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DOCTRINE

Autorité des marchés financiers, Commission


des sanctions (1re section), 17 décembre 2009,
Sociétés Les Laboratoires Arkopharma et Imarko
et M. Max Rombi
Hubert Segain une prime de 34% sur le dernier cours coté le 4 juin 2007. Elle
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est suivie d’une procédure de retrait obligatoire et de la


Avocat aux Barreaux de Paris et de New York
radiation des titres Arkopharma du marché Eurolist le
Associé
18 juillet 2007.
Paul Delpech C’est dans ce contexte d’opération, somme toute assez clas-
Avocat au Barreau de Paris sique, que l’AMF s’est penchée sur des opérations inhabi-
Collaborateur tuelles (interventions exclusivement à l’achat) effectuées sur
le marché du titre Arkopharma au cours de la période précé-
Herbert Smith LLP dant l’annonce de l’OPAS. Dans ce cadre, le secrétaire géné-
ral de l’AMF a décidé d’ouvrir une enquête sur le marché du
titre Arkopharma à compter du 1er juin 2006, enquête ulté-
Mode d’acquisition par excellence du contrôle d’une société rieurement étendue à l’information financière diffusée à
cotée, les offres publiques, qu’elles soient amicales ou agres- l’occasion de l’offre publique. Au vu du rapport d’enquête, le
sives, occupent désormais une place essentielle dans la vie des président de l’AMF a alors notifié de multiples griefs aux
affaires. Dès lors, de telles opérations ont naturellement ten- protagonistes de l’opération, en particulier au dirigeant, en sa
dance à devenir le théâtre privilégié de toutes sortes de com- double qualité de président directeur général de l’initiateur et
portements susceptibles de nuire à l’intégrité des marchés de président du conseil de surveillance de la cible. Ce dernier
financiers et de diminuer la confiance des investisseurs en ces se voyait ainsi reprocher d’avoir utilisé l’information privilé-
marchés1. La présente décision vient en fournir une parfaite giée relative à la préparation de l’OPAS (I.), de ne pas avoir
illustration, avec des protagonistes sévèrement sanctionnés déclaré à l’AMF les transactions qu’il avait réalisées sur les
au titre de manquements commis non seulement pendant la titres Arkopharma (II.), et d’avoir diffusé des informations
période de préparation de l’offre, mais également pendant le inexactes, imprécises ou trompeuses dans le cadre de l’OPAS,
déroulement de celle-ci. étant précisé que les sociétés Imarko et Arkopharma étaient
également poursuivies de ce chef (III.). Au final, la Commis-
La société Arkopharma, cotée sur le compartiment B du sion des sanctions, compte tenu de « la multiplicité et de la
marché Eurolist, est une société spécialisée dans le dévelop- gravité des faits » commis par le dirigeant, lui inflige une
pement, la fabrication et la commercialisation de produits sanction particulièrement sévère (1.500.000 euros)6. De
pharmaceutiques. A l’époque des faits, elle avait pour pré- même, elle prononce à l’encontre de l’initiateur, reconnu
sident du conseil de surveillance l’un des co-fondateurs de la « coupable » de diffusion de fausse information, une sanction
société, lequel détenait par ailleurs (avec des membres de sa pécuniaire de 300.000 euros. Quant à la société cible, elle est
famille) le principal actionnaire de la société (Imarko) dont il mise hors de cause par la Commission des sanctions.
était également le président directeur général. En 2006, le
dirigeant, en sa qualité de président directeur général
d’Imarko, envisage de mettre en œuvre une offre publique I. Le manquement d’initié
d’achat simplifiée (OPAS) sur les titres de la société Arko-
A l’évidence, la période précédant l’annonce d’une offre
pharma en vue de procéder à son retrait de la cote. Par
publique est particulièrement propice à la commission d’opé-
conséquent, Imarko mandate le 13 mars 2007 une banque
rations d’initiés. C’est qu’en effet, « l’offre publique s’accom-
pour le dépôt et la réalisation de l’OPAS. Le prix en est
pagne généralement d’une hausse, parfois importante, du
définitivement fixé le 7 mai 2007. Le 25 mai 2007, un pacte
cours des titres de la société visée, et ce en raison au moins de la
d’actionnaires est conclu, avant le dépôt par Imarko de l’offre
prime offerte sur le dernier cours précédant l’annonce de
publique, entre le dirigeant, les membres de sa famille,
l’offre » 7. Dès lors, il est tentant pour les personnes ayant
Imarko et la présidente du directoire d’Arkopharma, lesquels
connaissance du projet d’offre d’acquérir des titres de la
déclarent agir tous de concert2. Annoncée au marché le 4 juin
société cible préalablement à l’annonce publique de l’opéra-
20073, l’OPAS fera ensuite l’objet de deux notes d’opération :
tion. Malgré les risques de sanctions importantes associés à ce
la note d’information émise par l’initiateur4 et la note en
type de comportements, il est surprenant de constater qu’ils
réponse de la cible5. L’OPAS sur Arkopharma a lieu du
sont pourtant relativement fréquents8. La jurisprudence
29 juin au 12 juillet 2007 au prix de 18 euros par action, soit
regorge en effet d’exemples de poursuites engagées à l’encon-
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1 On ne s’étonnera donc pas de voir la directive 2003/6 du 28 janvier 2003 sur 2007, disponible sur le site de l’AMF (http://www.amf-france.org/
les opérations d’initiés et les manipulations de marché (dite « abus de DocDoif/txtint/opdepotPdf/2007/207C119901.pdf).
marché ») envisager spécifiquement, dans son considérant numéro 28, le
cas des offres publiques. 6 Sans que l’on sache, toutefois, selon quelles proportions le montant de
cette sanction a été réparti entre les divers manquements retenus à
2 Déc. AMF, 4 juin 2007, numéro 207C1045. l’encontre du dirigeant.
3 Déc. AMF, 4 juin 2007, numéro 207C1047. 7 A. Viandier, OPA, OPE et autres offres publiques, Ed. Francis Lefèbvre,
4 Note d’information ayant obtenu le visa numéro 07-213 de l’AMF le 2010, numéro 857.
26 juin 2007, disponible sur le site de l’AMF (http://www.amf-france.org/ 8 Avec en moyenne seulement une trentaine de procédures de sanctions
DocDoif/txtint/opdepotPdf/2007/207C119900.pdf). portées devant la Commission des sanctions en matière d’abus de marché
5 Note en réponse ayant obtenu le visa numéro 07-214 de l’AMF le 26 juin tous les ans, il demeure à notre sens un sentiment d’impunité chez de

