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PÉRIPHÉRIE TAXINOMIE

Z.3.2.1 X.1.1

positive possible du monde occidental. Ainsi, s’il


n’y a plus de centre, il n’y aura bientôt plus de péri-
Neuchâtel et Yverdon : 5.
phéries ; car, à peine ont-elles émergé, que leurs ten- une Silicon Valley
dances à se connecter entre elles signifient déjà leur
désir de ne pas rester excentrées. au siècle des Lumières
Ce voyage, Jean-Michel Pancin l’a entrepris,
fig. C.27
cinq siècles après Christophe Colomb, dans une
redécouverte de ce qui pourrait être un nouveau
Manuela Canabal
monde… A Wendover, située en Utah, à la frontière et Enrico Natale
du Nevada, il fait 40° degrés le jour et –10° la nuit.
Plus d’une centaine d’essais nucléaires y ont été réa-
lisés depuis qu’Enolay Gay a décollé de la base
aérienne locale pour lancer la première attaque En Suisse, comme dans une grande partie de l’Europe,
fig. 5.1
nucléaire. La région n’est pas avare en paradoxes, une certaine élite connaît au xviiie siècle un véri-
fig. C.28
comme cette prolifération de débauche d’argent table engouement pour les sciences. Dans les maisons
fig. C.29
dans les casinos de Wendover et de spiritualité ana- des familles notables, les cabinets de curiosités se
fig. C.30
chronique. Ainsi des milliers de Mormons viennent multiplient tandis que les premiers dictionnaires à
fig. C.31
régulièrement y dépenser leurs économies dans les vocation universelle apparaissent dans les biblio-
fig. C.32
machines à sous. Ces machines qui d’ailleurs ne thèques. La région de Neuchâtel, hôte de l’édition
fig. C.33
font plus le bruit sonnant et trébuchant des coins 2009 du festival Eternal Tour, participe alors active-
fig. C.34
d’antan, mais avalent passivement les unités d’une ment à cet essor. Des sociétés typographiques nais-
fig. C.35
carte de crédit enfoncée dans leur ventre pour la sent à Neuchâtel et à Yverdon et se lancent dans
fig. C.36
journée entière. l’édition des premières encyclopédies. Des notables
fig. C.37
Tristes tropiques que cette aliénation au comme Charles-Daniel de Meuron (1738-1806)
fig. C.38
rien, par procuration d’une machine à rêves qui rassemblent de vastes collections d’histoire naturelle
fig. C.39
engloutit, au milieu du désert américain, des heures qu’ils lèguent ensuite à leur commune, rendant pos-
fig. C.40
de travail et les vies qui les ont effectuées. « La sible la naissance des premiers musées. De savants
fig. C.41
valeur économique d’une chose correspond à un amateurs locaux se livrent avec passion à la bota-
fig. C.42
temps de travail », nous dit Michel Foucault dans nique, à la zoologie, à la minéralogie, à l’oryctologie
son admirable analyse des richesses (Les mots et les et correspondent avec l’élite intellectuelle suisse. Le
choses). Or le temps de production dans le travail a xviiie siècle est célébré comme le seuil des sciences
inégalement évolué au regard de la quantité et de la naturelles modernes. C’est à l’époque que s’établis-
qualité générées. On produit mieux et beaucoup sent les protocoles nécessaires à la constitution
plus aujourd’hui pour un temps de travail égal. Et d’un savoir formellement scientifique, qu’appa-
pour un salaire à peu près toujours équivalent, en raissent les premiers catalogues systématiques de
« pouvoir d’achat » j’entends, on produit beaucoup phénomènes animés et inanimés, que se cristallisent
plus de richesses. Pour qui ? Et surtout, pourquoi ? dans le langage les questions liées à la nomencla-
Il semble donc que la valeur d’une chose ait ture. Les rives du lac de Neuchâtel sont alors à cet
considérablement évolué, mais pas celle du travail égard une sorte de Silicon Valley.
fourni par l’homme. La machine à sous s’est consi- La mise en forme d’un savoir collaboratif et
dérablement perfectionnée dans sa rentabilité, mais à tendance systématique qui émerge à l’époque nous
pas la condition humaine, qui, au contraire toujours renvoie aux questions très actuelles de progrès des
plus aliénée à des valeurs d’existence factices, se con- sciences et de ses limites. Pour explorer ce contexte,
sole par le biais de la consommation. Je consomme nous prendrons quelques exemples allant de la pra-
donc je suis. C’est peut-être l’inverse que les péri- tique de la botanique et des façons d’herboriser au
phéries ont entrepris de vivre. xviiie siècle en Suisse à l’histoire de l’Encyclopédie
d’Yverdon dont le maître d’œuvre, le dottore Barto-
lomeo de Felice (1723-1789), a été reçu bourgeois de
Neuchâtel, en passant par la question de la taxino-
mie et son impact dans le partage du savoir.

