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LA CHUTE: THÉORIE DE LA
CRISE ACTUELLE DU CAPITALISME
Taux d'intérêt et taux de profit,
2000-2008 : crise financière ou crise réelle?
L'Harmattan
@
L'Harmattan, 2008
5-7, rue de l'Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan 1@wanadoo.fr
ISBN: 978-2-296-06170-5
EAN : 9782296061705
À ma femme Agnès Rollinger qui,
grâce à ses conseils, a tenté de rendre
compréhensible une théorie et des
analyses ardues...
« Je ne connais pas grand-chose à
Wall Street. mais pouvez-vous me
dire pourquoi toutes ces actions ne
cessent de grimper? Ne devrait-il pas
avoir des liens entre les bénéfices
d'une entreprise. ses dividendes. et le
prix de vente des actions?
- Monsieur Marx. vous avez
encore beaucoup à apprendre sur la
Bourse et le marché des valeurs. »
Groucho Marx, Mémoires capitales
INTRODUCTION
NB: Les renvois bibliographiques sont donnés avec les dates (date de
publication, date de l'édition utilisée et/ou de la traduction).
I Voir (entre autres...) Castex (2006). On ne parlait pas encore des subprimes
mais déjà de la crise immobilière états-unienne.
2
3 N° 6278, du 29 mars au 4 avril.
« Point de vue» de Charles Gaves. Il aura eu raison pour avril 2008 ; mais
pas pour mai et juin: le rebond d'avril est presque annulé au milieu de juin.
La moyenne pondérée de 6, 3 et 1 % par les parts respectives des capitaux
placés donne en gros le taux moyen de croissance en volume du PIB sur
longue période, au moins depuis un demi-siècle.
7
Les Cassandre sont au coin du bois, mais « la reprise est au
coin de la rue» (Hoover). Après un double plongeon du CAC
401...
6400
Autour de (, 000
6200
6000
5800
5600
5400
5200
5000
4800
Baisse de 28 % depuis le début de l'été
jusqu'au 17/03/08, rebond en avril.
4600
rechute en mai et juin
4400
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9
Le mouvement de yo-yo du dollar pel1urbe en effet les
évolutions selon la devise prise en compte. Ce que le graphique
ci-dessus permettait mal de percevoir, sauf en fin de période.
1,21
I -7,4
1,1 I I
I I
I - 6,9
I ~ par US $ I
I 1
I
FF puis ex-FF'
-64
0,9 I par US $ _
I
I
0,8
0,7
0,6 3,9
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008
1- ~---l
L-- ~~~.!du prix du Brent €/ $ par baril, %
20%
Ecart du prix d.u Brent En gros,
10% €/ $ par baril, % de + 20 %
à - 30 %,
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-10%
-20%
-30%
-40%
1990 1992 1994 ]996 1998 2000 2002 2004 2006 2008
10
rapport à l'euro de cette période à début 20081. L'écart du prix
du brut en pourcentage entre le prix en dollars et le prix en
euros est ainsi extrêmement fluctuant.
Le terreau: là où les diagnostics éculés ne perçoivent qu'un
accès de fièvre purement financière, soignable par un peu plus
d'aspirine (plus de transparence, plus de régulation, mais à dose
homéopathique et par autorégulation, bien entendu), on peut y
voir un cancer, plus exactement une maladie génétique qui se
déclenche brusquement dans l'économie dominante: l'empire
américain. L'économie états-unienne fut en outre la seule
économie qui avait profité d'un boom extraordinaire de 1990 à
2000 tandis que les économies européennes, et smiout
japonaise, étaient plongées dans une ~uasi-stagnation ou une
véritable stagnation sur la même période.
La géopolitique peut se résumer par la coexistence, pour le
moment assez pacifique, entre les pays à balances extérieures
des transactions courantes excédentaires et déficitaires3.
-1.0% ,
-1.5~o
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_ _ Etats-Unis
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-2.0%
1.0% Pays exportateu.'s de péll'ole
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I Fin avri12008, avec un euro à 1,6 $, le dollar aura perdu près de la moitié de
sa valeur depuis son pic.
Z On serait tenté de proposer un parallèle avec la période 1920- I929 où
l'économie américaine avait bondi tandis que l'Europe stagnait.
3 Source FMI, octobre 2007 ; ici en pourcentagedu PIB mondial (48 KG$,
-
milliers de milliards de dollars - en 2006, 57 en 2008). En 2008, le déficit
extérieur américain serait d'un peu moins de 790 G$, l'excédent des pays
exportateurs de pétrole de 380 G$ et celui de \' Asie émergente de 450 G$ ; à
11
Les Etats-Unis se distinguent encore, avec un déficit
extérieur de 1 à 1,5 % du PŒ mondial (entre 3 et 5 % de leur
propre PŒ). La zone euro est proche de zéro mais devient
déficitaire en 2006. Le Japon reste excédentaire, mais avec une
courbe plate. La manne pétrolière et l'industrie des pays
asiatiques émergents font l'excédent, les autres pays devenant
déficitaires en 2006, par le nouveau choc.
L'affrontement économique en deux nouveaux blocs
« Ouest-Sud et Est », avec vases à peu près communicants, est
maintenant une évidence (avec donc la Russie dans le camp des
exportateurs de pétrole). Ceux qui « consomment» plus qu'ils
ne produisent (et empruntent), ceux qui produisent plus qu'ils
ne consomment (et prêtent). Car les déficits et excédents se
traduisent évidemment par des positions et mouvements
financiers.
Pays excédentaires
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~ Pal's déficitaires
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= Flux de dettes
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comparer avec le PIB français autour de 2 000 G€, soit 3 000 G$. Mais avec
les mouvements de yo-yo des taux de change, les comparaisons sont délicates.
I On aborde déjà ici des aspects techniques où seul le connaisseur s'y
retrouve: c'est l'un des buts de ce livre de multiplier le nombre de
connaisseurs.., On aborde aussi des questions de fond, en particulier celle de
1'« énigme» d'Alan Greenspan, l'ex-patron de la Fed: comment se fait-il que
les taux longs baissent quand les taux courts augmentent, inversant la « courbe
12
souverains (Sovereign Wealth Funds) n'ont-ils pas sauvé de
quelques faillites bancaires après la crise des subprimes ? Ils
regorgent de pétrodollars ou de dollars; ce sont des fonds
publics. Le premier (ADIA, d'Abu Dhabi) gèrerait quelque
600 KG$ (seulement un peu plus de 1 % du PIB mondiaL..) ; le
second est norvégien (Government Pension Fung - Global),
avec un peu plus de 300 KG$: la Chine avec son China
Investment Corporation n'a que 200 KG$...
C'est d'ailleurs peut-être la baisse du dollar (plus ou moins
parallèle pour toutes les devises) qui explique l'ampleur du
choc pétrolier, du moins après 20041. Comme lors de la crise du
système monétaire international (le SMI de taux de change fixes
établi à la conférence de Bretton Woods en 1944) du début des
années 70, où le dollar avait cessé d'être convertible en or. Les
deux premiers chocs pétroliers en furent, mais avec d'autres
causes, une conséquence. Toutefois aujourd'hui, le dérèglement
monétaire international (source de nombreuses crises de change
et financières) est celui d'un système de change flexible, plus
ou moins (surtout moins...) encadré par des « zones cibles »2.
L'histoire serait-elle en train de bégayer? Avec la même
contradiction, et avec en plus des points de vue (américain et
européen) opposés.
des taux» ? On est au cœur du sujet des types de relations entre taux d'intérêt,
taux de profit et valeurs de marché des actions.
I En gros, de 2003-2004 à aujourd'hui, le prix du baril de brut a triplé en
dollars; il n'a donc que doublé en euros et il en est à peu près de même dans
les autres devises.
2 Les Banques centrales peuvent, par leur intervention, tenter de bloquer les
fluctuations entre un plancher et un plafond: les zones cibles. On n'en parlait
plus guère, sauf à la dernière réunion du G8.
Paroles d'une complainte latino-américaine (Punales, Poignards) chantée par
l'ensemble Achalay à la fin des années 60.
13
Nouvelle économie et du Nasdaq), crise bancaire en 2007-2008,
bref crise économique (ralentissement et non pas récession, du
moins jusqu'à maintenant). Elle est donc dans une certaine
mesure la conséquence du boom économique de la Chine et de
l'Inde et du troisième choc pétrolier (le premier expliquant en
partie le second). Elle est surtout une crise d'hégémonie
économique et géopolitique (Irak et Moyen-Orient, Venezuela
et Amérique latine).
* La Chute
Que voulons-nous montrer dans ce livre? La Chutel dont
nous proposons de faire la théorie2 est évidemment celle des
valeurs boursières, mais aussi celle des taux de profit et des
taux d'intérêt. On ne se hasardera pas à penser que cette chute
est définitive3, que le capitalisme sortira enfin en 2008 du
« paradis terrestre» qu'il prétend avoir créé. Il saura
probablement rebondir. Nous allons montrer que les
fluctuations et donc les crises du capitalisme ne sont rien
d'autre que la conséquence des contradictions entre l'évolution
des taux de profit et celle des taux d'intérêt.
Les taux d'intérêt ne sont pas déterminés en dernière
instance par les marchés: marché primaire des obligations ou
marché monétaire avec intervention des Banques centrales. Ils
ne sont fondamentalement qu'un morceau des taux de profit
dans le circuit économique capitaliste, ce qu'Adam Smith avait
parfaitement compris en déterminant le taux d'intérêt long par
le taux de profit moins une prime de risque. L'optique du circuit
macroéconomique des physiocrates français, les premiers
libéraux, suivis par les classiques, Marx et Keynes, est le bon
paradigme, pas celle des marchés interdépendants des
néoclassiques, singulièrement de Walras.
Les « effets» - et non pas la « loi» - de l'offre et de la
demande interviennent certes, de même que la politique
monétaire, mais la vraie « loi» est celle de Smith. James
Kenneth Galbraith (2000) - le fils de l'hétérodoxe John
Kenneth - mentionne l'une des erreurs originelles - selon lui et
bien d'autres - de l'analyse néoc1assique : la détermination des
J
2 C'est celle du péché originel: la Chute avec un grand C.
C'est aussi, plus « scientifiquement» mais avec prudence, celle qui renvoie
à la théorie physique de la chute des corps, sans frottement (dans le vide
socia£) et avecfrottements (dans la réalité sociale). Le vide social est celui des
marchés financiers théoriques, sans crédits bancaires. Les frottements sociaux
sont ceux du crédit bancaire et de la politique monétaire.
3 Voir le livre de Susan George (1999, 2006), Le rapport Lugano, Jusqu'où
ira le capitalisme? Un livre d'avant le déclenchement de la crise. Susan
George fut vice-présidente d'Attac.
14
prix par la « loi» de l'offre et de la demande]. Ce changement
complet de paradigme bouleverse tout; singulièrement la vision
des crises: les « effets» des marchés en général et financiers en
particulier ne tiennent qu'à de la plomberie capitaliste mal
agencée par construction, et avec le moteur de la pompe
interventionniste, au moins à la Keynes, grippé ou mis au rebut.
Cependant, il ne faut surtout pas négliger ces « effets» de
l'offre et de la demande, surtout en ce qui concerne le taux
d'intérêt. Le raisonnement de Smith pour déterminer le taux
d'intérêt ne tient qu'en l'absence du crédit bancaire qui « crée»
de la monnaie, ou du moins accélère sa vitesse de circulation2.
Ce dernier et la politique monétaire qui le contrôle interviennent
sans aucun doute sur le niveau des taux (celui des taux courts,
des emprunts à court terme) et ainsi, en général, sur celui des
taux longs. La détermination des taux longs selon l'approche de
Smith se heurtera donc toujours à l'intervention sociale des
banques.
16
économiste « classique» britannique) que nous développons
par la théorie de la « double spéculation» sur les marchés
financiers actions et obligations. Double spéculation toutefois
perturbée par la création monétaire du crédit bancaire et la
politique monétaire qui déterminent les taux courts.
Perturbation qui permettait à Marx (au milieu et à la fin du
XIXe siècle) de douter de la théorie de Smith. Ce livre reprend
cette théorie et développe celle du « principe d'incertitude
généralisé» 1 des valeurs boursières dont la seule certitude est la
suivante, apparemment paradoxale: quand les taux de profit
baissent, les taux d'intérêt longs baissent et tendent à doper les
valeurs boursières; la politique monétaire intervenant le plus
souvent dans le jeu avec les taux courts.
Il n'est pas question ici de refaire l'inventaire des théories
des fluctuations et des crises, financières et réelles2, mais
d'aborder ces phénomènes par les quelques mécanismes qui
viennent d'être mentionnés. Il ne s'agit toutefois pas seulement
d'un jeu « mécanique» rationnel comme dans la mécanique
newtonienne: l'incertitude suppose des comportements ou des
anticipations apparemment « irrationnels ». Un premier
exemple: on peut être soumis à des il/usions: on prend par
exemple une augmentation de salaire nominal pour une
augmentation de salaire réel3, ou l'on continue à actualiser des
revenus futurs avec un taux d'intérêt ancien alors que celui-ci a
été modifié4. Un second exemple: celui de William Stanley
Jevons, le premier économiste néoclassiç)ue anglais. Dans
« Crises commerciales et taches solaires »5, il estime que les
mouvements des taches solaires détermineraient la production
agricole et les cycles économiques. Il paraît que non; mais la
croyance partagée en cet effet Sun spot induit effectivement des
cycles. Ce sont les anticipations ou prophéties auto-
réalisatrices (self-fulfilling expectations) que l'on retrouve dans
les bulles spéculatives6. C'est le même phénomène qui est à
l'origine de la théorie des bulles rationnelles. Bref, les
« anticipations rationnelles» de la Nouvelle école classique
ultralibérale sont un rêve; on peut, au mieux, comme les
monétaristes avec Milton Friedman, parler d' « anticipations
adaptatives ».
Armé de ces instruments théoriques, on montrera que la
crise économique réelle des taux de profit (en baisse certaine
1 Comme en physique quantique le principe d'incertitude de Heisenberg.
2
Deux « Que sais-je? !I donnent quelques jalons: Flamant (1985 et 1993).
On sera ici avare de quelques autres références.
3
C'est l' « illusion monétaire» du monétariste Milton Friedman.
4 Ce sera notre « illusion de la valeur présente du taux d'intérêt ».
5 En 1878-1879, « Commercial crises and Sun spots !I.
6 Keynes parlera d' « esprits animaux !l, c'est-à-dire plus instinctifs que
rationnels.
17
depuis 1999) est à l'origine de la crise financière commencée
en 2000. Cette conclusion n'a rien d'un scoop en théorie
économique, sauf que l'on insiste beaucoup trop depuis un
temps sur les causes financières de la crise liées aux critiques
Gustifiées) de la globalisation, de la financiarisation, de la
déréglementation et autres affres de la mondialisation induisant
plus qu'auparavant des bulles boursières. On se contente ensuite
de prévoir des retombées réelles de la crise financière.
On n'analysera de près que le cas français, mais l'origine
réelle de la crise n'est pas seulement « endogène », au
capitalisme français, due à sa structure et à sa dynamique
propres. Elle est aussi « exogène », trouvant également sa
source dans la conjoncture et la dynamique mondiales.
Avant de présenter le plan du livre, quelques considérations
complémentaires sont nécessaires.
* Que sont les profits, les taux de profit et les taux d'intérêt?
« ça!» dépend pour qui, pour quelle école de pensée
économique.
On se contentera dans cette introduction d'éclairer les
avatars de ces notions à partir d'une illustration numérique. Une
entreprise avec 100 de « capital économique» réalise 10 de
bénéfice d'exploitation, après avoir offert à ses dirigeants, ses
managers, une rémunération de 2 mais avant de rémunérer ses
créanciers. Sa rentabilité économique, son « taux de profit
économique» est de 10 %. Si les 100 sont financés par 60 de
capitaux empruntés, avec par exemple un taux d'intérêt de 5 %,
et 40 de capitaux propres des actionnaires, les' créanciers
touchent 3 (5 % de 60) et les actionnaires 7 (10 - 3), soit une
rentabilité dite financière de 7 /40, soit 17,5 %.
Les différences entre ces diverses notions qui renvoient
toutes à celles de rentabilités (rentabilité économique de
l'entreprise dans son ensemble, rentabilité financière des seuls
propriétaires, taux d'intérêt, avec ou sans prime de risque, des
créanciers) donnent justement ce qui apparaît comme diverses
« primes de risque» sur lesquelles nous reviendrons après avoir
étudié l'effet de levier de l'endettement. On constate
effectivement une « multiplication des petits pains» : rentabilité
financière de 17,5 % avec une rentabilité économique de 10 %
seulement, grâce au taux d'intérêt de 5 %.
On peut également répartir le revenu des actionnaires en
deux parties: d'une part, un taux correspondant au taux
d'intérêt sans risque, ici de 5 % des capitaux propres de 40 qui
donne 2 ; d'autre part, un taux correspondant à leur prime de
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Celle de la « philosophie sociale» du Keynes (1936, 1979) de la Théorie
générale.
21
prêteurs offrant leurs capitaux: un désir de rentabilité se
heurtant à la rentabilité effective produite par le capital investi
quand il est demandé par les entreprises. Mais on est passé de la
réalité au désir; et bien que Modigliani et Miller et leur
« théorème» démontrèrent à la fin des années 50 du siècle
précédent qu'il fallait repasser à la réalité du taux de rentabilité
effectif, ce qui leur valut deux prix Nobel, depuis un siècle on
continue à ne rêver que des désirs.
* Plan du livre
Le fil conducteur de ce livre est donc le type de relations
qu'entretiennent les taux de profit et les taux d'intérêt pour
expliquer les dynamiques des marchés de capitaux et du
capitalisme réel. Les marchés de capitaux sont les marchés
financiers et les marchés monétaires. Les premiers concernent
les capitaux longsl, caractérisés par les fluctuations des valeurs
boursières, actions et obligations. Les seconds renvoient aux
capitaux courts: le marché monétaire interbancaire et le
marché monétaire élargi ou ouvert aux agents non financiers où
interviennent les Banques centrales. La dynamique du
capitalisme réel intéresse les « trends» (les tendances longues,
non cycliques) et les « ondes longues» d'expansion ou de
dépression (les «Kondratieff») ainsi que les «cycles des
affaires» ou « Business Cycles» courts (les « Juglar »).
On présentera notre démarche en trois parties.
La première partie posera la question, dans l'histoire des
théories économiques, des relations entre taux de profit et taux
d'intérêt, détour préalable incontournable où la question de
l'effet de levier de l'endettement est centrale, surtout quand les
rentabilités pour les investisseurs se transforment en coûts pour
les entreprises. Il s'agit de la question de l'existence ou non
d'une structure de financement (rapport relatif des capitaux
propres et des dettes) optimale (minimisant le coût moyen
pondéré des capitaux). C'est le débat autour du théorème de
Modigliani et Miller.
La deuxième partie abordera les types d'intervention des
taux de profit et d'intérêt dans les théories des trends, des ondes
longues et des cycles des affaires avec les bulles financières;
bref, en raccourci, l'influence des taux d'intérêt et/ou de profit
sur les « crises ». Ces théories privilégient souvent en effet soit
l'aspect réel (avec les taux de profit), soit l'aspect monétaire et
bancaire (avec les taux d'intérêt) alors que c'est la sphère des
marchés financiers qui doit être analysée, liant justement les
I La frontière entre les capitaux longs et courts est fluctuante: pour les longs,
c'est actuellement plus de 7 ans (obligations et assimilées) ; les courts vont de
24 H à deux ans, et le« moyen terme », considéré comme court ou long (c'est
selon...), de 2 ans à 7 ans.
22
taux de profit et d'intérêt. Or, se polariser sur les complexes
mécanismes boursiers n'est pas inutile, mais on en oublie le
principal: fondamentalement, les taux d'intérêt longs ne sont
que les conséquences des taux de profit, par la «double
spéculation» sur les «marchés secondaires » (dits «de
l'occasion») des actions et des actions. Le tout perturbé par le
crédit bancaire et la politique monétaire qui induisent les taux
courts.
La troisième partie abordera la crise actuelle 2000-2008 (et
années suivantes 7) elle-même. On ne refera pas I'histoire du
krach de 2000-2002, histoire éculée; on n'abordera que la crise
des subprimes et celle des LBO (Leveraged Buyingout), ou
rachat d'entreprise par effet de levier. ,
On analysera surtout trois phénomènes. A partir de
l'exemple français, les profitabilités (profits ramenés aux
mesures du niveau d'activité) sont en baisse tendancielle depuis
près de vingt ans et évidentes depuis 1998 ; ce qui n'empêche
pas Je boom de dividendes.
A partir des exemples français et américains, on constate par
ailleurs une double inversion de la relation entre les taux
d'intérêt longs (noté] r) et les valeurs de marché des actions
(notées V). Avant 1998, la baisse (versus la hausse) de r
induisait la hausse (versus la baisse) de V dans le sens r ~ V,
relation décroissante. Après 1998, la baisse (versus la hausse)
de V induisait la baisse (versus la hausse) de r dans le sens V ~
r, relation croissante.
Enfin, en France, la baisse des taux de profit induit celle des
taux d'intérêt longs; et la politique monétaire semble suivre
plus que contrarier cette tendance.
1 On voudra bien nous excuser d'utiliser le plus souvent des notations qui
renvoient aux mathématiques (r, Y, etc.). Ce n'est pas pour faire pédant, mais
une simple commodité qui allège beaucoup le texte. On arrive à s'y faire...
23
PREMIERE PARTIE
TAUX DE PROFIT
ET TAUX D'INTERET
Chapitre I
Théories des taux de profit
et des taux d'intérêt,
sans ou avec liaison
I
Surtout ne pas confondre « masse de Ii et « taux de Ii profit; détail
fondamental sur lequel nous reviendrons.
2 Ou très peu liés.
3 « L'explication de l'intérêt du capital conçu comme une catégorie
économique fondamentale est l'un des problèmes les plus déconcertants de
l'analyse économique».
25
On trouve chez les mercantilistes, les premiers économistes
interventionnistes, deux effets possibles de l'augmentation de la
quantité de monnaie. Le premier effet, souligné par Jean Bodin
au milieu du XVIe siècle, fonde la théorie quantitative de la
monnaie déjà évoquée: si la masse monétaire M augmente], le
niveau général des prix P augmente; c'est l' « enchérissement
de toute chose », bref l'inflation. Le second effet est que si M
augmente, le taux d'intérêt r baisse: l'argent étant moins rare, il
est moins cher, bonne vieille « loi)} de l'offre et de la demande,
explication de l'époque. Le taux d'intérêt nominal augmentera
peut-être avec l'inflation, mais moins que cette dernière: le
taux d'intérêt réel (après que l'inflation l'eût rogné) baissera,
bien que la démonstration du phénomène n'ait pas vraiment été
faite.
Peu avant Adam Smith, certains libéraux, dont le Français
Turgot, considéraient que r ne s'expliquait pas par la monnaie
mais par des variables réelles, plus exactement financières (le
prix du temps), anticipant la théorie néoclassique.