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tre de personnes soupçonnées d’avoir commis une opération En pratique, ce critère fait l’objet d’une appréciation souple
d’initié prohibée à l’occasion de la préparation d’une offre de la part de la Commission des sanctions. S’agissant notam-
publique9. C’est ce panorama jurisprudentiel que vient com- ment d’un projet d’offre publique, il suffit que celui-ci soit
pléter la présente décision de la Commission des sanctions. Il déterminé dans ses principales modalités pour que l’informa-
était en effet reproché au dirigeant d’avoir, entre le 13 mars et tion s’y rapportant soit considérée comme précise. A cet
le 7 mai 2007, acquis des titres de la cible alors qu’il avait égard, il importe peu que le prix13 ou la parité d’échange14
connaissance d’une information privilégiée relative à la pré- n’ait pas été définitivement fixé, que les modalités de finance-
paration de l’OPAS sur cette dernière société. Suivant une ment de l’offre n’aient pas été arrêtées, que la réalisation de
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démarche habituelle, la Commission s’interroge sur le carac- l’offre soit conditionnée à l’accord des autorités de la concur-
tère privilégié de l’information en cause (1.) avant de se rence ou encore que l’offre n’ait pas été officiellement
prononcer sur la détention et l’utilisation de cette information approuvée par l’organe compétent15. Par ailleurs, est tout
par le dirigeant (2.). aussi indifférente la circonstance que l’offre publique n’ait pas
été, in fine, réalisée16. De la sorte, il existe très peu de déci-
sions dans lesquelles la Commission a estimé que le projet
1. L’information privilégiée relative d’offre ne présentait pas une maturité suffisante pour que la
à la préparation de l’OPAS connaissance de son existence puisse être qualifiée d’informa-
tion privilégiée17. La présente décision ne fait pas exception à
Une information est dite privilégiée lorsqu’elle est précise, cette compréhension relativement lâche du critère de préci-
confidentielle et susceptible d’avoir une influence sensible sur sion.
le cours des instruments financiers concernés10. En l’espèce,
chacun de ces critères est successivement caractérisé par la En l’espèce, la Commission estime qu’à la date des acquisi-
Commission des sanctions. tions reprochées, intervenues entre le 13 mars et le 7 mai 2007,
le projet d’OPAS était « suffisamment défini pour avoir des
chances raisonnables d’aboutir ». Au soutien de cette affirma-
1.1. Une information précise tion, la Commission relève les éléments suivants : le mandat
conclu le 13 mars 2007 avec la banque précisait la quantité de
D’abord, la Commission devait déterminer si l’information
titres susceptibles d’être apportés à l’offre et détaillait les
relative au projet d’OPAS sur la société Arkopharma était
modalités de la procédure envisagée ; le prix définitif (18
suffisamment précise pour pouvoir être qualifiée d’informa-
euros), fixé le 7 mai, correspondait à la fourchette de prix
tion privilégiée. On le sait, une information privilégiée, si elle
indiquée par le dirigeant à la banque dès avant la conclusion
doit être précise, n’a pas besoin en revanche de présenter un
du mandat (soit un prix situé entre 17,5 et 18,5 euros) ; bien
caractère certain11 ; elle peut donc tout à fait avoir trait à un
que le mandat prévoyait une clause de résiliation, celle-ci
projet d’opération dont la réalisation est, par hypothèse, aléa-
avait, en réalité, très peu de chance d’être mise en œuvre en
toire. Simplement, il faut, suivant la formule consacrée par la
raison de l’état d’avancement du projet et du fait que le
Cour d’appel de Paris, que ledit projet soit « suffisamment
dirigeant contrôlait à la fois la cible et l’initiateur. Dès lors,
défini entre les parties pour avoir des chances raisonnables
pour la Commission, l’information relative à la préparation
d’aboutir » 12.
d’une OPAS sur Arkopharma par Imarko était précise.
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nombreux émetteurs et opérateurs de marché malgré les sanctions pro- •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
noncées et la publicité qui est faite de ces décisions de sanctions. 1995, numéro 1, p. 9 et s., note H. de Vauplane ; Paris, 2 avril 1997, Lesage,
