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Titre : Le traitement des problèmes sexuels et

la thérapie brève

Mémoire pour l'obtention du diplôme du IIIème cycle de l’Institut Gregory Bateson

Paul Waterkeyn

Directeur de mémoire
Teresa Garcia

Année académique 2000/2001

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Table des matières

Préambule

Introduction

Première partie : Réflexion générale sur la thérapie à médiation sexuelle

1. Influence des croyances au sein de notre société sur le traitement des


problèmes sexuels : La « Révolution sexuelle »
2. La carte n'est pas le territoire
3. Ce qui relève du choix individuel et ce qui relève de la thérapie
4. Les prédictions auto-validantes

Deuxième partie : La position du thérapeute

I/ La difficulté d'être soi-même son propre observateur


a. Dans la position du supposé savoir
b. L'inconscient a-t-il ses raisons ?
c. Les aspects analogiques de la communication : le non-verbal, la métaphore

2/ L’influence de l'éthique professionnelle sur le déroulement de la thérapie

Troisième partie: Le traitement des problèmes sexuels par la thérapie brève

1. Le problème c'est la solution


2. Ce sont les tentatives de solution qui maintiennent le problème
3. La Thérapie Brève est aussi appelée la Thérapie Stratégique
4. Les jeux à somme nulle
5. La définition du problème
6. Le problème se situe dans une interaction
7. Etre client pour un changement
8. La fin de la thérapie

Conclusion

Bibliographie

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Préambule

Les sujets que nous allons aborder dans ce mémoire ont été largement inspirés par une dizaine
d’années d’expérience de conseiller conjugal et psychothérapeute dans le secteur du planning
familial.

Pendant la formation de conseiller conjugal notre attention avait été attirée par la pertinence des
réponses apportée par l’hypnose éricksonnienne à certaines difficultés notamment en matière
sexuelle. Un cours nous était dispensé par Thierry Melchior – co-fondateur de l ‘Institut Milton
Erickson de Belgique - qui offrait une analyse de différents courants thérapeutiques. C’est à cette
occasion que nous entreprîmes une formation dans ce domaine.

En 1993 un centre cherchait un conseiller conjugal qui pourrait reprendre une consultation
conjugale et sexologique. C’était une bonne opportunité de mettre en pratique outre l’approche
rodgérienne, base de notre formation de conseiller conjugal, l’hypnose . Cette dernière fut
complétée d’une formation de deux ans à la thérapie brève dispensé par l’IMHEB.

Au sein du planning familial il existait déjà une philosophie de traitement ( on disait de prise en
charge ) des problèmes sexuels.

Il nous a paru important de mettre l’accent sur la plainte de type sexologique pour la bonne
raison qu’elle semble être en augmentation constante et qu’elle fait l’objet d’une spécialisation de
plus en plus grande.

On constate que le fait de ne pas pouvoir répondre tout de suite à une demande sexologique peut
décourager le demandeur et mettre mal à l’aise les accueillant(e)s qui les reçoivent. Elles se
rendent compte après un rapide examen que le problème sexuel évoqué n’est pas nécessairement
accessible à une solution. Elle sentent déjà se profiler l’impasse.

Parfois elle pourront recadrer les choses de manière à ce que l’usager rencontre simplement un(e)
psychothérapeute . Dans certains cas ils réclament le spécialiste. Cela pose la question de la
présence d’un spécialiste es-sexologie ou de la redistribution de ces demandes dans une équipe
pluri-disciplinaire.

Nous possédons un document datant de 1977 sur une journée de réflexion à propos du rôle du
conseiller conjugal dans une équipe de sexothérapie. On y parlait de pluridisciplinarité et déjà
d’une certaine manière de recontextualiser le problème.

Il semblerait que l’on s’achemine aujourd’hui vers une spécialisation de la profession. C’est
justement cette question délicate que dans le présent travail nous nous proposons d’étudier.
Nous nous permettons d’insister pour que le lecteur ne se méprenne pas sur nos intentions. Il ne
s’agit pas de remettre en question l’une ou l’autre spécialisation. Nous avons simplement essayé
d’apporter une pierre à l’édifice.

Il nous est apparu dans notre pratique que l’outil qu’est la thérapie brève correspondait bien à la
spécificité du conseiller conjugal surtout dans l’approche des problèmes sexuels. Cette dernière
assertion n’engage que nous-même.

Nous tenons à remercier les personnes qui ont relu ce travail et qui nous ont poussé à rendre la
lecture de ce travail plus compréhensible. Nos remerciements donc à Marie-Paule Chojnacki,
Isabelle Hiroux et Chléo Guyaux qui sont ou ont été des collègues au Centre de Consultations
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Conjugales et sexologique à Woluwé-Saint-Lambert ainsi qu’à Krysia Sobieski historienne de
l’art et épouse.