Les néoclassiques (économistes libéraux dont les écoles
sont nées après 1870) font du taux d'intérêt une variable réelle,
mais déconnectée du taux de profit qu'ils ignorent par
construction de leur modèle. Le taux d'intérêt long réel, à ne
pas confondre donc avec le taux nominal, est déterminé par le
« marché des fonds prêtables)}: l'offre d'épargne des
épargnants, la demande d'investissement des entrepreneurs. Il
existe en fait plusieurs théories «néoclassiques)} du taux
d'intérêt et de la rémunération du capital. Ces différentes
théories s'interpénètrent: celle de la productivité du capital,
celle de l'abstinence et celle de la préférence pour le présent, ou
de l'agio, de Bôhm-Bawerk (néoclassique autrichien de la fin
du XIXe siècle) et Fisher (néoclassique américain du début du
XXe siècle). Le capital est considéré, alternativement et à la fois
comme bien réel et comme monnaie; Wicksell, néoclassique
suédois dissident de la fin du XIXe et du début du XXe siècle,
est le bon exemple de cette interpénétration. Bôhm-Bawerk
refusait le concept de productivité du capital considéré comme
central chez les néoclassiques britanniques (de Jevons à
Marshall) : son « détour de production» expliquant ce qui tient
lieu pour lui de productivité marginale. Avait-il compris la
question du temps ~ui rendait impossible le concept de
productivité marginale? Personne n'en dit rien - à ce que nous
1
Il faudrait dire: augmente trop; c'est en effet un excès de l'augmentation de
M qui induirait une augmentation de P.
2 Voir Castex (2003): la durée du temps sur laquelle sont définies les
consommation et productivité marginales n'est jamais précisée par les
néocIassiques.
26
avons lu; Etner (2000) fait référence à des « raisons
compliquées ».._
Après la crise de 1929, Keynes critiquera ce point de vue,
détenninant le taux d'intérêt, fondamentalement les taux
nominaux courts, par son « marché de la monnaie ». Il reprend
tout bonnement, cependant de façon très sophistiquée, la théorie
mercantiliste du taux d'intérêt. Les économistes ont toujours
hésité, selon Etner, entre l'explication du taux d'intérêt par les
forces réelles (les classiques et néoclassiques), une
«formulation _.. rigoureuse », et l'explication par les forces
monétaires (les mercantilistes, Keynes et les keynésiens): la
«formulation populaire, dont on comprenait très bien la
faiblesse », faisait donc du taux d'intérêt le « prix de l'argent,
son loyer comme on disait vulgairement ». On aura compris où
se trouverait la vérité scientifique selon Etner entre la
formulation rigoureuse et la populaire...
Dans toutes ces conceptions, le taux d'intérêt est la donnée
première et le taux de profit est à peine évoqué. Tous ces
économistes distinguaient peu ou ne distinguaient pas du tout
les taux courts (des emprunts à court terme) des taux longs (des
emprunts à long terme).
* Histoire de profits
L'opposition est nette, non pas entre les libéraux et les
marxistes, mais entre les classiques et marxistes d'un côté,
rejoints en catimini - pour les lecteurs attentifs de la Théorie
générale - par Keynes, de l'autre les néoclassiques et leurs
élèves plus ou moins turbulents, monétaristes et Nouveaux
classiques.
Le profit total (après paiement de la rémunération du travail
improductif, des services, des rentes des ressources naturelles et
des impôts) au sens classique et marxiste, provient du travail
non rémunéré des salariés productifs (de l'industrie et de
l'agriculture) ; il rémunère les apporteurs de capitaux empruntés
et ceux des propriétaires, mais aussi le chef d'entreprise qui
deviendra avec les néoclassiques « l'entrepreneur ».
L'analyse des néoclassiques est tout à fait différente. Si l'on
garde la masse du profit au sens classique ou marxiste, elle se
répartit pour eux en «juste» rémunération du capital (les
intérêts dont une prime de risque) qui n'est pas du « vrai»
profit mais est considéré comme le coût du facteur productif
capital, et le profit « pur» de l'entrepreneur ou surprofit.
Keynes présente une conception à première vue curieuse. Il
se risque à se faire l'adepte de la valeur travail mais est
néanmoins dissident par rapport aux classiques et marxistes: le
profit a bien le travail comme unique source mais est une rente
de rareté qu'il faut faire disparaître pour sa part en intérêt sans
27
risque des capitaux - c'est l'euthanasie des rentiers - et
contrôler pour le profit des entrepreneurs. Il est plus discret sur
la prime de risque des actionnaires.
I «... le concept de profit appliqué par Smith était loin d'être défini. Il
concernait plusieurs types de revenus allant à l'employeur: le rendement du
capital investi dans l'entreprise. la rémunération des services de création ou
de direction de l'entreprise. ou des connaissances techniques. la
compensation du risque... ».
28
partie de la réalité en ne mentionnant qu'une « rentabilité
financière -lire taux de profit - désirée» : le taux d'intérêt plus
la prime de risque des actionnaires.
Notre démarche sera dans ce chapitre la suivante.
Soit les taux de profit et les taux d'intérêt sont étroitement
liés. Pour Smith, le profit apparaît, le travail (<<productif»...,
donc pas celui à l'origine des services) étant le seul facteur
productif, par le surplus de la valeur produite par le travail de
ces salariés sur les salaires qui leur sont versés. Le taux
d'intérêt qui se déduit du taux de profit est alors une variable
réelle explicable par la théorie de la valeur travail. Soit ils sont
moins étroitement liés: Marx, hésitait à suivre Smith, sauf en
développant la théorie de la plus-value. Il refuse au taux
d'intérêt son caractère de variable réelle découlant du taux de
profit: il avait compris le rôle du crédit bancaire et donc la
détermination en partie monétaire du taux d'intérêt (les taux
courts ).
Soit on refuse la notion même de taux de profit. Les
néoc1assiques déterminent le taux d'intérêt par les forces réelles
du marché des «fonds prêtables» (offre d'épargne croissante
avec le taux d'intérêt se confrontant avec la demande
d'investissement, décroissante avec lui). Le taux d'intérêt
devient à la fois la juste rémunération de l'effort d'épargne des
héros de l'abstinence et le produit (<<productivité marginale»)
du facteur capital considéré comme productif. Le tout géré par
un chef d'orchestre indépendant du capital; l'entrepreneur qui,
recherchant évidemment à maximiser son «profit pur », va
obtenir, par la concurrence un profit pur nul. ..
Soit, enfin, le taux d'intérêt n'est fondamentalement, selon
Keynes et les keynésiens, qu'une variable monétaire expliquée
par le «marché de la monnaie» (offre de crédit bancaire
faiblement croissante avec le taux d'intérêt et demande de
monnaie, en fait thésaurisation, décroissante de ce taux).
L'analyse du taux de profit a également disparu, même si la
masse de profit est pour Keynes une rente indue produite par le
travail !
29
Il - Le classique Smith et Marx: liaison ou
non entre le taux de profit et le taux d'intérêt?
* Le profit est pour Smith du travail non payé, et c'est son taux
qui compte, pas sa masse
Pour Smith (1776, 1976) et presque tous les classiques
(Ricardo, Malthus, mais pas Jean-Baptiste Say), les valeurs
d'échange sont expliquées par le travail. Marx ne fera que
reprendre cette théorie, avec quelques aménagements. Les
valeurs s'expriment en monnaie par le « prix naturel» autour
duquel fluctue par « gravitation », le prix de marché. Ce n'est
pas le marché qui explique le prix, c'est la valeur travail; avec
évidemment intervention des «effets» de l'offre et de la
demande (la gravitation).
Adam Smith fut le premier économiste à considérer le profit
comme du travail non payé aux salariés productifs; il écrit en
effet dans sa Richesse des Nations: « ... la valeur que les
ouvriers ajoutent à la matière se résout alors en deux parties,
dont l'une paye leur salaire, et l'autre le profit que fait
l'entrepreneur sur la somme des fonds qui leur ont servi à
avancer ces salaires et la matière à travailler ». Sans drapeau
rouge, le concept de plus-value est implicite chez Smith.
Il est aussi le premier à se rendre compte que c'est moins sa
masse que son taux qui importe: « Il n'aurait pas d'intérêt à
employer ces ouvriers, s'il n'attendait pas de la vente de leur
ouvrage quelque chose de plus que le remplacement de son
capital, et il n'aurait pas d'intérêt à employer un grand capital
plutôt qu'un petit, si ses profits n'étaient pas en rapport avec
l'étendue du capital employé» I. Cette évidence sera oubliée par
la théorie néoclassique qui, niant la notion même de taux de
profit, ne retiendra que le profit dit « pur» de l'entrepreneur,
tendant vers zéro par la concurrence. Chez Smith, la
concurrence entre les capitaux propres des capitalistes tend à
égaliser les taux de profit de chaque branche pour obtenir en
tendance un taux de profit moyen.
I Cette citation est rarement mise en avant quand on présente au jeune étudiant
le génie du fondateur de l'économie politique libérale classique; elle l'a été
en particulier par Henri Denis (1967, 1977).
30
* Le travail de direction de l'entrepreneur ne peut fonder pour
Smith le profit
Mais le profit en général, celui que vont se partager les
actionnaires et les prêteurs, n'est-il pas tout simplement la
rémunération d'un travail: celui de la gestion de l'entreprise,
bref de l'activité qui sera celle de l'entrepreneur néoc1assique ?
Autrement dit, continue Smith, « Ces profits, dira-t-on peut-
être, ne sont autre chose qu'un nom différent donné aux
salaires d'une espèce particulière, le travail d'inspection et de
direction. Ils sont cependant d'une nature absolument différente
des salaires; ils se règlent sur des principes absolument
différents, et ne sont nullement en rapport avec la quantité et la
nature de ce prétendu travail d'inspection et de direction ». En
effet, on voit mal pourquoi le profit en tant que rémunération
d'un travail d'inspection et de direction serait proportionnel aux
capitaux avancés, même s'il est plus fatigant de gérer une
grande qu'une petite entreprise.
I
Et autres propriétaires de sociétés (SARL, etc.).
31
aimant moins le risque aux capitalistes plus héroïques mais en
manque de fonds propres. Si l'on suit le raisonnement de Smith,
Rf est d'ailleurs moins une prime de risque qu'une « décote de
non risque» pour les prêteurs: r = rf moins décote de non
risque. Si la prime de risque peut être considérée comme
relativement constante, on peut en déduire que le taux d'intérêt
est déterminé par le taux de profit et fluctuera plus ou moins
parallèlement à ce dernier: le taux d'intérêt est donc déterminé
par des variables fondamentales de la sphère réelle, et non plus
par les variables monétaires comme chez les mercantilistes.
Mais Smith fait une petite erreur. C'est donc la totalité du
profit qui est partagé entre les capitaux propres et les dettes: la
rentabilité économique (que nous noterons re) de tous les
capitaux engagés (CP + D) est le «vrai» taux de profit; la
rentabilité financière rf des CP se déduit alors de re et de r, par
la « formule de l'effet de levier ». Et ladite « prime de risque»
de Smith, Rf , n'est qu'un surprofit obtenu par la différence
entre re et r : elle est évidemment variable avec la structure de
financement. Ce Hui ne remet cependant pas en cause l'intuition
géniale de Smith!.
La théorie smithienne du taux de profit anticipe sans aucun
doute celle de la plus-value de Marx, mais l'exploitation des
travailleurs n'est indiquée que de façon discrète. Ricardo, au
début du XIXe siècle sera encore plus discret, insistant plutôt
sur le profit en tant que surplus, revenu résiduel toujours
proportionnel aux capitaux avancés, coincé2 entre les salaires et
la rente foncière pour fonner la valeur travail, « prix naturel»
exprimé en monnaie autour duquel gravite, par l'effet de l'offre
et de la demande, le prix de marché.
32
Proudhon, de 1847, de confondre propriété et propriété
foncière, donc profit et rente. Il fustigea surtout son utopie du
« crédit gratuit », l'annulation du taux d'intérêt permettant de
réformer le capitalisme et rendant ainsi toute révolution inutile.
Cependant, avant Proudhon, le courant saint-simonien était
déjà à l'origine d'une volonté de réforme par la baisse du taux
d'intérêt. Le mouvement saint-simonien met en avant les
« producteurs» actifs, fondamentalement les artisans et petits
entrepreneurs (( l'industrie»), contre les rentiers «oisifs »,
encore assimilés aux anciens propriétaires fonciers et leurs
revenus assimilés à une rente. En effet, les premiers ont besoin
des capitaux des seconds et sont étouffés par les intérêts des
prêteurs. Comme elle le sera chez Proudhon, la monnaie peut
être un instrument de libération par le crédit à bas coût. Le taux
d'intérêt est le résultat d'un rapport de force entre oisifs et
travailleurs ou producteurs, dans le sens élargi précisé plus
haut; il ne peut s'agir d'un prix d'équilibre statique, surtout au
sens de Say que les néocIassiques reprendront. Le taux d'intérêt
est « un impôt payé par le travail à l'oisiveté ».
On trouve surtout dans le mouvement saint-simonien une
théorie que Keynes reprendra2, par l'intermédiaire du
mouvement des Fabiens, mouvement réformiste britannique de
la fin du XIXe siècle. Il s'agit de la baisse spontanée à long
terme du taux d'intérêt; et la politique monétaire
« progressiste» des banquiers, en développant le crédit
bancaire, fait encore plus baisser le taux d'intérêt. En effet, si
l'épargne est rare, r sera élevé; en créant de la monnaie ex-
nihilo, r devrait baisser. Chez Proudhon également, la monnaie
peut être un instrument de libération par le crédit à bas coût,
sinon gratuit par une « Banque d'échange ».
On trouve les premiers embryons d'une approche de la
monnaie dans les « Manuscrits parisiens» de Marx (1844,
1968) où apparaît déjà la thèse selon laquelle aucune réforme
monétaire ne peut améliorer le capitalisme. Il y reconnaît
néanmoins que le taux d'intérêt a tendance à baisser à long
terme. Le «jeune Marx» croit donc percevoir dans la baisse du
taux d'intérêt les prémisses de la Révolution, comme il percevra
dans celle du taux de profit la cause « technique» de la fin du
capital. Le Marx plus mûr reviendra de façon plus critique sur
cette baisse naturelle du taux d'intérêt. Dans Misère de la
philosophie, Marx attaque donc la conception réformiste de
Proudhon. Cette attaque est reprise dans les Principes d'une
critique de l'économie politique (1857-1858, 1968). Le regain
d'intérêt pour la monnaie est dû à la crise monétaire et
I Voir entre autres, l'article d'Alain Benausse (1999), Les saint-simoniens de
1830 : des précurseurs de la finance solidaire.
2 Keynes en fera en effet l'un de ses chevaux de bataille réformiste.
33
financière de 1857-1859 et au développement de la pensée
proudhonienne. Il y réfute encore l'idée selon laquelle on
pourrait transformer le capitalisme par une réforme du
« changement de la circulation », bref en baissant r, sans
« changement dans les autres conditions de production ainsi
que des bouleversements sociaux ».
I
Après Wicksell, analysé plus loin.
2 Hilferding constate « que le montant du taux d'intérêt n'est pas déterminé
par le taux de profit, mais par la demande plus ou moins forte de capital-
argent, demande déterminée à son tour par l'évolution plus ou moins rapide,
l'allure, l'intensité et l'allongement des périodes de prospérité. Quand on
considère des taux d'intérêt anormalement élevés, on s'aperçoit qu'il faut en
chercher la cause dans le système monétaire ».
35
La solution à la question du refus apparemment curieux par
Marx de la théorie de Smith est ainsi simple: il tient compte des
cycles économiques et de l'intervention des crédits bancaires.
Certes, s'il admet que les intérêts versés sont bien une partie du
profit et de la plus-value, les effets de la concurrence font varier
son prix dans la conjoncture: en période de vaches maigres où
les taux de profit s'effondrent, les taux bancaires se tendent par
les risques de faillite des entreprises et des banques prêteuses.
Autrement dit quand les taux longs baissent, les taux courts
bondissent. Marx avait déjà remarqué ce qui deviendra une
théorie contemporaine des signes précurseurs des crises
financières et des crises réelles.
36
12 - Théories néoclassiques et absence du taux
de profit effectif: le taux d'intérêt est la seule
rentabilité
I Pour les néoclassiques il s'agit du taux réel, déflaté. Nous continuerons ici à
la noter r par commodité.
2 Voir Castex (2003, tome 1).
3 Car l'une des particularités de la bourse en tant que marché secondaire « de
l'occasion» est que les produits ne sont pas socialement reproductibles.
37
c'est l'adaptation par les quantités que Marshall met surtout en
avant; ils peuvent également choisir de baisser leurs prix: c'est
l'adaptation par les prix que Walras privilégie. Walras semble
avoir raison, car à un moment précis donné où s'effectue le
marché, où se confrontent l'offre et la demande, les quantités
offertes sont fixées. Mais quand la production peut s'adapter à
la demande - ce qui n'est pas le cas le jour même du marché
aux poissons -, ce sont les coûts de production, après variation
des quantités produites, qui s'adaptent à la demande I. Marshall,
encore probablement sous l'influence de l'analyse classique par
l'intermédiaire de John Stuart Mill, reste convaincu que,
fondamentalement, ce sont les conditions d'offre (les coûts) qui
déterminent les prix sur une période longue - il n'est donc pas
très éloigné de la théorie classique du prix naturel et de la
gravitation avec « effet» (et non pas « loi») de l'offre et de la
demande.
I
Si l 'f. S, l'équilibre se démontre aisément par la « loi» de l'offre et de la
demande.
40
créance, en général des obligations. La bourse des marchés
actions n'apparaît pas dans ce modèle.
Cet équilibre du marché des fonds prêtables induit la
maximisation de la masse de profit pur de l'entrepreneur. La
démonstration de cette optimisation, de la maximisation de la
masse de profit se trouve dans tous les manuels pour débutants.
[,Lc marché des fonds prêtables et le cas de l'augmentation
~
de l'efficacité ~
dc J'investissemcnt ,
'
IS"/')
I".rn ...,-
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r
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o%L
100 200 300 400 soo 600 700
Investisscment I et Epargne S
41
13 - Keynes et le profit né de la valeur travail,
mais sans évoquer un taux de profit, Keynes et
le taux d'intérêt variable monétaire
44
des actionnaires sont aussi « des» entrepreneurs qui délèguent à
« un» entrepreneur manager. Ils doivent donc également
bénéficier d'un revenu non indu justifié par les « coûts de
l 'habileté et de la surveillance, et d'une allocation
correspondant aux risques». Même si la plus grande partie
d'entre eux s'enrichit également en dormant.
Le taux d'intérêt est donc la seule partie du taux de profit qui
soit une rente indue. On ne retient pourtant de Keynes que son
explication du taux d'intérêt en tant que variable monétaire.
C'est plus technique et moins « philosophie sociale ».
Avant d'aborder cette théorie, il convient de voir l'influence
de r sur l'investissement.
1 Une unité monétaire gagnée aujourd'hui vaut plus qu'une unité monétaire
gagnée dans le futur, car on déprécie le futur et cette unité monétaire peut être
placée, capitalisée grâce au taux d'intérêt. 1 € capitalisé à 10 % vaut un an
plus tard 1 + 10 % de 1, soit 1,1 . deux ans plus tard 1,1 + 10 % de 1,1, soit
1,12 = 1,21 ; dix ans plus tard 1,lIb = 2,6, etc. Si r est le taux de capitalisation,
45
rentabilité économique désirée (par les « investisseurs» en tant
qu'épargnants) considérée comme le coût du capital qu'il faut
prendre comme taux d'actualisation; on y reviendra. Pour le
moment nous prendrons r, comme Keynes. Grâce à cette
technique d'actualisation, la compréhension de la VAN devient
un jeu d'enfant.
Soit un projet d'investissement de coût initial la rapportant à
chaque période t (t variant de t = 0 à t = n) des profits avant
charges financières, donc des profits économiques futurs Bet.
Les Bet sont des profits bruts, des «cashflows» d'exploitation
(flux monétaires avant comptabiIisation des dotations aux
amortissements), avant ou après impôts, etc., tout ce qu'on veut,
mais surtout avant coût financier de l'éventuel endettement
correspondant, car l'on va justement tenir compte du coût
financier dans le calcul de rentabilité. En raisonnant ainsi, on
applique sans le savoir le « théorème de séparabilité » entre les
décisions économiques et les décisions financières.
La VAN est donc la somme des profits bruts, des «cash
flows» actualisés, moins l'investissement de départ qui
représente évidemment en valeur actualisée... la somme des
amortissements:
t= n
V AN = L Bet (1 + rtt - 10
t=O
V AN = Be / r - 10
TIR = remA = Be / 10
100
80
VAN = 0
60
définissallt
40 le TIR
z ou EMAC
~ 20
o
-20
-40
-60
0% 5% 10% 15% 20%
Taux d'intérêt r
48
tard l'effet Keynes, mais on sent qu'i! n'est pas loin de craquer
et de reconnaître l'effet direct du taux d'intérêt sur l'épargne.
Seconde critique: celle de la circularité des néoclassiques
entre investissement, revenu et épargne. Heureusement, son
second argument semble le sauver, c'est pour cela qu'il a
souligné « au sein d'un revenu donné»: « Mais en fait la
théorie classique, outre qu'elle néglige l'influence des
variations du revenul, recèle une erreur positive ». Il vaut
mieux ici expliciter Keynes que le lire. L'investissement ayant
selon son modèle une influence sur le revenu par le phénomène
du multiplicateur (dit) d'investissement2, par des relations de
cause à effet dans le circuit économique (et non une
interdépendance de marché), la fonction d'épargne devient
indéterminée. Il illustre son point de vue par un diagramme. Par
exemple, le déplacement vers le nord-est de la fonction
d'investissement néoclassique décroissante du taux d'intérêt
(réel) r, induit celui de la fonction d'offre d'épargne croissante
avec r, car l'investissement a augmenté le revenu, donc pour
tout taux d'intérêt, l'épargne sera plus élevée: la fonction
d'épargne se déplace vers le sud-est. D'où l'indétermination de
r! Si la théorie du multiplicateur (dit) d'investissement est
bonne - mais elle ne l'est qu'à prix fixes, rigides ou visqueux -
la théorie néoclassique du marché des fonds prêtables est
fausse. On voit que le débat peut encore rester ouvert, la
critique de Keynes étant pour le moins partielle.
Dernier argument synthétique des keynésiens, non évoqué
par Keynes: la contrainte sociale du revenu est largement plus
importante que le taux d'intérêt pour expliquer consommation
et épargne. Il s'agit encore du revenu, mais perçu comme une
contrainte microéconomique de remboursement ou de
placement, la contrainte de liquidité ou contrainte financière
diront les gestionnaires.
* Le risque de taux des obligations
Pour comprendre techniquement le raisonnement de Keynes,
il faut d'abord comprendre la question du risque de taux qui
s'ajoute au risque de défaut, de défaillance de l'emprunteur qui
ne peut ou ne veut pas rembourser.
Il est apparemment tout à fait irrationnel, absurde (selon les
analyses classiques et néoclassiques) de garder un stock
I
C'est faux, au moins au niveau microéconomique : la contrainte budgétaire
joue le rôle du revenu et intervient évidemment sur consommation et épargne.
Il est vrai que cette contrainte est éludée au niveau macroéconomique.
2 Cette mécanique est bien connue; elle ne sera pas rappelée ici. Voir Castex
(2003) pour une critique de l'incompréhension par Keynes lui-même de sa
véritable mécanique.
49
d'épargne sous forme de monnaie thésaurisée!, car on « perd»-
il s'agit d'un manque à gagner ou coût d'opportunité -le revenu
dû au taux d'intérêt. C'est faux selon Keynes: on perd bien sûr
le taux d'intérêt, mais on risque de perdre beaucoup plus si l'on
place son argent de façon risquée.
