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L'amitié est une des calamités de notre époque littéraire. De


jour eit jour, elle glisse en tous lieux sa partialité plus dangereuse,
et peut développer au sein de quelques hommes, réservés peut-être
à de brillantes destinées, le sentiment le plus infertile qu'ils puis-
sent cultiver : l'amour de soi.
Si nous autres flatteurs, nous ne trompions que le public, je ne
dis pas que nous dussions être bannis de la cité. Le public a été
mis au monde pour être dupe ; et il le mérite peut-être, à cause de
son infaillible disposition à dénigrer ce qui l'amuse ouïe touche, à
se venger de toute supériorité par le dédain. S'il y a d'ailleurs,
comme on l'a très-bien dit, quelqu'un de plus spirituel que Ra-
belais, Molière, Voltaire, et que*ce soit tout le monde, il y a
aussi quelqu'un de plus stupide que Nicaise et Jocrisse ; et c'est
tout le monde encore. Ce n'est donc pas en faveur de ce public
distrait, tyran sublime et vulgaire, que nous essayons de stipuler
ici : c'est dans l'unique intérêt des arts ; c'est aux seuls poètes que
nous nous adressons.
La complaisance des juges les égare sans pitié, et étouffe
le progrès de leurs talens. On s'endort sur un lit de lauriers tout
fait; on se couronne de palmes inodores, et le moindre rimeur
subissant aujourd'hui le sort de Vert-vert, va périr sous les
dragées de la critique. Quelques hommes de franchise et de so-
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litude commencent à se révolter contre tant de déceptions, et
contre la morgue et la fatuité qui sont les conséquences de ces apo-
logies. Ce n'est pas nous qui profitons, comme tant d'autres, de cette
camaraderie, qui en sommes importunés ; mais le bon sens de tous
ceux qui sont plus désintéressés dans la question demande à réagir
de toutes parts, et le demande comme s'il s'agissait d'une amende
honorable.
Qui donc a changé nos moeurs littéraires au point de faire qu'on
ne rencontre plus que des princes et des courtisans, des grands
hommes et leurs serviteurs, ou plutôt des charlatans et des com-
pères? Qui trompe-t-on? Qui donc a rayé l'épigramme de la liste
de nos franchises, et la satire généreuse des tables de nos libertés?
Qui donc a donné au rire innocent de la malice le nom odieux de
la méchanceté, et celui de l'envie à la justice? Personne, que je
sache, ne regrettait les coutumes de l'ancien régime poétique, Ces
apostrophes dont nos prédécesseurs faisaient commerce au profit
de la canaille oisive, ces dictionnaires d'injures qu'ils se jetaient
à la tête, ces noms d'athée, de cuistre, et autres aménités classi-
ques, ne sont pas à revendiquer dans le domaine de nos pères :
mais ne pouvions-nous pas nous arrêter dans un milieu d'équité
rigoureuse, et éviter les sottises, sans tomber dans les fadeurs ?
Convenons que la vieille dignité d'Aristarque et même certaine
hostilité de son esprit renfermaient un secret d'émulation qui n'est
pas dans je ne sais quel parti pris de nos flagorneries universelles.
La guerre civile des vieux d'avant Boileau, comme écrirait un
philologue de nos jours, entretenait le courage et retrempait les
talens. Donner maintenant plus qu'on ne doit est aussi injuste et
préjudiciable que refuser d'acquitter sa dette : c'est manquer à la
probité de manière et d'autre; et depuis que nous sommes tous des
hommes de génie, le talent devient singulièrement rare.
Ce mal que nous signalons les premiers, au nom des plus fer-
vens amis des arts, procède peut-être de la meilleure cause et du
plus honorable sentiment. Il se sera rencontré une petite société
d'apôtres, qui, se disant persécutée dans les pratiques d'un nou-
veau culte, s'est enfermée en elle-même pour s'encourager. Les
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apôtres se seront aimés ; car on commence toujours par s'aimer dans


