You are on page 1of 55

Focus stratégique n°26

______________________________________________________________________

L’ONU, Pygmalion malhabile


La fragilité du nation building au Timor
______________________________________________________________________

Dominique Lecompte
Novembre 2010

Centre
des études de sécurité
L’Ifri est, en France, le principal centre indépendant de recherche,
d’information et de débat sur les grandes questions internationales. Créé en
1979 par Thierry de Montbrial, l’Ifri est une association reconnue d’utilité
publique (loi de 1901).
Il n’est soumis à aucune tutelle administrative, définit librement ses activités et
publie régulièrement ses travaux.

L’Ifri associe, au travers de ses études et de ses débats, dans une démarche
interdisciplinaire, décideurs politiques et experts à l’échelle internationale.
Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), l’Ifri s’impose comme un des
rares think tanks français à se positionner au cœur même du débat européen.

Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que la responsabilité de l’auteur.

ISBN : 978-2-86592-758-6
© Ifri – 2010 – Tous droits réservés

Toute demande d’information, de reproduction ou de diffusion peut être adressée à publications@ifri.org

Ifri Ifri-Bruxelles
27 rue de la Procession Rue Marie-Thérèse, 21
75740 Paris Cedex 15 – FRANCE 1000 – Bruxelles – BELGIQUE
Tel : +33 (0)1 40 61 60 00 Tel : +32 (0)2 238 51 10
Fax : +33 (0)1 40 61 60 60 Fax : +32 (0)2 238 51 15
Email : ifri@ifri.org Email : info.bruxelles@ifri.org

Site Internet : www.ifri.org


« Focus stratégique »

Les questions de sécurité exigent désormais une approche intégrée, qui


prenne en compte à la fois les aspects régionaux et globaux, les
dynamiques technologiques et militaires mais aussi médiatiques et
humaines, ou encore la dimension nouvelle acquise par le terrorisme ou la
stabilisation post-conflit. Dans cette perspective, le Centre des études de
sécurité se propose, par la collection « Focus stratégique », d’éclairer par
des perspectives renouvelées toutes les problématiques actuelles de la
sécurité.

Associant les chercheurs du Centre des études de sécurité de l’Ifri


et des experts extérieurs, « Focus stratégique » fait alterner travaux
généralistes et analyses plus spécialisées, réalisées en particulier par
l’équipe du Laboratoire de recherche sur la défense (LRD).

L’auteur
Dominique Lecompte est docteur en géographie et consultant indépendant.
Il a travaillé sur des projets des Nations unies, de la Banque mondiale, de
la Commission européenne et du ministère français de la Coopération – en
particulier au Burundi, en République Démocratique Congo et en Haïti. Il a
terminé en avril 2010 une mission de deux ans et demi au Timor-Leste.

Le comité de rédaction
Rédacteur en chef : Etienne de Durand
Rédacteur en chef adjoint : Marc Hecker
Assistante d’édition : Alice Pannier

Comment citer cet article


Dominique Lecompte, « L’ONU, Pygmalion malhabile. La fragilité du nation
building au Timor », Focus stratégique, n° 26, novembre 2010.
Sommaire

Introduction _____________________________________________ 5

Contexte institutionnel et sociologique de l’intervention


onusienne _______________________________________________ 7

L’ONU : un despotisme éclairé pas toujours cohérent ____ 8

La partie timoraise : une société clanique traumatisée


par vingt-cinq années d’occupation et de conflits ______ 12

Les réalisations : succès et échecs _________________________ 15

Des succès relatifs : défense, institutions et finances


publiques ________________________________________ 15

Les échecs : services sociaux, justice et environnement


de l’économie ____________________________________ 18

Leçons et recommandations ______________________________ 25

Conclusion _____________________________________________ 31

Annexes _______________________________________________ 33

Références _____________________________________________ 49
Introduction

L orsque le 25 octobre 1999 les Nations unies sont chargées


d’administrer le Timor-Leste et de le mener à l’indépendance, le
territoire est en ruine. Les Indonésiens ont saccagé les infrastructures, le
tiers de la population s’est « réfugiée » au Timor ouest et la plupart des
médecins, enseignants et cadres sont partis. Durant trente mois, l’ONU
dispose de tous les pouvoirs, assure la sécurité, administre le pays, bâtit
ses institutions et l’amène à l’indépendance en un délai record.
L’expérience timoraise est alors présentée comme une success story en
matière de peace building et de nation building. Chacune des missions de
l’ONU qui se sont succédé au cours des dix années suivantes a vainement
tenté de se retirer. En dépit de centaines de millions de dollars dépensés,
du déploiement de forces ayant compté jusqu’à 9 000 militaires et plus de
1 500 policiers, de la présence de centaines d’experts internationaux, le
pays demeure le plus pauvre de la région, l’Etat timorais n’assure que très
partiellement ses fonctions régaliennes et le cadre juridique reste
incohérent. La « plus jeune nation du monde » a en partie épuisé son
capital de sympathie auprès de ses partenaires et se trouve classée dans
la catégorie des pays en voie « d’africanisation » par les chercheurs
australiens et dans celle des « Etats fragiles » par l’OCDE 1.

Le Timor possédait pourtant des avantages certains qui auraient dû


faciliter la stabilisation et le développement du nouvel Etat : territoire
restreint, communauté internationale disposant des pleins pouvoirs et ne
manquant ni de moyens financiers ni de personnel, voisins relativement
conciliants – contrairement au Kosovo, à l’Irak ou à l’Afghanistan –, classe
politique prête à jouer le jeu 2. Dans ces conditions, comment expliquer
l’incapacité de la communauté internationale à construire un Etat timorais
stable et efficace ? Le Timor-Leste est-il déjà un « Etat failli » ou bien,
« inventé » 3 sans vision cohérente il y a seulement huit ans 4 par les
Nations unies et la communauté internationale, n’est-il pas plutôt encore
qu’un « Etat virtuel » ?

1
Sur ce syndrome de « l’africanisation » : Benjamin Reilly, « The Africanisation of
the South Pacific », Australian Journal of International Affairs, vol. 54, n° 3, 2000,
pp. 261-268; Jon Fraenkel, « The coming anarchy in Oceania? A critique of the
“Africanisation” of the South Pacific thesis », Journal of Commonwealth and
Comparative Politics, vol. 42, n° 1, 2004, pp. 1-34.
2
Contrairement à la classe politique d’autres pays bénéficiant du soutien de la
communauté internationale, à l’instar de la République Démocratique du Congo.
Cf. Sébastien Melmot, « Candide au Congo. L’échec annoncé de la Réforme du
Secteur de Sécurité », Focus stratégique, n° 9, septembre 2008.
3
James Traub, « Inventing East Timor », Foreign Affairs, juillet-août 2000.
4
L’indépendance formelle du Timor-Leste date du 20 mai 2002.
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

Pour répondre à ces questions, le contexte institutionnel et


sociologique de l’intervention onusienne doit d’abord être analysé, en
insistant notamment sur les présupposés et les erreurs de perception des
experts internationaux. Cette analyse doit ensuite permettre de mieux
appréhender les échecs – mais aussi quelques indéniables succès – de
l’action onusienne. Enfin, plusieurs leçons susceptibles de s’appliquer à
d’autres théâtres seront tirées du cas timorais. On peut craindre, en effet,
que les mêmes approches ne conduisent aux mêmes impasses, par
exemple en Haïti où la communauté internationale semble désireuse de
réaliser un nouveau « chef d’œuvre » en matière de construction ex nihilo
d’un Etat.

-6-
Contexte institutionnel et
sociologique de l’intervention
onusienne

epuis 1999, cinq missions mandatées par l’ONU se sont succédé 5.


D L’United Nations Assistance Mission in East Timor (UNAMET) 6, en
charge de l’organisation du referendum d’autodétermination dut quitter le
pays en raison des violences ayant suivi la proclamation des résultats.
L’United Nations Transitional Administration in East Timor (UNTAET) la
remplaça 7, épaulée par une force de plus de 9000 hommes (INTERFET –
International Force for East Timor) 8, son mandat combinant urgence
(coordination et distribution de l’aide humanitaire, maintien de la sécurité
intérieure et extérieure, administration temporaire du territoire),
réhabilitation (remise sur pied des services sociaux et des infrastructures)
et actions à plus long terme (mise en place d’une administration, des
institutions du futur Etat et des conditions pour un self-government). C’est
elle qui présida à l’enfantement du Timor-Leste et sa mission s’acheva
avec l’indépendance, le 20 mai 2002.

L’ONU mit ensuite en place plusieurs missions successives pour


appuyer le nouvel Etat. L’United Nation Mission of Support in East Timor
(UNMISET) 9 fut chargée d’assurer le maintien de l’ordre et de la sécurité
(5 000 militaires jusqu’en 2004 et 1 250 policiers) et d’aider à la réalisation
des tâches administratives « essentielles » (300 conseillers). L’évolution
étant jugée favorable, elle fut prolongée avec des effectifs restreints
jusqu’en mai 2005, avec pour objectif de passer le relais aux Timorais.
L’UNMISET ne comptait plus que 157 policiers, 310 militaires et une
centaine d’experts à sa clôture. L’UNOTIL (United Nations Office in East
Timor) 10 la remplaça avec un effectif encore plus réduit (35 civils, 40
policiers, 35 militaires, 10 conseillers en matière de droits de l’homme).
Venant ainsi en appui uniquement aux fonctions critiques de
l’administration, elle devait clore l’intervention au Timor en janvier 2006.

5
Pour l’historique de ces diverses missions, voir en particulier Geoffrey C. Gunn,
Reyko Huang, New Nation : United Nations peace building in East Timor,
Nagasaki, Research Institute of Southeast Asia, Faculty of Economics, Nagasaki
University, Southeast Asia Series, n° 36, 2004.
6
Résolution 1236 du 7 mai 1999.
7
Résolution 1272 du 25 octobre 1999.
8
Résolution 1264 du 15 septembre 1999.
9
Résolution 1410 du 17 mai 2002.
10
Résolution 1599 du 28 avril 2005.
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

L’optimisme de l’ONU se révéla toutefois prématuré. Le 8 février


2006, 350 des 1 800 hommes de l’armée timoraise abandonnèrent leurs
casernes et signèrent une pétition accusant l’état-major de discrimination
entre les soldats originaires de l’Est et ceux de l’Ouest du pays.
D’importants troubles s’ensuivirent, provoquant le déplacement de plus de
100 000 personnes. Le 26 mai 2006, quelques centaines de militaires
australiens débarquèrent à Dili pour rétablir l’ordre dans le pays 11. L’ONU
décide alors de redéployer une mission plus robuste, l’United Nations
Integrated Mission in Timor-Leste (UNMIT) 12, chargée de faciliter le
dialogue politique, d’aider au déroulement des élections parlementaires et
présidentielles de 2007, d’assurer le maintien de la sécurité publique,
d’appuyer la police nationale, de renforcer les capacités institutionnelles de
l’Etat et de coordonner l’aide humanitaire. Pour ce faire, elle dispose de
1 500 policiers, 360 experts civils et 175 volontaires. L’International
Stabilisation Force (ISF) composée d’Australiens et de Néo-Zélandais n’est
en revanche pas placée sous commandement onusien.

En 2006, le Timor-Leste semble donc revenu à la « case départ »13


et la situation reste depuis lors très fragile. Le mandat de l’UNMIT a été
prolongé à plusieurs reprises et doit prendre fin en 2012. Si l’ONU n’a pas
réussi, jusqu’à présent, à stabiliser durablement le Timor et à créer les
conditions du développement économique, c’est avant tout en raison des
incohérences de son mode de gestion et de son incapacité à s’adapter à la
complexité de la société timoraise.

L’ONU : un despotisme éclairé pas toujours cohérent


Durant deux ans, l’UNTAET fut une expérience unique d’administration
directe d’un territoire et de construction d’un Etat par l’ONU. Elle fut
marquée par son caractère bureaucratique laissant peu de place à la
participation des Timorais, la multiplicité des structures d’intervention et de
financement, l’hétérogénéité des intervenants et d’une façon générale par
le recours à des « recettes » élaborées ailleurs, pas toujours adaptées à la
situation locale.

D’octobre 1999 à mai 2002, l’UNTAET exerça via l’East Timor


Transitional Administration (ETTA) l’intégralité des pouvoirs souverains.
L’administrateur provisoire, Sergio Vieira de Mello, « Tsar onusien du
Timor », dirigeait le pays, « selon les règles de New York »14, dépendait
directement du Secrétaire général de l’ONU et avait tous les pouvoirs :
exécutif (il dirigeait l’administration, les forces de sécurité, était le seul
interlocuteur des agences de l’ONU, des organismes internationaux et des
11
Opération Astute, coalition de 650 Australiens, 209 Malaisiens, 140 Néo-
Zélandais, 124 Portugais.
12
Résolution 1704 du 25 août 2006.
13
Frédéric Durand « Timor Leste : Tragique retour à la case départ », in L’Asie du
Sud Est 2007, IRASEC-Aux Lieux d’Etre, Bangkok-Montreuil, 2007, pp. 89-93.
14
D’après celui qui démissionna en mars 2000 de ses fonctions de chef de l’Office
of District Administration de l’UNTAET : Jarat Chopra, « The UN’s kingdom of East
Timor », Survival, vol. 42, n° 3, automne 2000, pp. 27-39 ; et Jarat Chopra,
« Building state failure in Timor-Leste » in Jennifer Milliken (dir.) State Failure,
collapse and reconstruction, Wiley-Blackwell, 2003, pp. 223-245.

-8-
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

autres Etats apportant leur aide), législatif (l’ETTA émettait des


« règlements ») et judiciaire. Seul décisionnaire 15, il présidait un « premier
gouvernement de transition » de 8 membres 16 (4 Timorais et 4 employés de
l’UNTAET) et une administration de plusieurs centaines d’advisors,
travaillant en anglais. Dans la « ville de tentes » rapidement plantée, les
postes de responsabilité n’étaient, après 15 mois, pourvus qu’à hauteur de
10% 17 par des Timorais. Au grand dépit du Conselho Nacional da
Resistência Timorense (CNRT) qui avait mené la guerre d’indépendance,
les Timorais ne participèrent qu’à des institutions « consultatives » non-
élues, d’abord le Conselho Nacional Consultativo (CNC de 15 membres
créé dès le 2 décembre 1999) puis le Conselho Nacional (CN de 36
membres créé le 14 juillet 2000). Ce n’est que le 30 août 2001 18 que fut
élue une Assemblée constituante chargée de rédiger la constitution du futur
Etat indépendant, mais sans pouvoirs sur la gestion du territoire. Cette
situation permit à certains de parler d’un « royaume onusien au Timor » 19 et
Vieira de Mello lui-même admit qu’il ne voyait pas comment gouverner
avec un pouvoir absolu autrement que par la pratique du despotisme
éclairé.

D’un point de vue conceptuel, les activités furent rapidement


définies par plusieurs missions onusiennes et par la Joint Assessment
Mission (JAM de la Banque mondiale, de la Banque asiatique de
développement et du Fonds monétaire international) en septembre 1999,
servant de base à la conférence des bailleurs réunis à Tokyo en décembre
1999.

La mise en œuvre fut complexe. Une stricte répartition des


responsabilités fut établie dès le début : la PKF (Peace Keeping Force d’un
effectif équivalent à celui de l’INTERFET) fut chargée de la sécurité et
l’ETTA des volets urgence et nation building (urgence et humanitaire,
aspects politiques, administration, justice, mise en place des institutions
politiques et élections), tous les aspects économiques étant confiés aux
institutions financières internationales : Banque Mondiale (BM – mise sur
pied des institutions financières, relance de la production agricole, santé,
éducation, secteur privé), Banque Asiatique de Développement (BAD –
transports, communications, eau, énergie, micro-finances) et Fonds
Monétaire International (FMI – aspects monétaires). Sept modalités de
financement différentes furent mises en œuvre et, outre les dépenses
directement prises en charge sur les budgets de l’ONU (maintien de la
paix, coût de ses fonctionnaires…), deux fonds fiduciaires furent créés : le
Consolidated Fund for East Timor (CFET, utilisant notamment les
ressources domestiques collectées par l’ETTA) pour financer le
fonctionnement et les activités de l’ETTA et le Trust Fund for East Timor
(TFET) pour tout ce qui concernait le financement des secteurs dont la

15
Résolution 1271 du 22 octobre 1999.
16
Affaires internes, Infrastructures, Affaires économiques, Affaires sociales, Police
et services d’urgence, Affaires politiques, Justice et Finances.
17
En 2002, à la fin de la mission, seulement 17% des 10 169 agents civils et
militaires étaient timorais.
18
Résolution 1338 du 31 janvier 2001.
19
Jarat Chopra, op.cit.