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Introduction

La première partie de la réflexion contenue dans ce mémoire se veut d'abord une remise en
question du traitement des plaintes à caractère sexologique. Elle aborde des questions éthiques
liées au traitement thérapeutique de ce type de plaintes. Pour ce faire nous nous pencherons sur
les croyances socio- culturelle de notre époque et de notre société.

Elle contiendra également la remise en cause de la tendance à vouloir les traiter sans tenir compte
de ce qui se passe sur un plan interactionnel ; ce qui, au contraire de les résoudre les difficultés,
aurait plutôt tendance à les renforcer. Il s'agit de ces situations dans lesquelles on confond
compétence individuelle avec un problème qui se situe à un autre niveau de réflexion, puisqu'il
implique l'interaction. Celle-ci nécessite une lecture à un autre niveau de logique que la
compétence sexuelle, qui est insuffisante pour rendre compte de ce qui se passe.

La deuxième partie consiste en une réflexion sur la position du thérapeute dans l’optique
systémique, celui-ci étant loin d’être neutre, contairement au idées reçues.

La troisième partie met en lumière comment la « grille de Palo Alto », un système de lecture
systémique, propose le traitement des problèmes dans une dynamique interactionnelle et
constructiviste.

Nous verrons par l'utilisation de cette grille comment sortir d’une définition trop abstraite du
problème, qui mène le patient et le thérapeute dans un cul-de-sac ; que l’on peut aussi se tromper
de cible en s’attaquant au niveau de plainte explicite du problème.

Nous tenterons également de montrer que l'examen minutieux de la plainte dans l’interaction peut
amener un recadrage thérapeutique. Il peut également mobiliser le patient pour autre chose que la
difficulté sexuelle qui n’est pas nécessairement sa première préocupation. Il peut paradoxalement
en résulter des améliorations sur ce plan.

Le modèle cité se veut non normatif et exclut le jugement de valeur. Il a, par rapport à d'autres, la
particularité de travailler sur la définition et la résolution d'un problème en termes concrets,
écartant le plus possible les interprétations. Il explore la vision du monde de l'usager et utilise une
stratégie de changement basée sur l'arrêt des solutions envisagées et appliquées. Celles-ci étant
elles-mêmes responsables du maintien du problème.

1. L'Influence des croyances dans notre société sur le traitement des problèmes
sexuels

« Il est des choses qui relèvent du choix de vie des personnes qui peuvent amener à faire des
confusions entre croyances, choix et problèmes à traiter. »

Les croyances populaires en matière de sexualité imposent un véritable joug sur le traitement des
problèmes dits sexuels. Elles contribuent, lors d'une plainte de ce type, à limiter la marge de
manœuvre des couples et, par extension, celle du thérapeute. Il y a souvent à la base une
confusion entre position personnelle, basée sur sa propre vision du monde, et problème
susceptible d'être traité. Ainsi la diminution du désir devient-elle souvent, si pas
automatiquement, synonyme de problème sexuel.

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Le mot « problème » sera souvent évoqué au long de ce mémoire. Il sera remplacé par un
synonyme à la condition qu'il rende aussi bien le sens qui lui est communément attribué. « T'as un
problème » est devenu une expression d'usage tellement courant qu'elle est une alliée précieuse
dans les conflits pour qui veut croire qu'un problème est le fait d'une personne. Celle-ci aurait en
quelques sortes le pouvoir de faire abstraction de la relation qui le sous-tend. Pourtant, et c'est là
un premier paradoxe, on ne peut pas ne pas communiquer.

On ne peut donc pas plus ne pas influencer l'autre et on ne peut pas non plus ne pas être influencé.
On s'influence mutuellement même si on voulait, par quelque exercice de la volonté, s'extraire de
la relation. Il suffit pour s'en convaincre de se rappeler comment cela se passe lorsqu'on se trouve
seul devant un grand magasin, peu avant l'ouverture, quand apparaît une autre personne et puis
encore d'autres. Que l'on soit ou non importuné par ces présences (subitement concurrentes ?), il
est impossible de ne pas être influencé. On peut les regarder ou faire « comme si » elles
n'existaient pas. Dans les deux cas l'influence parle d'elle-même.

On parle aussi de qualité émergeante, comme la combinaison de l'hydrogène et de l'oxygène


donne l'eau (H20). Dans un couple, c'est le jeu des influences mutuelles qui crée une nouvelle
entité non réductible à ses composantes. Cela donne 1 + 1 = 3. Trois étant un élément distinct qui
est le résultat de l'interaction.

La « Révolution Sexuelle »

Mai 68 est communément admis comme le point de départ d'une révolution des mœurs,
notamment en matière sexuelle. Le célèbre slogan « il est interdit d'interdire » a probablement
donné le ton à toute une autre série de concepts. Comme par exemple, la « liberté sexuelle », avec
comme corollaire la recherche du plaisir (à tout prix ?) et de l'orgasme (obligatoire ?).