les catacombes, quittes à devenir ensuite persécuteurs et haineux.
Ils se seront appuyés les uns sur les autres pour leur utilité réci-
proque , et puisqu'il était temps de conquérir sur mille préjugés
l'indépendance poétique, ils auront servi une juste cause avec zèle
et quelquefois avec succès.
Mais le danger passé, l'amitié sera devenue une spéculation;
la vanité aura servi de lien social, et la charité commencée par
soi-même aura fini exactement où elle avait commencé. Une con-
grégation de rimeurs bizarres est devenue un complot pour s'aduler,
et quelques confidences d'écoliers qui s'essaient, une conspiration
flagrante contre des illustrations consacrées. Que si vous n'étiez
pas doué à un très-haut degré de la faculté d'applaudir en face,
d'atteindre à l'exaltation d'un enthousiasme à bout portant,
de guinder votre ivresse au degré qui produit l'extase, nous
ne vous conseillerions pas d'aborder jamais cette réunion qui s'est
dit à elle-même que « le siècle lui appartient, » qui s'appelle mo-
destement un Cénacle, et trouve dans son sein ses martyrs et ses
divinités. Là, divinités et martyrs tout le monde veut des pa-
,
roles qui sentent la transfiguration, et les souples postures implo-
rent des articles menteurs à la porte de toutes les gazettes. Là, on
s'est fait de la louange une servitude, un vasselage de tous les in-
stans ; c'est dans la petite église ultra-romantique, la prièredumatin
et du soir; c'est la dîme que toute lecture, confidence d'un projet,
révélation, d'un hémistiche auquel on travaille, a droit de lever
sur les contribuables. Entre tout adepte rencontré par un autre
adepte il s'échange à toute heure un regard qui veut dire :
,
Frère, il faut nous louer !
Tout cela ne serait que fort innocent, même dans la Revue de
Paris, si d'abord l'industrie des libraires n'était un peu dupe et vic-
time d'un mérite surfait par le charlatanisme de nos journaux, et
surtout si les catéchumènes, respectant les autres croyances, n'atta-
quaient pas toutes les gloires dont se compose la gloire du pays.
Pourquoi détruire avant d'avoir fondé ? Ne peut-on se chatouiller
doucement entre soi sans qu'il en coûte d'autre sacrifice que celui
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de la modestie et sans qu'il y ait d'autres chances à courir que
,
celles de devenir un peu ridicules ? Si les militaires de l'Empire
n'ont pu échapper au petit inconvénient des fatuités, qui paraît être
un travers de ce siècle, comment faire excuser chez nous ce que
l'auteur des Femmes savantes appelait prophétiquement :

La constante hauteur de la présomption,


Celte intrépidité de bonne opinion,
Cet indolent état de confiance extrême.

Si nos braves s'applaudissaient à tort, en face d'eux-mêmes, sui-


de très-petits théâtres, il faut avouer du moins que c'était après
quelques triomphes ; et il y a des esprits chagrins qui ne savent en-
core où prendre les journées de Marengo et d'Austerlitz pour la lit-
térature contemporaine. Le pire de tous les obstacles pour empêcher
ces soleils-là de se lever jamais à l'horizon littéraire est peut-être
de triompher avant d'avoir vaincu. Quand nous autres preneurs,
nous proclamons que tout est découvert, nous dispensons le talent
de chercher. Et cependant, si l'école nouvelle n'avait encore in-
venté que Shakspeare, Schiller et Ronsard, il serait modeste d'en
rester là.
Quelques esprits stationnaires ont peine à s'expliquer aussi que
ce soit une bien bonne action que de nous rendre la risée de l'Eu-
rope savante en dénonçant chaque jour nos antiques réputations
de poésie comme étant toutes usurpées. Les étrangers ne sont que
trop disposés déjà à humilier les fondateurs de notre gloire; les
Anglais, par exemple, nient effrontément le mérite des auteurs
àAthalie et du Lutrin, et refusent à toute cette pauvre nation gau-
loise une seule tête épique et même lyrique : sommes-nous chargés
de leur fournir des argumens et des preuves ? Si nous nous renver-
sons nous-mêmes, que nous restera-t-il ? Sont-ce des composi-
tions récentes, tellement affranchies de naturel et de toute raison,
même poétique, qu'on se demande après les avoir lues, qui marche
à la folie, de l'auteur ou du lecteur? Puis quelques fanfares gas-