-9-
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

gestion était confiée à la BM et à la BAD. La multiplicité des intervenants à


tous les niveaux a favorisé les luttes internes entre militaires et civils, entre
les divers départements de l’ETTA, entre partenaires extérieurs (Portugal,
Australie…) ayant des objectifs politiques différents, entre le tandem
BM/BAD en charge de la gestion du TFET et les bailleurs qui l’alimentaient,
et enfin, entre tous les acteurs chargés de gérer la manne financière
déversée sur le pays (agences de l’ONU concurrentes, ONG
internationales).

De nombreux a priori idéologiques et d’abord « l’idéologie de la


page blanche » présidèrent à l’action de la communauté internationale :
près de 80% des cadres de l’administration indonésienne ayant quitté le
pays, les experts furent grisés par l’occasion qui leur était offerte de
construire une nouvelle nation from scratch, de bâtir de nouvelles
institutions sur un terrain considéré comme vierge. Durant 25 ans des
milliers de Timorais avaient acquis une expérience dans les multiples
services de l’administration indonésienne mais tout cet acquis, considéré
comme bureaucratique, corrompu, étranger aux critères « anglo-saxons »
de l’ONU, fut ignoré. Dans le domaine économique, des présupposés
néolibéraux confièrent très peu de responsabilités au nouvel Etat timorais,
que ce soit dans les domaines monétaire, financier ou des services publics.
Les conditions de développement du secteur privé n’étaient toutefois pas
réunies. Des secteurs qui fonctionnaient à l’époque indonésienne, comme
la poste et le développement agricole, furent laissés à l’abandon sans que
des services privés ne les remplacent. Quant à la remise sur pied des
services sociaux, elle fut largement confiée aux ONG internationales et peu
d’attention fut portée à la structuration des services publics d’éducation et
de santé du futur Etat timorais. De manière générale, les institutions se
concentrèrent sur « ce qu’elles savaient faire » : organisation des élections
et aspects formels du droit (établissement d’une constitution, formation d’un
parlement) pour l’ONU, aspects financiers et comptables en ce qui
concerne infrastructures et services sociaux pour la BM et la BAD, la
résolution de problèmes techniques et la mise en place de structures
propres à les affronter étant largement délaissées.

Les ressources humaines mobilisées posèrent un problème de


compétence et de cohérence. Recruter plus de 8 000 « internationaux »
(6 399 militaires, 1 288 policiers, 737 conseillers civils en 2002) ne fut pas
aisé pour l’ONU qui avait plusieurs autres opérations en cours. Si
beaucoup étaient compétents et enthousiastes, les évaluations réalisées
par la société civile 20 insistent toutes sur le grand nombre d’agents peu
expérimentés, peu familiers avec la région et ne possédant pas les
capacités nécessaires pour occuper les fonctions qu’ils exerçaient.
L’administration au niveau des districts semble avoir été particulièrement
faible, le futur Président José Ramos Horta ayant lui-même déclaré à
propos des administrateurs de districts : « J’en connais beaucoup qui n’ont
ni expérience, ni qualification. J’ai demandé à l’un d’entre eux – une
Américaine – quelles étaient ses qualifications, et elle m’a répondu qu’elle

20
Voir par exemple Alex Grainger, An examination of civil society views of the
effectiveness and accountability of UNTAET and subsequent United Nations
Missions. A report commissioned by the Global Institutional Design Project, 2007.

- 10 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

avait seulement travaillé au parc Yosemite » 21. Le « smorgasbord 22 staff


from around the world » 23 du Timor a souvent été considéré comme l’un
des plus faibles mis en place par l’ONU dans ses missions 24. Avec plus de
107 nationalités, ces équipes souffraient d’un manque de cohérence
interne, leurs membres étant de cultures, de formations et de traditions
administratives différentes. Nombre d’entre eux ayant travaillé pour
d’autres missions, appliquèrent mécaniquement au Timor des recettes
élaborées ailleurs, en particulier au Kosovo d’où venait Sergio Vieira de
Mello. Enormément de mesures et de projets furent des copiés-collés,
parfois totalement inadaptés, de l’expérience onusienne dans les Balkans
ou ailleurs 25. Le controversé Community Empowerment Program (CEP) mis
en place par la Banque mondiale et la BAD en vue d’un développement
local sur base participative, était par exemple la réplique d’un programme
des mêmes organismes en Indonésie.

Si le volet maintien de la paix, de par sa nature militaire, opéra de


façon cohérente et professionnelle en dépit de la multiplicité des
contingents, le volet policier fut un échec. Un clivage fondamental se forma
entre les experts « latins » (portugais, brésiliens), tenants d’un système
juridique civiliste et d’une implication plus forte de l’Etat dans les services
publics, et anglo-saxons opérant dans l’optique d’un système de common
law et moins favorables à l’interventionnisme étatique. Bien
qu’hétérogènes, ces équipes internationales se sont trop souvent fédérées
dans la défense d’intérêts corporatistes. Elles s’opposèrent ainsi à la
volonté de Sergio Vieira de Mello de nommer des Timorais à des postes de
responsabilité dans l’administration. La tâche de l’ONU fut d’autant plus
compliquée que la société timoraise était – et demeure – fortement divisée
et marquée par des années d’occupation et de conflits. Seule une
compréhension plus fine de la structuration des populations locales aurait
pu permettre à la communauté internationale de mieux adapter son action.

21
Cité par Marc Riley, « Time for UN to go: Timor leaders », Sydney Morning
Herald, 24 mai 2000, p. 22.
22
Le terme smorgasbord désigne un type de repas typique de la Scandinavie. Sur
une table ou un buffet sont apportés de nombreux plats, très différents. Les
convives vont se servir au buffet, réalisant eux-mêmes leur propre sélection de
mets. L’expression smorgasbord staff, quelque peu péjorative, fait allusion à la
diversité et à l’hétérogénéité du personnel onusien.
23
Ruth Wedgwood, « Letter to Editor: Trouble in Timor », Foreign Affairs,
novembre-décembre 2000, pp. 164-198.
24
Cette mission semble d’ailleurs avoir été considérée par certains de ses
membres comme « la meilleure mission après Chypre », sorte de « colonie de
vacances » ou de sinécure à laquelle certains se sont accrochés (cas du « Club
des 99 », experts dans le pays depuis 1999).
25
Par exemple le manuel de la formation sur les violences domestiques dispensé
aux unités de la police chargées des personnes vulnérables (femmes, enfants…)
dont la couverture reproduisait un manuel écrit en polonais, cité par Daniel
Schroeter Simião, « Madam it’s not easy ! Modelos de gênero e justiça na
reconstrução timorense », in Kelly Cristiane da Silva, Daniel Schroeter Simião,
Timor-Leste por trás do palco, Cooperação internacional e a dialética da formação
do Estado, Belo Horizonte, Editora UFMG, 2007, pp. 210-233.

- 11 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

Le dernier élément à considérer est le contexte international de


l’intervention onusienne. L’Indonésie, peu désireuse de voir d’éventuels
troubles gagner le Timor ouest, a toujours joué le jeu et l’armée
indonésienne a, dès le début, collaboré avec la PKF. En revanche, elle a
opposé une fin de non recevoir totale au sujet de la poursuite éventuelle de
ses citoyens, civils ou militaires, impliqués dans les massacres de 1999.
Parmi les bailleurs, une sourde lutte d’influence opposa en particulier
l’Australie – dont le Timor est l’arrière-cour stratégique, son sous-sol
recelant des ressources pétrolières –, au Portugal, ancienne puissance
tutélaire qui avait depuis 1975 soutenu le droit à l’autodétermination des
Timorais et se considérait investi d’une responsabilité historique
particulière.

Bureaucratique et moderniste dans son approche, l’ONU semble ne


pas avoir pris la mesure des profonds clivages de la société timoraise,
qu’ils soient traditionnels ou liés à son histoire récente. Les experts qui
débarquèrent en octobre 1999 étaient peu préparés à affronter un pays où
l’on parle 15 langues, où la guerre est une tradition millénaire et où
l’organisation de bandes armées en vue de perpétrer des violences est un
habitus. Presque rien ne fut fait pour dépasser l’approche technocratique et
iréniste visant à amener gaiement le « bon sauvage » vers le
développement et la bonne gouvernance.

La partie timoraise : une société clanique traumatisée par vingt-


cinq années d’occupation et de conflits
En moins de 30 ans, la société timoraise, déjà divisée par des clivages
traditionnels, a subi quatre chocs majeurs : l’effondrement de la présence
portugaise, l’intégration à l’Indonésie, l’administration par l’ONU puis
l’indépendance. Chacun de ces chocs s’est accompagné d’un changement
de langue, de modèle administratif et de religion.

Du point de vue des clivages traditionnels, la société timoraise fait la


différence entre « l’autorité », qui vient de dentro, da terra, féminine,
sacrée, mythico-religieuse et le « pouvoir », masculin, actif, venu de
l’extérieur, ce qui explique que les Portugais, en tant que malae (étrangers)
aient pu s’imposer durant des siècles en dépit de moyens limités, et qu’une
grande partie des dirigeants du pays soient souvent des métis 26 (re)venus
de l’extérieur. La majorité de la population demeure soumise aux coutumes
traditionnelles (adat) qui reposent sur des mécanismes de réparation des
transgressions propres à une société clanique, hiérarchique et patriarcale,
sans relation avec les critères du droit moderne en matière de crimes et

26
Sur les clivages internes à la société timoraise voir Paulo Castro Seixas,
« Translation in crisis, crisis in translation », in Christine Cabasset-Semedo,
Frédéric Durand, East-Timor. How to build a new nation in Southeast Asia in the
st
21 century, Bangkok, Carnet de l’IRASEC / Occasional Paper n° 9, IRASEC –
CASE, 2009, pp. 65-80, et David Hicks, « Ema Lorosa’e , ema Loromunu’ : identity
and politics in Timor-Leste », Christine Cabasset-Semedo, Frédéric Durand,
op. cit., pp.81-94.

- 12 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

délits 27, particulièrement pour tout ce qui concerne le droit de la famille et


de la propriété, souvent en totale opposition avec les critères en matière de
« genre » des agences onusiennes et des ONG internationales.

D’autres clivages sont liés à l’histoire politique des trente dernières


années et tout d’abord à la brève guerre civile qui opposa en 1975, au
moment où le Portugal se retira de ses colonies, les partisans de
l’intégration à l’Indonésie (UDT – União Democrática Timorense et
APODETI – Associação Popular Democrática de Timor-Leste) au
FRETILIN (Frente Revolucionária de Timor-Leste Independente) marxisant,
permettant à ce dernier d’éliminer physiquement (1 500 à 3 000 morts) une
partie de la classe dirigeante d’alors, liurai 28 et métis. D’autres fractures
sont liées à la période indonésienne et aux luttes d’indépendance. Au sein
des mêmes familles, les positions furent très différentes, certaines
personnes étant souvent passées de la collaboration à la résistance ou
vice-versa. Les districts de l’Ouest s’opposèrent moins à l’occupant
indonésien que ceux de l’Est, berceau de la lutte armée, créant la
distinction entre ema Lorosa’e (orientaux) et ema Loromunu’ (occidentaux)
et le personnage du maubere, archétype du « vrai » Timorais en lutte
contre l’envahisseur. Des divergences opposèrent les combattants
indépendantistes entre eux, mais également ceux-ci aux Timorais exilés à
l’étranger, qui avaient mené le front diplomatique de la résistance. Sous le
vernis de la glorification des veteranos, les rancœurs personnelles et
claniques liées à cette période sont vives. Souvent occultées, elles ont été
difficilement perçues par les intervenants extérieurs. Dans un tel contexte,
la société et la classe politique timoraises ont eu une perception totalement
différente de celle de l’ONU et des ONG internationales pour tout ce qui se
rapporte à la mise en place d’un processus judiciaire ou de réconciliation
permettant d’affronter le problème des crimes de guerre et crimes contre
l’humanité. Au sein des Timorais de la diaspora, il faut distinguer les
lusophones réfugiés au Portugal ou dans le Mozambique marxisant de
Samora Machel (« Clique de Maputo » de l’ex-Premier ministre FRETILIN
Mari Alkatiri) de ceux réfugiés en Australie (par exemple le « Groupe de
Victoria » composé des personnes ayant étudié dans cette ville). L’actuel
Premier ministre Xanana Gusmão, lusophone, symbole de la résistance
armée, marié à une Australienne 29 est le symbole vivant de cette
complexité.

27
Voir le rapport réalisé en 2003 par l’Asian Foundation (Survey of citizen
awareness and attitudes regarding law and justice in East Timor) qui montre que la
majorité des Timorais ne font pas confiance à la justice formelle et préfèrent, pour
régler les conflits, avoir recours au système traditionnel adat par le biais du chefe
de suco.
28
Roitelets locaux auxquels le Portugal déléguait l’administration.
29
Sur cette saga et le rôle de l’Australie, voir l’autobiographie de Kirsty Sword
Gusmão, A woman of independence. A story of love and the birth of a new nation,
Sydney, MacMillan, 2003.

- 13 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

Un dernier clivage, générationnel et culturel, existe entre quatre


groupes :
1) ceux qui appartenaient à la petite élite de l’époque portugaise,
souvent métis liés à des familles de liurai ayant, même si ce n’est pas
toujours le cas, mené la lutte de libération ;
2) ceux de la génération foun 30 ou tim-tim 31, qui a grandi et étudié
sous l’occupation et s’exprime plus naturellement en indonésien ;
3) ceux qui se sont coulés dans le système de l’ONU, maîtrisent
l’anglais et promeuvent l’alignement sur l’Australie (pays dans lequel ils ont
vécu ou vivent encore) ;
4) tous les jeunes ayant grandi depuis l’indépendance et pour
lesquels le tetum est souvent l’unique langue de communication du fait de
l’extrême faiblesse du système éducatif.

Toutes ces divergences furent mises en avant en 2006 lorsque des


« entrepreneurs en désordre » armèrent des gangs d’arts martiaux
s’identifiant comme lorosa’e ou loromunu’. Cette crise prit au dépourvu
l’ONU en période de repli, l’obligeant à renforcer sa présence et à faire
ramener l’ordre par une force d’intervention extérieure indépendante de
son commandement.

Dans ce contexte de contact avec une culture clanique, belliqueuse,


divisée par des clivages qu’elle appréhendait difficilement, la communauté
internationale, prisonnière de ses procédures, de ses recettes et de ses
idéologies obtint des résultats contrastés. Heureuse lorsque le kit de
solutions et d’instruments dont elle disposait était en adéquation avec les
problèmes qui se posaient, malheureuse lorsqu’ils étaient par trop
étrangers ou opposés aux réalités du terrain ou aux contraintes propres à
la société timoraise.

30
« Jeune » en tetum.
31
De Timor-Timur, nom de l’ancienne province indonésienne.

- 14 -
Les réalisations : succès et échecs

Il serait injuste de dépeindre un tableau trop sombre de l’action de la


communauté internationale au Timor. Les échecs – certes nombreux – ne
doivent pas éluder quelques succès notables, en particulier pour ce qui est
de la démobilisation des combattants, de la création des institutions
politiques et de régulation et de la gestion des finances publiques.