quarante-trois
TAXINOMIE TAXINOMIE
X.1.1 X.1.1

I . ONTOLOGIE DE L ’ HERBIER plantes, formant un corpus a priori homogène, se


prêtent bien à cette « passion classificatoire »8 propre
Le Creux-du-Van revêt un intérêt exceptionnel pour au siècle des Lumières. L’étude systématique du
les amateurs de sciences naturelles. Les caractéris- monde végétal fait déjà l’objet d’une émulation à
tiques géologiques et écologiques du lieu – un cirque l’échelle européenne, qui se traduit par une intense
rocheux à 1200 mètres d’altitude dans lequel sub- circulation d’échantillons, de livres et de références
siste une végétation alpine, vestige vivant d’une bibliographiques parmi les pionniers des sciences
précédente ère glaciaire – en font une destination naturelles.
privilégiée des naturalistes depuis le xviiie siècle. A l’époque, les collections de nos savants
C’est dans ce cadre que nous trouvons réunis réunis au Creux-du-Van ne sont pas uniquement
par une belle matinée de juin 1739 Abraham Gagnebin composées de plantes. Malgré la spécialisation en
(1707-1800)1, Jean-Antoine d’Ivernois (1703-1765)2 et cours dans la seconde moitié du siècle, la pratique
Frédéric Salomon Scholl (1708-1771)3, venus prêter des herbiers dans la région est à replacer dans le
main forte à Albrecht von Haller (1708-1777)4 à l’oc- cadre plus large des cabinets d’histoire naturelle.
casion du premier recensement systématique de la Deux collections privées illustrent ce contexte :
flore de Suisse. L’expédition a pour objectif de col- celle d’Abraham Gagnebin, chirurgien passionné de
lecter des spécimens de plantes, rares ou encore sciences, qui possédait un cabinet d’histoire natu-
inconnues, pour enrichir l’herbier de référence qui relle si riche et varié qu’il attirait des visiteurs de toute
doit servir de fondement à l’ouvrage. Leurs recherches, l’Europe ; et celle du général Charles-Daniel de Meuron,
vivifiées par le patronage du savant bernois, vont se offerte en 1795 à la commune bourgeoise de Neuchâ-
poursuivre après la rencontre, laissant les marques tel, dont les pièces sont à l’origine du Muséum d’his-
de cette expédition botanique dans les annales5. toire naturelle, du Musée d’ethnographie et du Musée
A trente et un ans, Albrecht von Haller jouit d’art et d’histoire de Neuchâtel.
déjà d’une solide renommée dans les sciences. Après Abraham et Daniel Gagnebin, maîtres du
avoir ouvert le premier théâtre anatomique de domaine de La Ferrière dans le Vallon de Saint-Imier,
Berne, il enseigne à l’Université de Göttingen, où il étudient avec passion, outre leur activité de médecins,
a fondé le Jardin botanique. Les trois autres forment l’un les plantes, les pierres, les fossiles et le climat ;
un petit comité de médecins passionnés de bota- l’autre la physique, la mécanique et l’électricité.
nique dont les investigations s’étendent au Jura Leur cabinet d’histoire naturelle attire des amateurs
neuchâtelois et à une partie du Jura bernois. Ils four- qui, contre quelques pièces, sont logés à l’auberge et
niront nombre de renseignements consignés dans guidés dans leurs expéditions botaniques sur les cimes
les ouvrages de von Haller tout en contribuant au du Jura. La végétation pseudo-alpine de la région sus-
dynamisme des sciences naturelles dans la région6. cite par sa rareté l’intérêt des savants et constitue
par conséquent le « fonds de commerce » botanique
de Gagnebin. Ce dernier récolte et conditionne des
LES PLANTES : UN OBJET DE COLLECTION ? spécimens de plantes qu’il envoie par caisses entières,
souvent contre rémunération, à ses correspondants.
Dans le courant du xviiie siècle, les collections De son cabinet, Abraham Gagnebin écrit dans
spécialisées – de plantes séchées, dans une moindre sa correspondance qu’il « contient des minéraux,
mesure de minéraux et d’objets manufacturés – pétrifications, médailles antiques et modernes, pois-
occupent une place privilégiée dans les cabinets sons marins et passé 180 oiseaux embaumés, auto-
d’histoire naturelle, reléguant les cabinets de curio- mates, coquillages, crustacés, plantes marines et
sités à de vains étalages. Plusieurs facteurs contri- insectes »9. Cette hétérogénéité est caractéristique
buent à ce succès. Les conditions matérielles en des cabinets de l’époque, partagés entre un esprit de
premier lieu : les plantes sont faciles à transporter collection à la recherche de nouveautés et de pièces
et, pourvu qu’elles soient bien conditionnées, se rares, et un esprit systématique occupé à « comparer
conservent très longtemps. D’autre part, la bota- les divers caractères, marquer les rapports et les dif-
nique, encore étroitement liée à la médecine, revêt férences pour observer l’organisation végétale de
un intérêt évident pour la recherche de nouveaux manière à suivre la marche et le jeu des machines
remèdes et commence à être pratiquée dans les uni- vivantes, et chercher quelquefois avec succès leurs
versités au xviiie siècle7. Plus généralement, les lois générales »10. La collection des Gagnebin devait