On affirme souvent que le taux d'intérêt que prend en
compte Keynes est le taux court du marché monétaire alors que
l'analyse néoclassique utilise le taux d'intérêt long des
obligations sur leur marché des fonds prêtables ; il nous semble
que la référence est bien pour Keynes le taux long qui induit le
risque de taux. Sans cette référence, il est impossible de mettre
en avant un risque de taux. En effet, si l'on place sa monnaie en
actifs liquides non risqués - ou très peu risqués - mais peu
rémunérés, la question ne se pose pas ou très peu car les
variations des taux d'intérêt auront peu d'influence sur la valeur
de ces actifs liquides. On va le montrer.
Explicitons et formalisons donc auparavant la question du
risque de taux et des gains ou pertes en capital. On part de la
situation actuelle où le taux d'intérêt est r, connu; on anticipe
pour l'avenir - qui peut être le lendemain - un taux anticipé ra.
Si l'on achète aujourd'hui une obligation de 100 rapportant
5 %, soit 5 par an, le risque de taux est le suivant: la valeur de
marché de l'obligation (à taux fixe) va augmenter ou baisser
selon que le nouveau taux d'intérêt futur anticipé sera inférieur
ou supérieur à celui de la date de souscription. Autrement dit,
même une obligation à taux fixe est risquée, le risque de
défaillance de l'emprunteur mis à part. Pourquoi? Supposons
que le nouveau taux soit de 10 %. Qui achèterait 100 une
obligation qui rapporte un intérêt de 5 alors qu'avec la même
somme on obtient maintenant 10 ! On comprend que la valeur
de marché va tendre dans ce cas vers 50 : acheter 50 une
obligation de valeur faciale 100 rapporte en effet 10 %.
C'est un peu plus compliqué si l'échéance de l'obligation
n'est pas très lointaine. Soit une obligation achetée aujourd'hui
de valeur faciale OF à taux fixe r, le coupon, ce que l'on touche
annuellement, est rOF; pour un taux d'intérêt ra sa valeur de
marché OMserait la somme de ces coupons actualisés jusqu'à la
date de remboursement plus la valeur faciale remboursable dans
n années, également actualisée:
t=n
t n
OM = rOF L (1 + rar + OF (1 + rar
t= 0
.
Le;;;;~héd;:-ï;; monnaie M = L en fonction de r et-la ,,~litique-';'onétai;~~-i
quand !VIaugmente, r diminue.
\. ..~ ~._. ----.J
15%
I
I
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...
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I
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..
.."
I
F' s'X,
1\1
0%,
100 200 300 400 500 600 700
Offre de monnaieM avec ÂlVI, demande de mORonic L = L, + L,
;
Le marché de la monnaie i\1 L en fonction de r et la construction de la fonction LM :
quand y augmente, r augmente
~ , ~,
15%
L+HI
.: 10% induit par un â.y
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...
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M
I
donné
I
0% --------,
100 200 300 400 500 600 700
Offre de monnaie M, demande de monnaie L; LI + L!
54
Chapitre II
Taux de rentabilité ou de profit au pluriel,
dont le taux d'intérêt:
critique des théories financières
57
21 - Critique de la théorie néoclassique et de la
Corporate finance
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...
Investissement désiré
61
* Seconde approche: la formalisation du choix rationnel des
actionnaires
La rentabilité économique anticipée moyenne reM à
maximiser est donc reM = (TIo+ TI) / (Ko + Id). Pour maximiser
reM, dans la mesure où la productivité marginale du capital est
supposée décroissante, la dérivée de reM par rapport au capital,
en fait par rapport à Id, doit être nulle, en négligeant le
dénominateur de cette dérivée: reM' Id= 0, donc1 :
dTI / dId = (TIo + i1TI) / (Ka + Id) = remA = reM = reM Max
I
Il faut absolument lire à ce sujet le livre de Peter L. Bernstein (1992, 1995) :
Des idées capitales. Les origines improbables du Wall Street moderne.
Bernstein est par ailleurs l'auteur de nombreux livres concernant l'histoire de
la finance, dont le récent (1998) Plus fort que les dieux. La remarquable
histoire du risque, fait en conclusion référence à la théorie mathématique du
chaos et de son « effet papillon» en renvoyant à son application en finance.
On pourra lire également avec intérêt un livre français plus récent, de
L. Belze et P. Spieser (2005), Histoire de la finance. Le temps. le calcul, les
Promesses, histoire qui remonte à l'antiquité.
2 On peut lire, en matière de corporate finance le classique anglo-saxon de
Richard A. Brealey et Stewart C. Myers (2000).
63
* La rentabilité et les rentabilités sont censées être liées aux
risques, en sciences économiques comme en sciences de gestion
La base de toute l'analyse est la dialectique du rendement et
du risque. La notion de risque en finance paraît aujourd'hui
banale. Richard Cantillon (1755, 1997) fut probablement le
premier économiste à percevoir le profit incertain, donc risqué,
de l'entrepreneur. Etner (2000) nous le cite: « tous les
habitants d'un Etat sont dépendants; ... ils peuvent se diviser
'"
64
En finance de marché, tout tourne évidemment autour des
seuls indicateurs qui intéressent les apporteurs de capitaux: les
taux de rentabilité et de rendement, compte tenu des plus- ou
moins-values en capital et du risque.
La théorie financière micro- et macroéconomique aborde la
théorie financière sous un angle encore différent.
Au niveau macroéconomique, Kenneth Arrow (1953) est
l'un des pères de cette théorie néoclassique, avec Gérard
DebreuJ (1959, 1964,1984) qui généralise l'équilibre général de
Walras dans le temps avec marchés financiers. Cette théorie
financière reste donc marquée par les paradigmes néoclassiques
de base, même si ses principaux apports proviennent de
mathématiciens « neutres» ou d'économistes keynésiens
(Modigliani par exemple, l' « inventeur» de la notion de Coût
Moyen Pondéré du Capital, le CMPC ou WACC: Weightened
Average Capital Cost). Les adeptes de la valeur travail,
classiques ou marxistes, pourraient la nommer la théorie
financière du rentier, comme le communiste russe Nicolas
Boukharine se moquait de l'économie néoclassique
autrichienne dans la critique de L'économie politique du rentier.
I Ce débat véhément eut donc lieu entre 1937 et 1938 entre Keynes et ses
critiques.
2 La confusion sémantique induite par l'appellation « demande de monnaie»
pour définir la thésaurisation a des effets redoutables: «demander de la
monnaie» fait penser à un désir de dépense immédiate! L'expression
« préférence pour la liquidité» est moins perverse.
70
Ce modèle trahissait donc à sa naissance totalement Keynes
sur ce point précis, mais ses interprétations suivantes ont admis
du bout des lèvres sa conception de la préférence pour la
liquidité. Ce modèle est de toute façon, avec tous ceux qui l'ont
pris pour socle, remis en cause par la fable de LM : le taux
d'intérêt n'est pas, fondamentalement, une variable monétaire
mais une variable bien réelle, les taux longs ne pouvant être que
perturbés par l' « effet» de l'offre et de la demande du crédit
bancaire déterminant les taux courts.
71
222 - De la reconstruction. Un modèle de transition
statique: IS ER (Investissement Epargne, Emploi
Rentabilite')
Contre IS LM, nous avions proposé] de construire un
modèle statique: IS ER. La fonction LM est donc considérée
par nous comme caduque: on la remplace par la fonction ER
présentée plus loin où le taux de rentabilité effective re remplace
le taux d'intérêt r du marché monétaire de Keynes. Comme
dans le modèle IS LM, on raisonne à prix fixes, avec donc les
mêmes contraintes (fondamentalement le sous-emploi), le
revenu macroéconomique étant mesuré par le niveau de
l'emploi, donc en valeur travail, E.
Nous gardions la fonction IS bien qu'elle présentât moult
limites: elle considère le taux d'intérêt r comme seule variable
expliquant l'investissement en négligeant la productivité
marginale anticipée de l'investissement. Notre fonction IS
analyse en fait l'investissement non pas en fonction de r, mais
en fonction de la rentabilité économique désirée reD, r s'en
déduisant, comme chez Smith revisitée, par rID - Re, Re étant
la prime de risque économique. Or, on a déjà montré que rest
lié au taux de profit (théorie de Smith) ; on montrera plus loin
qu'il est possible de développer cette théorie. Par ailleurs,
théoriquement, le choix de l'investissement optimal par une
entreprise n'a pas besoin du taux d'intérêt pour maximiser le
taux de profit moyen des apporteurs de capitaux2. Sauf à
considérer que l'illusion de l'utilisation de r pour le choisir
persiste: ce qui est le cas!
Cependant, justement par l'introduction de la fonction ER,
l'équilibre statique du modèle nous donne directement cet
optimum: quand, à l'équilibre final3, re** = reD**, on peut
montrer que re** est bien le taux maximum de profit.
1 L'astérisque * signifie que les variables sont déjà pour chaque fonction IS et
ER des équilibres; comme dans IS LM.
2 Voir Castex (2003 et 2007).
3 On supposera que si CB augmente (ou diminue), ce n'est pas pour se
substituer aux autres éléments de K, mais pour l'augmenter (ou le diminuer).
Par exemple, un CB nouveau peut être utilisé à financer un investissement
nouveau, probablement plus en capital circulant qu'en capital fixe.
4 Si l'on intègre Id dans le capital moyen de l'année, K pouvant être approché,
en notant Ki le capital économique initial, par K = (2K; + Id) / 2. On démontre
que la décroissance mathématique de re n'est remise en cause que pour des
cas extrêmes irréalistes; voir Castex (2003).
73
là Smith et Marx où le taux de profit est une conséquence de la
théorie de la valeur travail.
On obtient ainsi la fonction croissante (E*, re*) ou (E*, r*),
Emploi Rentabilité ou ER.
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Niveau d'activilé mesuré en valenr travail et d'emploi E*
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Nivcau d'activité mcsuré cn valcur travail ct d'cmploi E*
77
La croissance de l'efficacité des investissements privés
produit exactement le même effet. Ce qui, répétons-le, est
parfaitement compatible avec l'analyse néoclassique: la
rémunération du capital n'est-elle pas fondée sur sa productivité
marginale? Ils l'oublient cependant quand ils crient haro sur
l'effet d'éviction des politiques budgétaires.
Quelle obsession à ne voir dans le taux d'intérêt qu'un coût
alors qu'il est avant tout (et probablement seulement) une
rentabilité!
J
Le modèle est de toute façon limité, comme IS LM, car il ne tient compte
que fonnellement du type de financement des capitaux économiques K par
fonds propres ou endettement; il ne peut donc pas inclure la dynamique des
marchés de capitaux et la « double spéculation» qui la caractérise.
2 Apparaissent alors de belles fluctuations autoentretenues, mais elles ne sont
que fonnelles.
78
23 - L'effet de levier de l'endettement et les
trois rentabilités: rentabilité économique, taux
d'intérêt, rentabilité financière
Le taux d'intérêt est certes un coût pour les entreprises, le
coût de l'endettement. Mais c'est également une rentabilité pour
les prêteurs. Le prétendu « coût» des capitaux propres n'est en
aucun cas un coût pour les entreprises, car les capitaux propres
appartiennent aux actionnaires qui veulent évidemment
maximiser leur taux de profit, leur rentabilité financière.
Pourtant, la théorie néoc1assique débouche, à partir de la
légende de son entrepreneur indépendant des actionnaires, sur
l'absurdité du « coût des capitaux propres », et donc sur
l'absurdité du Coût moyen pondéré du capital ou CMPC,
moyenne pondérée des « coûts» des capitaux propres et des
dettes.
Ce qui pose la question de l'effet de levier de l'endettement.
I
Il existe d'autres effets de levier; sans précision, il s'agira toujours dans
cette partie de celui induit par la structure financière, l'endettement.
2 Il ne peut y avoir confusion dans le contexte avec la liquidité que nous avons
déjà noté L.
79
l'effet de levier de l'endettement (re - r) L qui s'ajoute à re pour
obtenir la rentabilité financière des seuls capitaux propres rf.
Cette idée est simple; elle ne pose aucun problème au
niveau microéconomique où le taux d'intérêt est une donnée
pour l'entreprise qui peut donc jouer sur la structure de son
endettement pour choisir une rentabilité financière des
actionnaires, à la limite infinie si la part des capitaux propres
dans le total du financement tend vers zéro. Elle possède
néanmoins à ce niveau deux limites évidentes: d'une part, le
risque pris par les prêteurs va vite faire croître r avec L ; d'autre
part, re peut être si basse que, même pour r faible, un effet
contraire peut apparaître: l'effet de massue. Elle est surtout
difficile à transposer au niveau macroéconomique car rien ne
nous indique que le taux d'intérêt n'est pas une conséquence de
la rentabilité économiquel.
La démonstration de la relation « mathématique» précise
entre les divers éléments mentionnés est élémentaire; on en
laisse le soin au lecteur2 ; la « formule» de l'effet de levier de
l'endettement est la suivante:
rf = re + (re - r) L
83
Mais il est évidemment possible, en termes de valeurs de
marché et de désirs (de rentabilités ex ante), que les rentabilités
désirées des créanciers et des actionnaires - donc ce qui peut
être considéré comme les deux « coûts» des capitaux propres et
des dettes pour l'entrepreneur mythique indépendant des
actionnaires - tiennent compte différemment du risque amené
par la structure de financement. Le CMPC tenant compte de ces
deux rentabilités désirées peut sans aucun doute être variable
avec la structure de financement... Mais il n'en est pas de
même pour la rentabilité économique réelle qui est intrinsèque à
la production du profit. Dès lors, la rentabilité des actionnaires
considérée comme un coût du capital retrouvera sa réalité de ...
rentabilité effective. C'est elle qui jouera le rôle de variable
d'ajustement. Tout est là: on ne peut pas toujours prendre ses
désirs pour la réalité!
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o L=D/CI' 2 3
86
rf est une fonction affine, croissante de L: il s'agit en fait de la
formule de l'effet de levier!
Le graphique ci-dessous illustre ce point de vue. On
supposera que la constance de re est le résultat du principe
d'entité, ou celui de la démonstration par arbitrage, ou, ce qui
va être démontré plus loin mais est déjà dévoilé, une conclusion
simple déjà inscrite dans les hypothèses de « MM».
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87
qu'un pas; mais le premier pas non franchi, ils ne pouvaient
franchir le second.
Bref, rien n'indique qu'ils soient réellement sortis de la
schizophrénie.
88
levier; ce que font d'ailleurs tout simplement « MM» mais qui
est rarement rappelé. Il suffit pourtant de les lire.
On peut en effet traduire la relation rID = « aL + b»
implicite chez la plupart des commentateurs de «MM », en
rappelant que le coût des capitaux propres, censé prendre en
compte le risque associé à la croissance de L, bénéficie tout
simplement de la banale mécanique de l'effet de levier. En fait
« aL» n'est rien d'autre que l'effet de levier toujours positif
dans les hypothèses énoncées, et mesure donc moins un risque...
qu'une rentabilité différentielle multipliée par L. Et « b » n'est
rien d'autre, dans ces hypothèses, que la rentabilité économique
reo Autrement dit, le « théorème» de « MM» ne fait que
traduire la «tautologie arithmétique» de l'effet de levier en
inversant l'analyse: le coût global du financement n'est
constant, quel que soit L, et n'est égal à la rentabilité
économique, que si le coût des capitaux propres est de la forme
supposée pour démontrer le théorème.
Résumons notre interprétation « sociale» de cette question.
La volonté de faire dépendre la rémunération des actionnaires et
des prêteurs de variables différentes (par des « primes de
risque »), n'est qu'un développement, une fuite en avant de la
théorie de la rémunération du capital néoclassique, fondée sur
sa contribution productive. On n'a plus un facteur capital, mais
deux: on n'a plus un capitaliste, mais deux, qui sont en lutte en
avançant leurs risques respectifs. Toujours la lutte de classes,
pardon! Plutôt la saine concurrence sur des marchés risqués.
Les deux doivent être rémunérés grâce aux équations
traditionnelles de la théorie néoclassique, bref, leurs
contributions marginales compte tenu des différents risques.
Pourtant, l' « argent n'a pas d'odeur»: seul le capital
économique K peut, si l'on suit la théorie néoclassique,
« produire» le profit. Smith et Marx considéraient simplement
qu'il s'agissait d'un gâteau à se partager (une plus-value
implicite pour le premier, explicite avec chiffon rouge pour le
second) : pour faire plus soft, la rentabilité économique
intrinsèque se partage entre les actionnaires et les prêteurs.
Le débat sur la vérité ou la fausseté du théorème de
Modigliani-Miller est surréaliste si l'on ne pose pas le problème
en termes de risques dans la répartition mais de production du
profit. Il devient trivial si l'on pense que le risque est le cache-
sexe grossier qui tente d'occulter - avec un certain succès, pour
les aveugles qui refusent de voir: ce qui fait beaucoup de
monde... - l'origine du profit parfaitement expliqué en valeur
travail par Smith, Ricardo puis Marx. Il n'est pas question de
nier le risque] pour la répartition de la rentabilité économique
I Cela fait plus de 225 ans que Smith en parlait dans sa Richesse des Nations.
89
entre les deux ayants droit plus ou moins risqués. Ce que disent
simplement - et très indirectement: ils ne se posent pas la
question d'une critique «sociale» du concept de risque -
Modigliani et Miller, c'est que le profit global, la rentabilité
économique, se partage selon les risques mais qu'il ne peut être
question de définir le profit comme une moyenne pondérée de
rentabilités expliquées par les risques. Ce qui reste en
contradiction, qu'on le veuille ou non, avec le concept même de
CMPC créé par Modigliani, mais est une petite révolution dans
la théorie financière.
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90
* Retour sur le choix des investissements: orthodoxe ou
hétérodoxe?
On a indiqué plus hautl que le choix de l'investissement
optimal, c'est-à-dire maximisant la rentabilité économique de
tous les capitaux engagés, n'a que faire du taux d'intérêt r (ou
de la reD2) en tant que coût, mais qu'il intervient néanmoins par
l'existence d'un marché des dettes et de leur rentabilité: un
placement alternatif des investisseurs est toujours possible si le
r du marché est supérieur à la reMMax obtenue, en tenant
évidemment compte des primes de risque.
Supposons que les actionnaires décident maintenant de
financer les nouveaux investissements I par dette. Leur choix
va-t-il être influencé par r s'ils veulent maximiser leur
rentabilité financière? Ils choisiront en fait I de façon
orthodoxe en égalisant sa productivité marginale anticipée en
taux remA au taux d'intérêt r. Et ils auront raison... En effet,
dans ce cas, plus r est petit, plus I est grand. Il existe toujours un
I optimal au sens de l'analyse hétérodoxe avec maximisation de
la rentabilité économique moyenne reM, mais cette solution ne
maximise plus la rentabilité financière moyenne rfM qui est
toujours croissante avec I, et donc r, par l'effet de levier.
Bien que I soit en abscisses du graphique ci-dessous en tant
que variable de base, la logique de l'analyses est plutôt la
suivante: r = remA 7 17 reM 7 rfM par l'effet de levier.
...
r = remA ... 4'
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I Voir le paragraphe 211 ; on reprend ici les mêmes notations des différentes
variables, mais on fait intervenir des dettes.
2 Ici, nous ne prendrons en compte que r, comme dans l'analyse de la question
qui précède de la structure optimale de financement.
91
Le taux d'intérêt intervient donc directement dans le choix
des investissements si on le considère sous son aspect
rentabilité, par l'effet de levier de l'endettement! donc: même
si la reM n'est pas maximisée, un taux d'intérêt bas réjouit les
actionnaires, au détriment évidemment des prêteurs. Et avec un
dommage collatéral que nous nous plaisons à mettre en relief:
le gâteau de la rentabilité économique reM « à partager» est
évidemment plus petit que reMMax quand r est bas; mais
qu'importe pour les actionnaires puisqu'ils en retireront une
part bien plus importante! Les actionnaires n'ont cure de
maximiser la rentabilité économique de tous les capitaux et
n'envisagent que leur propre satisfaction; leur choix n'est pas
« socialement» optimal pour l'ensemble des capitaux mais l'est
pour eux: ils bénéficient dans ce cas de l'euthanasie des
rentiers. La situation est inverse en cas de taux d'intérêt élevés
ou rfM est très inférieure à r.
Ces deux situations se rencontrent dans l'histoire récente: la
première plutôt pendant les Trente g}orieuses ; la seconde plutôt
pendant les trente années de plomb, mais dans ce cas la sous-
optimalité ne concerne pas seulement les capitaux; on y
reviendra.
Chapitre III
Ondes longues, tendances longues
et cycle des affaires:
causes monétaires et/ou réelles?
1 De Clément Juglar (1862). Les appellations actuelles ont été définies par
Schumpeter en 1939; voir plus loin.
2 Nous n'aborderons pas ici la théorie des ultralibéraux Nouveaux classiques
du RBC « Real Business Cycle », cycle dû à des chocs exogènes normaux
93
Les théories purement non monétaires mettent en avant le
capital et ses fluctuations par l'investissement; elles sont bien
connues, en particulier celle de John Maurice Clark de
l'accélérateur développant les thèses d'Albert Aftalion qui
voyait dans le délai de production des biens capitaux la cause de
la surproduction. Elle a donné lieu, avec la théorie de
l'oscillateur de Samuelson et Hicks, articulant accélérateur et
multiplicateur keynésien, à une formalisation des cycles
économiques. Mais le profit est le grand absent de toutes ces
analyses traditionnelles.
On abordera donc les ondes et tendances longues ainsi que
les cycles courts. Dans les deux cas, on commencera par les
explications monétaires qui mettent en avant le taux d'intérêt,
pour présenter ensuite les théories réelles qui privilégient le
taux de profit mais également la demande. On reste donc dans
ce chapitre, « englué» dans la dichotomie car nous décrivons
ici les deux principales approches des tendances longues et des
cycles I. On n'exposera évidemment pas ici toutes les théories
traditionnelles des crises, ni leur description (une encyclopédie
en multiples volumes n'y suffirait pas), mais seulement
l'importance de leur double éclairage selon les théories qui
viennent d'être exposées des liaisons entre taux de profit et taux
d'intérêt.
Ce chapitre est développé en trois étapes.
On présentera donc d'abord les tendances longues, à deux
niveaux. Le premier est celui des « Long waves» de Kondratiff
où il est possible de voir intervenir la monnaie tandis que
l'interprétation orthodoxe (celle de Schumpeter) renvoie aux
effets réels des « grappes d'innovations ». Le second est celui
des trends non cycliques: « baisses tendancielles » du taux de
profit et du taux d'intérêt, des classiques à Marx et Keynes.
On se penchera ensuite sur l'intervention de la monnaie et
les fluctuations des taux d'intérêt qu'elle induit: les différentes
théories monétaires du cycle court ou « Credit Cycle », où les
phénomènes réels interviennent cependant. Dans ce cas, la
théorie quantitative de la monnaie est apparemment mise à mal.
95
31 « Ondes longues» et « baisses
tendancielles» du taux de profit et du taux
d'intérêt
I Le pôle vénitien jusqu'au milieu du XVII" siècle, puis des Pays-Bas jusqu'au
début du XVIIIe siècle, de la Grande-Bretagne jusqu'à la fin de la Seconde
guerre mondiale - en fait plutôt la Première... - remplacée par les Etats-Unis.
On parlait il n'y a pas si longtemps de la zone Asie Pacifique remplaçant les
Etats-Unis, avec comme pôle le Japon, ses Dragons et ses Tigres. Ce
changement d'hégémonie ne semble plus être à l'ordre du jour, mais ce sont la
Chine et l'Inde qui « s'éveillent ».
2 Rist est un « métalliste » mais cependant farouchement opposé à la théorie
guantitative de la monnaie de Ricardo.
3 Et à notre théorie de la « double spéculation» ; voir plus loin.
97
l'étalon or ou« créée» par le crédit bancaire; et ces frottements
sont séculaires 1.