Le but de ce travail n'est évidemment pas de remettre en cause les bienfaits de la libération des
mœurs, qui a pu contribuer à libérer l'individu de certaines croyances érigées en tabous (la
masturbation ça rend sourd !). A la condition que ces nouvelles croyances ne viennent pas
empiéter sur la liberté des uns et des autres. Il se pourrait que l'introduction de nouvelles données
apportent à la vision du monde des individus de nouveaux avantages et de nouvelles difficultés.
Ces dernières seront le résultat d'une confusion de niveau d'abstraction qui, loin d’être nouvelle,
trouve un terreau fertile dans la transformation des mœurs.

« Godiamo ! » s'écrie dans le premier acte de la Traviata, de Giuseppe Verdi, l'entourage de


celle-ci en levant son verre avant de ... boire (signifie autant « jouissons » que
« réjouissons-nous »). Plus loin : « Si la vitta s'addoppia al gioir », ce qui signifie : « La vie est
faite pour se réjouir (s'amuser) ». Il y a probablement autant de façons de jouir que de personnes
capables de vivre l’émotion.

Une jeune patiente explique dan un cabinet de consultation qu'elle peut vivre un orgasme rien que
par la caresse de ses cheveux ou la caresse très douce de certaines parties de sa peau éloignées des
parties sexuelles, mais que cela ne satisfait pas son compagnon qui entend toujours s'y prendre à
sa manière et qui... échoue.

Nous verrons comment, loin d'être de mauvaise foi, cet homme est probablement pris dans une
confusion de niveau de logique, renforcée par les croyances populaires. Pour en sortir, il faut une
clef que tous les couples ne possèdent pas nécessairement au moment où surgit pour la première
fois une difficulté.

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2. La carte n'est pas le territoire

Cette phrase que l'on doit à Alfred Korzybski dans Science and Sanity, The International Non
Aristotelian Library, Conn 1933, fut reprise plus tard par Gregory Bateson, anthropologue et l'un
des célèbres co-fondateurs de l'Ecole de Palo Alto. Cela signifie entre autres que le mot utilisé
pour désigner quelque chose n'est pas ce qu'il désigne. Il est seulement une convention entre
humains pour désigner, pour nommer.

Il convient de faire la distinction entre ce qui est difficilement contestable : « ceci est un texte »,
et ce qui l'est d'avantage par l'effort qui est demandé au cerveau pour se figurer ce qui est dit, par
exemple l'amour, le bien-être, la bonté, la bienséance, le désir... Ces mots appartiennent à une
classe d'abstraction différente et sont bien plus susceptibles d'interprétations.

Il convient d'en tenir compte car la description d'un certain nombre d'états d'âme peut déclencher
le réflexe, au demeurant parfaitement humain, de ce que l'on pourrait appeler « remplir les
blancs ». Une exclamation du style « j'ai faim » peut déclencher des réactions en tous sens s'il
n'est pas demandé préalablement, au risque d'être tout à fait impuissant, « si » ou « comment » on
peut être utile à la personne qui s’est ainsi exprimée. La plupart du temps, en fonction des acquis
culturels, environnementaux, familiaux et des événements vécus, cela déclenchera des
comportements de réponse aussi divergents que :

- essayer de satisfaire la personne en lui présentant ce qui tombe sous la main


- faire comme si on n'avait rien entendu
- lui demander si elle a prévu quelque chose
- lui faire une remarque sur l'inadéquation des horaires qui obligent à attendre
- lui faire la réflexion qu'il n'est pas bon de rester le ventre vide
- se sentir coupable pour la personne en se plaignant de ne pouvoir rien donner
- lui dire qu'elle n'avait qu'à prévoir
- faire la réflexion que ce sont des choses qui arrivent
- être agressif vis à vis de la personne car on se sent personnellement remis en cause
- etcetera

On pourrait ainsi continuer la liste sans que l’on puisse connoter l'une de ces réponses comme
étant meilleure que les autres, puisqu'elles dépendent en grande partie de la vision du monde de
chacun.

En réalité comme on ne sait pas vraiment quel sens donner aux paroles incriminées, un réflexe
sera de « remplir les blancs », c'est-à-dire faire comme si on avait compris quelque chose là où il
n'y avait peut-être rien à comprendre. La meilleure définition en cette matière viendra
immanquablement de la personne qui a prononcé la phrase.

Pour lui donner satisfaction, il sera nécessaire pour le cerveau humain de s'adonner à un exercice
qui nécessite une opération mentale de passage d'une logique d'abstraction à une autre. Il s'agit en
gros de passer du niveau de contenu au niveau de la relation. Cet exercice permettra d'établir une
communication sur la communication. Par exemple : «vous me dites que vous avez faim, ai-je des
raisons de penser que vous me demandez quelque chose ? ». C'est ce que l'on appelle la méta
communication.

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Dans l'exemple cité plus haut, il semble avoir été fait appel à ce qui ferait plaisir ou ce qui serait
valable en général mais pas en particulier, car cela aurait nécessité cette gymnastique décrite ci-
avant. Ce qui s'applique à une logique de réponse en général (le peuple à faim, donnons-lui à
manger) peut devenir tout à fait inopérant lorsqu'il s'agit d'un individu. Cela se vérifie également
dans le traitement des difficultés à médiation sexuelle.