Bull. Joly Bourse 1997, numéro 4, p. 611 et s., note N. Rontchevsky, Rev.
9 Comm. sanct. AMF, 23 décembre 2008, MM. Xavier Thoma, Charles soc. 1997, numéro 4, p. 842 et s., note B. Bouloc ; Paris, 27 juin 2002,
Thoma, Stefano Moccia, Giovanni Batista di Natale, A, W, B, C, D, Anto- Gerbelot-Morillon, Bull. Joly Bourse 2002, numéro 5, p. 436 et s. ; Paris
nello Filosa, Federico Pantanella, E, F, G, H, Bull. Joly Bourse 2010, 1er avril 2003, Jet Multimédia, Bull. Joly Bourse 2003, numéro 4, p. 427 et s.,
numéro 1, p. 10 et s., note F. Martin-Laprade, Banque & Droit, novembre- note R. Salomon, Bull. Joly Soc. 2003, numéro 10, p. 1055 et s., note J.-J.
décembre 2009, p. 47 et s., note H. de Vauplane et J.-J. Daigre (projet Daigre, Banque & Droit, juillet-août 2003, p. 44 et s., obs. H. de Vauplane
d’OPA) ; Comm. sanct. AMF, 25 juin 2009, MM. A et B, Bull. Joly Bourse et J.-J. Daigre, Dr. soc., juillet 2003, p. 30 et s., note Th. Bonneau.
2009, numéro 6, p. 458 et s., note D. Bompoint (imminence d’une prise de
participation devant être suivie d’une OPAS) ; Comm. sanct. AMF, 14 jan- 13 Comm. sanct. AMF, 14 janvier 2010, préc.
vier 2010, M. Frédéric Gaspoz (projet d’OPA) ; Comm. sanct. AMF, 14 Paris, 26 mai 1993, préc.
27 mai 2010, MM. A, B, C, D, et Melle E (projet d’OPA). Plus générale- 15 Comm. sanct. AMF, 23 décembre 2008, préc.
ment, sur la question des délits et manquements d’initiés commis dans le
cadre d’une opération financière, on consultera avec intérêt les précé- 16 Comm. sanct. AMF, 10 avril 2008, préc., considérant que l’information
dentes chroniques d’E. Dezeuze dans cette revue (R.T.D.F. 2007, numéro tenant au projet d’offre publique était précise et que la circonstance que ce
4, p. 139 et s., obs. sous Cass. crim., 31 octobre 2007 ; R.T.D.F. 2008, projet n’avait finalement pas abouti était sans incidence sur cette caracté-
numéro 1, p. 89 et s., obs. sous Comm. sanct. AMF, 6 décembre 2007, M. risation (décision ultérieurement réformée, mais sur un autre fondement,
Thierry Boutin ; R.T.D.F. 2008, numéro 3, p. 114 et s., obs. sous Comm. par un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 8 avril 2009, mais confirmée par
sanct. AMF, 10 avril 2008, M. A et 22 mai 2008, Clermont-Tonnerre et la Cour de cassation par un arrêt du 1er juin 2010).
autres). 17 Comm. sanct. AMF, 27 septembre 2007, Société Ixis Corporate & Investe-
10 Art. 621-1, al. 1 du règlement général de l’AMF (RG AMF). ment Bank, Bull. Joly Bourse 2008, numéro 1, p. 64 et s., note F.-M.
Laprade, Banque & Droit, novembre-décembre 2007, p. 38 et s., note H. de
11 Sur l’absence de prise en compte du caractère certain de l’information, voir Vauplane et J.-J. Daigre, Rev. dr. banc. et fin. 2008, numéro 2, p. 42 et s.,
Cass. com., 5 octobre 1999, Haddad, JCP Ent., janvier 2000, numéro 1, p. 32 note S. Torck, considérant que le projet d’OPE envisagé par la Caisse
et s., note H. Hovasse, Bull. Joly Soc. 1999, numéro 12, p. 1193 et s., note A. nationale des autoroutes sur ses propres obligations était arrêté dans des
Pietrancosta. Cette solution transparaît désormais dans la rédaction de termes trop généraux (larges fourchettes, etc.) pour constituer « un projet
l’article 621-1 du règlement général de l’AMF qui indique qu’une informa- suffisamment défini entre les parties ». Voir également, en ce sens, Comm.
tion est « réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances sanct. AMF, 19 juin 2008, MM. A, B, C, D et E, Banque & Droit, novembre-
ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire décembre 2008, p. 28 et s., note H. de Vauplane et J.-J. Daigre, estimant
[...] ». que l’information en cause (le probable désengagement de l’actionnaire
12 Paris, 26 mai 1993, Picciotto, Bull. Joly Bourse 1993, numéro 5, p. 579 et s., majoritaire d’une société cotée) ne constituait pas une information « assor-
note M. Jeantin, Rev. dr. banc. 1994, numéro 42, p. 67 et s., note D. Borde tie [...] d’indications propres, dans les circonstances de l’espèce, à permettre
et A. Poncelet, LPA, 21 juin 1993, numéro 74 p. 15 et s., note C. d’apprécier suffisamment l’effet possible d’un tel évènement sur le cours du
Ducouloux-Favard ; Paris, 15 novembre 1994, Zodiac, Bull. Joly Bourse titre de la société X ».