La théorie de Smith est également mise en défaut par la
constatation d'Alfred Marshall pendant la période de la Grande
dépression (<<Great depression») du dernier quart du XIXe
siècle (<<phase B » du deuxième Kondratieff). Il remarquait que
sur toute cette période les prix baissaient, suivant la quantité de
monnaie disponible relativement au PIB. Pourtant le taux
d'intérêt ne baissait pas alors que les profits étaient malingres,
suivant l'atonie de l'activité. C'était la situation exactement
contraire à celle du début du XIXe siècle (phase A d'expansion
longue du premier Kondratieff) jusqu'à la fin des guerres
napoléoniennes, où le taux d'intérêt nominal était resté assez
bas, le taux réel très faible avec une inflation importante mais
un niveau d'activité et de profit élevé. La forte création
monétaire pour financer la guerre en était l'explication sinon la
cause (théorie quantitative selon Ricardo et la Currency
school). Ou l'effet: hausse des prix par la demande dopée par
la guerre selon la critique de Tooke et de la Banking schaaP.
Au contraire, après 1870, le monométallisme imposé par
l'Angleterre induisant pour les partisans du bimétallisme la
«faim d'or », une politique monétaire de raréfaction de la
monnaie entraînait une hausse des taux... et la phase longue de
dépression. La théorie du taux d'intérêt de Smith était donc
mise à mal, le phénomène correspondant plutôt à celui mis en
lumière par Marx pour, justement, critiquer Smith, mais ici sur
une période longue. Bref, la politique monétaire, expansionniste
pendant les guerres du début du XIXe siècle, récessionniste par
le monométallisme et l'étalon or pendant la Grande dépression
vécue par Marshall, ne pouvait qu'inverser la relation de Smith.
Marshall proposa alors une politique monétaire volontariste de
baisse du taux d'intérêe.
La découverte de Kondratieff donna aussi lieu à un débat
dans le marxisme, notamment avec Trotski, car elle s'opposait
de fait à la théorie de la baisse tendancielle du taux de profit.
Trotski fut le premier à s'opposer à la notion de cycle et
1
Dans: Long Waves in CapitalistDevelopment: The Marxist Interprétation
de 1980 (cité par Rosier, op. cit.).
2 Cette chronologie varie avec les pays et les critères mis en avant pour
l'établir. Voir Castex (2006) pour le cas français.
3
C'est donc la Grande dépression qu'il ne faut pas confondre avec la crise
des années 1930 où l'expression est reprise.
4
Pour l'économie européenne, singulièrement l'Empire britannique, la
rupture est celle de 1920 ; le boom 1920-1929 est surtout celui des Etats-Unis.
5 Kondratieffn'ajamais théorisé la nécessité pour le capitalisme de renaître de
ses cendres, mais seulement sa possibilité. e'en fut trop pour le stalinisme;
accusé d'être un dirigeant d'un « parti contre révolutionnaire paysan» ; il fut
condamné en 1930 et mourut au Goulag en 1938.
99
courte à la longue durée sont articulés. Schumpeter expliquera
ces cycles par les innovations en « grappes» : des causes réelles
et surtout pas monétaires.
100
combattue par le progrès technique; et même sans ce progrès
technique, le capitalisme de l'état stationnaire serait simplement
un capitalisme arrivé à maturité. Le propriétaire foncier est bien
l'ennemi à abattre: on propose - mais sans grande conviction:
toucher à la propriété privée peut donner des idées
d'élargissement de la mesure! - la nationalisation des sols et la
redistribution de la rente par l'Etat. La liberté du commerce et
l'autorisation des importations agricoles seront en fait une
méthode plus douce d'euthanasie!.
Si l'on suit la théorie du taux d'intérêt de Smith, chez lequel
cependant cette théorie de l'état stationnaire n'est pas présente,
on devrait également percevoir une baisse tendancielle du taux
d'intérêt.
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.. La crise puis
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:: r "monétaire" croissant
Temps
I Avec la hausse générale des prix, les dettes se dévaluent; cette dévaluation
induit des nouvelles demandes de crédits bancaires qui dopent la dette. C'est
l'un des « effets Cantillon» qui suppose une non neutralité de J'inflation sur
la répartition des revenus. CantilIon est un économiste irlandais du début du
XVIIIe siècle qui assure la transition entre J'interventionnisme mercantiliste et
le mouvement physiocrate français qui lui doit la plupart de ses analyses.
107
correct d'écrire, dans l'esprit de l'analyse de Fisher, cette
relation par r = rr + p. En effet, comme néoclassique, il raisonne
directement en taux d'intérêt réel, le taux nominal étant
déterminé par le taux d'inflation anticipé dû à sa théorie
quantitative, donc à son « équation des échanges» Mv = PT, à
ne pas confondre avec sa « relation ».
Les mécanismes de la période de transition sont complexes
et font intervenir les deux types de monnaies, fiduciaire et
scripturale, et leur vitesse de circulation respective avec
Mv + M'v' = PT. Mais le plus important est que l'on peut donc
déjà déceler chez le Fisher de 1911 une théorie monétaire du
cycle des affaires.
L'inflation provoquée par la trop grande expansion du crédit
bancaire dope la croissance, par rr trop bas (effet retard). On
arrive donc à une situation de surconsommation et de
surcapitalisation. À la fin, r rattrape et même dépasse p et l'on
arrive au sommet du cycle. La crise se déclenche car les
demandes de crédits bancaires d'entreprises en difficulté font
augmenter r, des entreprises font faillite et la crise commence,
avec la baisse des prix. Fisher ne fait aucune référence à une
éventuelle baisse anticipée de la demande ou à une baisse des
rentabilités anticipées des entreprises; il n'est pas keynésien!
La cause de la crise n'est que monétaire: le laxisme du crédit
bancaire trouve en fin de cycle sa limite et la cause même de sa
contraction. Selon cette optique, l'Etat peut éviter la crise en
injectant des liquidités. Ce qu'il n'a pas fait en 1929-1930, au
contraire; ce que Fisher regrettera... un peu tard.
Cette théorie, qui se développe de 1911 à 1930, aboutit après
le krach de 1929 à celle de la « déflation par la dette.
Fisher (1933), mentionne le poids croissant de la dette et son
risque: avant (on l'a indiqué) ; mais aussi après le
déclenchement de la crise. Avant, car l'endettement croissant
fait de plus en plus courir de risque aux banques. À la moindre
alerte, on cherche d'un côté le désendettement, de l'autre la
récupération de ses créances: presque toutes les crises
financières commencent ainsi sur les marchés financiers, en
particulier par des faillites bancaires. Mais surtout après, car
selon Fisher - qui se moque donc évidemment de ce qui
deviendra le principe de demande effective de Keynes - les
entreprises vendent à tout prix pour assurer leur liquidité et
rembourser: les prix baissent par une sorte d'excès d'offre, pas
par une contraction de la demande. La crise est déclenchée, et
les prix (et le niveau d'activité) baissent; le poids de la dette
devient de plus en plus lourd par la déflation et un cercle
infernal se déclenche: plus on rembourse la dette, plus son
poids devient élevé, plus l'on est tenté de baisser encore les prix
d'offre pour dégager du« cash », etc.
108
Fisher propose une solution radicale: pour éviter les dérives
du crédit bancaire, il suffit de contrôler drastiquement
l'émission des banques privées en gageant les crédits sur les
réserves des banques. Le crédit ne peut pas dépasser la quantité
de monnaie centrale possédée par les banques: c'est la
« Monnaie à 100 % de Fisher!.
1 Dans sa seconde version, environ une dizaine d'années plus tard, Hayek
(1939, 1969 et 1941) tient également compte de ce qu'i! nomme, en le
baptisant, \' « effet Ricardo» où les variations du taux de salaire réel font
varier les rentabilités. Rapidement: une augmentation des salaires fait chuter
la rentabilité; on ne développera pas ici l'application qu'en fait Hayek.
110
33 Théories réelles des cycles: la
prépondérance du taux de profit
1 Voir plus haut le finance motiv de Keynes qui lui ressemble fort, et Castex
(2003). Si les capitalistes n'accumulaient pas de la monnaie quand ils
commandent des biens de capital fixe lourds dont la durée de production est
longue, la demande qu'ils exprimeraient pour les biens de consommation se
heurterait à une offre insuffisante. C'est l'exact complément de la vision de
111
plus-value est le principal symptôme de la crise. Autrement dit,
la crise ne s'explique pas par la thésaurisation qui induit, par la
demande, une surproduction, mais par la recherche de la
réalisation du taux de profit « désiré », par l'offre. En effet, en
cas de crise de surproduction due à la thésaurisation de certains
agents refusant de consommer ou d'investir, les capitalistes
devraient accepter une baisse des prix et donc une baisse de la
masse et du taux de profit; les marchandises en surproduction
pourraient être écoulées, et la question des débouchés résolue.
C'est le génie de la flexibilité néoclassique des prix sur les
marchés, génie qui oyblie le taux de profit qui, d'ailleurs,
n'existe pas pour eux. A la limite, la question des débouchés ne
pose pour Marx que celle du taux de profitl.
112
naturel de simple reproduction de la force de travail. La
deuxième est le progrès technique et la recherche des gains de
productivité qui ont accru fortement, par les investissements en
capital fixe, le capital constant.
On peut résumer ainsi cette « théorie» de la
suraccumulation :
e (censé décroître)
re (censé décroître plus
1 + Q (censé augmenter, fortement qu'en tendance
par la croissance relative de C, longue)
malgré celle de V)
114
effective, pourtant déjà évoquée avant lui par Sismondi et
Malthus, due à ces déséquilibres dans le cycle. Il l'évoque bien
de temps en temps (( Il arrive un moment où le marché semble
trop étroit pour la production») ; mais c'est toujours le taux de
profit qui prime. La thésaurisation « possibilité de crise, mais
seulement possibilité» peut expliquer que l'excès d'épargne des
capitalistes, dans ce cas thésaurisée, puisse être utile. Mais la
sous-consommation ouvrière n'a rien à voir avec cela.
John Kenneth Galbraith (1961, 1989)1 est à cet égard on ne
peut plus clair: la crise déclenchée en 1929 serait due à la forte
croissance de la production industrielle (croissance de 1919 à
1929 de la productivité du travail de 43 %, ce qui ne fait qu'un
taux moyen annuel de 3,6 %), en particulier automobile, alors
que les salaires augmentaient à peine (la fordisme était loin
d'être généralisé). Les inégalités de revenus étaient criantes
(5 % de la population recevant le tiers des revenus). La
structure financière des sociétés américaines en holdings
accélérait les versements de dividendes, ce qui boostait la
bourse. Les profits et la spéculation boursière en profitèrent, en
consommant en biens de luxe (dont les automobiles), cette
manne financière. Jusqu'au jour où la contradiction est
apparue: le jeudi noir d'octobre 1929.
Lescure (1938) pensait de même, cité par Rosier: « Les
hésitations de la prospérité dans l'industrie automobile ont
précédé le krach. Mais celui-ci a joué un rôle décisif dans
l'évolution de la crise industrielle en faisant disparaître un
élément essentiel de "surconsommation" : les plus-values de
bourse. On ne peut assurément dissocier les phénomènes réels
des phénomènes monétaires ».
Toutes ressemblances avec la situation actuelle seraient
purement fortuites... Sauf que la crise de 1929 ne semble pas
être la conséquence de la baisse du taux de profit2,
contrairement à la crise actuelle, mais celle des phénomènes
présentés par Galbraith. Exactement en opposition avec la thèse
de la suraccumulation de Marx.
l'on constate que, plus tard, la crise des subprimes sera la conséquence de la
recherche des profits par les banques pour donner un toit aux pauvres...
I Les salariés étant exploités par la « plus-valeur il, l'ancêtre de la plus-value
de Marx, ils ne peuvent consommer tout ce qu'ils ont produit. C'est oublier la
dépense possible des capitalistes, dont l'investissement. Sismondi considère
cependant que les capitalistes ne pourront investir toute leur épargne,
justement par la limite de la consommation ouvrière. C'est le fondement de la
théorie de la sous-consommation et, fondamentalement, de l'insuffisance
d'investissement.
117
XVIIe siècle, également dans la Fable des abeilles de Bernard
de Mandeville (en 1705) et Lord Lauderdale (en 1804). Cette
théorie de l'excès d'épargne fut reprise par Hobson (en 1889 et
1895).
Par ailleurs néanmoins, il affirme souvent, anticipant
Wicksell et Hayek, que c'est, au niveau macroéconomique,
l'insuffisance d'épargne et l'excès d'investissement qui seraient
la cause de la crise. C'est encore la question du « timing» qui
est en cause: avant et après la crise. Il avance pourtant, à
l'inverse, la thésaurisation en tant que différence entre l'épargne
et l'investissement comme l'une de ses causes; on peut penser
qu'il raisonne bien en flux de revenu monétaires et finit par
pencher plutôt pour un excès d'épargne monétaire: critique
explicite de la loi de Say. Mais cet aspect monétaire reste
élémentaire, lui vaut des railleries et n'est pas
développé. Quand il admet l'excès d'épargne et l'insuffisance
de l'investissement, il anticipe par contre néanmoins les thèses
de Keynes 1.Malthus, anti-libéral ici car soutenant les
propriétaires fonciers, verra dans ces derniers une bouée de
sauvetage de la crise: leur consommation somptuaire
remplaçant (au moins partiellement) les investissements des
capitalistes industriels.
1
Il ajoute même un paragraphe sibyllin (le point V du chapitre 22 sur le cycle
économique) où on lit en filigrane une critique de la réduction du temps de
travail. Il pensait aux réformes qui verront le jour avec le Front Populaire
français.
119
Chapitre IV
Les marchés financiers et les bulles:
des mécanismes propres
relativement détachés des cycles réels
121
41 - La valeur fondamentale des actions existe-
t-elle ?
* Le « PER»
L'instrument de base, la boussole des boursiers est le PER,
(Price Earning Ratio). Le PER, ou multiple, ou coefficient de
capitalisation, est le rapport entre la valeur de marché de
l'action et le bénéfice par action, le BPA (attendu pour l'année
en cours en général), ou, au niveau global, entre la capitalisation
boursière et le bénéfice de l'entreprise. Sauf que cette analyse
est absurde si les bénéfices actuels n'ont rien à voir avec les
bénéfices futurs. Par exemple pour les fameuses Start up de la
E-Economy, la Nouvelle économie dont le krach de 2000 s'est
généralisé à toutes les valeurs boursières.
En notant Bf le bénéfice global ou par action et V la valeur
de l'action ou la capitalisation boursière, PER = V / Bf. Son
inverse approche la rentabilité financière nette effective des
1
valeurs boursières : rf = 1 / PER = Bf / V. Il peut apparaître
absurde d'estimer les bénéfices futurs par le bénéfice actuel. En
effet, le moindre bénéfice annoncé un peu inférieur au bénéfice
attendu fait chuter les cours, c'est le « profit warning », la mise
en garde, l'avertissement. On pourrait en déduire que la bourse,
de par sa nécessaire liquidité - elle est faite pour ça - tend à être
courtermiste, en contradiction avec les fondamentaux qui
supposent la prise en compte du long terme. Ce n'est pas si
absurde: si l'on considère que le bénéfice actuel est « normal »
et s'il est possible d'estimer ensuite son taux de croissance
annuel, le profit warning doit bien faire baisser V. C'est la
question de la détermination de la « valeur fondamentale» des
actions.
I Voir plus haut. Les actionnaires actualisent en fait les flux de cash en
dividendes; mais Modigliani et Miller ont montré que la politique de
distribution était neutre sur les valeurs de marché: on prendra donc les
bénéfices futurs.
2 rf = Bf / V = Bf / [Bf / (rID - g)]
= rID - g, d'où rID = rf + g; ce qui
ressemble au calcul (mais avec le dividende d et non le bénéfice Bf) présenté
plus haut du taux de rentabilité financière désiré de Gordon et Shapiro.
BfA est Ie bénéfice qui, actualisé avec rID, donne V, donc V = Bf / (rID - g)
4= BfA / rID ; d'où l'expression de BfA en fonction du Bf actuel.
Si rID = 5 % et g = 1 %, BfA / Bf= 1,25, soit 25 % d'augmentation.Avec
g = 2 %, on passe à 1,67 soit 67 % d'augmentation; avec g = 4 %, on obtient
une augmentation de 500 %.
123
422 - Deux points de vue opposés et une synthèse?
* L'existence de la valeur fondamentale fonde la théorie
dominante des marchés efficients
La théorie financière dominante concernant les marchés
financiers est celle de leur « efficience ». Elle suppose que, par
une information parfaite, V peut être connue, du moins
approchée de façon « rationnelle ». Cette connaissance ne peut
être « parfaite» puisqu'il s'agit du futur. Cependant, ce futur
(ici seulement celui de g et de RID, le présent étant connu pour
Bf et r) n'est pas choisi au hasard, « psychologiquement », mais
est le fruit d'un calcul de probabilité: c'est 1'« espérance
conditionnelle» tenant compte de toute l'information
disponible renvoyant aux « anticipations rationnelles» de la
Nouvelle école classique. Dans ce cas! «H' la valeur
fondamentale préexiste objectivement aux marchés financiers et
ceux-ci ont pour rôle central d'en fournir l'estimation la plus
fiable et la plus précise. ... l'évaluation financière ne possède
aucune autonomie ... ». Sans connaissance possible de V, il n'y
a pas de marchés efficients.
1 Voir les deux livres et, pour une critique, Castex (2003 et 2007).
2 Il fut l'un des principaux auteurs de l'école de la régulation, avec son livre
publié en 1976 Régulation et crise du capitalisme: l'expérience des Etats-
Unis.
3 On peut citer, entre autres, Boyer (1986).
4 Citons Veblen il y a un siècle et les « radicaux» américains, dont John K.
Galbraith.
125
taux de profit devient un détail pour expliquer un krach
boursier.
Et l'on retrouve la faiblesse du raisonnement de Keynes et
de son « concours de beauté» analysé plus loin. Et l'on revient
à la théorie de la convention du même Keynes, où les croyances
partagées d'un groupe social se polarisent, selon Orléan : sur
des « saillances à la Shelling », ou un « point focal» \ Ie prix de
marché.
Alain Lipietz (1995) estimait que la théorie de la convention
était une déviation de la théorie de la régulation abandonnant
les paradigmes marxistes2 pour les remplacer par des sortes de
mythes. Les mythes dont la principale caractéristique est d'être
« oubliés », refoulés dans l'inconscient collectif. Il critique en
passant le «paradigme du carrefour» où une «convention
intériorisée (et non renégociée à chaque instant)>> celle du
code de la route, évite les collisions. Il note avec humour:
« L'ennui, c'est que le paradigme du carrefour est vieux comme
le monde, et que les anciens n'étaient pas dupes. Sur la route de
Thèbes à Corinthe, un Vieux Mâle rencontre un éphèbe et
anticipe "conventionnellement" sa priorité. Le fils rebelle sans
le savoir tue le père: on en parle encore ». Le vieux mâle, c'est
Laïos, le jeune éphèbe Œdipe.
1
On y reviendra.
2 Il s'agit de faire des simulations de marchés avec des cobayes, un peu
comme les jeux en stratégie d'entreprise, pour tenter de tester « in vivo» des
hypothèses théoriques. Pour tous les marchés, sauf les marchés financiers, les
résultats sont probants, par exemple même sans l'hypothèse de concurrence
parfaite.
127
42 - La théorie néoclassique des «marchés
efficients» : la valeur fondamentale des actions
existe mais la bourse est une «marche au
hasard»
1 Cette théorie fut reprise par Hamilton jusqu'en 1929 où ce dernier prédit,
dans son éditorial du Wall Street Journal du 21 octobre 1929, le reflux de la
marée (The Turn in the Tide) qui allait se produire quelques jours plus tard.
Mais il avait déjà joué plusieurs fois les Cassandre, en se trompant...
2 On apprend dans le livre cité Histoire de la finance (2005) que les Français
Lefèvre et Regnault avaient déjà introduit une « science de la bourse» et une
théorie financière que Bachelier formalisera.
128
gros référence à ce qui deviendra la théorie des trois stades,
rappelée brièvement plus loin, de l'efficience des marchés: la
faible, la semi-forte et la forte. On peut également trouver là les
prémisses de l'analyse de Keynes des conventions et du
mimétisme étudiés plus loin.
Bachelier estime donc que « L'espérance mathématique du
spéculateur est nulle ». Ceci ne remet pas en cause le fait que la
bourse gagne toujours sur le long terme (le profit ne provient
pas du risque mais du surplus économique dégagé), mais le fait
qu'il est statistiquement impossible en moyenne de gagner plus
que ce trend. Bachelier fait donc référence à ce qui deviendra
l'efficience des marchés: « Clairement, le prix considéré par le
marché comme le prix probable est le prix courant: si le
marché en jugeait autrement, il ne coterait pas ce prix mais un
autre prix plus élevé ou plus bas)/ Ce que l'on nomme
maintenant pour les marchés financiers la marche au hasard,
« the random walk ».
L'effet de la crise à partir de 1929 va doper les recherches
concernant les prévisions boursières, et l'on retrouvera
Bachelier, mais seulement en 1950.
I
Bachelier, cité par Bernstein (op. cit.). Le hasard est tel que l'amplitude des
fluctuations du marché est proportionnelle à la racine carrée du temps,
exactement comme le mouvement brownien des molécules d'un gaz.
2 En 1967 ; on fait plus souvent référence à Fama, en 1970 ; Fama traite plus
spécifiquement des tests empiriques.
129
Les professionnels ne battent jamais le marché
statistiquement, ce qui correspond parfaitement à la théorie de
l'efficience. Savage et P. A. Samuelson tombèrent par hasard
sur la thèse de Bachelier. Bien que keynésien, Samuelson
n'adhère pas à la théorie du marché boursier « casino» de
Keynes mais admet « qu'il n y a rien de bien net à propos de la
valeur des titres », ce sont des «prix fantômes» et le prix de
marché actuel en est sa meilleure évaluation, si l'accès à
l'information correspond à une situation de marchés efficients.
Samuelson admet, comme Bachelier, que l'espérance
mathématique d'un surprojit par rapport à un trend de
croissance de valeur des titres est bien nulle, mais la croissance
des cours suit en fait en moyenne le taux de croissance
économique. Ce qui revient à affirmer que le rendement réel
moyen espéré se cale sur le taux de croissance de l'économie,
ce qui correspond aux modèles macroéconomiques de
croissance: il y a bien derrière la répartition des profits selon le
risque et les aléas, un taux de profit moyen produit « quelque
part ».
130
de maximiser en fait sa rémunération liée à son prestige en
gagnant des parts de marché, en diversifiant les activités
(formation de conglomérats). Ce faisant il n'assure pas
obligatoirement la maximisation du taux de profit de ses
mandants ni celle de la valeur boursière de la firme.
Cette thèse fut critiquée « par la gauche» en rappelant que
les propriétaires restent les patrons, par les « contrôles de
minorité» : il suffit de posséder quelques pour cent des actions
ou des droits de vote pour contrôler le Conseil d'administration
si le reste de l'actionnariat est très dispersé. Elle fut aussi
critiquée « par la droite» qui maintient que la gestion doit bien
être « Stockholder-oriented », c'est-à-dire que le but de la firme
est bien la maximisation de la capitalisation des titres de
propriété.
131
théorie de la rationalité limitée du Nobel américain Simon
(1951; 1955; 1991), dont Williamson tient compte, avait
auparavant jeté une autre pierre dans le jardin néoclassique en
notant les comportements opportunistes des agents
économiques, notamment dans les relations du travail. C'est la
théorie comportementale ou, en anglo-américain, behaviorist.