Des succès relatifs : défense, institutions et finances publiques


Grâce à une intervention militaire massive (15,7 militaires étrangers pour
1 000 habitants et plus de 64 pour 100 km2) 32 et à la coopération de
l’Indonésie, la sécurité fut rétablie dès novembre 1999, l’armée
indonésienne ayant alors évacué le pays. En janvier 2000, un
« memorandum of technical understanding » coordonnant les activités des
deux côtés de la frontière fut signé. Bien que de nombreux groupes de
maquisards des Forças Armadas de Libertação de Timor-Leste (FALINTIL)
n’aient pu être cantonnés et qu’au moins trois organisations de
« veteranos » concurrentes se soient créées, le processus de
désarmement se déroula rapidement. Contrairement à d’autres nations en
situation de « post-conflit », l’insécurité et les actions des milices purent
être jugulées à peu près totalement en moins de deux ans, le recensement,
triage et désarmement des ex-guérilleros débutant dès janvier 2001. Les
deux tiers des anciens FALINTIL furent désarmés. Six cent cinquante
d’entre eux intégrèrent les Forças de Defesa de Timor-Leste (FDTL, armée
nationale timoraise) et 1 300 retournèrent à la vie civile par le biais du
FALINTIL Reinsertion Assistance Program (FRAP) mis sur pied par la
Banque mondiale et l’USAID.

Outre le rétablissement relatif de la sécurité et la réinsertion des


combattants, une autre réussite de la communauté internationale consista
à mettre sur pied des institutions qui, même si elles ne fonctionnent pas
toujours parfaitement, ont au moins le mérite d’exister.

32
Contre par exemple de 0,2 militaire pour 1 000 habitants en Afghanistan (ISAF
fin 2004) à 22 au Kosovo (KFOR octobre 2000), et de 1 pour 100 km² en
Afghanistan (ISAF fin 2004) à 375 au Kosovo (KFOR octobre 2000). Cf. Etienne de
Durand, « Des Balkans à l’Afghanistan : les opérations de stabilisation
complexes », Politique étrangère, n° 2, 2005, pp. 327-342.
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

Tout en conservant l’ensemble des pouvoirs administratifs et


législatifs, l’ETTA créa dès le début des structures consultatives, CCN 33
d’abord puis CN 34 (36 membres, 7 commissions permanentes), sorte de
proto-parlement qui fut fortement appuyé par le Portugal. Il constitua un
important forum qui accompagna l’UNTAET dans l’ensemble du processus
d’organisation des élections de l’Assemblée constituante 35.

Le recensement de 400 000 électeurs fut rapidement mené, 16


partis politiques enregistrés et une équipe de Volontaires des nations unies
(VNU) réalisa un énorme travail d’éducation et d’information des électeurs,
en majorité analphabètes, et permit aux élections du 30 août 2001 de se
dérouler dans le calme. L’Assemblée constituante se transforma en
première législature du Parlement national, évitant ainsi une campagne
électorale surajoutée aux élections présidentielles. En parallèle aux travaux
de l’Assemblée constituante, l’UNTAET organisa plus de 200 débats dans
tous les sous-districts, assurant une forte participation de la population à
tout ce qui touchait aux aspects symboliques du futur Etat : nom, drapeau,
langues nationales… Le problème des langues nationales en particulier fut
important car il mit en lumière les clivages entre partisans du portugais,
langue de la religion, de la résistance, de la génération des aînés 36,
secondé par le tetum dont une grande partie du vocabulaire est portugais,
et adeptes de l’indonésien, langue de la génération tim-tim, utilisée durant
25 ans. A l’instar de l’appellation qui prévalait à la période pré-
indonésienne, le Timor-Leste fut à nouveau qualifié de « République
démocratique ». La Constitution, inspirée de celle du Portugal, fut adoptée
en mars 2002. Elle met en place un régime monocaméral semi-présidentiel
où l’essentiel du pouvoir repose sur le gouvernement dirigé par un Premier
ministre qui doit s’appuyer sur une majorité parlementaire.

Bien que copié de modèles appliqués à des sociétés différentes, le


cadre institutionnel mis en place, même s’il n’a pu fournir « des institutions
de gouvernance capables d’assurer au citoyen la sécurité physique et
économique » 37, s’est révélé solide et adaptable. En effet, les institutions
ont résisté à la crise de 2006, marquée par la débandade des forces
loyales au gouvernement, la rivalité à la tête de l’exécutif et la résurgence
de conflits sous-jacents dans la société timoraise 38. Le Premier ministre,
Mari Alkatiri, céda alors la place à un successeur ayant les faveurs du
Président Gusmão, sans que son parti, majoritaire à l’Assemblée, puisse le

33
Reg. UNTAET n° 1999/2 du 2 décembre 1999.
34
Reg. UNTAET n° 2000/24 du 14 juillet 2000.
35
Voir Cristina Ferreira, « A cooperação parlamentar bilateral Luso-Timorense e a
formação do poder legislativo (2000-2006) », in Kelly Cristiane da Silva et Daniel
Schroeter Simião (dir.), op. cit., pp. 143-160.
36
Cf. Geoffrey Hull, linguiste australien qui fut l’un des principaux artisans du choix
du portugais comme langue officielle : « Lingua, identidade e resistência.
Entrevista a Geoffrey Hull », Instituto Camões, Revista de letras e culturas
lusófonas, juillet-septembre 2001, n° 14, pp. 80-92.
37
David Chandler, Empire in denial: the politics of state-building, Londres, Pluto
Press, 2006.
38
Tanja Hohe, « The clash of paradigms: International administration and local
political legitimacy in East Timor », Contemporary Southeast Asia: A Journal of
International and Strategic Affairs, vol. 24, n° 3, décembre 2002.

- 16 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

sauver. La séquence prévue pour le déroulement des élections fut


judicieuse, puisque les électeurs élurent largement le Président José
Ramos Horta en mai 2006 (69% au second tour, 81% de participation),
puis désavouèrent une seconde fois le FRETILIN lors des législatives de
juin 2007 (29%) permettant à Xanana Gusmão, devenu Premier ministre,
de former un gouvernement de coalition 39 après un surréaliste jeu de
chaises musicales. Divisée par des clivages remontant à 1975 ou à la
résistance, mais douée de capacités de manœuvres politiciennes peu
communes, la classe politique régla ces différends par les urnes et non par
les armes, ce qui est en soi un motif de satisfaction. Les forts taux de
participation sont également un point positif pour la démocratie timoraise.

Enfin, des lueurs d’espoir peuvent être perçues dans le domaine de


la gouvernance économique. Le premier succès réside dans la création en
2001 de l’ABP (Autoridade Bancária e de Pagamentos) 40 qui a vocation à
se transformer en véritable banque centrale 41. Le FMI souhaitait créer une
institution purement technique sur le modèle du Kosovo où avaient travaillé
les experts chargés de sa mise en place. Ses opérations échappaient à
l’Administrateur provisoire qui avait pourtant théoriquement autorité sur elle
et aucun agenda prédéterminé de « timorisation » des responsables
n’existait, contrairement au cas du ministère des Finances 42, faisant de
l’ABP un exemple de formation et de prise en charge d’une institution
technique par les Timorais eux-mêmes. Lors de l’indépendance, tous les
cadres étaient expatriés mais un « conseil de gestion », rapidement créé,
faisait participer chaque semaine des employés locaux des divers
départements à la prise des décisions. Ceux-ci, en majorité de jeunes
professionnels, issus d’universités indonésiennes, furent formés par
diverses banques centrales (Grande-Bretagne, Portugal, Indonésie,
Finlande, Tonga...) et remplacèrent progressivement les expatriés. Tous
les cadres étaient timorais dès la fin de 2004. Ainsi, alors que le ministère
des Finances reste totalement dépendant de plusieurs dizaines
« d’assesseurs » étrangers, l’ABP, sans avoir fait table rase de l’expérience
acquise lors de la période indonésienne, est administrée pratiquement
uniquement par des Timorais.

Le second succès est le Fundo Petrolífero de Timor-Leste (fonds


pétrolier). Il est à porter au crédit des premiers gouvernements timorais qui
décidèrent de participer à la conférence de l’Initiative de transparence des
industries extractives (EITI, tenue à Londres en juin 2003) et s’engagèrent
par rapport aux critères de transparence qui y furent énoncés. Une large

39
Voir Rui Graça Feijó, « Elections and social dimension of democracy, lessons
from Timor-Leste », in Christine Cabasset-Semedo et Frédéric Durand (dir.),
op. cit., pp. 123-138.
40
Reg. UNTAET n° 2001/30 du 30 novembre 2001.
41
Elle exerce les fonctions normales d’une banque centrale : fourniture de moyens
de paiement immédiat aux établissements bancaires commerciaux, émission
(limitée à la monnaie métallique, les billets étant des dollars américains), contrôle
de la stabilité et de la santé du système financier, contrôle de l’inflation et
prochainement contrôle et supervision des assurances.
42
Voir à ce sujet Luís Quintaneiro, « O Banco Central timorense. Criação da
autoridade bancária e o papel das instituições internacionais de cooperação », in
Kelly Christiane da Silva et Daniel Shroeter Simião (dir.), op. cit., pp. 122-142.

- 17 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

consultation fut menée en 2004-2005 avec les partenaires internationaux et


l’ensemble de la société civile timoraise afin de discuter de l’opportunité de
mettre en place un fonds permettant d’assurer la transparence dans la
gestion des recettes pétrolières et d’en assurer la pérennité pour les
générations futures 43. Créé en août 2005 44 avec l’appui de la Norvège et
sur le modèle du fonds de ce pays, il canalise l’ensemble des recettes
pétrolières, les investit dans des placements financiers à bas risque
(surtout des titres du Trésor américain) et ne réinjecte dans l’économie que
la part des intérêts du fonds strictement nécessaire pour financer le déficit
budgétaire. Depuis sa création, le fonds a reçu 4,24 milliards de dollars,
ses ressources sont en augmentation et ont permis d’injecter 224 millions
de dollars dans le budget 2008 (85% des dépenses budgétisées).

Ces réussites indéniables dans les domaines de la sécurité, des


institutions publiques et de la gouvernance économique ne permettent
toutefois pas de contrebalancer les échecs de la communauté
internationale au Timor. Ceux-ci sont nombreux mais se concentrent plus
particulièrement dans quatre domaines : les services sociaux, les
infrastructures, la police et la justice.

Les échecs : services sociaux, justice


et environnement de l’économie
Lors de l’installation de l’UNTAET, les secteurs sociaux étaient totalement
sinistrés, la plupart des médecins et 70% des enseignants du secondaire
avaient fui en Indonésie, l’éducation et la santé étaient largement
décrédibilisées car considérées comme des instruments de l’occupant et
une grande partie des infrastructures avait été détruite par les milices et
l’armée indonésienne. Il fallait à la fois reconstruire et recruter du personnel
dans un contexte totalement différent, particulièrement dans
l’enseignement, avec le retour du portugais alors que les rares enseignants
en place ignoraient cette langue et que tous les manuels disponibles
étaient rédigés en indonésien. La BM, en charge de ce domaine, concentra
ses efforts sur la réhabilitation physique des infrastructures avec les
programmes Emergency School Readiness Project (ERSP) et
Fondamental School Quality Project (FSQP) pour l’éducation 45, et Health
Second Rehabilitation and Development Program (HSRDP I et II) pour la
santé, investissant un tiers du TFET (53,1 millions de dollars) dans ces
deux secteurs. Son action n’a pas été un grand succès puisque le Timor-
Leste est actuellement l’un des derniers pays quant à l’indice de
développement humain (150ème sur 177 pour le rapport 2007/8 avec un
indice de 0,514), le moins développé de ceux d’Asie du Sud-est et du
Pacifique, avec en particulier une mortalité infantile très élevée (144 pour
1 000 en 2004) et 25% d’analphabètes chez les 15-24 ans en 2007.

43
Les estimations étant que les réserves pourraient être épuisées dans un délai
inférieur à 30 ans.
44
Loi n° 9/2005 du 3 août 2005.
45
Reconstruction de 535 écoles et 2 780 classes, distribution de 2 millions de
manuels et de 55 000 livres d’enseignement du portugais.

- 18 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

Cet échec peut s’expliquer par le manque d’experts timorais et


l’affectation subséquente de ressources à la consultance extérieure (19,2%
des ressources pour les deux projets d’éducation, 50,3% pour les projets
de santé). La focalisation sur une approche technocratique sectorielle traite
essentiellement des aspects financiers, budgétaires et comptables au
détriment des aspects techniques et de la fourniture des services eux-
mêmes, laissés au soin des équipes de médecins cubains (pour la santé),
des services de coopération portugais et brésiliens (pour l’éducation) ou
confiés aux ONG internationales et à l’Eglise 46. Il en résulte une
marginalisation des cadres timorais par rapport aux experts expatriés et
une absence de mise en place de services publics opérationnels.

Aujourd’hui encore, éducation et santé représentent une part


largement insuffisante du budget de l’Etat (25,7% du budget 2005-06,
10,4% en 2008, 18,3% en 2010), leur part dans l’investissement public
ayant baissé (19,8% en 2005-06, 8,8% en 2010). Si le manque
d’investissements dans ces deux domaines risque de compromettre à long
terme le développement du Timor, celui-ci est bloqué à plus court terme
par la faiblesse des infrastructures.

La période indonésienne avait doté le pays d’un réseau routier


dense (1 400 km de routes nationales, 800 km de routes de district
goudronnées et 3 000 km de routes rurales en 1999) : son maintien aurait
dû constituer un objectif prioritaire. Le bataillon du génie japonais de la PKF
réhabilita bien les routes des districts occidentaux frontaliers pour des
raisons stratégiques mais ces travaux, terminés en 2004, furent
insuffisants. Seul un million de dollars fut dépensé dans cette opération,
une goutte d’eau par rapport aux besoins. La BAD, en charge du secteur,
ne réussit de mai 2000 à juin 2002 qu’à réhabiliter 660 km de routes pour
un coût de 21,6 millions de dollars avec son Emergency Infrastructure
Rehabilitation Program (EIRP-1). Une grande partie du réseau, sans
entretien depuis 1999, est aujourd’hui dans un état critique et constitue un
frein majeur au développement économique. En 2004, 47,8% des routes
nationales étaient en mauvais et très mauvais état, la vitesse moyenne ne
dépassant pas les 30 km/h ; la situation a empiré depuis lors et une grande
partie des routes rurales a totalement disparu.

Les bâtiments publics ont été largement détruits en 1999 puis en


2006 et de nombreuses administrations, dont l’UNMIT, travaillent toujours
dans des préfabriqués. L’UNPOL elle-même, dont les dizaines de véhicules
4x4 sillonnent la capitale et les routes de l’intérieur toute la journée, opère à
Dili dans un édifice partiellement incendié. En somme, la reconstruction
des infrastructures – qui aurait pu redonner confiance à la population, créer
des emplois et établir de solides bases pour le développement – a pris
beaucoup de retard et ne semble pas être considérée comme une priorité
par la communauté internationale. Celle-ci cherche avant tout à stabiliser et
sécuriser le pays. La stabilisation n’est en effet pas encore totalement

46
Christine Schenk, « Negociating statehood and humanitarian assistance in
Timor-Leste : An incompatible pair », in Christine Cabasset-Semedo et Frédéric
Durand (dir.), op.cit., pp. 31-47.

- 19 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

acquise, notamment en raison de la mauvaise gestion de la problématique


de la réconciliation nationale et de l’échec de la formation de la police.

Dès le début de l’intervention onusienne, un manque de volonté


évident à traduire en justice les responsables des crimes les plus graves
s’est manifesté tant de la part de l’Indonésie que de la société et de la
classe politique timoraises. La Cour Internationale, que beaucoup
réclamaient, n’a jamais vu le jour 47. Du fait que l’Indonésie se soit toujours
opposée à voir l’un de ses ressortissants jugé, quelle que soit la gravité des
crimes lui étant reprochés, le fonctionnement du « Tribunal ad hoc » mis en
place à Djakarta pour les seuls crimes commis durant deux mois de 1999
dans les districts frontaliers, a été une mascarade 48. Quant aux travaux de
la « Commission de vérité et d’amitié » créée en 2005, ils n’ont conclu qu’à
la « responsabilité institutionnelle de l’Indonésie » sans avancer aucun nom
de coupable.

