
aux origines du quatrième évangile, et il n'y
avait pas à s'en scandaliser « Ce ne serait pas la seule fois qu'un
:
(1) P. LXXII.
(2) P. LXXV.
(3) P. LXXV.
(4) D'autant que, d'après Eusèbe, Papias s'était servi de témoignages tirés de la première
épître de Jean. Renan chicane Eusèbe, « mauvais juge en une ([uestion de critique »
(p. i.xv, note 4). Mais c'était une question de fait.
.
le Pasteur d'IIermas, la Pisté (^sic) Sophia, ont une bien autre allure.
(1) P. I.XXX,
(2) p. 482.
(3) p. 509.
MÉLAINGES. 449
quatrième évangile, quel qu'il soit, a écrit pour relever l'autorité d'un
des apôtres, pour montrer que cet apôtre avait joué un rôle dans des
circonstances où les autres récits ne parlaient pas de lui, pour prouver
qu'il savait des choses que les autres disciples ne savaient pas('i-). »
(1) p. LXXX.
(2) P. LXXVI.
(3) P. 530.
(4) P. 536.
(5) P. 500.
(6) P. 526.
(7) P. 518.
450 REVUE BIBLIQUE.
(1) P. 523.
(2) P. .M8.
MÉLANGES. 4;H
moins de surnaturel, admettre une telle netteté dans ses prévisions (1). »
Le surnaturel! Casse-cou! Mais vraiment les pressentiments, cette —
fois il nous est « permis d'y croire », — les pressentiments suffiraient.
La tradition des synoptiques est ici corroborée par saint Paul (2). En
présence de cet accord, que peut signifier le silence de Jean? Renan :
(1) p. 518.
(2) I Cor. XI, 23-25.
(3) P. 401.
(4) P. 399.
(5) P. 400.
452 REVUE BIBLIQUE.
ce n'est pas ainsi que l'Inde écrit ses vies de Krischna, raconte les
incarnations de Vischnou. Un exemple de ce genre de composition,
dans les premiers siècles de notre ère, c'est la Pisté Sophia attribuée
à Valentin. Là, rien de réel, tout est vraiment symbolique et idéal.
J'en dirai autant de 1' « Évangile de Nicodème », composition arti-
ficielle, toute fondée sur des métaphores. De notre texte à de pareilles
(1] P. 401.
(2) P. 401.
(3) P. 530.
(4) P. 480. II est vrai qu'entraîné par son jeu de bascule, Renan continue : « Et, s'il
lallait à tout prix trouver l'analogue de ces arnpiificalions parmi les Évangiles canoniques,
ce sérail dans les synoptiques bien plus que dans notre Évangile qu'il faudrait le cher-
cher. » Personne ne l'a-t-ildonc contraint à tenir cette gageure?
MÉLANGES. 4o3
mal écrites, disant peu de chose au sens moral, que Jésus a fondé son
œuvre divine (5). » Enfin ce « ne sont pas des pièces historiques »,
et on en voit la preuve dans leur « parfaite harmonie avec l'état
(4) M.
(5) P. LXIX.
(6) P. LXXI.
t54 REVUE BIBLIQUE.
vient à la lumière (1). » Et tous les discours sont sur ce ton. Ils parlent
beaucoup de vérité, de lumière, d'amour. Mais aimer, c'est accomplir
les commandements (2).
veut pas dire qu'il n'y ait dans les discours de Jean d'admirables
éclairs, des traits qui viennent de Jésus 3). » L'un de ces traits, c'est
'3) P. LXX.
Cl) P. 244. Il que cette atDrmation ne pouvait demeurer sans atténuation ni
est vrai
explication. On lit « Si .lésus n'a jamais prononcé ce mol divin, le mot
ailleurs (p. 494) :
n'en est pas moins de lui, le mot n'eût pas existé sans lui. » Et voilà tout le inonde
d'accord.
MÉLANGES. 455
Jésus y parle de sa divinité, sont des dialogues avec les Juifs. De sorte
que Renan était beaucoup plus dans le vrai en reprenant la compa-
raison de Xénophon et de Platon, tous deux interprètes^de Socrate.
Mais c'est pour sacrifier presque entièrement Platon. « Pour exposer
l'enseignement socratique, faut-il suivre lesDialogues de Platon
ou les Entretiens de Xénophon? Aucun doute à cet égard n'est
possible; tout le monde attaché aux
Entretiens et non aux
s'est
Dialogues. Platon cependant n'apprend-il rien sur Socrate? Serait-
il d'une bonne critique, en écrivant la biographie de ce dernier, de
négliger les Dialogues? Qui oserait le soutenir (3i? »
Je ne sais ce qu'avait décidé la science au temps où écrivait Renan,
et je pas davantage ce qu'elle statue aujourd'hui. Mais il suffît
ne sais
d'avoir lu les Entretiens et les Dialogues pour affirmer que tout So-
crate n'est pas dans Xénophon. Cet honorable officier de cavalerie
avait une aptitude assez médiocre pour la philosophie, et son Socrate
ne s'élève pas au-dessus d'une honnête et médiocre banalité intellec-
(1) p. LXXVIU.
(2) P. 520.
(3) P. LXXIX.
4b6 REVUE BIBLIQUE.
tuelle.Qui croira que Platon ait été sous le charme de cet homme, s'il
n'y avait rien eu de plus en lui? Aurait-il prêté sa dialectique péné-
trante, la finesse de son ironie et ses Idées divines au porte-parole
du simple bon sens? Sans exagérer l'importance d'une comparai-
son, il résulte bien de celle-là qu'il y a plus à tirer du quatrième
évangile que des détails luographiques.
Et la fidélité dans les détails biographiques va-t-elle sans la vérité
de l'histoire? Peut-être, en elîet, un portrait comme celui que Taine a
tracé de Napoléon, malgré tant de traits exacts, ne donne-t-il pas une
image aussi complète que tel résumé en quelques lignes. Encore est-il
que cet aspect de la personne n'est pas inventé, les détails authenti-
ques doivent être ajustés quelque part dans une physionomie totale.
Et il faut faire la part de l'esprit de système dans le brillant écrivain.
Le quatrième évangile n'y met point tant d'art ni de malice. Aussi
l'on ne saurait dire avec Renan que si les renseignements matériels
du quatrième évangile sont « plus exacts que ceux des synoptiques,
sa couleur historique l'est beaucoup moins (1) ». La tradition johan-
nine, telle que Renan en fait cas, remonte directement ou indirecte-
ment à un témoin oculaire. Comment aurait- elle gardé le souvenir
précis de tant de menus faits (2), et aurait-elle oublié « la physio-
nomie générale » (si Ton peut dire) d'un Maître adoré?
Il faut toujours répéter les sages paroles de M. Wallon « Le docteur
:
rence entre les faits et les discours, à tout prendre, il n'a manqué ni
(1) P. r>M.
(2) Car Renan en garde beaucoup, tout en rejetant des « traits qui ne peuvent aA'oir une
valeur sérieuse : i, 40; ii, 6; iv, 52; v, 5. 9; vi, 9. 19; xxi, 11 » (p. i.xviii, note 2).
Égyptiens. Mais il est bien étrange qu'il les range dans un même
groupe avec « les Évangiles dits de Justin, de Marcion, de Tatien ».
Les deux premiers, nous dit-on, furent l'Évangile des ébionim, c'est-
à-dire des petites chrétientés de Batanée. Cela ne peut être le cas de
l'Évangile selon les Égyptiens. En revanche, il est très juste de dire
que « pour l'autorité critique, à la
ces Évangiles sont inférieurs,
rédaction de l'Évangile de Matthieu que nous possédons (3) ». Et
derechef ce jugement ne s'accorde guère avec ce qui est dit ailleurs
des « simples et douces familles chrétiennes de la Batanée chez les-
quelles sest formée la collectioû des Aôvta (4) », d'autant qu'ailleurs
encore, les discours ont été « recueillis par l'apôtre Matthieu (5) ». Ces
« petits comités » de Batanée, « très purs, très honnêtes », nous
timbre de la voix du maître, et être fort mal renseignées sur des cir-
constances biographiques auxquelles elles tenaient peufG) ». L'op-
position n'est qu'amusante entre ce petit monde très conservateur,
indifférent aux faits, et la secte d'Éphèse, école de dévelo^Dpement
théologique très attachée aux faits et à l'ordre des faits. Bappelons
que les communautés de Batanée n'ont pu avoir d'autorité spéciale
(1) P. LXXVII.
(2) P. LXXXMII.
(3) p. LXXXIX.
(4) P. 502.
(5) P. LIV.
(6) P. 502.
REVUE BIBLIQUE 1918. — N. S., T. XV. •
30
458 REVUE BIBLIQUE.
Luc, \xiv, 13, à Jos., Vil, VI, 6 (édit. Dindorf »). C'est la difficile question d'Emmaiis, que
Renan n'a évidemment pas étudiée de près. Cf. sur l'identilication certaine do Capliar-
nahum et de ïell Ilum, le doute justifié par .losèphe (p. l'iT, note;.
(2) P. 108, note.
(3) P. xi.vi.
(4) On ne se cliarge pas de concilier cette appréciation avec celle-ci « La science
P. 88. :
du docteur juif, du sofer, ou scribe, était purement barbare, absurde sans compensation,
dénuée de tout élément moral (p. 'IX"^). Et eu note
») « On en peut juger par le Talmud.
:
n'est pas l'ancienne Loi, ce n'est pas Talmud qui ont conquis
le et
changé le monde (2). » Pourtant, était-ce assez, pour marquer la
supériorité de l'Évangile, de parler d'un accent plein d'onction, et
de la poésie du précepte qui le fait aimer? A moins que cette onction
ne soit celle de l'Esp rit-Saint, cette poésie, l'Incarnation du VerJDe.
ses efforts à tracer une image des faits anciens, une phvsionomie et
non point des traits isolés et sans vie. Mais il faut qu'il soit assez
absorbé par son œuvre pour se perdre de vue, et que le miroir des
temps ne lui renvoie pas sa propre image En d'autres termes, il y a
une histoire réaliste, objective, impersonnelle, et une histoire où
l'auteur se retrouve à toutes les lignes, avec sa conception de la vie,
ses passions et ses préjugés. Or vraiment bien étrange q»e
il est
Brunetière (i) ait placé Renan dans la première catégorie, parce
qu'il a écrit à une époque de réaction contre le romantisme et l'indi-
vidualisme, et qu'il a procédé avec une allure scientifique. M, Séailles
a vu beaucoup plus juste : « L'histoire des origines du Christianisme
(1) p. 86.
(2) P. 88.
(3) Faust. I, 223 et s.
est une confirmation par les faits des thèses chères à Renan (1). » Les
thèses, eu effet, paraissent; mais il faut aller encore plus au fond. Ce
qui se laisse voir derrière les thèses, c'est le talent et la personne
même de l'auteur. Et pourquoi ne pas le dire? C'est ce qui en fait
l'attrait et c'est même temps ce qui inspire
en aux croyants un dégoût
qu'ils n'éprouvent pas, au même degré à lire des attaques plus
violentes. L'attrait, car l'esprit de Renan, très ouvert, très souple,
capable de tout comprendre, disposé à admirer tout ce qui s'impose
à l'admiration, détaché de tout préjugé, mais respectueux de ce qui
est beau et noble, avec une onction de piété, ne peut manquer
d'exercer urte séduction sur les bonnes Ames. 31ais lorsqu'on a com-
pris l'ironie qui sourit de cette onction, les insinuations malveillantes
qui dégradent le respect, la passion qui frémit sous cette sérénité
apparente, et le froid parti pris qui tranche tout, on souffre de voir
se pencher sur toute cette histoire, jusque sur la face adorable de
Jésus, l'ombre de celui qui ose encore l'appeler son ami. Non.
M. Séailles n"a point exagéré en notant que Renan « a voulu que
Jésus lui renvoyât sa propre image et il s'est surtout complu à cette
(1) P. i:n.
(2) Eriiesl lienon, p. 137.
f3i L'AnléclirixI. p. m.
MÉLANGES. 461
avant tout l'harmonie entre les textes et les déclare exempts de toute
erreur. Les appréciant comme des documents humains, il sera per-
suadé 'd'avance qu'ils contiennent Terreur, comme tous les autres, et
il les traitera comme tels, essayant de faire le départ entre Terreur
des erreurs aussi caractérisées que celles que Luc commet à propos
de Quirinius et de Theudas, on dirait que Tacite et Polybe se sont
trompés (1). » Nous renvoyons aux commentaires pour Texplication
de ces cas (2), et les théologiens les pèseront en conscience, mais
enfin, si Tacite et trompés, ce qui a pu arriver même
Polybe se sont
(1) P. VII s.
n'est pas parce qu'il m'a été préalablement démontré que les évan-
eélistes ne méritent pas une créance absolue que je rejette les
miracles qu'ils racontent. C'est parce qu'ils racontent des miracles
que je dis Les Évang"iles sont des légendes; ils peuvent contenir
: <>
((de riîistoire. mais certainement tout n'y est pas historique (1). »
Malgré tout, c'est précisément ce qui est en question. D'ailleurs
Kenan s'est vivement défendu de raisonner sur ce point en philo-
sophe. Il n'est qu'historien et le déclare très haut. Il rejette les
disent qu ils en ont vu (saint ,Iean), ou que les jjersonnes qu'ils ont
consultées en ont vu (saint Luc), ou ils les racontent sans sç mettre en
scène, mais avec la conviction absolue que des faits surnaturels ont
été accomplis au grand jour et en présence de témoins irrécusables
(sairit Matthieu et 'saint Marc). Il était donc indispensable de se pro-
(1) P. VI.
MELANGES. 463
les champs le pain préparé au foyer improvisé qui les groupait tous.
La conversation était ininterrompue, si ce n'est quand le Maître s'écar-
tait pour prier, échange incessant de questions et de réponses, avec
des étonnements qui attiraient des reproches, des préjugés qui tom-
baient, peu à peu, à mesure que les esprits s'ouvraient, après que les
cœurs s'étaient donnés. L'image du Sauveur n'avait pas pénétré toute
faite, créée par la renommée aux cent voix, elle s'était formée peu à
(1) p. LXWIX s.
464 REVUE BIBLigUE.
bien assez qu'il les ait triés arbitrairement! Moins arbitraire comme
critique, disposant ainsi d'un matériel plus étendu, Renan entend bien
l'employer à sa guise. On ne peut pas dire qu'il manque ici de fran-
chise, puisqu'il s'en est ouvert au public, mais il manque certaine-
plus effacé pour nous qu'il ne l'est peut-être en réalité (3). » Réserve
passé sans donner lieu à un cycle de fables « (p. 250). Soit, mais on lit ailleurs « 11
:
n'est pas de grande fondation qui ne repose sur une légende î) (p. 264). Essayez donc après
cela d'écrire l'iiisloire! Et sur quoi repose la légende? Sur la tortue qui porte le monde?
Ou sur rien? « Sa légende était ainsi (?) le fruit d'une grande conspiration toute spon-
tanée, et s'élaborait autourde lui de son vivant » (p. 2.50). Pas d'effets sans cause, —
disaitRenan, et c'est pourquoi il a fini par recourir à la dissimulation; la conspiration
spontanée devient le complot des compères. Ohl en toute bonne foi! —
(2) P. v.
(3) P. xxxvui, note 2.
MÉLANGES. 465
génie qu'il refusait à son Maitre. Renan comprit qu'il y perdrait son
héros, ou pour mieux dire son sujet. L'erreur l'avait séduit un
moment, et si sa confession n'est pas très circonstanciée, son repen-
tir est l'expression du bon sens français Quand' je conçus pour la
: «
(1) P. c.
(2) P. XVI.
(3) P. XYl.
4G(. REVTJE BIBLIQUE. ^_
gers 1
1) », mais un Renan n'y eût pas pris grand plaisir. Cette pré-
récuse leur autorité. D'où lui est donc venue cette assurance?
Tout d'abord de son voyage en Orient. C'est là. peut-on dire, le
srand leurre auquel s'est pris un public facile à contenter. Quand ou
a vu rOrient, la Palestine en particulier, avec les yeux d'un critique,
ou au juste ce que vaut le surnaturel et comment il s'est imposé
sait
(1) P. XVI.
<">: V. xcix.
MÉLANGES. 467
quoi écrire aussitôt « les versets 5-6 ne sont pas exacts (5) »? Au-
:
fait ignoré (6) ». Mais il n'était pas juste de conclure de cette igno-
Il) p. 146.
(2) P. 99.
(3) P. 105.
(4) P. 492 et 493.
Le puits de la Samaritaine est bien le Bir-Iakoah. Les Gref"^ qui l'ont acquis vé-
(5)
oemraent l'ont nettoyé et on a constaté qu'il était profond de plus de 100 mètres. Puteus
altus est (Jo. iv, 11), trait que Renan n'eût pas manqué d'alléguer en faveur du quatrième
"évangile.
(6) P. 146.
(7) P. i.\xxii.
(8) Cf. Vie de Jésus, p. 146, note 3 et le Commentaire de Marc à cet endroit.
(9) P. 146.
(10) Ou Kersa, mais non Gersa, p. 151, note 1.
468 REVUE BIBLIQUE.
(1) p. 408.
(2) Jo. XVIII, 15, aj/ri.
(:{) P. 429 s. avec les notes.
(4) Gescliichle der Leben-Jesii-Forschung, p. 181.
I
MELANGES. 469
ne fut si bien fait pour les rêves de l'absolu bonheur. Même aujour-
d'hui, Nazareth est un délicieux séjour, le seul endroit peut-être de
la Palestine où l'âme se sente un peu soulagée du fardeau qui l'op-
presse au milieu de cette désolation sans égale (3). » Croyez-vous?
Sancho Pansa n'y aurait pas vu de si belles choses, et à l'abri de son
masque et de son bon sens, je demande si l'aspect riant de Nazareth,
comme celui de plusieurs autres villages, ne vient pas de ce que la
population est demeurée chrétienne? Quant aux environs, ce sont
(!) Renan savait qu'il possédait « l'art de peindre la nature par des traits moraux » et
non par « les entassements de petits traits matériels « {Souvenirs d'enfance et de jeu-
nesse, éd. Nelson, p. 185). Voulait-il se distinguer de M. Pierre Loti?
(2) P. 71 s.
toujours les mêmes arbres et les mêmes collines, dirait notre Sancho,
et plus d'un coin de Galilée n'est pas moins propice à toutes les varié-
tés du rêve. Et pour les rêves de l'absolu bonlieur, n'est-il pas étrange
qu'ils soient nés à Jérusalem? Jérusalem et la Judée, c'est pourtant
l'ombre épaisse à côté de la lumière, « la triste Judée, desséchée
comme par un vent brûlant d'abstraction et de mort (1) ». Ne serait-
ce pas plutôt, desséchée par le vent qui souffle des rives surchauffées
de la mer Morte? et n'était-ce pas assez du désert de Juda pour attris-
ter la Judée, sans y mêler méta-
les abstractions? Faisait-on de la
physique religieuse dans toute la Judée, et les environs d'Hébron ne
sont-ils pas aussi enchanteurs que ceux de Nazareth? Et enfin,
n'est-ce pas au désert qu'on soupire après les eaux vives, et faut-il
s'étonner que des rêves apocalyptiques de bonheur absolu soient sor-
tis de la triste Judée, comme un triomphe sur la mort?
inspiration. C'est bien dans ce sens qu'il faut dire « Toute l'histoire
:
(1) P. 30.
(2) P. 70.
MELANGES. 'wl
Jésus. Ce qu'on trouve chez eux, avec des aspirations très pratiques
et assez vulgaires, c'est un sentiment profond des droits de Dieu qui
élève toujours les âmes; mais ce sentiment ne régnait-il pas davan-
tage à Jérusalem?
X défaut de monuments, Renan eût pu interroger plus longuement
Josèphe sur le caractère propre des Galiléens (a); mais sans doute
(1) p. 70.
(2) P. 69 S.
(3) P. 69.
(4) Par un contraste sans doute avec celles de la Judée?
(5) P. 68 :Les Galiléens passaient pour énergiques, braves, laborieux.
'( » En note :
Renan s'est forgé ses Galiléens chimériques? Mais qui sont les Gali-
léens d'aujourd'hui? Les gens de Nazareth (1) ressemblent plus à
ceux de Bethléem en Judée! — —
qu'aux pauvres misérables, bru-
nis, noircis par le soleil, à la fois indolents et violents à leurs heures,
qui rôdent au bord du lac. Au temps de Josèphe, il y avait beau-
coup plus d'arbres, et la culture était plus soignée. Mais Josèphe,
amateur des traits accusés et des couleurs vives, n'a-t-il pas exagéré
le contraste entre les rives de la mer Morte, sombres et sinistres,
avec des arbustes rares dont les fruits se réduisent en poussière, et
la végétation luxuriante des bords du lac de Tibériade? Où il y a de
l'eau et de la chaleur, les céréales elles-mêmes atteignent la hauteur
des arbustes, et nous avons passé à cheval, au sud de la mer Morte,
dans des maïs que nous dépassions à peine de la tète. Les pauvres
Bédouins qui campent sous la tente, nullement doués pour l'art,
là
(1) Ne pas oublier que la riante Nazareth a rebuté le Sauveur, qui a dû se réfugier au
bortl du lac.
(2) P. 178.
(.J) P. 512.
MÉLANGES. 473
enfants y font invasion; les valets les écartent; ils reviennent tou-
jours (1). » Il en a toujours été ainsi, car le fond de la nature a peu
changé, et les conditions économi([ues de la vie dans la Palestine
d'aujourd'hui ressemblent plus à ce quelles étaient au temps de Jésus
qu'à ce qui se pratique en France. On voit quelle lumière ces mœurs
répandent sur les scènes évangéliques.
Et voici qui ne pouvait être aperçu sansbeaucoup de perspicacité.
Le lecteur goûtera ces lignes que je ne voudrais pas déflorer en les
glosant « L'éducation scolaire trace chez nous une distinction pro-
:
néanmoins très distingué; car la tente est une sorte d'académie tou-
jours ouverte, où, de la rencontre des gens bien élevés, nait un grand
mouvement intellectuel et même littéraire (2). »
(1) p. 197.
(2) P. 33.
(3) Cela ne va pas sans exagération. Après avoir dit que Jésus ne fut pas ce que nous
appelons un ignorant, Renan conclut que dans cet état social l'ignorance « est la condition
KEVIE EIBUOIE 1918. — N. S., T. X\ . ,31
474 REVUE BIBLIQUE.
la pensée d'un Oriental; car souvent ce fond n'existe pas pour lui-
même. La passion, d'une part, la crédulité, de l'autre, font l'impos-
ture ('2). Et sans doute on peut arriver à l'imposture par une crédu-
'>
lité passionnée. Mais ce n'est pas le plus court chemin. Ceux qui savent
lies iiraades clioses et de la j;rande originalité » (p. 34). C'est trop: car Mahomet lui-inôme
n'a agile l'Arabie qu'au mojen de (|uelques grandes idées dont sa forte imagination avait
été saisie. Le dessein de Renan était d'expliciuer sans l'ombre du surnaturel la doctrine
sublime de .lésus. De môme il relève les Ajiùlres, simples pécheurs : « Celti^ profession
n'avait pas l'exlrémL' humilité que déclamations des prédicateurs y ont atlacln-e, pour
les
mieux relever le miracle des origines chrétiennes » (p. IGG).
(1) P. 512.
(2) P. .512.
(3) P. 51:3.
(4) P. XWM.
(5) P. \xi\.
(r,; p. r.i'>.
.MELANGES. 475
l'àme d'une femme d'Orient qu'il faut demander ici des analogies.
