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Applications des mathématiques: Mathématiques

Appliquées et
Criminalité et récidivisme Génie Industriel

Résumé Le récidivisme, la probabilité qu’un criminel répète ses crimes, a un


impact important sur le nombre d’incarcérations, le nombre d’arres-
tations et le nombre d’audiences en cours. On présente un modèle
probabiliste, appelé chaı̂ne de Markov, qui montre qu’une petite
baisse du taux de récidivisme peut grandement diminuer l’impact
social des criminels.

Domaines du génie Tous

Notions mathématiques Matrice, Espérance mathématique, Chaı̂nes de Markov

Cours pertinents Algèbre linéaire, Probabilités et Statistiques

Auteur(es) L. Aı̈t El Hadj-Bélisle, M. Laforest

Sommaire
1 Introduction 2

2 Modélisation 2

3 Résolution 4

4 Interprétation des résultats 5

5 Conclusion 5

Références 6
Criminalité et récidivisme MAGI

1 Introduction

Quelqu’un qui commet un crime peut se faire arrêter ou non, et aller en prison ou non. Il peut aussi
commettre un autre crime et il est alors appelé récidiviste. S’il est arrêté, il peut être reconnu coupable
et retourné en prison. On peut construire une chaı̂ne de Markov autour de ces 4 états : Commettre un
crime, Être arrêté, Aller en prison et Être un honnête citoyen. Certains gouvernements choisissent de
mettre en prison tous les criminels et souvent pour de longues périodes. Mais d’autres préfèrent opter
pour un programme pour lutter contre le récidivisme et tout faire pour qu’un criminel ne soit pas tenté de
commettre un nouveau crime. Est-ce une bonne méthode ? Est-ce qu’une baisse du taux de récidivisme
influe sur le système global ?
Nous allons créer un modèle montrant les probabilités pour chaque transition, c’est-à-dire le passage
d’un état à l’autre. Nous allons ensuite chercher le nombre moyen de transitions pour devenir un honnête
citoyen et le rester. Enfin, nous examinerons l’influence du taux de récidivisme sur le nombre moyen de
transitions.

2 Modélisation

Pour pouvoir créer un modèle accessible, nous ne tiendrons pas compte du temps de transition entre les
différentes étapes qui peut être très variable. On va aussi supposer qu’un criminel n’est pas influencé
par son passé (peu importe son nombre d’arrestations, condamnations, etc.), et que la transition vers
un autre état a lieu à la fin de l’état actuel (sortie de prison, juste après avoir commis un crime, juste
après l’arrestation). On peut ainsi tracer le diagramme ci-dessous pour illustrer la chaı̂ne de Markov :

ÊTRE ARRÊTÉ

0,25
0,75 r 0,25

0,75 (1-r)
COMMETTRE UN
r ALLER EN PRISON
CRIME

0,75 r 1-r
0,75 (1-r)

ÊTRE UN HONNÊTE
1
CITOYEN

Figure 1: Diagramme illustrant la chaı̂ne de Markov.

2
Criminalité et récidivisme MAGI

Soit r la probabilité qu’un criminel qui sort de prison récidive à son retour dans la société. Commençons
avec un individu dans l’état 2, c’est à dire en train de commettre un crime. Les statistiques policières
indiquent que quelqu’un qui commet un crime (de toute nature) a 25% de chances de se faire arrêter.
S’il n’est pas arrêté, il va récidiver avec une probabilité r. La probabilité de commettre deux crimes
consécutifs est donc de 0, 75r. Si le criminel ne récidive pas, il redevient un honnête citoyen avec une
probabilité de 0, 75(1 − r). Ces observations nous permettent de quantifier les probabilités de transition
de l’état 2 vers les états 1, 3 et 4 tels qu’illustrées dans la figure 1.
D’autre part, les statistiques provenant du ministère de la Justice indiquent que 25% des criminels arrêtés
sont condamnés et mis en prison. Parmi les 75% d’individus restants, une fraction r vont simplement
récidiver et (1 − r) vont devenir d’honnêtes citoyens.
De la même manière, quand les criminels sortent de prison, certains vont récidiver avec une probabilité
r et d’autres deviendront d’honnêtes citoyens avec une probabilité (1 − r).
Les élus d’une province veulent investir pour faire baisser le taux de récidivisme mais ils voudraient
connaı̂tre a priori l’influence sociale et économique qu’auraient des mesures telles que :
• la surveillance policière accrue ;
• des programmes sociaux contre la pauvreté ;
• des programmes de réadaptation et de formation en prison.
Si ces mesures fonctionnent, on prévoit une baisse du taux de récidivisme, c’est-à-dire une diminution
de r. On cherche à savoir quelles en seront les conséquences. Or le modèle doit pouvoir nous permettre
de prédire l’impact d’un tel changement du taux de récidivisme.
Pour cela, on commence par définir les quatre états possibles pour un individu :

État 1 = Être un honnête citoyen


État 2 = Commettre un crime
État 3 = Être arrêté
État 4 = Aller en prison.

On veut maintenant décrire le parcours aléatoire d’un individu au travers de notre système pénal
théorique. Soient :
(n)
pi = Prob{Le citoyen est dans l’état i après n transitions}.
qij = Prob{Passer de l’état j à l’état i}.

Puisque chaque individu doit être dans l’un des quatre états possibles, on a :
4
X
qij = 1, 1 6 j 6 4. (1)
i=1

La probabilité d’être dans l’état j à la nième période et de passer à l’état i à la (n + 1)ième période est
(n)
pi · qij .
Les probabilités étant indépendantes les unes des autres, on a :
(n+1)
pi = Prob{Aller de l’état 1 à i} + · · · + · · · + Prob{Aller de l’état 4 à i}
(n) (n) (n) (n) (2)
= qi1 p1 + qi2 p2 + qi3 p3 + qi4 p4 .