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1.2. Une information confidentielle et sensible En définitive, l’information tenant au projet d’Imarko de
lancer une OPAS sur Arkopharma présentait, à la date des
La Commission s’est ensuite attachée à vérifier si les autres acquisitions litigieuses, le caractère d’une information privilé-
éléments constitutifs de l’information privilégiée étaient éga- giée.
lement caractérisés.

Le caractère confidentiel de l’information en cause à la date 2. La violation par le dirigeant


des acquisitions reprochées ne faisait aucun doute, le projet de son obligation d’abstention
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d’OPAS n’ayant été annoncé publiquement que le 4 juin


2007. Après avoir relevé le caractère privilégié de l’information en
cause, la Commission considère que la détention de cette
C’est également sans difficulté que la sensibilité de l’informa- information par le dirigeant faisait peser sur celui-ci « une
tion relative au projet d’OPAS est établie. Cependant, la obligation absolue de s’abstenir d’intervenir sur le titre Arko-
Commission adopte ici une démarche légèrement différente pharma ». Or, celui-ci ayant procédé à l’acquisition de
de celle suivie dans ses précédentes décisions pour justifier du 122.000 titres Arkopharma en violation de cette obligation
caractère sensible de l’information relative à un projet d’offre d’abstention (pour un avantage économique évalué à 500.460
publique. Généralement, la Commission ne s’attarde pas sur euros), le manquement d’initié est constitué.
cette question, l’existence d’un projet d’offre étant, à l’évi-
dence, une information susceptible d’avoir une influence sen- Sur ce point, on signalera que, depuis l’arrêt Spector de la
sible sur le cours du titre de la société cible. Tout au plus, se CJUE, l’obligation d’abstention de l’initié ne semble plus
contente-t-elle d’indiquer que l’annonce d’un tel projet est revêtir, contrairement à ce qui est affirmé en l’espèce, un
« par nature » une information sensible, en faisant état de la caractère absolu. Il est vrai que tant la Commission des sanc-
hausse du cours qui a eu lieu à la suite de l’annonce de tions23 que la Cour d’appel de Paris24 font régulièrement
l’offre18. Or, dans la décision ici rapportée, la Commission appel à cette formule pour exprimer que « le manquement
choisit, au contraire, d’expliquer pourquoi le projet d’OPAS d’initié est constitué par le simple rapprochement chronolo-
était, dans les circonstances de l’espèce, susceptible d’avoir gique entre la détention de l’information et son exploitation sur
une influence sensible sur le cours du titre Arkopharma. le marché ». Depuis l’arrêt Spector, la perspective est toute-
Ainsi, le caractère sensible de l’information en cause résultait fois différente : si la simple détention de l’information privilé-
de ce que ce projet « prévoyait une prime de plus de 30 % par giée implique, comme en droit français, son utilisation, cette
rapport au cours du titre des six derniers mois », laquelle « était présomption peut être cependant écartée s’il n’y a pas une
de nature à provoquer un ajustement de ce cours sur le prix « utilisation indue » de l’information25. Dans la mesure où la
proposé pour l’offre ». Une manière d’indiquer que la sensibi- présomption peut être renversée, il n’y a donc désormais plus
lité d’un projet d’offre publique dépend moins de sa nature lieu de se référer au caractère absolu de l’obligation d’absten-
propre que du montant de la prime offerte par l’initiateur aux tion26. Pourtant, certaines décisions ont continué, à la suite de
actionnaires de la société cible, même si, bien évidemment, l’arrêt Spector, à invoquer le « devoir absolu d’abstention » 27,
ces deux éléments sont intimement liés19. Par ailleurs, la sans que l’on ne sache néanmoins si cela était délibéré ou non
Commission s’abstient corrélativement de faire état de la de leur part. Quoiqu’il en soit, cette vision « absolutiste » de
hausse du cours du titre Arkopharma intervenue à la suite de l’obligation d’abstention de l’initié semble avoir été claire-
l’annonce de l’OPAS (+34%)20. Une telle démarche, outre les ment abandonnée par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt
vertus pédagogiques qu’elle comporte, s’inscrit dans la droite récent28.
ligne de la solution dégagée par l’arrêt Spector de la Cour de
justice de l’Union Européenne (CJUE)21. A ce titre, elle •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
mérite d’être approuvée22. 23 Voir, par exemple, Comm. sanct. AMF, 4 octobre 2007, M. Christian Le
Coadou, Mme Marie-Josée Le Coadou et M. Joseph Sarrat, Bull. Joly
••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• Bourse 2008, numéro 2, p. 148 et s., note S. Torck, Bull Joly Soc. 2008,
18 En ce sens, Comm. sanct. AMF, 23 décembre 2008, préc. numéro 4, p. 294 et s., note N. Rontchevsky ; Comm. sanct. AMF, 26 juin
2008, M. Jean-Sébastien Beslay, Bull. Joly Bourse 2008, numéro 6, p. 463 et
19 Pour une justification similaire, voir Comm. sanct. AMF, 27 mai 2010, s., note E. Dezeuze, Rev. dr. banc. et fin. 2009, numéro 1, p. 73 et s., note S.
préc. : « Considérant que le fait que West soit prête à lancer une OPA Torck ; Comm. sanct. AMF, 5 mars 2009, Société Nortène, M. Philippe
amicale sur Genesys était de nature à conduire un investisseur raisonnable à Wallon, Société Kelly et M. Georges Tramier, Bull. Joly Bourse 2009,
une décision d’investissement dans le titre Genesys ; qu’en effet, le succès numéro 4, p. 298 et s., note H. Bouthinon-Dumas.
d’une telle offre amicale supposait que fût offert aux actionnaires de Genesys
un prix attractif, c’est-à-dire significativement supérieur au cours du titre sur 24 Voir récemment, Paris, 20 octobre 2009, M. Julien Schoenlaub ; Paris,
le marché ». 24 novembre 2009, MM. Gerald Frydman, Marcel Frydman, R.T.D.F.
2009, numéro 4, p. 121 et s., note B. Garrigues.
20 Comp. avec Comm. sanct. AMF, 25 juin 2009, préc.
25 C’est-à-dire, selon la Cour, une utilisation qui n’est pas contraire aux
21 CJUE, 23 décembre 2009, Spector Photo Group NV et Chris Van objectifs poursuivis par la directive, à savoir la protection de l’intégrité des
Raemdonck/Commissie voor het Bank-, Financie- en Assurantiewezen marchés financiers et le renforcement de la confiance des investisseurs.
(Affaire C- 45/08) (2008/C 107/21), Bull. Joly Bourse 2010, numéro 2, p. 92
et s., note S. Torck, Bull. Joly Soc. 2010, numéro 4, p. 346 et s., note D. 26 Comme le relevaient déjà certains auteurs avant que ne soit rendu cet
Schmidt, Banque & Droit, janvier-février 2010, p. 27 et s., obs. H. de important arrêt, l’affirmation du caractère absolu de l’obligation d’absten-
Vauplane et J.-J. Daigre, Rev. dr. banc. et fin. 2010, numéro 2, p. 92 et s., tion semblait déjà contradictoire, l’initié pouvant en effet justifier ses
note Th. Bonneau, aux termes duquel « Conformément à la finalité de la opérations en rapportant la preuve d’un fait justificatif (E. Dezeuze, op.
directive 2003/6, cette aptitude à influer de manière sensible sur les cours doit cit., note sous Comm. sanct. AMF, 6 décembre 2007, M. Thierry Boutin,
s’apprécier, a priori, à la lumière du contenu de l’information en cause et du p. 91 ; R. Mortier, Dr. soc., juin 2010, p. 32., note sous Cass. com., 23 mars
contexte dans lequel elle s’inscrit. Il n’est donc pas nécessaire, afin de 2010, M. Thierry Boutin). Il est vrai, toutefois, que la Commission des
déterminer si une information est privilégiée, d’examiner si sa divulgation a sanctions n’a, à notre connaissance, jamais reconnu l’existence d’un tel fait.
effectivement influé de façon sensible sur le cours des instruments financiers 27 Comm. sanct. AMF, 14 janvier 2010, préc. ; Paris, 2 février 2010, MM.
auxquels elle se rapporte » (§69). Frédéric Boulet, Jean-François Henin et société Etablissements Maurel &
22 Aussi pourra-t-on regretter qu’elle n’ait pas été reprise par la Commission Prom, numéro 2009/02623 ; Comm. sanct. AMF, 27 mai 2010, préc.
des sanctions dans sa décision du 14 janvier 2010 précitée (ou que partiel- 28 Paris, 30 mars 2010, Société Kelly et M. Georges Tramier, numéro 2009/
lement dans sa décision du 27 mai 2010). 13348, considérant « que dès l’instant où M. Tramier a été mis en possession