Ce qui relève du choix individuel et ce qui relève de la thérapie

«La confusion de niveau d'abstraction du langage peut amener un thérapeute à traiter une
demande qui ne nécessite pas d’ être traitée sur un plan thérapeutique.»

« Je n'ai pas envie de faire l'amour ». Cette phrase appartient à un niveau d'abstraction qui ne
devrait pas faire partie des choses que l'on traite en psychothérapie. En effet comment peut-on,
sans être un tantinet coercitif, traiter un « problème » de désir ? C'est même une aberration. A
moins de vivre dans une dictature, il est encore du droit de chacun d'avoir envie ou non de
quelque chose. Pourtant, comme nous le verrons plus loin à partir d'un exemple, cela se traite en
psychothérapie.

On peut penser que l'on se trouve ici devant un paradoxe du même type que vu précédemment. Le
fait de ne pas avoir envie, une fois ou pendant une période plus ou moins longue, fait-il d'une
femme quelqu'un de frigide simplement parce qu’il est généralement admis sur le plan social
qu'il est bon d’avoir envie et de pratiquer plus ou moins souvent la relation sexuelle ?

Une mère d'une cinquantaine d'années s'adressait en ces termes à sa fille : «Pour garder un
homme, il faut savoir être une pute au lit, un cordon bleu à la cuisine et une mère exemplaire pour
ses enfants » Elle qui, depuis des années, trouvait que faire l'amour n'était plus de son âge.

Il y a une analogie entre les disputes de couple et la manière dont ils se mettent d'accord pour faire
l'amour. Certains couples font une confusion entre le contenu de leur dispute et ce qui est en train
de se passer entre eux. C’est particulièrement vrai lorsque l’un des deux fait la leçon à l’autre :
« Je t’avais pourtant bien dit de faire attention ! ». Ceci n'implique pas forcément la volonté
délibérée d'influencer leur position respectives mais c’est pourtant ce qui se passe.

Lorsqu'il y a un différend à propos des relations sexuelles, il peut donc y avoir une confusion
entre le contenu et ce qui est en train de se passer entre les partenaires. Refuser une relation
sexuelle aura des conséquences qui sont relatives à la vision du monde de l'autre. Nous pourrions,
comme nous l'avons fait plus haut, imaginer des réponses possibles, mais toutes seraient fausses.
Ce qui peut rendre compte de l'interaction est dans les réponses données par les deux partenaires,
membres d'un groupe familial dans une société donnée, dans une situation donnée, à un moment
donné de leur existence et de l'existence du couple. La combinaison de leurs réactions sera
originale.

La conséquence de ce genre de conflit sera souvent que l'un des partenaires stigmatisera l’autre
pour son manque de compétence à le satisfaire, en s'appuyant sur un système de croyance
auto-validant de type « c’est pas normal ».

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Sortir de la confusion nécessite une capacité de métacommunication, c'est à dire celle de pouvoir
échanger sur ce que l'on est en train de dire et de faire, sur ce qui est en train de se produire.

4. Les prédictions auto-validantes

Faire l'économie de la réflexion qui précède ne pourra qu'amener à des conclusions paradoxales et
peut-être à des grands travaux inutiles, pour utiliser une analogie qui, bien qu'un peu passée de
mode, dit bien ce qu'elle veut dire. L'une des plus sérieuses et lourdes de conséquences pourrait
être de confirmer l'existence d'un problème là où il n'y en a pas.

Même si le thérapeute réagit de manière minimaliste, par exemple par un mmh, il pourrait être
co-responsable de ce que l'on pourrait appeler un prédiction auto-validante.

Cela a été le cas de cette dame, mariée depuis deux ans, qui ne supportait pas les relations
sexuelles avec son mari. Elle a consulté un psychothérapeute et, in fine, la famille lui a
recommandé d'aller trouver un sexologue. Après près de deux années de traitement, fait
d'exercices destinés à entraîner les muscles pelviens et son mental, elle s'est entendue taxer de «
mauvaise volonté » par le thérapeute.

Il va sans dire que lorsqu'elle s'est présentée dans un planning familial, faute de deniers à
consacrer à cette thérapie longue et coûteuse, elle était dans un état de dépression avancé. Elle
arrivait porteuse de nouvelles croyances sur son état, qui renforçaient celles déjà héritées de son
milieu familial. Ce qui, au départ, aurait pu être pris comme hypothèse de travail a été, par une
spécialiste, confirmé comme problème par le fait même qu'elle n'a pas remis en cause sa
définition. Cela se passe à un niveau implicite. L'hypothèse de la frigidité n'ayant été ni explorée
par le thérapeute, ni étayée par la patiente, 1’abstraction a gardé toute sa force et s'est par ce fait
même renforcée.