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Criminalité et récidivisme MAGI

Notons que, comme supposé dans les hypothèses, la probabilité qu’un individu se trouve dans un état
ne dépend que de son état précédent, et non des états antérieurs ou postérieurs.
Sous forme matricielle, l’équation 2 pour j = 1, 2, 3, 4 est équivalente à :
p~ (n+1) = Q~
p (n) (3)
avec :
(n)
   
p1 1 0, 75(1 − r) 0, 75(1 − r) (1 − r)
 (n)   
(n)
 p2   0 0, 75r 0, 75r r 
p~ =
 p(n)
 et Q=
 0
. (4)
 3

  0, 25 0 0 

(n)
p4 0 r 0, 25 0
Q est appelée matrice de transition car elle rassemble toutes les probabilités des transitions entre les
quatre états possibles.
À l’aide de l’équation 3, on peut calculer p~ (n) en fonction de p~ (0) . En effet, on a :
p~ (n) = Q~
p (n−1) = Q2 p~ (n−2) = · · · = Qn p~ (0) . (5)

3 Résolution

Considérons un criminel qui n’a pas encore été arrêté, c’est-à-dire


 
0
1 
p~ (0) = 

 0 .

L’état 1 est un état absorbant, c’est-à-dire que la probabilité de passer de cet état à un autre est nulle.
Tout individu ayant atteint cet état restera dans cet état peu importe le nombre de transitions. Cependant
l’individu partant d’un des autres états aura besoin d’un certain nombre de transitions avant de se rendre
à cet état, c’est pour cela que l’on veut calculer le nombre moyen de transitions (= nombre de crime +
nombre d’arrestations + nombre de séjour en prison) avant qu’il ne devienne honnête. Soit la variable
aléatoire T égale à ce nombre de transitions. On remarque que :
Prob{T = n} = il est honnête après n transitions mais pas après n − 1 transitions
(n) (n−1)
= p 1 − p1 .

Pour obtenir le nombre moyen de transitions, nous allons calculer l’espérance E, qui correspond à la
moyenne du nombre de transitions :
∞ ∞
(n) (n−1)
X X
E(T ) = n · Prob{T = n} = n · (p1 − p1 ).
n=1 n=1

En pratique, on calcule l’espérance en prenant la somme de 1 à N , où N est un grand nombre. Par
exemple, pour le graphique, on a pris N = 10000, (les calculs ont été faits à l’aide de Matlab).
Ci-dessoous, les résultats sont illustrés par le graphique suivant en fonction de r, la probabilité de
récidiver :

4
Criminalité et récidivisme MAGI

Nombre de transitions moyennes en fonction du recidivisme


18

16

14

12

10

E[T]
8

0
0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1
p

Figure 2: Courbe de l’évolution de l’espérance E(T ) en fonction de la probabilité de récidiver r.

4 Interprétation des résultats

La figure 2 montre bien qu’un changement, même petit sur r peut avoir une grande influence sur E(T )
et donc sur le coût social et économique. Par exemple, si on arrive à faire diminuer la probabilité de
récidiver de 0, 8 à 0, 7, le nombre de transitions passe de 7 à 4, ce qui est considérable. En effet l’individu
peut rester dans un état tel que «Aller en prison» plusieurs années. Or en diminuant le nombre de
transitions, on diminue aussi le nombre d’états par lequel il passe et il devient donc un honnête citoyen
plus rapidement. Notre modèle semble suggérer qu’il serait profitable d’investir pour réduire le taux de
récidivisme, surtout quand il est important.

5 Conclusion

Dans cet exemple, nous avons essayé de modéliser l’ensemble des probabilités de passer entre les quatre
états : Commettre un crime, Être un honnête citoyen, Être arrêté et Aller en prison. À l’aide de la
matrice de transition, nous avons modélisé la probabilité d’être dans un état après un certain nombre de
transitions. Ceci nous a ainsi permis de calculer la moyenne et d’obtenir une courbe du nombre moyen
de transitions avant d’atteindre l’état d’honnête citoyen, en fonction de la probabilité de récidiver r. On
a pu montrer qu’une modification de r a une grande influence sur le nombre de transitions et donc sur
le temps passé avant de devenir un honnête citoyen.
Plus généralement, cet exemple, quoiqu’assez simple, montre facilement qu’une implication des autorités
pour la réinsertion des criminels et une lutte contre la récidive a des effets sur la société qui peuvent
être plus bénéfiques qu’une simple augmentation du nombre d’arrestations et d’emprisonnements. Un
modèle plus complet nécessiterait une analyse plus détaillée des différents états ainsi qu’une estimation
des coûts financiers et sociaux associés à ces états.

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Criminalité et récidivisme MAGI

Références

[1] BELTRAMI, Edward. 1993. Mathematical Models in the Social and Biological Sciences : Recidivism,
New York, Jones and Bartlett Publishers, 1993, p.16-24.
[2] BLUMSTEIN,A. et LARSON, R., 1971. Problems in Modeling and Measuring Recidivism : Journal
of Research in Crime and Delinquency, Vol.8, No. 2, p.124-132.
[3] Récidivisme in Accromath, Vol.3, Hiver-Printemps 2008. [En ligne].
http ://accromath.uqam.ca/contents/pdf/Recidivisme.pdf, Page consultée le 20 mai 2009.

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