Professional Documents
Culture Documents
The author has granted a non- L'auteur a accordé une licence non
exclusive licence allowing the exclusive permettant a la
National Library of Canada to Bibliothèque nationale du Canada de
reproduce, loan, distribute or sell reproduire, prêter, distribuer ou
copies of this thesis in microform, vendre des copies de cette thèse sous
paper or electronic formats. la fonne de microfiche/film, de
reproduction sur papier ou sur format
électronique.
Canada
Acknowledgment
Résumé
philosophique.
TABLE DES MATIÈRES
B) Hetu et pratyaya.......................................................................................................................... 34
'k
4- 1 P_ERMANENCEET MOMENTS CHEZ VASUBANDHU LE
VIJ ANAVADIN ................................................................................... 7 5
CONCLUSION ........................................................................................... 95
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................. 9 6
Abréviations
AKB :~bhidharrnakoh-bhZpa .
I Puisque. malheureusemtint. i l n'existe pas en français d'équivalent acceptable pour rendre le terme
sanskrit kqugrkm~üdu( = kppikamii. k.ppubha6rpaGh ).jlaidû pour les besoins de ce travGl forger
Ir: nkologisme "momentaneité".Mime "irnperrnanent"(clni~ et "impemantincr"(unr~.arcr) sont
exclus de la langue française. mais de La Vallée Poussin les ayant utilises. je ne vois pas pourquoi je
-3
l'influence de l'analyse philosophique et des critiques émanant de la tradition
orthodoxe hindoue, la discussion sur I'impermanence fit place à celle sur la
momentanéité. Dans l ' A U , écrit vers le cinquième siècle de notre ère par le
maitre Vasubandhu. la momentanéité ne fait pas encore l'objet d'une
discussion séparée et exhaustive; elle remplit toutefois une fonction centrale
dans l'ingénieux enseignement systématique de la doctrine bouddhique qu'est
le ~oia&~trn.
Les trois premières sections de ce mémoire ont respectivement pour
thème principal la momentanéité. la causalité bouddhique et les problèmes
surgissant de la relation de la momentanéité avec la causalité. Ces trois
thèmes sont traités surtout en fonction des données de I'AKB. La dernière
section de ce travail s'inspire des oeuvres de la "deuxième période" de
Vasubandhu. c'est-à-dire des Ccrits produits après sa conversion au
ne ferais pas de m h e .
1 na.. p. 2 .
3 C.f.: Hall. B.C.: The .\fming of vij;apti in I'osuhandhu's Concept o/.\find in "The Journal of
serve pour défendre d'autres doctrines. Une des idées centrales de ce travail
est qu'en ce qui concerne notre auteur, la momentanéité sert seulement
d'auxiliaire à la doctrine plus fondamentale de I'impermanence. Cette
proposition paraîtra plus acceptable quand le lecteur examinera la quatrième
section de ce travail: on verra que le concept plus clair de "vérité ultime"
(puramiirtha ) du vij%navZdin ne permet pas d'appréhender le phénomène
momentané comme une entité réelle. I'espère démontrer que si.
contrairement à certains de ses successeurs (qui ont aussi leurs mérites).
Vasubandhu s'est moins préoccupé de la momentanéité. c'est parce que pour
lui l'idée religieuse de I'impermanence compte plus que les développements
théoriques sur la momentanéité.
Vasubandhu. philosophe dont la pensée est parfois bien difficile à
cerner, nous propose dans ses écrits scolastiques une version précieuse de la
Noble Loi (Dharma.) Chez lui. l'idée semble toujours l'emporter sur son
expression. l'esprit du bouddhisme sur la lettre. Bien sûr la philosophie
religieuse de Vasubandhu peut paraître décevante à un esprit moderne se
préoccupant de la rigueur dans l'emploi des concepts: en effet. les diverses
doctrines du bouddhisme évoquent souvent des notions très proches. On
pourrait presque parler d'aspects d'une seule et meme intuition fondamentale.
Par exemple. le karman . quand on l'entend dans le sens d'action. renvoie aux
rnseimements sur les causes et les conditions (herli i p r a h q n
b ) et a la
doctrine plus dégante du prat~asamtirpZda(causalité en dépendance): c'est
le karma qui. en tant que volonté ou intention met en branle - quoiqu'il n'y
ait pas de "première cause" - le processus quasi-inéluctable du sornsara (le
(kàla ). puisqu'il dépend d'un étant.13 On verra plus loin dans ce travail que
Vasubandhu. avec la doctrine vij~&at'üdin des trois "ëtres propres"
(màrga) qui. comme les trois asarhs@ta sont "sans relation avec les vices".
anZsrava. Les trois inconditionnés sont les prati- et apratisamkhyànirodha
(suppression due et non due à la connaissance (sahkhG ou prajEZ ).
représentant le nirGna . et l'éther (àkàia .) Ces dharma . "subjectifs" et
recherché par les auditeurs aux facultés aiguës. Une autre classification?O des
dharma les range en cinq catégories: rüpa. matière: citta. pensée: coifia.
"mentaux". Le.. des dharrnas associes à la pensée: cittaviprayukta. qui sont
l 6 En maint endroit de llAKB. Vasubandhu dévoile ses affinités pour l'école sautrhtika (qui
recherche le sens des enseignements scripturaires. le Sutra). souvent opposée a l'école sarviisrivâdin
(de sumam usri. "tout existe": cette secte est partisane de la docmne selon laquelle l'essence des
dharma existe dans le passe. le présent et le futur. bref que "tout existe" de façon etern/elle.) Les
enseignements des sarvastivadins. entre aurres. Furent cornpilis dans le grand I.~ibibh+asasrra.d'ou
leur deuxième appellation. i.atbhÜ;ika.
l 7 Les cinq zkandha sont la matière ( G e . la sensation (redan5 ). la notion ( s a m j ~). ~les
"forces" (suAskÛrcr)et la conscience (vynana ): ils forment la "personne" mais ne sont pas un
"moi."
l8 AKB 1. ZOa
I9 AKB 1. ad. ZOc
O' AKB 11. ad. Zld
des sahsGra (le quatrième skandha) non associés à la pensée; asahskrra, les
trois inconditionnés.