Pour la partie timoraise, déterminer la période historique à


considérer suscita des pressions contradictoires : fallait-il se limiter aux
crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis surtout par l’armée
indonésienne et les milices en 1999, ou prendre en compte toute la période
de l’occupation et des luttes d’indépendance, et quid dans ce cas des
crimes attribués aux FALINTIL ? Fallait-il aussi étendre le champ à la
période de la guerre civile de 1975, réveillant ainsi des blessures non-
cicatrisées liées aux exécutions massives d’opposants menées par le
FRETILIN ? Les articles 160 et 163.1 de la Constitution stipulent que tous
les crimes commis entre 1974 et 1999 doivent être poursuivis et qu’une
cour spéciale, composée de juges nationaux et internationaux, sera
chargée des crimes commis entre le 1er janvier et le 25 octobre 1999. Ils
sont restés lettre morte. De même, le rapport de la Comissão de
Acolhimento Verdade e Reconciliação (CAVR), créée sur le modèle sud-
africain et seule chargée de tous les crimes commis depuis 1975, remis en
octobre 2005, n’a-t-il jamais été débattu par le Parlement ou le
Gouvernement, illustrant la non-adéquation du modèle sud-africain à la
société timoraise, l’incapacité de la classe politique timoraise à faire face à
son passé et son impuissance et sa complaisance face à l’Indonésie 49.

La Serious Crime Unit (SCU) créée par l’ONU pour les seuls crimes
commis en 1999, traita 391 cas dont 87 seulement avaient été jugés à sa

47
Suzannah Linton, « Cambodia, East Timor and Sierra Leone : experiments in
international justice », Criminal Law Forum, n° 12, 2001, pp. 185-246.
48
La KPP HAM a fonctionné de façon indépendante en Indonésie et a identifié une
centaine de suspects. Elle a mis en évidence les crimes contre l’humanité,
massacres de masse, tortures, disparitions forcées, violence contre les femmes et
les enfants (y compris viols et esclavage sexuel), déportations et destructions de
er
propriétés commis du 1 janvier au 25 octobre 1999. Ces dénonciations n’ont eu
aucun effet. Voir Amnesty International Document ASA/21/006/2004 : Indonesia,
justice for Timor-Leste : The way forward, Amnesty International & Justice
Monitoring Program, 2004.
49
Le Président Ramos Horta et le Premier ministre Gusmão se sont ainsi déplacés
pour assister aux funérailles de l’ex-Président Suharto, responsable de la mort de
plusieurs centaines de milliers de timorais.

- 20 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

dissolution en mai 2005, l’Indonésie s’étant refusée à livrer les 303


suspects indonésiens, 469 autres restèrent en instance d’instruction et de
jugement, sans que la justice timoraise ait eu la capacité de les traiter. La
communauté internationale, une fois passée l’heure des premiers émois,
ne s’est guère montrée déterminée à poursuivre les auteurs des crimes les
plus graves.

Sans volonté de résoudre ces questions, le processus de


réconciliation n’a pas véritablement eu lieu et les haines recuites continuent
à couver et resurgissent lors de chacune des explosions de violence qui
secouent sporadiquement le pays.

Assurer le fonctionnement d’un système judiciaire a minima a été un


échec de l’administration provisoire et demeure un écueil pour l’Etat
timorais. L’UNTAET recruta dès 1999 de jeunes timorais ayant étudié en
Indonésie et les forma en moins d’un mois en Australie. Juges, défenseurs
publics et procureurs furent mis en place sans aucun système judiciaire,
dans un cadre où l’Administrateur provisoire cumulait l’ensemble des
pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif. En septembre 2001 seulement,
l’UNTAET établit des « règles transitoires de procédure pénale »50,
instituant le portugais, l’anglais, le tetum et l’indonésien comme langues
pour les 8 tribunaux de districts et la Cour d’appel mis en place en mars
2000. Aujourd’hui encore, la justice souffre d’un manque de ressources
matérielles (en 2009, seuls les tribunaux de Dili et Baucau étaient installés
dans des locaux fonctionnels) et humaines 51 (13 juges, il en faudrait 19 ; 9
procureurs et 7 défenseurs publics au lieu de 11 nécessaires dans chaque
cas ; 33 greffiers au lieu de 48). Les problèmes linguistiques, la
méconnaissance et l’incertitude quant aux textes à appliquer et le manque
d’expérience des juges timorais créent de multiples confusions 52.

Un autre écueil a été la lutte, déjà évoquée brièvement auparavant,


entre experts attachés à un système juridique de common law et ceux
promouvant un système civiliste. Ici aussi, le clivage entre « Latins » 53
(Portugais, Brésiliens et Cap-Verdiens) et Anglo-Saxons (surtout
Australiens), s’appuyant chacun sur des groupes d’intérêts timorais
divergents, n’a pas simplifié les choses. Actuellement, le système judiciaire
timorais constitue un patchwork unique au monde. Le Parlement national
vote des lois en portugais (que la majorité des députés ne pratique pas). A
défaut, les 70 règlements émis par l’UNTAET (en anglais) sont utilisés.

50
Reg. UNTAET 2000/30 du 25 septembre 2000.
51
Cf. Dionísio da Costa Babo Soares, « O desenvolvimento do setor da justiça em
Timor-Leste » in Kelly Cristiane da Silva et Daniel Schroeter Simião (dir.), op. cit.,
pp. 193-209.
52
Par exemple dispersion d’une manifestation par la police des Nations unies sans
que celle-ci puisse citer le texte juridique sur lequel elle s’appuyait, texte qui
s’avéra être une traduction non-officielle d’une loi indonésienne. Il faut également
citer les problèmes liés au transfert des lieux de détention entre l’INTERFET et
l’UNTAET.
53
Cf. Kelly Cristiane da Silva, « Desenvolvimento de capacidades e a edificação
da administração pública em Timor-Leste », in Kelly Cristiane da Silva et Daniel
Schroeter Simião (dir.), op. cit., pp. 161-180.

- 21 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

Enfin, dans le cas, le plus courant, où aucune loi timoraise et aucun


règlement de l’UNTAET n’existent, c’est la loi indonésienne (en indonésien)
qui s’applique de façon subsidiaire. Une grande partie de ceux qui ont
recours à la justice, d’une part, ne parlent pas le portugais, ce qui nécessite
le recours à des traducteurs, et d’autre part, participent culturellement d’un
système juridique traditionnel 54 qui n’a rien à voir avec le droit romain ou la
common law. On mesure ainsi la gageure que constitue l’instauration d’un
Etat de droit au Timor.

Les faiblesses d’un système juridique incohérent et embryonnaire


n’incitent guère les investisseurs étrangers à venir s’installer au Timor. Le
pays, classé 164ème sur 183 dans le classement Doing Business 2010 de la
BM 55 (42 rangs derrière l’Indonésie), est aujourd’hui le moins attractif de la
sous-région. Des pans entiers de législation n’existent pas : droit
commercial, droit du travail, droit de la propriété industrielle et des brevets,
protection des marques, possibilité d’amener un contentieux avec une
administration devant un tribunal, droit foncier restrictif (seuls les citoyens
timorais ont droit à la possession de la terre) 56, etc. La loi foncière est
moderne mais inopérante, le droit coutumier demeurant largement
appliqué. En outre, durant la période indonésienne, de nombreux terrains
ont été confisqués. Après l’indépendance, les biens des Indonésiens et des
Timorais émigrés en Indonésie ont été saisis et sont en théorie gérés par
l’Etat. Quelques Timorais ont récupéré leurs biens cédés volontairement ou
non à des Indonésiens et certaines communautés n’ont jamais accepté la
confiscation de leurs terres. Les litiges sont nombreux, intrafamiliaux, entre
voisins, entre communautés et chaque secousse politique entraîne des
règlements de comptes et des incendies de propriétés. Peu d’investisseurs
courent le risque d’acquérir un terrain dont la propriété pourrait être
revendiquée par d’autres personnes que le vendeur, propriétaire présumé.

En matière de police, la résolution 1272 chargeait clairement


l’UNTAET du maintien de la loi et de l’ordre et autorisait le déploiement de
1 640 policiers internationaux 57 de l’UNPOL, dont la mobilisation fut très
lente (400 hommes en janvier 2000, 1 270 en juillet). A l’indépendance,
plusieurs districts n’en étaient pas encore dotés, obligeant la PKF à
continuer à assurer la police. En mars 2000, les premiers policiers furent
formés par l’ICITAP (International Criminal Investigative Assistance
Program) et les premiers officiers de police timorais envoyés sur le terrain.
L’ETPS 58 (East Timor Police Service), ancêtre de la PNTL (Polícia Nacional
de Timor-Leste) fut créée en août 2001 et un premier commissaire timorais
nommé en octobre 2001.

54
Cf. Frederico Magno de Melo Veras, « Justiça tradicional x justiça formal : uma
harmonia possível ? », in Frederico Magno de Melo Veras, Roberto de Campos
Andrade et Rodrigo Esteves Rezende (dir.), Visões jurídicas brasileiras em Timor,
Baucau, Gráfica Diocesana Baucau, 2008, pp. 1-25.
55
Accessible à l’adresse : http://www.doingbusiness.org/economyrankings/
56
Art. 54 al. 4 de la Constitution.
57
1 250 policiers ainsi qu’une unité de surveillance maritime et frontalière de 150
hommes et une unité de réaction rapide de 120 hommes.
58
Reg. 2001/22 du 10 août 2001.

- 22 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

De nombreuses réserves peuvent être faites quant à l’assistance


apportée par l’UNPOL. Les forces mises à disposition par les Etats
contributeurs sont disparates (1 584 hommes de 44 pays) par leurs
langues et leurs cultures policières, certains corps sont professionnels et
intègres (par exemple la GNR portugaise, chargée du maintien de l’ordre),
mais beaucoup d’autres viennent de pays où la police est réputée pour sa
corruption et son manque de respect des droits de l’homme 59. Selon l’indice
de corruption calculé par Transparency International, si l’UNPOL était la
force policière d’un Etat fictif, ledit pays, avec un score de 3,8, serait classé
au 71ème rang mondial (sur 180). C’est mieux que le Timor-Leste classé
146ème, mais ce n’est pas vraiment ce que l’on est en droit d’attendre de la
part de l’ONU. Les capacités techniques et humaines en matière de police
judiciaire demeurent trop limitées, et les dossiers arrivent souvent aux
tribunaux trop tard ou entachés de fautes de procédure. Début 2009, 5 000
dossiers étaient en souffrance.

La PNTL a, quant à elle, affronté des difficultés de recrutement, les


seuls Timorais à avoir une expérience en la matière ayant servi dans la
Polisi Republik Indonesia (Polri) et des pressions politiques s’étant
exercées pour recruter des veteranos. Des recrutements incontrôlés ont eu
lieu, obligeant à mettre en place un processus de « filtrage et certification »
des agents 60. Lors des événements de 2006 la PNTL « s’est effondrée et
tant son commandement que son organisation se sont désintégrés » 61. La
discipline est aujourd’hui toujours difficile à assurer ; les allégations de
corruption se multiplient, une majorité de Timorais n’a pas confiance en la
PNTL et redoutent le départ de l’UNPOL 62.

Dans ce contexte, le transfert total à la PNTL prévu initialement


pour juin 2004, est sans cesse repoussé, la police timoraise n’ayant
complètement repris que trois districts et le centre de formation fin 2009.

Le bilan de l’interaction, durant une décennie, entre la communauté


internationale et la société timoraise est donc contrasté. Le pays est certes
pacifié, doté d’institutions qui ont fonctionné et ont permis l’alternance
politique après des élections libres et transparentes, mais au prix de la
présence sur son territoire d’une force militaire étrangère d’interposition. De
plus, il ne semble pas vraiment disposer des bases nécessaires à
59
Après la Malaisie (217 hommes) et le Portugal (200 hommes), les principaux
contingents sont le Bangladesh (196 hommes), le Pakistan (168 hommes) et les
Philippines (156 hommes), suivis par le Népal, le Sri Lanka et le Nigéria. Les
polices de ces pays ne sont pas des exemples en matière de best practices.
60
En septembre 2009, 2 897 agents avaient certifiés suite à une procédure de
« filtrage ». Les 259 autres (8% du total) étaient impliqués dans des affaires
criminelles. Cf. Conseil de sécurité, Rapport du Secrétaire général sur la Mission
intégrée des Nations unies au Timor-Leste pour la période du 21 janvier au 23
septembre 2009, S/2009/504, 2 octobre 2009.
61
Discours du Président José Ramos Horta lors du « Séminaire sur la réforme et le
développement du secteur de la sécurité » tenu les 11-12 décembre 2008.
62
En janvier 2010, la mort d’un jeune homme tué par la PNTL dans le quartier de
Delta a entraîné un abandon de ce secteur par la PNTL, suite aux protestations de
la population, et le retour de l’UNPOL. Cette dernière étant moins prompte à
intervenir directement, les gangs d’arts martiaux sont réapparus.

- 23 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

l’instauration d’un état de droit, au développement économique et au bien-


être de sa population, la police et la justice demeurant embryonnaires, les
services sociaux et les infrastructures insuffisants et l’environnement des
affaires peu attractif.

- 24 -
Leçons et recommandations

e relèvement post-conflit, tel que défini par l’ONU 63, a deux objectifs :
L rétablir les conditions d’une croissance économique autonome et du
développement humain d’une part ; réduire les facteurs de risque de
reprise des hostilités d’autre part. Sept étapes sont définies, chacune avec
ses indicateurs.

Les quatre étapes initiales sont la cessation des hostilités, la


signature d’accords de paix, le processus de démobilisation, désarmement
et réintégration (DDR) et le retour des réfugiés. Ces étapes peuvent être
considérées comme une réussite au Timor, étant donné que la paix a été
rétablie dès 1999, qu’un accord normalisant la situation sur la frontière a
été signé dès 2000 avec l’armée indonésienne, et que les populations
« réfugiées » au Timor occidental ont pratiquement toutes regagné le
territoire. Dès 2001, les anciens guérilleros avaient été démobilisés,
désarmés et en majorité réintégrés à la vie civile. Sans vouloir diminuer la
responsabilité de l’ONU dans ce succès, on peut affirmer qu’il est, en
grande partie, dû au fait que les actions dans ces domaines ont été
menées par des intervenants professionnels, relativement cohérents : des
forces armées essentiellement australo-néo-zélandaises et portugaises,
sous commandement unique (australien), face à un interlocuteur (l’armée
indonésienne) discipliné, organisé et jouant le jeu. Les principaux
intervenants, Australie, Nouvelle-Zélande, USAID et BM étaient de culture
commune, parlaient la même langue et, y compris dans le cas du Portugal,
les forces armées impliquées étaient habituées à collaborer dans le cadre
des traités de l’OTAN ou de l’ANZUS.

La cinquième étape vise à mettre sur pied un Etat qui fonctionne.


Aujourd’hui, le Timor est loin de fonctionner parfaitement mais il n’est pas,
ou pas encore, un Etat failli. Des élections ont régulièrement été
organisées. Elles se sont globalement tenues dans le calme et ont été
marquées par une forte participation. L’alternance a eu lieu et les membres
du gouvernement de coalition font preuve d’un minimum de solidarité. On
ne peut donc nier que l’Etat timorais fonctionne, « même si cela ne veut
pas dire qu’il produise un quelconque résultat »64. Huit ans après
l’indépendance, cet Etat demeure pourtant largement virtuel : il ne bat pas
monnaie, la police reste largement dépendante de l’UNPOL, et les
quelques centaines d’hommes légèrement équipés des FDTL ne pèsent

63
PNUD – Bureau pour la prevention des crises et du relèvement, Post conflict
economic recovery. Enabling local ingenuity, New York, UNDP, 2008.
64
Voir l’article du journaliste portugais José Rosa Mendes, « Timor-Leste – A ilha
insustentável », Público, 25 novembre 2008.
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

pas grand chose face à l’ISF. La justice repose encore en partie sur des
agents mis à sa disposition par l’ONU et doit continuer à appliquer des lois
étrangères (règlements de l’UNTAET ou loi indonésienne) ou timoraises
qui ne sont, pour la plupart, que des copiés-collés de dispositions
portugaises ou australiennes effectués par des conseillers étrangers.

