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Faculté de Sociologie, Université de Bucarest 25 Janvier 2011

CMMS 1

La représentation des sources

au cadre du discours médiatique roumain

Rotaru Corina, Cmms 1

1. Cadre théorique

Les années ’60 ont entendu sonner le glas du behaviorisme dans les sciences
humaines. Dans son rapport à la télévision, la société n’est plus envisagée comme un public
passif et parfaitement homogène. Le modèle mécanisiste-informationnel et le modèle
Shannon&Weaver perdent leur validité, le message médiatique n’etant plus perçu de façon
uniforme par une population sans profil phychologique individualisé1. Le behaviorisme se
voit dépasser, l’émetteur n’est plus une voix incontestable. Au cadre du courant
fonctionnaliste, la légitimité du locuteur n’est plus automatique, elle peut être mise en
question par le public. La réception est susceptible de se constituer comme un acte
contestataire.

Les dernières théories vont même plus loin que cela. Le public prend plus de pouvoir
que jamais et il devient une instance, on peut le dire, créatrice reconnue. Dans les théories, les
symboles et les normes ne constituent plus des piliers exhaustifs dans le contexte de la
réception. L’individu est libre de donner aux formes et aux images la signification qu’il
considère comme appropriée. On voit surgir une vision constructiviste sur le monde. On ne
parle plus d’une réalité univoque, ni d’une naturalité automatique et monosémantique de ce
qui pourrait être présenté comme des faits. Le réel n’existe plus en tant que tel, la subjectivité
intrinsèque des choses est bien reconnue et prise en compte au niveau scolastique. L’un des
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Ioan Dragan, Comunicarea : paradigme si teorii, vol.2, XIIeme partie, chap. I, “Publicurile si receptarea”,
édition Rao, Bucarest, 2007

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pères de ce courant, le philosophe Jacques Derrida, formule cette question de la manière


suivante: « l’un des gestes de la déconstruction consiste en particulier à ne pas naturaliser, à
ne pas faire comme si ce qui n’est pas naturel était naturel. »2. Autrement dit, le
constructivisme propose de juger le monde plutôt en termes de représentations qu’en termes
de réalité, car les faits bruts ne constituent qu’un prétexte pour des interprétations subjectives.
Un autre philosophe, encore plus anarchiste peut-être, Donald Davidson, reprend dans ses
raisonnements la même idée : « Quand toutes les preuves sont évidentes, des façons
alternatives d’assertir les faits restent ouvertes »3.

Denis McQualil, dans son ouvrage «La Communication » rend compte de la façon dont les
directions paradigmatiques évoluent dans le domaine de la représentation
sociologique : „Dezbaterea pozitivism-simbolism este chiar in mai mare masura o lupta intre
teoreticienii care acorda o mai mare importanta considerabila ideii de realitate materiala,
observabilia si verificabila, si cei care accentueaza natura contingenta a realitatii, variatia
perceptiei si definitiilor. Acestia din urma subliniaza evidenta coplesitoare ca realitatea
sociala este construita, posibilitatea redefinirii, negocierii, si, efectiv, a rescrierii a tot ceea ce
pozitivistii considera fapt indiscutabil.”4 Le concepte de réception en tant que création
apparaît comme parfaitement applicable au cadre du processus médiatique, car le processus de
communication met le téléspectateur dans une posture où il est censé recevoir et resignifier
des images, autrement dit de formuler des perceptions. L’ouvrage du professeur Ioan Dragan
est particulièrement évocateur pour cette direction de pensée : „Receptarea este un ansamblu,
o constructie de acte creatoare. Suporturile mesajelor, (o pagina de ziar, un afis, o pelicula de
film, o emisiune de televiziune) nu procura perceptiei noastre decat un ansamblu de
semale/semne (nu sensuri), sunete, imagini, litere, deci o suma de forme perceptibile. Doar
constiinta cititotului/ascultatorului/telespectatorului poate conferi semnificatii acestor
semnale/semne, deoarece in memoria si in gandirea umana s-au sedimentat prin experienta,
comunicare, limbaj, notiuni si semnificatii corespunzatoare.”5 Le professeur mentionne
également que le niveau de décodification le plus signifiant est celui du téléspectateur lui-
même, c’est lui qui entreprit l’exercise de la réception et qui exerce la prise de position. Selon
les types de récepteurs (réflexif, rêveur, ...) et des genres d’attitudes d’évaluation, il y aura un

2
Jacques Derrida, dans un entretien publié au cadre du filme documentaire « Derrida », lancé aux Etats Unis en
Janvier 2002, à Sundance Film Festival, réalisation par DICK Kirby et ZIERING, Amy.
3
Donald Davidson, Inquiries into Truth and Interpretation, cap. „Inscrutability of reference”, Clarendon Press,
Oxford, 1984 ; (eng. : „When all the evidence is in, alternative ways of stating the facts remain open.”) .
4
Denis Mcquail, Comunicarea, éditions de l’Institut Européen, Iasi, 1999
5
Ioan Dragan, op. cit., p 567