Le changement s'explique par la perte ou le gain de certains dharma
formant une chose. Ce concept du changement implique I'impermanence de
toute chose, car tout ce qui est formé de sahskpz, les conditionnés. sera
éventuellement détruit. suivant le "dogmeft du bouddhisme "tous les
conditionnés (ou choses formées de conditionnés) sont irnpermanents". Tout
ce qui est composé se décompose compléternent à plus ou moins brève
échéance.
Nagcjuna. contrairement aux àbhidharmika. a nié l'existence mème
des dharma simples. II évacue ainsi toute possibilité de discours sur le monde
au moyen des catégories bouddhiques. L ' A D . qui fut écrit après
l'avènement du rnadhymaka . renferme peut-être une réponse à la thèse de
Nagàrjuna avec sa doctrine particulière. inconnue du bouddhisme primitif. de
la momentanéité des dharma ...
Dans le troisième chapitre. ou ko;a.sthàna . de I'AKB. Vasubandhu
. Il en
traite de la conception de l'univers selon les sa~a'sîzvùdin/sautr~ntika
vient naturellement à parler des dimensions et unités de mesure en vigueur
dans ce monde. Après avoir spécifié que le moment ou instant est la "limite
du temps". il explique dans son bhàsÿa (commentaire):
Quelle est la dimension du moment? - Les conditions (pan-+a) etantpresentes. le temps
qu'il faut pour qu'un dharma prenne naissance; ou bien le temps qu'il faut pour que le
dharma en marche aille d'un pararn@u a un autre porornü~u. l
Retenez bien (on verra pourquoi ci-dessous) que ce passage sous-entend que
[es dharma "en marche" se perpétuent en séries momentanées. Elle suggère
3
--' LVP tome 3 p. 12
=-' Notamment dans le KSP.
25 LVP tome 5 . p. 7
" Ibid.. p. 5
Ibid.. p. 8
forme de causalité nommée sobhZgahetu).29 Si le vent étouffe la flamme ou
la main stoppe la vibration de la cloche. on dit que la flamme et le son, en
vertu de ces relations . arrêtent de se renouveler. Mais le vent et la main ne
sont pas essentiellement des causes. parce que sans ces derniers. la flamme et
le son sont en mesure de disparaître spontanément.
Ces raisonnements avancés en guise de preuve de la destruction
spontanée à la naissance . enchassés dans le chapitre de I'AKB traitant du
.
karma ne sont sans doute pas décisifs - ni pour Vasubandhu. ni pour nous.
Mais ce sont. semble-t-il. les plus forts que notre auteur ait pu produire pour
défendre directement cette thèse. D'autres passages de I'AKB suggèrent. par
ailleurs, que Vasubandhu n'était pas prêt à admettre le moment autrement
qu'en tant qu'être de raison: il acceptait la momentanéité radicale comme
paradoxe émanant de la doctrine de I'impermancnce. mais il reconnaissait
implicitement l'absurdité d'admettre que le dharma "périt en naissant."
Examinons un des passages en question.
28 Ibid.. p. 6
29 AKB II. 52a
jo AKB II. 46cd et ad. J6cd
3l C-f. l'introduction de ce mémoire.
sarvZstiv5din selon laquelle I'abhidharma, étant une exposition plus
approfondie du Dharma, décompose la durée-modification en durée et
vieillesse. Mais voilà que les santa'stivàdin s'emballent et parlent des
;'AKB I I 46ab
j3 LVP tome !. p. 226 et suivantes.
moment, [sa durée], sa vieillesse, sa disparition, ne sont pas objet de
j4 Ibid.. p. 227
35 Ibid.. p. 228
;6 Ibid.. p. 218
x Ibid.. p. 228 note 2
le moment existe, ce n'est pas en vertu de la durée mais en tant qu'effet d'un
complexe de causes.
Ce commentaire, bien sûr, élude la question: comment un moment
sans aucune durée p e u t 4 même être un "moment?" L'AKB ne résout pas ce
problème - le pourrait-il? Vasubandhu entretient, semble-t-il, l'opinion que le
concept de rnomentanéité, bien que problématique, soutient la doctrine de
I'impermanence devant être défendue bec et ongles dans le contexte de la
vérité conventionnelle. Pourquoi? parce que l'impexmanence des
samskrtadharma implique l'inexistence de l'âtman, et sans anatman il n'y a
pas de bouddhisme. Ceci dit, réifier le dharma-moment reviendrait à peupler
le cosmos d'entités substantielles, si "momentanées" soient-elles: une hérésie.
On peut supposer que !hcyarnuni, NagGjuna et Vasubandhu étaient
conscients de l'aporie de la momentanéité. aussi ils n'ont pas cm utile d'en
venir à bout. Les sucesseurs de Vasubandhu, sans doute sous le coup de
critiques pénétrantes - et compréhensibles - ont juge bon de défendre le
ksa~ikavüda. mais on peut raisonnablement penser qu'ils ont perdu leur
B
temps. Pour preuve. j'ai relevé cette karika du troisième chapitre38 : "Cent
vingt kapu font un ratksqa : soixante tutkana font un lava... ". et ainsi de
suite jusqufau mahâkalpa . qui est d'une très longue durée. Même si cent
millions de k s a p étaient requis pour faire un tathana. le moment dure
4 '
plus loin41 "la naissance, la durée, etc. d'un dharma quelconque son1 aussi
des conditionnes", ce qui revient a dire que c e sont des attributs substantiels.
Cependant Vasubandhu est bon prince: "à la condition de ne pas
considérer les caractères comme des choses en soi. on peut dire que chaque
moment pris à part possède les quatre caractères."42 II avance que chaque
moment. effectivement. apparait et disparait. Quant à la durée du moment. il
l'explique par l'enchaînement des moments: puisque le moment postérieur
ressemble au moment antérieur, le moment postérieur peut être considéré
comme la durée de l'antérieur. La dissimilitude de la durée ainsi comprise
constitue sa transformation ou "vieillesse."