Il y a là danger de chronicisation à partir de ce qui aurait pu n’être seulement qu’une hypothèse.


En termes constructivistes, la prédiction auto-validante s'est construite sur plusieurs articulations,
dans une interaction :

1° Entre elle et son mari : il y a un premier échec, suivi d’une première réaction négative du
conjoint ; ils se mettent à réfléchir à propos des causes probables ; ils font donc exister le
problème. Ils font des essais infructueux. Elle en parle à sa gynécologue.

2° La gynécologue ne comprend pas : « ça » devrait marcher. L'épouse se sent découragée et


ramène le résultat à son époux. Celui-ci dit : « tu le vois bien, tu as un problème ». En termes
d'interaction, il est à noter que tout cela joue sur la position que l'un occupe vis à vis de l'autre et
crée une espèce de hiérarchie, une position de contrôle que nous croyons, involontaire.

3° Désespérée, elle s'ouvre à sa famille, dont le regard ne va rien arranger. Compatissants, il vont
l'envoyer chez un spécialiste sexologue. Ceci confirme implicitement qu’il y a un problème dont
elle seule est responsable

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4° La thérapeute retrousse ses manches :
- « quel est le problème ? ». « Mon mari est malheureux à cause de moi »
- « Mon frère m'a touchée quand j'étais petite. Maintenant je suis frigide. ».

Le tour est bouclé, on a un problème et une cause. Reste à travailler sur les causes, et ça va se
régler, quelques exercices aidant, quelques prises de conscience …Le hic c'est que ça ne marche
pas. Et pour cause, on a oublié un niveau de logique : l'interaction qui maintient le problème ici et
maintenant. Il s'agit de tout le processus qui a amené la patiente dans le cabinet de la thérapeute et
qui a une valeur de renforcement de la prédiction. Ce qui ne signifie pas que dans certains cas
d’abus sexuel il ne puisse pas y avoir un syndrôme post traumatique. Néanmoins on oublie un peu
trop souvent de prêter attention à l’interaction ici et maintenant qui maintient l’état traumatique.

Nous verrons dans la troisième partie comment on peut sortir de l'enfermement d'une définition
monolithique et abstraite du problème en le faisant définir minutieusement par le ou la patiente.
Le fait de dire à la patiente qu'elle est de mauvaise volonté confirme les hypothèses familiales :
elle ne fait pas ce qu'il faut pour satisfaire son mari.

Soit dit en passant, elle l’a quitté. Et dans sa nouvelle manière de voir les choses et d'échanger
avec son nouveau partenaire, elle est parfaitement compétente sexuellement. Les relations avec sa
famille d'origine se sont également améliorées. Nous avons actuellement plus d’un an de recul et
il n’y a pas eu d’autres plaintes à ce sujet.

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Deuxième partie : La position du thérapeute

l/ La difficulté qu'il y a à être soi même son propre observateur

a. La position du « spécialiste »

Comme on l'a vu précédemment, le thérapeute ou le médecin peut appuyer, aggraver ou figer les
choses en contribuant à faire exister, voire cautionner, un problème là où il n'y en a pas
nécessairement. Et cela en faisant lui-même une confusion de niveau de logique entre le contenu
rapporté par l’usager et la relation qui sous tend la difficulté énoncée. Il lui suffira pour cela d'être
simplement le témoin d'une phrase anodine du style : « Mon mari perd ses érections au moment
de l'intromission, je trouve qu'il est vraiment de mauvaise volonté, il ne fait pas d'effort pour moi,
ou encore, j'ai l'impression que c'est de ma faute ».

Notre propos nous amène à penser que ne pas relever ce qui est en train de se jouer devant soi,
alors que la plupart du temps le praticien est une personne importante pour le consu1tant,
équivaut à complexifier les choses par le simple adage : « qui ne dit mot consent ».

La présence de la personne dont on se plaint aggrave encore plus les choses pour cette dernière et
pour le couple. Elle peut avoir subi cette attaque en règle depuis longtemps. Cette accusation
d'incompétence peut avoir pour conséquence un état dépressif chronique. Bien des gens font ainsi
le tour des thérapeutes et des médecins qui, sans s'en rendre compte, entretiennent cette erreur de
niveau de logique.

b. L'inconscient a-t-il ses raisons ... ?

Petit détour sur un autre aspect de la position du thérapeute. Celui-ci est confronté à des réalités
qui, s'il n'en tient pas compte, peuvent influencer sa manière de travailler. Il s'agit entre autres,
d’impératifs d’ordre économique. « Un thérapeute qui a faim peut être un thérapeute dangereux »,
déclarait un jour sur un ton humoristique un praticien de la thérapie brève. Tout en étant une
déclaration d'intentions non vérifiées, elle n'en mérite pas moins d'être examinée à la lumière des
théories émises ci-dessus à propos des confusions de niveaux de logique.