L’ONU s’est largement concentrée sur ce qu’elle savait faire –


rédiger une constitution et organiser des élections – laissant en friche des
pans entiers du droit, en particulier dans tous les domaines liés au
déroulement de l’activité économique (droit foncier, droit commercial, droit
du travail…) et tout ce qui concerne la mise en place d’une administration à
même de jouer un rôle régulateur. Le large recours à des consultants
internationaux, à des ONG internationales, à l’Eglise ou à des coopérants
cubains pour assurer la fourniture sur le terrain des services sociaux n’a
pas permis de mettre en place des services publics ni des ministères
techniques véritablement opérationnels – même si c’était probablement la
seule solution en phase d’urgence. Les résultats sont donc mitigés comme
en témoigne la place calamiteuse du pays dans le classement des Etats les
plus corrompus de Transparency International 65 ou dans celui mesurant
l’environnement des affaires de Doing Business. Cet échec relatif peut
s’expliquer par plusieurs facteurs qui affectent également d’autres missions
à travers le monde.

Le premier facteur a trait à la volonté de faire table rase du passé,


tous les acquis de l’administration indonésienne ayant été volontairement
ignorés alors que, bien qu’imparfaite, elle permet (tout de même) à une
nation de 240 millions d’habitants, répartis sur plus de 17 000 îles, d’être
l’une des principales économies émergentes de la planète.

Le deuxième écueil est l’hétérogénéité des intervenants dans ce


domaine, relevant de cultures et traditions juridiques, administratives et
économiques très différentes, tandis que les Timorais étaient en partie
marginalisés, un pays et des institutions leur étant remis en quelque sorte
« clefs en main » en mai 2002. Le fait que, de par sa culture
organisationnelle et ses procédures, l’ONU n’a jamais pu trancher entre
divers modèles juridiques, administratifs ou policiers et qu’elle a par
conséquent mobilisé des équipes hétéroclites, particulièrement en ce qui
concerne la police, explique largement les échecs encourus. Le résultat
manque donc de cohérence et s’avère bien souvent déconnecté de la
société timoraise.

Le troisième point est le manque de professionnalisme de


nombreux intervenants qui ont reproduit ce qu’ils avaient fait dans d’autres
missions sans chercher à adapter leur modèle à la réalité locale. En outre,
ils étaient souvent préoccupés d’abord par leur propre pérennisation,
discréditant ainsi l’ONU aux yeux des Timorais.

65 ème
Classé 146 sur 180 sur l’échelle internationale de corruption de Transparency
International, le Timor se situe ainsi 25 rangs après l’Indonésie.

- 26 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

Construire un pays et une nation ne peut donc fonctionner que si


différentes conditions sont réunies. Il convient d’abord de s’assurer de la
motivation et des connaissances de ceux qui seront en charge du pays. Il
faut ensuite choisir un modèle clair et confier sa mise en œuvre à des
équipes culturellement cohérentes chargées de transmettre
progressivement les responsabilités au personnel local. Ce dernier doit être
formé dès la fin de la phase d’urgence et doit prendre en charge le plus
rapidement possible les services techniques. Confier la fourniture de
services uniquement à des acteurs qui n’ont pas vocation à pérenniser leur
présence – comme les ONG internationales – est une erreur. La
planification du désengagement de ces ONG au profit de structures locales
véritablement opérationnelles constitue une des clefs du succès en matière
de lien entre urgence, réhabilitation et développement. En définitive,
l’enfantement d’une nation ne peut faire l’économie d’un questionnement
maïeutique valorisant les connaissances et les attitudes de ceux qui sont
appelés à être responsables du pays.

La sixième étape consiste à mettre en place un processus de


réconciliation nationale pour tenter de garantir la cohésion de la société
locale. Les troubles de 2006, puis la tentative d’assassinat du Président et
du Premier ministre début 2008 illustrent la fragilité de la situation au
Timor-Leste. Cela tient à la méconnaissance des contraintes d’une société
profondément divisée – tant par les clivages traditionnels que par les
séquelles de la guerre civile de 1975 puis de l’occupation indonésienne. Il
en découle une valorisation de la figure de l’asua’in 66 et une conception du
droit et de la réparation des préjudices sans grand rapport avec ceux de
l’ONU ou des activistes des droits de l’homme. Il ne semble pas exister de
volonté profonde de réconciliation et n’importe quel prétexte futile peut faire
ressurgir à tout moment les affrontements entre membres d’une même
famille, voisins, quartiers, clans… d’autant plus que les problèmes fonciers
à la base d’une grande partie des violences n’ont pratiquement pas été
traités.

Concernant la communauté internationale, il est clair qu’elle n’a pas


non plus été très déterminée : volonté de ne rien faire dans le cas de
l’Indonésie, la poursuite des responsables des crimes commis par son
armée et les milices qu’elle encadrait étant un tabou politique ;
complaisance de l’Australie qui a longtemps soutenu l’Indonésie et n’est
intervenue que bien tardivement ; manque de pugnacité de l’ONU. Les
processus de réconciliation sont probablement illusoires s’ils ne sont pas
fondés sur une aspiration forte de la société concernée, comme ce fut le
cas par exemple en Afrique du Sud, et sur la bienveillance des partenaires
extérieurs.

Dans le cas du Timor, cette situation est préoccupante car de


nouvelles causes de conflits potentiels se profilent. La pénétration des
missionnaires australiens ou brésiliens des Eglises Evangéliques du Réveil
pose problème, plusieurs heurts ayant déjà eu lieu, et il est probable que
66
Guerrier, leader ; traditionnellement celui qui a déjà coupé une tête lors d’une
guerre et a le courage de monter dans les arbres pour récolter le miel des abeilles
sauvages.

- 27 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

l’Eglise catholique ne laissera pas remettre en question le rôle qu’elle joue


dans la vie politique timoraise sans réagir. L’expérience des troubles de
2002 en partie orchestrés par sa hiérarchie n’est, à cet égard, guère
encourageante 67.

En second lieu, le rapport population/environnement 68 est une


bombe à retardement. Les techniques agricoles demeurant primitives et le
bois la seule source de combustible, le pays est confronté à une
déforestation par brulis accélérée et, du fait du relief et de la pluviosité, une
érosion intense risque d’entraîner rapidement le Timor sur la triste voie
d’Haïti.

Une meilleure prise en compte des problèmes liés à


l’environnement et aux mécanismes traditionnels de résolution des conflits,
surtout fonciers, aux conséquences désastreuses dans des sociétés où
une grande partie des habitants vit en autosubsistance, semble être une
condition sine qua non de succès pour les missions post-conflits.

La septième et dernière étape a trait au développement


économique. Qu’il s’agisse de croissance, d’investissement privé ou de
réhabilitation des infrastructures, la situation du Timor-Leste est à cet égard
loin d’être satisfaisante. La mise en place d’un fonds fiduciaire permettant
de mettre en œuvre l’ensemble des ressources des bailleurs de façon
coordonnée, semble la procédure la plus judicieuse mais on ne peut nier
que la Banque mondiale et la BAD aient largement failli à leurs
responsabilités. Leur action a été menée sans que l’ONU, garante de la
cohérence de l’ensemble du processus de reconstruction du pays, y
accorde une attention suffisante, laissant le nouvel Etat naître gravement
handicapé par la faiblesse des infrastructures. Les services sociaux de
base ne fonctionnent pas non plus de façon satisfaisante, l’éducation et la
formation ne sont toujours pas des priorités, alors que le manque de
ressources humaines obère les possibilités de développement du pays.

Aucun cadre d’environnement juridique des affaires n’a été mis en


place et l’économie dépend toujours de deux facteurs totalement
exogènes : les opérations des Nations unies d’une part (plus du quart du
PNB en 2000, 14% en 2008) dont les phases de retrait et de redéploiement
rythment le taux de croissance (forte jusqu’en 2001, baisse avec le repli et
les troubles de 2002 et 2006, hausse après les redéploiements) et les
hydrocarbures d’autre part, totalement liés aux fluctuations des cours et à

67
L’un des motifs des manifestations était alors le projet du gouvernement de
supprimer l’éducation religieuse des programmes scolaires, mesure à laquelle
l’évêque de Dili s’était fortement opposé, soutenant les manifestants et menant
une campagne active auprès des bailleurs, agitant le risque d’une prétendue
dérive « communisante » du gouvernement FRETILIN. Aujourd’hui encore, l’état
civil demeure dans la pratique administré par l’Eglise catholique et le certificat de
baptême l’un des principaux documents administratifs que les Timorais doivent
fournir pour nombre de démarches.
68
La fécondité (6,38 enfants par femme) est l’une des plus élevée du monde du
fait du rôle joué par l’Eglise catholique et en réaction aux dures méthodes de
contrôle familial de la période indonésienne.

- 28 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

l’attitude de la partie australienne. Comme il y a dix ans, la quasi-totalité


des produits consommés à Timor-Leste viennent d’Indonésie. L’incapacité
à mettre en place un environnement légal efficace dans un pays situé à
proximité de régions d’Asie du Sud-Est où opèrent au grand jour de
puissantes mafias, représente enfin un facteur de risque de criminalisation
de la société. Des cas de trafic d’êtres humains, de pêche illégale, des
suspicions de blanchiment d’argent sont avancés alors que l’on pense
officiellement à développer les activités liées aux jeux de hasard. En
l’absence de cadre légal, de police efficace et de classe politique
expérimentée, ce n’est plus Haïti mais plutôt la Guinée Bissau qui constitue
l’un des futurs à redouter pour le Timor.

L’utilisation des revenus du pétrole est un palliatif permettant


d’acheter la paix civile. L’Etat est devenu le grand prêtre d’un culte de la
rente qui fait miroiter à chacun la possibilité de toucher un subside
permettant d’acquérir une motocyclette ou un taxi dont il confiera la
conduite à un cousin ou neveu. Faire la queue devant une des banques de
Dili est devenu l’activité majeure de nombreux Timorais venant toucher une
aide en tant que refugié, personne âgée, handicapé ou veuve, chacun de
ces subsides donnant lieu à des abus 69. Il ne semble pas exister de
stratégie de sortie, alors que si rien n’est fait, la totalité des revenus du
Fonds pourrait être utilisée pour des transferts sociaux dans les cinq ans à
venir.

Même si cela n’est pas dans la culture de la Banque Mondiale,


chargée de la mise en œuvre des Trust Funds, des mécanismes de
pilotage doivent être mis en place qui permettent d’intégrer étroitement non
seulement les bailleurs qui les alimentent mais aussi tous les acteurs de la
phase d’urgence (ONG…), ainsi que les administrations locales chargées
d’opérer et d’assurer la maintenance des services et infrastructures. Tous
les intervenants externes doivent travailler dans une optique de
désengagement.

Au-delà de la gestion financière et procédurale, une plus grande


attention doit, d’autre part, être apportée aux aspects techniques, à la
définition de la politique nationale dans les domaines de l’éducation, de la
santé, des transports…

69
En 2010, le gouvernement a demandé aux ministres d’aller dans les districts
recenser les personnes âgées dont le nombre était manifestement gonflé par les
chefs de suco, les habitants se sont dans certains cas opposés par la force à cette
vérification. De même, l’indemnisation des maisons des réfugiés censées avoir été
« détruites » en 2006 a donné lieu à de nombreux abus.

- 29 -
Conclusion

E n définitive, trois causes de l’échec relatif de la communauté


internationale au Timor peuvent être identifiées. Tout d’abord, l’ONU a
manqué de personnel expérimenté et d’une vision cohérente de ce qu’elle
souhaitait bâtir. Sans plan d’ensemble, l’Etat timorais « livré » en mai 2002
tient plus du « palais idéal » du facteur Cheval que d’une construction
structurée, chacun des participants y ayant apporté quelques éléments,
souvent exotiques, souvenirs d’expériences antérieures glanés sous
d’autres cieux. Bien des excuses peuvent être avancées. L’ONU avait alors
à mener plusieurs opérations de front, avec un vivier limité de personnels
compétents et motivés. Il faut aussi considérer qu’à l’époque, avant les
échecs des opérations en Irak puis en Afghanistan, la réflexion autour des
notions de state et nation building était loin d’être aussi poussée
qu’aujourd’hui, des « manuels » ayant même été publiés depuis lors 70. Une
expérience à cette échelle, n’a pu, outre les a priori idéologiques, que
griser les équipes onusiennes et les inciter, au lieu de s’adapter à l’existant
(comme l’ONU avait su le faire avec succès au Salvador au début des
années 1990), à mener une politique de « déconstruction » 71 radicale de
l’héritage laissé par l’Indonésie sans mesurer les difficultés qu’il y aurait à
reconstruire. Cette idéologie de la page blanche devait par la suite
entraîner bien des déconvenues en d’autres lieux.

En outre, en dépit d’une concentration de tous les pouvoirs entre les


mains d’un seul homme – l’Administrateur provisoire – il n’y a eu ni
véritable cohérence ni coordination entre les équipes en charge des
domaines « constitutifs » de l’Etat (domaines politique, institutionnel,
juridique et sécuritaire) et de ceux qui auraient dû lui permettre de
« produire » des services à la population 72. D’un côté, les militaires ont fait
ce qu’ils savaient faire (rétablissement et maintien de la paix), l’ONU et les

70
James Dobbins, Seth G. Jones, Keith Crane et Beth Cole DeGrasse, The
beginner’s guide to Nation Building, RAND National Security Research Division,
2007; ou OCDE, « Concepts and dilemmas of State building in fragile situation,
from fragility to resilience », OECD Journal on Development, , vol. 9, n° 3, 2008.
71
Pour reprendre la terminologie du rapport de la Rand National Security
Research Division cité ci-dessus.
72
Nous reprenons ici la distinction entre constitutive domains et output and
services établie par Verena Fritz et Alina Rocha Menocal, « Understanding State
building from a political economy perspective : An analytical and conceptual paper
on processes embedded tensions and lessons for international engagement »,
Report for the DFID, Overseas Development Institute, 2007.
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

Portugais ce qui les intéressait de faire (mise en place d’une constitution,


élaboration d’un système politique) et le tandem BM/BAD – de même
d’ailleurs que le FMI – ce qu’ils voulaient bien faire compte tenu de leurs a
priori idéologiques. Chacun a défendu son pré-carré et, alors que ces
divers domaines auraient dû être bâtis selon un plan d’ensemble, ils ont été
menés en ordre dispersé, des pans entiers (droit, infrastructures…)
demeurant en chantier, obérant toute possibilité de fonctionnement global
du pays. Après la disparition de l’ETTA, cette « coordination des
bailleurs », déjà largement fictive, a pratiquement été réduite à néant, seule
subsistant la pratique rituelle de réunions au cours desquelles les divers
donateurs écoutent sans sourciller les longs monologues de la ministre des
Finances.

Enfin, il faut mentionner la marginalisation des Timorais dans la


prise des décisions concernant leur avenir, mais surtout l’ignorance du
fonctionnement de la société, de ses valeurs culturelles et des aspirations
de ses habitants. Quelles sont les attentes en matière d’Etat pour une
population qui n’a connu que la dictature salazariste ou l’administration
indonésienne ? Que sont le pouvoir et l’autorité pour la population
timoraise ? Quels mécanismes de résolution des conflits et de réparation
des actes considérés comme des transgressions la société timoraise
utilise-t-elle ? Autant de questions qu’il aurait fallu se poser et qui ont été
occultées par des querelles idéologiques entre tenants des systèmes latins
et anglo-saxons et sectateurs des diverses vulgates en matière de droit de
l’homme, de genre, etc. Imbus d’un savoir théorique, ceux qui ont bâti le
Timor-Leste ont négligé le fait que le « state-building induit un processus
de domination et de légitimation qui produit à la fois des gagnants et des
perdants » 73 et, par conséquent, ne peut que générer des conflits. Ignorant
les ressorts de la société timoraise, ils ont été désarçonnés lorsque ces
conflits ont éclaté. Au Timor comme ailleurs, vouloir implanter des modèles
par trop étrangers au fonctionnement de la société locale ne pouvait
amener que des frustrations.

Porté sur les fonts baptismaux par de tels parrains et sans sous-
estimer le nationalisme timorais qui quant à lui est profond et bien réel, il
est certain que l’Etat timorais, confié en grande partie à des acteurs
politiques et économiques ayant un pied dans l’île et l’autre au Portugal, en
Australie, en Indonésie ou à Singapour, demeure une construction
largement virtuelle.

73
Merilee S. Grindle, « Expert consultation on DFID state-building paper: summary
of view on state building », DFID, 2008, p. 7.