Le sarvàsrivGdin objecte alors que cette définition de la durée ne vaut
.
pas pour tous les sarhskrtadharmas car le dernier moment de la pensée d'un
- . - -- - -
Ibid. p. 230-3 1
prouvait qu'il concevait alors le moment comme un certain laps de temps. Je
propose que cette divergence d'opinion, dans la même oeuvre de surcroit,
dénote l'intention très simple de l'auteur: éviter la réification de toute chose.
n'accepter la réalité de toute entité que lorsque d'après lui a) le Sutra permet
une telle interprétation et b) une telle entité est utile pour l'obtention du
n i M a . Or ce qui est suprêmement utile pour l'obtention du nirvana c'est
comme je I'ai suggéré plus haut, le fait qu'un être bouge n'implique pas que
cet être soit quelque chose d'autre qu'une désignation arbitraire pour le
complexe impersonnel et impermanent de ses parties; et le dharma
momentané, substantiel ou non, n'a rien de commun. par exemple, avec
l'xtrnan-Bahman des Lrpanisads . Le fait que Vasubandhu expose dans
I'AKB le système des sawàstivùdim explique peut-être aussi bien des
choses: pour cette secte, le dharma "existe" réellement, sans ce postulat
fondamental son système s'écroule au complet: sans nier complètement la
.
réalité des dharmas il insiste donc sur le "fait" qu'ils soient "momentanés."
La mornentanéité explique la structure du Sentier et de ses
subdivisions: les Sentiers mondain et supramondain (laukiko-.
lokottaramàrga), le Sentier de la vue ( d a r i a n a r n ~ r ~et
u ) de la méditation
- -
(bhàvanamarga), etc. sont expliqués comme une série de moments cruciaux
menant à la connaissance pure (prajzmala) ou "cessation obtenue par la
Ibid.. p. 126
54C.f. AKB I.6ab et ad. 6ab: cnaque disconnexion (wsanryogo ) d'avec un dharma impur est
pratlsu&k~Enirodhu; c'est par la compréhension profonde des Quatre Nobles Viriti
contexte bouddhique m'échappe. Radicaliser l'impermanence de la sorte, c'est
Un peu plus loin. on comprend que tout ce qui est nécessaire pour inspirer le
détachement. c'est une compréhension de l'irnpermanence des choses. non de
leur impermanence "radicalett:
On voit les choses comme impermanentes parce que leur nature est de naître et de périr: on
les voit comme douloureuses parce qu'eiles sont odieuses. Quand on les a vues comme
impermanentes. elles deviennent odieuses.58
--
(prutisahkhyÙ) qu'on prend "possession" @rZpri ) de ces disconnexions.
?> En français bien sir. l'adjectif "sotériologique" n'existe pas. et le substantif "sotériologie" signifie
strictement une doctrine du salut par un rédempteur. Le Buddha. bien sûr. n'est pas un
"rédempteur". Le sens anglais est plus large et s'étend a toute doctrine du salut: le lecteur m'excusera
cet angiicisme qui me semble pourtant essentiel en philosophie de la religion.
56 AKB VIL ad I3a
" XKB VI. ad 3 (LVPtome IV. p. 128)
LVP tome IV. p. i 29
Quand on a vu les choses comme impermanentes, on a vu du même coup
qu'elles étaient dénuée d'àtmon et douloureuse. Nui besoin de recourir au
paradoxe de la momentanéité afin d e faire surgir l'idée d'oniïtman .
d'une chose en soi. C.f. Lalande: tbcabuiaire iechniqrrt. cr crliique de la phriosophie . pp. 764-68.
37
même pour les moments de conscience quittant un corps à la mort et
s'incarnant ailleurs: ils se sont reproduits dans l'existence intermédiaire. Bien
que ce raisonnement n'ait rien de particulièrement convaincant, il permet au
bouddhiste d'expliquer le processus de la renaissance autrement que ses
adversaires orthodoxes, c'est-à-dire par un genre d'absorption temporaire
dans le Soi, etc.
On a vu dans cette première section que la momentanéité suppose que
les dharrnas forment des séries. On a aussi discuté. sans l'exposer en détail.
de la causalité en dépendance. Dans la deuxième section. je vais décrire les
deux aspects de la théorie bouddhique de la causalité. soient le
pratiisamutpada et la doctrine des causes et conditions (herut /pratya3va~).
tels qu'on les retrouve dans I'AKB. Nous passerons ensuite aux choses
sérieuses en examinant de quelles façons ils s'articulent-ou ne s'articulent pas
- à I'impermanence et à la momentanéité.
28
2- La causalité dans lt~bhidharmako6a
( b h m Z p )en prticulier.65
L'avidyü représente la "cause omniprésente" (sarvatragahetu) de
l'existence. Ce n'est pas une cause "générative" comme le k;oraqahefu que
nous examinerons ci-dessous. ni la "première" cause dans la chaîne close du
. mais c'est en quelque sorte la cause originelle. sous-
prat~~marnutpiida
jacente. de toute manifestation d'existence nécessairement douloureuse.
.
61 C. f. Poner. Karl H.: Prtlsupposirions ofIndia's Philosophies pp. 107- 14.
61 Pour la descripti?n des douze bhmàhgas qui suit j e me suis inspire. pour compléter les
informations du K ~ L(AKBI -
I I I . 2 1 a-lja bh$a) des excellentes descriptions de Chaudhuri
(.-!n&iical Sirrh. of rhe .-lbhtdhurrncrko6a. P P . 134-38) et de Verdu (Euri>.Buddhisi philos op^. .
pp. 96- 1 O 1.)
conscience ne soit impliquée. Le sohskara en tant que deuxième membre de
la chaîne de la causalité en dépendance fait strictement référence au potentiel
karmique venant de l'existence antérieure. "Les sahskora. c'est, dans la vie
.
"personne". "La vfiiona c'est les skandha à la conception."6g
Le nàmarùpa représente le stade de formation des organes mental et
sensoriels.
Le saG5arana est l'apparition des sis organes (mental. de la vue. de
l'ouïe. de l'odorat. du goût et du toucher). constitués à partir des "grands
bb AKB III.2 la
6' lbid.. 2 1b
68 Ibid.. 2 lc
69 A K B 1. 12ab et ad. lZab
plaisir . "70 L e ~ ~ a r . désigne
6~1 le moment de l'accouchement: cet
accouchement représente le heurt (sahpratigha) des organes avec les visaya .
donc leur pleine mise en opération.
Avec la vedanà le processus de la perception devient possible. La
vedanà implique la formation de la sa&j$Z ( ou perception des "signes" .