quarante-quatre
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se présenter aux visiteurs sous la forme d’un foison- loppée aux xvie et xviie siècles à la faveur des grandes
nant bric-à-brac, dont le principe d’organisation tout explorations et de l’essor d’un commerce transocéa-
personnel pouvait au premier abord sembler peu nique15. L’afflux d’objets venus d’autres continents
propice à l’étude de la nature, comme en témoigne va affiner les techniques de description et de classe-
le journal de Jean-Rodolphe Sinner (1730-1787) : ment, qui vont peu à peu constituer les bases d’un
savoir à ambition « universelle ».
« M. Gagnebin s’est borné à ramasser une collection L’engouement dont les sciences naturelles
de plantes et de minéraux dont il a rempli sa maison font l’objet est tributaire de l’expansion européenne,
jusqu’au grenier, et s’est allé loger avec son gendre même parmi les botanistes occupés principalement
dans une maison voisine, qui sert d’auberge ou d’hos- de flore locale. Jean-Jacques Rousseau (1712-1778)
pice aux voyageurs. (…) On est étonné de voir un amas témoigne de ce sentiment lié à la découverte d’un
informe de curiosités étrangères aux règnes minéral et monde nouveau, celui du vivant végétal : « Je me
végétal, des animaux empaillés, des têtes de morts comparais à ces grands voyageurs qui découvrent une
coiffées en différents costumes et d’autres objets île déserte, et je me disais avec complaisance : sans
plus propres à amuser les enfants ou à épouvanter doute je suis le premier mortel qui ait pénétré jusqu’ici;
les femmes enceintes qu’à instruire les curieux. »11 je me regardais presque comme un autre Colomb. »16
Les savants adapteront ensuite les méthodes
Charles-Daniel de Meuron12 (1738-1806), originaire d’enquête et de classement à leur environnement
de Saint-Sulpice et fils d’un capitaine de milice du local, opérant peu à peu une distinction entre le glo-
Val-de-Travers, est avant tout un officier du service bal et le régional qui participe à la construction
étranger. Successivement au service du roi de d’une identité territoriale, prémices d’une identité
France, de la Compagnie hollandaise des Indes et de nationale à venir. Le récit de voyage dans les régions
la Couronne britannique, il accumule lors de ses alpines de Suisse du Zurichois Johann Jakob Scheu-
expéditions militaires une collection de plusieurs chzer17 (1672-1733), qui passe pour l’une des pre-
milliers d’objets qu’il lèguera ensuite à la Ville de mières histoires naturelles liées à un territoire et un
Neuchâtel. On trouve dans la collection de Meuron modèle pour ce genre de littérature en Europe18,
des plantes, des animaux empaillés, des coquillages, commence par ces mots :
des pierres précieuses et des fossiles, ainsi qu’une
vaste gamme d’objets manufacturés « ethnogra- « Habent Itinera quaevis !"#$%&'%()*, ea inprimis,
phiques » comme des médailles, des lunettes, des quae ad Indos & Garamantas fiunt : sumus plerique
statues, des objets de culte. Les provenances des ita comparati, ut peregrina & admiremur & venere-
objets sont tout aussi hétéroclites puisqu’ils vien- mur, & ea, quae in quotidiano nostro sunt conspectu,
nent d’Afrique, d’Inde, de Ceylan, du Canada, de negligamus. » [Nous possédons surtout des histoires
Chine, de Sibérie ou des Seychelles13. naturelles qui portent sur les Indes et l’Afrique :
ainsi, la plupart d’entre nous admirent et adorent
les choses étrangères, et négligent celles qui sont
INSIDE OUT sous nos yeux dans notre quotidien.]19

Ces collectes d’objets liées à la conquête commer- L’origine des sciences naturelles doit aussi se lire
ciale et militaire de territoires extra-européens ne comme un mouvement centripète qui se développe
sont pas des effets marginaux de la pratique des her- à l’extérieur avant d’être adopté comme technologie
biers, mais au contraire l’une de ses origines. La du savoir par le centre20.
culture matérielle relie déjà au xviiie siècle la princi-
pauté de Neuchâtel aux empires des puissances
européennes. Les activités financières, militaires et EXPÉDITION SCIENTIFIQUE OU « PIQUE-NIQUE » ?
scientifiques dans lesquelles s’illustrent certaines
familles neuchâteloises en sont les principaux Malgré la rigueur « scientifique » avec laquelle certains
canaux de circulation14. Si la pratique de l’histoire naturalistes s’adonnent à leur passion, la botanique
naturelle trouve son origine à la Renaissance, avec est un passe-temps très prisé de la bonne société.
l’intérêt à reconnaître les plantes décrites par les On apprécie de se retrouver en plaisante compagnie,
auteurs antiques, elle s’est ensuite largement déve- loin de son environnement habituel, dans des lieux

quarante-cinq
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X.1.1 X.1.1

pittoresques et sauvages. On aime l’excitation liée à COMMENT FAIRE UN HERBIER ?


la recherche du spécimen rare qui viendra enrichir
son herbier. Enfin, on goûte l’oisiveté et le vagabon- Constituer un bon herbier requiert une série d’opé-
dage de ces expéditions botaniques. Rousseau, qui rations techniques et d’analyses systématiques.
passera lui-même deux semaines comme hôte chez Selon les indications fournies par Rousseau dans ses
Gagnebin en juin 1765, écrit dans les semaines qui Lettres élémentaires sur la botanique23, pour bien
précèdent à son ami DuPeyrou : reconnaître une plante, il faut commencer par la
voir sur pied. L’échantillon doit être choisi de sorte
« [Je] pars, mon cher hôte, pour La Ferrière où je qu’il contienne toutes les parties constitutives du
vous attendrai avec le plus grand empressement genre et de l’espèce, c’est-à-dire que la plante soit en
mais sans m’impatienter. (…) Je vous recommande fleur et, si possible, qu’elle porte des fruits car « une
de ne pas oublier parmi nos provisions, café, sucre, plante n’est pas plus sûrement reconnaissable à son
caffetière, briquet, et tout l’attirail pour faire quand feuillage qu’un homme à son habit ». Il faut ensuite
on veut du café dans les bois. Prenez Linaeus et la préparer à être conservée. On dessèche la plante
Sauvages, quelque livre amusant, et quelque jeu en la pressant entre des feuilles de papier, en pre-
pour s’amuser à plusieurs, si l’on est arrêté dans une nant soin de le changer régulièrement pour éviter
maison par le mauvais temps. »21 que l’humidité ne fasse pourrir le végétal. Une fois
séchée, on fixe la plante sur la planche d’herbier
La présence du café et du sucre dans l’équipement avec de la gomme arabique ou en pratiquant des
du botaniste est à relever. Ces deux matières pre- entailles dans le papier. Commence alors la phase
mières proviennent en effet des colonies, où elles de l’identification et du classement. La première
sont alors intensivement cultivées pour être ensuite étape consiste à décrire minutieusement ses carac-
importées en Europe, et participent à un processus téristiques, puis à la comparer aux différentes
croissant d’« exotisation » de la nature. Dans les espèces connues. L’étape suivante consiste à lui
Rêveries d’un promeneur solitaire, le même détaille attribuer un nom, ou plutôt la somme des noms
plus avant les plaisirs de la botanique : avec lesquels elle a été décrite par d’autres natura-
listes24. Enfin, il faut la classer parmi les autres
« C’est la chaîne des idées accessoires qui m’attache plantes de l’herbier, c’est-à-dire lui attribuer une
à la botanique. Les prés, les eaux, les bois, la soli- place dans un système de représentation du monde
tude, la paix surtout et le repos qu’on trouve au végétal. Comme l’écrit Jacques Derrida, la consigna-
milieu de tout cela sont retracés par elle incessam- tion des signes (plantes) en un lieu (l’herbier) tend à
ment à ma mémoire. Elle me fait oublier les persé- coordonner un seul corpus dans lequel tous les élé-
cutions des hommes, leur haine, leur mépris, leurs ments articulent l’unité d’une configuration
outrages (…). Elle me transporte dans des habita- idéale25. Ce n’est qu’au terme de ces opérations, répé-
tions paisibles au milieu de gens simples et bons tées pour chaque échantillon, que l’herbier devient
(…). Elle me rappelle et mon jeune âge et mes inno- un outil de connaissance. Une série d’opérations
cents plaisirs, elle m’en fait jouir derechef, et me systématiques permet de produire un type de
rend heureux bien souvent encore (…). »22 connaissance. L’herbier est une technologie du savoir
qui fonctionne comme une archive de la nature.
Au travers de la pratique de la botanique comme
passe-temps, la nature commence à être investie par
l’élite d’une série de valeurs culturelles et sociales. L ’ HERBIER COMME ARCHIVE
Beauté, sérénité, innocence, paix, mais aussi rêve-
rie, émerveillement, introspection et réflexion phi- Dans la pratique des herbiers, l’importance du spé-
losophique sont autant de valeurs dont la nature cimen de référence, de la preuve, en un mot de l’ar-
devient le théâtre privilégié. Cela contribue à trans- chive, est omniprésente. Elément révélateur de cet
former l’environnement naturel en espace propice à état d’esprit, il est rare de trouver dans les herbiers
l’oisiveté, en somme en lieu de pique-nique. Une de l’époque la mention du lieu ou de la date de
génération plus tard, l’essor du tourisme alpin vien- récolte de la plante. Posséder la plante et lui attri-
dra confirmer cette tendance. buer une place - et un nom - dans un système de
classement, voilà ce qui semble être la priorité des