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type de disposition qui se refere à l’horyson d’attente, établi en fonction d’un système de
préférences, de goûts vis-à-vis des formes et des styles des „textes”.6 Ou, comme l’argumente
Patrizia Faccioli, „le point de vue est ainsi en quelque sorte équivalent du pouvoir: le puvoir
d’affirmer son propre point de vue. Mais pour affirmer celui-ci, il faut d’abord voir: seul celui
qui voit peut donner une définition visuelle de ce qu’il voit. L’objet de la vision n’a pas, lui, le
même pourvoir. Voir équivaut, donc, à contrôler, tandis qu’être vu équivaut à être contrôlé.” 7
L’auteur évoque Roland Barthes et sa théorie sur l’image: „Barthes nous dit que la
caractétistique de l’image est sa polysémie, c’est-à-dire la multiplicité des significations
connotatives. [...] la faiblesse de son code la rend interprétable de diverses façons, parmi
lesquelles les états d’âme, les vécus, les expériences passées, la mémoire, la projectualité de
l’observateur. L’image est ambiguë par sa nature intrinsèque et son ambiguïté est dissipée par
les contenus qui lui sont attribués subjectivement.”8

2. Sujet et problématique

Dans ce cadre théorique constructiviste, nous proposons par cet ouvrage un court
exercise d’analyse sur la représentation médiatique des sources dans la télévision roumaine.
Les études antérieures sur le sujet soulignent son importance théorique et pratique: „La
crédibilité des nouvelles commence par les sources. Ce sont les sources qui servent à
déterminer le contenu des nouvelles, la crédibilité, la diversité et comment les gens
comprennent et donnent du sens à l’information.”9 Selon l’étude, entre les nouvelles qui
offrent des images exposant leurs sources sur l’écran et les nouvelles qui n’offrent pas
d’image avec leurs sources, la différence est plutôt réduite, ce qui peut signifier que le
spectateur construit sa perception sur l’histoire relatée de manière fortement subjective, en
fonction de sa propre expérience ou hiérarchie des valeurs.

Sous l’égide du postmodernisme où l’auteur disparaît, comment fait la télévision pour


rendre compte de ce qui parle, ce qui affirme, ce qui légitime la provenance des informations

6
Ibid, p. 568
7
Patrizia Faccioli, “La sociologie dans la société de l’image” in Sociétés, no.95, 2007
8
Ibid
9
Andrea Miller et David Kurpius, „A Citizen-Eye View of Television News Source Credibility”, in American
Behavioral Scientist 54(2), pp 137-156, Sage Publications, 2010

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devant le public? Quel est l’imaginaire des sources dans les journaux télévisés en Roumanie?
Quels instruments utilise-t-on pour mettre en scène un tel appareil?

L’hypothèse que nous avançons est que, dans le discours des médias roumains
télévisé, les sources sont une sorte de dispositif télévisuel systématiquement construit. Ce
dispositif cherche à s’identifier à une sorte d’émetteur – „passe-par-tout” qui, avec une
ambiguïté volontaire, s’erige en une instance qui laisse comprendre ce que l’auditeur
considère comme approprié.

3. Analyse appliquée et conclusions

Pour donner une réponse aux questions lancées lors de énonciation de l’hypothèse,
nous avons analyse le contenu du discours métiatique dans trois journaux télévisés de trois
chaînes de télévision de Roumanie, que nous mentionnons respectivement :

• TVR 1 – Telejurnal, heure de transmission 18:00

• Pro Tv – Stirile ProTv, heure de transmission 17:00

• Antena1 – Observator, heure de transmission 19:00

La recherche comprend deux parties. Comme première observation, nous avons


constaté que toutes les quatre types10 de sources sont utilisées dans la construction du discours
médiatique. Tout d’abord, nous allons essayer d’analyser comparativement les termes et les
expressions utilisés pour désigner ces différents types de sources durant les trois émissions.
Dans la seconde partie, l’étude continue par un court exercise de recherche quantitative, qui
conste en la comparaison des fréquences avec laquelle les sources de diverses catégories sont
présentées au cours du disours.

a) L’analyse qualitative

Nous observons, que la manière la plus fréquente de désigner les sources est l’emploi
de substantifs communs appartenant à des régistres catégoriaux limités à quelques qualités.
10
Sources médiatiques, sources institutionnelles, sources non-institutionnelles et sources non-mentionnées, non-
identifiées, support de cours “Discours Informationnel des Mass-Media”, professeur Ioan Dragan, Faculté de
Sociologie, Université de Bucarest, 2011