.
nimitta des objets) et des autres fonctions cognitives. En ce qui concerne la
série personnelle. le "monde" alloué selon le karma vient a maturité. La
sexuelie."73
Depuis que le potentiel karmique du samsküra est parvenu a maturité.
l'attachement (zîpidàna) de la volonté aux objets éclôt. "L'upadana: état de
8) Hetu et pratyaya
ditinitions82 : une ginCrale. qui est celle que nous venons de donner. et une
définition s'applique donc à tous les samsl<rta. parce que tout dharma
conditionné et ses caractères sont entre eux sahabhiihetu . Les caitta. comme
par exemple la sensation (vedana ). la concentration (samiidhi) et la foi
(iraddha dans certains cas. naissent nécessairement avec la pensée ou
conscience (citta): les éléments. ou grands éléments ( m a h a b h l a ) tels le feu
(agni)ou la terre (bhùmi) naissent aussi ensemble: ils se retrouvent dans tout
IIZrNp,t'~dh&c89 ont chacun quatre étaees. Encore une précision: "le Sentier
est sabhâgaherzi du Sentier. sans distinguer les neuf étages."90 Les cinq
skandha "de" l'ascète bouddhique parcourant le Sentier demeurent
snbhàgaherti envers les suivants. quelle que soit la catigorie et l'étage dans
lesquels ils se situent. Cependant. "le Sentier est sabhàgaheru du Sentier égal
ou supérieur"91 : étant donné que le Sentier est acquis par effort (prqogaja .
pr+*anla/.). l'ascète qui "tombe" n'implique pas cette forme de causalité: Ir:
selon l'organe qui est Ir point d'appui de la relati0n.9~ Bref ces diarma sont
sarizprayzktal~etzparce qu'ils "fonctionnent identiquement" et qu'ils ont en
commun a) le point d'appui (&'raya). b) l'objet (Ülambana ). c ) ['aspect
seul drayva 95. non une classe. Si l'une de ces cinq identités (samata
manque. ils ne sont plus sortlpra~.irktnkahe~u.
Le survarragr?lze~ufait référence a l'ignorance en tant que condition
universelle de l'apparition des sarhskrra impurs. Le karma s'érige seulement
sur le fondement de l'ignorance. Cette ignorance a un antidote: la suppression
semblable à son e f f W 101 Les dharma du Sentier (non humectés par la soif)
et les nsahskrrn
, . les dznrnza purs. ne sauraient produire un fmit condition6
(sarizskrra). car ou bien ils minent à la disconnesion d'avec les satin&ro ou
I'effrctuent: aux rllrorrm non de finis (oyviikrro) manqueraient la " force
propre" (svahkri).comme des semences pourries. Donc. le k m a qui rnùrit
dans une autre existence "produit" son effet sous les auspices du vipâkaher~r.
mais ils n'elisrent "pleinement" que lorsque. par It. k ~ r n r dekprrmant l'ignorance et la passion. ils
inttigrent une sirie de façon momentmie. c'est-a-dire un moment ri la fois ...
w I1Iookerjee. Satkari: T h Buclriltlsr Phrlosoph.r of Cllrwrsal Flur . p. 246.
" Verdu: op. cit.. p. 74
I'") XKB II. S4cd
LVP tome 1. p. 1 7 2 : "Le prefise t.1 indique diff6rrnce. Le r-rpZlicl est un pZkd . un h i t
disszmblablc (visabrs; 1 de sa cause.
l'effet qu'il suscite peut être radicalement différent de la cause et a lieu dans
un futur souvent lointain. C'est ce qui expliquerait, par exemple, pourquoi un
même acte mauvais peut. sous certaines conditions. "produire" un corps
difforme. et sous d'autres conditions une naissance en un enfer.
Passons maintenant à l'examen sommaire des quatre conditions:
hetziprahvaya. condition en qualité de cause: sarnanantaraproFva .
condition en qualité d'antécédent: âlambanaprotyqa . condition en qualité
d'objet; adhipatiprapa~-a.
condition en qualité de souverain.
Tous les heru sauf le kàranahetzi . sont d'un point de vue "extérieur"
herupratyqa : i 1s sont lierirpro~nyaen tant qu'riusi 1iaires du k&anaheru
s m ~ . 10; A l'ttscept
" r ion des derniers. c'est-à-dire Ir dernier
cirta et les caitta du saint bouddhique avant la disconnexion complète du
mtme erre traduit par "force"1 1 1 : tous les dharma seraient ainsi de par leur
nature "Cnergic." On a bien vu dans la précédente section que les fruits du
sahablzi(l,erzc et du sahpruwktakahetz~. les paurusa. naissaient par la "force
purs nt: sont pas cause de ritribution parce qu'il Ièur manquerait la "force
des pràpti et opEptil 1-6 la l'possession". qui serait un dharma réel. fait tenir
ensemble les entités du passé. présent et futur ayant un certain rapport entre
elles. garantissant ainsi la pérennité de la série: tandis que la force de "non-
possession" tiendrait à distance les dlinrma ne devant pas entrer dans la
composition d'une série particulière. Vasubandhu a rejeté cette explication
pour lui préférer sa thèse des bga 1 1 5 : quand on dit d'une série qu'elle "entre
en possession" de tel ou tel dharma. on signifie simplement une modification
de la série des cinq skandha : la série elle -même est bi/a . c'est-à-dire qu'elle
ultime1 16: la cause n'est pas dans l'effet tout simplement parce que la "cause"
et 1' "effet" sont de simples désignations. comme l'ütman. utilisées pour
inadkquates : en langage kantien. nous dirions que nous n'avons accès qu'aus
phénomines. mais contrairement à Kant le bouddhisme stipule qu'il n'y a en
fait que des phénomènes. Absolument rien ne permet d'affirmer qu'une
substance se cache derrikrc ces ph6nomtnes: comme l'a dit clairement
l n Slookerjec (op. cit.. p. 5 5 ) a signalé cette c\plication sdopt2e par szntaraksita (huitiémc siticle
de notre kre 1. sans la diveloppsr suffisamment à mon sens.
1
externes. 1 1 7
C'est dans un esprit purement pragmatique que le Buddha a affirmé
que les sahsküra sont conditionnes par I1mti&à etc. En isolant
artificiellement certains phénomènes. selon la convention. il espère
provoquer chez l'auditeur la compréhension de la vérité ultime.