L'asymétrie de l'information trouve donc sa source dans
l'analyse économique avec Akerlof et son exemple des voitures
d'occasion (des « lemons» en anglo-américain( La théorie des
signaux met l'accent sur cette asymétrie de l'information et
donc sur l'importance de la politique de communication des
dirigeants. La théorie de l'agence met en avant les coûts
(...d'agence) liés aux contradictions résolues par contrat entre
les mandataires ou « agents» (les managers) et les mandants,
ou « principals» - en franglais - (les actionnaires et, dans une
certaine mesure, les créanciers). On aboutit ainsi à différents
traitements théoriques des conflits entre managers et apporteurs
de capitaux et enfin à la « gouvernance ».
Le manager, l'entrepreneur relooké, n'est plus indépendant
des actionnaires. Le renversement « politique» est maintenant
complet: le « coût du capital» pour l'entreprise et ses
managers, avec le débat des pour et des contre le théorème de
Modigliani-Miller, redevient clairement une « rentabilité» pour
les actionnaires qui sont devenus dominants alors qu'ils étaient
dominés dans l'ère manageriale. La reprise en main, surtout aux
Etats-Unis, du pouvoir par les actionnaires (par les fonds de
pension en particulier) remet à l'honneur le bon vieux
capitalisme traditionnel des propriétaires: la théorie du
gouvernement d'entreprise sous forme de sociétés de capitaux,
la Corporate Governance. Cette théorie propose de mettre en
place des instruments de contrôle dans les Conseils
d'administration ou de surveillance ainsi que l'intéressement
des dirigeants.
Il est facile de prétendre, après les affaires Enron, Vivendi et
bien d'autres, dont la gestion bancaire qui a abouti à la crise des
subprimes, que l'efficacité de la méthode reste encore à
démontrer. La régulation capitaliste microéconomique et sociale
par les actionnaires et leur gouvernance pose d'ailleurs celle de
la régulation macroéconomique du capitalisme.
1
Si l'information des acheteurs concernant la qualité du produit est
imparfaite, on aboutit à l' « antisélection» où le prix n'est plus un critère de
choix; cette théorie s'est développé dans l'économie du marché des
assurances.
132
43 La théorie du mimétisme et son
développement: la « finance autoréférentielle »
134
contraintes de court terme: la liquidité des marchés. Keynes
éclaire parfaitement ce point de vue. Il existe bien une certaine
rationalité au comportement courtermiste que permet la parfaite
liquidité boursière; celle-ci peut être en contradiction avec les
fondamentaux, elle fait pourtant la rationalité boursièrel,
Keynes préférait un mariage long au papillonnage des
spéculateurs: « Devant le spectacle des marchés financiers
modernes, nous avons parfois été tenté de croire que si, à
l'instar du mariage, les opérations d'investissement étaient
devenus définitives et irrévocables, hors le cas de mort ou
d'autre raison grave, les maux de notre époque pourraient en
être utilement soulagés; car les détenteurs de fonds à placer se
trouveraient obligés de porter attention sur les perspectives de
long terme et sur celles-là seules ». Keynes nous propose là, ni
plus ni moins, que la suppression de la bourse, ce « casino» : le
mariage plutôt que les liaisons éphémères et dangereuses. Mais
dans ce cas, plus de marché de la monnaie, plus de spéculation
possible dont ce marché n'est que l' « envers» : ce sont en effet
les valeurs boursières anticipées qui déterminent la préférence
éventuelle pour la liquidité. Pour une fois, Keynes nous
explique donc clairement le fondement de « l'appel de
liquidité»: l'offre de titres dont on croit qu'ils vont baisser
contre une demande de monnaie.
I
« Et cette attitude ne résulte pas d'une aberration systématique, elle est la
conséquence inévitable de l'existence d'un marché financier organisé ... Il ne
serait pas raisonnable en effet de payer 25 pour un investissement dont on
croit que la valeur justifiée par le rendement escompté est de 30, si l'on croit
aussi que trois mois plus tard le marché l'évaluera à 20. Pour l'investisseur
professionnel, c'est donc une obligation de s'attacher à anticiper ceux des
changements prochains dans l'ambiance et l'information que l'expérience fait
apparaître comme les plus propres à influencer la psychologie de masse du
marché. Telle est la conséquence inévitable de l'existence de marchés
financiers conçus en vue de ce qu'on est convenu d'appeler" la liquidité ". De
toutes les maximes de la finance orthodoxe, il n'en est aucune, à coup sûr, de
plus antisociale que le fétichisme de la liquidité, cette doctrine selon laquelle
ce serait une vertu positive pour ces institutions de placement de concentrer
leurs ressources sur un portefeuille de valeurs" liquides". Une telle doctrine
néglige le fait que pour la communauté dans son ensemble il n y a rien qui
corresponde à la liquidité du placement. Du point de vue de l'utilité sociale
l'objet de placements éclairés devrait être de vaincre les forces obscures du
temps et de percer le mystère qui entoure le futur. En fait l'objet inavoué des
placements les plus éclairés est à l'heure actuelle de "voler le départ ",
comme disent si bien les Américains, de piper le public, et de refiler la demi-
couronne fausse ou décriée». La « vieille fille» dans le jeu anglais de snap,
jeu de carte ressemblant à notre « pouilleux ».
135
Le concept de bourse casino chez Keynes, archi cité, est peu
clair. Cette bourse casino devrait être liée au simple hasard; or
le casino ressemble moins à la bourse que cette dernière aux
courses de chevaux où existent des fondamentaux: on joue le
favori (mimétisme), sauf quelques risk takers, l'outsider, et un
ou deux fous, le tocard. Keynes préfère la référence au casino
où pourtant l'aléa absolu ne peut en aucun cas induire le
mimétisme. En lançant le concept de bulle financièrel, il précise
l'opposition entre l'intervention sur les marchés financiers par
le « comportement d'entreprise », lié aux fondamentaux, et le
« comportement spéculatif» au sens dépréciatif du terme qui
l'amène à son image du casino, casino signifiant surtout que
l'on ne place pas pour les revenus attendus mais pour les gains
immédiats en capital2. Le marché devient un « marché foule ».
Le spéculateur jouant contre le marché aura donc
probablement changé la convention; Keynes approche donc la
contradiction fondamentale du marché boursier et est très
critique envers le comportement spéculatif et la rupture de la
convention. Il en arrive à penser, malgré ses travaux sur les
probabilités qu'il cite d'ailleurs dans ce chapitre, que
« Lorsqu'on évalue les perspectives de l'investissement, il faut
tenir compte des nerfs et des humeurs, des digestions même et
des réactions au climat des personnes dont l'activité spontanée
les gouverne en grande partie ». Autre grand classique de la
Théorie générale qui renvoie bien à l'aléa total et au casino.
1
La reprise de la métaphore du « concours de beauté» de Keynes pour fonder
la théorie mimétique, malgré sa formalisation mathématique, ne nous
convainc guère plus que la présentation originale de Keynes.
140
marchés qui détermine les cours 1. Orléan reconnaît par ailleurs
que la « convention d'interprétation» n'est pas non plus très
éloignée de la valeur fondamentale, sauf que cette valeur est
filtrée par des modèles d'interprétation, des paradigmes qui
peuvent être remis en cause à tout instant.
Ces processus induisent l' « individualisme patrimonial» et
la jinanciarisation. Il s'agit du dernier chapitre avant la
conclusion du livre d'Orléan (1999) renvoyant aux méthodes
d'influence des fonds de pension sur le management des
entreprises dont ils contrôlent en général une forte minorité.
Elle ne passe pas par les Conseils d'administration mais par
l'influence médiatique.
Mais on peut tout aussi bien y arriver à l'aune de la théorie
de l'efficience des marchés.
143
51 - La détermination du taux d'intérêt à
partir du taux de profit par la double
spéculation: la « théorie pure », sans les
« frottements sociaux» des banques « machines
sociales à déthésauriser»
* Vision orthodoxe: r -7 V
Le lien de causalité le plus commun, déjà présenté plus haut,
pour lier r et les valeurs de marché V des titres longs
(obligations et actions) est celui qui va de r vers V (r -7 V) : si r
augmente (versus diminue) pour des bénéfices futurs anticipés
donnés des actions, la valeur des actions comme des obligations
diminue (versus augmente), V étant le rapport des revenus
anticipés sur le taux d'actualisation. Pour les obligations, dans
le cas où le remboursement est lointain, cette valeur est le
rapport du coupon, parfaitement connu pour des obligations à
taux fixes, au taux d'intérêt r, en négligeant la prime de risque
sur les obligations. Pour les actions, c'est le rapport des
bénéfices financiers anticipés BfA, difficiles à connaître, et du
taux de rentabilité désiré rID, égal à r plus la prime de risque
1
désirée par les actionnaires : V = BfA / rID.
Dans ce cas, le taux d'intérêt ne peut plus s'expliquer que
par la théorie néoclassique du marché des fonds prêtables2 ou
par celle du taux d'intérêt variable monétaire induit par la
politique monétaire keynésienne. Il est de toute façon exogène
au taux de profit moyen non maximisé selon les techniHues
néoclassiques et keynésiennes de choix des investissements3.
I
On prend ici le bénéfice moyen anticipé qui peut être calculé en fonction du
taux de croissance annuel des profits g à partir du bénéfice actuel Bf; voir
plus haut.
Ou par celle des néoclassiques autrichiens, de Menger à Bohm-Bawerk.
3 Voir plus haut.
144
* Vision nouvelle: V ~ r, mais seulement en « théorie pure»
Mais on peut inverser l'analyse, dans le cadre d'hypothèses
restrictives critiquées plus loin (en particulier l'absence de
crédit bancaire et de politique monétaire). On peut montrer, au
niveau macroéconomique, qu'une variation générale des profits
anticipés BfA, donc des taux de profit, donc des valeurs de
marché des actions VA, influence les valeurs de marché des
obligations V0 et donc r : la causalité va dans ce cas de VAvers
r (V ~ r). Par quel processus? Si, pour un taux d'intérêt r
(provisoirement) donné, est anticipée une brusque augmentation
(versus une brusque diminution) des BfA, la valeur de ces
actions VA augmente (versus diminue), la valeur des obligations
V0 va baisser (versus augmenter) par arbitrage. On délaisse
(versus on se précipite vers) les obligations] pour les actions
(versus on les délaisse); ce qui entraîne une augmentation
(versus une diminution) de r. On en déduit qu'une variation des
taux de profit anticipée induit une variation dans le même sens
de r. Comme chez Smith, mais par la double spéculation sur les
marchés secondaires actions et obligations, et avec des taux de
profit anticipés et effectifs le taux d'intérêt n'est
fondamentalement qu'un avatar du taux d,e profit, ici des
rentabilités financières des capitaux propres. A condition que la
prime de risque désirée par les actionnaires, RID, ne se modifie
pas ou très peu. En effet, rappelons que le taux de rentabilité
désiré par les actionnaires pour actualiser BfA, est
rID = r + RID, et rappelons que BfA se déduit du Bf actuel par
BfA = [(rID f(rID - g)]Bf.
u
2 - v, -",:</(r +RtD)
-
BfA
f>
.
[ pour un r donné,
5-VA"
...
/??
3 - Vo par arbitrage
~
.
/ C--~Zi~oa~~---''')
~
~
/'
1
Si le taux de rentabilité des actions augmente, les obligations deviennent
moins rentables: une majorité les vend; sauf ceux qui ne croient pas au boom
des profits; et il doit y en avoir, sinon pas de contreparties!
145
Le schéma qui précède résume la séquence quand le profit
anticipé augmente; mais une rétroaction, problématique,
apparaît.
BfA
~ 3 J.
B
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I
Une baisse générale des prix dans une éventuelle récession augmente
l'encaisse réelle (masse monétaire corrigée de l'inflation) : les agents étant
plus riches, la demande augmente donc. Et la récession serait donc
impossible! C'est oublier les effets sur les revenus et leur répartition ainsi que
les anticipations: la baisse des prix incite à penser que le mouvement va
continuer; on retarde donc ses achats, ce qui dope la récession.
146
Il n'empêche que l'intervention de la rétroaction de r amortit
le cycle de V para rapport à celui de BfA. Cette stabilisation
relative n'apparaît pas dans la réalité. En effet, comme pour
l' «illusion monétaire» des monétaristes avec Milton
Friedman, il peut exister ce que nous avons nommé l' « illusion
de la valeur présente (sinon passée) des taux d'intérêt ». Et les
cycles boursiers réapparaissent, amplifiée par cette illusion. En
effet, un boom des profits anticipé par les actionnaires d'un
certain pourcentage va se traduire immédiatement par un boom
de V des actions dans une proportion proche (mais non
équivalente, par l'intervention de RID) si le taux d'intérêt r pris
en compte ne varient pas immédiatement. Puis,
progressivement, par les « anticipations adaptatives », toujours
à la Friedman, r va grimper, mais avec retard, faisant baisser V.
Mais au moindre « profit warning» généralisé, on continuera à
utiliser le même r alors que les profits anticipés seront en
baisse, ce qui fera chuter V nettement plus que de raison. Grave
retard d'adaptation, d'autant plus que c'est justement le moment
où les risques de faillite vont peut-être contraindre les banques à
hausser réellement les taux courts (induisant un e{fet de levier
de l'endettement très négatif, un effet de massue). A la fin de la
récession, les taux d'intérêt seront à leur étiage, suivant
l'écroulement des taux de profit. Lors de la reprise, le moindre
frémissement des taux de profit sera actualisé avec ces faibles
taux, toujours avec retard. Et la bulle repartira de plus belle...
Le graphique suivant illustre le processus selon la durée du
retard d'adaptation de r. Plus le décalage de période est
important, plus le processus de rétroaction est déstabilisant].
..
E 14 Retard 1 période
" 12.
.S
'" Retard 10 période
...
(J
A Retard 20 période
~ 10
"0 -+- Retard 30 période
.:2
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~ ~ ~
000
~ 00 ~
0
0
N
1
Ces effets généraux cycliques des retards d'adaptation sont bien connus; il
s'agit des « décalages» de RQbertson (entre les revenus obtenus et leur
dépense) et de Lundberg, de l'Ecole suédoise, (entre la demande globale et
l'offre).
147
512 - Les indéterminations selon le « ratio q» de Tobin et
la création de valeur actionnariale
I
Ces hypothèses réductrices nous permettent quelques simplifications et
renvoient simplement au calcul des valeurs de marché des titres.
2 V = 10 / 0,08 = 125 : il faut en effet placer 125 pour obtenir, avec un reD de
8 %, IOde profit.
3 Soit par exemple un investissement de 100 qui rapporte chaque année BeA =
10. Si reD = 8 %, la somme des cash flows actualisés est de 125 (10 / 0,08)
donnant une VAN de 25; cet investissement est rentable comparé à
l'investissement en titre de 125 donnant le même profit. On a ici VAN =
V - K. S'il n'avait rapporté que 90, la VAN aurait été de -10 et l'on aurait
perdu ce montant.
Dans l'exemple numérique proposé, on obtient (100 + 25) /100 = 1,25, soit
25 % de gain par rapport à l'investissement.
5 Dans notre exemple, le TIR de l'investissement de 100 rapportant 10 jusqu'à
l'infini est évidemment de 10 %; reA est supérieure à reD (= 8 %) et
l'investissement est donc rentable.
149
une valeur VK = BeA / reD: la boucle du ratio q de Tobin est
bouclée!
Le ratio q selon l'approche précédente peut donc être
interprété comme le rapport] q = reA / reD. Ce qui renvoie à
l'analyse de la création de valeur actionnariale.
1 Cette « destruction» - les mots sont très forts - peut apparaître alors que
l'entreprise est parfaitement bénéficiaire. Si par exemple l'entreprise dégage 7
de profit, elle sera rentable - sa rentabilité comptable étant de 7 % - mais
détruira de la valeur pour l'actionnaire qui s'attendait à 8 %. En effet l'EV A
deviendra (7 % - 8 %) x 100= - I.
2 Pour une critique plus approfondie de l'analyse EVA-MV A, en particulier le
problème de la persistance du même reD pour actualiser l'EV A, malgré la
croissance des profits, voir Castex (2003). On va cependant en toucher un mot
ci-dessous.
3
Ici MV A = 2 / 0,08 = 25.
4
Ici elle devrait être de 125 = 100 de K + 25 de MVA. L'analyse
traditionnelle aurait trouvé la même valeur boursière en actualisant à 8 % le
bénéfice réel actuel considéré comme une estimation des bénéfices futurs
constants jusqu'à l'infini: 10 / 0,8 = 125.
5 MVA + K = [(re
- reD) K / reD] + K = reK / reD = BeA / reD.
151
les techniques du « benchmarking» l, tentant de déceler les
causes des bons critères de performance des autres pour
améliorer les siens: les reD de ces secteurs sont alors
rapidement revues à la hausse.
Au niveau macroéconomique qui nous intéresse, la
conservation de la reD ancienne n'a plus de sens. Si toutes ou la
plupart des entreprises bénéficient d'une EVA née d'une
amélioration des profits économiques i1Be, les valeurs de
marché au sens de Tobin vont, avec la reD donnée, devenir:
V = (Be + i1Be) / reD, et q, avec K = Be / reD, va devenir:
q = V / K = 1 + i1Be / Be , avec 1 - q = i1Be / Be
156
52 - La double spéculation est perturbée par le
crédit bancaire et la politique monétaire, entre
autres: les «frottements sociaux »
157
le cas d'une croissance boursière établie sur des anticipations de
croissance de la rentabilité économique qui se réaliseront, le
boom boursier accompagnera cette croissance (ce fut le cas aux
Etats-Unis avant 1929). Mais attention à ne pas renverser la
vapeur si l'on craint une bulle spéculative finale. Dans le cas
d'une bulle spéculative dès le départ du processus, elle éclatera
rapidement, comme la dernière bulle de la E-Economy en 2000.
Dans les deux cas, les arbres ne montent pas jusqu'au ciel, et la
modification de la répartition des revenus entre le travail et les
capitaux entraînera toujours une crise: celle de la demande
effective de Keynes.
1
Mais cette « épargne préalable» peut provenir d'un crédit bancaire: on
emprunte pour acheter en bourse.
2
C'est de plus en plus ce que font les banques qui se financent sur les
marchés financiers, de capitaux et monétaires, ce qu'on appelle en général la
marchéisation.
3 Elles créent en fait de nouveaux moyens de paiement puisque, dans notre
exemple, le déposant peut faire des chèques d'un montant couvert par son
dépôt (monnaie scripturale) tandis que le bénéficiaire du crédit bancaire peut
dépenser la monnaie fiduciaire obtenue. Une banque peut d'ailleurs prêter de
l'argent qu'elle ne possède pas, c'est son métier, en ouvrant un compte au
bénéficiaire du crédit, donc directement en monnaie scripturale: les crédits
font les dépôts. Est-ce de la « vraie» ou de la « fausse» monnaie? Peut-être
la banque n'a-elle fait qu'accélérer la vitesse de circulation de la monnaie. On
peut penser, répétons-le, que les banques ne sont que des « machines sociales
à déthésauriser» même l'argent qui ne leur est pas offert en dépôt; voir
Castex (2003 et 2007). Leur jeu est risqué, mais il est peu probable que les
déposants en monnaie fiduciaire veuillent tous récupérer en même temps tous
leurs dépôts. La question et les incertitudes de la réponse sont encore
d'actualité à l'aube du troisième millénaire.
159
sont pas les dépôts qui font les crédits (<<deposits make loans»)
mais les crédits qui font les dépôts (<<loans make deposits »).
I
Ce serait, selon les analyses d'Anton Brender et Florence Pisani (2001)
l'explication principale du marasme japonais depuis une décennie.
2 Voir pour une analyse plus approfondie, Castex (2006); ces taux que nous
avons calculé à partir des données de la comptabilité nationale sont supérieurs
aux taux « officiels» publiés par les autorités monétaires ramenant les crédits
bancaires au total des financements de marché: ils passent d'environ 71 % à
moins de 40 % actuellement. Le taux d'intermédiation au sens large qui inclut
la «nouvelle intermédiation» (financement de marché passant par les
banques et les assurances) est plus stable mais en légère baisse.
160
522 - Politique monétaire, taux courts, taux longs et
valeurs des actions
161
prêter plus ou moins et ainsi influencer M. On parle néanmoins
encore de « politique monétaire de masse ».
En Europe de l' « Euroland », le taux d'intérêt est en fait
directement contrôlé (entre une fourchette définie par un taux
plancher et un taux plafond), et c'est donc la liquidité des AF
qui en est déduitel. Le niveau de la liquidité bancaire est en fait
la conséquence d'une «politique de taux» qui, toujours
indirectement, induit M. C'est exactement le contraire du
schéma keynésien où r est induit par M: dans la politique
monétaire habituelle, r ~ M.
163
seconde réaction, est additionnée à la formule, 50 % de l'écart
entre l'inflation observéep et l'inflation objectif admise PO'
rT = rN + PA + 0,5 (y - YPEc)+ 0,5 (p - PO)
164
marché secondaire. Comment peut-on être à ce point aveuglél et
ressasser les litanies ancestrales des néoclassiques qui ne voient,
erreur que répéta Keynes, que le marché des obligations et
préfèrent se crever les yeux devant la dominance du marché des
actions. Comment peut-on garder des œillères ou des lunettes
noires, quand, depuis 1998, les taux longs suivent presque
parfaitement le niveau des cours des actions dans le sens
V ~ r! Cet aveuglement n'est plus du domaine de la théorie
économique et financière, mais du divan des psychanalystes...
167
monétaires se furent assouplies. Quant aux taux de profit dont il
faudra préciser l'évolution, il s'agit de savoir s'ils sont liés ou
non au taux d'intérêt: les premiers induisent les seconds.
Le mélange des deux liaisons rend difficile la vérification
empirique statistique du sens des relations de cause à effet.
Gibson semblait l'avait perçue dans le « bon sens» : théorique.
Mais en contradiction avec les tendances des cycles
Kondratieff; Marx et Hilferding (1910, 1970)1 voyaient aussi
plutôt l'effet inverse pour fonder leur dénégation de la liaison
de Smith entre taux de profit et taux d'intérêt, pour refuser au
taux d'intérêt son origine réelle: ils avaient vu les frottements.
Enfin, les marchés financiers sont encore plus compliqués:
la substitution entre actions et obligations n'est évidemment pas
la seule possible, il est possible, répétons-le, d'emprunter par
crédit bancaire pour acheter des actions et de rembourser les
crédits en les revendant, etc. L'euphorie des actions peut
gagner bizarrement une partie du marché des obligations si
l'arbitrage n'est pas direct, et autres complications: le marché
de l'or valeur refuge ou les taux de change. Par exemple, début
2008, la forte baisse du dollar états-unien peut entraîner une
réticence aux achats des obligations américaines par les
économies qui regorgent de dollar (la chinoise, par ses
exportations, les pays pétroliers, grâce à la manne financière
née du troisième choc). On demandera ainsi un taux d'intérêt
élevé pour compenser le glissement prévu de la devise
américaine: la hausse des taux longs pourra alors accompagner
une baisse des taux de profit et des valeurs boursières si la crise
se prolonge. Et l'on retrouvera r (à la hausse) -7 taux de profit
et V (à la baisse) !
168
Proudhon, dans une certaine mesure de Marx et enfin de
Keynes, de la baisse du taux d'intérêt sur très longue période.
Selon Bénassy-Quéré (1998), « Le lien négatif entre les taux
longs et le cours des actions en France» est à peu près vérifié
depuis une quinzaine d'années, sauf pendant les périodes de
forte expansion (1986-1988). Cette période correspondait
comme par hasard à la bulle et à la crise de 1987.