quarante-six
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X.1.1 X.1.1

botanistes d’alors. L’herbier peut donc se lire comme Buffon (1707-1788) – et plus connu sous ce seul nom –,
une archive qui contient en même temps qu’il au Suédois Carl von Linné (1707-1778).
détermine l’identité du vivant végétal au sein de La taxinomie est en effet la science des lois et
notre culture. Les opérations de préparation aux- des principes de la classification des organismes
quelles est soumise la plante, entre le moment où vivants. Mais sur quel(s) critère(s) se baser pour défi-
on la coupe et celui où on lui donne un nom, déter- nir que telle plante est proche de telle autre, que tel
minent la structure de l’herbier et, partant, du animal a des caractères communs avec tel autre ?
savoir qu’il produit. En suivant Derrida, on peut Cette division des êtres, leur classification, est indis-
affirmer que l’herbier possède les deux principes sociable d’une forme d’arbitraire : ce sont les critères
constitutifs de toute archive, un principe ontologique, retenus par chaque savant qui détermineront la
de commencement, et un principe nomologique, de place d’un individu dans le tableau qui s’établit
commandement. L’archive-herbier, comme toute ainsi. Et Buffon prend un malin plaisir à le souligner :
archive, est à la fois institutrice et conservatrice. Elle
enregistre en divers procédés des signes de la nature « Cette prétention qu’ont les botanistes d’établir des
et produit un savoir humainement constitué. systèmes généraux, parfaits et méthodiques, est
Ainsi les lourds herbiers et la taxinomie, ins- donc peu fondée : aussi leurs travaux n’ont pu abou-
truments fondamentaux qui ont permis l’essor des tir qu’à nous donner des méthodes défectueuses,
sciences naturelles modernes, continuent de renfer- lesquelles ont été successivement détruites les unes
mer aujourd’hui encore les potentialités mêmes de par les autres, et ont subi le sort commun à tous les
notre savoir. systèmes fondés sur des principes arbitraires ; et ce
qui a le plus contribué à renverser les unes de ces
méthodes par les autres, c’est la liberté que les bota-
II . TAXINOMIE ET ENCYCLOPÉDISME : nistes se sont donnée de choisir arbitrairement une
L ’ ESSOR DES PROCESSUS DE CLASSIFICATION 26 seule partie dans les plantes pour en faire le carac-
tère spécifique. Les uns ont établi la méthode sur la
« Je distingue deux moyens de cultiver les sciences : figure des feuilles, les autres sur leur position,
l’un d’augmenter la masse des connoissances par d’autres sur la forme des fleurs, d’autres sur le
des découvertes ; & c’est ainsi qu’on mérite le nom nombre de leurs pétales, d’autres enfin sur le
d’inventeur : l’autre de rapprocher les découvertes & nombre des étamines. »29
de les ordonner entre elles, afin que plus d’hommes
soient éclairés, & que chacun participe, selon sa A ces taxinomies artificielles, Buffon oppose les
portée, à la lumière de son siècle (…). »27 « lois de la nature »30. Comment peut-on envisager,
dit-il, « de réduire la nature à de petits systèmes qui
lui sont étrangers, et de ses ouvrages immenses en
LA TAXINOMIE former arbitrairement autant d’assemblages déta-
OU L ’ ART DE CLASSER LA NATURE chés »31 ? Outre la rigidité de la méthode, Buffon
reproche également à Linné des rapprochements fan-
Au xviiie siècle, les sciences naturelles connaissent taisistes parmi les espèces qui sèment la confusion :
un développement conséquent dû notamment à
l’engouement qui pousse l’élite à s’y adonner de « Ensuite, en examinant les dernières divisions des
façon plus ou moins éclairée. De cette profusion de animaux en espèces particulières, on trouve que le
savants, qui groupent les êtres vivants et procèdent loup-cervier n’est qu’une espèce de chat, le renard et
à des expériences, découle une pléthore de nouvelles le loup une espèce de chien, la civette une espèce de
espèces à classer et à nommer. Les militaires contri- blaireau, le cochon-d’Inde une espèce de lièvre, le
buent également à ce développement par les spéci- rat d’eau une espèce de castor, le rhinocéros une
mens qu’ils rapportent de leurs expéditions dans des espèce d’éléphant, l’âne une espèce de cheval, etc. ;
contrées parfois très éloignées de chez eux28. et tout cela parce qu’il y a quelques petits rapports
Ce besoin accru de classer et de systématiser entre le nombre des mamelles et des dents des ani-
va de fait stimuler la réflexion de certains et aboutir maux, ou quelque ressemblance légère dans la
à des querelles. La plus fameuse demeure celle qui a forme de leurs cornes. (…) Ne seroit-il pas plus
opposé le Français Georges-Louis Leclerc, comte de simple, plus naturel, et plus vrai, de dire qu’un âne