Mais que sont en fait I'm>i&Z et les autres bhavzhga? Si l'on y regarde
de plus près. on remarque qu'ils font état de circonstances spéciales dans le
qui la manifeste (qu'on juge comme n'étant pas affecté. comme sa création.
par l'avi&$. on se demande bien à qui appartient cette ignorance
-
métaphysique. De plus. ce système soutient que les jha. I s i w o et l'.&an
sont réellement confondus dans le Brahman: la conclusion logique. bien
Skiputra aurait pinitré tout de suite les arcanes du Dharma: cette Loi
s'appliquant sur le plan personnel a des risonances universelles. Quand 1s
Buddha enjoint de constater que "ceci" donne naissance a "cela" etc.. il ne
que tout est interdépendant. et que certaines actions sont toujours suivies de
certains résultats. le Buddha devait nécessairement partir d'exemples concrets
ces exemples ne sont pas des choses en soi. Par exemple. l'insatisfaction est
manifestement causée par le désir: mais le désir est aussi causé. entretenu par
mon corps. par des déterminismes culturels. par la nourriture que j'avale.
l'oxygène que j'inhale qui. elle-même dépend des arbres qui dépendent de la
terre. du soleil et de l'eau. etc. Le Buddha aurait eu de la difticulté à nous
faire comprendre que "tout est dans tout" (vérité ultime) en affirmant que
mon chat depend de mon gros orteil - même si. d'une certaine façon. c'est un
fait.
Loin de moi l'idée que Vasubandhu. en bon soz~trZnrika. ait mal perçu
l'intention du Buddha d'iviter la réification de tout objet. Presque tout dans
son instructif AKB prouve le contraire. Cependant il n'a peut-etre pas réalise
entiirement que Ir paradoxe de la momentanCite. i mon humble avis. ruine la
ailleurs faux de soutenir que le moment. par le recours à la vériti ultime. est
lui aussi p e r p çonime une simple désignation ou hypothksr (pratijiia: Ie
moment. dans Ir conteste abhidharmiqut. est d g à la veritC ultime des
- -
ckms le "ceci."
dharma, perçue des seuls Buddhas: on tenterait donc d'exprimer
l'inexprimable par l'incompréhensible. Le pratityusamutpüda , lui, exprime
une réponse satisfaisante par le recours à la vérité ultime. Mais il n'en va pas
de meme pour l'aporie de la momentanéité. On a vu clairement. je l'espère.
"ceci et cela" sont des "perceptions justes". des "domees sensorielles" sur
Mais je ne suis pas près, comme lui. à traiter les Zbhidharmika "d'hérétiques"
pour ces raisons relativement mineures. L' "hérésie" de l'éternité des dharma
me semble plus grave. mais si l'on prend en compte. comme je l'ai propose.
l'importance de la connaissance des dharma pour le bouddhiste désirant
apprendre à contrôler "ce qu'il y a dans sa tète". on peut être indulgent: et
dure assez longtemps pour que quoi que ce soit "lui" mive?177
L ' A U ne répond pas à ce problème - du moins. pas directement.
La pra$à . dit I'AKB. 128 est "le discernement des dliarma" (diiar-
mZnom pravicq~a!~).
C e discernement (mari ). synonyme de praj&i. coexiste
à toute citra ,129 Cependant il n'est "pur" que lorsque qu'il fait partie du
-.- -
c o ~ a i s s a n c e " 1 3 0 @ ~ ~ces
% ~passions
: sont abandonnées par la "vue des
Vérités" (sa~?adariana)et par la méditation ou "culture mentale"
';"' AKB V. 64
"1 AKB v1.d ~b
'31 Le fruit du iipifkahrrrr . qu'on peut considtirer "bon" ou "minais" est en lui-meme indétemini
r m?.Ükrru ). seul l'acte est strictement bon ou mauvais.
hetu sauf le vipükaheîu : mais le premier "moment" pur du Sentier ne
procède pas du sabhZgahetu . étant la transition entre le Sentier mondain
karmiques. fait entrer les skundha dans une classe spécifique d'ètres: elle
fonctionne aussi de concert avec le I'adhipatiprufyuya, le "monde" étant une
condition essentielle de son émergeance. et les quatre autres hetu.
Le cycle complet de la relation des causes et des effets manifeste trois
"espéces" de karma : le karma "actif'. ou knrrna en soi. c'est à dire acte
IIZ Le Sentier mondain représente les bonnes actions impures. produisant des rt%ultrits bsnéfiques
mais ne conduisant pas directement à la disconnesion.
fiJ AKB IV. I b
très clair. (Pourrait-il l'être?) Comme nous le verrons dans la section
suivante. il est plus explicite quoique toujours obscur chez les vijn"ünmâdin.
Une chose fut bien expliquée en ce qui a trait au vipiikaphtzhz , c'est
atteint sur les Sentiers mondains: 141 par ces Sentiers. on peut en effet obtenir
les trois premiers fmits. mais le fmit d'arhat ne s'obtient que par le Sentier
supramondain. Une fois obtenu le h i t qui lui était dû. le Sentier qu'il lui
I J 1 AKB V!. 3 1 ab
IJ2 Ibid.. ad. 65bc
L'AKB reste peu loquace sur la façon dont ce Sentier, dont on peut je
crois apprécier la complexité même par ce bref exposé, implique le jeu des
causes et conditions. Le Sentier suprarnondain étant constitué de dharma
purs. mais conditionnés, il s'ensuit nécessairement que les hetu et les
Ibid.. 67ab
lu Ibid.. ad. 26a
pour des raisons évidentes. Il est inutile de mentionner l'adhipatipraryaya .
Vous aurez donc compris que seul le vipâkahetu est absent de la Ete.
cas présent? La réponse est non. On peut en effet s'interroger à son sujet
comme pour les autres sahskrta: comment la przpti a-t-elle intégrée la série
personnelle du bouddhiste? Les explications confuses du vaibhàssika. q u i
La these des bca nous sauvera. peut-ttre? Non plus. A premiire vue.
elle semble satisfaisante: l'ascète entreprend de parcourir le Sentier a cause
renaisse pas plus de sept fois avant d'atteindre l'éveil. si aucune semence
spéciale ne se trouve dans sa série? Si d'autre part on admet que les séries
pures soient vipZkaphala. notre problème reste entier: dire que des actes bons
mais impurs ont produit. en vertu de la "cause hétérogène". des dharma purs
amenant le h i t ultime du Sentier. qui est asahs@ta . ne montre pas
comment une série rigoureusement conditionnée est amenée à se transformer
de telle sorte qu'elle conduise à l'inconditionné.