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II. Le défaut de déclaration règle de l’article L. 621-18-2 dont l’objet est de « permettre au
marché d’être informé rapidement des opérations auxquelles
par le dirigeant des acquisitions les dirigeants d’une société peuvent se livrer sur les titres de
réalisées sur le titre de la cible celle-ci et d’apprécier la signification qu’elles peuvent revêtir ».
Par ailleurs, ces deux décisions ont été immédiatement suivies
Les dirigeants de sociétés cotées, en raison de leur degré élevé de la publication d’un communiqué de presse de l’AMF,
d’accès à l’information, sont tenus à une vigilance accrue témoignant par là de l’attachement de l’autorité au respect,
concernant les opérations qu’ils réalisent sur les titres de la par les dirigeants, de leur obligation de déclaration35. Dès
accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3
Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement
sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L'utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l'article L. 122-5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant

years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorized within the limits of Art. L. 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection.

société dans laquelle ils exercent leurs fonctions. L’article lors, l’AMF semblait adresser un avertissement sans frais à
L. 621-18-2 du Code monétaire et financier leur impose ainsi tous les dirigeants de sociétés cotées sur la nécessité de se
de déclarer ces opérations auprès de l’AMF, dans les cinq conformer à leur obligation déclarative. C’est dans ce
jours de négociation suivant la réalisation de l’opération en contexte de sévérité croissante que vient s’inscrire la présente
question29. Ce dispositif, issu de la transposition des deux décision de la Commission des sanctions.
directives « abus de marché »30, a pour objectif de contribuer
à une meilleure information des investisseurs et de prévenir En l’occurrence, les transactions non déclarées correspon-
d’éventuels abus de marché31. Or, dans notre affaire, il était daient à des acquisitions de titres Arkopharma réalisées par le
précisément reproché au dirigeant, au-delà des opérations dirigeant entre le 1er juin 2006 et le 7 mai 2007. Comme dans
d’initiés, de ne pas avoir déclaré à l’AMF, alors qu’il était les deux affaires précitées, une partie des acquisitions (celles
président du conseil de surveillance d’Arkopharma, les tran- faites entre le 1er juin 2006 et le 12 mars 2007) ne constituaient
sactions qu’il avait réalisées sur le titre de cette société. pas des opérations d’initiés. Peu importait en réalité, car cette
circonstance est indifférente à la constitution du manquement
Bien que le texte de l’article L. 621-18-2 ne prévoie aucune à l’obligation déclarative. En effet, la sanction de l’absence de
sanction spécifique, le défaut ou le retard de déclaration par déclaration ne requiert pas que l’omission soit liée à un man-
un dirigeant de ses opérations sur titres peut être sanctionné quement d’initié : dès lors que l’opération n’a pas été décla-
par la Commission des sanctions au titre de son pouvoir rée, le manquement est automatiquement constitué36.
général de sanction32. L’obligation de déclaration à l’AMF ne L’absence de déclaration par le dirigeant des transactions
pesant sur les dirigeants que depuis 200633, il n’existait pas, effectuées entre le 1er juin 2006 et le 12 mars 2007 était donc
jusqu’à une époque récente, d’exemple de sanction pronon- condamnable. Les acquisitions de titres réalisées entre le
cée par la Commission à leur encontre pour manquement de 13 mars et le 7 mai 2007 s’inscrivaient, quant à elles, directe-
ce chef. Il a fallu ainsi attendre la fin de l’année 2009 pour voir ment dans le cadre du manquement d’initié. L’absence de
la Commission, par deux décisions publiées le même jour, déclaration n’en était donc que plus grave et ne méritait, par
sanctionner des dirigeants de sociétés cotées qui n’avaient pas conséquent, aucune mansuétude de la part de la Commission.
satisfait à leur obligation de déclaration34. A cette occasion, la
Commission a rappelé la raison d’être et l’importance de la La Commission a ainsi refusé, au stade de la détermination du
montant de la sanction, de faire jouer la circonstance atté-
••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• nuante qu’elle avait retenue dans les deux décisions précitées
des informations privilégiées, il était ainsi que sa société dans l’obligation de pour des faits similaires. Dans ces deux affaires, la Commis-
s’abstenir d’intervenir sur le titre concerné, sauf impérieuse nécessité ».
sion avait limité le montant des sanctions en tenant compte
29 Outre l’article L. 621-18-2 du Code monétaire et financier, le régime de « de ce que les faits reprochés [étaient] intervenus peu de temps
l’obligation de déclaration est fixé par les articles R. 621-43-1 du même
code, les articles 223-22 A à 223-26 du règlement général de l’AMF,
après que l’obligation de déclaration, qui incombait précédem-
l’instruction AMF numéro 2006-5 du 3 février 2006 et la position de l’AMF ment à la société, a été mise à la charge des dirigeants eux-
du 26 mai 2009. mêmes, et alors que la portée de cette modification pouvait ne
30 Directive du 28 janvier 2003 précitée (art. 6.4) et directive numéro 2004/72 pas apparaître pleinement » 37. En l’espèce, la chronologie des
du 29 avril 2004 d’application de celle-ci (art. 1.1, 1.2 et 6). transactions litigieuses (juin 2006 – mai 2007) semblait pour-
31 Considérant numéro 7 de la directive du 29 avril 2004 précitée. tant bel et bien autoriser le dirigeant à se prévaloir de cette
32 L’article L. 621-15, II du Code monétaire et financier dispose que « La
Commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, pro- •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
noncer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : [...] c) Toute Jean-Marie Santander, A, Philippe Perret et Mme B. (à propos d’un défaut
personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée ou a tenté de de déclaration), Bull. Joly Bourse 2010, numéro 1, p. 20 et s., note J.-Ph.
se livrer [...] à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de Pons-Henry (publiées sur le site de l’AMF le 7 décembre 2009).
l’article L. 621-14 ». Ce dernier alinéa renvoie, quant à lui, « [...] aux 35 Voir AMF, communiqué du 7 décembre 2009 (http://www.amf-france.org/
manquements aux obligations résultant des dispositions législatives ou documents/general/9213_1.pdf). Traditionnellement, la publication d’un
réglementaires ou des règles professionnelles visant à protéger les investis- communiqué par l’AMF souligne l’importance qu’attache cette dernière à
seurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffu- la décision de sanction considérée ou au respect de la règle dont la
sion de fausses informations ou à tout autre manquement de nature à porter violation a été sanctionnée. Pour une démarche similaire, voir, par exem-
atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du ple, le communiqué du 7 décembre 2006 faisant suite à la première décision
marché [...] ». Or, le dispositif prévu par l’article L. 621-18-2 constitue de sanction de l’absence de déclaration de franchissement de seuil (Comm.
clairement une mesure de prévention des abus de marché et, plus généra- sanct. AMF, 9 novembre 2006, Jousse Morillon Investissement, Bull. Joly
lement, « une mesure de protection des investisseurs et du bon fonctionne- Bourse 2007, numéro 2, p. 191 et s., note B. François, Banque & Droit,
ment des marchés ». Par conséquent, sa violation peut donner lieu au janvier-février 2007, p. 31 et s., obs. H. de Vauplane et J.-J. Daigre, Rev. dr.
prononcé de sanctions pécuniaires par la Commission des sanctions. banc. et fin. 2007, numéro 1, p. 45 et s., note D. Bompoint, Dr. soc., avril
33 A l’origine, l’obligation de déclaration à l’AMF incombait à l’émetteur et 2007, p. 39, note Th. Bonneau) ou, plus récemment, le communiqué du
non au dirigeant. Ce n’est que depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté du 17 décembre 2009 publié dans le cadre de l’affaire EADS (Comm. sanct.
9 mars 2006 (pris en application de la loi numéro 2005-811 du 20 juillet 2005 AMF, 27 novembre 2009, Bull. Joly Bourse 2010, numéro 2, p. 107 et s.,
et du décret numéro 2006-256 du 2 mars 2006), soit le 22 mars 2006, que note J.-J. Daigre, Banque & Droit, janvier-février 2010, p. 24 et s., note H.
cette obligation pèse désormais sur le seul dirigeant. Sur ce point, voir de Vauplane et J.-J. Daigre, Rev. dr. banc. et fin. 2009, numéro 2, p. 83 et s.,
Comm. sanct. AMF, 1er avril 2010, société X, et MM. A, B, C, mettant hors note S. Torck).
de cause des dirigeants d’une société cotée pour des transactions non 36 Comm. sanct. AMF, 17 septembre 2009, préc.
déclarées mais antérieures à cette date. 37 Pour une critique de cette solution au regard du principe selon lequel nul
34 Comm. sanct. AMF, 17 septembre 2009, M. A. (à propos d’une déclaration n’est censé ignorer la loi, voir S. Torck, « Déclaration des dirigeants », Rev.
tardive et incomplète) et 1er octobre 2009, société Théolia et Colibri, MM. dr. banc. et fin. 2010, numéro 1, p. 63 et s.