La passion, la naïveté, l'abandon, la tendresse, la perfidie, l'idylle
et le crime, la frivolité et la profondeur, la sincérité et le mensonge,
alternent en ces sortes de natures et déjouent les appréciations abso-
lues (1). » Eh ! sans doute, et il y en a de telles en Occident, si nous
en croyons les histoires. Mais qu'ont de commun ces mœurs de mé-
lodrame avec l'idylle et les Ijraves gens de Galilée? Et après tout est-
ce à ses observations personnelles que Renan doit ce joli type, ou ne
serait-ce pas plutôt au théâtre romantique de la Porte Saint- Martin?
L'être rusé et sensuel tel que les conteurs arabes comprennent la
femme n'a point ces profondeurs de tragédie.
Ce que le lecteur français voudrait savoir, c'est si l'Oriental est
vraiment plus crédule que Pour ma part je réponds non, sans
lui.
(1) p. 516.
476 REVUE BIBLIQUE.
d'une vérité supérieure; ils sont plus vrais que la nue vérité, en ce
sens qu'ils sont la vérité rendue expressive et parlante, élevée à l.i
hauteur d'une idée (1). » Et il prétend bien cependant parler au nom
(1) P. \<;i.
MÉLANGES. 477
•
(1) P. IX.
(2) P. cil.
(3) P. CI.
(4) Renan pense " que les textes ont besoin de l'interprétalion du goût, qu'il faut les
solliciter doucement jusqu'à ce qu'ils arrivent à se rapprocher et à fournir un ensemble où
toutes les données soient heureusement fondues » (p. ci s.).
(5; P. cm.
478 REVUE iBlBUQL'E.
ton, car les entretiens familiers en Galilée avec des disciples n'exi-
geaient pas la fermeté, disons la véhémence des discussions avec les
.luifs. Mais, d'après saint Marc (1), le Sauveur s'irrite dès ses débuts en
(ialilée de la dureté des Pharisiens, et, d'après le quatrième évangile,
que Renan préfère sur ce point (2), l'expulsion des vendeurs du
Temple eut lieu dès le début du ministère à Jérusalem. Le i^évolution-
naire entrait donc déjà en action. L'Idée est mauvaise conseillère
<]uand elie prétend régir les textes et en extraire la vérité qui lui
convient. Sans ces transpositions, l'idylle galiléenne s'évanouissait, et
c'était la création de Renan, son rêve d'Orient. C'est toujours ce qui
fait Initérêt du livre, — pour ceux qui n"en sentent pas Tmconve-
nance. Mais la ci-ilique s'est montice aussi sévère que le sens moral
et religieux pour cette contrefaçon de l'histoire : personne ne l'a prise
pour une pièce de bon aloi.
Énuniérer toutes les violences ou les douces sollicitations faites aux
textes pour extraire un « esprif général » de la Vie de Jésus, serait
discuter déjà le thème de la prédication ou du royaume de Dieu.
Nous y reviendrons. Sur ce point, Renan obéissait à un principe nette-
ment perçu. Il lui fallait nécessairement ou suivre les textes ou les
manipuler s'ils étaient contraires à l'Idée. On comprend moins aisé-
ment la raison d'un autre procédé d'art, tout à fait arbitraire, pour-
suivi avec une persévérance qui déconcerte. Les évangélistes ont mis
dans un relief singulier certaines scènes, ou du moins les ont racon-
tées comme des faits particuliers dont le souvenir s'était conservé, ou
pour leur importance, ou pour la leçon qu'ils renfermaient. Prendre
leschoses de cette façon, c'eût été reconnaître le caractère historique
des récits. C'est à quoi le critique ne consent qu'à demi. Mais l'artiste
n'entend pas priver' son tableau de ces traits pittoresques. Alors il
généralise, ou pour parler plus exactement, il multi-plie. Il met au
pluriel ce qui est au singulier. On a beaucoup reproché à saint Mat-
thieu d'avoir vu deux aveugles à Jéricho où Marc et Luc n'en con-
naissent qu'un, à Marc d'avoir raconté deux multiplications des pains.
C'est à chaque instant que Renan fait une habitude de ce qui n'eut
lieu qu'une fois, et cela est si étrange qu'il faut citer.
« Un groupe d'hommes et de femmes, tous caractérisés par un.
(1) p. 137.
(2) P. 164.
480 REVUE BIBLIQUE.
« On disait qu'il conversait sur les montagnes avec Moïse et Élie (1). »
Cette fois les textes relatifs à la Transfiguration sont cités, et cet on-
dit populaire, qui multiplie à plaisir un entretien si extraordinaire,
dispense sans doute d'expliquer le fait.
,<^ ce sera tout sur les noces de Cana. Jésus assistait si souvent aux
mariages, qu'il a sans doute trouvé d'autres moyens de les égayer.
Une vraie perle « Il parcourait ainsi la Galilée au milieu d'une fête
:
sur ses pieds. Les disciples les repoussaient parfois comme impor-
tunes (4). » —
Distinguons si l'on veut la pécheresse de Luc (vu) et
la femme qui vint oindre Jésus avant sa Passion mais Renan n'a vu ;
dans cette action qu'une même scène, transformée par Luc, ami des
pécheurs, en une scène de pardon. Alors pourquoi ce pluriel, et en
Galilée ?
(1) P. 170.
(2) P. lO.V
(3) P. 197.
(4) P. 198.
(5; P. 198.
MÉf. ANGES. 481
Nous avons déjà dit comment le lavement des pieds n'eut pas lieu
avant la dernière cène, mais en revanche souvent dans d'autres cir-
constances, et l'Eucharistie fut un rite pratiqué par Jésus aussi souvent
que l'on voudra, pourvu que ce ne de sa mort. soit pas la veille
rait les femmes et les enfants des baptêmes et purifications (6). Dans
le contexte de Renan, on peut penser à autre chose, soupçonner que
si le reproche était à ce point fréquent, il se fondait bien du moins
Quand les évangélistes mettent sur les lèvres de Jésus des paroles
(1) p. 354.
i2; P. 234.
(3) P. 355.
(4) P. 198.
(5) P. 116.
(ttj Dans y a deux additions au v. 2 -^a-. xaxa>,jO'-To: --j, vûjaov -/.ac xo-j; Tipof/jxaç
le grec, il :
après fi[J.(T)V, et xat a7roffTpc:povi:a Ta; yjvatxa; xai Ta xexva après Sioôvai. La première addi-
tion est trop spéciale pour être proposée par les Juifs à Pilate, et on s'explique bien que
Marcion ait fait reprocher à Jésus par les Juifs d'avoir rejeté la loi et les prophètes. Et si
la seconde addition a un caractère moral, Marcion, blâmé sévèrement pour son inconduite,
n'aurait-il pas été tenté d'exposer le Sauveur à la même accusation? Dans le latin l'addi-
tion se trouve à la fin du nostros et uxores avertit a nobis, non enim bapti-
v. 5 : et filios
zantur sicut [et] nos [nec se mundant], ce qui confirmait l'abrogation des usages juifs par
le Sauveur.
482 REVUE BIBLIQUE.
(1) p. X el wu.
MÉLANGES. 483
en effet, c'est bien tout ce qui devait rester de son œuvre « L'œuvre :
(1) P. xxra.
(2) P. 459.
(3) P. 462.
4Si REVUE BIBLIQUE.
(1) P. 409.
(2) Mt. XXVI, 64; Me. xiv, 62; Le. xxu, 69.
(3) Même page, note 4.
4) P. '(09 S.
MÉLANCES. 48;;
« Dans les derniers temps de sa vie, Jésus crut, à ce qu'il semble, que
ce règne allait se réaliser matériellement par un brusque renouvle-
lement du monde. Mais sans doute ce ne fut pas là sa première pen-
sée. Lu morale admirable qu'il tire de la notion du Dieu père n'est
pas celle d'enthousiastes qui croient le monde près de finir et qui se
préparent par l'ascétisme à une catastrophe chimérique : c'est celle
d'un monde qui veut vivre et qui a vécu : « Le royaume de Dieu est
« parmi vous ceux qui cherchaient avec subtilité des
», disait-il à
Dieu » allait venir, et c'était lui, Jésus, qui était ce « Fils de l'homme »
(1) p. 83.
(2) P. 123.
(3) P. 134, 135, I.ÎS.
48G REVUE BIBLIQUE.
tème, ou, pour mieux dire, ses deux conceptions du royaume de Dieu
se sont appuyées l'une l'autre, et cet appui réciproque a fait son
incomparable succès (2). » Paroles qui se justifient très bien si les
deux cc*nceptions se complètent, comme dans la tradition catholique,
mais nous demandons ici, avec le Renan de tout à l'heure, si la morale
de Jésus est celle d'un illuminé qui croit le monde près de Unir?
Ce scrupule ne tient pas. Au contraire « C'est parce qu'elle était :
lypse vaine, d'une venue à grand triomphe sur les nuées du ciel. »
Lt en somme on ne sait plus bien si Jésus était si sûr de son affaire :
" Peut-être était-ce là l'erreur des autres plutôt que la sienne (3)... »
nité, et xo\ PAS SEULEMENT de préparer la fin de celui qui existe ('*). »
C'est très spirituel, ou plutôt ce serait très amusant dans un vaude-
ville. Ce « non pas seulement » serait délicieux, s'il n'était mépri-
(2) P. 28;i.
(4) P. 295.
iMÉLAXGES. 487
(1) p. 2;i5.
(2) P. 301.
P. 130.
(3)
Je ne vois que l'ombre d'un argument, une prétendue analogie « Les sectes millé-
:
(4)
naires de l'Angleterre présentent le même contraste, je veux dire la croyance à une pro-
chaine lin du monde, et néanmoins beaucoup de bon sens dans la pratique de la vie », etc.
eut beaucoup plus d'influence sur Jésus fut celui de Juda le Gaulo-
nite ou le Galiléen(2). » Mais tout s'explique : (( Le sage Jésus, éloi-
gné de toute sédition, profita de la faute de son devancier, et rêva
un autre royaume et une autre délivrance (3). » Donc lucus a non
hicendo. Et pour le dire en passant, c'est ainsi qu'il faut entendre
cet agréable paradoxe « Avec ses énormes défauts, dur, égoïste,
:
(1) P. 302.
(3) P. 64.
(4) P. M.
(5) P. 471.
(r.) p. 82 s.
MÉLANGES. 489
(1) C'estpourquoi je signale seulement en note l'étrange position de Renan sur les
frères du Seigneur. Les vrais frères de Jésus ne furent pas ceux qu'on pense, car il admet
avec saint Jérôme que Jacob, Joseph ou José, Simon et Jude, nommés par Marc (vr, 3) et
par Matthieu (xni, 55), sont des cousins germains, fils de Marie, sœur de la Mère de Jésus,
et de Cléophas. Même il avance que « l'expression de « frères du Seigneur » constitua
évidemment, dans l'Église primitive, une espèce d'ordre parallèle à celui des apôtres »
(p. 26, note). On ne peut rien dire de plus fort pour prouver
que « frères » ne devait pas
être pris dans le sens propre, ce qui n'empêcha pas Renan de prêter à Jésus des frères et
des sœurs. Mais « leur nom était inconnu, à tel point que, quand l'évangéliste met dans
la bouche des gens de Nazareth l'énumération des frères selon la nature, ce sont les noms
des fils de Cléophas qui se présentent à lui tout d'abord » (p. 27, phrase omise dans l'édi-
tion populaire). Ce tour de force n'est pas pour étonner, mais l'arbitraire est tout de même
trop évident.
(2) P. 84.
(3) P. 158.
(4) P. 76.
(5) P. 143 s.
(6) P. 200.
(7) P. 173.
(8) P.196. —
Cet étalage de la gaieté est d'autant plus choquant que Renan posait
alors pour une tristesse austère. Est-ce du Moïse de Vigny ou de lui-même qu'il a dit :
« Celui que Dieu a touché est toujours un être à part; il est, quoi qu'il fasse, déplacé
parmi les hommes » [Essais de morale et de critique, p. 200). Il était alors grand
admirateur de la sévère morale allemande « Le vice égrillard, la coquetterie de l'im-
:
moralité, la gentillesse du mal, voilà le péché français par excellence, voilà la petitesse,
voilà le ridicule dont le Français croit se laver par son air dégagé et son éternel sourire »
[Questions contemporaines, p. 4GG, cité par M. Séailles, ouvr. cité, p. 249).
que Jean reconnut tout d'abord Jésus et lui (it f;rand accueil, il faut su|)i)oser ([ue .Tésus
(•tait d('j;\ un niaîlrc assez renommé » (ji. 109, note 1). Cette supposition est contraire aux
quatre évani-iles, et autorisait-elle à créer une période en prenant les textes dans celles
qui ont suivi?
(3) P. 120.
('i) V. 245.
MÉLANGES. 491
peut-être est-il ainsi plus vrai. Qui sait s'il n'y a pas des moments
où tout ce qui sort de l'homme est immaculé? Ces moments ne sont
pas longs; mais il y en a (3). » Et sans doute ces moments n'ont
guère duré dans la vie de Jésus. Il lui fallait réussir. « Concevoir
le bien, en effet, ne suffit pas; il faut le faire réussir parmi les
hommes. Pour cela, des voies moins pures sont nécessaires (4). »
mensonges (1). —
Oh! Renan ne l'a pas écrit en ces termes! C'est —
pour ces sortes de cafardises qu'on emploie le mot Tartuffe! :
Revenons à la Vie de Jésus où tout a été dit « sans une ombre d'ar-
rière-pensée (2) ».
(1) Encore a-t-il écrit « Quand nous aurons fait avec nos scrupules ce ([u'ils firent avec
:
leurs mensonges, nous aurons le droit d'être pour eux sévères... Le seul coupable en pa-
reil cas, c'est l'humanité qui veut tHre trompée « (p. 264). La seule rélicence dans ce cas,
c'est que Jésus n'est pas nommé dans la page (omise dans la Vie populaire), mais il est
imjjossible de ne pas opposer sa hardiesse dans le mensonj^e à la « limidc iionnélelé » de
Renan. Lindulgence après cela n'est que suprême et ironique dédain.
(2) Kd. pop., p. IV.
de ses disciples », « Cet homme, >• ajoute Renan sans rire, « m'a dit
qu'ayant failli devenir propliète, il savait comment les choses se pas-
saient, et qu'elles avaient bien lieu comme Je les avais décrites dans la
Vie de Jésus (1). » Jésus aurait presque préféré, lui aussi, ne pas faire
de dupes. C'est un des aspects de la plaidoirie donc permis : « Il est
(.5) P. 262.
494 REVUE BIBLIQUE.
sianistesne s'étonnent pas non plus; ils croient savoir que Fils de
Dieu était alors simplement synonyme de Messie; Jésus s'est fait illu-
sion, comme tant d'autres. Renan a mieux compris les conditions
posées par les textes. Les deux écueils à éviter sont de réduire un
terme aussi auguste à une affirmation banale, ou bien de l'entendre
à la lettre, ce qui, pour le critique incrédule, impliquerait un orgueil
touchant à la ou une imposture caractérisée. A défaut d'une
folie,
mais séparé de Dieu par une distance infinie. Il est fils de Dieu; mais
tous les hommes le sont ou peuvent le devenir à des degrés
divers (1). » Un théologien libéral ne saurait mieux dire. Un histo-
rien doit constater autre chose. Jésus « ne prêchait pas ses opinions,
il se prêchait lui-même (2). « Ce serait excessif pour un homme vul-
(1) r. 253.
(2) P. 79.
(3) P. 80.
(4) Cependant on lit dans la Vie populaire : <( Jésus s'envisageait depuis longtemps avec
Dieu sur le pied d'un (ils avec son père. Ce (jui chez d'autres serait un orgueil insuppor-
table ne doit pas chez lui être traité d'attentat » (éd. pop., p. Ijl). — Je ne voudrais pas
tourner moi aussi au blasplième, mais j'oserai dire que l'orgueil choquerai! moins l'hislo-
rieu à propos d'une puissante ])ersonnalité que la vanité puérile « Il se laissa donner un
:
titre sans lequel il ne pouvait espérer aucun succès. II finit, ce semble, par y prendre plai-
sir, car il faisait de la meilleure grâce les miracles qu'on lui demandait en l'interpellant
de la sorte » (p. 248). Parle-t-il dans un journal mondain d'un candidat à l'Académie, ou
de Jésus, lils de David?
(5) P. 122.
MKLANGES. 495
tribuait était celle d'un être surhuiiiain (1). » Cette fois les prétentions
de Jésus ont donc grandi avec temps? Mais ne chicanons pas sur
le
ces vétilles. Gomment excuser un tel orgueil, —
autrement que par
le résultat, —
si la prétention du Christ n'est pas légitime? Ici l'Orient
n'a rien à nous dire, car le Juif était par excellence l'adorateur du
Dieu unique. Mais Jésus avait « une haute notion de la Divinité, qu'il
ne dut pas au judaïsme (2) », il n'était ni déiste, ni panthéiste. Et au
fait, sommes-nous bien sûrs que Jésus n'était pas d'avance hégélien?
« J'ai voulu que mon livre gardât sa valeur, même le jour où l'on
(1) P. 256.
(2) P. 77.
(1) p. 332.
(2) Renan — rjui l'eût cru? — est transporté d'adiniralion pour les invectives de Jésus
aux Pharisiens : « Traits incomparables, traits dignes d'un (ils de Dieu! Un Dieu seul sait
tuer de la sorte « (p. 347).
(p. 269); en note : Le. viii, 45-46; Jo. xi, 33-38. Notez qu'en bonne logique les larmes de
.Jésus (.To. XI, 34) feraient partie de ces stratagèmes. El 11 faut le remercier de faire grâce à
Jésus — quoi qu'il faille penser des évangélistes!
(4) « Pour lui il se confirmait dans la pensée qu'il allait mourir, mais que sa mort sau-
verait le monde » (p. 384).
(5) «Nous admettrons donc sans hésiter que des actes qui seraient maintenant considérés
comme des traits d'illusion ou de folie ont tenu une grande place dans la vie de Jésus »
(p. 277). Et il est dit de l'abnégation chrétienne quelle « eut pour fondateur non le fin et
MELANGES. 497
roles ardentes, son zèle pour Dieu, si franc et si pur voilaient par
instants une pensée tortueuse si sa bonté qui répandait les miracles
;
seulement prier ceux qui ne croient pas, et qui pensent avec Renan
qu'il faut essayer de^ résoudre la question telle que la posent les textes,
d'essayer ce qu'ils appelleront, s'ils le veulent, l'hypothèse de la di-
vinité de Jésus. Aussitôt les contradictions disparaissent, parce qu'un
Dieu avait le droit de demander l'amour au degré suprême, parce
qu'il n'a pas trompé les hommes en mettant sa pui^^ance au service de
sa bonté, parce qu'il n'a pas usurpé en se disant égal au Pèxe. Alors
ilsaborderont avec un esprit moins hostile l'étude des miracles qui
ont prouvé aux disciples la mission du Fils de Dieu.
joyeux moraliste des premiers jours, mais le géant sombre qu'une sorte de pressentiment
grandiose jetait de plus en plus hors de l'humanité » (p. 325).
(1) P. 254, note 4.
498 REVUE BIBLIQUE.
V. — Les miracles.
fait,parfaitement exact, que des miracles ont été racontés par des
témoins oculaires (1). Strauss n'avait donc pas compris toutes les
vraies données du problème; cette négation des miracl.es est une
opinion pieuse de la théologie qui tient à en innocenter Jésus. Restait
à expliquer comment des témoins oculaires ont raconté des miracles
qui n'en étaient pas. Renan n'a pas diminué la difficulté; selon sa
méthode appel pour la résoudre à toutes les solur
favorite, il a fait
(1) p. 505. « Écartons absolument une idée fort répandue, d'après laquelle un témoin
oculaire ne rapporte pas de miracles. »
(2) P. XXI.
« La critique de détail des textes évangéliques , en particulier, a été faite par
(3)
M. Strauss d'une manière qui laisse peu à désirer » (p. xxxviii). commode, Son livre est «
exact, spirituel et consciencieux, quoique gâté dans ses parties générales par un système
exclusif » (p. xxxvni, note 2).
MÉLANGES. 499
(1) p. 506-516.
(2) P. 373.
(3) P. 5t6.
(4)- P. XXI.
(5) P. XXI, note 1.
Syrie, on regarde comme fous ou possédés d'un démon (ces deux idées
n'en font qu'une, medjnoim) des gens qui ont seulement quelque
bizarrerie. Une douce parole suffît souvent dans ce cas poui* chasser
le démon (i). » —
Voire, et les coups de courbache sont encore plus
efficaces, car on qualifie medJROun quiconque veut faire à sa tête. Mais
on voit aussi en Syrie des fous furieux enchaînés dans les vestibules
des couvents ou des églises, qui se montrent aussi réfractaires aux
coups qu'aux douces paroles. C'est de ces égarés, et des cas les plus
redoutables que les Évangiles ont parlé (5). Ils ne se seraient pas donné
la peine d'épiloguer sur le vocabulaire des moukres. Notre brave La
Palice eût dit aussi : « Un simple sorcier n'eût pas amené une révo-
lution morale comme
que Jésus a faite (6). » Mais il n'y suffît pas
celle
non plus d'être une personne exquise. Pas d'effets sans cause. Renan
le savait, et il a eu recours au grand moyen, quoique discrédité, de
(1) P. 270.
[1) On est donc très étonné de lire dans les ronsidérations finales sur Jésus : « Les lois
en vigueur de nos jours sur l'exercice illégal de la médecine eussent sulli pour lui fermer
la carrière » (p. 473).
(3) P. 271.
(4) P. 274.
(5) Mt. VIII, 28, etc.
(6) P. 278.
MELANGES. oOl
dispensait des autres. Sans doute il n'aura pas voulu rayer des pages
plaisantes et qui pouvaient faire leur efiet. Un habile avocat adresse
son paquet à chacun des juges ou des jurés. Et sa philosophie entre-
voyait une vérité dans la lueur dégagée par les contrastes et même
par les contradictions. On conclura avec M. Séailles « A donner :
La Vie de Jésus de Renan marque une date dans l'histoire des idées
religieuses en France. Ce fut comme l'avènement de l'exégèse parmi
le grand public. Et cette exégèse venait d'Allemagne. Il y avait pres-
'
(1) p. XXVII.
cord sur les qualités de l'écrivain. L'érudition est précise et ferme, sans
nuire aux idées générales qui semblent sortir naturellement des faits.
Le cadre historique est bien tracé c'est la Judée dans la fermentation
;
germanique, jamais il n'avait cessé de proposer en modèle à la France ses théories, ses
vertus, ses exemples. En un sens son idéalisme se confondait avec l'idée de la sujirématie
intellectuelle de rAllemagne, car c'est d'elle surtout qu'il espérait la rénovation par la
science, l'accélèialion du monde vers Uicu w [Erncsl Jtenan, p. 259).
MÉLANGES. 503
cience morale ». On ne voudrait pas citer des Allemands contre un autre, mais Renan les
a tant admirés !
504 REVUE BIBLIQUE.
tivement sans se dire qu'il n'est pas sincère dans son admiration
pour le Christ dont il a étudié si minutieusement le caractère. Il l'a
admiré, il l'a aimé au séminaire; il croyait encore l'aimer quand il
a quitté l'Église. Quand il a écrit sa vie, s'il a éprouvé par moments
quelques impressions de l'ancien attachement, il était résolu à sacri-
Et que signifie cet adieu ému sur la tombe de Jésus qu'il croit avoir
pas lire. —
Soit! mais le peuple ne comprend pas l'ironie. Pourquoi
la Vie populaire, en faveur des unies pieuses?
Étrange livre, d'un charme subtil et pervers, qui froisse les cœurs
droits.