Je propose que la seule solution possible est encore une fois le recours
i13 viritk ultime.
des actes volitifs: si. par exemple. je "décide" tout-à-coup d'aller à la cuisine
chois. 150 Pour ceux qui sont complètement aveugles aux envoûtements du
corps. d'autres conditions sont déterminantes. comme l'humour. la culture etc.
Mais ce qui est drôle pour l'un peu ètre pathétique pour l'autre: on distingue
ce qui est comique ou cultivé etc. en fonction de la société dans laquelle on
I '"onrr: m s .. .. p. 1 32.
Prcsirpp~slri~
' " Erhiqur . deusiitme partir. scolie de la proposirion 35
priciser qu'ils n'ont pas enseigné. spécifiquement, la liberté de la volonté,
mais sa causalité.
. le Traité de la "réfutation du
Le dernier chapitre de I ' A K B I ~ I
pzidgala" ("personne"). pudgalanairàtmya . a été écrit contre la thèse d e la
Quelques lignes plus bas on suggère que la vérité ultime n'est d'aucun
secours si l'auditeur "n'est pas capable de supporter l'enseignement du
! :!-i
On n'a qu'à lire le .\bkecl..lpr de Desrnond Morris pour s'en conbaincre dabantrige ...
''I Ce dernier k ~ s ~ ~ ~ tserait
h ü mun appendice rrinach2 ultérieurement 3 I'AKB.
li2 L V P tome V. pp. 265-66
' = jIbid.. p 366
D'un point de vue ultime, personne n'est responsable de quoi que ce
soit. puisque la "personnalité1' de chacun n'existe pas. Ainsi. on peut
comprendre pourquoi les bouddhistes affirment que la prajcî?, qui saisit
correctement la vérité ultime. est toujours accompagnée de compassion
(karuni?): les êtres soufient a cause de la confusion de leur esprit. parce
qu'ils ne voient pas la réalité telle qu'elle est. mais s'attachent ê: ce qui n'est
pas un "moi" ni un "mien"; en saisissant par l a p r d i à qu'il n'y a ni "moi"ni
"mien". on comprendrait en outre que l'autre est en fait un aspect de soi-
même dans l'interdépendance universelle. La vérité ultime. correctement
appréhendée. n'impliquerait pas le relativisme moral et la recherche effrénie
des plaisirs sensuels: en perdant toute référence au "moi". on perdrait du
mème coup le désir de le gratifier sans mesure.
On pourrait. en tous cas. se poser la mème question que le Vaise~ika
imaginaire de Vasubandhu: "A défaut de 'soi' comment l'action du passe.
détruite. peut-elle produire le fniit. futur?" 154 Ou. en termes nous touchant
plus directement: "comment l'action que j'ai commise dans le passé peut-elle
me suivre'? comment puis-je en Stre responsable puisque le 'je' n'existe pas'?"
Un peu comme ie caiiesika. on voudrait que Ir "mérite" et le "démérite"
s'attache a la personne: on croit. confusément. que certaines qualités et
défauts s'attribuent à une espèce de substratum permanent - on croit
spontanément que notre ami "Pierre" est le même a chaque fois qu'on le
rencontre. Mais Vasubandhu nous explique que ta rétribution des actions
commises dans ie passé n'a que faire d'une substance pour rendre compte de
son fonctionnement:
"... on dit bien que le fruit nait de I'action. mais il ne nait pas de I'action détruite. il ne nait pas
immédiatement aprés I'action: il nait d'un moment suprême de I'~volutiond'une série issue de
i'acte. '55
Personnel lement. je pré fererais expliquer cela comme suit: I'action est un
"sujet" de la rétribution.
Si le bouddhisme ne croit pas en la liberté de la volonté. il croit
néanmoins que l'effort (p-aîna) est possible - et nécessaire: encore une
fois. le fait que la "volonté1' n'est pas libre ne contredit pas le fait que les
actes volitifs. l'intention ou l'effort possèdent une efficace causale.
Notre problème: "comment faire entrer des dharma purs dans notre
série personnelle?" ou plutôt "comment modifier la suite des événements
constituant notre 'personne' de telle sorte qu'elle conduise à la paix de
l'esprit?" disparaît. car la réponse est "par l'audition du Dhanna". Cet
enseipement se présentant lui-même comme conventionel. le
prar?psamutpàçkl . on l'aura compris (contrairement a Kalupahana). ne
désigne pas les faits (des dharma) d'une façon absolument objective: il est
possible de briser le cycle de la souffrance par la compréhension profonde de
la vérité ultime détruisant Kgnorance à la base de ce cycle. II faut donc voir
le Sentier que j'ai décrit plus haut. malgré son nombre impressionant de
détails. comme un itinéraire utile. certes. mais non contraipant: tout dépend
de la qualit6 de la série du candidat ... On se rappelle. par exemple. que
Buddha affirme que celui qui pratique correctement les "quatre fondements
nécessairement d'autres somskrta: il faudrait donc qu'il y ait une aune forme
de causalité expliquant l'extinction (nirvüna) des samskrta . mais
Vasubandhu n'en expose pas une dans I'AKB. (Cependant. le neuviime
ko&rl~i%o donne à penser que Vasubandhu avait modifié son concept de la
Ib" Dans ce chapitre. Vasubandhu s'abstient de parler de la \ ériti ultime la façon des
ù3hrdhurmlkcr. ce qui est dkja une - mince - preube par l'absence: i l dit aussi. à propos de l'acte. que
"nul. sinon le Buddha . ne connaît tout ceta dans la totaliti de son prccessus" (LVP V. p. 300). ce
qui signifie selon lui que l'enseignement sur la rétribution et la causalité qu'elle implique est
conventionnel. mime si des "forces" inetTables quoique réelles rendent compte de la dipendance
des choses entre elles.