connes, au lieu de victoires; puis des ovations et- point de con-


quêtes; puis des préfaces et point de livres! En vérité, notre
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littérature deviendra bientôt une imitation de cette précaution


d'architectes, qui masquenttoujours, par des planches fragiles et des
toiles menteuses, l'endroit où manque l'édifice. L'effet infaillible
de nos mystérieux chefs-d'oeuvre, espèces de logogriphes sans
mots, non-sens de plusieurs pages, dont les lignes n'ont bien sou-
vent de rapport entre elles que la puérile similitude de leurs dési-
nences, est de provoquer un rire ou une tristesse sans charme. On
se tâte, on s'interroge, on se demande si l'on veille; et quand on
en est à peu près sûr, on se trouve devant la poésie comme Brutus
devant la vertu.
Pourquoi donc nos futurs grands hommes prétendent-ils ne ré-
gner que sur des cadavres d'auteurs? et qu'est-ce que c'est que
toutes ces renommées que les autres renommées importunent?
L'inquiétude est un signe de mauvaise conscience. Vouloir qu'im-
médiatement après l'avènement qu'on médite, telle dynastie élé-
giaque soit la plus ancienne du monde, c'est une pensée d'usurpa-
teur. Le talent légitime laisse en paix les autres talens. Chaque tyran
nouveau-né ne peut-il se faire porter par ses séides sur le pavois
d'une gazette, sans vouloir détrôner jusqu'aux paisibles morts?
Chaque Inconnu ne peut-il pas traîner après soi son Madianasius
sans vouloir en faire un Zoïle ? L'opinion de tous les partis a déjà
fait justice de ces spéculateurs qui traversèrent la France, il y a
trente ans, rasant d'augustes édifices, mutilant des statues, ren-
versant des monumens publics ; aura-t-elle plus d'indulgence pour
les spéculateurs de ruines poétiques, et comme nous l'avons dit
ailleurs, pour les agens de cette bande noire littéraire?
Cette ardeur de saper ce qu'il y a de grand sur le sol natal,
cette colère d'enfant qui veut déchirer le sein de la nourrice, a
quelquefois caractérisé la décadence des littératures. Prenons garde
de donner les signes de la décrépitude au moment où nous avons
la prétention d'être si jeunes ! Couper lesmembres d'Eson, essayer
de châtrer les géans de l'antiquité, ne donne de puissance à per-
sonne. Il y eut aussi, dans le Bas-Empire , une foule de génies
qui jetaient à leurs devanciers les mêmes pierres que nous ramas-
sons aujourd'hui contre Racine, et médisaient partout de la vieille
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Rome. Ces grands hommes composaient des Halieutiques, des
Sylves, des Cynégétiques; c'étaient, je crois, Némésien, Gratius,
Calpurnius, et quelques autres dont les pédans seuls savent les
noms.
Mais nous avons parlé de l'amitié qui loue : n'est-ce pas une
dérision ? ne serait-ce pas plutôt, à l'insu de messieurs les renards
et de messieurs les corbeaux, une trahison véritable? Les connais-
seurs qui se sont abreuvés, par exemple, à des cascatelles de
diphtongues ne savaient-ils pas bien qu'ils envoyaient leurs dis-
,
ciples au saut glissant du Niagara ? Ceux qui, rie comprenant qu'à
moitié la plaisanterie de quelques Tristes, ont admiré, ont reflété
certaius rayons jaunes du dimanche,