(1) P. 440.
MELANGES. oOS
forment les mythes et les légendes « (p. 336), après avoir dit si nettement « l'œuvre me :
paraît manquée » (p. 136). D'après M. Séailles « On ne lui (à Renan) épargna ni la ca-
:
lomnie, ni l'outrage; c'est un genre où excellent les hommes d'Église » (p. 136). Qu'il lise
l'Avertissement de Ms' Dupanloup L'évêque d'Orléans ne s'est attaqué qu'aux doctrines
!
de ses adversaires « Leur caractère personnel n'est pas en cause » (p. 81). M. Séailles
:
n'a assurément ni outragé, ni calomnié, mais c'est bien lui qui a écrit « De ses blas- :
La France verra sans doute longtemps encore des efforts aussi dé-
II
1'
place dans les premiers mois de l'an 36, sinon à la fin de Fan 35.
Pilate gouvernait la Judée depuis dix ans (3). Il avait succédé à
Valérius Gratus, dont les fonctions, inaugurées peu après l'avènement
de Tibère, avaient duré onze ans (4). Les débuts du gouvernement
de Pilate tombent donc vers la fin de l'an 25 ou dans les premiers
mois de l'an 26.
Grèce et les exilés d'Israël dans les autres pays, puisse votre salut augmenter!
Je vous fais savoir que les brebis sont encore faibles, que les poussins sont jeunes,
que l'époque de la maturité n'est pas arrivée; il m'a d^onc plu, ainsi qu'à mes
collègues, d'ajouter à cette année trente jours » (.5).
(3) A. J. xvm, 4, 2.
(4) A. J. xvm, 2, 2.
(5) Traduit par J. Derenbourg, Essai sur l'histoire de la Palestine, 1867, p. 242 n.
508 REVUE BIBLIQUE.
R, Qrispa, au nom de R. Yohanan, dit qu'un jour l'année fut déclarée embolis-
mique par trois pâtres de bœufs. Le premier dit Au mois d'Adar, la température :
doit être assez avancée pour que les céréales mûrissent et que la floraison des arbres
commence. Le deuxième dit En ce mois, le froid diminue tant qu'en présence
:
3° j. 5anAeWrm 1, 2, guemara.
On rend l'année embolismique en raison de trois signes distinctifs : pour la
maturité attardée du blé, pour défaut d'équinoxe et pour les fruits des arbres non
mûrs. Pour deux de ces indices en retard, on adopte l'intercalation d'un mois,
mais non pour un seul Si l'un des indices était le défaut de maturité du blé,
on s'en réjouissait. Selon R. Siméon b. Gamaliel, on était aussi content d'ajourner
le mois de nisan pour coïncider avec l'équinoxe.
Dans trois provinces où ces indices seraient survenus, on intercale le mois embo-
lismique en Judée, en Pérée et en Galilée; pour deux de ces provinces qui se
:
... le mois de tisri est celui où coïncident à la fois la fête, la révolution d'an
(équinoxe), la récolte et la fln d'année; au mois de tebet, il y a bien un solstice,
mai^ pas de fête, ni de récolte, au mois de nisan, il y a aussi un équinoxe et une
fête, mais pas de récolte; enfin en tammouz, il y a un solstice et la récolte, mais
pas de fête tandis qu'en tisri seulement toutes ces circonstances sont réunies (3).
;
des autres années de la période cependant si le tribunal l'a déclaré ainsi, ce sera
:
admis pour tous. Toutefois, dit R. Mena, cela n'avait été dit qu'en principe, lorsque
les aimées de la vie étaient uniformes (que chacun cultivait la terre en paix) ;
mais depuis qu'elles ne le sont pas (qu'Israël est dépossédé), il est indifférent que
ce soit en la septième année ou une des autres.
On a aussi enseigné, chez R. Gamaliel, que l'addition d'un mois erabolismique
avait lieu dans l'année qui suit la septième ou repos agraire (1).
i<="" au 15 décembre f
au 15 décembre semailles kislev
un mois :
ab
!«'• au 13 août vers le 15 août fruits d'été (figues)
Chaleur loul
i" au 15 septembre l"'- au 15 septembre
Jlois 20-27
1" nisan
\er ijyar
!«' si van
l" tammouz
le' ab
l'"- eloul
l'"' tisri
marcliesvan
I" kislev
i" tebeth
l" sebat
\" adar
I"' veadar
1"^ nisan
1"' iyyar
1=' si van
1" tammouz
1" ab
I" eloul
1" tisri
l"marchesvan
1" kislev
1" lebeth
1" sebat
l*"^ adar
1" veadar
MELANGES. 511
20
aurait déjà prêché trois ans, ou plutôt aurait été dans la troisième
année de son ministère, il allait encore attendre un an et le figuier
serait arraché (xiii, 9).
Dans le même chapitre de son évangile, saint Luc parle des Gali-
léens dont Pilate avait mêlé le sang avec celui de leurs sacrifices
(xiii, 1). Or le procurateur ne venait à Jérusalem qu'au temps des
fêtes, et c'était également au temps des fêtes que l'on montait sacri-
fier au Temple. On serait amené de la sorte à voir dans Luc xiii, 1
des chapitres m
et iv de saint Jean dès lors, si l'on tient compte de ;
Jo. IV, 35 (1), on est amené à situer au début du printemps les pre-
miers événements qu'elle rapporte or cette date se trouve confirmée :
par l'épisode des épis froissés (vi, 1-G) qui eut lieu aux approches
de la moisson. —
Le sermon sur la montagne (vi, 20-4-9), au moment
duquel nous voyons une grande multitude se presser autour de Jésus
(vi, 17), suppose terminés les travaux de la moisson et de la vendange ;
après la rentrée des orges et des blés, après la récolte des figues et
des raisins, les paysans galiléens disposent de quelques loisirs, dont
ils peuvent profiter pour venir entendre « celui dont la renommée
se répandait de plus en plus » c'est justement le temps de l'année
:
les premiers versets (xiii, 1-5) mentionnent une fête juive (1), se
continue par la parabole du figuier stérile (0-9), qui se place natu-
rellement au moment de l'année « où l'on vient chercher du fruit »,
soit en juin-juillet; — enfin la comparaison du grain de sénevé
devenu grand (xiii, 18-19) suppose l'arrière-saison,
dernière semaine.
De ces quatre parties la première et la dernière, Tune très brève,
l'autre fort longue, sont les seules qui présentent chez les trois synop-
tiques un vrai parallélisme
La troisième, relativement courte chez saint Matthieu et saint Marc,
comporte des développements originaux chez saint Luc, qui n'a rien
voulu négliger des matériaux rassemblés par lui sur les divers
voyages du Sauveur vers Jérusalem cependant cet évangéliste, pour
:
(1) Donc la Pentecôte, si l'on tient compte des faits agricoles qui encadrent cette mention.
(2) Revue pratique d'Apologétique, V août 1916, pp. 513 et suiv.
514 REVUE BIBLIQUE.
Chose curieuse, dans les trois évangiles, les trois phases que nous
venons d'énumérer sont distinguées l'une de l'autre au moyen des
mêmes faits; ces faits ont une signification profonde, une valeur
symbolique et réelle tout à la fois, qui déterminent le sens et la
portée de la section qu'ils inaugurent. Ainsi entre la première et
la seconde se place la mission des disciples, prélude des dernières
tentatives du Sauveur pour ramener à lui « les brebis perdues de
la maison d'Israël »; de même, entre la seconde et la troisième, la
confession de saint Pierre, qui prépare les apôtres à la Passion et
les affermit dans leur disposition de suivre le maître jusqu'au bout.
En tout ceci, la logique paraît suivre de bien près la chronologie,
si même elle ne se confond pas avec elle car le récit bien ordonné :
de saint Luc avec ses allures historiques (1) montre clairement que
l'évangéliste, tout en adoptant un cadre tout fait, ne le considérait
nullement comme artificiel.
(1) Deux récits toutefois paraissent faire exception : la visite à Nazareth (iv, 14-.'J0) et la
mission des apôlres et des disciples (ix, 1-11 et x, 1-24). Nous en reparlerons plus loin.
(2) Voir en particulier les seconde et troisième partie du ministère galiléen Matt. ix, 35- :
XI, 30; Aiv, 13-x\i, 12 rapproché de Me. \i, G-viii, 26 et de Luc ix, 1-17; Malt, xm, 13-xmii,
Notre-Seigneur au désert.
Le quatrième .évangile nous fournit de précieux compléments :
l'Agneau de Dieu... » —
mention précieuse au point de vue chronolo-
g-ique à cause de l'allusion visible qu'elle fait aux cérémonies de l'Ex-
piation (10 tisri =
fin septembre ou début d'octobre) il nous — •
premier des miracles » que fit le Sauveur (ii, 11); puis il conclut :
34 et de Luc iv, 38-41; pour le second séjour, Malt. \, 1-17 rapproché de Me. n, 1-22 et
de Luc V, 17-36. De même, les parties primitives du sermon sur la montagne dans saint
Matthieu (v, 3-12, 38-48; vu, 1-5, 15-27] se succèdent conformément au schéma de Luc
(VI, 20-49}.
(1) Les recherches dont nous résumons ici les résultats ont été entreprises
y a bien il
des années déjà. Nous avons été heureux, en lisant le tjravail si précis de M. Lévesque. de
constater que. dans bien des cas, nos conclusions se rapprochaient de celles auxquelles il
était parvenu (par exemple sur les voyages de Luc ix, 51-xix, 27); nous avons cru pou-
voir utiliser pour le plus grand profil de ce travail telles considérations particulièrement
intéressantes (date de la Pàque, discours cités par Luc). Nous n'insisterons que sur les
points où il manière de voir du savant professeur et la nôtre.
y a divergence entre la
(2) 11 n'est pas impossible qu'à cette occasion il ait poussé jusqu'aux confins de l'Idu-
mée (cf. Me. m, 8). Voir en ce sens Folard, Vie de N.-S., I, p. 204.
516 REVUE BIBLIQUE.
« parce qu'il y avait là des eaux abondantes « (Jo. m, 23) (1), Jésus est
toujours en Judée, il y g-agne même un grand nombre d'adhérents,
que ses disciples baptisent en son nom.
Le différend sur la purification, que le quatrième évangile men-
tionne ensuite, est l'occasion d'un nouveau témoignage en faveur du
Christ; mais les termes qu'emploie l'auteur sacré (m, 23", et surtout
III, 30) laissent supposer que l'arrestation du Précurseur suivit de près
cet incident.
A cette nouvelle, dit S. Matthieu, « Jésus se retira en Galilée » (iv, 12 ;
huit mois.
léens avaient été à Jérusalem les témoins étonnés des grandes choses
que Jésus avaient accomplies pendant la Fête (Jo. iv, i5). En revenant
dans leur pays en avaient parlé et, comme bien l'on pense, leurs
ils
récits avaient suscité une certaine émotion... Les uns pleins de con-
fiance se sentaient tout prêts à accueillir et à honorer le nouveau pro-
phète; les autres préféraient se tenir dans une prudente réserve et
laisser venir les événements après tout, ce Jésus dont on fait tant de
:
54), d'une part; et d'autre part, la visite de Jésus à Nazareth (Mtt. iv,
(1) Jeaa s'était éloigné de Béthanie probablement parce que les cbaleurs de l'été avaient
abaissé les eaux du Jourdain et qu'ainsi l'ablution était devenue diflicilc sur les rives du
fleuve.
(2) Voir plus haut p. 512.
MELANGES. l'Ai
(1) L'attitude des gens de Nazareth (Luc i\ , 23-30) — combien invraisemblable pour une
première entrevue! — ne suffirait pas à expliquer le brusque départ de Jésus, si bien
accueilli à Gapharnaûm.
(2) Sauf, bien entendu, la manifestation toute privée des noces où « Jésus révéla sa
gloire ».
(3) Saint Marc et saint Luc ne prétendent nullement d'ailleurs que Jésus ait été jusqu'à
ce moment un inconnu pour Pierre, André, Jacques et Jean. Les récits de Me. i, 29-34 et
de Luc IV, 38-41 prouvent au contraire, conformément aux indications du quatrième évan-
gile,que Jésus était déjà en relations avec la famille de Simon-Pierre; et rien n empêche
que l'un ou l'autre des apôtres, ou même que plusieurs d'entre eux, se soient trouvés avec
Jésus en Judée l'année précédente, soit qu'ils l'aient accompagné depuis son départ de
Galilée, soit qu'ils l'aient rejoint en venant à Jérusalem à l'occasion d'une fête.
518 REVUE BIBLIQUE.
à son égard « Il était pour eux une pierre d'achoppement » (Mtt. viii,
:
57); « ils se scandalisaient de lui » (Me. vi, 3). De tels sentiments de-
vaient tôt ou tard aboutir à une malveillance complète et même, pour
peu que les esprits fussent échauffés, à de véritables violences le pas- :
sage de saint Luc iv, 23-30 (1) trouve donc ici sa place logique et
forme la conclusion naturelle du récit de saint Marc et de saint Mat-
thieu.
Immédiatement après cet événement pénible (2), le Sauveur semble
disparaître pour un temps l'évangile après avoir mentionné la mis-
:
(1) Ainsi quemontré M. Lévesque {Remie pratique d'Apologétique, 1" août 1916,
l'a
p. 524-526), saint Luc a fondu ensemble les deux réceptions faites à Jésus dans sa ville
«
natale...; il a réuni dans un même discours les paroles prononcées par Jésus à son double
passage à Nazareth. La nécessité de ne signaler i|u'un seul retour, pour être fidèle à la
catéchèse primitive, lui a fait adopter* ce procédé. Il rapporte bien ce que Jésus a dit dans
la synagogue de cette ville, mais il ne distingue pas les situations difi'érentes des deux
parties du discours... ». La première visite à Nazareth suivrait de peu les noces de Cana
et la seconde aurait eu lieu après le voyage en Judée.
Toutefois, à notre sens, le savant professeur ne tient pas sullisamment compte, dans la
solution qu'il adopte, de l'indication fournie par le quatrième évangile sur l'état d'esprit des
Galiléens au moment du retour de Jésus dans leur pays : « ils l'accueillent parce qu'ils
ont vu tout ce qu'il avait Jérusalem pendant la Fête » (Jo. iv, 45), è5é?avTo a^TOv
fait à :
ceci est fort éloigné de Matt. xiii, 57, de Me. vi, 3 et surtout de Luc iv, 23-30 et ne peut
convenir à la situation que supposent ces passages.
Quant au verset précédent de saint Jean (iv, 44), « Jésus avait déclaré qu'un prophète
n'est pas honoré dans sa patrie », nous y voyons un jugeriient d'ensemble sur le ministère
galiléen et ses résultats. L'évangéliste ne voulait pas reprendre ce qu'avaient écrit ses
trois devanciers touchant cette période de l'activité du Sauveur comme il ne pouvait pas
:
non plus ne rien en dire, il a cru suffisant d'en exprimer brièvement la conclusion dou-
loureuse avant de raconter les deux ou trois faits qui rentraient dans le cadre de son livre.
21-43; Luc VIII, 40-56) précède de peu la mission des Douze (Matt. x, 1 et suiv. Me. vi, ;
6-13; Luc IX, 1-6) que nous trouvons lapprocliée chez saint Marc et saint Luc des souj)-
çons d'Hérode (Me. ,vi, 14-2'J; Luc ix, 7-9; cf. Matt. xiv, 1-12); cliez saint Luc ces faits se
suivent sans intervalle ; chez saint Marc, l'intervalle existe et il est occupé par le récit de
la visite à Nazareth
(vi, 14-20); chez suint Matthieu il n'y a pas d'intervalle entre la visite
(3) Si l'on rapproche les divers textes qui concernent ces deux missions, on constate
qu'elles ont eu lieu vers le même temps, dans des circonstances presciue identiques, et
(lue les intéressés ont reçu des avis analogues. Cf. en ce sens : LévesqijK, Revue pratique
d'Apologétique, 15 août 1916, p. 611.
MÉLANGES. 519
presque aussitôt leur retour, nous laisse ignorer à peu près tout de
et
l'activité de Jésus entre ces deux moments.
a) mention d'une mission de Jésus dans les villes dont les apôtres
étaient originaires (Matt. xi, 1).
(1) Aux yeux du tétrarque, Jésus semble être un personnaf^e inconnu, qui reprend à son
profit l'œuvre du Précurseur; sans doute, jusqu'à ce moment les esprits dédaigneux ou
superficiels n'avaient prêté aucune attention aux missions du Sauveur en Galilée; ou s'ils
en avaient connaissance, ils n'avaient vu dans tout ce qu'on leur rapportait qu'une réper-
cussion lointaine des scènes qui s'étaient déroulées sur les bords du Jourdain.
(2) La section ix, 52-x, 24, qui sert d'introduction à ce voyage et où se trouve rapportée
la mission des 72 disciples, est un curieux témoignage de la manière dont saint Luc conce-
vait la mise en ordre de seS||natériaux : il savait que cette mission avait eu lieu dans des
conditions à peu près identiques à celles qui avaient entouré la mission des Apôtres
(cf. l'instruction aux disciples, Luc x, 2 et suiv. et l'instruction aux apôtres, Matt. x, 7
^^20 REVUE BIBLIQUE.
Il
aux premiers beaux jours, vers février,
part, à ce qu'il semble,
et par Béthanie (x, 25-42).
et ea°-ne la Judée en passant par Jéricho
Aux environs de Pâques, il séjourne... il séjourne sinon à Jérusalem
même, moins dans les environs immédiats
rlu tout dans le cha- :
que Pilate a mêlé le sang des Galiléens à celui de leurs sacrifices (xiii,
1-5, fête de la Pentecôte?). —
Les paraboles suivantes, comme nous
l'avons dit, nous conduisent jusqu'après la récolte des fruits, tout à la
fin de l'été (Paraboles du figuier stérile, xiii, 6-9, du sénevé devenu
grand, xiii, 18-19).
Le chapitre v de saint Jean raconte certainement des faits qui se
sont passés à Jérusalem pendant ce voyage mais « la fête des Juifs » ;
et suiv.), ri pourtant il la sépare de cette mission dont elle est le complément logique
et chronologique, uniquement parce qu'elle n'a pas eu son point de départ en Galilée.
C'est du moins l'ilinéraire que suppose la parabole du Bon S#narilain, qui a pour théâtre
la route de Jérusalem à Jéricho {\, 25-37).
qu'ils situent en Phénicie (Matt. xv, 21-28; Me. vu, 2i-30;, dans le
territoire de la Décapole (Me. vu, 31-.'n) et non loin du lac de Génésa-
reth (seconde multiplication des pains, Matt. xv, 29-38; Me. viii 1-9).
Aussitôt après ce dernier miracle, Jésus traverse la mer et débarque
à Dalmanutha, dans la région de Magedan (Matt. xv, 39; Me. vin, 10).
(1) a voulu placer dans cet intervalle un retour en Galilée dont on ne saurait rien
On
(car les passages de Matt. xvi, 1-12 et Me. yiii, 11-21 se rattachent étroitement à la seconde
multiplication des pains) et le « second voyage vers Jérusalem » (Luc xiii, 23-\vn, 10). —
Mais dans cette hypothèse comment rendre compte de l'exclama»;-.':! douloureuse sur
Jérusalem ou Jésus ne reviendra plus (Luc xiu, 34)? —
comment expliquer que dès le
début de ce voyage, on se trouve à proximité de la Ville Sainte (car ces mêjnes versets
34-35 impliquent le voisinage immédiat de Jérusalem)?
LÉVESQUE, ibid., p. 13.
(2)
Après la Dédicace, Notre-Seigneur « revint au delà du Jourdain dans le lieu où
(3)
Jean avait commencé à baptiser ». —
Mais cette expression « revint « pourrait aussi bien
viser le séjour fait par Jésus dans cette région au début de sa vie publique, Jo. m, 22 et suiv.
REVUE BIBLIQUE 1918. — N. S., T. XV. 34
522 REVUE BIBLIQUE,
Luc IX, 18-50) tous les faits qu'ils rapportent sont nettement enchaî-
;
3°
(2) Le verset xm, 2:> serait simplement destiné à expliquer comment au verset xni, 34
départ vers la Judée, avant la fête des Tabernacles, et aux prédications inteniK-diaires
Juifs « ai>prenant que Jésus était là, y allèrent, non pour Jésus seulement, mais aussi
pour
voir Lazare quil avait ressuscité (Jo. xii, D).
). —
Ces paroles indiquent que la résurrection
de Lazare était un fait récent et que le séjour de Jésus à Éphrem avait été de courte-durée.
MÉLANGIiS. 523
an XV =
1" janvier-31 décembre 781 U. G. 28 J.-G. =
D'autre part, l'usage juif assignait le 1 nisan comme point de dé- "^
part aux années des rois et des tétrarques mais on ignore s'il comptait ;
a„ XV = ^-^f
avril
781 U. G. (28
^
J.-C.) — ^^^ 782 avril
V. G. (29 J.-G.)
an XV = ^^
avril
782 U. G. (29
^
J.-C.) — '^
avril
783 U. G. (30 J.-G.)
(1) Beaucoup d'auteurs en prenant dans un sens trop strict l'indication de saint Luc (ui,
23) sur l'âge de Notre-Seigneur au moment de son baptême, ôxjzl ètwv xptâ/.ovta, et aussi
en recourant sans raisons décisives au texte de saint Jean ii, 20 sur les travaux du
Temple, ont été amenés à inventer une association pleine et entière de Tibère à l'empire
en l'an 11 après Jésus-Christ (= 764 U. C.) —
association dont la date aurait servi de point
Ils mettent en avant deux ou trois témoignages assez peu explicites (Suétone, Tibère,
14-22; Dion, i.v Annales i,
pass.; Tacite, 3; cf. Mon. Ancyr.). L'interprétation qu'ils leur
donnent est d'autant plus suspecte que les expressions dont on fait état se retrouvent
ailleurs appliquées à des situations analogues et nous obligeraient pour être logiques à
admettre d'autres associations « pleines et entières » parfaitement inconnues de l'histoire.
En outre, il n'v a pas un seul texte établissant formellement que les années de Tibère
ont jamais été comptées, en quelque endroit de l'empire. même en Egypte, où d'ordi-—
naire on tenait compte de ces associations, à un autre —
moment... à un autre moment
que celui de la mort d'Auguste.
Enfin, et ceci est très grave, l'antiquité chrétienne tout entière a entendu l'an XV de
Tibère de 781-782 U. C. (= 28-29 après Jésus-Christ;.
S24 REVUE BIBLIQUE.
rode Antipas régnait depuis l'an i av. J.-G. et devait être dépossédé
sous Caligula; Philippe mourut ran XX de Tibère selon Josèphe (•=
787-788 U. G. = 34-35 J.-C); Caïphe fut grand prêtre de l'an 26 à
l'an 36 ; et l'on ne sait rien des dates extrêmes du règne de Lysanias (1 ).
baptisé la même
année?
Il est remarquable que les anciens Pères aient placé en cette
même quinzième année de Tibère le baptême de Notre-Seigneur; à
dire vrai, rien dans le texte de saint Luc ne s'y oppose formellement ;
nous savons en effet que le temple ne fut terminé que vers le com-
mencement de la guerre juive. »
(1) Les rares textes épigraphiques qui mentionnent ce prince permettent de situer son
règne vers 26-30 après Jésus-Christ sans plus.
(2) Jean Bapliste apparaît l'an XV de Tibère-, il est évident que les foules ne se sont pas
ébranlées du jour au lendemain, à plus forte raison les pharisiens et les sadducéens; Jésus
n'apparaît que lorsque Jean est un prophète reconnu et écouté, quand il a précisé son
rôle de iirécurseur.