caractéristiques métaphysiques. Les kronikavadin voudraient que le dhmma
a *
C'est Schweizer qui a relevé cette difficulté dans un article récent. 161 II est à
noter que le probkmç qu'il souli-ve ne concerne pas Ir kianikaviïda
paradoxal. soutenu sans grande conviction par Vasubandhu dans I'AKB. afin
de réfuter les thèses de ses adversaires imaginaires. Cette momentanéité. qui
1 ' . 4 ~ ~ . 1 6 peut
3 s'entendre dune quadruple manière: "d'un moment".
prolongé. sérial. et statique. On explique: a) que les douze membres peuvent
se retrouver en un seul moment en donnant l'exemple sinistre d'un meurtre.
l'avenir et à l'entre deus." 166 Gauguin a peint sur son fameux tableau: "D'où
wnons-nous. que sommes-nous. où allons-nous?" la nature de cette
aberration: c'est I'aberration de l%man et la soufiance qu'elle engendre: or
le pratfpasamutpada est enseigné dans le but explicite d'enrayer la croyance
en l'atman. De quelle utilité peut bien être l'inconcevable prat~*asarnutpnda
"d'un moment" pour suggérer efficacement l'absence de substance? Ce
passage nous renseigne donc sur le fait indubitable que la momentanéité n'est
pas un enseignement essentiel du bouddhisme primitif.
Nous aIlons maintenant. dans Ia dernière section de ce travail.
interroser quelques testes de Vasubandhu Iè iij&avüd»t afin de faire
ressortir ses conceptions de l'impermanence. de la rnomrntanéité et de la
vérité ultime.
le nirvana ...
L'àbhidhurma. en pratiquant l'ontologie du dharma . a promulgué un
du Milieu: tout n'est pas totalement vide ni totalement non-vide." 169 Comme
dans le madhyamaka. la réalité ultime du vijZnavZda est "vide" d'esistence
moralité. enjoint en quelque sorte les étants a faire leur doctorat sans
Ihq MVB 1. 2
L a distinction nq.Ürrho n>tÏrrha esteaniculidre au bouddhisme: les Ecrirures sont soir n q u i r h
. "dont le sens doit Are 'estrait'".soit nirarrhu , "dont le sens est extrait."
'-' C.f.: Dhamntr>cukkupp~urrunuSurtu ($hii.zrrtu. ~ & k o iVu . 420 )
'? .
~~6rclhrnrrmocanuVII. 30
I-j Selon Williams (.\fuhcq.anaBrrddhrsnt . p.83 ), bien que le cirtamatra soit en son ensemble une
tradition complexe. la doctrine des trois "itres propres" fut adoptée par tous ses auteurs.
pertinente exposition dans le TSN. Les stances 2 et 3 nous donnent un
résumé de la doctrine:
Ce qui apparait est le paratantra ; "comment il apparait" est le parikalpira. relatif aux
conditions en verni de l'état de développement du premier. seu-lement construction [mentale]
en verni du deuxième. (2) Le constant "état-de-n'être-point-trouvé"du "comment il apparait"
dans ce qui apparaît [paratantra] peut être connu comme Ic parinispanna en raison de son
état de "non-aItérité,"[ 74 (3)
affirmer simplement que tout est :~nyz. c'est ignorer l'existence de nos
perceptions. reconnues chez lui comme un des trois aspects du réel: en
somme affirmer simplement que tout est &nya c'est nier le réel lui-même. Le
rnadhymniko omet de spécifier que "&nya " est aussi perception. son
Warinispanna).
L
deus raisons.
../J-
Premikrement on a vu que le vynanavzda reconnaît la réalité de
l'interdépendance: il y a "quelque chose" autre que la pensée. Cette rialité
n'est ni une substance. ni un noumène: bien que nous n'ayons accès qu'aux
phénomines mentaux. la reconnaissance même que tout est perception
(parinispanna) est I'intuition de la réaliti telle qu'elle est . c'est-a-dire
cachCe par les phinomènes. elle est révélée par ces derniers-
Deusikmement. l'idéalisme designe gCnéra1emrnt une doctrine réifiant
..-
une conception particulière de la "pensée": or le vr/nnnmÜda ne fait rien de
perceptions. que toute perception (même d'une "cause" ou d'un "effet") est
- -
-6VKV. ad. 1 Oc
17' Ana.. p. 1 77 note 13
Sanchchandn. Edirivira R.: Frum I.u~iibondhtrro knruruk+iru in 'llournal o f lndian
Philosophy ."
une détermination nécessairement limitée de la réalité. renvoyant à un "objet"
qui s'avère toujours impermanent, sans existence propre . il s'ensuit que
l'objet, strictement parlant. n'existe pas. donc le "sujet" en tant que
17VC.f.: MVB 1. 3
'Y%arachchandra: op. cit.. pp. 83-4.
1 8 ' V K V 1: vijfiaptimZramevedamasadkhavabh%anat
yadvat taimirik~isyasatkesofidrakàdidarsanam
montre déjà qu'il reconnaît leurs différences fondamentales. Seulement
Vasubandhu cherche à faire naître l'idée que la conscience dite "normale" de
veille. appréhendant les objets comme des entités permanentes. est en tout
point comparable au rêve dans lequel les "objets" sont perçus comme
existants réellement. Mais sans doute que Sarachchandra a omis de lire et de
méditer le passage suivant du VKV:
Les gens endormis ont leurs facultés concentrées sur des impressions d'apparences de
discriminations semblant diffërentes plus tard: aussi longtemps qu'ils ne sont pas éveillés ils
ne comprennent pas Pinexistence des objets des sens et de l'entendement qu'ils
expérimentaient: de la même façon s'ils s'éveillent par l'obtention d'une connaissance
supramondaine sans discrimination étant l'antidote de toutes discriminations, alors ils
- --
comprennent vraiment I1inexisten.ce des objets sensuels en obtenantsubsequemmenr une
connaissance mondaine claire. 8Z
remplissent pas leur "fonction propre". par exemple une automobile onirique
ne nous amène pas du point a au point 6. Vasubandhu rétorque: même dans
le rêve. les objets n'apparaissent pas n'importe où n'importe quand. car le
rêveur a bien l'impression que les objets apparaissent et disparaissent selon
un ordre établi: une hallucination peut ètre collective. comme par exemple
l'expérience de tortionnaires irréels en enfer vécue par tous ceux dont le
karma a déterminé la naissance en cet endroit (on pourrait même dire qu'une
1"'Çtat d'esprit" des hommes est la plupart du temps identique dans le riive et
dans la "réalité". ses arguments deviennent beaucoup plus convaincants: dans
le rêve comme à l'état de veille. nous sommes presque tous portés à croire
l'état de veille les objets en tant qu'entités doués d'existence propre sont de
hommes ne vaut pas vraiment mieux que la conscience confuse du rêve. Bref
considérant pas les indications contraires contenues dans le VKV et dans les
autres oeuvres de notre auteur. a soutenu comme beaucoup d'autres que le
inhérente n'est que perception? A cela Vasubandhu répond. dans le TK. que
la perception érronée des objets découle du potentiel kartnique contenu dans
la série mentale d'une "personne". Voici un esposé de cc: court mais très riche
teste.