RTDF N° 2 - 2010 u DOCTRINE / Hubert Segain, Paul Delpech 56


DOCTRINE

circonstance atténuante38. Ce n’est toutefois pas l’avis de la opérations financières43 servent ainsi régulièrement de
Commission qui, relevant que la non-déclaration de ses acqui- décors à la diffusion de fausses informations. Or, dans ce
sitions par le dirigeant avait « revêtu une importance par- cadre, il est surprenant de constater que la Commission n’a eu
ticulière », décide de prononcer une sanction exemplaire à son que très rarement l’occasion de se prononcer sur des manque-
encontre. ments allégués de ce chef dans le contexte d’une offre publi-
que44. Aussi, la présente affaire mérite-t-elle tout notre inté-
Pour être complet, on indiquera que le dirigeant avait fait rêt : en l’espèce, les acteurs principaux de l’OPAS, l’initiateur
valoir, pour sa défense, que les opérations avaient été réali- et son dirigeant (1.) mais également la cible (2.), étaient
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sées depuis des comptes détenus à l’étranger ce qui faisait poursuivis pour avoir diffusé des informations « inexactes,
obstacle, selon lui, à l’applicabilité de la règlementation fran- imprécises et trompeuses » dans certains des documents de
çaise. La Commission balaye de manière lapidaire cette argu- l’offre.
mentation un peu maladroite : les transactions litigieuses por-
tant sur des actions d’une société cotée sur Euronext Paris et
ayant son siège statutaire en France, elles entraient dans le 1. A l’encontre de l’initiateur
champ d’application de l’article L. 621-18-2 du Code moné-
et de son dirigeant
taire et financier39 ; dès lors, la localisation étrangère des
comptes-titres à partir desquels les transactions avaient été On le sait, les informations sur lesquelles porte le manque-
effectuées était sans incidence sur l’obligation de déclaration ment de diffusion de fausse information sont majoritairement
dont le dirigeant était débiteur. relatives aux résultats ou aux perspectives de l’émetteur.
Dans la décision commentée, l’information litigieuse présen-
tait cependant un relief particulier.
III. Le manquement de diffusion
de fausse information D’une part, l’initiateur et son dirigeant ont été condamnés
pour avoir indiqué, dans la note d’information du 11 juin
Si les manquements d’initiés commis dans le cadre d’opéra- 2007, que le concert détenait, à cette date, un nombre signifi-
tions de marché sont fréquents dans la jurisprudence de la cativement inférieur d’actions de la société (60,39%) par
Commission des sanctions, les manquements à la bonne infor- rapport à ce qu’il détenait réellement (86,56%)45. Cette solu-
mation du public y sont également monnaie courante. Et pour tion, qui n’est pas nouvelle46, est aisément compréhensible :
cause, le déroulement d’une opération financière donne lieu à l’information relative à la composition de l’actionnariat est
une multitude de déclarations et d’informations destinées à
éclairer le marché. En particulier, dans le cas d’une offre •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
(augmentation de capital avec maintien du droit préférentiel de souscrip-
publique, devront être mis à la disposition du public les docu-
tion) ; Comm. sanct. AMF, 29 novembre 2007, Alliance Développement
ments suivants : la note d’information de l’initiateur, la note Capital, MM. Alain Dumenil, Thierry Janus et Patrick Poligone (émission
en réponse de la cible, le document relatif aux caractéris- de BSA) ; Comm. sanct. AMF, 28 février 2008, sociétés Prologue Software,
tiques, notamment juridiques, financières et comptables, de S&W, Ernst & Young Audit, Euroland Finance, MM. Vincent Young,
l’initiateur et de la cible ainsi que les divers communiqués qui François Sorel, Christian Leonetti, Thierry Boutin, Jacques Rouvroy, Eric
Rouvroy, Marc Fiorentino, Laurent Pfeiffer, Bull. Joly Soc. 2008, numéro
entourent la publication des projets de notes. Bien évidem- 10, p. 771 et s., note J.-F. Barbiéri (émission d’ABSA).
ment, toutes les informations diffusées à l’occasion d’une
43 Comm. sanct. AMF, 7 avril 2005, société Naf Naf et M. Gérard Pariente,
opération financière doivent, quel que soit le support utilisé, Bull. Joly Bourse 2005, numéro 6, p. 770 et s., note S. Torck (programme de
satisfaire aux impératifs de précision, d’exactitude et de sin- rachat d’actions) ; Comm. sanct. AMF, 1er octobre 2009, préc. (transfert du
cérité posés par le règlement général de l’AMF40. Dès lors, le Marché libre sur le compartiment B d’Eurolist) ; Comm. sanct. AMF,
risque de sanction sur ce fondement est bien réel : introduc- 1er avril 2010, préc. (fusion - grief non retenu en l’espèce).
tions en bourse41, émissions de titres financiers42 ou autres 44 COB, 2 septembre 1993, Conso c/ Ciments français et, très récemment,
Comm. sanct. AMF, 25 février 2010, M. Luis Fernando Del Rivero Asencio
et société Sacyr Vallehermoso SA : dans cette affaire, il était reproché à
Sacyr et à son dirigeant d’avoir publié une information inexacte, une
••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• journée avant la tenue de l’assemblée générale d’Eiffage du 18 avril 2007,
38 Dans les décisions M. A et Theolia, la Commission a retenu cette circons- en faisant paraître dans les Echos un avis dans lequel Sacyr affirmait « sa
tance atténuante pour des transactions respectivement réalisées entre volonté de collaborer avec Eiffage » alors même qu’elle aurait pris, à cette
janvier et mars 2007 et entre mars 2006 et novembre 2007. même date, la décision d’en prendre le contrôle. La Commission reconnaît
que, au moment même où elle affirmait vouloir collaborer avec Eiffage,
39 L’obligation de déclaration s’applique aux transactions portant sur les Sacyr n’excluait pas de déposer une offre publique sur Eiffage en cas
actions cotées sur Euronext Paris ou sur Alternext Paris et sur les instru- d’échec des négociations et avait commencé à préparer cette opération.
ments financiers qui leur sont liés (que ces derniers soient ou non admis Cependant, elle rejette le grief en considérant qu’il n’était pas « suffisam-
aux négociations sur Euronext Paris ou Alternext Paris) de toute société ment établi » que le recours à une offre publique ait été une décision
ayant son siège statutaire en France ou hors de l’EEE et relevant de la fermement arrêtée avant cette assemblée générale. Dans une décision
compétence de l’AMF pour le contrôle du respect de l’obligation d’infor- Werner (Comm. sanct. AMF, 12 mars 2009), la Commission a sanctionné
mation (art. L. 621-18-2 I, in fine et II CMF ; art. 223-22 A RG AMF). un dirigeant ayant annoncé que sa société s’apprêtait à réaliser une offre
40 Art. 223-1 et 632-1 RG AMF. S’agissant d’une offre publique, les sociétés publique d’échange hostile sur le capital flottant d’Euro Disney (une
concernées par l’offre, leurs dirigeants et leurs conseils doivent, en outre, société en commandite par actions!) alors que ce projet était dépourvu de
« faire preuve d’une vigilance particulière dans leurs déclarations » (art. toute réalité (projet d’offre non porté à la connaissance des administra-
231-36 RG AMF). teurs de la société et de l’AMF, absence d’éléments de nature à démontrer
41 COB, 10 juin 2003, Mme Corinne Bourgoin (introduction sur le Second que le projet avait été sérieusement envisagé, etc.). Mais dans cette affaire,
Marché) ; Comm. sanct. AMF, 7 juillet 2005, sociétés X, Orapi et l’existence de l’offre publique constituait elle-même l’objet de la fausse
Luxyachting (introduction sur le Marché libre) ; Comm. sanct. AMF, information.
10 novembre 2005, société Gemplus International SA, M. Marc Lassus, 45 La déclaration de franchissement de seuils précitée était, semble-t-il,
société Pricewaterhousecoopers Audit, M. Philippe Villemin et M. Ron affectée de la même inexactitude.
Mackintosh, Banque & Droit, mai-juin 2006, p. 50 et s., note H. de Vau- 46 Comm. sanct. AMF, 16 septembre 2004, M. Gilles Raynaud et société Cross
plane et J.-J. Daigre (introduction sur le Premier Marché) ; Comm. sanct. Systems Company (absence de mention, dans le prospectus d’introduction
AMF, 12 octobre 2006, M. Eric Teboul (introduction sur le Marché libre). en bourse, que le dirigeant, actionnaire de référence de la société, contrô-
42 Comm. sanct. AMF, 24 novembre 2005, sociétés Allianz AG et Euroclear lait également, par le biais d’une société luxembourgeoise, le second
France, Bull. Joly Bourse 2006, numéro 4, p. 470 et s., note F.-M. Laprade actionnaire de la société) ; Comm. sanct. AMF, 10 mai 2007, M. Vincent