quarante-sept
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X.1.1 X.1.1

est un âne, et un chat un chat, que de vouloir, sans liste de la physique de Newton, mais sa destinée va
savoir pourquoi, qu’un âne soit un cheval, et un prendre une tournure radicale lorsqu’il tombe amou-
chat un loup-cervier ? »32 reux de la comtesse Panzutti, femme cloîtrée dans
un couvent par son époux38. Il la libère et s’enfuit
Lui-même adopte une autre logique : avec elle, avant d’être rattrapé et contraint de rentrer.
Traqué par la famille et les autorités, il part pour la
« Ne vaut-il pas mieux ranger, non seulement dans Suisse en 1757 sous le pseudonyme de Matteo Ughi
un traité d’histoire naturelle, mais même dans un et s’installe dans un premier temps à Berne, où il gagne
tableau et partout ailleurs les objets dans l’ordre et la considération des savants. Il abjure le catholicisme
la position où ils se trouvent ordinairement, que de l’année suivante pour se convertir à la religion réfor-
les forcer à se trouver ensemble en vertu d’une sup- mée et est reçu bourgeois à Thielle (Neuchâtel) en
position ? Ne vaut-il pas mieux faire suivre le che- 176039. Il se verra confier les presses d’Yverdon où il
val, qui est solipède, par le chien, qui est fissipède, éditera son encyclopédie, tout en continuant toute sa
et qui a coutume de le suivre en effet, que par un vie à regarder vers l’Italie le cœur brisé40.
zèbre qui nous est peu connu, et qui n’a peut-être
d’autre rapport avec le cheval que d’être solipède ? »33
LA SCIENCE : ENTRE QUERELLES
On le voit, la question de la taxinomie est complexe ET COLLABORATIONS
et elle a opposé les savants pendant longtemps34.
Cette division a trouvé des échos jusqu’en Suisse Comment mener à bien une entreprise vouée à réu-
puisque les deux factions comptaient des partisans nir tout le savoir accumulé par l’être humain au fil
dans le pays. Ainsi, Albrecht von Haller s’opposait du temps ? Une partie du contenu de l’Encyclopédie
au système linnéen alors qu’Abraham Gagnebin, avec d’Yverdon provient de reprises de celle de Paris,
lequel il correspondait, l’a utilisé dans ses collections35. ce qui était une pratique courante à cette époque.
Elle est toutefois bien plus qu’une simple réimpres-
sion et contient nombre d’articles inédits rédigés
L ’ ENCYCLOPÉDISME par des spécialistes dans chaque domaine. L’ency-
OU L ’ ART DE CLASSER LA CONNAISSANCE clopédie est en effet un ouvrage collectif. Ainsi,
l’Encyclopédie, ou Dictionnaire universel raisonné
La multiplication des connaissances, liée notamment des connoissances humaines41 compte des savants
à l’essor des sciences, a également induit le dévelop- renommés parmi ses contributeurs, à l’instar des
pement d’un système de classement du savoir. C’est Suisses Leonhard Euler (1707-1783) ou Albrecht von
ainsi que les Lumières ont vu fleurir des diction- Haller, de l’astronome et académicien français
naires dits « universels », qualificatif qui leur vient Joseph-Jérôme de Lalande (1732-1807), de Johann
de leur ambitieuse vocation : répertorier l’ensemble Heinrich Samuel Formey (1711-1797), secrétaire per-
des connaissances humaines. Les encyclopédies s’in- pétuel de l’Académie de Berlin, etc.42 Charles Bonnet
sèrent bien entendu dans ce mouvement puisqu’elles (1720-1793), l’une des figures de proue de l’école
poursuivent un but identique36. D’Alembert l’écrit naturaliste genevoise, a par contre refusé son concours
dans le Discours préliminaire publié en tête de l’En- à l’ouvrage de Felice43. Pourquoi ce refus ? Au vu de
cyclopédie lorsqu’il souligne qu’un tel ouvrage ce qui précède, ce n’est certainement pas pour des
« doit exposer autant qu’il est possible, l’ordre et raisons religieuses que Bonnet a renoncé à collaborer
l’enchaînement des connaissances humaines »37. à l’Encyclopédie d’Yverdon, pourtant réputée protes-
L’Encyclopédie, éditée avec Diderot, est bien tante en opposition à l’encyclopédie des philosophes
sûr la plus célèbre, bien que l’une d’entre elles ait vu parisiens. En réalité, il semblerait que de Felice ait
le jour dans la région jurassienne. Connue sous le violemment critiqué Bonnet, qui n’a pas apprécié ces
nom d’Encyclopédie d’Yverdon, on la doit au très remarques. La correspondance que celui-ci entre-
entreprenant et truculent dottore Fortunato Barto- tient avec von Haller en fait état à plusieurs reprises :
lomeo de Felice qui éditera seul, en moins de dix ans,
une encyclopédie complète capable de concurrencer « Avés vous jetté un coup d’Oeil sur l’Extrait que
celle de Diderot et D’Alembert. Son parcours com- Mr Félici vient de donner de mon Analyse de l’Ame
mence à Naples, où il est un brillant savant spécia- dans son Journal Latin qui s’imprime a Berne ?