•Aot-làizo TCTS ÏMç TSJ vjv M-ACOO[J.rfirp -m', or/, i-^kir:^y^^ (1).
Nous savons par ailleurs que les Juifs ont considéré (4) l'exécution
d'un texte de Josèphe suivant lequel le temple n'aurait été achevé que sous Agrippa
II,
chronographes croyaient [à tort] que Cyrus avait régné 30 ou 31 ans depuis la prise de
Babylone les 9 années de Cambyses, les 7 mois du pseudo-Smerdis et les 6 premières
;
d'A-
années de Darius, ajoutées aux 30 ou 31 ans de Cyrus, font bien 46 ans (cf. Clément
lexandrie, Strom. I, 21; Chronicon paschale; Chron. Alexandr.; etc.).
or, selon les conceptions des anciens, le rapport de cause à effet est
le plus souvent appliqué à deux faits consécutifs si la victoire d'Arétas:
Notre-Seigneur a piôclié cette année-là coinnio les précédentes; celle année-là comme
(1)
les précédentes, ses auditeurs l'ont accompagné dans la campagne, sur les montagnes, « au
désert ». —
Jamais avant celte année-là les foules n'avaient été assez nombreuses pour
causer qncl(|ue Inquiétude au sujet de leur subsistance.
(2) L'année de rémission comme l'année sabbatique s'étendait d'un automne à l'autre:
elle suivait immédiatement cette année-là, mais sans comporter comme elle de repos
agraire : la lecture de la Loi était comme un renouvellement de lalliance de Dieu avec
son peuple au début de chaque période de sept ans.
MliLANGES. 527
vant par 6 jours; dans le second (30), par 1 jour; dans le troisième
(31), par 4 jours; dans le quatrième (32), par 5
jours; dans le sixième
Voir surtout les rédexions des Pharisiens (vu, 47 sq.j, l'épisode de la femme adultère
(1)
(vm, 3-11) et même la guérison de l'aveugle-né (ix, 29).
(2) Le dernier jour de la fête semble
déjà passé, mi, 44, puisque saint Jean mentionne
à ce moment une tentative d'arrestation de Jésus et un conciliabule de ses ennemis et il ;
semble difficile que les événements et les discours du chapitre vm se soient succédé dans
une même journée.
o98 REVUE BIBLIQUE.
Tune de ces deux années nous a déjà été suggérée par d'autres con-
sidérations, ce qui est un nouvel argument en sa faveur.
YI. Ve-aclar. Quel que soit l'arrangement que l'on adopte pour
concilier les données synoptiques avec les données johanniques, on
est amené à constater que les dernières semaines du ministère public
de Notre-Seigneur sont singulièrement pleines.
Si nous prenons comme point de départ le dernier séjour à Caphar-
naûm (iMatt. xvn, 24-27), nous relevons successivement le départ :
'
40
A ce
système on peut faire deux objections principales la première :
(1) Cette date est l'une de celles auxquelles nous étions parvenus à la fin de la pre-
mière partie de ces recherches.
530 REVUE BIBLIOUE. >
tribunal juif; il subit la peine marquée par la Loi sans qu'il faille,
comme pour Jésus, obtenir la ratification du procurateur. Après ce
premier acte de la persécution, Saul reçoit du Sanhédrin pleins pouvoirs
pour emprisonner, torturer, mettre à mort les chrétiens; en un mot,
l'autorité romaine, toute-puissante jusqu'alors, apparaît tout h coup
énervée. » Un seul fait, d'après M. Fouard (3), peut expliquer ce chan-
gement soudain : la mort de Tibère le 16 mars 37: — mais on pourrait
(1) La ili'tnonstration on a été faite et bien faite dans plusieurs travaux spéciaux à la
suite de récentes découvertes (cf. en particulier, Brassac, Revue biblique, janvier et avril
laquelle la dispersion des apôtres eut lieu douze ans après la mort
du Sauveur; saint Pierre ayant gouverné rÉfilise Romaine durant
vingt-cinq ans, il est fort vraisemblable que la dispersion initiale des
Douze provoquée par la persécution d'Agrippa, vers l'an V2 or, de
fut :
T.pS(S-B^xyvfx'. xo\q ajTCu xr.z^-ôhO'.ç 1-'. owcsy.a. Itcîi.v [j.t, -/o>p'.3-6r,v7.'. -.f,:
IcpoujaXVjj..
'::',(7-sy£',v kn\ tov ©sbv, àsEOr^scv-ra', ajTW al âj^-ap-iai. Ms-à co)cez.a srr^ ïz€iJ)rf~z
déclare II. Goguel {Essai sur la Chronologie pavlinienne, R. H. Rel. LXV, p. 289;, et un
telmouvement né d'une explosion de fanatisme, n'est ])as plus invraisemblable, sous le
On dira encore :
la mort du roi Hérode (qui se place entre septembre 5 et avril '4 av.
J.-C), donc au plus tard en l'an 5 avant notre ère;
il fut baptisé après le début de la prédication de Jean, donc
après
Tau XV de Tibère (28-29 ap. J.-C.) :
(1) Us réduisent par conséquent toute la Vie publique à une seule année et ils croient :
cités par saint Algistin, De Doctrina christiana, xxviii, 42: P. L. xxxiv, 55-56.
(C) Nous tenons à faire remarquer «lue nous ne prétendons nullement aborder, dans le
donc, à s'en tenir à ces données certaines, ùi-v. -.^^x/.zr.y. doit cerUtine-
ment s'entendre d'un nombre d'années supérieur à :
5 H- 28 = 33 ang
b) D'après l'interprétation la plus communément admise, Marie et
Joseph vinrent à Bethléem mi temps oïi Qiiiriniiis fit son premier
recensenient ; ce recensement eut lieu avant la mort d'Hérode, donc au
temps de première légation de Quirinius en Syrie (entre
la les années
11 et 9 avant notre ère (1);
dès ayant été baptisé après le début de la prédication de
lors, Jésus
* Jean, doncaprèsl'an 28-29, cotîi -:p'.a-/.:v-a, doit certainement s'entendre
d'un nombre d'années siipérieur à :
10 + 28 = 38 ans
ou 9 28 = 37 ans
-4-
(1) Cf. Revue biblique, 1913, p. 648. L'étude attentive du texte de Josèphe montre que
Sentius Saturninus était légat de Syrie dès la lin de l'an 9; Quirinius ayant été consul
ordinaire dans la première moitié de l'an 12, sa légation tombe nécessairement entre le
l" juillet 12 et le milieu de l'an 9.
(2) On sait que le P. Lagrange, à la suite de plusieurs critiques et exégètes, est disposé
à traduire : « ce recensement eut lieu avant que Quirinius ne fût gouverneur de Syrie ».
mes qui brouillent l'ordre des affaires et laisser les savants disputer
des autres (1). »
III
|0
L'année de la Passion.
Divers auteurs des premiers siècles ont été amenés à indiquer Van-
née de la mort du Sauveur beaucoup l'ont fait plus ou moins expli-
:
la Passion; d'autres enfin ont bâti sur les conclusions de leurs pré-
elle est indiquée par deux ou trois Pères (10) ce n'est qu'à partir du ;
ai un statuerunt ei XXX stateres, tantani ei donationem cou stit» entes, quantos annos
Salvator pereg rinatus fuerat in Iwc mnndo.
(0) Adv. Haeres. ii, 22, i; P. G. vu, 780 sq.
(10) Saint Hu'poi.yte. In Daniel i; P. G. x, 645.
Origène, dans un texte dont nous parlerons plus loin, n'est pas opposé à cette opinion,
536 RKVUE BIBLIQUE.
Oloa oï -/.'A xW-q^f elç Tr^v é6oo[j.âoa Tr,v « cuvaixoiaaaav oia6r,/.r,v ::oXaoï? »
puisqu'il énumère [in Malth. praediculionis Domini fere annos très; mais nous
40)
venons de voir qu'il trouvait également tout simple d'interpréter Luc iv, 19 d'une prédi-
cation d'une seule année.
(1) Voici le texte de Syncelle : rm S' êtsi t-?; a[i' '0),u[Ji7rtâ5oç èyé^n-o £x),3n|it; r,>io'j liEyicrir,
TÛ)-/ è7vo)(T[X£v(ov TtpoTspov, xat vù| wpa ev-tt, t?,; r^\i.içicnç ÈyÉviTO loffTï xal àffxépa; Èv oupavô)
çavrivai, i7£ï(j|xd; ts (xéya; xKTà Bt6-jviav xà no'/là Nixaîa; xaT£ffTpÉ({;aTo. Selon Jli.es Afiucain.
ïhallos aurail lui aussi mentionné cette « éclipse » (P. G. x, 89). — Cf. sur le même sujet,
UuicÈNE, in Malt. 134 (P. G. \iii, 1782) et Teutui.i.ien, Apolog. 21 (P. L. i, 4ol^.
Xcvoç "Kocphvr, Tov ^jj^-avra -wv â-osToXiov -/psvsv sic é65o[;.r,/,ov-:aîT(av auv-
Tîiveiv, èv ^ xh '/:i\Ç)'j^(\).y. Tr^ç Kaivîj; AiaOY;/.-rj; or/.é-t svl, âXÀà tîoaXoÎç eôvsff'.
7.r,pu)jOèv s'.ç 'Tcaaav àv£OJva;j.toOY] rr;v o'.y.oj;Aî'v^v. Kaî vip ojv Ix iCn ?(jtc-
pitov Set'y.vj'rai 'Iwâvvr,; 6 tou Kupiou ,y-aOr,TY;; jj.£Tà r^v àvâX'/j'I/iv aù-oy
£is7',v £-i5'.oj; ;'
(J-iXP'- yip "?;? Tpaiavoj Xôyo; £)jîi T:apas;,£tva', ajTbv 3^cr'-"
Xî'laç' y.a-râ ts -auTTjV rJ;v ov(\-^(r^<si^> r^pbl-qkz^t z-u)^ àv tw •^[/,f'(j£t -raJr^ç t-^?
èv âîxaiT'.v ï^oo\).y.loc, r,p(l-^ Oujia xal a-ovor;, v.'A i\ Xîy2;j-îvov ^ofXuYlJ-a "^^5?
£pY;[^-wc£a);; la":"/; iv tÎ-w â^uo. Ta y^^'' "^^^ "^? "^^ SwT'^po? -/jl^-wv âva-
a"rât7£0)ç Iki ty]v JjTârrjV /.a^à OjîJ-aj'.avbv ~oXiop"/,(av sic £Tï; '::£vt£ y.al
y.ai '::av-£Xï3 tyjv 5ià -rrupo; oOopàv y.zl y,a-«!Ty.as'J;v toï zâXai '.spsj /.al aY'-O'J
cadis annorum, sublatum est sacrificium altaris, id est in XXV anno= si autem opor- . ;
templum abominatio desolatio est facta, quae desolafio usque ad tempus consummationis
manebit. »
(jav àTTOYpaçYJç vevéaOai et:! Aù^ouctiu. Oti oè tcSt aÀTjQéç kaiu' ev t(T)
Tiêepicu KatŒapcç, kyé^e~o pyjjjia Kupîou èzi 'Iwâvvr,v, -bv Zayapiou uliv. Kal
TcaÀiv èv TÛ aÙTw" -^v êè T/jcrouç £pyô[A£voç £7:1 xb pà-rrmtxa (î)ç ItoW A . Kai
OTi èvtauxbv i.».ivcv eoet a'jxbv y/zipû^ai, y.ai touto YéypazTa', cjxwç* 'Eviauxbv
cey.xbv Kupiou y.*r)pijçai àzéc-TîùiV ;j.s. TcDtc y.at 5 TrposriTYjç £Ï7:£, xx'. xb
(1) XVI, C : yÉYpaTTTai yàp v.oci êa-rai, t^ç égôo[;.à5o; (7-jvTe).o-j|X£VTi; otxoSoiJ.r|67ia£Tai vao;
Osoy...
(2) Pour Origène (Le.) semaines équivalaient aux 4900 ans écoulés depuis Adam.
les 70
Il est curieux de constater que les 70 seuiaines comptées à partir des travaux de
Néhé-
mie, sous Artaxerxès I, en lan XX (= 448 7 il s'agit sûrement, .\éh i, 1; n, 1 [mais
:
non
pas V, 14], de l'an XX du 2' jubilé depuis la dédicace du second temple) nous conduisent
à la mission d'Esdras en l'an VII d'Artaxerxès II, en 399/8; et que les 62 semaines sui-
vantes (62 7 X =434) ont pour point d'arrivée l'an 35 ap. J.-C. Outre cette mention de —
la 20° année sous Artaxerxès (il ne peut s'agir d'une année de règne, du moment que kis-
lev, puis nisan appartiennent à la même année), il existe mi moins trois textes chronolo-
giques faisant commencer leur compul à dos dates toutes séparées de lan 517 6 par 50 ou
un multiple de 50 :
les années 567 6, 517 6, 467/6, 367/6, 317/6 marquent toutes l'an I d'un jubilé.
(3) Clément «'Alexanduie, Stromata i, 21; P. G. viii, 884; Ti:rti;i,likn, Adv. Ju- —
daeos, i\: P. L. ii, 016; —
ORiciiNE, Contra Celsum, 4: P. Q. xi, 1056; In Jeremiam, —
14; P. G. xu), 420.
MELANGES. 539
YjiJ.Épa', r. FivovTai CUV «5' sj'ô Kûptc^ k-^vr/rfirt eo)ç Kc|ji.6gou tî/.sut^ç,
Nous avons ;
Intervalles Ans
De la Nativité ;i la Passion :
Total vrai :
7 août ou 7 juillet 70
et pour la date de la Passion :
Le jour de la Passion.
(2) Ici, nous faisons allusion à l'ordre incertain de la succession des trois ou quatre pre-
miers papes, et surtout aux chillres divergents donnés pour la durée d'un même pontificat.
MELANGES. o4i
Par exemple, le martyre de saint Jacques le Mineur situé peu après la moit de Fes-
(1)
en 98, et au ii" siècle, à Antioche, Héron succède à saint Ignace en 108; etc.
(3j Telle la tradition, rapportée par saint Grégoire le Grand, des sept années d'épisco-
(1) Telle la date du 18 mais, qui, d'après saint Épiphane, ne se rencontre que dans
([uel(iues exemplaires des Acta Pilati (n° 8).
(2) Doublets possibles : XII et XIII des calendes d'avril (n"" 1 el 9).
De la Passion à la Nativité
Total
MÉLANGES. 345
Texte primilil"
i" intervalle
2« intervalle :
3'= intervalle :
Total
546 REVUE BIBUQUE.
avec l'an 28, si bien que calculant sur l'an 28 (bissextile, donc, avec
un jour supplémentaire après le 5" jour épagomène [= 28 août' de
l'année commune), ils ont trouvé une différence de 12 jours (29 août
de l'année commune =
17 août de l'année vague) qui, du 25 mars,
les ramenait au 6 avril.
astronomes.
Mais la connaissance de ces inexactitudes nous permet de
même
nous rendre compte comment ont pu être trouvées certaines dates
proposées pour la Passion de Notre-Seigneur.
Les anciens computistes, en dressant leurs tables pascales, se lais-
saient guider par une double préoccupation ils voulaient tout à la :
Seigneur, fournit pour l'an 28 (comme pour l'an 35) la même date,
VIII des calendes d'avril (= 25 mars)
Ces divers cycles fourniraient encore vendredi 21 mars ^321 et
le
avril [31] (Canon Africain) toutes dates qui se trouvent dans notre
:
Il est fort possible que, ces résultats une fois atteints, on ait cherché
à les étayer par des considératious symboliques et mystiques C'est :
date ne l'ont fait qu'en passant, et guidés le plus souvent par des
considérations d'ordre apologétique ou symbolique, par consé- —
quent sans le moindre souci de garantir l'exactitude chronologique
de ce qu'ils avançaient.
Et de là vient que les rares auteurs anciens qui se sont risqués à
ébaucher des systèmes complets, que les curieux qui ont prétendu
indiquer les jours elles mois de la Nativité ou de la Passion, abou-
M. Chaume.
(1) On pourrait résumer comme il suit l'histoire delà date — traditionnelle au m' siècle
— du 25 mars 29 :
donnait « sur une grant place où Ion vendoit blé », dont le souvenir
s'est perpétué dans les appellations contemporaines de Meidân et de
LE MUR DE BETHLÉEM.
Le lerlour se rendra compte de la diflérence existant entre les deux étals de la basi-
(1)
faire des sièges pour leurs Prestres, et un autel à leur mode. Les >)
gnait en elïet sous le nom de solea (^wAsa) dans les églises byzantines
l'espace compris entre la nef et le bêina (plate-forme délimitée par
l'abside, où se trouve l'autel). Cet espace était réservé à l'usage des
chantres et des lecteurs, ou aux moines dans les sanctuaires desservis
par eux. Séparée du lieu saint par une clôture où s'ouvraient trois
portes, la solea n'était pas nécessairement close sur les autres côtés.
Mais elle se trouvait parfois entièrement fermée par des balustrades
de bois ou de marbre. De chaque côté, ou quelquefois au milieu,
s'élevaient sur quelques marches un ou deux ambons d'où Ton faisait
les lectures liturgiques.
La scliolacantorum de la Basilique de Saint-Clément à Rome, avec
sa clôture de marbre et ses ambons, nous donne une idée parfaite
de ce que pouvait être une solea à l'âge d'or byzantin. On sait que
cette clôture provient de la basilique primitive où elle avait le
même emploi et qu'elle date du vi" siècle. La solea du Martyrium
et celle de l'Anastasis nous sont signalées dans le Ti/piam du
que
La grotte de l'enseignement du Sauveur n'est plus marquée
par un trou béant dans lequel glissent les terres environnantes.
Tout l'appareil de labsidiole, les montants des deux entrées,
les
que l'on remarque sur la paroi de ce passage laisse voir une croix.
Le même signe est reproduit à l'intérieur du caveau sur un car-
touche sommairement taillé. Cette sépulture appartenait sans doute à
l'une des fondations monastiques qui avoisinaient l'Éléona.
558 REVUE BIBLIQUE.
•
F. M. Abkl, 0. P.
RECENSIONS
M. Levesque vient de réunir en volume une série d'articles publiés dans la Revue
pratique d'Apologétique et la Revue biblique. En cédant aux « sollicitations nom-
breuses " de ses premiers lecteurs, il vient d'enrichir d'un bon livre la collection
française des études exégétiques. On ne passe pas de longues années dans la lecture
assidue et l'enseignement de l'Evangile sans amasser tout un trésor d'observations
personnelles, voire de solutions inédites. M. Levesque commence à nous faire part
de ses richesses. On ne peut que l'en remercier, en formant le vœu que ce premier
volume soit bientôt suivi de plusieurs autres. L'exégèse catholique ne pourra qu'y
gagner. Une pensée éminemment traditionnelle dans le fond, qui a su bénéficier des
progrès réalisés par autrui et qui s'est accrue de son apport personnel, une diction
qui vise moins à l'éclat qu'à une lumineuse simplicité, une piété contenue et fervente,
ce sont des qualités assez belles pour rendre la lecture d'un volume attrayante et
profitable. Si. au surplus, on peut dire de ce travail qu'il fait réfléchir, c'est l'éloge
le plus flatteur qu'on puisse décerner à un livre, alors même que la réflexion condui-
rait parfois le lecteur à des conclusions différentes : c'est encore servir la vérité que
de stimuler les recherches.
Je ne crois pas me tromper en disant que le but principal de l'auteur est de nous
johannique et le récit synoptique sont, l'un comme l'autre, un témoignage. Le tout est
de bien saisir leur plan avant d'essayer de les harmoniser. Si les concordes tentées
entre les deux récits sont restées jusqu'ici artificielles et peu satisfaisantes, c'est qu'on
ne s'était pas rendu compte d'abord du vrai plan des trois premiers évangiles. La
clef de la narration synoptique c'est la division quadripartite :nous avons cherché à la
mettre en évidence. D'autre part, un des buts du IV*^ Évangile... est de nous
apprendre à lire les synoptiques. Ces deux plans, une fois bien compris, feront recon-
naître que le fossé qu'on suppose creusé entre les synoptiques et le IV*" Évangile est
plus facile à combler qu'il ne semble communément, que les deux et l'on verra
être les deux idées maîtresses de l'ouvrage. Elles méritent de retenir notre attention.
D'abord la divisio7i quadripartite. M. Levesque y revient à plusieurs reprises sans
se lasser. « Pour encadrer les événements de la vie publique du Sauveur, écrit-il, les
trois synoptiques ont adopté le même plan général : le baptême, la Galilée, le voyage
à Jérusalem, la dernière semaine dans la Ville sainte terminée par la mort et la
résurrection. Cette division quadripartite, ils l'ont prise c la même source, la caté-
chèse orale. Ils l'ont religieusement gardée et sous aucun prétexte ils n'ont voulu la
briser, bien qu'elle eût ses inconvénients au point de vue historique » (pp. 50.52).
Tout n'est pas nouveau dans ces remarques. Ce qui l'est davantage, c'est le relief
qui leur est donné et la manière dont elles sont utilisées pour la solution de certaines
difficultés historiques. On lira avec intérêt et profit les pages consacrées à l'étude de
cette question, notamment les pp. 63-77.
voyage dans les districts de ïyr et de Sidon (xv, 21 ss.), la tournée à Césarée de
Philippe (xvi. 13 M. Levesque a relevé ces mêmes faits dans saint Marc, en
ss.).
notant que, deCapharnaiim, « partent une série d'excursions dans les différentes direc-
tions de la contrée avec retour régulier au point de départ » (p. 44). Cette fois, la
formule est rigoureusement exacte mais elle montre que le jardin fermé a bien
-,
guérit; les porcs se jettent dans le lac; frayeur des bergers; curiosité des habitants;
pétition pour que le Maître s'en retourne chez lui. De fait, « s'étant rembarqué, il
point qu'il se rend à Jérusalem ; il dit seulement qu'il se porte sur les confins de la
Judée, dans la Pérée (\im, 1). Et lorsque, enfin. Jésus monte à la Ville sainte fxx, 20 ,
c'esten droite ligne, sans même faire de halte à Jéricho, qu'il passe de la Transjor-
dane à Bethphagé (xxi. 1), laquelle est déjà un faubourg de la capitale. Saint Marc
reproduit exactement ces mêmes données (x, 1, 32, 46; xi, 1)...
Saint Luc arrive; et soudain, ces linéaments imprécis deviennent un tableau
consistant, le grand tableau des roi/ayes jx, .51-xix, 48), si bien analysé par
M. Levesque. Cette fois, la section possède une physionomie très distincte, et elle ne
le cède ni en dimensions ni en importance à aucune autre section de l'Evangile. Pour
la constituer, saint Luc a groupé les récits de plusieurs pèlerinages, que sa conception
historique l'empêchait de placer ailleurs.