Cvidente dans le MVB. qui s'adapte à la distance parcoume par le lecteur sur
le Sentier. Dans ce teste. Vasubandhu considère successivement diverses
Maitreyanatha. dans les trois svabhZva se trouvent en ordre: a) les objets des
pleinement realisés dans le parinispanna. Ce que veut dire ici notre auteur
de valeur. le voyage auquel Vasubandhu nous convie est plus enrichissant ...
On est presque certain de trouver. chez Vasubandhu. un enseignement qui
parviendra a nous toucher personnellement.
pas d'Ztman - aux deux questions le Buddha aurait répondu par le "noble
silence." On sait bien qu'il niait catégoriquement llÛ»nan . pourtant il n'a pas
répondu atknativement à la deuxième question de Vacchaeotta car d'après
lui ce dernier eût tombé dans l'extrême de l'annihilationnisme: il n'était
semble-t-il pas prêt a saisir la doctrine de la causalité en dépendance.
.
.. ) ou hypothèse concernant la nature du réel.
Toute l'vue"186 (drsri
sauf la "vue correcte" ( s a ~ g d r s t ide
b) la causalité en dépendance. constitue
B b
187.
Comme dans le TK. l'éveillé doit comprendre que toutes les catégories
qui lui ont été utiles ne sont pas des choses en soi - tout n'est que Perception-
seulement:
Tout cela, des visibles vus par les yeux aux objets de la connaissance mentale appréhendés
par le manas ne sont que noms. I9O
Ce qui est appréhendé par le manas et llàfqav(&na n'est que nom. et les
différents processus de la conscience ne sont qu'inférés ou mttaphoriques:
vraiment. Vasubandhu cherche à éviter tous les obstacles de l'abhiciharma.
Cependant en bodhisattva soucieux de la culture des bons dharma il n'est pas
/
I U ' D'ailleurs. l'autre nom usuel designanr le vij%navida est >o$cZra : les >ogàcàrins pratiquent
assidurnent le yoga . terme gincirique pour diverses formes de méditation.
IU2.4na.. p. 67
IV; Ana., p. 68
Le KSP est un texte scolastique et plutôt lourd: comme son nom
l'indique. il traite de l'action et cherche à prouver. contre les théories de
I'obhidharrna ou des sectes "hétérodoxes". que le karma est strictement
mental. Ce te-xte semble dirige contre une catégorie particulière de lecteurs -
on pourrait dire un peu péjorativement des "intellectuels." Le KSP nous fait
voir une autre faceae du prosélytisme pragmatique de Vasubandhu: comme
le Buddha. il aurait pu dire qu'il ne fait que s'adapter à la confusion qu'il
"décide" et celle qui "agite" : celle qui agite le corps constitue le karma
corporel (verbal et physique): celle qui "dicide" est le karma essentiel. 196
Le processus de la volition et de la causalit6 en dépendance en ce qui
..FJ-
concerne les étants s'explique bien sûr en fonction de lfÜ1ay~ynanapour le
lU4 .4igutrura .\-ikG*u III. 4 15: "J'affirmeque l'acte est ~olitioncar c'est en voulant qu'on accomplir
une action par le corps. la vois ou la pensis."
195 Sum~wtru.t'ik3w I I I . 138: "Ce n'est pas moi qui discute sec le monde: c'est le monde qui
discute avec moi. Ce qui est admis par le monde est également admis par moi: ce qui est rejet^ par
le monde est également rejeti par moi."
donc l'hypothèse commode d'un "substrat" non substantiel accompagnant les
sis consciences sensuelles: on ne pourrait autrement comprendre comment
une impression antérieure et momentanée "se perpétue" dans la conscience
- - -
J'espère que ce mémoire aura montré sufisamment que dans les textes
- représentatifs de toute son oeuvre - que nous avons examinés. Vasubandhu
ne fait pas d e la mornentanéité en soi une doctrine essentielle du bouddhisme.
Dans I'AKB comme dans ses oeuvres du mahày&a, il semble qu'il la
défende directement dans la seule intention de réhter les théories du karma
qu'il juge hétérodoxes. On peut aussi supposer qu'il a maintenu une forme
radicale de mornentanéité. particuiiérement dans I'AKB. dans le but de
conserver la valeur de l'enseignement des dharma sans en faire des choses en
soi. La momentanéité. doctrine philosophiquement problématique mais utile
sur le plan sotériologique. fut adoptée sans difficulté chez notre auteur en
dépit de son caractère indémontrable.
..4-
Les périodes saulràntika et vynanavüdin de Vasubandhu ne sont que
deus approches de l'enseignement de I'anütman: alors que Ifanalyse de
l'abhidharma s'attaque plus directement à l'aberration du pltdgala . le
Bibliographie
- DTgha Nikàya : traduit par Maurice Walshe ( T h s Have I Heard - The Long
Discoc~rsesof rhe Buddha ): London and Boston: Wisdom Publications.
1987.
--
- Haves. Richard P. : Nagarjuna's dppeal : Journal of Indian Philosophy Vol.
72 (1994): pp. 199-378.
-
C I
-Witt eenstein.Ludwig:
- Tracruria logico-p/iilosophiczu suivit de Invesfi-
galions philosophiques : traduit de l'allemand par Pierre Klossowski : Paris:
Gatlimard. 1961.
IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (QA-3)
m
g
11111~ L
!- III-=
APPLiED - IMAGE.lnc
--.-
--
=1653 East Main Street
---
-
--
--
Rochester, NY 14ôû9 USA
-- Phone: 716/482-0300
F a : 716/288-5989