Plus jaunes ce jour-là que pendant la semaine,

n'ont-ils pas bien mérité d'être menés dans un certain creux de la


vallée, aufond du bois, à gauche? Tel qui a souri aux monstres al-
térés d'eau de mer, et affamés de régiment islandais, ne nous con-
duira-t-il pas à ne nous passionner que pour des tours de force
exécutés sur la place publique littéraire? Les poètes vont devenir
autant de Jean de Falaise : ils avaleront, pour vous plaire, des
pierres, des couleuvres des flèches mogoles et le courbe damas.
,
Cette camaraderie a de tels inconvéniens, que nous poumons
citer déjà de nobles caractères, des auteurs long-temps purs d'im-
modestie, qui, à force de hanter des convives enivrés d'eux-mêmes,
ont fini par s'exagérer leur importance et leur vrai talent. Echappés
aux séductions du pouvoir, les voilà qui tombent dans la dépen-
dance des flatteurs. Ils rougissent aujourd'hui de leur candeur
passée ; et demain, pour peu que les confrères les embrassent, ils
se trouveront barbouillés de fard.
Un autre camarade, craignant de nTavoir pas assez de camarades,
vient de s'adresser à la sensibilité publique, comme ces pauvres
ingénieux qui s'enrichissent par des plaies postiches. Il n'a pas re-
culé devant la gloire un peu hasardeuse qui s'attache à la pulnio-
nie; et parce qu'un immortel génie est noblement tombé sur un
échafaud, il fait le mort sur la place. Si l'on expire ainsi par mé-
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taphore avant son livre, on risque de n'être admiré que sous bé-
néfice d'inventaire, et de suivre son convoi tout seul.
Ces mutuelles compagnies d'assurance pour la vie des ouvrages
ne sont attaquables, nous le répétons, que par leur influence sur
l'avenir des lettres. Du reste, elles sont douces et commodes. Si
elles nuisent à l'art, elles font peut-être le bonheur de l'artiste.
Cette banque de vanité escompte les mérites futurs, et permet
de réaliser des jouissances viagères qui suffisent aux exigences
du moment. Des poètes encamaradent des musiciens, des musi-
ciens les peintres, les peintres des sculpteurs ; on se chante sur
la plume et sur la guitare; on se rend en madrigaux ce qu'on a
reçu en vignettes ; on se coule en bronze de part et d'autre. Cha-
cun peut, à l'heure qu'il est, se suspendre à sa cheminée, et s'in-
stituer le dieu lare de son foyer.
Certes, si la postérité n'est pas un peu dédaigneuse et imperti-
nente, elle sera bien riche ! Les médailles fabriquées jusqu'ici n'af-
fectent pas toutefois des proportions monumentales : ce sont des
monerons dont le module est encore portatif, et on pourrait, à
la rigueur, cacher une trentaine de grands hommes vivaris dans
sa poche.
Mais, dira-t-on, si ce n'était que votre manque de foi qui vous
fît nier ici tant de divinités présentes, et si les jeunes auteurs que
vous engagez à se perfectionner, au lieu de s'admirer, avaient déjà
touché au point de toute perfection ? Si, choqué à tort de voir s'intro-
niser une royauté à travers les lettres, vous preniez pour une oppo-
sition consciencieuse un penchant de votre humeur républicaine?
Si vous appeliez injustement les poignards, c'est-à-dire les sifflets,
contre cette Majesté que vous rêvez peut-être avec son bagage
d'hommes, historiographes, peintres du cabiuet, commentateurs
jurés, et deux ou trois maîtres des cérémonies plaçant dans l'ordre
des mérites les tabourets de la cour romantique? Songez donc que
tel critique proposait hier d'élever à la place de la statue de
Voltaire la statue d'un poète dont on attend encore un ouvrage ;
qu'on disait d'un autre, ou du même, « qu'illuminant sa pen-
» sée d'un seul rayon, il ne s'y\preiiait jamais à deux fois, pas
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»
plus que Dieu, pour lancer la foudre. » Voyez donc tel autre
Quintilien ôter infailliblement son chapeau devant lui, dans cha-
que article, et ne jamais prononcer un nom de jeune hoininé sans
le dépouiller, par idolâtrie, de ce titre de Monsieur, dont l'ab-
sence faisait rougir le maréchal de Villars! Demandez-vous donc
une fois et du fond du coeur si vous n'êtes pas injuste, mal éclairé
et détracteur de tant de génies. Si vous alliez faire rentrer la
pensée au coeur qui la cachait! Si vous alliez faire perdre à quel-
qu'un la clef des symboles, si vous étiez l'hiver qui recommence!