Mais si, de ce groupement, c'est lui, saint Luc, qui est responsable, ne serait-il pas
aussi pour quelque chose, pour beaucoup même, dans la division quadripartite
— Mais voici des exemples concrets empruntés à M. Levesque. « L'examen des cinq
grandes instructions du premier évangéliste, écrit-il, nous a révélé en chacune d'elles
des additions, rattachées au fond de ces discours, mais tirées de paroles que le
Sauveur a prononcées en d'autres circonstances... C'est que. étant donné le plan du
premier Évangile, saint Matthieu ne pouvait faire entrer ces enseignements complé-
mentaires qu'en les rattachant à des discours de la période galiléenne ou au grand
discours eschatologique de la dernière semaine. Toutes ces additions proviennent,
562 REVUE BIBLIQUE.
en de discours qui n'ont pas été prononcés en Galilée et qui sont antérieurs à
effet,
enseignée deux fois, en des circonstances difTérentes ? C'était l'opinion préférée des
anciens interprètes, qui, à vrai dire, n'eu entrevoyaient guère d'autre. M. Levesque
n'estime plus cette hypothèse recevable. Le Pater n'a été prononcé qu'une fois, et il l'a
été, comme l'indique saint Luc, durant le premier voyage delà troisième section, en un
certain endroit, qui « pourrait bien être le mont des Oliviers sur le chemin de Béthanie
à Jérusalem » fp. 67). « Saint Matthieu, fidèle au plan quadripartite, ne trouvait pas
où placer ces leçons importantes sur la prière. Il les a tout simplement fait entrer
dans le sermon sur la montagne » (p. 69).
enseignements des chapitres xi et xii ont leur situation marquée à Jérusalem plus
que partout Avec le chapitre xiii, nous voici de nouveau sur le
ailleurs » (p. 67).
chemin du retour (xiii, 1-.5). « Probablement faut-il assigner au retour de la Ville
sainte la guérison de la femme courbée depuis dix-huit ans (xiii, 10-17) et les deux
paraboles du sénevé et du levain (xrii, 18-21) » (pp. 71, 72).
Ces précisions, je le crains, risquent de laisser plus d'un lecteur sceptique. S'il est
avéré que saint Luc fait allusion à divers pèlerinages, qui nous assure qu'il a voulu
dresser pour chacun un carnet de route méthodique? S'il l'avait voulu, l'aurail-il
pu, étant donné le désintéressement professé par les compagnons de Jésus et la pre-
mière génération chrétienne pour les minuties de la chronologie? S'il l'avait pu, nous
RECENSIONS. ri63
aurait il présenté ces épisodes sous la forme chaotique qui les caractérise? Qu'on
relise le récit de ce premier voyage fix-xrri); on n'y relève pas une indication pré-
cise. Pour les données de lieu, passe encore, s'il est vrai que le plan de l'évangéliste
lui Imposait ces réticences systématiques. Mais cette raison n'est plus valable pour
les indications de temps. Et cette fois, il semble bien que, si l'évangéliste n'a pas
dressé au moins une chronologie relative, en disant par exemple ensuite, te soir, le
:
et à dissiper nos doules. Le plan quadripartite peut justifier le transfert d'un mot
ou d'un acte dans une autre section il est impuissant, par lui-même, à Oxer le
;
ques » (p. VIII). Ailleurs, il développe sa pensée : « Le récit synoptique était alors
(vers la fin du premier siècle) certainement connu de tous les fidèles. Avec sa divi-
sion quadripartite, simple et commode pour un enseignement élémentaire, on ne
pouvait suivre en détail un ordre complètement historique. On savait sans doute à
quoi s'en tenir, à l'origine, sur cette disposition. Mais à mesure qu'on s'éloignait des
événements..., on risquait fort de se méprendre à moins qu'un tciiinin autorisé ne
vint rectifier l'apparence du récit synoptique. Aussi en même temps qu'il cherchait à
appuyer son témoignage, en lui donnant un cadre réel, saint Jean était amené
par là même à expliquer et à compléter ses devanciers, '^e n'est pas, sans doute,
qu'il ait prétendu marquer toutes les fêtes juives auxquelles Jésus aurait assisté à
Jérusalem, ni qu'il ait voulu donner chacun des points de repère permettant de faire
concorder, en tout point, son récit avec celui des synoptiques. Non, ce n'est pas
pour satisfaire la curiosité des historiens qu'il a donné des indications chronologi-
ques. Il trace les grandes Hgnes et n'entre pas dans les détails. Il lui suffit de bien
établir ses propres récits et d'écarter l'objection qu'on aurait pu lui faire, en se pla-
çant au point de vue de la disposition synoptique. Mais ce quil foÂt nouî aide à
g64 REVUE BIBLIQUE.
mieux lire les trois premiers Évangiles et nous permet de faire entrer leur narration
ce chef, il y a dans son ouvrage plus décent pages qui pourraient s'intituler De con-
sensu Evanrjelistarum, où le quatrième Évangile joue le beau rôle de trait d'union
et de conciliateur. On ne peut que renvoyer le lecteur à l'étude de ce chapitre
dens et lucens (v, 35) ferait allusion à la mort de saint Jean-Baptiste, laquelle « nous
rapporte à une période plus avancée du récit synoptique » (p. 113). Par là, se trouvent
exclues les dates de Pâques et de la Pentecôte, et nous arrivons « à la fête des Ta-
bernacles de la deuxième année » (p. 114).
Que ? On estimera peut-être que la base en est discu-
vaut cette première raison
table. Le mot de Jésus
nécessairement une oraison funèbre, et ne convient-il
est-il
il fut jeté dans les cachots d'Antipas. Ce fait dut se passer quelques mois seulement
après la première Pâque. — Mais, alors même que Jean-Baptiste aurait été déjà déca-
pité à l'époque de ce discours (Jo., v), il resterait encore à établir que cette page
nommer toutes les autres solennités, omet-il le nom de celle-là toute seule (v, 1)?
On a dit qu'il s'agissait des Purim et que saint Jean se faisait scrupule d'en parler,
parce que cette fête manquait de décence, ou que les lecteurs hellènes auraient été
choqués de ce vocable hébreu. Mais les Septante n'avaient ils pas déjà acclimaté
dans le monde judaïsant terme Phurim sous la forme <l»ooupa(? El la traduction
le
0'. y.lr^p'ji eût-elle plus effarouché les Grecs que îj ay.rivor:r,Y:a, traduction de Snh/ioih
ou Tabernacles ? Et puis, malgré le caractère légèrement carnavalesque de la solen-
nité, celle-ci avait des origines trop nationalistes pour que personne songeât à la
rayer de la série des réjouissances sacrées. — Bref, le silence gardé par saint Jean
sur le nom semble dû uniquement à l'état de sa mémoire. L'apôtre se
de la fête
souvenait du du discours et du lieu, mais les circonstances de temps s'étaient
fait,
effacées de son esprit, et il ne parlait plus que d'wne fête en général. Les exégètes
cherchent à deviner quelle était cette fête. Mais ce calcul, l'évangéliste aurait pu le
faire aussi bien que nous. S'il n'est pjs arrivé à un résultat, c'est que cela ne lui
était guère possible. Le mieux sera donc d'interpréter le fait eu lui-même, abstraction
faite du temps. En tout cas, il ne semble pas prudent de prendre la mention de
cette solennité imprécise comme l'un des jalons assurés d'une clironologie. Ceux qui
agissent ainsi supposent établi que saint Jean suit une chronologie rigoureuse. JN'y
a-t-il pas dans cette supposition l'appareuce au moins d'une pétition de principe.'
Les remarques qui précèdent ont surtout la portée d'un argument ad hominem,
pour montrer que l'épisode du chap. v a pu se passer soit après la première Pàque,
soit après la seconde, et même que la fête innomée pourrait s'identifier avec l'une
des solennités, Pâque, Tabernacles, Dédicace, mentionnées ailleurs par saint Jean.
La seconde raison alléguée par M. Levesque en faveur des trois ans et demi de
ministère est énoncée comme il suit : « Réduire à deux ans et demi la vie publique
de Jésus-Christ ne permet pas de trouver un temps de séjour en Galilée assez pro-
longé pour rendre raison du sentiment de la catéchèse primitive regardant celte
période comme la partie la plus considérable de son ministère » (p. 89). On pour- —
rait répondre que le sentiment des premières communautés où se forma la caté-
tiens de la Ville sainte préféraient les discours et les miracles ayant eu un autre
théâtre; ces miracles convenaient mieux au but poursuivi; ces discours étaient plus
intelligibles, etc. —
Puis enfin, mieux vaut ne rien exagérer. M. Levesque pense
que, durant les huit ou neuf mois qui ont suivi la première Pàque, Jésus est resté « à
Jérusalem et en Judée ou sur les bords du Jourdain » (p. 88). A Jérusalem, il ne semble
pas que le séjour ait été très prolongé, le divin Maître ayant pu quitter la ville
après l'octave pascale. L'épisode du baptême en Judée ne requiert pas non plus un
long espace de temps (iv, 1, 2). Et, entre ces deux épisodes, se place une donnée
chronologique qui ne manque pas d'intérêt : « Après cela, Jésus et ses disciples vin-
rent en terre de Judée », [j.z-a Tau^a t,ÀO£v... (ni, 22). S'il vint en Judée, le diviu
Maître a pu venir de Galilée aussi bien que de Jérusalem. C'est dire qu'un séjour en
Galilée pourrait convenablement se placer entre la première Pâque et l'époque où
les disciples de Jésus administraient le baptême. Dès lors, nous
aurions de quoi
temple a déjà une littérature. Effectivement, il pose un cas des plus intéressants.
C'est un des rares faits qui soient racontés à la fois par les quatre Évangiles. Mais,
chose curieuse, tandis que saint Jean le place tout au début du ministère (ii, 12 ss.),
les trois synoptiques le relèguent à la fin, durant la semaine sainte. De là, des ques-
tions qui se posent depuis des siècles : Y a-t-il eu deux épisodes? S'il n'y en a eu
De nos jours, certains interprètes n'en admettent plus qu une. M. Levesque est de ce
nombre. « De tels événements, écrit-il, ne se passent pas deux fois avec les mêmes
particularités et les mêmes paroles » Mais, grâce à la prépondérance accordée à
.
tère... Trois ans plus tard, ses ennemis voulurent en tirer parti contre lui ; les té-
fusions, tandis que, dans le cas contraire, on s'expliquerait mal chez les ennemis si
peu d'attention et de mémoire » (p. 57). Ces raisons sembleront peut-être fragiles.
Les partisans des deux expulsions continueront sans doute à distinguer les deux épi-
sodes. Quant à ceux qui n'admettent qu'une seule expulsion, ils estimeront que,
pour brouiller les souvenirs d'un ramassis de témoins, d'une autorité et d'une mo-
ralité très discutables, il n'était pas besoin d'un intervalle de trois ans; il suffisait
cheuses conséquences au point de vue messianique. C'est peut-être une rais'on de plus
pour préférer l'ordre chronologique des synoptiques à celui de saint Jean. Et, en dé-
finitive, s'il n'y a pas eu deux expulsions, le contexte des synoptiques semble plus
conforme à la réalité. C'est plutôt saint Jean qui a déplacé l'épisode, parce qu'il
faisait moins attention à serrer de près sa chronologie qu'à mettre en relief la valeur
juridique d'un témoignage.
Une difficulté non moins célèbre, c'est celle de saint Jean-Baptiste baptisant le
puisque, d'après Jo., i, 31, il ne le connaissait pas encore? M. Levesque propose une
solution nouvelle. « D'après saint Matthieu (m, 6) et saint Marc (i, .5), écrit-il, les
juifs qui baptême de pénitence confessaient leurs péchés. En se dis-
demandaient le
posant à recevoir le même baptême, Jésus a donc dû faire une confession, non certes
de ses propres péchés (puisqu'il était... sans péché), mais une confession en rapport
avec sa mission... En se présentant devant le Baptiste, chargé des péchés de son
peuple, .lésus dut sans doute rappeler quelques passages du serviteur de Jahveh
(Is., LU, 13-Liii), comme ceux-ci : « Le serviteur de Jahveh pour justifier la multi-
tude se charge de leurs iniquités. Dieu a fait tomber sur lui l'iniquité de nous tous.
Il se résigne comme Vafjneau conduit à la boucherie... » Une confession d'un tel
caractère fit comprendre à Jean-Baptiste que le Saint de Dieu était devant lui »
(pp. 93-95). — Seulement, si Jean-Baptiste comprit ainsi les choses, d'autres aussi
durent les entendre de même; et alors, c'en serait fait de l'économie du secret mes-
sianique... — N'ayant pas de péchés personnels à confesser, Jésus ne fit sans doute
pas de confession. Tout monde n'en faisait pas; en
le faisait qui voulait et dans la
mesure qu'il voulait. Comment donc Jean connut-il Jésus (Mt.^? Plusieurs Pères
ont supposé qu'il le connaissait déjà, et la chose n'est pas tout à fait improbable.
A défaut de la connaissance naturelle, resterait toujours Vinstinct surnaturel, sup-
posé également par un très grand nombre d'auteurs. Mais alors, conmient le
quatrième Evangéliste dit-il que Jean ne le connaissait }yisy Je répondrais ; Il ne le
connaissait pas juridiquement ; il n'avait pas de sa connaissance une preuve, im
urgumenl juridique, de nature à constituer un témoignage. Quelques instants après,
RECENSIONS. ">07
témoigné que celui-là est le Fils de Dieu » (ï, 34). Le recenseur se réserve de développer
cette solution dans une vie de saint Jean-Baptiste qui attend, pour paraître, des
jours meilleurs. Ici encore, c'est donc le souci juridique qui l'emporte, dans le qua-
trième Evangile, sur la préoccupation chronologique.
Pour ne pas allonger démesurément ces notes, je ne signalerai qu'une autre har-
monisation du plus haut intérêt. Il s'agit du jour de la dernière Cène. Jésus a-t-il fait
son dernier repas le 13 nisan, comme semble le dire saint Jean, ou le 14, comme
paraissent l'indiquer les synoptiques.' On ne sera pas étonné de voir M. Levesque
donner encore la préférence au quatrième Évangile. A son avis, le divin Maître a
anticipé la Pàque; il l'a mangée le soir du 13 (commencement du 14, selon la manière
juive de compter les jours), et il est mort le 14, quelques heures avant la manduca-
tion de la Pàque légale.
Cette solution paraît séduisante, tant qu'on s'en tient au quatrième Evangile.
L'embarras commence dès qu'on s'eflbrce de ramener les synoptiques à la chrono-
logie de saint Jean. Voici d'abord la première difficulté qui se présente à l'esprit.
Les synoptiques racontent que les préparatifs de la Pâque se firent le premier
jour des azymes, c'est-à-dire le 14 nisan. Ces préparatifs n'arrivent-ils pas trop
tard, si le Maître a déjà mangé la Pâque
du 13? M. Leves-
la veille au soir, le soir
fallait préparer les azymes, le haroseth et autres condiments. Si les deux apôtres
délégués n'ont commencé leur besogne qu'au début de la nuit, les convives n'ont pu
se mettre à table qu'à une heure assez avancée (1), et tout se trouve à l'étroit dans
un espace de temps très limité le repas, la Cène, l'action de grâces, les discours,
:
ment, le temps moral semble manquer pour faire toutes ces choses avec le calme, la
dignité et la perfection convenables.
On remarquera en outre que les synoptiques mettent un certain intervalle entre
les préparatifs et le repas. Le soir venu, disent saint Matthieu et saint Luc, Jésus se
mit à table avec les douze, à<\loi<; y£vop.6vri?. Le soir, ô<l(a, c'est la première veille de
la nuit, et ce sont aussi les premières heures du jour légal. Mais, si l'on se met à table
Les évangélistes disent qu'on se mit à table le soir venu, ô'^taç Sa 'y£vo[A£VYi<; (Mt., xxvi, 36;
(1)
Me, XIV, il), a l'heure accoutumée (Le, xxii, 14). Ces données sont-elles compatibles avec le
retard postulé par le système en question? Quelque diligence qu'aient laite les apôtres, purent-
ils commencer le repas pendant la o^'îa, ou première veille de la nuit?
S68 REVUE BIBLIQUE.
le soir venu, c'est donc que les préparatifs ont été faits avant cette heure-là. C'est
comme si nous disions on ût les préparatifs au jour marqué, et, le lendemain^ on
:
se mit à table.
Enfin, qu'on veuille bien me permettre de faire observer que la traduction : Le
temps presse pour moi ne semble pas rendre avec exactitude les mots ô zaïpo; [j.ou
èyyjç êa-tv, qui signifient mo7i temps est proche, mon heure est proche. Rien dans
:
synoptiques ont eu à cœur de nous montrer que Jésus a mangé l'agneau pascal, et
saint Jean que cet agneau pascal, c'était Jésus lui-même. Tous les quatre font de
l'histoire, mais ils ne la conçoivent ni ne l'écrivent de la même manière.
Les observations qui précèdent feront toucher du doigt ce qui paraît être le
point faible du système, très solide dans l'ensemble, élaboré par M. Levesque. Le
docte professeur a beaucoup de confiance en la chronolofjie de saint Jean, confiance
qui, à l'épreuve, semble infirmée par les faits. Du reste, qu'on ne se méprenne
pas sur ma pensée. Je dis avec M. Levesque que le quatrième Evangile est un récit
historique, tout comme les synoptiques, et je m'associe au requiescai in pace que,
en passant, il prononce sur la tombe de Vinterprélat km symbolique. Je ne dis pas
non plus que la chronologie fasse défaut à saint Jean. Maissemble qu'on ne il
Denis Buzv S. C. J.
RECENSIONS. -109
pour résoudre le problème de l'harmonie des textes, que l'on aborde avec un cer-
tain scepticisme tout nouvel essai, —
mais, malgré tout, ces essais intéressent tou-
jours à cause de la difficulté même.
Le volume de M. Gigot se présente élégamment dans la reliure toile bleu foncé
de Vlntroduclion. Comme l'Introduction, cette étude est remarquable par la clarté
de l'exposition et par l'examen minutieux des textes bibliques. Malheureusement on
n'y trouve pas la même sobriété; ici les répétitions sont vraiment trop fréquentes,
c'est ainsique cette monographie a atteint près de 300 pages, alors que l'auteur n'a
envisagé que le côté biblique du problème. Ce défaut doit être attribué, croyons-
nous, à l'origine du volume. Le côté patristique a été examiné avec grand soin par
M. Max Dernier (2) dont le nom ne figure pas dans la bibliographie de M. Gigot.
La question, nous le répétons, est une des plus difficiles du N. T. le Gard. Caje- ;
tan dans le commentaire sur saint Matthieu, et même son implacable censeur
A. Catharini Politi, dans ses Aunotntiones in comin. Cojetani (3), ont admis que
d'après les textes de saint Matthieu, Notre-Seigneur avait permis le divorce avec
second mariage darfs le cas d'infidélité de la femme. C'est la doctrine des Éghses
orientales séparées et des différentes sectes protestantes; tandis que l'Eglise catho-
lique enseigne, comme étant la doctrine évangélique et apostolique, l'indissolubilité
absolue du lien conjugal (4). Tel a été aussi, conclut M. Denner (5), l'enseignement
de l'immense majorité des anciens exégèles, qui ont interprété les textes difficiles de
saint Matthieu à la lumière des textes clairs de Marc, Luc et Paul.
Dans l'A. T., Moïse avait toléré le divorce en.le soumettant à certaines formalités :
« Lorsqu'un homme aura pris une femme et l'aura épousée, si elle vient à ne pas
trouver grâce à ses yeux, parce qu'il a découvert en elle quelque chose de repous-
sant (nn niTi?), il écrira pour elle une lettre de divorce, et, après la lui avoir remise
en main, il la renverra dans sa maison. Une fois sortie de chez lui, elle s'en ira et
pourra devenir la femme d'un autre homme. Mais si ce second mari la prend en
aversion, lui écrit une lettre et que, la lui ayant remise en main, il la renvoie de sa
maison-, ou bien si ce second mari qui l'a prise pour femme vient à mourir, alors le
premier mari, qui l'a renvoyée, ne pourra pas la reprendre pour femme après quelle
a été souillée, car c'est une abomination devant Jéhovah, et tu n'engageras pas dans
le péché le pays que Jéhovah, ton Dieu, te donne pour héritage. » Beul. 24,
M
(trad. Crampon).
Cette loi suppose l'usage de la répudiation et n'en est cerlaiuement pas la défense
— quoi que dise M. Gigot. Moïse la tolère et y pose trois conditions l'homme doit :
Sur le sens des deux premières conditions il n'y a pas de difficulté : l'acte de
divorce garantissait la liberté de la femme, la défense de la reprendre fermait la
porte aux récriminations de regrets tardifs. Ces deux conditions invitaient le mari à
bien réfléchir avant de répudier sa compagne.
Mais les mots "in T\T\'j ne sont pas clairs. D'où les discussions. Schammaï
(i^'' s. av. J.-C.) les entendit de l'infidélité conjugale, et c'est probablement le sens du
législateur ;
Hillel au contraire, vers la même époque, les entendit dans un sens
beaucoup plus large : un dîner mal préparé, la rencontre d'une femme plus belle, et
voilà l'épouse à la porte (2). Entre les écoles rivales des deux fameux rabbins la dis-
cussion était toujours fort animée sur ce point très pratique, et la question va être
soumise à Jésus.
Matth. 5, 31-32-, 19, 3-9; Me. 10, 2-12; Le. 16, 18; I Cor. 7,*10-12, 39.
Le premier témoignage eu date est cehii de saint Paul dans la première ép. aux
Corinthiens, vers 54. Nous plaçons ensuite saint Marc avant saint Matthieu. Celui-ci,
il est vrai, a composé le premier recueil des
discours et gestes du Christ, c'est le —
mieux attesté de la tradition néo-testamentaire mais il a écrit patrio, hebraeo
fait le ;
sennone, et nous n'avons plus cet original. Or la version grecque actuelle de Mat-
thieu semble avoir été faite sous l'influence et à l'aide du deuxième évangile; cette
liypothèse est assez généralement admise aujourd'hui même chez les catholiques.
Saint Paul connaît la loi de Jésus, et les chrétiens de Corinthe aussi: ils savent
que Jésus enseigné l'indissolubilité du lien conjugal. IMais cet idéal a bientôt subi
a
l'épreuve de la vie réelle très imparfaite. Un frère a répudié son épouse. Que doit
faire la femme? Saint Paul répond « Quant aux personnes mariées, j'ordonne, non
:
pas moi, mais le Seigneur, que la femme ne se sépare pas de son mari; — si elle
en est séparée, qu'elle reste sans se marier ou qu'elle se réconcilie avec son mari;
pareillement que le mari ne répudie point sa femme... La femme est liée aussi
alors • on les liera et jettera à l'eau »; au 131 au contraire il ne s'agit que d'une accusation
'J
d'adultère et le délit est expressément nie, alo'rs la femme - jurera par le nom de Dieu, et elle
relouriura à sa maison » (trad. V. Scheil).
(2). Cf. 8ciiin;i.K, Gcscliichle..., M (4" éd.', pp. inc-'i".
(3) Cl. décrets delà Com. Diblique, 20 juin l'.Ml et 1912, dubium V.
lŒCENSIONS. ail
longtemps que vit son mari; si le mari vient à mourir, elle est libre de se remarier
à qui elle voudra. » I Cor. 7, 10-11, 39.
Loi générale personnes mariées doivent vivre sous le même toit; la femme
: les
ne peut pas quitter son mari, et le mari ne peut pas répudier son épouse.
Mais si une femme a été renvoyée par son mari, que faire? Ce cas semble s'être
présenté à Corinthe-, il fallait donc trouver et appliquer ici une solution dans le sens
de la doctrine du Christ.
Dans ce cas, répond saint Paul, que la femme se réconcilie avec son mari, ou
qu'elle reste sans se marier. Voilà bien la simple sepamtio ihori, séparation de
corps et de biens; tandis que
le divorce au sens complet du mot, suivi de mariage,
est absolument défendu. La femme est liée tant que vit son mari... C'est là le pré-
cepte du Seigneur et non le mien, remarque saint Paul; il savait bien qu'une
pareille rigueur allait effrayer les convertis de Corinthe.