- 32 -
Annexes

Annexe 1: Glossaire et liste des acronymes


ABP Autoridade Bancária e de Pagamentos (Autorité bancaire et de
paiements)
ADF Australian Defense Force
ANZ Australian New Zealand Bank
APODETI Associação Popular Demócrata Timorense (Association
populaire démocratique timoraise)
ASDT Associação Social Demócrata Timorense (Association social-
démocrate timoraise)
BAD Banque asiatique de développement
BM Banque mondiale
CAVR Comissão de Acolhimento, Verdade e Reconcilação
(Commission d'accueil, vérité et réconciliation)
CCN Conselho Consultativo Nacional (Conseil consultatif national)
CEP Community Empowerment Program
CFET Consolidated Fund for East Timor
CGD-BNU Caixa Geral de Depósitos-Banco Nacional Ultramarino
CICR Comité international de la Croix Rouge et du Croissant Rouge
CN Conselho Nacional (Conseil national)
CNC Conselho Nacional Consultativo (Conseil national consultatif)
CNRT Conselho Nacional da Resistência Timorense (Conseil national
de la résistance timoraise)
EIRP Emergency Infrastructure Rehabilitation Program
ERSP Emergency School Readiness Project
ETPS East Timor Police Service
ETTA East Timor Transitional Administration
FALINTIL Forças Armadas de Libertação de Timor-Leste (Forces armées
de libération de Timor-Leste)
FDTL Forças de Defesa de Timor-Leste (armée timoraise)
firaku Terme s'appliquant aux populations de l'est du pays réputées
rebelles (cf. ema lorosa'e)
FMI Fonds monétaire international
foun "jeune" en tetum, qualificatif de la génération élevée après
l'occupation indonésienne (cf. génération tim-tim)
FRAP FALINTIL Reinsertion Assistance Program
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

FRETILIN Frente Revolucionária de Timor-Leste Independente (Front


révolutionnaire pour l'indépendance de Timor-Leste)
FSQP Fondamental School Quality Project
GNR Guardia Nacional Republicana (Garde nationale républicaine)
huma lulik Maisons familiales sacrées
HSRDP Health Second Rehabilitation and Development Program
ICITAP International Criminal Investigative Assistance Program
INTERFET International Force for East Timor
IRU International Response Unit
ISF International Security Force
JAM Joint Assessment Mission
kaladi Terme s'appliquant aux populations de l'Ouest du pays,
réputées plus dociles depuis l'époque portugaise (cf. ema
loromunu')
KOTA Klibur Oan Timur Aswain (Fils des guerriers des montagnes)
KPP-HAM Komisi Penyelidik Pelanggaram Hak Asi Manusia (Commission
d'enquête sur les violations des droits de l'homme)
liurai Chef traditionnel, « roitelet » (régulo)
loromunu' Ouest
lorosa'e Est
maubere Terme mambai désigant les paysans non éduqués, devenu
l'archétype du Timorais résistant à l'envahisseur
OCHA Office of Coordination of Humanitarian Affairs
OIM Office international des migrations
ONG Organisation non-gouvernementale
ONU Organisation des nations unies
PAM Programme alimentaire mondial
PD Partido Demócratico (Parti démocratique)
PDC Partido Demócrata Cristião (Parti démocrate chrétien)
PKF Peace Keeping Force
PNTL Polícia Nacional de Timor-Leste (police nationale timoraise)
PNUD Programme des nations unies pour le développement
Polri Polisi Republik Indonesia (police indonésienne)
PSD Partido Social Demócrata (Parti social-démocrate)
PST Partido Socialista de Timor (Parti socialiste timorais)
RDTL República Democrática de Timor-Leste (République
démocratique de Timor-Leste)
SCU Serious Crime Unit
suco Village composé de plusieurs hameaux, niveau administratif de
base
tetum Langue malayo-polynésienne, principale langue vernaculaire
timoraise ; l'une des deux langues officielles du pays utilisée
pour les cérémonies religieuses ; son vocabulaire administratif
et technique est largement emprunté au portugais
TFET Trust Fund for East Timor

- 34 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

tim-tim Abréviation de Timor-Timur, nom de la province à l'époque


indonésienne, qualificatif de la génération élevée à cette
période
TNI Tentara Nasional Indonesia (armée indonésienne)
UDT União Democrática Timorense (Union démocratique timoraise)
UNAMET United Nations Assistance Mission in East Timor
UNDKPO Département des missions de maintien de la paix des Nations
unies
UNHCR Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés
UNMISET United Nations Mission of Support in East-Timor
UNMIT United Nations Integrated Missions in Timor
UNOTIL United Nations Office in East Timor
UNPOL United Nations Police
UNTAET United Nations Transitional Administration in East Timor
USAID United States Agency for International Development

Annexe 2 : Chronologie 74
1520 : première installation des Portugais à Lifau (enclave d’Oecussi).
1561 : création d’une capitainerie de Solor et Timor.
1641 : conversion de plusieurs liurai du Timor par les Dominicains.
1642 : victoire portugaise sur le royaume de Wehale, début de l’occupation
du territoire.
1646 : séparation des capitaineries de Timor et de Solor.
1647 : nomination du premier vicaire-général pour l’île de Timor.
1658 : première communauté jésuite à Motael (Dili).
1661 : premier traité entre le Portugal et la Compagnie des Indes
Orientales hollandaise.
1702 : 20 février, arrivée du premier gouverneur de Timor, nommé par le
vice-roi de Goa.
1786 : construction d’un fort à Dili.
1844 : le Timor est rattaché à la province de Macao.
1859 : 20 avril, traité luso-hollandais fixant les frontières entre les
possessions hollandaises et portugaises.
1864 : Dili accède au statut de « ville ».
1892 : première exploration pétrolière.
1896 : le Timor est administrativement séparé de la province de Macao.

74
D’après les chronologies établies par Frédéric Durand dans : Frédéric Durand,
East Timor. A country at the crossroads of Asia and the Pacific. A geo-historical
atlas, Chiang Mai, Bangkok, Silkworm Books, IRASEC, 2006, et Frédéric Durand,
Timor-Leste en quête de repères. Perspectives économico-politiques et intégration
régionale 1999-2050, Toulouse, Bangkok, Editions Arkuiris-IRASEC, 2008,
complétées par Ali Alatas, The pebble in the shoe. The diplomatic struggle for East
Timor, Djakarta, Aksara Karuma, 2006.

- 35 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

1898 : début de la démarcation de la frontière entre les parties hollandaises


et portugaises de l’île.
1904 : 1er octobre, convention de La Haye fixant définitivement la frontière.
1910 : le Portugal devient une république, les ordres religieux sont
expulsés de l’île.
Le Timor devient une province d’outre-mer portugaise.
1914 : arrêt de la Cour Internationale de Justice fixant définitivement la
frontière.
1930 : António Salazar est nommé ministre des Colonies, promulgation de
l’Acte Colonial.
1939 : première autorisation donnée à une compagnie australienne pour
l’exploration pétrolière.
1940: 4 septembre, création du diocèse de Dili.
1941 : invasion de la province par les troupes australiennes et
néerlandaises pour prévenir une attaque japonaise en dépit de la neutralité
portugaise.
1942 : invasion japonaise, internement des ressortissants portugais.
1942-44 : les combats entre Japonais et Australiens et les ravages causés
par les colunas negras à leur solde font de 40 à 70 000 morts. Dili est
pratiquement détruite.
1945 : 17 août, Sukarno proclame unilatéralement l’indépendance de
l’Indonésie.
5 septembre, le Portugal reprend le contrôle de la Province de
Timor.
1949 : reconnaissance de l’indépendance de l’Indonésie par les Pays-Bas.
1958 : visite du président Sukarno à Lisbonne durant laquelle il réaffirme
que l’Indonésie ne souhaite pas annexer le Timor.
1959 : premier plan de développement économique de la province (1959-
65).
1960 : 14 décembre, l’ONU place le Timor dans la liste des territoires
devant être décolonisés.
1961 : 15 mars, début de la rébellion contre le Portugal en Angola.
1963 : 22 novembre, le Timor devient une « Province d’Outre Mer » avec le
même statut que les six autres.
1965 : 17 août, coup d’Etat manqué en Indonésie. Attribué aux
communistes, il entraîne l’accession au pouvoir du général Suharto et une
répression qui aurait causé 1 million de morts et 250 000 prisonniers
politiques.
1970 : janvier, premier mouvement de jeunes Timorais hostiles à la
colonisation, José Ramos Horta est exilé deux ans au Mozambique.
1974 : 25 avril, Révolution des œillets, le Mouvement des forces armées
portugaises (MFA), renverse le régime dictatorial de Marcelo Caetano.
20 mai, fondation de l’ASDT, ancêtre du FRETILIN,
indépendantiste.
27 mai, fondation de l’APODETI, favorable à l’intégration á
l’Indonésie.
19 août, visite du général Ali Murtopo à Lisbonne.

- 36 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

19 août, visite au Timor d’António de Almeida Santos, ministre de la


Coordination interterritoriale.
6 septembre, le Premier ministre australien, Gough William, en
visite à Djakarta, déclare que le Timor-Leste indépendant ne serait pas
viable.
4 décembre, António de Almeida Santos, ministre de la
Coordination interterritoriale déclare que le Timor-Leste n’a que deux
alternatives, l’intégration à l’Indonésie ou le maintien de liens avec le
Portugal.
1975 : 21 janvier, l’UDT et le FRETILIN présentent un programme pour
l’indépendance totale du Timor.
9 mars, conférence de Londres entre le Portugal et l’Indonésie.
3 juin, première incursion indonésienne dans l’enclave d’Oecussi.
26-28 juin, conférence de Macao sans participation du FRETILIN, le
Portugal fixe l’élection d’une assemblée constituante à octobre 1976 et
l’indépendance deux ans après.
5 juillet, lors d’une visite du président Suharto aux Etats-Unis, le
président Ford et le Secrétaire d’Etat Kissinger indiquent que les USA
désirent soutenir les positions indonésiennes.
10 juillet, le président Suharto déclare à un journal australien que le
futur du Timor est l’intégration à l’Indonésie.
11 août, tentative de coup de l’UDT, guerre civile de 3 semaines
remportée par le FRETILIN (1 500 à 3 000 morts).
18 août, création des FALINTIL.
21 août, évacuation des étrangers.
24 août, le Portugal demande à l’ONU d’envoyer une mission de
bons offices au Timor, avec l’Australie, l’Indonésie et au moins un autre
pays de la région.
28 août, l’Indonésie suggère au Portugal (qui refuse) de l’autoriser à
envoyer une force militaire au Timor en vue de rétablir la loi et l’ordre.
1er septembre, le FRETLIN contrôle tout le pays sauf l’enclave
d’Oecussi.
21 septembre, les dernières forces de l’UDT se réfugient en
Indonésie.
8-16 octobre, attaques indonésienne sur Batugade, puis Maliana et
Balibo.
24 novembre, le FRETILIN demande l’intervention de l’ONU.
28 novembre, proclamation unilatérale d’indépendance par le
FRETILIN, Francisco Xavier do Amaral est élu premier président de la
République Démocratique du Timor-Leste.
30 novembre, les représentants de l’UDT et de l’APODETI réfugiés
au Timor ouest signent la « Déclaration de Balibo » demandant l’intégration
á l’Indonésie.
5-6 décembre, visite du président Ford et de Henry Kissinger à
Djakarta.
7 décembre, déclenchement de l’opération Komodo, invasion
massive du Timor par l’Indonésie.

- 37 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

12 décembre, résolution 3485 de l’Assemblée générale de l’ONU


demandant à l’Indonésie de « cesser de violer l’intégrité du Timor portugais
et de se retirer immédiatement ».
1976 : 13 janvier, formation d’un « gouvernement provisoire » par
l’Indonésie.
31 mars, le Parlement portugais vote l’article 389 de la Constitution
instituant l’obligation permanente pour le Portugal de garantir le droit du
Timor à l’indépendance.
22 avril, seconde résolution du Conseil de sécurité demandant le
retrait des troupes indonésiennes.
20 mai – 2 juin, Conférence de Soibada, le FRETILIN organise le
mouvement de résistance.
17 juillet, vote de l’Assemblée nationale indonésienne proclamant
l’intégration du Timor-Est en tant que 27ème province du pays (province de
Timor-Timur).
19 novembre, rapport interne à l’administration indonésienne
estimant que le nombre de morts depuis l’invasion pourrait atteindre les
100 000.
1er décembre, résolution 31/53 de l’Assemblée générale des
Nations unies initiée par le Portugal, demandant pour la première fois
l’organisation d’un referendum d’autodétermination au Timor-Est. Elle sera
renouvelée chaque année jusqu’en 1983.
1977 : 20 janvier, le gouvernement australien reconnaît l’intégration de
facto du Timor par l’Indonésie.
17 août, début de la campagne « d’encerclement et
anéantissement » par l’armée indonésienne (durera jusqu’en mars 1979).
7 septembre, Francisco Xavier do Amaral, premier président de la
RDTL, est démis de ses fonctions par le FRETILIN.
16 octobre, Nicolau Lobato est élu président par le FRETILIN.
28 novembre, résolution 32/34 de l’Assemblée générale des
Nations unies demandant l’organisation d’un referendum
d’autodétermination.
1978 : 20 janvier, Andrew Peacock, ministre des Affaires étrangères
australien, réaffirme la position du gouvernement précédent et déclare qu’il
« serait irréaliste de continuer à refuser de reconnaître que Timor-Est fait
de facto partie de l’Indonésie ».
Mai-juin, l’armée indonésienne acquiert en Australie 12 hélicoptères
Bell Sioux équipés pour la lutte antiguérilla et six avions Nomad
Searchmaster ainsi que 16 A4-Skyhawk aux Etats-Unis.
12 mai, premières dénonciations de stérilisations forcées de
Timoraises.
22 novembre, le dernier réduit de résistance des FALINTIL (Mont
Matabean) tombe aux mains des forces indonésiennes.
13 décembre, résolution 33/39 de l’Assemblée générale des
Nations unies demandant l’organisation d’un referendum
d’autodétermination.
15 décembre, le gouvernement australien reconnaît de jure
l’intégration du Timor-Est par l’Indonésie.

- 38 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

31 décembre, Nicolau Lobato, président du FRETILIN, est tué par


l’armée indonésienne.
1979 : janvier, laksuda 4/1979 transférant à l’armée indonésienne la
propriété de toutes les terres appartenant à des Portugais.
2 avril, le CICR annonce que des dizaines de milliers de Timorais
risquent de mourir de faim si aucune aide n’est rapidement apportée.
19 octobre, le général Suharto autorise le CICR à mener un
programme d’aide à 60 000 bénéficiaires.
12 novembre, le ministre des Affaires étrangères indonésien
déclare, lors d’une visite à Londres, que 120 000 personnes auraient perdu
la vie depuis 1975 au Timor.
21 novembre, résolution 34/40 de l’Assemblée générale des
Nations unies demandant l’organisation d’un referendum
d’autodétermination.
26 novembre, considérant que la résistance timoraise a été vaincue,
l’Indonésie dissout son commandement spécial qui avait été mis en place
quatre ans auparavant.
1980 : 16 janvier, Timor-Timur est désigné comme l’une des cibles du
programme de Transmigrasi financé par la Banque mondiale et visant à
déplacer des paysans des régions surpeuplées de Java et Bali vers les îles
périphériques où la densité de population est moindre.
10-11 juin, attaque de Dili par le FRETILIN qui endommage la
station de station radio.
11 novembre, résolution 35/27 de l’Assemblée générale des
Nations unies demandant l’organisation d’un referendum
d’autodétermination.
1981 : 1-8 mars, Xanana Gusmão, nouveau chef de la résistance, organise
une conférence créant le Conselho Revolucionário da Resistência
Nacional, ancêtre du CNRT.
19 août, début de l’opération « Pagar Betis » : 4 à 500 Timorais,
dont des femmes et des enfants, seront tués en septembre à São António
près de Lacluta.
Octobre, suite à l’interdiction de l’utilisation du portugais, le Saint-
Siège autorise l’utilisation du tetum plutôt que de l’indonésien pour les
services religieux.
Octobre, accord de pêche entre l’Australie et l’Indonésie, incluant
les eaux timoraises.
26 octobre, le Parlement australien décide d’une enquête sur la
situation au Timor.
24 novembre, résolution 36/50 de l’Assemblée générale des
Nations unies demandant l’organisation d’un referendum
d’autodétermination.
1982 : 11 janvier, appel du clergé timorais dans la presse australienne
dénonçant la famine qui touche la moitié de la population du pays.
4 mai, premières élections organisées par l’Indonésie au Timor, le
GOLKAR (parti du président Suharto), obtient 99,43% des voix.
16 mai, le Saint-Siège refuse l’intégration du diocèse de Dili à la
Conférence épiscopale indonésienne.