quarante-huit
TAXINOMIE TAXINOMIE
X.1.1 X.1.1

Qu’avés vous pensé des ironnies et des sarcasmes tat, qui demeure dans un cloaque du pays de Vaud »50
qu’il y a semés contre moi, qui n’ai jamais mérité de – change d’avis après la parution du premier volume :
personne un pareil traitement ( ?) Si l’indignation « Pour moi, je sais bien que j’achèterai l’édition
que vous en aurés conçu, vous portoit a lui en dire d’Yverdon et non l’autre. »51 Quant au dottore, il
un mot, veuillés, je vous en conjure, l’assurer que je avait déjà arrêté son opinion sur les intellectuels de
lui pardonne de bon cœur ses railleries ameres, et son siècle : « Tout tolérant que je suis, je n’aurais pas
que si j’etois appellé a lui être utile, il éprouveroit manqué de brûler Voltaire depuis longtemps et d’en-
surement que je sçais oublier les Injures. »44 fermer dans une maison de foux Rousseau. »52

Malgré ses affirmations, Bonnet a la rancune tenace.


En 1770, huit ans après s’être exprimé de la sorte, il CONCLUSION
écrit encore à von Haller que « l’infatigable Félice a
bien plus de Zèle que de talens & de lumières »45. Il L’âge de la Critique53, selon l’expression de Fou-
est vrai qu’entre-temps le dottore l’a publiquement cault, dérive bien souvent vers la basse polémique.
annoncé comme contributeur de son encyclopédie Dans le domaine de la taxinomie comme dans celui
alors que Bonnet avait décliné son offre46. Lorsque des encyclopédies, rares sont les coups qui ont été
paraissent les premiers volumes de l’ouvrage, le retenus. Ce rapport passionnel et conflictuel à
Genevois est pourtant agréablement surpris : l’égard du savoir, caractéristique de l’époque, s’ex-
plique notamment par « l’attitude de modernité »54
« Je viens de lire 25 Articles de divers Genres de des acteurs du débat, c’est-à-dire l’ambition assu-
l’Encyclopédie d’Yverdun. Si je juge par ces Articles mée d’élaborer des nouveaux outils de pensée et
de la façon du Travail, je la préfèrerai à celle de d’action pour substituer les tenants traditionnels de
Paris. (…) Je rends avec plaisir aux Encyclopédistes la vérité. Le savoir s’émancipe et se fonde en auto-
d’Yverdun la justice qu’ils méritent : ils ont puisé rité téléologique pressée de faire oublier ses origines
dans de meilleures Sources que leurs Dévanciers, et profanes. Une attitude engagée donc, qui se reflète
ils ont été bien plus sages. »47 dans les nouvelles techniques d’organisation du savoir
et plus généralement dans le rapport à l’archive.
Cela ne l’empêche pas de constater un certain D’où l’essor de la taxinomie et des dictionnaires
nombre d’irrégularités – qu’on qualifierait de nos universalistes qui permettent d’ancrer dans le lan-
jours de plagiat – et de les signaler à von Haller : gage les savoirs nouvellement constitués, de leur
attribuer une place dans un système général et de
« Par éxemple, je lisois avant hier l’Article Adhé- les archiver de sorte à en assurer la permanence.
rence : […] dévineriés-vous que cet article, signé D.F. ; L’herbier est à la fois une sorte de dictionnaire
c’est à dire de Félice, est Muschenbroeck tout pur ? personnel et la carte d’une région donnée. Diction-
c’est donc Muschenbroeck qui a fait l’Article. J’ai naire car il permet d’identifier et connaître chaque
fait de la même manière les Articles Accroissement plante ; carte puisqu’il reflète la flore d’une certaine
& Accouplement ; car ils sont transcrits pareillement zone géographique. Ainsi, l’Enumeratio methodica
de mes Ecrits. Il me semble que l’Encyclopédiste auroit stirpium Helvetiae indigenarum de von Haller
pu faire au moins les fraix de la concentration, en informe sur la flore suisse et ses propriétés tout
donnant dans son propre style le Précis bien fait de comme elle matérialise un territoire au travers de sa
l’Auteur ou des Auteurs qu’il consultoit. Mais ; pour diversité florale. Herbiers et encyclopédies portent
composer dans ce goût, il falloit du temps et de la en eux la promesse fondatrice de posséder le savoir,
peine ; et l’on vouloit gagner sur le premier et dimi- l’un du monde végétal, l’autre de l’ensemble des
nuer l’autre le plus qu’il se pouvoit. »48 connoissances humaines, le tout à disposition d’une
élite cultivée. Aujourd’hui, c’est une autre encyclo-
Malgré ces critiques, Bonnet convient qu’il s’agit pédie, digitale cette fois-ci, qui est l’exemple le plus
d’une bonne encyclopédie, à réserver à un public emblématique des promesses des nouvelles techno-
d’amateurs, les savants préférant à son avis « puiser logies d’organisation et de partage du savoir. Et c’est
dans les Sources »49. Voltaire également, dans un d’ailleurs un historien de l’Encyclopédie, Robert
premier temps méprisant à l’égard de Bartolomeo de Darnton, qui a été l’un des premiers à explorer dans
Felice – « un polisson plus imposteur encore qu’apos- son domaine les possibilités offertes par Internet55.