Le but du travail social n'est-il pas de faire disparaître la fonction ? Bien sûr cette assertion est
utopique. Néanmoins lorsque l'on crée une fonction, il est tentant de trouver les arguments pour la
faire durer, par peur de ne plus en avoir. En effet les thérapeutes ont à peu près tous besoin de

gagner leur vie. Ne sommes-nous pas tous des humains ? La question est de savoir si, en
travaillant trop dans son coin, on ne peut pas être plus facilement pris dans ladite confusion. Cette
question mérite donc d'être posée de temps en temps, sans indulgence, dans un lieu de
confrontation qui, sans être maltraitant, peut induire une réflexion suffisamment bonne pour faire
avancer les choses. Ceci de manière à éviter le plus possible d'entraîner les consultants dans des
voies sans issues.

c. Le mode de communication analogique : le non verbal, les métaphores, les


similitudes

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Un autre élément de la réalité difficile à observer soi-même est d'être, sans s’en rendre compte,
pris de manière subtile dans ce que le patient amène, et participer, comme lui, à des efforts à un
niveau inopérant. En Thérapie Brève, on parle de participer aux tentatives de solutions mises en
place. Ceci peut arriver lorsqu'une personne a peur. Cela se passe à un niveau de communication
non verbale. Elle enverra des signaux dont le but est d'éloigner le thérapeute de l'objet de sa peur.
Exemples de peurs pouvant engendrer ces signaux :

- la peur d'être anormal


- la peur d'échouer
- la peur de l'éclatement du couple
- la peur de l'acte sexuel
- la peur de décevoir
- etcetera

Là aussi, on peut travailler sur un pseudo problème et dans une confusion de logique dans laquelle
sont impliqués le mode de communication analogique et le mode digital (non verbal et verbal).

Combien de fois ne s'entend-on pas dire qu'à part la sexualité, tout va très bien ? Comme dans la
chanson : « Tout va très bien, Madame la Marquise ». Ceci témoigne de la peur de s'attaquer à la
mésentente, de la crainte que cela ne remette en cause le couple. On peut déjà imaginer que l'on
pourrait mobiliser la personne par rapport à ses peurs, avant de s'orienter vers quoi que ce soit
d'autre.

B/ L'influence de l'éthique de travail sur le déroulement de la thérapie

Les thérapeutes ont une éthique de travail qui est elle même fonction de 1’école à laquelle ils
appartiennent, mais tous ne s'accordent pas sur ce que devrait être l'issue de la thérapie ... du
moins en termes concrets. En d'autres mots, tout ce qui a été dit précédemment n'a de sens que si
le praticien cherche avec le patient une solution concrète à un problème concret.

Une dynamique thérapeutique ayant pour but la recherche du pourquoi, avec éventuellement un
changement x non déterminé, n’aura peut-être pas à s'encombrer d'une telle démarche. Les
présupposés ainsi que les résultats seront basés sur d'autres attentes. Les résultats obtenus ne le
seront pas nécessairement par la recherche concrète de changement par rapport à un but précis.
Ceci est dit sans connotation de jugement.

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Troisième partie : Le Traitement des problèmes sexuels par la Thérapie Brève

1/ Le problème est la solution :

« Un problème commence à exister quand une ou plusieurs personnes le vivent comme tel ou se
mettent à nommer son existence, à faire des efforts pour le faire disparaître (donc pour le faire
exister). »

Bien entendu la vie est pleine d'obstacles que le bon sens nous amène à dépasser simplement par
l'application d'une remèdiation logique. Il arrive que palier à un problème par le bon sens soit
inopérant. C’est à ce moment que l'on parle de tentatives de solutions inopérantes qui, plutôt que
de régler la situation, tendent à la maintenir voire l'aggraver. Afin d'illustrer notre propos, nous
émaillerons le texte d’exemples concrets.

Le premier concerne un homme d'une quarantaine d'années qui était persuadé que sa femme
l'avait quitté parce qu'il était éjaculateur précoce. Il croyait qu'il s'agissait d'une maladie et qu'un
traitement approprié allait pouvoir l'aider à reconquérir sa femme par l'apprentissage du
contrôle. Leur vie conjugale durait depuis 17 ans. Pendant 17 ans, il a fait des efforts pour se
contrôler. Inutile de préciser qu'il a toujours échoué.

L'éjaculation précoce est un exemple type des tentatives de solutions inopérantes qui, loin de
régler la difficulté, tend à la compliquer puisque l'on assiste parfois à l'apparition d'une
impuissance dite secondaire.

Pour en revenir au titre de ce chapitre, nous ferons l’analogie suivante. Si le problème est la
solution, celle-ci semble être le contrôle exercé par le consultant. Sa demande sera : « aidez-moi à
contrôler mon éjaculation ». Dans ce cas, les tentatives de solutions, c’est à dire le contrôle,
renforcent le problème. Et si tel est le problème, la difficulté consistera à questionner l'usager sans
le maltraiter. On le maltraiterait en niant sa vision des choses, qui fait appel au bon sens
populaire. Il s’agira dès lors d’élaborer ensemble une autre construction du problème qui puisse,
cette fois, trouver une solution.