L'hiver qui recommence


Suspend l*onde lancée et la cascade immense
Qui déjà s'épanchait.

Si vous alliez priver la France du Messie épique ; si vous écrasiez


sous le pied lourd de la censure je ne sais combien de papillons ro-
mantiques qui ne demandaient qu'un rayon de la bienveillance
,
pour éclore! Ah! soyez prêt a faire les honneurs de Votre esprit
en faveur de votre bonne volonté. Le succès d'un bon mot, l'ave-
nir d'une épigramme se composent d'une matinée ; et le moindre
essai de poésie (digne de ce nom) peut toucher ou élever l'aine,
s'il traduit un élan vrai des passions, ou jette dans la circulation
une demi-pensée nouvelle. Le dernier des auteurs qui crée est plus
grand que le premier des critiques.
Mais nos obscures réclamations, étïangères à toutes personnali-
tés ne s'adressent qu'à des abstractions vaniteuses. Nous savons
,
fortbien qu'en disant d'un Chapitre particulier de rimeurs, qu'il n'est
peut-être pas le temple d'une religion destinée à changer la face du
monde, mais qu'il est seulement pour l'exploitation de la gloire du
siècle une petite société anonyme, nous nous exposons à des ran-
cunes anonymes aussi, et à de longs ressenthnens des dévots roman-
tiques. Nous sommes parfaitement informés que les immortels sont
intolérans et colères. Si vous leur refusez l'adoration, vous êtes
Galerius; si vous exprimez un doute, même en faveur de la syn-
taxe, vous êtes Dioclétien. Mais pour qui a déjà risqué de déplaire
à de plus importans ennemis, l'hésitation de l'égoïsine est bientôt
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vaincue par le désir sincère d'être utile. Aux yeux de tous les par-
tis révolutionnaires, soit démagogiques, jésuitiques, musicaux,
pittoresques, la modération est toujours un crime. S'arrêter, c'est
fuir ; et devant la Montagne et les jacobins poétiques, on peut pré-
voir le sort de la Gironde littéraire. N'importe : nous avons vu, il y a
quinze ans, tomber sous les flatteries un Empire que nous aimions
moins que celui des arts, et nous avons retenu de ces événemens
quelque antipathie pour tous les Narcisses, soit qu'ils flattent les
aventuriers impériaux ou lyriques soit qu'ils se complaisent sot-
,
tement devant leur propre image. Nous savons que si les hommes
de talent se sont aimés dans tous les temps ; que si nous retrouvons
avec attendrissement quelque trace de cette amitié entre Racine et
Boileau Molière et La Fontaine, ceux-là gardaient quelque di-
,
gnité dans les éloges. Vadius et Trissotin sont les seuls qui se
louent sans réserve.
Nous ne voudrions pas voir le Romantisme, réforme utile pour
laquelle nous avons fait les premiers voeux, et que nous aimerons
toujours, changer de nom en l'an de grâce \ 829, et ne s'appeler
plus que le Trissotinisme. Le public se doute à peine encore de l'in-
trépidité de nos bonnes opinions ; il ne sait pas que ce qui était ex-
ceptionnel au temps de Corneille est devenu presque général en
notre fière époque ; que les vices littéraires d'autrefois sont de-
venus les moeurs d'aujourd'hui. On peut corriger un ridicule, tant
qu'il n'est signalé qu'à demi. Allons, Messieurs, nos amours-pro-
pres sont une de ces choses qu'il faut laver, et nous hâter de « laver
en famille. » Démasquer des flatteurs est un service qui permet
de faire une blessure légère à nos susceptibilités; et s'il n'a pas été
impossible, en de mauvaisjours, de creuser le sable politique pour
dire la vérité aux rois, à travers les roseaux, pourquoi hésiter de
crier aux poètes : Travaillez, ne vous vantez pas.

H. DE LÀTOUCHE.

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