Les textes de Marc 10, 2-12 et de Matthieu 19, 3-0 sont parallèles; nous
y
entendons l'enseignement direct de Jésus. Ayant appris sa sévérité sur ce point, les
Pharisiens viennent lui demander
un homme de répudier sa femme;
s'il est permis à
ils attendent une réponse négative et espèrent ainsi le mettre en opposition mani-
feste avec IMoïse. Mais Jésus en appelle de la loi de Moïse au plan primitif du Créa-
cette loi. G. —
Mais au commencement de la « viendront les deux unesnule chair » (Gen.
1,
création « Dieu fit un homme et une femme. '27; 2, 24). 6. —
Ainsi ils ne sont plus deux,
« 7. —A cause de cela, l'homme quittera son mais une seule chair. Que l'Iiomitre ne séjjare
« père et sa mère, et s'attachera à sa femme; et donc jjas ce que Dieu a uni. •
« les deux ne feront qu'une seule chair • (Gen. 7. — Pourquoi donc, lui dirent-ils. Moïse
.<
1, 27; 2, 2i). 8. —
Ainsi ils ne sont plus deux, a-t-il prescrit de donner un acte de divorce et
mais ils sont une seule chair. 9. Que l'hom- — de renvoyer la femme? »
me donc ne sépare pas ce que Dieu a uni. » 8. —Il leur répondit « C'est à cause de la
:
10. —Lorsqu'ils furent dans la maison, ses dureté de vos cœurs que Moïse vous a permis
disciples l'inlerrosérenl encore sur ne sujet, de répudier vos femmes au commencement
:
et il leur dit H. : —
« Quicon([ue répudie sa il n'en était pas ainsi.— •). Mais je vous le dis,
femme et eu épouse une autre, commet un celui qui renvoie sa femme, si ce n'est pour
adultère à l'égard de la première. impudicité, et en épouse une autre, commet un
12. —
Et si une femme répudie son mari et adultère; et celui qui épouse une femme ren-
en épouse un autre, elle se rend adultère. > voyée, se rend adultère. »
A côté de l'identité du fond, deux différences sont à noter entic ces textes paral-
lèles. D'abord dans la question : d'après saint Marc, les Pharisiens demandent en
général s'il est permis à un homme de répudier sa femme; cette question ferait sup-
poser que les Pharisiens avaient en vent de la rigueur de Jésus, et qu'ils voulaient
le mettre publiquement en contradiction avec Moïse; — d'après saint Matthieu au
contraire les Pharisiens demandent si cela est permis pour n'importe quelle raison ;
cette question-ci fait manifestement allusion à la discussion agitée entre les écoles
5572 REVUE BIBLIQUE.
rentrerait par elle dans l'Évangile, et y aurait contradiction manifeste non seule-
il
ment avec les textes cités de saint Paul et de saint Marc, mais avec le contexte même
de saint Matthieu car le raisonnement de Jésus, en appelant de Moïse au Créateur,
:
« renvoie sa femme, qu'il lui donne un acte de divorce. » Et moi, je vous dis Qui- :
met un adultère; et quiconque épouse la femme renvoyée par son mari, commet un
adultère. »
Nous avons déjà indiqué la difficulté des textes de Matthieu. Le Cardinal Caje-
tan la fait bien ressortir quand il écrit dans son commentaire de saint Matthieu,
chap. V : Contextus invitât ad intelligendum de dimissione totali quoniam de :
illa constat legem loqui, dicentem, qui dimiserit uxorem det illi libellum repudii :
et illam corrigit ad litteram Jésus : excepta fornicalionis causa. Lex vêtus latum
reliquit campum causis dimittendi uxorem : Jésus restringit adeo, ut solam causam
fornicationis cxcipiat... Hic est planus litterae sensus. Le P. Corluy écrit de même :
Fatendum est seiisum obvium Matthaei, si solus esset, favere scnteutiae... Graecorum
et Protestantium(l).
Comment résoudre cette difficulté?
D'après .S. Jérûme (,2) l'exception ne permet que le divorce incomplet. Nidius
est S. Augustin! (respoasio) ubi docet S. Matlbaeum vel potius Dominum apud Mat-
thaeum accepisse illud : AV.s;' oh fornicntionein, négative, non exceptlve... (:i;. Et
Théod. Zahn, qui ne craint jamais ni les opinions anciennes ni les opinions singu-
lières, écrit de même
Audi hier (Matth. X[X) wie 5, 32, nimmt Jésus den Fall des
:
durch UnzuchtdesWeibes erfolgten tatsiichliclien Bruclis der Elie, von seinem Urteil
auss, ohne zu sagen, was zu geschehen habe und zu urteilen sei (4).
in diesem Fall
Plus subtile encore est la solution de 5. Thomas. Dans cette phrase « Quiconque :
refertur ad dimissionem uxoris(.5) ». Cette opinion est admise par M. Lesêtre dans
le Dict. de la Bible : « Saint Matthieu serait en contradiction formelle avec eux
(saint Marc, saint Luc et saint Paul) si l'incise {excepta foraicationis causa) portait
à la fois sur les deux verbes : dmiserit et duxerit, ce qui signifierait que l'infidélitô
conjugale est le seul cas autorisant le divorce et le second mariage... .Mais la con-
tradiction disparaît si l'efTet de l'incise est restreint au premier verbe. Le sens est
alors : « Celui qui renverra sa femme (ce qui n'est permis qu'en cas de fornication)
et qui en épousera une autre, commet l'adultère (6j. »
Ces solutions multiples, — ou, si l'on veut, ces variations apologétiques prouvent
déjà par leur variété seule l'insuffisance de l'une ou de l'autre réponse en particu-
lier : chacune d'elles est possible, il est vrai ; mais aucune n'est pleinement convain-
cante. Contre celle de saint Jérôme, on fait remarquer qu'elle interprète des paroles
adressées aux Juifs avec la mentalité chrétienne. Jamais les Juifs n'auraient pu com-
prendre que la répudiation de la femme avait pour conséquence le célibat forcé, puis-
qu'ils pratiquaient licitement la polygamie. P'ailleurs il doit y avoir rapport entre
la question et la réponse. Or les Juifs interrogent Jésus sur le divorce complet, cela
est évident; la réponse de Jésus doit donc porter sur le divorce complet : si cette
réponse permet de renvoyer !a femme dans le cas d'adultère, elle permet de con-
voler à d'autres noces. — Dans la solution de saint Augustin on suppose gratuite-
ment que l'exception affecte l'intention — occulte — de celui qui parle, et non
l'objet ou l'action dont il est parlé. Au lieu de lire : celui qui renvoie sa femme., si
ce n'est en cas d'adultère, etc.; on lit : celui qui renvoie sa femme, j'excepte on je
ne considère pas le cas d'adultère... — Enfin contre la solution de saint Thomas,
admise par les deux Dict. de la Bible et de Théol. cath., on fait valoir une subtilité.
Cette solution dit donc que dans cette phrase : qui diiniserit ux. suam, excepta
fornic. causa, et aliam duxerit, l'incise exceptive ne porte que sur le premier verbe;
— on fait remarquer au contraire que si elle porte sur le p.cuiier verbe, elle porte
ipso facto sur le second dont le sujet complet est : celui qui renvoie sa femme en
(1) Comment, litt. in S. Script., t. F, p. ii . Dissertatio de divortiis, p. 366 (trad. Mansi, Lucae,
1730).
(2) De conjugiis adullerinis ad Pollenlivm. c. ix P. L., 40, col. 437. ;
(3) De Matfimonio, 1. I, cap. \\i (éd. Col. Agripp., 111, col. 1356-13o7).
(4) Das Evangelium des Matthàus (3), Leipzig, 1910, p. 588-389.
(5) IV Sent. dist. \xxv.
(6) D. B. V., II, Divorce, coi. 1448; item Dict. Tti. cath., I, col. 473.
574 . REVUE BIBUQUE.
dehors du cas d'adultère... Cette solution de saint ïliomas est cependant la plus pro-
appelé kl'ix (homme), pinxn t;\sn {l'autre homme) ; seul le premier est appelé et
reste rh'J'l (v. 4) : le maître ou mari de cette femme (pp. 173 et 267); — 2. Le
mariage avec cet autre homme est expressément appelé une souillure (v. 4) : an
adidterous défilement, traduit M. Gigot, qui ajoute au texte l'adultère.
Ces arguments ne nous semblent pas concluants : - 1. Le mot tjix peut désigner
un mari légitime aussi bien que S"2; un seul exemple suffira ici : au Lév. 21, 7
défense est faite aux lévites d'épouser une femme séparée de son homme, c'est-à-dire
de .son mari (nUJ''iXp nu?n5). D'ailleurs le mot ^'J2 maUre n'est pas plus un terme :
technique pour désigner le mari que le mot uJ'iN homme, comme le montre claire- :
ment le texte même du Deut. 24, 1-4 où le ba'al est déterminé par l'adjectif prc-
mier, et le 'isch par l'adjectif autre ou second donc premier et second mari; c'est
:
fort. Les mots : après qu'elle a été souillée (riNIZ'iSn) ne désignent pas du tout an
adidlerous défilement, mais sont tout simplement une circonlocution naturelle pour
désigner les relations sexuelles; tous ces actes sont appelés souillure dans l'A. T.,
et ils entraînent en effet une souillure lévitique. La traduction de M. Gigot n'est
donc pas exacte. De même les mots suivants du verset 4 car c'est : une abomination
devant Jahreh, ne portent pas sur le second mariage, comme le dit le même exégète,
mais sur le retour défendu de la femme à sou premier mari après qu'elle a contracté
un autre mariage. La connexion de ces mots avec les mots suivants [et tu n'engage-
ras pas etc..) est une preuve manifeste de ce sens.
RECENSIOiNS. o7îi
femme répudiée (Lev. 21. 7)-, cette loi suppose donc que les profanes pouvaient
l'épouser légitimement. Naturellement cette seconde union n'était pas fort honorable:
la femme répudiée était moins qu'une veuve. Le second mariage comme la répudia-
tion étaient tolérés et soumis à certaines conditions et restrictions, comme nous
l'avons vu. C'est ce que Notre-Seigneur dit clairement lui-ménïe quand il ufBrnie que
Moïse avait permis le divorce aux Israélites à cause de la dureté de leurs cœurs. Jésus
place donc sa loi de l'indissolubilité du mariage au-dessus de la loi de Moïse. — La
solution dé M. Gigot ne dissipe donc malheureusement pas la difficulté des textes de
saint Matthieu.
Les exégètes non-catholiques modernes proposent une autre solution, qui sacrifie
l'iuerrance doctrinale de l'Ecriture. Us sont obligés de reconnaître que Jésus a ensei-
gné l'indissolubilité absolue du mariage, et en cela les protestants contredisent for-
mellement la doctrine officielle de leurs Églises; nous pouvons citer ici //. Oort,
W. C. Allen, Plummer, HoHzmann, Zalni, Weiss dans leurs commentaires respectifs
de saint Matthieu, A. Loisy dont nous citerons tout à l'heure les paroles, liobertson-
Plummer (1), A. Harnack (2), P. Feine (3) etc.. Ces auteurs sont unanimes à attri-
buer l'incise exceptive en question à l'auteur même du premier évangile, qui l'aurait
insérée sous l'influence d'un usage reçu chez lés judéo-chrétiens. Voici les paroles de
Loisi/ : « Jésus condamne absolument le divorce. Dans la circonstance historique
où il a traité ce problème, il a consacré en termes formels l'indissolubilité du
mariage (4) ». « L'exégèse protestante défend l'interprétation des Grecs, qui est
bien le sens naturel du passage, mais qui a toute chance de n'être pas celui de Jésus...
En réalité, la Loi, par cette exception, rentre dans l'Évangile et le supplante... Il
est très remarquable que, dans les passages parallèles des deux autres Synoptiques,
aussi bien que dans saint Paul, l'exception d'adultère n'est pas mentionnée. Cette
circonstance confirme l'idée d'ime interpolât mi rédactionnelle, que suggère déjà le
texte de Matthieu considéré en lui-même (5) »... « Le rédacteur jugea que le mari
olîensé avait le droit de renvoyer sa femme et d'en prendre une autre. Cest proba-
blement ce que l'on croi/ait autour de lui. L'Eglise catholique en refusant d'admettre
aucun cas de divorce, a maintenu le principe établi par Jésus (6) »... Nous retenons
l'aveuqui n'est certainement pas inspiré par un préjugé dogmatique mais nous ;
il écrivait très bien : « La vérité divine, pour se manifester aux hommes, s'est incar-
(6) P. 580.
(7) 1894, pp. (iSG'j.
b76 REVUE BIBLIQUE.
née comme le Verbe éternel. Le Fils de Dieu nous est devenu semblable rn tout
« sauf le péché ». De même. la Bible ressemble en toutes choses à un livre de l'anti-
quité qui aurait été rédigé dans les mêmes conditions historiques, à l'exception du
seul défaut qui la rendrait impropre à sa destination providentielle; et ce défaut
sérail l'enseignement formel d'une erreur qvelconque pré.'ientée comme vérité divine. »
le large (1).
Pour résoudre la difficulté des textes de IMatthieu, on n'a peut-être pas assez tenu
compte de leurs différences on les a trop souvent traités comme un seul et on leur
;
a appliqué une seule solution. Nous croyons que c'est un tort, parce que les deux
textes sont différents et que, même du point de vue critique, ils se présentent dans
des conditions absolument différentes.
Matlh. 19, 3-9, parallèle à Marc 10, 2-12, est un texte historique, dont le sens
est déterminé par les circonstances. Matthieu et Marc représentent ici une double
recension d'un seul discours de Jésus; ils doivent donc s'éclairer mutuellement:-
Matlh. 5, 31-32 est un logion purement doctrinal, abstrait de tout revêtement his-
torique. C'est un principe de la morale chrétienne, qui doit être compris à la lumière
de l'enseignement historique de Jésus et de la doctrine des Apôtres. Ce logion,
comme le texte de saint i'aul, suppose l'enseignement de Jésus et son application
dans la vie concrète des premières communautés chrétiennes. Par conséquent Matth.
19, 3-9, parallèle à Marc 10, 2-12, doit être lu avant Mutth. 5, 31-32; et ce
logion-ci doit être compris à la lumière de I Cor. 7, 10-11.
A. — 3Iatth. 19, 3-9 comparé à Marc 10, 2-12, a deux expressions propres :
a) V. 3 y.a-à :iaaav aiTi'av : i^our quelque motif que ce soit; et P) V. 9 ;j.rj è;:i ;iopv£!a
ou bien (comme au ch. 5, 32) -apexToç Xéyou 7uopv£(a; si ce n'est jwur impudieilé. :
blance que le contexte exclut toute exception car Jésus en appelle précisément de :
ch. 19 de Matthieu est attestée par tous les manuscrits bibliques connus, et au
chap. 5 son authenticité ne peut pas être révoquée en doute du point de vue cri-
tique. Ces écrivains ont donc rencontré cette incise, sinon au chap. 19, du moins
au chap. 5. Remarquons cependant que TerlulUen (1), voulant prouver contre Mar-
cion l'accord entre Moïse et le Christ dans la question du divorce, invoque le chap. 5
et non le chap. 19. TertuUien ne semble donc pas avoir connu l'exception dans le
certo definiri nequeat. Le soupçon contre l'authenticité de l'incise exceptive est donc
confirmé par l'incertitude de sa forme quarc, écrit le même exégète, nliqui addi-
:
tamenfum ob 5, 32 hic insertum smpicati sunt et alii verba haec delenda esse puta-
runt (2).
de ce jour et de cette heure, nul ne les connaît, ni les anges dans le ciel, ni le Fils,
bataille des Ariens. Or des manuscrits aussi importants que .>?, B, D ont transporté
la difficulté de saint Marc dans saint Matthieu.
Dans le cas du divorce au ch. 19 de saint Matthieu la glose a joui d'une faveur
d'autant plus grande qu'elle semblait mieux répondre à la question des Pharisiens.
Ceux-ci demandèrent s'il était permis de renvoyer sa femme pour n'importe quelle
Mais Jésus a toujours évité ces discussions, et il a placé son Évangile au-dessus de
la loi!
Au chap. 19, 9 de Matthieu nous considérons donc l'incise exceptive comme une
glose empruntée au texte parallèle du chap. 5,32-, c'est ainsi que la plupart des
exégètes considèrent la dernière moitié du v. 9 du ch. 19 [et celui qui épouse une
femme renvoyée, .se rend adultère) comme empruntée au même texte du ch. 5.
de saint Thomas en supposant que Matthieu a réuni en une seule phrase très concise
une double réponse de Jésus. Les Juifs avaient demandé s'il est permis, pour n'im-
porte quelle raison, de renvoyer sa femme. Notre-Seigneur répond d'abord directe-
ment « Non, cela n'est permis que dans le cas d'adultère »... Ensuite généralisant
:
hypothèse critique.
B. —Matthieu 5, 32. — Ici la lecture est ferme et la tradition littéraire unanime
à proclamer l'authenticité des mots : napir-zàz X^you îiopveiaç.
Juifs l'ont fait jusqu'ici en lui donnant un acte de répudiation. Qui répudie sa femme,
la pousse dans l'abîme et porte la faute de sa mauvaise conduite, à moins qu'elle
ne
soit déjà infidèle. En tout cas jamais une femme répudiée ne peut licitement con-
çant sa loi au-dessus de la loi de Moïse, condamne la fréquence du divorce chez les
Juifs de son temps. Ceux-ci se crurent à l'abri de tout reproche et en règle avec la
Loi, quand ils avaient donné à leur femme répudiée un acte de divorce : « Il a été
dit aussi : Quiconque renvoie sa femme, qu'il lui donne un acte de répudiation »
(Matth. 5, 31).
Jésus condamne ce préjugé; il n'a donc à considérer «lue le mari capricieux et
KECENSIOxNS. S"î)
trop large : « Et moi, je vous dis Quiconque renvoie sa femme, hors le cas d'im-
:
pudicilé, la rend adultère » (Matth. 5, 32»). Donc dans le cas d'adultère on peut
la renvoyer.
Mais le lien du mariage subsiste même dans ce cas : la femme est liée tant que
vit son mari et vice versa. Notre-Seigneur ajoute donc en termes généraux considé-
rant maintenant la femme répudiée « et quiconque épouse la femme renvoyée,
:
rait liée, non celle qui a été inGdèle. Mais — sans insister sur la prime accordée au
crime dans ce cas — cette interprétation contredit manifestement l'enseignement
un principe d'honnêteté comme d'exégèse rationnelle, que
historique de Jésus. C'est
les textes obscurs ou douteux doivent être compris à la lumière des textes clairs.
Tout auteur veut être compris avec cette bienveillance que nous supposons dans nos
rapports de chaque jour.
Décret du Saint Office. — Feria IV. die ô iunii t!)18. — Proposito a Sacra Con-
gregatione de Seminariiset de Studiorum Universitatibus dubio : Utriim tuto doceri
possiot sequentes propositiones :
I. Non constat fuisse in anima Christi inter Iiomines degentis scientiam, quam ha-
bent beati seu comprehensores.
II. Nec certa dici potest sententia, qurc statuit animam Christi nihil ignoravisse,
sed ab initio cognovisse in Verbo omnia,* praîterita, prsesentia et futura, seu orania
quse Deus scit scientia visionis.
III. Placitum quorumdam recentiorum de scientia anima; Christi limitata, non est
minus recipiendum in schoiis catholicis, quam veterum sententia de scientia univer-
sali;
Ce décret du Saint-Office, qui regarde aussi les exégètes, recevra parmi nous l'ad-
les saints Évangiles. Disons même que le secret de ce mystère nous échappe. Trop
souvent nous sommes obligés de confesser notre ignorance quand il s'agit de l'union
ineilable de Dieu avec ses attributs et de la nature humaine avec ses faiblesses, dans
la personne de Jésus-Christ. 11 nous faut bien admettre que sa Toute-Puissance n'a
pas empêché sa mort. Pourquoi ne pas admettre que sa science béatifique n'a pas
empêché le progrès de cette science acquise reconnue par saint Thomas, et que le
sauf ce qui regarde sa Personne, il ne fait appel à une science autre que celle
qu'eût pu posséder un prophète de son temps. C'est quil voulait être complètement
homme avec les hommes. L'exégèse n'a donc pas à sortir de la sphère où il lui a
plu de se renfermer. Nous devons penser, par respect pour sa sincérité, que sa
science acquise lui permettait de s'étonner, d'admirer, et(;., comme
nous devons
penser, par respect pour ses affirmations, qu'il ne prononçait pas une vaine parole
en disant quelque chose du secret de son union avec son l'ère (cf. RU.. \8W>. p. 1-33 ss.,
Généralités. —
La Sociétc biblique de Paris (protestante) publie une bible du
centenaire, dans un format in-folio. C'est une traduction nouvelle, avec des intro-
ductions et des notes. La deuxième livraison est consacrée aux evangilef! synopti-
ques (1). Elle est l'œuvre de M. Maurice Goguel, professeur à la Faculté libre de
théologie de Paris, sauf une petite notice sur le peuple juif au temps de Jésus, due
à M. Louis Randon. M. Goguel a esquissé dans une introduction générale ses vues
sur la formation du Nouveau Testament. On peut y mesurer le chemin parcouru
depuis quatre cents ans. C'est un adieu définitif du protestantisme aux théories de
Luther sur la valeur exclusive de l'Ecriture comme règle de foi, et il est assez
piquant que cela soit dit à l'occasion du centenaire de la Réforme. Ce qui est admis
de la fixation du Canon par le double principe de l'origine apostolique et de l'autorité
traditionnelle des églises n'est point éloigné de ce qu'on soutient dans nos écoles.
Il y a seulement une tendance marquée à ne point tenir compte du principe d'auto-
rité et d'unité, ce qui conduit l'auteur à des propositions comme celle-ci « L'évo- :
lution qui a donné naissance à cette théorie a été toute spontanée » (p. 3). Comme
si l'unité de foi portant sur tant d'écrits avait été faite toute seule en tant d'en-
droits. La phrase ne gagne pas à être répétée dans la même page : ;< L'évolution dont
nous venons d'indiquer quelques-unes des phases principales, s'est faite en général
d'une manière toute spontanée ». Le recours à « l'instinct » n'explique rien, à
moins qu'ilne suppose déjà l'unité.
Une seconde introduction, propre aux trois synoptiques, revient plus longuement
sur la naissance de la tradition évangélique. Le problème synoprtique est résolu par
l'hypothèse des deux sources, l'évangile de Marc, et les Logia. Marc, qui écrivit vers
l'an 6-5, aurait usé du recueil des discours qui peut être attribué à l'upôtre Matthieu.
Matthieu et Luc, écrivant de l'an 80 à l'an 100, se seraient servis et de Marc et des
discours.
Aucune discussion n'est entreprise des raisons données par M. Harnack pour la
composition plus ancienne de ces deux évangiles. Dans une courte note sur la chro-
nologie de la vie de Jésus, M. Goguel accepte l'an 4 avant notre- ère pour la date de
sa naissance, et place la Passion à la Paque de l'an 28. Il est assez étrange qu'il ne
parle pas en cet endroit de la durée du ministère. Mais ailleurs (p. 17 s.), il recon-
naît, d'après le seul examen des synoptiques, et donc sans tenir compte du qua-
trième évangile, que Jésus a dû venir plusieurs fois à Jérusalem.
Le texte qui sert de base à la traduction est celui d'' ?testle, mais à l'occasion
d'autres leçons sont admises, avec l'indication des autorités textuelles. La traduction
vise plus à l'élégance qu'à une stricte reproduction des modalités du texte. Les
pour saint Matthieu et saint Luc, on indique en marge la source littéraire, Marc ou
les discours, ou bien le caractère singulier du passage.
Les notes sont, ou bien une justification de la leçon acceptée ou le signalement de
la leçon écartée, ou bien contiennent des explications
philologiques, historiques,
réelles, théologiques. Une troisième série de notes renvoie à l'Ancien Testament pour
les passages cités, et un quatrième étage note les endroits parallèles supplémentaires.