- 39 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

23 novembre, résolution 37/30 de l’Assemblée générale des


Nations unies demandant l’organisation d’un referendum
d’autodétermination.
1983 : 16 février, la Commission des droits de l’homme des Nations unies
condamne les violences commises au Timor et demande la mise en place
du processus d’autodétermination.
16 mai, suite aux pressions indonésiennes, le Saint-Siège obtient la
démission du vicaire apostolique Martinho da Costa Lopes, remplacé par
Monseigneur Carlos Belo.
15 juin, signature d’un cessez-le-feu jamais véritablement mis en
vigueur entre l’armée indonésienne et la résistance.
29 juillet, appel pour l’autodétermination du Timor-Est lancé par 170
parlementaires européens.
17 août, dénonciation du cessez-le-feu par le général Benny
Murdani, commandant en chef des forces indonésiennes au Timor.
21 août, massacre de Kraras (1 000 morts).
9 septembre, l’état d’urgence est proclamé dans toute la province.
25 décembre, le clergé timorais refuse de rencontrer le général
Murdani.
1984 : 29 janvier, réunion des non-alignés à Djakarta, le représentant
angolais dénonce la situation au Timor.
25 mars, le FRETILIN présente un plan de paix.
1er octobre, accord entre les ministres des Affaires étrangères
indonésien et portugais réunis à New York pour engager un dialogue
tripartite.
1985 : 1er janvier, déclaration du clergé catholique timorais dénonçant
l’utilisation d’enfants comme boucliers humains et demandant le droit à
l’autodétermination.
5 janvier, l’Indonésie lance un vaste plan de planning familial
financé par la Banque mondiale, affectant 60% des Timoraises en âge de
procréer.
8 mai, 131 congressistes américains lancent un appel au président
Reagan concernant la situation au Timor.
18 août, le Premier ministre australien, Robert Hawke, réaffirme son
soutien à la souveraineté indonésienne sur le Timor.
24 septembre, l’Indonésie et le Portugal rétablissent leurs relations
diplomatiques.
27 octobre, négociation entre l’Australie et l’Indonésie sur
l’exploitation pétrolière en mer du Timor.
1986 : 17 avril, lettre de 70 parlementaires japonais au Secrétaire général
des Nations unies demandant la mise en œuvre du processus
d’autodétermination au Timor.
10 juillet, motion du Parlement européen réaffirmant le droit à
l’autodétermination du Timor.
20 octobre, 4 étudiants timorais se réfugient à l’ambassade
néerlandaise à Djakarta.
Novembre, nouvelle offensive militaire indonésienne mobilisant
25 000 hommes dans la partie orientale du pays.

- 40 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

1987 : 13 avril, la Conférence épiscopale américaine dénonce l’occupation


indonésienne.
5 juin, 40 sénateurs américains dénoncent l’occupation
indonésienne dans une lettre ouverte.
1988 : 3 mai, les 12 pays européens adoptent une position commune.
28 juillet, le Parlement portugais répond favorablement à une
invitation à visiter le Timor-Est présentée par son homologue indonésien le
4 février.
15 septembre, le Parlement européen demande le retrait des
troupes indonésiennes et la mise en œuvre du processus
d’autodétermination.
30 octobre, 229 congressistes et sénateurs américains condamnent
la torture au Timor.
2-3 novembre, visite à Dili du président Suharto qui annonce une
ouverture partielle de la province aux visiteurs étrangers.
31 décembre, attaque de Dili par le FRETILIN.
1989 : juin, première tentative d’assassinat de Monseigneur Belo.
12 octobre, visite du pape Jean-Paul II à Dili, 40 manifestants sont
arrêtés.
17 décembre, 100 membres du Congrès américain demandent au
Département d’Etat d’enquêter sur les arrestations et tortures de Timorais
suite à la visite de Jean-Paul II.
1990 : mars, nouvelle offensive militaire mobilisant 40 000 hommes.
27 septembre, premier contact ente Xanana Gusmão et un
journaliste étranger australien.
Octobre, exactions des groupes paramilitaires «ninja » à Dili.
15 octobre, la police tire sur des étudiants du collège San Paulus de
Dili, 3 morts.
1991 : 9 février, traité sur l’exploitation des ressources pétrolières de la mer
du Timor signé entre l’Australie et l’Indonésie.
22 février, plainte déposée contre l’Australie par le Portugal auprès
de la Cour internationale de justice dénonçant ce traité.
1er juin, l’Indonésie accorde aux Timorais un délai courant jusqu’au
31 mai 1992 pour renoncer à la nationalité portugaise sous peine d’être
expropriés.
28 juin, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe demande
à l’Indonésie de retirer ses troupes du Timor.
25 octobre, le Portugal suspend la visite prévue de parlementaires
au Timor en raison des conditions imposées par l’Indonésie.
12 novembre, de 90 à 200 personnes sont tuées par l’armée
indonésienne dans le cimetière de Santa Cruz à Dili. Ce massacre, filmé
par un journaliste occidental, entraîne la suspension des aides
canadiennes, danoises et néerlandaises à l’Indonésie.
28 novembre, le président Suharto accepte qu’une commission
d’enquête nationale sur le massacre de Santa Cruz soit mise sur pied. Elle
dénombre seulement 50 morts contre 271 pour Amnesty International.

- 41 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

1992 : 22 janvier, 120 personnes de 21 nationalités, dont l’ex-président


portugais Ramalho Eanes, embarquent sur le Lusitania pour aller fleurir les
tombes des victimes du massacre de Sana Cruz. La marine indonésienne
les empêchera d’accoster.
25 mars, l’Inter-Governmental Group of Sponsors for Indonesia
(IGGI) formé par la Banque mondiale est dissout suite au massacre de
Santa Cruz. Cette dernière recrée le CGI (Advisory Group on Indonesia) le
10 avril.
25 juin, le Congrès américain supprime 2 millions de dollars d’aide
militaire à l’Indonésie.
16 juillet, la Chambre des Lords demande l’instauration d’un
embargo sur les armes à destination de l’Indonésie.
20 juillet, le Portugal oppose son veto à la signature d’un accord
commercial entre les Communautés européennes et l’ASEAN pour cause
de violations des droits de l’homme au Timor.
20 novembre, Xanana Gusmão est capturé par l’armée
indonésienne.
17 décembre, première réunion tripartite Portugal-Indonésie sous
l’égide de l’ONU.
1993 : février-mai, procès de Xanana Gusmão , condamné sans avoir pu
présenter sa défense à une peine de prison à vie, commuée en 20 années
de prison en juillet par le président Suharto.
21 avril, seconde réunion tripartite Portugal-Indonésie sous l’égide
de l’ONU.
17 septembre, troisième réunion tripartite Portugal-Indonésie sous
l’égide de l’ONU.
1994 : 6 mai, quatrième réunion tripartite Portugal-Indonésie sous l’égide
de l’ONU.
15 septembre, le ministre des Affaires étrangères indonésien, Ali
Alatas, évoque pour la première fois la possibilité d’accorder un « statut
spécial » à la province du Timor-Timur.
8 octobre, première rencontre ente Ali Alatas et José Ramos Horta,
représentant du CNRT.
1995 : 13 janvier, le rapporteur spécial des Nations unies sur les
exécutions extrajudiciaires présente son rapport sur les massacres de
Santa Cruz.
30 juin, la Cour internationale de justice se déclare incompétente
dans le cas Portugal vs Australie.
18 décembre, signature d’un accord de défense entre l’Australie et
l’Indonésie.
1996 : 16 janvier, septième réunion tripartite Portugal-Indonésie sous
l’égide de l’ONU.
Février, le représentant du Saint Siège en visite à Dili réitère le refus
de rattacher le Timor à la Conférence épiscopale indonésienne.
27 juin, huitième réunion tripartite Portugal-Indonésie sous l’égide
de l’ONU.
11 octobre, le Prix Nobel de la paix est attribué à Monseigneur
Carlos Belo et à José Ramos Horta.

- 42 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

1997 : 2 avril, une radio catholique, première radio indépendante, est


ouverte au Timor.
8 juin, les FALINTIL attaquent et incendient le marché de Dili.
19-20 juin, neuvième réunion tripartite Portugal-Indonésie sous l’égide de
l’ONU.
15 juillet, Nelson Mandela, en visite en Indonésie, rencontre Xanana
Gusmão dans sa prison.
Août, crise asiatique, crash de la roupie et faillite de 15 banques
indonésiennes.
4-7 août, première réunion tripartite sous l’égide de l’ONU au niveau
des ministres.
1-3 octobre, seconde réunion tripartite sous l’égide de l’ONU au
niveau des ministres.
5-7 novembre, troisième réunion tripartite sous l’égide de l’ONU au
niveau des ministres.
1998 : 6-8 mai, quatrième réunion tripartite sous l’égide de l’ONU au
niveau des ministres.
Mai, des étudiants timorais occupent le Parlement indonésien et
protestent contre la corruption et le népotisme du régime Suharto.
21 mai, le général Suharto, qui vient d’être réélu en mars pour la
septième fois, démissionne et est remplacé par le président Habibie.
9 juin, le président Habibie propose d’accorder un statut spécial à la
province du Timor-Timur.
15 juin, 1 500 étudiants manifestent à Dili en faveur de
l’autodétermination.
18 juin, l’Indonésie propose officiellement d’accorder une large
autonomie au Timor.
4-5 août, cinquième réunion tripartite sous l’égide de l’ONU au
niveau des ministres. L’Indonésie propose officiellement d’accorder un
statut spécial au Timor.
12 août, deux officiers indonésiens demandent aux milices qu’ils ont
encadrées de s’organiser pour « protéger l’intégration ».
10 novembre, arrivée à Dili de 400 hommes des Kopassus
(commandos indonésiens) venant s’ajouter aux 600 déjà en place.
20 novembre, le Secrétaire général des Nations unies s’inquiète
officiellement de la montée des violences au Timor. Les discussions entre
Lisbonne et Djakarta sont suspendues.
1999 : 5 mai, signature d’un accord entre le Portugal, l’ONU et l’Indonésie
définissant les principes de la « consultation populaire » prévue pour le 8
août 1999.
11 juin, établissement de l’UNAMET par le Conseil de sécurité de
l’ONU.
28 août, le ministre indonésien des Affaires étrangères refuse
l’envoi d’une mission de maintien de la paix au Timor-Est malgré les
violences perpétrées par les milices.
30 août, référendum, plus de 97% des Timorais participent.

- 43 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

4 septembre, annonce officielle des résultats, 78,5% des votants se


sont prononcés pour l’indépendance.
6 septembre, le président Habibie proclame la loi martiale au Timor-
Leste. Près de 300 000 Timorais sont déplacés par l’armée indonésienne
vers le Timor-ouest et les îles voisines.
7 septembre, Xanana Gusmão est libéré.
9 septembre, le personnel de l’UNAMET est évacué sur Darwin
(Australie).
15 septembre, le Conseil de sécurité décide de l’envoi de
l’INTERFET en interposition.
18 octobre, l’Assemblée nationale indonésienne reconnaît le
résultat du referendum et annule le texte du 15 juillet 1976 intégrant le
Timor-Leste à l’Indonésie.
20 octobre, le Portugal transfère l’intégralité de ses pouvoirs
souverains sur le Timor-Est à l’ONU.
25 octobre, le Conseil de sécurité établit l’UNTAET.
1er novembre, départ des derniers soldats indonésiens.
17 décembre, Conférence de Tokyo, les bailleurs de fonds
promettent 500 millions de dollars pour le Timor-Leste.
2000 : 12 janvier, signature d’un mémorandum entre l’UNTAET et
l’Indonésie sur le contrôle de la frontière.
12 février, visite au Timor du président portugais Jorge Sampaio.
29 février, visite au Timor du président indonésien Abdurahman
Wahid qui présente ses excuses au peuple timorais.
23 octobre, Xanana Gusmão devient président du Conseil national.
11 décembre, premières inculpations de miliciens pour crimes
contre l’humanité par le tribunal de Dili sous l’égide de l’ONU.
2001 : 1er février, dissolution des FALINTIL et création des FDTL.
16 mars, règlement de l’UNTAET décrétant l’élection d’une
assemblée constituante et l’enregistrement des électeurs.
19 mars, Xanana Gusmão dissout la plateforme commune du
CNRT pour permettre aux partis de concourir librement.
23 avril, le gouvernement indonésien établit un tribunal ad-hoc pour
juger les crimes commis entre avril et septembre 1999.
6 juillet, renégociation avec l’Australie de l’accord pétrolier en mer
du Timor. Le Timor-Leste obtient 90% des ressources de la zone centrale.
13 juillet, création de la CAVR.
23 juillet, le Timor-Leste est admis comme observateur à la
Conférence interministérielle de l’ASEAN.
30 août, élection de l’Assemblée constituante, 94% de participation
et 57,4% des suffrages pour le FRETILIN.
2002 : 28 février, signature d’un accord de démarcation de la frontière avec
l’Indonésie.
22 mars, adoption de la Constitution.
14 avril, Xanana Gusmão est élu Président de la République.

- 44 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

20 mai, indépendance de la RDTL, l’UNTAET est remplacée par


l’UNMISET.
23-24 juillet, le Timor-Leste devient membre de la Banque
mondiale, du FMI et de la Banque asiatique de développement.
31 juillet, le Timor-Leste devient membre de la CPLP (communauté
des pays de langue portugaise).
27 septembre, le Timor-Leste devient membre de l’ONU.
25 novembre, manifestations antigouvernementales.
2003 : 4 mars, le gouvernement indonésien renonce à poursuivre les
militaires indonésiens de haut rang soupçonnés de crimes contre
l’humanité.
2004 : 28 mai, début du premier grand retrait de casques bleus au Timor,
leur nombre passe de 3 000 à 1 800.
1er juillet, accord signé avec l’Indonésie sur le tracé de 90% de la
frontière terrestre.
6 octobre, le Timor-Leste devient membre du Forum régional de
l’ASEAN.
2005 : 28 avril, vote par le Conseil de sécurité d’une résolution remplaçant
l’UNMISET par l’UNOTIL avec des effectifs très réduits.
Avril-mai, violentes manifestations appuyées par l’Eglise catholique
contre un projet gouvernemental visant à réduire la place de la religion
dans l’enseignement.
13 juin, départ des troupes australiennes après six ans de présence
dans le pays.
31 octobre, la CAVR remet officiellement son rapport au président
Xanana Gusmão.
2006 : 11 janvier, le président Xanana Gusmão reçoit une pétition de
militaires se plaignant de discriminations (clivage entre l’ouest et l’est du
pays).
12 janvier, signature d’un traité maritime (Treaty on Certain Maritim
Arangements in the Timor Sea – CMATS) avec l’Australie établissant un
partage 50/50 des ressources du gisement pétrolier Greater Sunrise.
8 février, manifestation de 350 soldats « pétitionnaires ».
16 mars, le gouvernement radie 591 militaires « pétitionnaires » des
cadres de l’armée.
28 avril, manifestations de rues à Dili, des centaines de militaires et
des milliers de jeunes brûlent des habitations et des magasins. La PNTL
ouvre le feu et fait 6 morts.
5 mai, ultimatum des militaires au gouvernement, 150 000
personnes ont fui leurs habitations.
24 mai, le président Xanana Gusmão et le Premier ministre Mari
Alkatiri demandent au Portugal, à l’Australie, à la Malaisie et à la Nouvelle
Zélande l’envoi d’une force militaire de 3 200 hommes pour rétablir la paix.
26 juin, démission du Premier ministre Mari Alkatiri.
8 juillet, nomination de José Ramos Horta au poste de Premier
ministre.