Autre question: empiriquement, le taux d'intérêt présente en
fait une influence réelle sur l'investissement bien plus faible
que les approches néoc1assique et keynésienne ne lui en
accordent au niveau théorique. Ce qui peut étonner les
orthodoxes mais nous sied parfaitement: le taux d'intérêt est à
la fois un coût et une rentabilité; mais surtout une rentabilité...
Les modèles économétriques utilisés constatent cependant
une certaine sensibilité de l'investissement au taux d'intérêt
réel. Selon J. B. Taylor!, une augmentation d'un point du taux
d'intérêt réel fait diminuer à court terme l'investissement de 0,2
à 0,9 % selon les pays; mais à moyen terme, la sensibilité passe
à environ - 4 % dans la plupart des pays, probablement par les
effets récessionnistes généraux qui agissent indirectement sur
l'investissement. C'est donc la politique monétaire qui prend
encore le dessus sur la liaison à la Smith. Un modèle de la Fed
indique qu'une augmentation d'un point du taux d'intérêt
(nominal à court terme) fait baisser l'investissement d'environ
0,2 à 0,3 points selon les pays la première année, un peu plus la
seconde année et presque rien la troisième année. Qui croire?
Mais, contre ces corrélations négatives, mais contradictoires,
dues aux phénomènes de demande, par l'intermédiaire de
l'investissement, apparaît une corrélation positive à long terme
du taux d'intérêt et de la croissance, par l'offre. C'est donc le
« paradoxe» de Gibson. Paradoxe apparent; en effet en longue
période, les taux d'intérêt réel longs sont censés se rapprocher
du taux de croissance économique en volume, élevés en phase
d'expansion, faibles en phase de récession ou de stagnation.
C'est ce type de liaison positive qui est mis en avant dans les
modèles de croissance; ces modèles se heurtant au phénomène
souvent dominant des taux courts de la politique monétaire!
On peut donc s'étonner de cette remarque suivante du livre
de Bénassy-Quéré (op. cit.) notant une corrélation positive « à
l'encontre de la théorie» entre le taux d'investissement (le ratio
FBCF / PIB) et le taux d'intérêt réel en France comme aux
Etats-Unis de 1985 à 1997 ; ce « défi économétrique » n'est pas
expliqué. L'effet de l'accélérateur d'investissement où ce
dernier augmente en période d'expansion beaucoup plus vite
que la demande globale - si l'on est en plein-emploi des
I
D'après Agnès Bénassy-Quéré (op. cit.).
169
capacités - ainsi que les politiques monétaires restrictives qui
font grimper le taux d'intérêt en cas de surchauffe économique,
expliquent en partie ce paradoxe.
170
économétrique » n'est mentionné. Elle est presque parfaitement
vérifiée aux Etats-Unis (2,9 % de croissance moyenne annuelle
du PIB de 1970 à 1996 pour un taux d'intérêt réel annuel
moyen de 2,8 %) et au Royaume-Uni (respectivement 2,2 % et
2,3 %). La France présente sur la même période une croissance
moyenne annuelle du PIB de 2,5 % mais un taux d'intérêt réel
moyen de 3,5 %; pas si mal pour les rentiers au pays du
prétendu laxisme monétaire, il est vrai transformé en rigueur
monétaire sur la plus grande partie de la période analysée.
On verra plus loin que, pour la France, un écart béant (où
r réel> g) apparaît effectivement entre le début des années 80
et la fin des années 90, singulièrement entre la fin des années 80
et le début des années 90. Ce qui explique l'écart moyen de plus
d'un point en faveur du taux réel depuis 1970. Ce sont
évidemment les politiques monétaires de rigueur qui sont en
cause; elles ont induit des taux de rentabilités économiques et
financières inférieures au taux d'intérêt longs nominaux
(jusqu'en 1996). Bref, échec sur les deux tableaux: faible
croissance, chômage et faibles rentabilités, sauf celle des
rentiers: une politique économique des rentiers.
La règle d'or, avec ses exceptions qui la confirment, milite
donc en faveur du taux d'intérêt rentabilité. Les modèles
keynésiens « néocambridgiens » de croissance (notamment de
Kaldor et Robinson) mettent en avant la demande et sont,
répétons-le, plus pessimistes sur les possibilités de sentiers de
croissance réguliers de l' « âge d'or », indiquant à l'inverse une
possibilité d' « âge de plomb» : les trente années de plomb...
Les modèles économétriques les plus courants fondent
l'investissement dans son aspect conjoncturel sur le modèle
d'accélérateur flexible où la demande est le principal argument.
Mais la profitabilité au sens de Tobin (et Malinvaud)l est
également un argument des fonctions d'investissement; on
aboutit à des modèles accélérateur-profit. Et l'on retrouve
l'étroite corrélation entre le taux d'accumulation et le taux de
profit, aussi étroite que celle entre le taux de croissance et celui
de l'investissement2.
La question de la liaison entre le taux d'intérêt et
l'investissement est donc à revisiter si on pense que la
croissance induit des taux de profit et donc des taux d'intérêt
élevés alors que les taux d'intérêt élevés sont censés casser à la
fois investissement et croissance. La seule solution à ce
dilemme et qui en est le moteur est la dynamique du cycle
économique et des politiques, dont les politiques monétaires.
I Voir Castex (2003).
2 Voir Jean-Marie Le Page (1991) et ses références à une étude de l'INSEE, in
Rapport sur les comptes de la nation, 1988. Mais les données de l'analyse ont
plus de vingt ans : il faudra les actualiser.
171
« On peut observer beaucoup,
simplement en regardant! » 1
TROISIEME PARTIE
LA CRISE FINANCIERE DE 2000-2008:
CONSEQUENCE
DE LA CRISE REELLE DEPUIS 1999
1
Il s'agit du il buy back il pennettant surtout de doper les cours boursiers:
moins d'action pour le même dividende à distribuer.
2 Voir plus loin.
174
Chapitre VI
La crise bancaire des subprimes
et ses effets sur les LBO
175
61 - La crise financière des subprimes et la
crise bancaire 1
176
défaut (non remboursement du crédit) est donc élevé par
construction. Mais dans un marché immobilier en boom,
d'ailleurs boosté par ces opérations, la récupération des
liquidités ne semblait a priori pas poser de problème: les
banques apparaissaient garanties par la vente des logerpents
hypothéqués. Ce marché s'est largement développé aux Etats-
Unis à partir de 2001, dopé donc par la chute des taux directeurs
de la Fed.
Au milieu 2007, un peu moins de la moitié (47 %) du stock
de prêts immobilier états-uni en concernait les crédits bancaires
ordinaires (<<prime conventional »), 20 % les classes moyennes
aisées (<<jumbo »), le reste, soit un tiers, les prêts aux « pauvres,
dont seulement 10 % du total en subprimes au sens strict (le
reste concernant les logements de type HLM ou assimilé) : tous
les crédits à risque ne sont pas des subprime, mais le risque
s'étend maintenant aux autres catégories.
179
613 - ... et la contagion
180
à long terme à taux plus élevés (encore un effet de levier), par
des «conduits» ou «véhicules ~> particuliers, les SIV
(Structured investment vehicles). A la première alerte, le
refinancement par ABCP devenait impossible, de même que le
refinancement sur le marché interbancaire garanti par ces actifs.
Tous les secteurs financiers liés à la multiplication des petits
pains par l'effet de levier entrent en crise, en particulier le
secteur de la Private Equity et singulièrement les opérations de
LBO. On y reviendra.
Le passage de la crise bancaire à l'économie réelle est
rapide: les crédits à l'économie se raréfient, malgré la baisse
des taux directeurs de la Fed (pas de la BCE...). Dans un monde
en «surliquidité» (plutôt en sur épargne, répétons-le), la
liquidité bancaire s'effondre!
Immobilier
d'entreprise Immobilier
17% résidentiel hors
SIV subprimes
("V éhicules")
17%
sur ABC?
13%
~""
""
Crédits à la Subprimes
8%
41%
I Celle de EXANE BNP PARIBAS, début 2008, sur la base d'une « mild and
short recession ». Une note précisait: « en cas de récession plus sévère (et/ou
de dégradation plus forte de l'immobilier), les pertes pourraient être plus
sévères ». En avril 2008, le FMI évalue les pertes totales à près de 1 000 G$,
environ 2 % du PIB mondial ou le tiers du PIB français...
181
614 - La folie des banques, pas la folie des politiques
monétaires
(
,,""... ...
""" FI.: ,I
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... - -- I
CRÉATION DE H
...... .....
.....
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'\
..
~ /
". E' repri."elll.BO
'
....... ..'
h... h..............................
189
de levier; les Hedge funds n'hésitent pas non plus à intervenir
en période faste.
K est le capital économique correspondant à la valeur du
rachat de Epar H en LBO. K peut être différent de la valeur
fondamentale de marché avant restructuration et nouveau
Business Plan, car l'entreprise rachetée E peut être « en
difficulté ». Cependant, ce n'est pas toujours le cas: les
difficultés peuvent n'être que des difficultés de financement
(endettement important mais ne remettant pas en cause la
rentabilité économique). CP sont les capitaux propres totaux
amenés essentiellement par I, mais aussi par FI et M. D est la
dette bancaire, avec D = K - CP ; elle peut être remboursée « in
fine» (ce qui était d'ailleurs de plus en plus courant dans les
opérations de LBO). Le levier L est le rapport D I CP ; il va
évidemment jouer de façon considérable sur les rendements des
apporteurs de CPo
190
économique de E pour obtenir sa rentabilité financière. Le
second effet de levier est la conséquence de la plus-value à la
revente; il va, pour les mêmes raisons, multiplier la « survaleur
économique» de revente (la différence entre la valeur de
revente V au nouvel investisseur NI et la valeur K du capital
économique de E rachetée par H)... et s'ajouter au premier.
Sans les deux effets de levier, l'opération de LBO aurait peu
d'intérêt: H non endettée ne recevrait que la rentabilité
économique et la survaleur économique, sans multiplication...
D'où la martingale du LBO, à condition que r soit petit.
191
* Le LBO serait la structure d'organisation capitaliste la plus
performante, selon la théorie de l'agence
Certaines analyses considèrent le LBO comme la structure
de gestion la plus efficace des entreprises capitalistes. Cette
proposition a plus de vingt ans; elle est due à M. Jensen (1986),
l'un des grands théoriciens américains de la finance. Elle
renvoie à la théorie de l'agence rencontrée plus haut. La
structure de financement (rapport des capitaux propres et des
dettes) peut, selon cette théorie, influencer l'efficacité de la
gestion et notamment les choix des investissements pour les
actionnairesl. Le LBO en est le meilleur exemple car à la
théorie générale de l'agence s'ajoute celle du «free cashflow»
ou cashflow libre.
De quoi s'agit-il? Une partie du cash flow est utilisé pour
les investissements jugés rentables, c'est-à-dire dont la
rentabilité est supérieure ou égale au « coût du capital»
(CMPC). Le remboursement aux prêteurs étant en général
contractuel; on considère donc que le free cash flow est la
partie du cash flow qui peut être distribué aux actionnaires:
c'est sa partie « libre ». En effet, avec par exemple un CMPC de
10 %, pourquoi distribuer 100 aux actionnaires si ces 100
investis peuvent rapporter 15 %! Autrement dit: «Deux tu
l'auras valent mieux qu'un bon tiens », avec le risque afférent.
Précisons le « multiple» mentionné plus haut, c'est en fait le
rapport entre D et le cash flow libre qu'il faut prendre et non
pas D / EBITDA. En 2000, ce multiple était le plus souvent de
l'ordre de 5 ans, il serait en 2006-2007 de 10 ans selon Noël
Goutard (2007) : «Comme l'on dit : beaucoup de liquidités
chassent peu de proies ».
Le cash flow libre est distribué par l'entreprise cible E à ses
actionnaires, la holding H, qui rembourse les banques. On
retrouve la contradiction mentionnée plus haut entre le montant
des investissements dans E qui doivent augmenter la valeur de
l'entreprise lors de sa revente et les contraintes de versement de
dividendes pour rembourser la dette. Il y a donc en fait deux
exigences « tyranniques» du LBO, celle de la rentabilité, celle
du cash, facteur de risque de faillite. D'après Jensen néanmoins,
la contrainte du remboursement de la dette, l'épée dans le dos
du risque de faillite, va booster l'efficacité de la gestion des
managers. Il y aurait alors là la meilleure des gouvemances où
les managers, les banquiers et les apporteurs de fonds propres
seraient les plus soudés. Cependant, d'après une étude de
Standard & Poor's (S&P), la moitié de l'échantillon de 36
I Rappelons qu'il existe bien une structure optimale de financement
maximisant la rentabilité financière des actionnaires mais qu'i! n'existe par
contre pas, selon le théorème de Modigliani et Miller, de structure optimale de
financement minimisant le CMPC.
192
opérations analysées en Europe n'aura pas atteint ni ses
objectifs de croissance des revenus, ni ceux de remboursement
de la dette. S&P voit dans cette seconde évolution le principal
facteur de risque, notant que le multiple D I EBITDA serait
passé de 5,2 en 2005 à 6,6 en 2007 - une évolution nettement
moins marquée que celle indiquée plus haut par Goutard. Ce qui
est plus préoccupant, c'est que les créanciers auraient été plus
arrangeants en 2007 que lors des années précédentes sur les
ratios d'alerte contractuels (dit « covenants ») imposant le
remboursement par anticipation de la dette. Or, de plus en plus,
les dettes étaient remboursées « in fine» et non amorties sur la
durée de vie du LBO; ce qui multiplie encore les risques.
Il est vrai néanmoins que les TIR des opérations de LBO ont
toujours été supérieurs à ceux des autres opérations financières.
Avec une moyenne de 18 % de 1996 à 2004, et le creux général
de la crise boursière, les opérations de capital investissement
surperformaient sans aucun doute. Mais à quel risque...
6%
5%
0%
Chiffre d"affaires LBO I PIB Emploi LBO I Emploi secteur privé
40% 33%
20%
0%
Chiffre d'affeires LBO I Chiffre d'affaires Emploi LBO I Emploi CAC 40
CAC40
193
* Le poids social des LBO
L'AFICI (le « MEDEF» du capital investissement) est à
l'origine d'une étude dont l'échantillon analysé semble
représentatif; les conclusions de cette étude sont cependant
critiquées par les « anti LBO ». Les opérations de LBO
concernent très majoritairement des PME: près de 70 % des
entreprises en LBO entre 2003 et 2005 réalisent un chiffre
d'affaires inférieur à 50 ME ; plus de 80 % ont un effectif
inférieur à 500 salariés.
La croissance annuelle moyenne du chiffre d'affaires des
entreprises sous LBO est de 5,6 % contre 0,7 % pour la
moyenne nationale et 2,5 % pour les 50 plus grandes
entreprises. Pour 2006, la croissance est de Il,1 %, contre
5,7 % pour les sociétés du CAC 40. Cette croissance est plus
due à une hausse des effectifs (4,1 % en moyenne annuelle,
contre 0,6% pour la moyenne nationale et 0,8 % pour les 50
plus grandes entreprises) qu'à celle des gains de productivité.
En 2006, la croissance des effectifs sous LBO serait de 6,6 %,
contre 1,6 % pour l'emploi du secteur privé en général et
- 0,4 % pour les sociétés du CAC 40. Les entreprises sous LBO
auraient créé des emplois même dans les régions à cet égard
sinistrées (Nord et Est).
Les autres critères de performances sociales seraient
également à l'avantage des LBO. La progression moyenne des
salaires serait de 3,3 % par an dans les entreprises sous LBO
contre 2,9 % pour la moyenne nationale. Les taux moyens
d'absentéisme (5,1 % avant les LBO et 4,6 % après) et de
turnover (12 % avant et 10 % après) y sont nettement plus
faibles. Les dépenses de formation ramenées à la masse
salariale sont en croissance, mais bien légère (2,15 % avant le
LBO, 2,35 % après). Pour 13 % des entreprises sous LBO, le
temps de travail a été diminué.
Enfin, 55 % des salariés des entreprises intéressées se
déclarent favorables à l'opération de LBO qui les a affectés,
35 % se déclarent neutres, seulement 10 % y sont défavorables:
4 % reprochent surtout « de ne pas y avoir participé» (comme
investisseurs intéressés aux bénéfices) ; 4 % sont « inquiets ou
ne comprennent pas» ; 2 % le rejettent « par principe ». Il est
vrai que l'opération de LBO aura sorti l'entreprise cible,
196
Chapitre VII
Les profits peuvent-ils aller mal
quand la bourse va bien?
CAC 40
198
71 - Profitabilités en stagnation puis en baisse,
boom des dividendes
I
Ces nouveaux mots du jargon sont ici identifiés en italique.
2 Les données présentées ici trouvent essentiellement leur source dans les
publications de l'INSEE: Institut National des Statistiques et Etudes
Economiques; ces données ont été retraitées par nous. Compte tenu des divers
«changements de base », elles ne doivent être prises que comme des
approches statistiques des phénomènes. Voir Castex (2006),
Macrocomptabilité de la France, Le capitalisme des trente années de plomb;
elles sont ici revisitées et actualisées.
3 Mais aussi les impôts liés à la production nets de subventions d'exploitation,
pour une part faible mais non négligeable.
199
des sorties effectives ou potentielles de monnaie. D'autre part,
ce sont des charges évaluées selon les durées de vie estimées
des actifs immobilisés et leur répartition dans le temps puis
« dotées» dans le compte de résultat. Leur montant n'étant
donc que la conséquence d'un choix comptable, il est plus
prudent de raisonner en valeurs brutes 1.
Les profits économiques rémunèrent donc tous les capitaux
engagés, avant impôts sur les bénéfices. Ils sont ensuite répartis
entre les deux types d'apporteurs de capitaux: les intérêts nets
versés pour D, les dividendes et autres revenus de la propriété
pour CPo Il s'agit encore d'une répartition primaire, mais des
profits économiques entre les deux types de capitaux apportés.
La différence entre les profits économiques et ces affectations
est le Solde des revenus primaires, profits économiques
conservés par les entreprises, solde brut dans la séquence
proposée par la comptabilité nationale.
Apparaît ensuite la « répartition secondaire» des revenus,
avec essentiellement les prélèvements en impôts sur les
bénéfices2 ; il reste le Revenu disponible égal pour les sociétés à
leur Epargne; encore soldes bruts selon la comptabilité
nationale.
Il faut également insister sur le partage des profits entre
capitaux propres et dettes.
La distinction entre soldes bruts et nets doit sans aucun
doute être effectuée: on ne peut se contenter des seuls soldes de
profits bruts, malgré les biais qui les caractérisent, car ce sont
les profits nets qui vont en dividendes dans la poche des
actionnaires ou en « réserves ». Nous proposons une distinction
supplémentaire, malheureusement non mise en relief par la
comptabilité nationale: celle entre la répartition des profits
économiques entre D et CP, avec l'apparition des profits dits
« financiers».
Les profits financiers n'appartiennent qu'aux propriétaires
des CP, bref aux actionnaires. Le profit financier brut est la
« Capacité d'autofinancement» (CAF), terme incontournable
du jargon de la gestion financière non calculée par la
comptabilité nationale. C'est l'EBE moins tous les transferts
aux prêteurs, au fisc (et divers\ mais avant les dividendes nets3
versés aux propriétaires. Le profit financier net ou « Résultat
net» (RN) est la CAF moins la CCF.
I
2
La VAB répond au même choix.
Et d'autres petits mouvements, dont indemnités moins primes d'assurances
et prestations mo ins cotisations sociales.
3
Il s'agit des dividendes versés par les SNF moins les dividendes qu'elles
reçoivent, entre maisons mères et filiales dans les groupes. Ces dividendes
nets sont versés aux ménages actionnaires (et autres propriétaires), aux
banques, etc.
200
Ces profits financiers sont ensuite, soit distribués en
dividendes et autres revenus de la propriété, soit conservés dans
les sociétés. Ces profits conservés sont donc, pour les profits
financiers bruts, l'Epargne brute (EB), nommée par les
gestionnaires « Autofinancement» ; pour les profits financiers
nets, il s'agit de l'Epargne Nette (EN), nommée par les
gestionnaires le « Résultat net conservé ». L'EB est ensuite
investie en « capital fixe» ou Formation brute de capital fixe
(FBCF) et en variation des stocks; le solde est nommé la
Capacité (si positif) ou le besoin (si négatif) de financement!.
)
À ne pas confondreavec la capacitéd'autofinancement.
2 La gestion financière parle néanmoins plutôt de « taux de marge
opérationnelle» en ramenant l'EBE mais le plus souvent l'ENE aux ventes et
nonàlaVAB.
3 Ledit « taux de marge» calculé par la comptabilité nationale, et sur lequel
toute la communication est centrée, est le taux EBE / VAB.
4
Les SNF sont les entreprises marchandes sous forme de sociétés, à
l'exclusion des sociétés financières (SF), c'est-à-dire les banques, assurances
et autres institutions financières, et les entreprises individuelles. Ces
entreprises (en général PME, Petites et moyennes entreprises, ou TPE, Très
petites entreprises), n'étant pas sous forme juridique de sociétés, sont
comptabilisées avec les ménages. La VAB des SNF compte pour plus de la
moitié du PIB.
s 2006 est la dernière année publiée par l'INSEE dans ses Comptes de la
nation; on connaîtra les résultats de 2007 à la fin du printemps 2008.
201
L'analyse des ratios bruts des SNF par la comptabilité nationale,
avec un seul taux de "profitabilité"
Exemples de 1998 et 2006 % de la VAB
202
L'analyse des ratios nets des SNF (seulement à partir des profits)
avec deux taux de "profitabilité"
par la gestion financière, exemples de 1998 et 2006 % de la VAB
203
Taux annuels de variation en volume de la VAB des SNF
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10%
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1983-1989
6%
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I 0%
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204
coupables» de la dégradation des profits pendant la crise du
tournant du XXIe siècle. C'est en fait un peu plus subti1...
112%
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I En particulier par son travail publié en 2001 : Les Hauts revenus en France
au 20e siècle: inégalités et redistribution, 1901-1998.
206
Nous avons tenté l'analyse au niveau global français (EBE
de l'économie / PIE) depuis 19491. On retrouve la constante de
Bowley, avec des taux supérieurs à ceux des SNF compte tenu
de l'EBE des entreprises individuelles (en fait « revenu mixte »)
qui inclut la rémunération du travail de l'entrepreneur.
Compte tenu de l'échelle des ordonnées, la « constante» de
Bowley apparaÎt... très fluctuante avec deux creux profonds:
au début des Trente glorieuses; entre 1975 et 1985.
Approche de l'évolution du "t,lUXde marge" de l'économie nationale:
(EBE + revenu mixte) II'IB, 1949 à 20M,
BoolII de la Tendance ù lu
37% fill 136"/01136% 1 136%1 baisse depuis
des Trellte 1989...
36% glorieuses
35%
34%
33%
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accelltllée depllÎ.\
1998
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00
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8
207
augmentent ensuite puis explosent après la crise de 1993.
D'autre part, les intérêts nets versés aux banques et ménages
(hors les intérêts entre mères et filiales donc) sont en hausse
jusqu'au milieu des années 90 puis se tassent. Encore par un
double effet: en premier lieu, jusqu'au milieu des années 90,
par la hausse du taux d'endettement et des taux d'intérêt (qui
soit suivent l'inflation, jusqu'en 1986, soit, avec la désinflation,
sont dopés par les politiques monétaires de rigueur à la fin des
années 80 et au début des années 90) ; en second lieu, par la
baisse du taux d'endettement et des taux d'intérêt ensuite.