quarante-neuf
TAXINOMIE TAXINOMIE
X.1.1 X.1.1

Mais, si la botanique suscite alors au xviiie siècle un Notes 7


tel engouement, y compris en dehors des cercles Von Haller, lors de son séjour à
1 l’Université de Göttingen comme
savants, c’est parce que l’Europe entre alors dans un Abraham Gagnebin est l’auteur professeur d’anatomie et de chirur-
nouveau rapport esthétique à la nature qui devient d’un catalogue des plantes de gie, créera au sein de celle-ci un
l’évêché de Bâle, aujourd’hui perdu. jardin et une chaire de botanique.
une finalité en soi. Albrecht von Haller est l’un des Il entretiendra dès sa rencontre
instigateurs de ce mouvement ; outre un savant avec Albrecht von Haller en ce jour
de 1739 une abondante corres- 8
réputé, le Bernois est également poète et contribue à pondance scientifique. JACQUAT, KAEHR, Roland, et SIERRO,
la construction de l’image romantique des mon- Marcel S., « Abraham Gagnebin », Valérie, « Le passé recomposé :
tagnes suisses. Et l’exaltation de ceux qui, de plus dans Dictionnaire historique du Cabinet de curiosité à l’annexe
de la Suisse (DHS), du Musée de peinture », dans
en plus nombreux, aiment se promener à la cam- url : http://www.hls-dhs-dss.ch/, Cent ans d’ethnographie sur la
pagne ou à la montagne et admirer les splendeurs version du 19 juin 2007. colline de Saint-Nicolas 1904-
2004, Neuchâtel, 2005, p. 22.
de la Création laissent souvent transparaître, 2
à l’instar de Rousseau, un rapport à la nature teinté Originaire de Môtiers, 9
le Dr D’Ivernois est l’auteur d’un Lettre du 15 décembre 1741 dans
de misanthropie. catalogue des plantes du Jura DE BEER, Gavin, et GAGNEBIN,
neuchâtelois repris par von Haller Bernard (éd.), « Abraham Gagnebin
dans son ouvrage sur la flore de de La Ferrière d’après sa corres-
Suisse. Il sera en outre le premier pondance », Bulletin de la société
maître en botanique de neuchâteloise des sciences
Jean-Jacques Rousseau lors de son naturelles, vol. 80, Neuchâtel,
séjour à Môtiers. MARTI- 1957, p. 71.
WEISSENBACH, Karin, DHS,
version du 4 décembre 2008. 10
ROUSSEAU, Jean-Jacques, « Rêve-
3 ries d’un promeneur solitaire.
BOURQUIN, Werner, et Markus, Promenade VII », dans Collection
Biel : Stadtgeschichtliches complète des œuvres de J.J.
Lexikon, Biel, 1999. Rousseau, tome 10, Genève,
1782, p. 474.
4
Albrecht von Haller est l’auteur 11
de Enumeratio methodica stirpium SINNER, Jean-Rodolphe,
Helvetiae indigenarum – parue Voyage historique et littéraire
en 1742 – et de Historia stirpium dans la Suisse occidentale,
indigenarum Helvetiae inchoata Neuchâtel, 1781.
en trois volumes, parue en 1768.
Pour réaliser son ouvrage, il s’en- 12
toure d’un réseau de collaborateurs Sur Charles-Daniel de Meuron,
qui quadrillent minutieusement voir KAEHR, Roland, Le mûrier
le territoire suisse et lui envoient et l’épée : le cabinet de Charles-
les spécimens qu’ils récoltent. Daniel de Meuron et l’origine
Chirurgien et écrivain, il est l’un du Musée d’ethnographie à Neu-
des grands savants de son époque, châtel, Neuchâtel, 2000, et idem,
dont les domaines de compétence « Charles-Daniel de Meuron,
dépassent la botanique. Membre militaire (1738-1806) », dans Bio-
de plusieurs grandes Académies graphies neuchâteloises, tome 1,
européennes, il est au centre d’un Hauterive, 1996.
réseau de correspondants allant
de Cadix à Moscou. 13
BOSCHUNG, Urs, « Albert von KAEHR, Roland 2000, op. cit.
Haller », dans Dictionnaire histo- (note 12), pp. 39-55.
rique de la Suisse (DHS),
url : http://www.hls-dhs-dss.ch/, 14
version du 20 octobre 2008. DAVID, Thomas, ETEMAD,
Bouda, et SCHAUFELBUEHL,
5 Janick Marina (éd.), La Suisse
THURMANN, Jules, Abraham et l’esclavage des Noirs, Lausanne,
Gagnebin de La Ferrière, 2005.
Porrentruy, 1851, p. 16.
15
6 LONG, Pamela O., « Plants and
Ibid., p. 38. Animal in History : The Study of
Nature in Renaissance and Early
Modern Europe », Historical
Studies in the Natural Sciences,
Vol. 38, Berkeley, 2008,
pp. 313-323.