Tout cet apparat est bien loin cependant de constituer un commentaire, et n'occupe
qu'une place restreinte en bas des pages où le texte sacré ligure en grosses lettres.
Il semble que de toute l'œuvre soit condensé dans ces quelques lignes
l'esprit :
vivante, qui peut à son tour devenir génératrice d'expériences et conduire les âmes à
née à introduire dans l'évangile de Luc l'idée de la naissance surnaturelle » (p. 91),
« Au reste, divers passages de Luc, notamment la généalogie (3,
23-38),
et il ajoute :
théologiquement et historique-
souci constant de se placer sur un terrain solide,
ment. L'article Loretle, du R. P. d'Alès, est un peu décevant. La discussion du fait
est évitée, et remplacée par un renvoi aux ouvrages pour ou contre.
Parmi ces
derniers on eût pu nommer la description des fouilles du R. P. Prosper Viaud,
gardien du sanctuaire de Nazareth (1). Quoique le docte franciscain ait aussi évité
de se prononcer, on voit très clairement, quand on parcourt les lieux avec ses
explications, que ses découvertes excluent la présence de la Santa. Casa à Naza-
reth '2). En insistant sur les termes de la Bulle de Jules II, le R. P. d'Alès a
omis
de signaler l'étrange lapsus qui assigne Bethléem comme le point de départ de
la translation.
Le fasc. xiv s'étend assez longuement sur le Modernisme, et renvoie aux articles
des Études sur ce point. Il contient aussi un bel article sur Mimclc, par M. de
le
Tongiiédec. Ce nous est une occasion de signaler le livre très remarquable du même
auteur : Introduction à l'étude du merveilleux et du miracle (1).
Il ne faut point s'étonner que le grand nom de saint A-Ugustin suscite encore des
partisans à l'bj'potbèse d'un double sois liUrral dans VEcrilure Scintc.
Le R. P. Nicolas Assouad, des Frères Mineurs, avoue que tous les exégètes catho-
liques modernes se prononcent d'une seule voix pour l'unité du sens littéral. Cepen-
dant il tient pour ce qu'il nomme la polysémie (2). Son travail comprenait trois parties.
La- guerre en a interrompu l'impression ; seule la première partie a été donnée au
public. Nous ne saunons entrer dans la discussion qu'il a entamée. Eu pareil cas les
exemples ont beaucoup de force. A ceux qui soutiennent la polysémie, on a coutume
de demander où se trouvent dans la Bible ces doubles sens? Le R. P. Assouad nous
indique le premier verset : In principio creavit Beus coelum et terram... et Spiritus
Dei ferebatur super aquas. Il mysterium in praesenti scrip-
ajoute : Si SS. Trinitatis
tura —
sicut firmissime credimus —
signiûcatur et revelatur, hoc sane neque mystice
neque syinbolice significatur et revelatur, ut nonoulli omnino perperam arbitrât!
suut, sed plane ad litteram, licet adumbratim tantura et subobscure (p. 66).
On voit le raisonnement. Le premier verset allusion aux trois personnes
fait
n'est pas rigoureuse, et le principe ne repose sur rien, quoique l'auteur emploie
ces expressions biea étranges et assez incohérentes, firmissime credimus, et ensuite
adumbratim tantum et subobscure. Et il en est souvent ainsi dans la brochure.
Car le R. P. ne se contente pas d'un ou deux passages; c'est constamment qu'il
voit dans l'Écriture un double sens littéral. Par exemple ce qui est dit de la
forte était d'après la tradition juive le symbole de la loi et de la sagesse, d'après les
Pères l'Église, d'après saint Bernard la Très Sainte Vierge, d'après d'autres le portrait
de l'âme fidèle à Dieu, le R. P. Assouad lui objecte, et très justement, qu'il est impos-
sible de trouver ici des sens typiques proprement dits. Et il conclut à des sens litté-
n'a jamais été comprise de la sorte dans les conciles, et l'on peut estimer dangereux
d'ouvrir aussi largement la porte à l'équivoque.
Cambridge greek Testament for Schools and Collèges un commentaire sur l'évangile
selon saint Jean, souvent réédité. Le commentaire du second évangile n'aura pas
moins de succès (3). Dans cette collection, après les chapitres d'introduction figure
le texte grec en entier. Puis le commentaire suit, corapicuaut séparément des notes
(2)Polysema sunt sacra Biblia. disputatio in illam lierraeneuticam legein olim receptissimam
sed et recipiendain qua monemur (juod saepius etiam secundum litteralem sensum in una
littera scripturae plures sint sensus. Auctore Fr. Nicolao Assouad., 0. F. M. Lect. S. Scriplurae,
in-8° de ix-84 pp. S'-Maurice en Suisse, U)l7.
(.S) The Gospel according to St Mark, édiled ijy the Uev. A. Plummf.k, M. A., D. D. etc. witir
maps, Notes and Introduction, petit in-8" de Lv-3y2 pp. Cambridge, 191 i.
584 REVUE BIBLIQUE.
de critique textuelle et des notes explicatives. Les éditeurs doivent avoir leurs rai-
sons. Cependant on ne comprend pas l'importance donnée à la critique du texte,
alors que les autres notes sont si sobres. Il est douteux que les étudiants puissent
apprécier les raisons du choix. Disons, pendant que nous sommes sur ce terrain, notre
étonnement que M. Plummer renvoie jusqu'au siècle iv" siècle, les \'' ou du moinsau
versions syriaques contenues dans le ms. Cureton et le ras. Lewis du Sinaï (p. lui).
M. Plummer pense que les arguments destinés à mettre en relief deux ou trois ré-
dactions dans le second évangile n'ont pas assez de poids pour être mis sous les
plus près de l'an 70 que de l'an O.'i. Un exemple de la fine psychologie du Rev.
Plummer Renan, : Loisy, avec tant d'autres, ont vu une complète contradiction entre
les mots de Jésus dans Marc 9, 40 et dans Mt. 12, 30 == Le. 11, 23. En réalité il
y a parfaite harmonie « Si nous ne sommes pas sûrs que d'autres sont contre le
:
Christ, nous devons les traiter comme s'ils étaient pour lui si nous ne sommes pas ;
sûrs que nous sommes de son côté, nous avons lieu de craindre que nous ne soyons
contre lui » (p. 225).
On voit combien il était exagéré de regarder l'Angleterre tout entière comme
envahie par l'exégèse allemande radicale. M. Plummer n'ignore rien de la tempête
d'opinions qui a fondu sur les livres du Nouveau Testament. 11 n'en est point ému.
Il a bien voulu dire que parmi les commentaires non anglais, il n'en a pas vu
d'égal à celui du P. Lagrange (p. vu), qu'il tient pour être ofgreat excellence, espe-
clally in his crUicism of Loisy (p. lvi).
(1) The Gospel accarilind lo SI Mallhcir, llie greek loxl wilh introduclton. notes, anil indices
l)y Alan lUisli M'Ncilc, 1). I>., lellow, dean, and theological IccUircr ol Sidney Siissex collège, Cam-
Itiidge, and examining chaplain lo Uie loid ImsIio]» dl' Oxlord, 8" de xxxiv-i'iS p|). Londres,
Maciiiillaii, I'.»15.
BULI.1:T1N. ;-,85
Église dans l'Église catholique romaine. M. M' iNeile ne rejette pas les paroles dé-
cisives du Christ : h Tu es Pierre, et sur cette pierre etc.
». Il objecte seulement que
comme nous. Nous avons bien le droit de constater qu'une exégèse très étudiée con-
damne des conclusions qu'on présente comme le résultat assuré de la science.
Nous nous distinguons nettement de ceux qui attribuent au Christ une science
bornée aboutissant à des propositions plus ou moins fausses, mais ce n'est pas une
raison pour nous priver du concours qu'ils apportent à la révélation et au chris-
tianisme.
Il fallait dire ces choses avant de préciser les points où se tient M. M' Neile et pour
justifier nos réserves comme notre adhésion.
L'auteur a réduit son Introduction au minimum. Il en résulterait une grave
lacune dans un Commentaire catholique, puisque nul encore n'a discuté pleinement
jCS raisons tendant à nier que le premier évangile soit une traduction et à prouver
au contraire qu'il a suivi le fil de Marc et s'est servi de son texte, en adoucissant
certains points pour une opinion plus ombrageuse. M. M'Neile. étant sans doute
convaincu par les arguments tant de fois avancés, en particulier par Sir J. Hawkins,
dans ses Horae m/nopticae, pouvait renvoyer à cet ouvrage et au commentaire de
iM. Allen. On ne peut guère lui demander ce que personne ne saurait raisonnable-
ment entreprendre, de déterminer en quoi consistait exactement le texte araméen
comprenant une collection de Paroles de Jésus avec des cadres historiques qu'il ne
refuse pas d'attribuer à l'apôtre saint Matthieu. Mais pourquoi cet ouvrage arameen
n'aurait-il pas renfermé les allusions à l'Ancien Testament, destinées à prouver que
Jésus est le iMessie? C'est de quoi M. M'jNeile aurait dû nous donner de bonnes rai-
sons, puisqu'il distingue en cela deux sources. En somme la difficulté littéraire du
premier évangile est toujours dans la révision qu'il a subie en passant de l'araméen
au grec. Ses rapports avec le second évangile comme source utilisée, avec le troi-
sième évangile comme utilisant un même document, demeurent mystérieux.
M. M' Neile n'a point voulu s'occuper de ce problème difficile. Il n'y a quà lui don-
ner acte de son but, exégèse du texte et sa portée liistoricjue.
Encore est-il que le mot d'histoire ne doit pas être pris trop strictement, puisque
les évangiles « ne sont pas des biographies » et que « la Chronologie est un problème
encore insoluble ». Du moins l'auteur a soin de ne pas mettre les synopti{iues en
contradiction avec le quatrième évangile sur la durée du ministère du Cl)rist. Les
synoptiques ne parlent que d'une Pâque, mais supposent deux années; la tradition
KEVLE BIBLIQUE 1918. N. S., T. XV. — 38
;;8G REVUE BIBLIQUE.
joliannine mentionne trois Pâques, qui ne fout pas plus de deux ans et demi. L'élé-
ment miraculeux est affirmé très nettement. La conception virginale n'est point une
addition au dogme M. M' Neile montre qu'elle n'a pu être inventée ni par
primitif.
des judéo-chrétiens d'après le célèbre oracle d'Isaïe reproduit dalis saint Matthieu
(1, 28), ni par des païens.
A l'objection du silence de répond que ce silence n'est pas aussi
saint Paul, il
absolu qu'on le prétend, car l'enseignement de Paul aux Galates sur l'adoption
(4. l-7j « est plus facile à comprendre s'il suppose la naissance virginale » (p. 13).
De même pour la résurrection. D'après M. M' Neile « certains détails dans les récits
synoptiques sont franchement incompatibles », mais « le fait de la résurrection est
indépendant de ces difficultés » (p. xiv). C'est de la même façon qu'il traite les
récits de l'enfance, mais en insistant beaucoup plus sur le caractère légendaire de
l'épisode des Mages et de la fuite en Egypte. Il est à propos de dire que la réalité
de Faction surnaturelle de ne dépend pas de ce point. C'est, dirait-on. préci-
.Jésus
sément parce qu'il a été reconnu comme le Messie à cause de ses miracles, que l'en-
fance de Jésus a été entourée d'une auréole qui assimilait ses destinées à celles
d'Israël. La position n'aurait peut-être rien d'illogique dans l'ordre de la critique
historique. Mais la doctrine de l'inspiration exige un autre examen. Et nous pouvons
objecter à l'auteur qu'il n'explique pas suffisamment les récits de saint Matthieu par
une adaptation de l'histoire de Moïse et d'Israël à Jésus. Il est sur un terrain plus
solideen regardant la généalogie comme un titre d'origine davidiqûe. « Tout l'objet
de Matthieu était de montrer, en face des calomnies courantes, que la généalogie
du Messie était d'ordre divin et légalement correcte » Cp. 6).
Dans l'état des controverses, on veut savoir quel parti adopte un commentateur
sur le règne de Dieu ou des cieux. C'est aussi ce que-M. M'Neile a le plus longue-
ment envisagé dans l'Introduction. Avec les eschatologistes il admet une opinion
juive régnante sur l'imminence du règne de Dieu, venant à la manière d'une catas-
trophe, et, ce qui est plus grave, Jésus se serait servi des mêmes termes que tout le
monde. Mais il aurait modifié l'opinion commune de quatre façons. D'abord le règne
de Dieu est spirituel. De plus Jésus affirme sa distinction unique comme Fils de
Dieu. C'est lui qui, comme Fils de l'homme, marquera l'avènement du règne de
Dieu. Et ce sera par sa mort, acceptée pour racheter le monde. Quoique ces points
ne soient pas exprimés avec la clarté qu'on peut exiger aujourd'hui, après des dis-
cussions si précises, on voit combien M. M' Neile est éloigné de la rigu.eur des
eschatologistes conséquents. On ne voit même pas pourquoi il affirme que la parou-
sie du Messie n'a pas eu lieu, car on pourrait, avec les éléments qu'il fournit, cons
tater l'avènement du règne de Dieu tel que Jésus l'avait donné à entendre, et cest
bien une première parousie, accompagnée d'une catastrophe pour le peuple juif. Au
point décisif où eût pu se montrer l'influence de M. Schweitzer, le commentateur
se
dérobe judicieusement à son étreinte « Vous n'en finirez pas avec les villes d'Israël
:
jusqu'à ce que vienne le fils de l'homme » (Mt. 10, 23i, ne doit pas s'entendre de la
première mission des Apôtres. Matthieu a mis dans le même discours des textes dont
tautes sont indiquées. L'auteur a cuuipris qu'il uy civait pas lieu de reprendre pour
ses lecteurs toute la question textuelle. Le commentaire est placé sous le texte en
deux colonnes. Le tout est extrêmement net et élégant.
sur saint Paul The leachin;/ of Paul in tenues of Ihc preseal bay (1). Veut-il parler
:
seulement d'une transposition de la doctrine sous une forme nouvelle? Ce serait déjà
une tentative ardue, car les idées anciennes se moulaient en partie dans des formes
anciennes. Ou veut-il encore montrer la coïncidence de la religion de Paul avec
certaines vues religieuses de nos jours? Il risquerjiit beaucoup de trahir les deux
parties.' L'intention de M. Ramsay est évidemment de reproduire la pensée de Paul
sans l'altérer, mais telle qu'elle lui est apparue dans le cadre de sa vie studieuse.
C'est une œuvre d'ardente sympathie, car le savant moderne ressent profondément
l'impulsion du génie de Paul: et cependant il n'est pas de ceux qui le grandissent
au détriment de Jésus. Ses connaissances, très rares à ce degré, du monde gréco-
oriental, lui donnent un avantage que n'ont pas eu maints exégètes de cabinet. Mais
le plus modeste d'entre eux avait à son service l'accumulation des travaux anté-
rieurs. En les négligeant, en déchiffrant les textes de Paul comme des inscriptions
découvertes en Asie Mineure, M. Ramsay s'est exposé à un échec. 11 n'a été donné
jusqu'à ce jour à personne de retrouver par ses seuls efforts cette synthèse de l'en-
seignement paulinien qui existe déjà dans la tradition catholique. Par exemple,
M. Piamsay a très bien vu l'importance de la foi dans le système de Paul. Mais ni les
quelques lignes, comme un rite traditionnel qui n'a aucune attache avec l'enseigne-
ment de l'Apôlre. Aussi n'est-ce pas dans ces pages générales, dans ce que nous
continuons à nommer théologie — terme sans doute suranné! — que l'on trouvera
beaucoup de lumières. Leur intérêt est de mettre dans un très haut relief un Paul
homme d'action, haïssant l'idolâtrie telle qu'on la pratiquait autour de lui, ^pas-
sionné pour le bien, tel qu'il est en Jésus, et parce que c'est la « Voie » qui conduit à
Dieu 2), un génie pratique, qui n'a point emprunté à l'hellénisme ses spéculations,
mais son goût de la liberté individuelle et de l'éducation morale, en un mot, un
Paul « dans les termes k d'un anglais « du temps présent ». C'est encore une grande
figure, mais ce n'est pas tout l'Apôtre, et surtout ce n'est pas tout son enseignement.
Tel qu'il est, ce livre peut servir dantidote à certaines analyses érudites venues de
la Germanie. L'autorité de M. Ramsay nous est surtout précieuse lorsqu'il nie
vigoureusement l'influence des mystères païens sur la religion chrétienne. Non que
Paul ait ignoré l'existence et les pratiques des mystères il les a condamnés. C'est :
die. On disait d'un initié, après qu'il avait reçu l'initiation, qu' > il entrait », « se
mettait sur un certain pied » {hz^i-i-j-:-.^). C'était à la fois l'acte matériel d'entrer
ports de saint Paul avec les mystères grecs; La théorie que Paul était épileptique: L'hymne de
l'amour céleste (I Cor. 13); L'emprisonnement et le procès supposé de Paul à Rome 'Act. 28): La
date de l'Épitre aux Galates; L'usage du mot « mystère » dans les Épitres; Dr. Deissmann sur les
Kpîtres de Paul comme littérature.
>,"2; Ou ne voit pas trace dans M. Ramsay de la justification au sens luthérien.
588 ÏIEVUE BIBLIQUE.
dans une salle où se tenait le dieu sur son trône, et le symbole d'une vie nouvelle.
Paul met les Colossiens en garde contre ces actes symboliques où l'on réalise ce
(juon a d'abord vu (a É6pa/.£v èjjLêaxsuwv).
M. Ramsay nous paraît moins beureux lorsque, poussant à ses dernières consé-
quences sa tbéorie qui transforme les Pisidiens en dalates, il admet une date très
ancienne pour l'épitre aux Galatcs, si ancienne que l'épître serait, comme le voulait
M. Valentin Weber, antérieure au concile de Jérusalem. Titus n'aurait pas été con-
Paul nie absolument, mais il s'y serait soumis de
traint à la circoncision, puisque le
lui-même, ou, en galant bomme, il se serait éloigné pour n'être point un sujet de
(juerelle. L'épître serait l'œuvre d'un jeune bomme, auquel la vie enseigna ensuite
à faire des concessions... Tout cela est peu vraisemblable. — On s'attendait bien à voir
M. Ramsay joindre sa protestation à celle de M. SeligmùUer, contre ceux qui font
de Paul un épileptique. Il n'a pas manqué de montrer combien cette imputation est
contraire à l'observation médicale comme à la psychologie du grand Apôtre. Ligbt-
foot ne lui a donné son appui que parce qu'il a ignoré la vraie et affreuse nature de
l'épilepsie qui passait alors pour une incommodité des grands génies. M. Ramsay
croit que Paul était atteint de la malaria d'Asie Mineure.
La prédication n'entre pas dans le programme de la Revue, mais elle ne peut signaler
qu'avec sympathie les efforts des prédicateurs pour distribuer aux fidèles la subs-
tance de l'Évangile. Ils ne font que se conformer en cela aux désirs exprès de
S, Sainteté Benoit XV. L'exemple est d'autant plus autorisé quand les discours sont
tenus dans la Basilique de Saint-Pierre à Rome, et d'autant plus ellicace quand ils
sont animés d'un souffle vraiment chrétien, avec ce ton plus pénétrant et plus assuré
que donne la méditation des paroles de Jésus. En traitant du règne de Dieu (1), le
R. P. Cordovani, O. P., n'ignorait pas que le sujet attirait spécialement l'attention
des exégètes les plus récents, et il a pris connaissance de leurs travaux. Mais, comme
il convenait à la chaire, il a évité les discussions et proposé aux âmes, si profondé-
ment secouées par la grande guerre, les perspectives consolantes du royaume de
Dieu, inauguré sur la terre par le christianisme et consommé dans la vie éternelle
auprès de Dieu. Tout le monde peut apprécier l'accent convaincu de ces paroles
ardentes. De bons juges sont sensibles à la pureté et à la grâce de la langue.
\ous n'avions point encore signalé la traduction des Odes de Salomon par M. Brus-
ton. Il a donné à son étude, qui comprend une introduction et des notes, ce titre :
Le*- plu^ anciens cantùjues chirtiens (1). titre qui pourrait dérouter par son vague.
M. Bruston opine donc comme M'-'" Batifïoi (2 que les O'A's- sont purement d'origine
chrétienne, et s'il y trouve « une certaine analogie avec le gnosticisme » (p. 26), il
admet en même temps que l'auteur n'était p;is gnostique et " combat nu contraire
vivement le gnosticisme ». C'est ce (|u'on r:ura peine à concéder.
Ancien Testament. —
Journal of hibllcal Lilcralure (mars à juin
Dans le
tradition est inexplicable. Il ajoute que le Déealogue doit être son œuvre, et il essaye
de montrer, par des arguments critiques, que les Commandements répondent en
effet à l'état social des Hébreux, à la condition d'ailleurs de prendre le sabbat pour
la période de la pleine lune. Mais, sans parler de ce point spécial, ne serait-il pas
possible de prouver que plusieurs lois ont un aspect plus ancien, ne fût-ce que la
défense de cuire le chevreau dans le lait de sa mère? Si l'on prend de telles liber-
tés avec la tradition, on doit renoncer à trouver nulle part un point ferme pour
bâtir. Les critiques ne sont pas unanimes dans la. destruction, ils le seront beau-
coup moins encore dans la reconstruction.
Dans Je mêmeM. Ryle présente une nouvelle solution du problème du
recueil,
Pentateuque (4) qui n'aboutirait à rien moins qu'à renverser tous les résultats de la
critique sur les différents auteurs du Pentateuque. Daprès ses recherches, outre
certains termes généraux, lois, paroles, alliance, témoignage, on trouve dans le
Pentateuque des termes spéciaux pour désigner certaines catégories de l'ordre légis-
latif. Les «jugements (ni'i23r^) s'entendent des décisions transmises par la juris-
«
prudence: ils sont relatifs aux différends dès hommes entre eux ou dans leurs rap-
ports avec la société- Les « statuts » (û!ipn sont des règlements de droit positif
qui déterminent ce qui est bien et ce qui est mal, ou plutôt ce qui est permis et ce
qui est défendu. Les commandements (mirai sont des principes fondamentaux d'où
découlent des obligations morales. Ces trois catégories distinctes sont assez naturel-
lement présentées sous des formes différentes les jugements sont rédigés brièvement,
:
comme un répertoire utile à la mémoire-, les statuts sont décrits plus longuement,
par exemple ce qui regarde le Tabernacle et les cérémonies-, les commandements
auront plutôt la forme brève des jugements. Toutes ces lois pourront aussi être
l'objet d'exhortations pour en inculquer la pratique. Et l'on note
encore que chacune
éloigné de le penser. En tout cas, déclare-t-ii, ce n'est donc pas la seule hypothèse
qui rende compte des faits. Elle a même cette infériorité sur la nouvelle solution
qu'elle est ohligée d'introduire un élément nouveau, celui de la dilTérence des
auteurs; or « une théorie qui opère sans appeler à son aide un élément hypothétique
est plus prohable que celle qui y fait appel » (p. 47^
Ce serait à merveille si M. Kyle avait vraiment tenu compte des éléments du pro-
blème et répondu à la principale, à la seule question posée le Pentateuque, il le :
constate une fois de plus, et c'est l'évidence des textes et de la tradition, se compose
de textes législatifs qui n'ont pas été promulgués dans le même temps. Toute la
question est de savoir quel intervalle sépare ces codes ou ces lois. Les critiques
croient voir entre les jugements et les commandements (soit le Code de l'alliance),
sait que la discipline catholique n'en inlerdit pas l'étude dans une mesure compa-
dant Tammuz-Adonis est le grain, semé dans le limon, après la fin de l*inondation.
c'est-à-dire au plus tôt eu septembre, et pleuré lorsqu'il est enseveli dans la terre.