25%
20% l
15%
10%
5%
0%
-5% IDdivers
m impôts sur les bénéfices
-10% - 1:1intéréts nets versés
1:1dividendes et divers revenus versés aux sociétés mères
-15%
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NNNN
208
Le partage de l'EBE pour obtenir la CAF apparaît ci-dessus,
après annulation des dividendes versés entre mères et filles. La
fluctuation de la part de l'EBE dans la VAB apparaît déjà plus
clairement avec ce premier zoom, ainsi que la plus forte
fluctuation de la CAF ramenée également à la VAB.
Il faut cependant aller plus loin que l'analyse du seul « taux
de marge» EBE / VAB pour comprendre l'évolution des
diverses profitabilités.
Evolution à long terme des taux de profitabilité bruts: EBE I VAR et CAF I V AB
35% 33.0%
-
p2.4%1
293% 129.8% l r "-- ~
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10% ... '#
sont supérieures de trois points
CAF/VAB 110.6%
1 à celles de la fin des ''Trente glorieuses",
5% mais la baisse l'st sensible depuis 1998
0%
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I «...qui, comme les bikinis, donne des idées mais cachent l'essentiel il: l'un
de mes professeurs, avant mai 1968.
210
Les salariés ne sont « ni responsables ni coupables» de la
chute depuis 1998 des taux de profitabilité bruts. Le
responsable est le choc pétrolier et la dynamique de l'économie
mondiale. Si l'on calcule la part de la RS et des profits bruts en
les ramenant à la production P, on constate que la part des
salaires est en baisse. Mais les profitabilités économiques et
financières brutes, EBE et CAF ramenés à P sont également en
baisse. La somme des points perdus par les salaires et les
profitabilités correspond] au gain de points des CI dans P.
29%
l RS / P perd Il,9 points de 1998 à 211116.
dons /0 continnité des années précédentes
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EBE et CAF ramenés à P
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EBE /P /Jerd 1.6 /Joints de 1998 à
~11% CAF / P perd 1.9 points sur la même . 8%
en rupture avec les tendances 8,0%
'"
précédentes
10% 7%
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N
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I
À la petite différence près de la part des impôts nets sur la production.
211
Pour ce qui est des profitabilités nettes, sur la courte période
depuis une dizaine d'années, on trouve une évolution
comparable à la précédente des ratios ENE / P et RN / P.
9% 5%
ENE / P perd 1,8 poil/ls dc 1998 à
r7,9% I RN / P perd 2 poil/ls sur lu même
8%
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" à cellesde la findes "Trenteglorieuses".
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ON~~OOON~~OOON~~OOON~~OOON~~
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~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~oooo
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213
714 - Le boom des dividendes et ses effets, pervers ou non
Tout allait bien pour les profits de 1994 à 1998, et tout allait
très bien pour les dividendes reçus par les actionnaires. Tout va
mal pour les profits depuis 1999, mais tout va encore très bien
pour les dividendes.
I 100
De 1960 à 1988. les salaires bruIs augmenlent
1000 comme les dividendes: il sonl mullipliées par 3,
Indices
suil prés de 4 % eu muyeune annnelle :
900 mais ies saiaires slagnent Jlarlir de 1980 Dividendes nets
800 " versés
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15% des années 90
10%
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5°a
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NNNN
214
* Profits distribués et profits conservés
Le résultat net conservé ramené à la VAB tend ainsi à
fortement diminuer depuis une vingtaine d'années (sauf avant la
crise de 2001), et devient négatif à partir de 2004, retrouvant les
affres de la première crise pétrolière.
Lc résultat nct conscrvé, négatif lors de la Pl'cmièrc crise pétrolière, est en chute
depuis 1998 et redevient négatif par le bond des dividendes, en % de la VAB
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(inverse du "tanx 220%
25% d'autofinnncemcnt", EB
., /I)
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20%
140%
15% I/VAB
("tnux d'investissement") 100%
10% 60%
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NNNN
I
C'est la théorie du free cash flow (cash flow libre) déjà entrevue: les
actionnaires ne se distribuent le « cash flow» (bénéfice avant amortissements)
en dividendes que si les bénéfices éventuellement conservés n'augmentent pas
leur rentabilité future.
216
Réallocation probable des capitaux certes, mais le taux
d'investissement, part de la VAB investie en capital fixe (en
gros les « machines », mais aussi les terrains, les logiciels, etc.)
et en stocks \ est cependant en baisse tendancielle depuis trente
ans. Il est passé d'environ 25 % à la fin des Trente glorieuses à
environ 18 % depuis les trente dernières années, avec un creux
à 10 % lors de la crise de 1993. Le petit rebond après 1998 doit
en outre être relativisé car la VAB se tasse sur cette période.
Pourtant, les sociétés de services remplaçant les industries
devraient être moins gourmandes en « machines»; ce n'est
cependant pas le cas, on y reviendra.
Ces investissements représentaient environ deux fois
l'autofinancement à la fin des mêmes Trente glorieuses, mais
seulement autour de 1,3 fois ensuite pour remonter à 1,4 fois en
2005 et 1,8 fois en 2006. Le biais possible de ce ratio est
évident: c'est l'autofinancement en chute qui le dope!
A long terme r -> JI, dans le sens d'une fonction décroissante (France) I
--~ --- ----
18000 --:t6%j
Mills les lillisolls positives
17000 lie solll pliS si rllres .. 14%1
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I
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15000 , 10%
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.., , ' 8%
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V: CAC 40 inflaté , ..
, - ..,
2000 - 4%
1
-
11000 +- - - .. _ - .. _ _ - - r : Taux d'intérêt 2%
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-- - - - - -- - - - - -- - - - 0%
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ê ê ê ê ê
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ê L ê ~ J
219
Une rupture fondamentale apparaît en effet en 1998-1999,
avec la fin de la bulle boursière, son éclatement, la nouvelle
bulle et son nouvel éclatement.
On trouve encore des anomalies, mais dans l'autre sens,
surtout de 2003 à fin 2005 où le CAC 40 est en hausse quand r
reste relativement stable ou en baisse.
5,4% . 6000
5,2% /",* ~ 5800
,,. '.. "-\
5,0% ' ..
'"""
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4,6% \ V: CAC 40 5200
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3,8% 4400
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les taux longs ou que ces derniers ne sont que le reflet des taux
courts!
7% 7000
r : tanx d'intérêt Dow Joncs
nominaux longs (traduit en indice CAC
6% 40\ 6000
S% 5000
4% 4000
3% 3000
2% 2000
0 N M V') \C t- 00
0 o, 0 0 '<t
0 0 o o 0
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'" I: ~~C: C: C: C:
~~'"
....., ....., ...., .....,
~'" ....., ....., ....., ...., ...., .....,
'" '" '" '" '" '" '" '"
222
Chapitre VIII
Liaisons ou contradictions entre
taux de profit, taux d'intérêts longs
et taux d'intérêt courts?
223
81 En France, les taux d'intérêt longs
semblent une conséquence des taux de profit
économiques, les deux en baisse tendancielle
depuis plus de vingt ans, et singulièrement
depuis 1998
1 Voir plus haut. Le calcul exact renvoie à un calcul d'indice tel que 1 + r,
=
(l + r) / (l + p), mais la relation de Fisher, évidemment plus simple, est une
bonne approche pour des petits taux.
2 Résultat, rappelons-le, de la politique monétaire états-unienne d'ultra rigueur
(lutte monétariste « intégriste» contre l'inflation) de la fin des années 70 et du
début des années 80 qui a fait exploser les taux, courts et longs. Cette
politique fut à l'origine de l'une des plus graves crises économiques et
financières américaines, exportée dans le monde entier: elle fit certes baisser
l'inflation, mais en brisant la demande et en dopant le chômage. Elle fut
rapidement abandonnée pour une politique moins intégriste. Mais il faudra
attendre la crise financière de 1987, premier fait d'armes réussi d'Alan
Greenspan, pour que la politique monétaire états-unienne redevienne
pragmatique.
224
r long nominal, inflation et r long réel
16%
r nominal
14%
12%
10%
8%
t
6%
4%
2%
0%
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-4%
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N N N N
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I NNNNNNN
225
La baisse relative des dettes financières nettes D et la hausse relative des capitaux
prores CP après la rupture du début des années 90
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140%~- CP / (CP + Dj 85%1
i _
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80%'
35% I /"
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125% + 65%'
t 55%
1
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144,8%1
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35%
30%
Paradoxa/e/llellt, le lel'ier (Jimillue
25% qualld les taux d'intérêt diminllellt
20%
00 o00 N ~ DO o N ~ DO o N
r-- DO DO DO
'" 00 '" o o o o
'" '" '" '" '" o o o o
'" '" '" '" '" '" '" '" '" '" '" N N N N
I
La réunification de l'Allemagne et ses dangers d'inflation a entraîné une
politique monétaire de hauts taux d'intérêts, suivie par la France dans le cadre
de la préparation du passage à l'euro: c'est l' « époque de Maastricht».
2 Nous n'analyserons ici que les rentabilités économiques et financières nettes,
celle qui intéressent directement les apporteurs de capitaux, malgré le peu de
fiabilité des calculs des profits nets ENE et RN.
227
nationale. Ces valeurs sont proches des valeurs de marché! ; on
y reviendra plus loin.
-----
00 00 00 cc
--- -- -
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0\ 0\ 0\ 0 0 0 0
0- 0- 0-
N N N N
I
Les méthodes de réévaluation ont varié selon les changements de base de
l'INSEE. Ce qui affaiblit tous les résultats des analyses; mais on ne possède
pas de séries plus fiables.
La tautologie arithmétique ENE / K = ENE / VAB x VAB / K prétend
expliciter deux facteurs de la rentabilité: c'est la formule « Du Pont de
Nemours », promue depuis des lustres par le groupe chimique américain et
fort utilisée en gestion.
228
L'érosion de la productivité apparente du capital, surtout
depuis 1998, signifie la croissance de son inverse, le coefficient
de capital K / VAB. Autrement dit, l'accumulation du capital
est plus forte que la richesse qu'elle crée. Et ce mouvement, très
net depuis 1998, est une tendance en fait à l' œuvre depuis 1989.
On ne peut pas ne pas penser à la baisse tendancielle du taux de
profit de Marx, au moins depuis près de vingt ans, induite par la
croissance de la composition organique du capital.
30% 6
"Taux
d'exploitation
~ "
~
~
20% 5
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... 0:
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N N N N
230
profit. De toute façon, les capitalistes éprouvent les plus
grandes difficultés à la compenser en augmentant le taux
d'exploitation, sauf de 1982 à 1989, mais après un remarquable
étiage. On a probablement plus affaire, pour ce qui est de la
rentabilité économique (le « taux de profit» économique de
tous les capitaux engagés) à des cycles qu'à une « baisse
tendancielle » (hypothèse de Marx) sur le très long terme. On se
gardera de trancher la question pour la période qui nous
occupe; toutefois, la tendance à l'augmentation de la
composition organique du capital ne doit pas être balayée d'un
revers de main sur les trente dernières années. Elle fut
simplement contrecarrée par les fluctuations du taux
d'exploitation.
Bref, l'analyse de Marx n'est pas à écarter; elle se vérifierait
d'ailleurs 1 à très long terme (sur deux siècles), malgré toute la
prudence induite par l'incertitude des séries statistiques sur le
temps long.
7%
6%
5%
Belle reprise
4% ((près 1982
3%
Cycle wrIes 10 dernières almées... 3,2%
2% ...UI'ce ch Ifte
J% très sévère
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depuis , , , , ,
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N N N N
-2%
I
Voir encore Castex (2006 et 2007).
231
jusqu'en 1998 plus visible (pour les raisons inverses). C'est
l'effet de levier qui est en effet à l'œuvre.
,
130 CP marché / CP comptable
I
1
,i
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I
I
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0\ 0\ 0\ 0\ 0\ 0\ 0 0 0 0
I
N N N N
I
Cet écart devrait s'amenuiser avec les nouvelles normes comptables
internationales appliquées en France (dites IFRS, « International Financial
and Reporting Standards il : Normes internationales financières et de rapport
de gestion) où les postes comptables ne sont plus évalués en « coûts
historiques il mais en «juste valeur il, proche des valeurs de marché.
232
* re et r: la forte corrélation et l'effet ciseaux avec retournement
au milieu des années 90
La corrélation est très élevée entre re et r depuis 1988,
cependant, l'inversion entre r et re ne s'effectue qu'en 1996-
1997, avec auparavant un effet de levier négatif.
------------
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N
0
N
0
N
0
N
0
N
r en chute (un peu comme tout le monde), sur la nécessaire baisse de son
« taux d'endettement », facteur de risque. Il versait un maximum de
dividendes en actions et non en cash (pour renflouer ses fonds propres et
ménager sa trésorerie, bref pour baisser son ratio D / CP). Brusquement, mais
avec deux ans de retard, il communiqua sur son « levier» (son « gearing »),
facteur de dopage des bénéfices des actionnaires. Il ne versait plus ses
dividendesen actionset commençaitune politiquede rachat (<<buy back ») de
ses propres actions (pour diminuer ses capitaux propres, booster son levier et
augmenter le bénéfice par action). Virage à 180 degrés...
235
815 - L'absence de corrélations entre, d'un côté les
rentabilités économiques re et financières nettes rf et, de
l'autre, les taux d'intérêt longs ravant 1988, corrélations
retrouvées ensuite: les perturbations de la double
spéculation par l'inflation et les politiques monétaires
8%
7%
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4%
3%
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Les rentabilités économiques et financières nettes et les taux longs sur la période
1978-2006 : aucune corrélation apparente, sauf cnfin de période
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N
237
Apparaissent en fait desdites primes de risque (différences
entre les rentabilités re et rf théorique d'un côté, r de l'autre)
très négatives jusqu'au milieu des années 90, moins négatives
jusqu'à la fin des années 90, positives mais peu élevées et
tendant vers zéro ensuite. Il y a un « avant» et un « après» le
milieu des années 90. En France donc, cesdites primes de risque
que chacun voyait évidemment positives dans ses désirs (et
dans la théorie financière...) auront donc passé leur temps dans
le rouge jusqu'il y a plus d'une dizaine d'année!
Pendant les trente glorieuses, les rentiers prêteurs frileux
étaient enthanasiés, pour le plus grand bonheur des salariés et
des entreprises. Pendant les trente années de plomb, du moins
jusqu'à la crise à partir de la fin du XXe siècle, les entreprises et
les actionnaires héros preneurs de risque furent euthanasiés par
les rentiers. Sans parler des salariés et chômeurs. . .
Lesdite.~ "primes de risque", plus exactement les différences entre les rentabilités
économiques et tinancières de marché et les taux longs
6%
4%
2% l
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-2%
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-6% ~
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'" '" '" '" N N N N
238
82 - Taux longs, taux courts, taux directeurs et
taux du marché monétaire la politique
monétaire peut à la rigueur tenter de soigner la
crise, elle ne peut la prévenir
240
1987, et le boom boursier de 1995-2000, contraint cependant
d'utiliser des hausses de taux directeurs de plus en plus visibles
pour s'opposer à la folie de la bulle boursière: l'atterrissage en
douceur qu'il souhaitait fut un peu rude, par la particularité de
la bulle de la Nouvelle économie. Greenspan a en outre sauvé
(provisoirement?) le capitalisme mondial depuis la fin des
années 90. Puis il remonta les taux d'intérêt courts aussitôt que
s'annonçait la nouvelle bulle vers 2004, suivi par Ben
Bemanke. Mais force est de constater que ces politiques
monétaires ne sont bien en fait depuis 1995, que
l'accompagnement volontariste des forces spontanées du
marché, l'effet d'annonce des taux directeurs rendant
simplement visible pour les spéculateurs ce qu'ils voyaient très
mal, la tête dans le guidon des actions sans regarder l'évolution
des taux longs, laissés dans les mains des amateurs
d'obligations moins risquées.
Voulant lutter contre le gonflement de la bulle (de 1997 à
2000), puis contre son éclatement (de 2000 à 2003), les
politiques monétaires ne firent en fait qu'accompagner les
forces du marché: taux d'intervention élevés dans le premier
temps quand la bulle se gonflait en induisant la hausse des taux
longs; taux d'intervention à la baisse, comme les taux longs
suivant le marasme boursier. Et le même cycle sur 2004-2007
puis 2007-2008.
Est-ce à dire que les politiques monétaires ne sont que pro
cycliques, donc inutiles sinon perturbatrices? Notre
« hétérodoxie» ne reviendrait-elle pas à simplement retrouver
l'ultralibéralisme des monétaristes et des Nouveaux classiques?
241
Une forte hausse des risques de refinancement interbancaire,
comme depuis la crise des subprimes, peut très bien voir les
taux interbancaires bondir et sortir du tunnel, car ces différents
taux supposent des primes de risque « normales ». Une marge,
un «spread» considérable peut donc apparaître entre ces taux
directeurs et les taux interbancaire quand les risques de faillite
sont tels que le marché interbancaire est asséché. On l'a vu, la
seule politique qui reste aux Banques centrales est
d' « injecter» directement des liquidités, c'est-à-dire de prêter
aux banques devenues illiquides, les politiques de taux devenant
inefficaces ou même dangereuses car risquant de doper
d'inflation par les coûts. Ce que firent BCE - qui n'a toujours
pas touché au niveau de son refi - et Fed depuis juillet 2007, et
à plusieurs reprises.
"Refi" BCE
I
1%
I
Taux des dépôts à la BCE au jour le jour
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0\ o N M <r) \0 00
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N N N N N N N N N
J
Voir plus haut les corrélations positives entre r et V depuis 1999.
242
signifie qu'une politique monétaire de baisse drastique des taux
pour contrer une crise déjà déclenchée n'est pas inutile, d'autant
plus que les taux longs ont nettement moins diminué que le
CAC 40 après l'éclatement de la bulle1.
La politique monétaire états-unienne fut beaucoup plus
réactive, et dans les deux sens; on ne la détaillera pas.
Cependant des énigmes se font jours, des deux côtés de
l'Atlantique.
Taux longs, et taux courts ,CT dirigés par la BCE (son ",efi")
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'" N N N N N N N N N
244
CONCLUSION
247
pour motif de spéculation décroissante du taux d'intérêt au
niveau macroéconomique; Keynes feignait de ne pas
comprendre que la spéculation sur le seul marché secondaire
des obligations supposait une nécessaire contrepartie dans les
transactions. Ce qui rend caduque sa théorie du mimétisme ou
de la finance autoréférentielle d'Orléan pour expliquer la
dynamique boursière: il y a bien des «effets» mimétiques,
mais pas de « loi» mimétique.
Pour les néoclassiques, le taux d'intérêt est le taux long,
mais il est possible de passer des taux courts aux taux longs en
généralisant l'offre et la demande de fonds prêtables aux
emprunts courts. Mais quid du crédit bancaire qui « crée» de la
monnaie? Pour Keynes, c'est selon: le taux long quelquefois
(dans son analyse de l'investissement et de la spéculation), le
taux court et/ou long (pour fonder son marché de la monnaie
qui suppose la spéculation sur les obligations longues...). Un
doux mélange toutefois résolu par le modèle IS LM originel de
Hicks; à condition d'assimiler l'offre de crédit bancaire à de
l'épargne préalable longue et la demande de monnaie (une
thésaurisation) à une demande de fonds prêtable pour
l'investissement immédiat, sans l'autre légende de Keynes du
finance motiv. La science économique moderne est d'une
rigueur redoutable avec son modèle IS LM canonique à prix
fixes (devenu à prix variables et utilisé comme outil par presque
tous les économistes) fondé, soit sur une légende (LM déduite
de la demande de monnaie macroéconomique - thésaurisation -
pour motif de spéculation décroissante avec r), soit sur un
quiproquo.. .
Selon Smith réinterprété, le taux d'intérêt n'est qu'un sous-
produit du taux de profit économique (et non pas de la
rentabilité financière des propriétaires) : le taux de profit moins
une « prime de risque », en fait le taux de profit moins l'effet de
levier de l'endettement, éminemment variable avec la structure
de financement. On sait, depuis le théorème de Modigliani et
Miller, qu'il n'existe pas de structure optimale de financement
minimisant la légende du coût moyen pondéré du capital: les
taux de profit (dont le taux d'intérêt) sont des rentabilités pour
les apporteurs de capitaux, même s'ils peuvent apparaître
comme des coûts pour les entreprises. Mais que sont les
entreprises, sinon des institutions dominées par les actionnaires
héroïques et les prêteurs plus frileux, bref les capitalistes!
Mais que faire avec la théorie de Smith des deux taux
d'intérêt, longs et courts?
Marx avait raison d'hésiter face à la théorie de Smith, car si
le taux d'intérêt est bien un « morceau» du taux de profit, il
peut fiuctuer par l' «effet» de l'offre et de la demande,
l'épargne pouvant être substituée par le crédit bancaire. Les
248
banques sont des « machines sociales à déthésauriser », même
la monnaie thésaurisée par les agents non financiers. Force est
effectivement de constater le miracle de la « création
monétaire », ou de l'accélération de la vitesse de circulation de
la monnaiel par le crédit et le refinancement par l'émission de
monnaie centrale de la Banque centrale prêteuse en dernier
ressort. Sans ce miracle, le capitalisme serait resté dans
l'enfance.
Seule la théorie de la « double spéculation », développant en
l'amendant la théorie de Smith, peut expliquer la détermination
du taux, d'intérêt qui reste bien un sous-produit des taux de
profit. A condition de tenir compte, en développant Marx, de
l'intervention du crédit bancaire et des gourous de la politique
monétaire le contrôlant, dans les mains de Banques centrales
indépendantes ou agents directs de l'Etat. Bref, la théorie ne
fonctionne que dominée par les frottements sociaux.
Le taux d'intérêt long r est déjà soumis, comme la valeur de
marché des actions V, au « principe d'incertitude généralisé »,
par la circularité de V calculée par r, mais avec V ~ r ~ V ! r,
mais également V, deviennent l'électron du principe
d'incertitude de Heisenberg en physique quantique. Mais
r ~ V par la politique monétaire: l'incertitude devient
« radicalement» radicale! Autrement dit, malgré tous les
efforts scientifiques, l'économie restera politique.
I
Le doute persiste, sauf pour J'orthodoxie dominante depuis une trentaine
d'années.
249
La « vérité» des crises semble se trouver au carrefour de la
sphère monétaire et de la sphère réelle, étroitement imbriquées
et non dichotomisées. Selon deux mécanismes. Le premier
concerne la baisse de la demande qui ne peut s'expliquer sans la
thésaurisati on de certains agents (entreprises et ménages)
induisant une déthésaurisation équivalente d'autres agents (les
entreprises qui voient leurs stocks invendus se gonflerl). A
l'inverse, une déthésaurisation dopant la demande, boostée par
le crédit bancaire, fait fondre les stocks non désirés des
entreprises, ce qui induit pour elle une thésaurisation2. Le
second mécanisme est celui des marchés financiers et de
capitaux: avec notre double spéculation où « l'argent» sous sa
forme monnaie est l'intermédiaire obligé des échanges. Et la
monnaie, cette « insignifiance, simple lubrifiant, voile» est bien
plus que cela: la recherche du refuge de la liquidité est
incontournable en cas de crise, c'est-à-dire pour chaque
spéculateur individuel, tous les jours3. Sans parler de «la»
crise. Toutefois, celle-ci est toujours d'origine réelle: la baisse
des taux de profit.