Bien que Masters et Johnson aient énormément travaillé sur l'élaboration de techniques de
contrôle on considérera, en thérapie brève, que, dans bien des cas, il s'agit là de tentatives de
solution qui maintiennent le problème. Rappelons-nous que l'éjaculation, et de manière plus
générale l'orgasme, sont commandés par le système nerveux autonome.

Pour poursuivre l’exemple cité ci-dessus, c'était un homme qui, dans sa vision du monde, était
soucieux de tout contrôler dans la vie conjugale : il ramenait l'argent du ménage, s'occupait du
bien-être de sa femme sous tous les angles, par exemple en l'installant dans une société qu'il a
créée alors qu’elle semblait s'ennuyer. Dès qu’elle émettait le moindre mécontentement ou
tristesse ou inconfort, il mettait tout en branle pour qu’elle soit satisfaite.

Autre exemple, lorsqu’elle en eut marre de la vie de femme d'intérieur, il créa une société afin
qu'elle puisse en devenir la gérante. Ce qui, au bout d'un certain temps, finit par la lasser.

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Il avait par ailleurs toujours les meilleures initiatives concernant leur fille. Il n’y avait aucune
malveillance dans ses initiatives, mais celles-ci privaient, en grande partie, sa femme d'en avoir.
Il croyait bien faire.

Tout changement impliquant une modification dans cette dynamique eut pour conséquence de
l'angoisser. Ce qui fut évidemment le cas quand sa femme le quitta. L'angoisse augmentant son
besoin de contrôle, il eut le désir d'entreprendre une thérapie sexologique, pour apprendre à
maîtriser cette éjaculation rebelle. Il convient de noter qu’il ramena dans le cabinet de
consultation son angoisse de contrôle. Ce qui impliqua une difficulté de recadrage de ce qui
précisément l’amenait à consulter.

2. Ce sont les tentatives de solutions qui maintiennent le problème

Ce qui se joue dans l’éjaculation précoce, c’est la tentative de contrôle qui se répète et se répète
sans cesse, et renforce le problème. Ce qui peut même aller, dans certains cas, jusqu’à provoquer
une impuissance dite secondaire. Mais ce n’est pas parce que l’on va demander à la personne de
s’arrêter de se contrôler, qu’elle va y arriver, car cela équivaudrait à tenter de contrôler son besoin
de contrôle. On dit alors que le thérapeute participe aux tentatives de solutions, donc au problème.
Il y a risque de renforcement.

Néanmoins, et pour en revenir à notre propos, le problème devient un problème lorsqu’une ou


plusieurs personnes le connotent comme tel explicitement et implicitement et adoptent un
comportement qui est censé y remédier. L ‘exercice de la sexualité supporte mal le contrôle. En
d’autres termes cela ne sert à rien sauf à déprimer la personne qui semble ne pas adopter le
comportement de réponse adéquat.

Une partenaire peut par exemple, parce qu’elle se sent responsable, participer aux tentatives de
contrôle en disant : « ne t’en fais pas, c’est passager, tu vas sûrement y arriver ! ». On voit poindre
là ce que l’on appelle les présupposés, c’est à dire, ce qui est impliqué dans la réponse, sans que
cela ne soit dit. Dans ce cas-ci, le présupposé sera probablement que le partenaire a besoin d’être
rassuré.

Il y a également des niveaux implicites beaucoup plus subtiles. Par exemple, dans le cas du
malaise que vit l’épouse dont l’homme vient de vivre un échec d’éjaculation. Celle-ci peut lui
faire passer implicitement l’idée qu’elle est insécurisée par son échec. Qu’elle craint d’en être
responsable, et que la seule chose qui puisse la rassurer, c’est que cela fonctionne la prochaine
fois tout en affirmant le contraire.

C’est ce que l’on appelle un double lien. Il y a simultanément deux messages qui sont émis : l’un
sur un plan digital ( ce qui est dit verbalement ), l’autre sur un mode analogique ( ce qui est dit sur
un plan non-verbal ). Il est impossible de s’accorder avec l’un des deux sans disqualifier l’autre. Il
en résulte, en l’absence d’une possibilité de méta-communiquer une neutralisation des réponses.
Une tentative de méta- communiquer serait de dire : « je suis mal à l’aise vis à vis de ce que tu
me dis et ce que tu me montres en même temps » .

Inutile de rajouter que les personnes qui vivent pour première fois une difficulté sexuelle qui a un
aspect incompréhensible ont du mal à méta-communiquer. Il ont plutôt tendance à se laisser

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enfermer dans un raisonnement de type rationnel. Mais sans aller jusqu’à aller jusqu’au double
lien il reste pour l’auteur du manquement sexuel un implicite qui peut être : « j’ai besoin d’aide,
donc je ne suis pas à la hauteur ». « Il faut absolument que je me rattrape ». Il peut aussi avoir
l’impression qu’il faut absolument rassurer sa compagne. Dans ce cas, le moteur le fantasme de
séparation.