cinquante
TAXINOMIE TAXINOMIE
X.1.1 X.1.1

16 26 35 44
ROUSSEAU, Jean-Jacques, « Rêve- Sur le tournant linguistique JACQUAT, Marcel S., « Abraham BONNET, Charles, et HALLER,
ries d’un promeneur solitaire. comme catalyseur des systèmes Gagnebin », dans Dictionnaire Albrecht von, The Correspon-
Promenade VII », dans op. cit. de classification du langage et historique de la Suisse (DHS), dance between Albrecht von
(note 10), p. 477. du savoir, voir RATCLIIFF, Marc J., url : http://www.hls-dhs-dss.ch/ Haller and Charles Bonnet [texte
« Figures du tournant linguistique textes/f/F17643.php, version du établi et annoté par Otto Sonntag],
17 chez Joseph-Marie de Gérando » 6 mars 2009. Berne, Stuttgart, 1983, pp. 258-
SCHEUCHZER, Johann Jakob, dans SIGRIST, René et al. (éd.), 259 : lettre de Bonnet à von Haller
!"#$%&'%()*+helveticus, Louis Jurine : chirurgien et 36 du 20 février 1762.
sive Itinera per Haelvetiae Alpinas naturaliste (1751-1819), Chêne- Voir à cet égard LECA-TSIOMIS,
regiones, Leiden, 1723. Bourg, 1999. Marie, « Du Dictionnaire de 45
Furetière au Grand vocabulaire Lettre de Bonnet à von Haller du
18 27 français de Panckoucke : la joute 18 décembre 1770, ibid., p. 911.
COOPER, Alix, Inventing the DIDEROT, Denis, article « Ency- confessionnelle des dictionnaires
Indigenous : Local Knowledge clopédie », dans Encyclopédie, ou et des encyclopédies », dans 46
and Natural History in Early Dictionnaire raisonné des sciences, CANDAUX, Jean-Daniel et al. Lettre de Bonnet à von Haller
Modern Europe, Cambridge, des arts et des métiers, tome 5, (éd.), L’Encyclopédie d’Yverdon et du 24 mars 1769, ibid., p. 808 ;
2007, p. 55. Paris, s. d. [1751-1765], p. 635. sa résonnance européenne : lettre de von Haller à Bonnet
contextes – contenus – continui- non datée, ibid., p. 811. De Felice
19 28 tés, Genève, Paris, 2005, pp. 13-29. use du même procédé avec
Traduction par Enrico Natale et Rousseau le souligne dans von Haller, qui ne souhaite pas
Vicky Paradisgarten. Le mot l’introduction à son dictionnaire 37 non plus se laisser forcer la main
!"#$%&'%()* signifie littéralement de botanique : « Cependant les D’ALEMBERT, Jean, Discours mais finira pourtant par accepter
« celui qui se ballade dans les voyages de long cours enrichis- préliminaire de l’Encyclopédie, de collaborer à l’Encyclopédie
montagnes ». soient incessamment la botanique Paris, 1984, pp. 12-13 [reprise d’Yverdon.
de nouveaux trésors ; et tandis de l’édition effectuée en 1894 par
20 que les anciens noms accabloient F. Picavet pour le compte des 47
« Colonial expansion enlarged déjà la mémoire, il en falloit éditions Armand Colin]. Lettre de Bonnet à von Haller
universal knowledge. Science inventer de nouveaux sans cesse du 13 novembre 1772, ibid.,
became a key aspect of a global pour les plantes nouvelles qu’on 38 pp. 1054-1055.
intelligence system, which découvroit. », dans ROUSSEAU, DONATO, Clorinda, « Religion
served best the interests of those Jean-Jacques, Œuvres complètes, et Lumières en Italie, 1745-1775 : 48
best placed to receive its data », tome 3, Paris, 1852-1853, p. 422. le choix protestant de Fortunato Ibid., p. 1054.
MACLEOD, Roy, « Nature and Bartolomeo de Felice », dans
Empire : Science and the Colonial 29 CANDAUX, op. cit. (note 36), 49
Enterprise. Introduction », Osiris, BUFFON, Georges Louis Leclerc, p. 99. Ibid., p. 1055.
vol. 15, Chicago, 2000, pp. 10-11. comte de, Œuvres complètes
[édition revue par RICHARD, 39 50
21 Achille], Paris, 1835, p. 45. PROUST, Jacques, « Sur la route Lettre de Voltaire à D’Alembert
Lettre de Rousseau à DuPeyrou, des encyclopédies : Paris, Yverdon, du 4 juin 1769, citée dans
11 juin 1765, dans DE BEER et 30 Leeuwarden, Edo (1751-1781) », PROUST, op. cit. (note 39), p. 445.
GAGNEBIN (éd.), op. cit. (note 9), Ibid., p. 41. dans CANDAUX, op. cit. (note 36),
p. 73. p. 444. 51
31 Lettre de Voltaire à Cramer de
22 Ibid., p.41. 40 décembre 1770, ibid., p. 445.
ROUSSEAU, Jean-Jacques, Pour une biographie du dottore
« Rêveries d’un promeneur soli- 32 de Felice, voir MACCABEZ, 52
taire. Promenade VII », dans Ibid., p. 63. Eugène, F.B. de Félice, 1723-1789 DONATO, Clorinda, « The Letters
op. cit. (note 10), p. 481. et son Encyclopédie : Yverdon of Fortunato Bartolomeo De
33 1770-1780 (d’après des documents Felice to Pietro Verri », dans MLN,
23 Ibid., p. 60. inédits), s.l., 1903. vol. 107, Johns Hopkins Univer-
ROUSSEAU, Jean-Jacques, sity Press, Baltimore, 1992, p. 93 :
« Lettre VIII », dans Lettres élémen- 34 41 Lettre du 18 juin 1767.
taires sur la botanique à Pour plus de précisions sur la Il s’agit du véritable titre de
Mme De Lessert, 11 avril 1773, dans controverse entre Buffon et l’Encyclopédie d’Yverdon : Ency- 53
Œuvres complètes de J. J. Rousseau, Linné, voir BARSANTI, Giulio, clopédie, ou Dictionnaire univer- FOUCAULT, Michel, Qu’est-ce
tome 5, Paris, 1839, p. 516. « Linné et Buffon : deux visions sel raisonné des connoissances que les Lumières ?, Paris, 2004
différentes de la nature et de humaines, mis en ordre par (transcription d’une conférence
24 l’histoire naturelle », dans M. de Felice, Yverdon, 58 vol., de 1978).
Avant l’adoption de la nomen- HOQUET, Thierry (dir.), in-4°, 1770-1780.
clature linnéenne, la pratique Les fondements de la botanique : 54
consistait à énumérer les références Linné et la classification des 42 Ibid.
bibliographiques des différents plantes, Paris, 2005, pp. 103-129, PROUST, op. cit. (note 39), p. 444.
auteurs ayant précédemment et HOQUET, Thierry, Buffon / 55
décrit l’espèce. Linné : éternels rivaux de la 43 NOIRET, Serge,
biologie ?, Paris, 2007. BANDELIER, André, et SESTER, « La “nuova storiografia digitale”
25 Christian, « Science et religion negli Stati Uniti (1999-2004) »,
DERRIDA, Jacques, Mal d’Archive, chez quelques correspondants gene- dans Memoria e Ricerca Online,
Paris, 1995, p. 14. vois de l’Académie de Berlin », dans Ravenne, 2005.
CANDAUX, op. cit. (note 36), p. 32.

cinquante et un

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