- 45 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

25 août, le Conseil de sécurité vote l’envoi d’une force de police


internationale de 1 600 hommes.
30 août, évasion de la prison de Dili du major Reinado, l’un des
pétitionnaires et de 50 prisonniers.
2007 : 22 février, le Conseil de sécurité vote le maintien de la force
internationale après la signature d’un accord tripartite Australie-Timor-
Leste-ONU sur la sécurité, le 26 janvier.
4 mars, offensive infructueuse de l’armée australienne dans la
région de Same pour capturer le major Reinado.
20 mai, José Ramos Horta est élu second président de la
république.
30 juin, élections législatives, le FRETLIN perd la majorité.
8 août, Xanana Gusmão forme un gouvernement de coalition des
partis hostiles au FRETILIN.
14 décembre, visite à Dili du Premier ministre australien qui
annonce le maintien de 780 soldats jusqu’à la fin 2008.
2008 : 13 janvier, rencontre à Maubisse du président José Ramos Horta et
du major Reinado afin de tenter de mettre fin à la crise.
11 février, les rebelles lancent une attaque contre le président José
Ramos Horta et le Premier ministre Xanana Gusmão. Le président est
gravement blessé et évacué vers l’Australie. Le major Reinado est tué.
13 février, l’état d’urgence est proclamé d’abord pour deux jours, il
sera prolongé jusqu’au 22 avril.
14 février, l’UNMIT lance des opérations en vue d’interpeller les
auteurs des attentats du 11 février.
18 février, le président par intérim Fernando Lasama de Araujo
(président du Parlement National) annonce que les négociations avec les
rebelles sont suspendues suite aux attentats du 11 février.
25 février, le Conseil de sécurité prolonge le mandat de l’UNMIT
jusqu’au 26 février 2009.
17 avril, le président José Ramos Horta revient au Timor.
29 avril, le leader rebelle Gastão Salsinha se rend aux autorités
avec 12 de ses hommes.
23 mai, le président José Ramos Horta amnistie plusieurs anciens
chefs de milices pro-indonésiennes.
15 juillet, réunis à Bali, les présidents timorais et indonésien
reçoivent le rapport de la Commission Vérité et Amitié qui conclut à une
« responsabilité institutionnelle » de l’Indonésie dans les crimes contre
l’humanité commis au Timor mais ne nomme aucun responsable.
13 octobre, le président José Ramos Horta demande aux Nations
unies de cesser leur enquête sur les violences de 1999 estimant le rapport
de la Commission vérité et amitié suffisant et afin de « maintenir de bons
contacts avec l’Indonésie ».
2009 : 13 juillet, début du procès des 28 accusés d’avoir tenté d’assassiner
le président José Ramos-Horta.
11 septembre, la PNTL prend officiellement le contrôle du Centre de
formation de Dili.
9 octobre 2009, élections locales (chefs de suco).

- 46 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

2010 : 4 mars, 23 condamnations sont prononcées dans le procès des


rebelles ayant tenté d’assassiner le président José Ramos Horta.

Annexe 3: Evolution du produit national brut hors secteur


pétrolier

2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008


AGRICULTURE, FORETS, PECHE 27.3 29.0 30.6 31.8 33.1 26.7 27.1
INDUSTRIE 15.7 14.2 14.1 15.2 12.9 14.6 15.5
SERVICES 39.5 44.9 46.7 47.9 46.7 44.6 43.8
NATIONS UNIES 17.6 12.0 8.7 5.1 7.4 14.1 13.6
TOTAL 100 100 100 100 100 100 100
Source : documents budgétaires

Annexe 4 : Croissance annuelle du produit intérieur brut non


pétrolier (%)

Source : documents budgétaires

- 47 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

Annexe 5 : Indicateurs de facilité à monter une entreprise

INDICATEUR RANG TIMOR-LESTE 2010 RANG INDONESIE 2010


CREATION D’ENTREPRISE 150 161
OCTROI DE PERMIS DE
87 61
CONSTRUIRE
EMBAUCHE DE TRAVAILLEURS 89 149
TRANSFERT DE PROPRIETE 183 95
OBTENTION DE PRETS 181 113
PROTECTION DES
132 41
INVESTISSEURS
PAIEMENT DES IMPOTS 19 127
COMMERCE TRANSFRONTALIER 85 45
EXECUTION DES CONTRATS 183 146
FERMETURE D’ENTREPRISE 183 142
INDICE GLOBAL (SUR 183
164 122
PAYS)
Source : Doing Business 2010

- 48 -
Références

Documents officiels
BUREAU POUR LA PREVENTION DES CRISES ET DU RELEVEMENT,
Post-conflict economic recovery : Enabling local ingenuity, New York,
PNUD, 2008.
CONSEIL DE SECURITE, Rapport du Secrétaire général sur la Mission
intégrée des Nations unies au Timor-Leste pour la période du 21 janvier au
23 septembre 2009, S/2009/504, ONU, 2 octobre 2009.
CONSEIL DE SECURITE, Résolution 1236 du 7 mai 1999.
CONSEIL DE SECURITE, Résolution 1264 du 15 septembre 1999.
CONSEIL DE SECURITE, Résolution 1271 du 22 octobre 1999.
CONSEIL DE SECURITE, Résolution 1272 du 25 octobre 1999.
CONSEIL DE SECURITE, Résolution 1338 du 31 janvier 2001.
CONSEIL DE SECURITE, Résolution 1410 du 17 mai 2002.
CONSEIL DE SECURITE, Résolution 1599 du 28 avril 2005.
CONSEIL DE SECURITE, Résolution 1704 du 25 août 2006.
FRITZ Verena et MENOCAL Alina Rocha, « Understanding State building
from a political economy perspective: An analytical and conceptual paper
on processes embedded tensions and lessons for international
engagement », Report for the DFID, Overseas Development Institute,
2007.
GOUVERNEMENT DU TIMOR ORIENTAL, Loi n° 9/2005 du 3 août 2005
relative aux fonds pétroliers.
GRINDLE Merilee S., « Expert consultation on DFID state-building paper:
summary of view on state building », DFID, 2008.
RAMOS HORTA José, Discours du Président lors du « Séminaire sur la
réforme et le développement du secteur de la sécurité » tenu les 11-12
décembre 2008.
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU TIMOR ORIENTAL, Constitution,
2002.
UNTAET, Réglement n° 1999/2 du 2 décembre 1999.
UNTAET, Réglement n° 2000/24 du 14 juillet 2000.
UNTAET, Réglement n° 2000/30 du 25 septembre 2000.
UNTAET, Réglement n° 2001/22 du 10 août 2001.
UNTAET, Réglement n° 2001/30 du 30 novembre 2001.
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

Ouvrages et chapitres d’ouvrages


ALATAS Ali, The pebble in the shoe. The diplomatic struggle for East
Timor, Djakarta, Aksara Karuma, 2006.
CHANDLER David, Empire in denial: The politics of state-building, Londres,
Pluto Press, 2006.
CHOPRA Jarat, « Building state failure in Timor-Leste », in Jennifer Milliken
(dir.), State Failure, collapse and reconstruction, Wiley-Blackwell, 2003.
DA COSTA BABO SOARES Dionísio, « O desenvolvimento do setor da
justiça em Timor-Leste », in DA SILVA Kelly Cristiane et SCHROETER
SIMIÃO Daniel (dir.), Timor-Leste por trás do palco, Cooperação
internacional e a dialética da formação do Estado, Belo Horizonte, Editora
UFMG, 2007.
DA SILVA Kelly Cristiane, « Desenvolvimento de capacidades e a
edificação da administração pública em Timor-Leste », in DA SILVA Kelly
Cristiane et SCHROETER SIMIÃO Daniel (dir.), Timor-Leste por trás do
palco, Cooperação internacional e a dialética da formação do Estado, Belo
Horizonte, Editora UFMG, 2007.
DE MELO VERAS Frederico Magno, DE CAMPOS ANDRADE Roberto et
ESTEVES REZENDE Rodrigo, Visões jurídicas brasileiras em Timor,
Baucau, Gráfica Diocesana Baucau, 2008.
DOBBINS James, JONES Seth G., CRANE Keith et DEGRASSE Beth
Cole (dir.), The beginner’s guide to Nation Building, Rand National Security
Research Division, 2007.
DURAND Frédéric « Timor Leste. Tragique retour à la case départ », in
ALBERT Eric (dir.), L’Asie du Sud Est 2007, IRASEC-Aux Lieux d’Etre,
Bangkok-Montreuil, 2007.
DURAND Frédéric, East Timor: A country at the crossroads of Asia and the
Pacific, A geo-historical atlas, Chiang Mai, Bangkok, Silkworm Books,
IRASEC, 2006.
DURAND Frédéric, Timor-Leste en quête de repères. Perspectives
économico-politiques et intégration régionale 1999-2050, Toulouse,
Bangkok, Editions Arkuiris-IRASEC, 2008.
FERREIRA Cristina, « A cooperação parlamentar bilateral Luso-Timorense
e a formação do poder legislativo (2000-2006) », in DA SILVA Kelly
Cristiane et SCHROETER SIMIÃO Daniel (dir.), Timor-Leste por trás do
palco, Cooperação internacional e a dialética da formação do Estado, Belo
Horizonte, Editora UFMG, 2007.
GRAÇA FEIJÓ Rui, « Elections and social dimension of democracy,
lessons from Timor-Leste », in CABASSET-SEMEDO Christine et
DURAND Frédéric (dir.), East-Timor. How to build a new nation in
Southeast Asia in the 21st century, Bangkok, Carnet de
l’IRASEC / Occasional Paper n° 9, IRASEC-CASE, 2009.
HICKS David, « Ema Lorosa’e , ema Loromunu’ : Identity and politics in
Timor-Leste », in CABASSET-SEMEDO Christine et DURAND Frédéric
(dir.), East-Timor. How to build a new nation in Southeast Asia in the 21st
century, Bangkok, Carnet de l’IRASEC / Occasional Paper n° 9, IRASEC-
CASE, 2009.

- 50 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

QUINTANEIRO Luís, « O Banco Central timorense. Criação da autoridade


bancária e o papel das instituições internacionais de cooperação », in DA
SILVA Kelly Cristiane et SCHROETER SIMIÃO Daniel (dir.), Timor-Leste
por trás do palco, Cooperação internacional e a dialética da formação do
Estado, Belo Horizonte, Editora UFMG, 2007.
SCHENK Christine, « Negociating statehood and humanitarian assistance
in Timor-Leste : An incompatible pair », in CABASSET-SEMEDO Christine
et DURAND Frédéric (dir.), East-Timor. How to build a new nation in
Southeast Asia in the 21st century, Bangkok, Carnet de
l’IRASEC / Occasional Paper n° 9, IRASEC-CASE, 2009.
SCHROETER SIMIÃO Daniel, « Madam it’s not easy ! Modelos de gênero
e justiça na reconstrução timorense », in DA SILVA Kelly Cristiane et
SCHROETER SIMIÃO Daniel (dir.), Timor-Leste por trás do palco,
Cooperação internacional e a dialética da formação do Estado, Belo
Horizonte, Editora UFMG, 2007.
SEIXAS Paulo Castro, « Translation in crisis, crisis in translation », in
Christine Cabasset-Semedo, Frédéric Durand, East-Timor. How to build a
new nation in Southeast Asia in the 21st century, Bangkok, Carnet de
l’IRASEC / Occasional Paper n° 9, IRASEC-CASE, 2009.
SWORD GUSMÃO Kirsty, A woman of independence: A story of love and
the birth of a new nation, Sydney, MacMillan, 2003.

Revues et publications spécialisées


AMNESTY INTERNATIONAL, Indonesia, justice for Timor-Leste : The way
forward, Justice Monitoring Program, ASA/21/006/2004, 2004.
ASIAN FOUNDATION, Law and Justice in East Timor: A Survey of Citizen
Awareness and Attitudes Regarding Law and Justice in East Timor, 2003.
CHOPRA Jarat, « The UN’s kingdom of East Timor », Survival, vol. 42,
n° 3, automne 2000, pp. 27-39.
DE DURAND Etienne, « Des Balkans à l’Afghanistan. Les opérations de
stabilisation complexes », Politique étrangère, 2:2005, pp. 327-342.
FRAENKEL Jon, « The coming anarchy in Oceania? A critique of the
«Africanisation» of the South Pacific thesis », Journal of Commonwealth
and Comparative Politics, vol. 42, n° 1, 2004, pp. 1-34.
GRAINGER Alex, An examination of civil society views of the effectiveness
and accountability of UNTAET and subsequent United Nations Missions,
Global Institutional Design Project, 2007.
GUNN Geoffrey C. et HUANG Reyko, « New Nation : United Nations
peacebuilding in East Timor », Research Institute of Southeast Asia,
Faculty of Economics, Nagasaki University, Southeast Asia Series, n° 36,
2004.
HOHE Tanja, « The clash of paradigms: International administration and
local political legitimacy in East Timor », Contemporary Southeast Asia. A
Journal of International and Strategic Affairs, vol. 24, n° 3, décembre 2002,
pp. 569-589.

- 51 -
Lecompte / L’ONU, Pygmalion malhabile

INSTITUTO CAMÕES, « Lingua, identidade e resistência. Entrevista a


Geoffrey Hull », Revista de letras e culturas lusófonas, n° 14, 2001, pp. 80-
92.
LINTON Suzannah, « Cambodia, East Timor and Sierra Leone :
Experiments in international justice », Criminal Law Forum, n° 12, 2001,
pp. 185-246.
MELMOT Sébastien, « Candide au Congo. L’échec annoncé de la Réforme
du Secteur de Sécurité », Focus stratégique, n° 9, septembre 2008.
OCDE, « Concepts and dilemmas of State building in fragile situation, from
fragility to resilience », OECD Journal on Development, vol. 9, n° 3, 2008.
REILLY Benjamin, « The Africanisation of the South Pacific », Australian
Journal of International Affairs, vol. 54, n° 3, 2000, pp. 261-268.
TRANSPARENCY INTERNATIONAL, Baromètre mondial de la corruption,
2009.
TRAUB James, « Inventing East Timor », Foreign Affairs, juillet-août 2000,
pp. 74-89.
WEDGWOOD Ruth, « Letter to Editor: Trouble in Timor », Foreign Affairs,
novembre-décembre 2000, pp. 164-198.

Articles de presse et sites Internet


DOING BUSINESS, Economy rankings, accessible à l’adresse :
http://www.doingbusiness.org/economyrankings/.
RILEY Marc, « Time for UN to go : Timor leaders », Sydney Morning
Herald, 24 mai 2000.
ROSA MENDES José, « Timor-Leste – A ilha insustentável », Público, 25
novembre 2008.

- 52 -
Informations aux lecteurs

Si vous êtes intéressé(e) par d’autres publications de la collection, veuillez


consulter la section « Focus stratégique » sur le site internet de l’Ifri :

www.ifri.org

Les derniers numéros publiés de la collection « Focus stratégique » sont :

• Anne-Henry de Russé, « France’s return into NATO : French military


culture and strategic identity in question », Focus stratégique, n° 22 bis,
octobre 2010.
http://www.ifri.org/downloads/fs22bisderusse.pdf

• François Géré, « Contre-insurrection et action psychologique. Tradition


et modernité », Focus stratégique, n° 25, septembre 2010.
http://www.ifri.org/downloads/fs25gere.pdf

• Amaury de Féligonde, « La coopération civile en Afghanistan. Une


coûteuse illusion ? », Focus stratégique, n° 24, août 2010.
http://www.ifri.org/downloads/fs24defeligonde.pdf

• Pierre Chareyron, « Les armées britanniques. Un modèle en crise »,


Focus stratégique, n° 23, juillet 2010.
http://www.ifri.org/downloads/fs23chareyron.pdf

• Anne-Henry de Russé, « La France dans l’OTAN. La culture militaire


française et l’identité stratégique en question », Focus
stratégique, n° 22, juin 2010.
http://www.ifri.org/downloads/fs22derusse.pdf

• Corentin Brustlein, « La fin de la projection de forces ? II. Parades


opérationnelles et perspectives politiques », Focus stratégique, n° 21,
mai 2010.
http://www.ifri.org/downloads/fs21brustlein.pdf

• Corentin Brustlein, « La fin de la projection de forces ? I. La menace du


déni d’accès », Focus stratégique, n° 20, avril 2010.
http://www.ifri.org/downloads/fs20brustlein_1.pdf

You might also like