I
À maintes reprises depuis l'été 2007, les Banques centrales ont injecté des
liquidités sans baisser à la fois leurs taux directeurs, ou en baissant des taux
particuliers peu médiatisés. C'est un symptôme de panique, comme
l'intervention de «prêteur en dernier ressort» pour éviter des faillites
bancaires, ou comme la nationalisation de la Northern Rock britannique, après
son sauvetage par la Banque d'Angleterre. Sans parler de petites banques en
faillites achetées pour une bouchée de pain par les plus grosses, recapitalisées
par les Fonds souverains...
251
* Taux de profit, taux d'intérêt, crise
Une cause de fond est donc à l'origine de ces phénomènes:
la contradiction de la double nature du taux d'intérêt qui est à la
fois un coût et une rentabilité. C'est un coût pour les
investissements: sa baisse par la politique monétaire
(interventionniste keynésienne) permet la relance en cas de
récession après le déclenchement de la crise en dopant les
investissements (et la consommation). Bien que le choix des
investissements n'ait pas besoin des taux d'intérêt pour
maximiser la rentabilité économique (pour obtenir l' « optimum
social» de l'ensemble des capitaux), le taux d'intérêt intervient
toujours par l'existence de l'alternative entre l'investissement et
le placement. Et par l'effet de levier, les actionnaires
bénéficient de l'euthanasie des rentiers, même, pour des taux
très bas, quand le choix induit une rentabilité économique
inférieure à l'optimum: malgré la diminution du gâteau taux de
profit économique, les actionnaires en obtiennent une plus large
part; et y gagnent donc quand les rentiers y perdent.
Par ailleurs, choisir l'investissement en égalisant le taux
d'intérêt (plus exactement donc la rentabilité économique
désirée) à la productivité marginale du capital en taux (pour les
néoclassiques) ou au TIR-EMAC (pour les keynésiens)
maximise bien la masse de profit pur de l'entreprise (profit pur
de l'entrepreneur néoclassique et des actionnaires!). Et c'est
cette masse de profit2, après effet de levier, qui, actualisée,
détermine la valeur fondamentale des actions. Or, les
spéculateurs choisissent le plus souvent le rêve des gains en
capital (celui des plus-values boursières) que la réalité de leur
taux de profit moyen effectif. Rappelons néanmoins (après
Bachelier et Samuelson) que l'espérance mathématique des
plus-values est nulle à long terme au niveau macro économique,
la rentabilité économique des capitaux se calant sur le taux de
croissance de l'économie en volume. Cependant, les
actionnaires preneurs de risque bénéficient sur le long terme
d'un bonus par rapport aux apporteurs de capitaux moins
risqués: c'est la règle des « 6 % pour les actions, 3 % pour les
obligations, 1 % pour les titres monétaires »3. Empiriquement,
le risque paie en moyenne; ce qui amoindrit les théories de
Bachelier et Samuelson mais est conforme à la théorie de Smith
ou à celle de la double spéculation, par l'effet de levier de
l'endettement.
I
Différence entre le profit économique total et les intérêts servis, dont ceux
correspondants aux capitaux propres.
2
Ou le dividende versé: on a déjà évoqué la controverse.
3
On peut penser, répétons-le, que le taux de profit économique est une
moyenne pondérée de ces différentes rentabilités, correspondant donc en gros
au taux de croissance de l'économie en volume.
252
Il n'empêche que le rêve de plus-values et les désirs de
rentabilités financières élevées à l'origine des bulles retrouvent
vite la réalité des taux de profits effectifs. Et la bulle éclate.
Mais le taux d'intérêt est aussi et surtout une rentabilité dont
le niveau est la conséquence du taux de profit et de la
dynamique boursière sur le double marché secondaire des
actions et obligations. Et Keynes trouve ses limites, répétons-
le: r n'est pas fondamentalement déterminé par le marché
monétaire mais par le taux de profit, comme chez Smith. Les
« bons coups» des spéculateurs anticipant une hausse des
profits risquent de se métamorphoser en « mauvais coup », par
la hausse de r rétroagissant sur V. Rarement pour eux dans le
court terme car ils continuent à raisonner selon rCT -7 V, en
ignorant V -7 r. Autre mauvais coup: quand la bulle éclate, les
taux longs chutent et les banques tendent les taux courts sur le
marché monétaire pour répondre à la baisse des taux de profit
augmentant les risques de défaillance des emprunteurs... et
leurs propres risques. Ce fut l'une des critiques, fort justifiée, de
Marx à la théorie de Smith; mais il ne distinguait que très mal,
comme Keynes, les taux courts et les taux longs.
Apparaissent alors de nouvelles contradictions: celle entre
les taux courts et les taux longs, celle des taux directeurs tentant
de contrarier le pessimisme des banques... Et ce n'est pas
facile, La Fed le tente début 2008, mais sans grand succès; la
BCE faisant le mort.
Cette contradiction des deux aspects du taux d'intérêt est
également à envisager sur le temps historique. Pendant les
Trente glorieuses et bien après, le taux d'intérêt était
fondamentalement un coût. Il n'avait rien à voir avec les
rentabilités et était déterminé non pas par les marchés financiers
mais par les politiques monétaires, « laxistes» puis «de
rigueur ». En effet, pendant la première période, de gloire, le
taux d'intérêt volontariste, orienté par les Banques centrales
« keynésiennes» et dans les mains de l'Etat, était faible ~t
dopait la croissance, selon l'optique par la demande. A
l'inverse, pendant la période qui a suivi, jusqu'au début des
années 90, quand le taux d'intérêt des Banques centrales
devenues « monétaristes » et indépendantes de l'Etat
(singulièrement la BCE, contrairement au pragmatisme de la
Fed, après le monétarisme de la fin des année 70 et du tout
début des années 80) augmentait par une volonté de lutte anti-
inflationniste, il freinait la demande et donc l'activité.
Toutefois, la politique monétaire n'est pas seule en cause
pour expliquer l'inversion de la dominance des deux aspects du
taux d'intérêt: celle de coût se transformant en celle de
rentabilité. C'est fondamentalement la libéralisation, et
singulièrement la libéralisation et la globalisation des marchés
253
financiers (objectifs des Etats et non pas contrainte
« naturelle », contrairement au discours idéologique dominant)
qui transforme le taux d'intérêt en tant que coût en taux
d'intérêt en tant que rentabilité. Pas complètement, car les
politiques monétaires (et budgétaires) orientent encore le niveau
d'activité, du moins grâce au pragmatisme états-uni en ; mais il
semble que depuis une dizaine d'années, ces politiques suivent
fondamentalement l'évolution spontanée des marchés
financiers. Le volontarisme perdure toutefois, mais avec
combien de mal, dont l'énigme de Greenspan!
Malgré ces contradictions, les politiques monétaires et les
effets de la financiarisation, tous les taux d'intérêt, longs et
courts, restent une part du « gâteau taux de profit », même si ces
parts fluctuent avec les effets de l'offre et de la demande sur les
marchés financiers. On penche plutôt, on l'aura compris, vers la
théorie de la valeur travail de Smith, développée par Marx, et
du profit part non rémunérée du travail des salariés. La crise
n'est pas que financière, elle est fondamentalement réelle, car le
profit est « réellement» extorqué aux salariés productifs, la
sphère financière n'assurant que sa répartition entre les
différents types de capitaux. La dominance, selon la théorie
marxiste, du « capital financier» sur le « capital industriel»
doit être revisitée dans cette optique.
Keynes notait déjà en 1936 les limites de la politique
monétaire en cas de crise grave: il est par nature difficile de
jouer avec les deux faces de Janus des taux d'intérêt. Ce jeu est
d'autant plus difficile dans la conjoncture actuelle proche de la
stagflation où disparaît le dilemme entre l'inflation (et la
relance économique) et le chômage. Avec le troisième choc
pétrolier maintenant avéré, le danger de stagflation nous ramène
à une possible impasse dans laquelle le premier choc nous
poussa il y a plus de trente ans. Baisser les taux directeurs, donc
augmenter la masse monétaire par le crédit bancaire pour
relancer la demande, pourrait doper l'inflation. Avec ou sans
théorie quantitative de la monnaie des libéraux: l'inflation par
la demande des keynésiens est une autre courroie de
transmission. Les hausser pour freiner la seconde pourrait
ralentir la première. Il en est peut-être de même pour les
politiques budgétaires qui, si elles veulent soutenir la demande
effective, risqueraient de relancer l'inflation par la demande...
On en parle encore peu, mais on en reparlera. Seul Trichet et la
BCE ont, pour le moment, opté pour ne regarder que la
boussole de l'inflation, la « reprise étant au coin de la rue ».
Qui peut affirmer définitivement que la politique européenne
est mauvaise, compte tenu du danger d'inflation, surtout avec
l'embellie de la fin de printemps sur les marchés financiers. Les
Cassandre continuent cependant à susurrer que le pire reste
254
possible: les américains n'auraient pas tort... Pourtant, les
politiques interventionnistes, même si elles renaissent de leurs
cendres, sont comme le poignard de l'amouf...
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I Nous avons évité l'anglais qui aurait donné Gap entre r et g, ou G-rg...
C'est un peu grinçant et à connotation policière; et l'écart entre i et c, l'E-ie,
fait penser au hic de la politique économique après les Trente glorieuses...
Selon un dictionnaire: il Hic: ... Fam. Nœud, principale difficulté d'une
affaire: voilà le hic! ». Un peu d'humour ne fait jamais de mal...
255
Attention, ce «critère de performance» ne peut être
généralisé aux actionnaires, car on a vu que les taux de
rentabilité économiques et financiers nets étaient inférieurs à
« i » sur la période des trente années de plomb. A l'inverse, les
(beaucoup plus rares) actionnaires ne s'en sortaient pas si mal
dans la période précédente, grâce à la politique keynésienne et
singulièrement la politique monétaire de taux bas.
On note souvent une corrélation entre le taux de croissance
économique et le niveau de l'emploi (mesuré ici par 1 - taux de
chômage au sens du BIT - Bureau international du travail - en
France). Elle est en fait statistiquement correcte, sans plus.
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de corrélation de 62 %
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258
ultralibéraux...) rejoignent 1'« armée de réserve» qui est
vieille comme le capitalisme.
De méchantes langues pourraient plagier le titre de
Boukharine: L'économie politique du rentier. Ils évoqueraient
alors « la politique économique du rentier» pour caractériser la
politique monétariste qui a dominé la période des trente années
de plomb. On en connaît même qui rajouteraient: la politique
économique du social-libéralisme...
Les deux périodes caractérisant l'E-ic sont on ne peut plus
claires; elles indiquent en outre que la théorie de Smith est
largement dominée par les fameux frottements de la politique
monétaire. Ceux-ci semblent disparaître depuis 1999. Il est
piquant de remarquer que l'E-ic moyen des quarante dernières
années est proche de zéro et que la crise du début du XXI"
siècle semble rétablir l'équilibre tendanciel entre « i » et « c »,
conformément à la théorie économique traditionnelle.
L'E-ic : évolution depuis quarante ans: une moyenne nulle,
conformément à la théorie économique, mais deux périodes bien marquées
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7% L'E-ic> 0
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5% L'E-Îe
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-7% L'E-ic < 0 ... L'E-ic : moyenne par période
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1
Voir le graphique de la page 198.
260
les contradictions qui viennent d'être mentionnées des
politiques monétaires et budgétaires en conjoncture de
stagflation. La crise qui se développe depuis près de dix ans
aura peut-être les mêmes effets sur la pensée économique, mais
dans l'autre sens.
On l'espère; on peut malheureusement en douter. On
recommande à cet égard la lecture de Comment les économistes
se sont trompés de James Kenneth Galbraith (2000). « De quoi
alors s'occupe la science économique moderne? écrit-il, Il
semblerait que ce soit surtout d'elle-même... ». La fin de
l'article est géniale. Se référant à Lord Kelvin, l'inventeur du
zéro absolu - et peut-être pas seulement en physique... - qui
affirmait, il y a un plus d'un siècle, que les objectifs de la
physique étaient définitivement atteints, le XXe siècle ne
pouvant apporter que quelques détails, James K. Galbraith
rappelle que cinq ans plus tard apparaissait la relativité
restreinte puis la mécanique quantique. Il termine: «Si une
révolution théorique avait lieu, ces économistes seraient-ils
capables de la reconnaître? on peut en douter. Avoir raison ne
compte pour pas grand chose dans ce club ».
On aura noté l'utilisation du conditionnel pour rapprocher la
crise actuelle de celle de 1975-1985. La situation est en effet
différente aujourd'hui de celle de la fin des Trente glorieuses,
une fenêtre restant peut-être ouverte. Depuis plus de trente ans,
les économies occidentales ne sont pas en plein-emploi, malgré
les artifices des calculs du chômage dans les pays présentant
actuellement une vitrine correcte, et ne sont pas bénéficiaires de
taux de croissance élevés. Un choc inflationniste par les coûts
pétroliers (et des matières premières) peut être largement
amorti: il le fut depuis 1999, il n'apparaît que depuis que le
baril frôle ou dépasse les 100 $, avec en plus le boom des prix
de produits agricoles 1.
Voilà la fenêtre, mais très grillagée. En absence d'efficacité
certaine des politiques monétaires, une seule solution existe
encore.. ., iconoclaste pour le néolibéralisme dominant
(quoique.. .) : le retour aux bons vieux déficits budgétaires à la
Keynes. Ce qui n'effraie pas les américains va faire hurler les
européens, de gauche comme de droite, qui ont définitivement
enterré le keynésianisme : il ne s'agit plus de dépasser la limite
de 3 % du PIB pour le déficit budgétaire mais maintenant
d'atteindre zéro. Quel aveuglement!
I
Il ne manquait plus que les émeutes de la faim pour compléter le sombre
tableau: une crise financière, l'Irak, l'Afghanistan et l'Iran, le Moyen-Orient,
le Pakistan, Ben Laden, Chavez et Poutine, les tibétains et les chinois... plus
une crise frumentaire. Il ne manquerait plus qu'un rigolo dise « S'ils n 'ont
plus de SMIC, qu'ils mangent leurs stocks-options! Ii.
261
On attend donc de nouveaux Keynes et de nouveaux
Roosevelt. Ou alors, comme en 1968, « une seule solution... »
pour lutter contre l' « horreur économique» 1 et libérer
I'humanité, toute I'humanité.
263
* Liberté, servitude, libido, risque
Jean-Jacques Rousseau, dans Les Confessions, notait:
« L'argent que l'on possède est l'instrument de la liberté,. celui
que l'on pourchasse est celui de la servitude ». Servitude des
exploités, mais aussi servitude des bénéficiaires, éphémères, des
booms boursiers. Selon Bernard Maris (1999), pour Keynes le
capitalisme ne serait qu'un exutoire de l' « abondante libido» :
pourquoi est-on capitaliste? dit Keynes, parce qu'on n'a pas eu
la chance, d'être un artiste, un savant, un écrivain; faute de
mieux, on se fait capitaliste, « ...et il vaut mieux exercer son
despotisme sur son compte en banque que sur autrui» se résout
Keynes. Maris, entraîné par son lyrisme, corrige néanmoins le
tir: « Certes, sauf que le capitalisme, tout facétieux et joueur
qu'il est, fait travailler les autres ».
Ce jeu plein de libido des capitalistes va très loin; son risque
aussi va très loin. Si l'on suit Georges Bataille (1933), qui
reprend de façon créatrice les thèses de Marcel Mauss (1923-
1924, 1993) sur le don, ce risque dépasse la seule volatilité des
profits des investisseurs se transformant quelquefois en pertes,
retrouvant la pratique primitive du « potlatch» 1. Celui qui étale
sa richesse de façon ostentatoire2 attend en fait un contre don de
valeur supérieure. Mauss lui-même, rappelé par Bataille,
indique que « L'idéal serait de donner un potlatch et qu'il ne
fut pas rendu ».
En langage moderne, le don attend sans aucun doute le
contre don: l'investissement en capital attend sa reproduction
plus un profit ou un intérêt. Mais il existe le risque de ne pas
retrouver ce contre don, lié à la notion de risque de perte selon
l'approche de Bataille, connotant probablement un fantasme de
mort3. Le jeu économique ne serait qu'un ersatz du jeu
guerrier: « Une sorte de poker rituel, àforme délirante, comme
source de la possession. Mais les joueurs ne peuvent jamais se
retirer fortune faite: ils restent à la merci de la provocation. La
fortune n'a donc en aucun cas pour fonction de situer celui qui
la possède à l'abri du besoin. Elle reste au contraire
fonctionnellement, et avec elle le possesseur, à la merci d'un
besoin de perte
. 4démesurée qui existe à l'état endémique dans un
groupe SOCia»I .
Eros et Thanatos: on passe facilement du bling-bling à la
mort. Mort que l'on retrouve chez Keynes dans la volonté
I Selon Mauss en effet, dans son Essai sur le don, le don et le contre don sont
des rites centraux des sociétés archaïques. Dans la pratique du potlatch, le don
est apparemment gratuit, montrant cependant le rang et le prestige du
donateur. Souvent, cette richesse est d'ailleurs détruite.
2 « La consommation ostentatoire» de WebIen (1899, I969) dans sa Théorie
de la classe de loisir, s'appelle maintenant l'effet « bling-bling ».
3 Ou un complexe de castration si on lit BatailIe entre les lignes.
4
C'est BatailIe qui souligne.
264
d' « euthanasie des rentiers ». Cette obsession (car s'en est
une), cette volonté de mort sur autrui, viendrait peut-être d'une
éventuelle névrose obsessionnelle si l'on en croit Freud (1907,
1974) dans L 'homme aux rats, la diagnostiquant sur un patient
en 1907, bien avant de connaître Keynes qu'il n'analysera
pas... Une autre caractéristique de cette névrose est, selon
Freud, celle de l'an~oisse de l'incertain: l'incertitude,
« radicale» de Keynes. Freud note le premier aspect, la
volonté de mort: « ... un trait de superstition chez notre
malade, je veux parler de la toute puissance qu'il attribue à ses
pensées, à ses sentiments et aux bons et mauvais souhaits qu'il
pouvait faire. On serait tenté de déclarer qu'il s'agit d'un délire
dépassant les limites d'une névrose obsessionnelle ». On ne
peut donc s'empêcher de penser à la volonté de mort que
Keynes voue aux rentiers.
Freud envisage également le second aspect, l'incertitude:
« Un ... besoin psychique commun aux obsédés ..., est celui de
l'incertitude dans la vie, du doute. La formation de l'incertitude
est une des méthodes dont la névrose se sert pour retirer le
malade de la réalité et l'isoler du monde extérieur La
prédilection des obsédés pour l'incertitude et le doute devient
chez eux une raison d'appliquer leurs pensées à des sujets qui
sont incertains pour tous les hommes et pour lesquelles nos
connaissances et notre jugement doivent nécessairement rester
soumis au doute. De pareils sujets sont avant tout la paternité,
la durée de la vie, la survie après la mort... )}. Or Keynes est
l'un des premiers économistes à avoir mis en avant l'incertitude
absolue, radicale, après sa thèse sur les probabilités de 1921. La
monnaie est pour lui le meilleur moyen de se protéger contre
cette incertitude, car elle est non risquée - en valeur nominale,
si on laisse de côté l'inflation - contrairement aux titres
financiers. La psychanaljse est riche d'enseignements sur la
monnaie et le capitalisme.
On peut se demander si l'aveuglement des spéculateurs n'a
pas quelque chose à voir avec l'aveuglement œdipien, encore
un complexe de castration.
Sans parler de l'aveuglement des théoriciens de l'économie.
I Voir Castex (2003 et 2007). Freud rappelle qu'en allemand, rat se dit
il Ratte» et dividende ou remboursement il Rate» (comme en anglais
« rate »). Il oublie de mentionner il Rat », conseil, avis et il Rdtsel », devinette,
énigme.
2 Considérations théoriques de L 'homme aux rats.
3 Par exemple les rapports de l'argent et de la merde, celui des rapports de la
névrose obsessionnelle, en fait la fixation selon Freud au stade sadique-anal,
et du despotisme capitaliste perçu par les psychanalystes allemands (et le plus
souvent juifs) sous la pression de l'analyse du cas nazie. Voir Castex (2007).
265
Au moment même où nous effectuons les dernières
corrections des épreuves de ce livre, Ben Bernanke de la Fed
commençait à s'émouvoir du danger d'inflation tandis que
Jean-Claude Trichet de la BCE annonçait une possible hausse
des taux directeurs en juillet. Il est vrai que le troisième choc
pétrolier, méprisé par la plupart des économistes, rappelons-le,
jusqu'en fin d'année 2007, devient un « super-choc »" avec le
pire peut-être devant nous: 150 $ le baril en juillet? A quand
les 250 $ annoncés par le Russe Gazprom ?
Mais la Fed semble en outre répondre à la BCE : une hausse
des taux directeurs en Europe (taux actuellement déjà deux fois
plus élevés que les taux américains) ne peut qu'accélérer le
plongeon du dollar, toujours parfaitement en relation (inverse)
avec les prix du brut en dollars... Que le dollar plonge comme
récemment (1,58 $ par euro) et le brut explose; que le dollar se
redresse et le brut s' effritte.
A ce premier jeu du chat et de la souris s'ajoute donc celui
entre la BCE et la Fed qui, avec le Trésor états-unien, tente le
sauvetage du dollar. Qui tirera le premier des deux patrons des
deux Banques centrales? Le tout sous les yeux probablement
narquois des pays émergents et pétroliers avec leurs réserves en
cette ex-devise forte.
Les bourses qui s'étaient reprises depuis fin mars (belle
embellie «confirmée» en France par la surprise des
performances économiques du premier trimestre 2008),
recommençaient à replonger, avec des dangers de récession de
plus en plus évidents aux Etats-Unis.
La quadrature du cercle pour lutter contre La Chute est
vraiment d'actualité.
266
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272
SOMMAIRE
INTRODUCTION 7
PREMIÈRE PARTIE
TAUX DE PROFIT ET TAUX D'INTÈRÊT 25
273
23 - L'effet de levier de l'endettement et les trois rentabilités:
rentabilité économique, taux d'intérêt, rentabilité financière 79
231 - L'effet de levier de l'endettement: une simple identité comptable 79
232 - Les capitaux comme coûts et le CMPC 81
233 - Pour ou contre le théorème de Modigliani-Miller? 83
234 - De la schizophrénie du désir et de la réalité au retour à l'entité 87
DEUXIEME PARTIE
CYCLES MONETAIRES ET/OU REELS, BULLES BOURSIERES,
THEORIE DE LA « DOUBLE SPECULATION» 93
274
-
432 La reprise de la théorie du mimétisme
ou « finance auto référentielle » d'André Orléan 138
Chapitre V Le« principe d'incertitude généralisé» :
la « double spéculation» sur les marchés financiers,
perturbée par la po litique monétaire 143
51 - La détermination du taux d'intérêt à partir du taux de profit
par la double spéculation, : la « théorie pure », sans les « frottements
sociaux» des banques « machines sociales à déthésauriser » 144
511 - Dans quel sens faut-il prendre la relation entre le taux d'intérêt r
et la valeur de marché V des titres? r -> V (fonction décroissante)
ou V -> r (fonction croissante) ? 144
512 - Les indéterminations selon le « ratio q » de Tobin
et la création de valeur actionnariale 148
513 - Une tentative de formalisation de la double spéculation,
avec prime de risque désirée par les actionnaires constante 152
TROISIEME PARTIE
LA CRISE FINANCIÈRE DE 2000-2008 :
CONSÈQUENCE DE LA CRISE RÉELLE DEPUIS 1999 173
275
Chapitre VII Les profits peuvent-ils aller mal
quand la bourse va bien? 197
CONCLUSION 245
BIBLIOGRAPHIE 267
SOMMAIRE 273
276
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