RTDF N° 2 - 2010 u DOCTRINE / Hubert Segain, Paul Delpech 57


DOCTRINE

déterminante de l’appréciation portée par les investisseurs triple obligation de précision, d’exactitude et de sincérité à
sur la liquidité de l’action, sur leur capacité d’influer sur les laquelle ces derniers sont astreints lorsqu’ils décident de lan-
décisions de la société ainsi que sur le risque associé à l’achat cer une offre publique50.
ou à la vente des titres de cette dernière. Par ailleurs, la
Commission relève un élément d’aggravation supplémen-
taire, tenant au fait que l’OPAS était susceptible d’être suivie 2. A l’encontre de la société cible
d’une procédure de retrait obligatoire. Elle observe à juste
Enfin, il était reproché à la société Arkopharma d’avoir
titre que le caractère erroné de l’information relative au
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repris, dans la note en réponse, l’information relative au


nombre de titres détenus par le concert avait « pu affecter la
nombre de titres détenus par le concert figurant dans la note
protection des droits des actionnaires minoritaires et, notam-
de l’initiateur. Cependant, la Commission décide de mettre
ment fausser la perception que le marché pouvait avoir du
celle-ci hors de cause au motif que le manquement de diffu-
caractère aléatoire ou non de la mise en œuvre de la procédure
sion de fausse information ne pouvait lui être imputé.
de retrait obligatoire ». On conviendra effectivement que la
probabilité de lancement d’une telle procédure (subordonné
Pour bien cerner le raisonnement suivi par la Commission, il
à la détention préalable d’au moins 95% du capital de la cible)
convient de rappeler que l’article 632-1 du règlement général
est très différente selon que l’initiateur détient, avant le lan-
de l’AMF distingue entre la « communication » et la « diffu-
cement de l’offre, 60,39% ou 85,56% du capital de la cible.
sion » de fausse information51. Selon l’acception tradition-
C’est également cette approche qu’adopte la Commission
nelle de la doctrine et de l’AMF, la communication est l’infor-
pour caractériser la gravité du manquement relatif au carac-
mation primaire émanant de l’émetteur, alors que la diffusion
tère erroné des informations données sur les acquisitions
est une information secondaire, transmise par un tiers52.
effectuées par le dirigeant, lesquelles formaient le second
D’apparence théorique, cette distinction est fondamentale,
volet de l’information litigieuse.
car à chacune de ces définitions correspond un régime juri-
D’autre part, il était en effet reproché à l’initiateur et à son dique propre : la communication est un manquement objectif,
dirigeant d’avoir précisé, dans la note d’information et le dépourvu d’élément intentionnel, tandis que la diffusion, en
communiqué de presse du 12 juin 200747, que les membres du ce qu’elle doit être faite « sciemment », suppose que soit rap-
concert n’avaient procédé à aucune acquisition de titres de la portée la preuve que la personne poursuivie avait connais-
cible dans les 12 mois précédant l’OPAS. Or, le dirigeant, sance du caractère inexact, imprécis ou trompeur de l’infor-
comme on l’a vu, en avait acquis à plusieurs reprises dans la mation.
période précédant le lancement de l’offre48. Là encore, le
dirigeant et l’initiateur sont condamnés par la Commission Dans notre affaire, la société Arkopharma est qualifiée par la
des sanctions pour violation de l’article 632-1 du règlement Commission de détentrice secondaire de « l’information rela-
général de l’AMF. Spécifiquement, pour le dirigeant, le man- tive à la détention de ses titres » et se voit, en conséquence,
quement à l’obligation déclarative se prolongeait ainsi sur le appliquer le régime de la diffusion. Dans la mesure où la
terrain de la diffusion de fausse information. diffusion est traditionnellement réservée aux tiers, cette affir-
mation a de quoi surprendre, d’autant que le grief notifié à
Sur la base de ces constatations, la Commission prononce une Arkopharma faisait explicitement référence à la notion de
sanction pécuniaire à l’encontre du dirigeant, en qualité communication. Au-delà de cette confusion terminologique –
d’auteur du manquement, mais également de l’initiateur, au au demeurant courante en jurisprudence53 –, cette assertion
nom et pour le compte duquel le dirigeant avait agi49. Ce ne doit pas étonner : le détenteur primaire de l’information
faisant, elle rappelle à tous les bidders et à leurs dirigeants la relative à la composition de l’actionnariat n’est pas l’émet-
teur, mais bien l’actionnaire lui-même54. Et il en va d’autant
••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• plus ainsi lorsque, comme c’était le cas ici, les titres sont
Tissier, Dr. soc., décembre 2007, p. 35 et s., note Th. Bonneau, Rev. dr.
banc. fin. 2007, numéro 6, p. 64 et s., note S. Torck (dissimulation, par le
détenus sur des comptes étrangers, ce que ne manque
dirigeant, de l’information selon laquelle la part du capital de la société d’ailleurs pas de relever la Commission. Au regard de cette
détenue par le public était très minoritaire, le groupe familial détenant décision, la distinction entre la communication et la diffusion
80% du capital de ladite société et non 10% comme le laissait penser ne semblerait donc pas devoir s’opérer selon le diptyque
l’information publique disponible).
47 Communiqué sur les principaux éléments du projet de note d’information •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
et les modalités de mise à disposition dudit projet, publié en application de 50 Plus généralement, cette décision s’inscrit dans le courant jurisprudentiel
l’article 231-16 III du règlement général de l’AMF. tendant à retenir la responsabilité conjuguée du dirigeant et de la société
48 Rappr. de Comm. sanct. AMF, 1er mars 2007, MM. Jacques Tordjman, en matière de diffusion de fausse information (sur cette tendance, voir P.
Michel Beilin, Yves Roy, Pierre Chiarelli, Frédéric-Georges Roux, Bruno Clermontel, Droit de la communication financière, Ed. Joly, 2009, numéro
Chabert, Anthony Pallier et Laurent Daure, Bull. Joly Bourse 2008, numéro 630 et numéro 634 et s.). Selon nos estimations, les décisions sanctionnant
1, p. 27 et s., note J.-M. Moulin, Rev. dr. banc. fin. 2007, numéro 2, p. 57 et conjointement le dirigeant et la société ont ainsi représenté, sur les trois
s., note D. Bompoint. dernières années, près de 50% de l’ensemble des décisions de la Commis-
sion en matière de manquements aux obligations d’information.
49 Comme l’a indiqué la Cour de cassation, « le dirigeant agissant dans
l’exercice de ses fonctions incarne la société au nom et pour le compte de 51 On observera que cette distinction, héritage de l’article 3 du règlement
laquelle il s’exprime » de sorte que la communication, par le premier, COB numéro 98-07 relatif à l’obligation d’information, n’est pas connue
d’informations « inexactes, imprécises et trompeuses » peut être imputée à par la directive « abus de marché ».
la seconde (Cass. com., 19 décembre 2006, numéro 05-18833, Vivendi 52 Voir, par exemple, Comm. sanct. AMF, 8 décembre 2005, société Orco
Universal, Bull. Joly Soc. 2007, numéro 5, p. 580 et s., note Ch. Arsouze, Dr. Property Group.
soc., avril 2007, p. 39 et s., note Th. Bonneau, R.T.D.F. 2007, numéro 3,
p. 28 et s., note I. Krimmer). En l’espèce, le rôle prépondérant du dirigeant 53 Voir, par exemple, Paris, 18 novembre 2003, SA Cibox Interactive, Banque
dans la commission des manquements ne pouvait donc faire obstacle à ce & Droit, mars-avril 2004, p. 35 et s., note H. de Vauplane et J.-J. Daigre.
que le manquement soit retenu à l’encontre de l’initiateur. Cette circons- 54 Certes, il s’agit d’une information que l’émetteur peut connaître s’il le
tance a néanmoins été prise en compte par la Commission dans la fixation souhaite, notamment via la mise en œuvre d’une procédure de titres au
du montant de la sanction infligée à l’initiateur (comp., Comm. sanct. porteur identifiable (procédure qui était d’ailleurs prévue par l’article 11
AMF, 5 juillet 2007, Marionnaud Parfumeries, KPMG SA, Cofirec et MM. des statuts d’Arkopharma), mais cette faculté ne suffit pas à le constituer
Marcel et Gerald Frydman, MM. Yves Gouhir et Gérard Caro, Bull. Joly comme détenteur primaire de l’information relative à la détention de ses
Bourse 2008, numéro 2, p. 46 et s., note E. Dezeuze et G. Buge). titres.