La coïncidence donc loin d'être parfaite. Mais s'il fallait sacrifier un point, ce
est
serait du nom du mois qui peut tenir à des causes astronomiques.
l'explication
Il faut tenir solidement au fait que les jardins grecs d'Adonis ont leur prototype
dans les semences jetées dans le limon et parfois brûlées aussitôt par le soleil encore
trop ardent. Ceux qui parlent si aisément de la résurrection d'Adonis suivant immé-
diatement la lamentation pourront méditer le doute prudent de M. Peters « Appa- :
remment le Tammuz qui était pleuré comme mort fut aussi un objet de joie comme
quelqu'un qui devait ressusciter. Mais ce n'est pas si clair, ni si les réjouissances
suivaient immédiatement la lamentation, ou après quel intervalle? Elles sont indi-
quées dans quelques-unes des liturgies de Tammuz, mais c'est tout ce que nous
pouvons dire » (p. 108i. Si Tammuz est le grain, comme nous le croyons avec
M. Peters, pleuré quand on l'ensevelit en terre, la résurrection ne peut être que l'ap-
parition de l'épi, ce qui suppose bien un long intervalle.
une lourde erreur, qui pèse lourdement sur une conception d'ailleurs si insoutenable.
Sur trois lectures, M. Naville en a consacré une entière à l'examen de l'hypothèse de
Wellhausen sur les origines du Pentateuque. C'est sans doute qu'il veut donner sa
théorie comme le salut, et le seul, de l'opinion conservatrice. Les choses n'en sont
pas là.
hérétiques juifs qui parurent alors. Le plus ancien serait Chiwi Albalchi, qui admit
un intermédiaire entre Dieu et le monde il eut des adeptes, si bien qu'au commen-
;
cement du xr^ siècle on en vint à tenir des propos fort libres, dans le goiit de Vol-
les hérétiques
taire, contre la Bible et les grandes flgures d'Israël. Mais tandis que
du du x« siècle avaient
[X'' et été réfutés par les Qaraïtes comme par les fjaoaun, le
étroite, ou rien
Daniel, réfutateur de Chiwi, oii rien ne suggère une dépendance très
plus anciens. Les
ne marque des auteurs contemporains, à l'exclusion d'auteurs
la même depuis
ressemblances s'expliquent par la même atmosphère, mais elle était
le document damascé-
bien longtemps. Et il est toujours loisible de supposer que
plus récents. Assurément
nien a pu exercer une certaine inQuence sur les auteurs
Chiwi un libre penseur, mais aucun trait du document ne le
a été par excellence
désigne même par ses erreurs, ni lui ni ses adeptes.
NAvn.i e, D. C \...LL.V>.,\).
{V: The british Academy. The lext of the old Testament, by EDOLUio
Universily Geneva, Foreign Associaie of the insUUite ol Fiance,
LiU. F. S. A. Piofessor at the ol'
JM. Marmorstein croit aussi pouvoir prouver que la jurisprudeuce du document est
postérieure au Talmud. M. Bùchler, une très grave autorité, a été beaucoup plus
réservé. De ce qu'on signale au x*^ ou au xr' siècle quelques-uns des points de la
jurisprudence du document, il ne s'ensuit pas qu'ils datent de cette époque, et dans
Il insiste sur le regain de popularité des apocryphes juifs au xi® siècle pour tracer |
l'esquisse des préoccupations de ce temps d'après ces textes; c'est confesser que les
usages en question étaient antérieurs, et pourquoi le document damascénien ne
refléterait-il pas la première impression produite par lesdits apocryphes? Cela est
Talmud, que par exemple il n'ait pas combattu les attaques contre la polygamie chez
les Juils. Le Talmud est muet sur beaucoup d'autres questions vitales, réservant sa
salive pour bavarder sur de menues controverses.
Si les preuves de M. Marmorstein sont peu solides, sa conjecture. est en elle-même
peu vraisemblable. Qu'il y ait eu au xi'^ siècle des tentatives de rapprochemeuts entre
Qaraites et Rabbanites, qu'il y ait eu. cà et là, des contamination^, cela est dans la
nature des choses. Encore est-il qu'il n'a fourni aucun indice d'une conciliation par
concessions réciproques dans le domaine religieux. Et le document de Damas n'a
Ce n'est pas le titre qui plaira le plus dans la grammaire hébraïque du R. P. Bo-
naventure Ubach, professeur au grand collège international des Bénédictins de
saint Anselme à Rome. Lerjisne Toram? (1). Si j'apprends l'hébreu, ceu'est pas seu-
lement pour lire la Torah, qui n'est que le Pentateuque, et c'est bien aussi l'intention
de l'auteur qu'on lise tout l'Ancien Testament hébreu.
Il a voulu sans doute accentuer dans le titre même son dessein de rendre l'étude
de l'hébreu très pratique. Trop souvent ses élèves n'y ont vu qu'une culture de.
luxe, leur permettant de déchilfrer quelques textes, sans les mettre en état de les
posséder familièrement. D'où son dessein de faire suivre toutes ses explications
d'exercices dont le but est d'apprendre à la fois le sens des mots et l'application
des règles. L'ouvrage sera divisé en deux volumes. Kous n'avons dans le premier
que la phonétique et la morphologie. Les principes sont exposés très clairemeut,
dans un très bon ordre, et en somme d'une façon complète de sorte que cette gram-
maire, une fois apprise, pourra toujours servir d'un utile mcmento.
Mais c'est une question de pédagogie qui reste ouverte, de savoir si quelques no-
tions philosophiques ou même physiologiques sur la nature des lettres, le résultat
de la combinaison des sons, etc. ne seront pas plus utiles à la mémoire de l'élève
que des listes d'exemples. Sûrement, à propos de la syntaxe, l'auteur reviendra sur
(1) Lcf/isnc Toram? Grammatica practica linguae liebraitae seininariis si'liolisque puhlicis
lacconunodata. auctore 1). B. litAc ii, 0. S.
1$. Vul. I. l'iionologiani cl Morphologiam coniplectens,
n-«" (le \ii-21i PI). simi|)til)iis Mouastcrii It. M. V. Monlisserrali, I9ls.
BULI.KTl.N. 593
Babylone. ^ Le splendide bloc de diorite sur lequel est gravé le code de Ham-
mpurabi malheureusement pas intact. Quelques lignes ont été effacées, qui con-
n'est
tenaient de 35 à 40 articles. Le grand législateur n'avait pas manqué de dresser
d'autres exemplaires officiels de ses lois. Mais pouvait-on espérer une autre découverte
aussi heureuse? Cela n'est point nécessaire, et l'on sait maintenant que les écoles de
droit possédaient des exemplaires portatifs. L'obligation imposée aux Israélites de
copier la loi de Moïse reçoit ainsi une certaine illustration. Une tablette provenant
des fouilles de Nippour, aujourd'hui au musée de Pennsylvanie, faisait partie d'im
de ces recueils. C'est un exemplaire d'étude, de forme carrée, mesurant 0"',2.j de
côté. D'après l'estimationdu P. Scheil, le code entier pouvait être contenu sur une
demi-douzaine de tablettes semblables. Outre des parties déjà connues par l'exem-
plaire étalon du Louvre, la tablette de Pennsylvanie renferme à peu près le quart de
ce qui manquait. Les dispositions relatives au prêt à intérêt et aux sociétés ont fait
l'objet des études de M. Cuq, qui leur a consacré un important mémoire (D.
Le droit de Hammourabi était déjà si perfectionné qu'il sollicitait la compétence
d'un romaniste aussi distingué.
Cependant, à cette haute époque, l'argent n'était pas aussi nettement distinct
comme valeur d'échange qu'il l'est de nos jours. Comme il n'était pas monnayé, mais
pesé, il était presque assimilé à d'autres objets qui se consomment par le premier
usage : « On peut faire un prêt d'argent remboursable en blé, oignons ou briques;
un prêt de laine ou d'huile remboursable en argent » (p. 7). Bien plus, le législateur
droit, issu des principes romains sur le mutuum, le prêt de consommation a pour
effet de rendre l'emprunteur propriétaire de la chose prêtée; « c'est pour lui qu'elle
périt de quelque manière que cette perte arrive » (Code civil, art. 1893). a La loi
babylonienne se place à un autre point de vue elle coaoïùere le prêteur comme une
:
sorte d'associé » (p. 60). Il semble que cette manière de voir résout la principale
difficulté opposée au prêt d'argent avec intérêts par le droit canonique. Car l'intérêt
n'est plus qu'une part du bénéfice. La disposition favorable à l'indigent confirme
ce que M. Cuq a reconnu être la conception babylonienne de l'intérêt " l'intérêt est :
(1) Les nouveaux fragments du Code de Hammourabi sur le prêt à ialércl et les sociétés,
extrait des Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, tome XI.I, in-4" de ll'J pp.
Paris, 1918.
r,n REVUE BIBLIQUE.
une part du croît du capital. Lorsque, sans la faute de remprunteur, par suite d'un
cas de force majeure, il n'y a pas de croît, le prêteur ne peut exiger l'intérêt
de l'année » (p. 60).
songer à la parabole des talents. Cette fois, l'avantage est pour celui qui a avancé
de l'argent. Lu négociant confie de l'argent à son commis et le charge de le faire
fructifier par des opérations de toute nature. Le commis aura sa part des béné-
fices, selon l'accord conclu par les parties. Mais « si le commis déclare qu'il n'a
réalisé aucun bénéfice au cours de son voyage, il est tenu de payer au négociant
le double de l'argent qu'il a reçu. C'est la peine de sa négligence ou de son
incapacité. Il est présumé en faute et ne peut demander au négociant de partager
avec lui la perte qui en résulte » p. 93). En présence de cette antique disposi-
tion du droit babylonien, le maître de la parabole évangélique ne nous paraît plus
si sévère.
En même temps qu'il nous initie aux subtilités ingénieuses du droit babylonien.
JM. Cuq nous fait connaître le prix relatif des denrées, prix extrêmement variable. 11
lui que
paraît le législateur « est resté fidèle à sa déclaration écrite dans le préam-
bule du Code : « Pour empêcher le puissant d'opprimer le faible, j'instituai dans la
décrivant le jardiu miraculeux de l'Éden, l'auteur sacré cherchait ses traits daus
la nature, telle qu'on la connaissait de son temps? .M. lleuzey a depuis longtemps
^
déjà (1) signalé « le Symbole du vase jaillissant ». Des statues assyriennes décou-
vertes à Khorsabad. par Victor Place, représentent des divinités coillées de tiares
et qui serrent contre leur poitrine un vase d'où jaillissent quatre Ilots. Après
M. Heuzey, M. Boissier voit dans ces quatre Ilots « les représentants symboli(iués
authentiques du lleuve L'expression est cependant un peu
paradisia<iue » (p. liJ).
trop précise. Du vase sortent quatre bandes ondulées dont deux remontent sur
les
épaulés et deux descendent directement pour se confondre dans une grande frange
disait plus exactement : « il se divisait et était en quatre testes (2) «. Des têtes
ne sont pas des bras, et pour les Arabes aujourd'hui encore, la tète d"un fleuve
c'est la source {Ras el-'Ain). Il faudrait donc se demander si la Genèse ne
décrit
pas un fleuve qui se disperse, c'est-à-dire disparait pour reparaître sous la forme
de fpiatre fleuves sortant du Paradis. :Mais ce n'est point le moment d'analyser le
eillnu, signi-
texte. On a depuis longtemps rapproché l'hébreu 'eden de l'assyrien
fiant d'après F. Delitzsch « dépression, contrée basse ». Depuis, M. King (3) a
publié un document qui parle d'un district à'Edina, d'un canal Edina,
auquel
une ville donné son nom. Cette ville, située à l'extrême sud de la
Edina aurait
Babvlonie, sur les bords du gblfe Persique. a-t-elle quelque rapport avec l'Eden
biblique? Avant de se prononcer là-dessus, M. Boissier ajoute aux points de
com-
paraison le Qu-edin de la stèle des vautours. « A transcrire Gu-edin en
hébreu,
nous communiquer une copie un peu plus complète des deux inscriptions de la
mosaïque de Chellal (1), qui lui avait été remise par un officier anglais.
+TONAETONNEONAAS'IAEI...
MHCANOTEOCIGOT' HMCONE...
KAiO0EO(l)IA^ fEGOPriOCOn (2;...
NAPIOCENTGÛ BÎÔT ETEIKATA...
YMEMAP
IAKAN
lAAIO
KETOON
AAGOAE
VTOY
HGOC
TONNE
OC
Dans uue nouvelle du 30 mai 1!»18, notre aimable correspondant nous
lettre,
informe qu'il n'a pu obtenir aucune photographie « On m'a assuré que le capitaine
:
autre mosaïque, mal conservée, découverte à Ascaloa; elle ne renferme qu'un mé-
daillon dans lequel figure une inscription grecque que je n'ai pas eu la permission
de copier. »
Variétés. —
Académie des Inscriptions et Belles -Lettres, Comptes rendus,
année 1817. novembre-décembre. Le morceau le plus important de ce liulletin est
une notice sur la vie et les travaux de M. Gaston Maspero, par M. René Cagnat, (lui
lui a succédé comme secrétaire perpétuel de cette académie. C'est un hommage bien
diï à la mémoire du grand égyptologue. On le signale ici d'autant plus volontiers que
les circonstances ne nous ont pas permis de déplorer en son temps la perte doulou-
reuse qu'a faite la science française et d'exprimer au maître disparu une sincère
gratitude. M. Cagnat a rappelé dans les jeunes années de M. Aiaspero une certaine
ferveur de libre pensée: elle avaitfait place avec le temps à une large sympathie
pour tous ceux qui travaillent sérieusement. L'Ecole biblique de Jérusalem avait
attire son attention, et il se montra fort libéral envers sa bibliothèque. Ceux qui en
venaient étaient toujours accueillis avec uue bienveillance particulière au Musée de
K-asr en-ls'il. Il était un admirable représentant de l'esprit français, très comprehen-
sif, avec le don, si rare chez les philologues, de saisir vivement les réalités. Son
(2) CeUe lellre - serait-elle la première de TtpEoSj-îpo:, "écrit enabrrgé/ Mais que faire de ce
<l"ii suit? Ou bien serait-ce un TtpwToSojxsvapio;?
BULLETIN. o'J7
regard ouvert aux usages de l'Egypte moderne, plus atteutil' encore aux furnies des
objets antiques, savait lire dans les textes la vie d'autrefois. En même temps,
homme d'action, du Musée égyptien du Caire le plus parfait des Musées,
il a fait
celui qui représente le mieux le développement d'une longue histoire. C'est aussi le
seul qui possède un catalogue monumental déjà très avancé, assez illustré pour
donner au dehors quelque idée des richesses sorties des fouilles. Il a initié le gr<ind
public à la vie de l'Orient ancien dans son Histoire des peuples de l'Orient. Pour
l'Egypte surtout, c'est un tableau incomparable, tracé d'après les monuments plus
que d'après les livres, et auquel absolument rien en Allemagne ne peut être com-
paré. Et si l'on sait tirer parti des notes, on sera renseigné sur les questions que se
pose l'érudition, on aura en mains les éléments nécessaires pour les résoudre —
I quand
prodigieux
elles peuvent
était
l'être, — car
l'amoncellement de richesses que
^L Maspero était de ceux qui savent douter.
lui avait fourni le sol, qu'il s'atta-
Si
chait à ces choses, les pénétrait, les comparait, les mettait en action, et il ne se
plaignait pas s'il lui restait peu de temps pour discuter des hypothèses. 11 ne nous
appartient pas de résoudre la grave controverse qu'il a soutenue contre l'école alle-
mande de Berlin sur le caractère de la langue égyptienne que M. Erman a traitée
un peu à la façon d'une langue sémitique. L'esprit égyptien, dans toutes ses mani-
festations, est si éloigné de la précision, de la netteté, aussi de la rigidité sémitiques,
qu'on serait étonné si la langue pouvait s'analyser avec la même rigueur. Quoi qu'il
en soit de ce point particulier, Maspero a cherché passionnément le secret de lEgypte.
Uniforme et monotone pour ceux qui, bercés, et presque endormis aux flots du Nil,
n'aperçoivent que des palmiers et des sables, elle a changé au cours de sa longue
histoire, elle a toujours été variée dans ses diverses provinces, et seul le grand égyp-
tologue a pu analyser ces nuances délicates, pour avoir tenu dans ses mains et sou-
vent les manifestations de son art. A-t-il pénétré avec autant de sûreté aux bords
mystérieux où elle promenait son rêve nonchalant, mêlant ensemble le divin et les
du Nil et dans les champs de l'au-delà, exprimant l'indicible
êtres, la vie sur les rives
par mélange de l'homme et de l'animal, raisonnant à perte de vue sur les dieux
le
sur ce domaine aussi il a posé un principe solide, en cherchant l'énigme des combi-
naisons théologiques dans la fusion de cultes d'abord distincts. Tout ce qui était trop
systématique lui déplaisait, et c'est peut-être pour cela que son o'uvre sera à conti-
nuer, mais non à refaire. Entre l'Egypte pharaonique ou ptolémaique et l'Egypte
moderne, il n'affectait pas d'ignorer l'Egypte chrétienne. C'est sans doute par ses
conseils qu'un de ses (ils, M. Jean Maspero, s'était fait une spécialité des papyrus
grecs. La mort de ce tombé au champ d'honneur, a sûrement hâté la sienne.
(ils,
Le même bulletin contient (p. 484 ss.) une communication de M. le comte Alexan-
dre de Laborde sur quelques manuscrits à peintures des bibliothèques de Petrograd.
Qu'on nous permette de relever Les louaiiyes Monseigneur saint Jehan VEvanfjè-
:
1370. Ouvrage mystique en prose que M, de Laborde croit inédit. Et encore Les :
Epistres de saint Je7-osmes, sm- \élia. Au folio l v^ on lit Le frère Anthoyne du Four, :
docteur en théologie de l'Ordre des Frères prescheurs, par miseracion divine evesque
de _^Iarseille, a bien voulu eu ensuivant ses prédécesseurs translater de latin en
français les epistres sequentes par le commandement de madicte souveraine dame
Anne de Bretagne, Royne de France et duchesse de Bretague.
Année 1918. Bulletin de janvier-février. Séance du 22 février « Au nom de :
lot de tablettes acquises récemment par le Musée dii Louvre, tablettes du xiv siècle
avant notre ère, appartenant à la collection dite à' El-A7namt( Les documents en .
Berlin, Gotha, etc. La matière première ainsi recueillie, et élaborée avec une rare
érudition, formeune masse imposante de 880 pages d'impression compacte de textes
originaux. Elle constitue le second volume. C'est un véritable Corpus linn'f/ieum i
comprenant les hymnes, prières, oraisons, etc., employées dans les divers oltices et
cérémonies. Le premier volume est consacré tout entier à une introduction des plus
remarquables, où l'auteur expose et discute les principales questions d'ordre philo-
logique, historique et religieux soulevées par l'étude approfondie de ces documents
rendus ainsi accessibles à la critique scientifique » (p. 110 s.}.
TABLE DES MATIERES
ANNÉE 1918
Page»
I. AL<;rSTL\. PELAGE ET LE SIEGE APOSTOLIQUE (111-117). — M-" Ba-
tif f ol â
130
YI. RECENSIONS. - Jean Juster, Les juifs dan» l'empireromain iR. P. La-
grange. — G. .Joudet, Les ports submergés de l'ancienne île de Pharos
(Fr. R. S. ) rr. -58
Le Gérant : J. Gabalda.
1918
Genesis-Ruth. 209
Bruston (Ch.). Les trois épîtres do l'apùtre Paul aux CorintliiiMis. ."jSS
Ramsay (W. m.). The teaching of Paul in ternis of the prosent Day. 587
Rico (M. Revilla). La Poliglota de Alcalâ. 276
Thackeray (St-J.).
The Letter of Aristeas. 274
Truyoi.s (Foriiandez)
Estudios de Critica textual y literaria. Fas'c. I : Brève
introduccion a la critica textual del A. T. 281
Fasc. II : 1 Sam. i. 15, Critica textual. 283
lABLE ALPHABETIQUE
DES MATIÈRES PRINCIPALES.
95: — des mss. du N. T., 90-100; — des Anglaise, nouvelle trathiction de la Bible.
actes apocrypiies, 107-110; — des papy- Antiochus Épiphane dans Oanici. III. 417.
salem. 337 ss.: — en exil. 398-102. 5 ss. : — et l'épître aux Romains, 7, 15,
TAlU.b: AMMIABKilQUK DES MATIKUKS l'IlINCIl'ALl- S. III
204 ss.
:
— et Deutéronome, 392-397; et
le lalégi.s-
lation Israélite, 379-382; — et la réforme
:
— des w et \" siècles av. J.-Ch.; 217- Faux prophètes, 342, 355.
224; — du i" siècle ap. J.-C, 224-229; Fils de l'homme dans Daniel, 419-424.
— de la vie du Christ, .506 ss., 529; — Fçrtune (double) divinité sémitique, 290. :
.des évangiles, 511-515, 564; — des temps Funéraires textes babyloniens, 287. :
apostoliques, 529.
Gaïonas : juge des repas, 290.
pouvoir des
Clés,
37 s.
: d'après S. Augustin,
Gobryas — Gubaru, 286.
Code de Hammourabi : nouveaux ti-ag- llabiri, 286.
Date de la Passion, 534-546; des visions — 563; — son évangile d'après Renan, 446,
de Zacharie, 140. .547, 476, 497.
iV TABLE ALPHABETIQUE DES MATIERES PRINCIPALES.
Jésus :
— durée de son
son âge, 531 ;
tiens en, 261 ss.
158-161, 169, 171, 183, 189. Parallélisme son rôle dans la poésie :
leui- nombre au V' .siècle; leur situa- — Paras ou demi-mine, 286, 430.
tion au début de l'ère chrétienne, 261. Paul (S.) d'après Ramsay, 588.
:
Lamentations. : parallélisme dans les, 308 Pentateuque : nouvelle théorie sur sa com-
ss. })Osition, 589 s.
Miracles de Jésus d'après Renan, 491-498. Renan et les Allemands. 438-440, 501 —
: ;
son oHivre, 501-5CHi; — ol l'OritMit, lti(), Strauss (."t Renan), 4:;8, 141, 116, 161,498.
17H; — et les miracles, lUl-lDH; — ot les Svmbolisme (hins Zacharie, 116-149, 150 s.,
torité des Écritures, 2',); — primauté ties, 38:3-385; — son importance à par-
d'après Innocent I", 48-50; — recours à, tirde .Josias, :387, 396; figuré par le —
13 s. candélabre de Zacharie, 169.
Rouleau volant : symbole 'dans Zacliarie, Tombeau byzantin au Mont des Oliviers,
171-171. 5:J6.
Sagesse de Salomon (V'dit. anglaise), 27:5. Usure chez les Babyloniens, 59:5 s.
Samuel cas de critique textuelle, 283.
:
Vendeurs du Temple, 565 s.
Sanhédrin sa juridiction, 264, 277.
:
Vers hébreu distinct du parallélisme, ;jOO s.
-203 ss.
16:3-165, 169, 186,
Songe de l'Arbre : symbole dans Daniel, Zorobabel dans Zachai'ie,
189-191.
426 s.
ERRATA
I. 10, — Ô£ —
5dxiiJ.ot 5àS 6xt(ioi.
P. 555, 1.
— terminent tiennent.
BS Revue biblique
R3
t. 27