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L’ambiguïté est rendue encore plus importante par l’emploi des substantifs à article non-
déterminé pour parler des sources.
-la qualité professionnelle, ou l’expertise: „doctorii”, „medicii”, „politistii”, „analistii”,
„inspectorii” ;
-la qualité d’habitant, ou d’appartenant à une communauté: „locatarii”, „locuitorii
orasului X”, „locuitorii”, „satenii”, „orasenii” , „oamenii din satul X”, „Exista locatari care
spun ca ..” , „un barbat din orasul X” , „o femeie din satul Y” ;
-la qualité de témoin: „martorii” , „martori oculari” „oamenii de la fata locului”,
„oamenii care se afla in zona”, „martorii incidentului”, „potrivit surselor unor martori” .
-la qualité de l’autorité: „autoritatile”, „oficialii”, „liderii”.

Une dimension que l’on peut donc distinguer vis-à-vis de ces représentations est, donc,
celle de la proximité immédiate. Cette proximité est suie par un certain antagonisme, une
confrontation, une antithèse dans la représentation des sources. Quelques exemples en sont:
„braconierii” vs. „anchetatorii”, „soferul” vs. „politistii” , „guvernul” vs. „pensionarii”.

Une autre méthode fréquemment employée d’afficher les sources est l’entretien avec
les témoins. Ils sont souvent placés avant les entretiens avec les sources officielles pour créer
le suspense. Ils ont souvent un profile anonyme, le cadre est peu focalisé sur leur identité. Le
disours des individus habituels est souvent conclus par la voix des sources officielles, qui sont
moins nombreuses et qui se fond entendre en dernier, pour laisser une impression de calme
satisfait, pour tranquiliser une angoisse, pour polariser les sources non-institutionnelles.

b) Etude de la fréquence

Dans une estimation générale pour les trois journaux faisant partie du corpus,
l’intervalle dans lequel une source est mentionnée est de 15 à 35 secondes pour les reprises
sans transmission directe et de 2-3 minutes en cas d’entretien avec un correspondent ou avec
un invité parlant en direct.

Après une analyse pratique de fréquence11, nous avons constaté que le rapport entre le
type de sources employées ne varie pas beaucoup, les sources prédominantes pour les trois
chaînes étant les sources non insitutionnelles. Nous avons trouvé une certaine difficulté
d’encadrer les sources non-mentionnées ou non-identifiées, qui renstent avec un pourcentage
particulièrement bas dans tous les cas. Pour les sources institutionnelles, TVR1 semble être en

11
À consulter tableau 1.1

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tête du classement, mais la différence n’indique qu’un détachement léger. Pour ce qui est des
transmissions des correspondents ou de délégués, elles sont placées dans tous les cas en
troisième position, juste avant les sources non-indiquées. Pourtant, le temps accordé à chaque
source n’est pas pris en calcul dans cette étude, donc les résultats, comme l’indique le titre du
sous-chapitre, ne se prétend évocateur que pour la fréquence de l’appatition des sources
plutôt d’un type que d’un autre.

Chaînes Média
Appartenance Tvr1 % Pro tv % Antena1 %
des sources Fréquence/ Fréquence/ Fréquence/
nombre nombre nombre
Sources média 29/126 23,0 38/157 24, 33/139 23,7
2
Sources 35/126 27,7 42/157 26, 31/139 22,3
institutionnelles 7
Sources 51/126 40,4 64/157 40, 59/139 42,4
non- 1
institutionnelles
Sans 11/126 8,9 13/157 9,0 16/139 11,6
mentionner/
identifier les
sources
Tableau 1.1.

Conclusions

La manière de désigner les sources au cadre du discours médiatique et de construire, à


cette base, un dispositif télévisuel de fidélisation est au moins tout aussi importante que la
source elle-même. Lorsqu’on parle des sources dans les journaux télévisés, bien que les
termes désignant les sources sont polarisés autour de certains piliers de crédibilité, une
certaine ambiguïté est comprise dans ces termes. Ce fait se constitue, encore une fois, comme
un dispositif télévisuel qui invite le téléspectateur à mettre du sens dans des expressions
volontairement floues.

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Bibliographie générale:

DERRIDA, Jacques, entretien documentarire „Derrida”

DAVIDSON, Donald , Inquiries into Truth and Interpretation

Bibliographie thématique:

DRAGAN, Ioan , Comunicarea : paradigme si teorii

DRAGAN, Ioan, Cursus - “Discours Informationnel des Mass-Media”

FACCIOLI, Patrizia , “La sociologie dans la société de l’image”

MCQUAIL, Denis , Comunicarea

MILLER, Andrea et KURPIUS, David , „A Citizen-Eye View of Television News Source


Credibility”

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