RTDF N° 2 - 2010 u DOCTRINE / Hubert Segain, Paul Delpech 58


DOCTRINE

classique communication/émetteur et diffusion/tiers. La ligne encontre, on peut prédire que la Commission des sanctions
de partage résiderait plutôt dans le point de savoir si la sera tentée de retenir, à l’avenir, la responsabilité des admi-
personne poursuivie, quelle que soit sa qualité, est à l’origine, nistrateurs, en cas de diffusion de fausse information et non
« à la source », de l’information (communication) ou non plus uniquement celle des dirigeants comme c’était le cas en
(diffusion)55. Dans cette optique, il devient alors possible l’espèce. e
d’appliquer le régime de la diffusion à un émetteur. C’est ce
que décide la Commission lorsqu’elle affirme que la société
Arkopharma, nonobstant sa qualité d’émetteur, ne pouvait
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être regardée comme le détenteur primaire de l’information


relative au nombre de titres détenus par le concert.

Après avoir soumis la société au régime de la diffusion, la


Commission devait rapporter la preuve de l’élément inten-
tionnel du manquement. La société ne pouvant, en tant que
personne morale, se voir prêter une quelconque intentionna-
lité, cet élément ne pouvait être caractérisé qu’au niveau de
son représentant légal, à savoir la présidente du directoire qui
avait certifié l’exactitude de la note en réponse. Sur ce point,
la Commission estime qu’il n’était pas établi que cette der-
nière « savait ou aurait dû savoir » que le nombre de titres
détenus par le concert était supérieur à celui qui avait été
indiqué dans la note de l’initiateur56. Selon nous, l’emploi de
cette formule dans le cadre de la diffusion n’est pas satisfai-
sant, car elle n’est applicable qu’à la communication57. Pour
caractériser le manquement de diffusion, il ne suffit pas en
effet de démontrer que la personne aurait dû savoir que
l’information était fausse58, mais bien qu’elle en avait pleine-
ment connaissance. Cette confusion souligne, si besoin en
était, le flou qui continue d’exister entre les notions de
communication et de diffusion et le régime qui leur est appli-
cable. Quoi qu’il en soit, la Commission déduit de l’ignorance
(réelle ou supposée) de la présidente du directoire d’Arko-
pharma que cette dernière société n’avait pas diffusé « sciem-
ment » l’information litigieuse de sorte que le manquement ne
pouvait lui être imputé.

Pour conclure, on indiquera que suite aux arrêts de la Cour de


cassation en date du 9 mars et du 30 mars 201059 qui sont
venus renforcer la responsabilité individuelle des administra-
teurs des sociétés anonymes en posant de manière très expli-
cite une présomption de responsabilité individuelle à leur

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55 Cette approche semble aller dans le sens de certains auteurs qui consi-
dèrent que « la communication constituerait plutôt la substance de l’infor-
mation et la diffusion sa modalité de publication » et qu’ « il n’y aurait donc
pas lieu de réserver l’acte de diffusion à des tiers » (P. Clermontel, op. cit.,
numéro 544).
56 Et ce, malgré le fait que celle-ci était elle-même membre du concert, par
l’effet du pacte d’actionnaires.
57 Selon l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, l’auteur de la commu-
nication ne peut être sanctionné que s’il « savait ou aurait dû savoir » que
les informations communiquées étaient inexactes ou trompeuses. Pour les
dirigeants et les émetteurs, cette connaissance est toutefois présumée
(présomption simple).
58 Comme le relève un auteur, « celui qui "aurait du savoir" pouvait savoir.
Mais il ne peut être exclu qu’il n’ait pas su. Dans cette dernière hypothèse,
il n’a pas pu agir "sciemment" » (D. Ohl, Droit des sociétés cotées, Litec
2008, p. 387).
59 Cass. com., 9 mars 2010, SA EPF Partners c/ Abela, Rev. soc. 2010, numéro
6, p. 230 et s., note H. Le Nabasque, Dr. soc., juin 2010, p. 17 et s., note M-L.
Coquelet, JCP Ent., mai 2010, numéro 20, p. 36 et s., note S. Schiller, D.
2010, p. 761, note A. Lienhard ; Cass. com., 30 mars 2010, Fonds de garantie
des dépôts c/ Société Caribéenne de conseil et d’audit, Dr. soc., juin 2010,
p. 28 et s., note M. Roussille ; JCP Ent., avril 2010, numéro 17, p. 26 et s.,
note A. Couret. Dans un rapport publié le 14 juin 2010, l’AMF a néan-
moins écarté la possibilité de mettre en cause la responsabilité « collec-
tive » – c’est-à-dire non subordonnée à la démonstration d’une faute – des
membres des conseils d’administration en matière de suivi des comptes et
de gestion des risques (AMF, Rapport du groupe de travail sur le comité
d’audit, 14 juin 2010, pp. 14-15).

RTDF N° 2 - 2010 u DOCTRINE / Hubert Segain, Paul Delpech 59

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