Tout cela va influencer les positions mutuelles. Ainsi le partenaire peut devenir le pauvre garçon
qui a un problème et pour lequel le couple doit faire des efforts afin d’y remédier. La prochaine
tentative de solution sera d’aller voir un spécialiste de la question. Voyons si elle s’avère
opérante !

Dans la situation décrite ci-avant, l’éjaculation précoce de cet homme est vécue comme une
faute. Pas de discussion là-dessus. Le thérapeute ne peut qu'acquiescer, en attendant une
meilleure stratégie. Cette opportunité ne viendra que plus tard. Le patient va vivre une période de
déprime consécutive à la perte de son épouse, pendant laquelle la seule chose qu’il aura à faire
sera de laisser faire le temps.

L'occasion de traiter son problème ne se présentera que plusieurs mois plus tard, à l'occasion
d'une rencontre avec une autre femme. Il répètera avec elle le même comportement protecteur
que vis à vis de son épouse. D'emblée, il voulut l'inviter au restaurant, lui offrir des fleurs, la
couvrir de cadeaux, prévoir les activités pour qu'elle se sente bien. Jusqu'au moment où il voudra
l'embrasser. Là, la personne lui dira non, qu'elle se sent envahie et qu'elle ne sait pas si elle a
envie d'une relation de ce genre. Elle l'envoie sur les roses. Elle le trouve empressé, étouffant.
Elle le traite même de «baiseur».

3. La thérapie Brève est aussi appelée Thérapie Stratégique

Après une bonne définition du problème, il s'agit d'établir avec le patient une stratégie qui soit
acceptable pour lui. On dit qu'il s'agit pour le thérapeute de la vendre au patient. Parfois, la
définition en termes concrets et précis est suffisante car elle permet à la personne de comprendre
ce à quoi elle « jouait ». C'est à dire comment elle s'y prenait pour que cela devienne un problème
insoluble. Parfois aussi le problème disparaît après sa mise au point, sans que la personne ne se
l'explique. Le thérapeute non plus d'ailleurs. Ceci sera connoté la plupart du temps comme étant
une amélioration passagère.

Une stratégie très usitée est la prescription du symptôme. Elle s’avère très efficace dans le
traitement des problèmes de peur, qu'elle soit liée à la sexualité ou non. Les personnes prises dans
des problèmes de ce type ont un comportement d'évitement. En ce compris la peur d’avoir peur. Il
s'agit alors d'amener la personne à se comporter à 180° du comportement indésirable, puisque ce
dernier est la tentative de solution qui maintient le problème.

Eviter d'avoir peur maintient la peur et relance constamment, sur le plan physiologique, le cycle
de l'adrénaline. Pousser l’individu à accepter de vivre sa peur empêche non seulement le caractère
spontané de celle-ci, mais l'entraîne encore dans un paradoxe de type « sois spontané ». Ce qui, en
soi, est impossible.

Pour amener les gens à accepter un demi-tour à 180°, on a également recours au recadrage. Celui-

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ci rend inopérantes les tentatives de solution. Une manière parmi d’autres est de raconter une
histoire qui va influencer l’interprêtation de la réalité comme par exemple ce conte raconté à une
patiente conditionnée par son éducation à accepter tout ce qu’on lui demandait sans discuter. Le
titre du conte : histoire à dormir debout !

Cela raconte en gros l’histoire d’une petite fille dont la « culture » familiale lui a appris a nier la
réalité de ce qu’elle vivait. Le jour était défini comme la nuit, la gentillesse comme la
méchanceté, la joie comme de la tristesse… etc. Il s’agit de permettre à une personne non pas de
se changer mais bien de changer son point de vue. Quel surprise en effet pour quelqu’un qui tente
de se défaire d’un problème de constater qu’il procure une position qu’il serait dommageable de
perdre.

C’est ainsi qu’un couple qui consultait pour un problème de différence de libido vit le point de
vue du mari changer en l’espace d’une séance. Il se plaignait amèrement du manque de désir de sa
femme. Il considérait sa position avait quelque chose de « supérieur ». Il avait des besoins liés à
sa nature d’homme ayant une sexualité plus exigeante que celle de la femme. Ceci était d’ailleurs
confirmé par son épouse qui prenait un air très malheureux.

Nous leur confiâmes que nous avions entendu dire qu’il y avait des femmes qui pensaient en fait
que les hommes étaient de grands enfants et que la sexualité faisait partie de leurs « jeux ».
Qu’elle les voyaient un peu comme « les pauvres petits » qui ne peuvent pas s’en passer. La dame
se mit à rougir et admit que c’est ce qu’elle pensait.

Ce recadrage a littéralement abasourdi l’époux qui n’en croyait pas ses oreilles. En fait il
s’appuyait sur sa croyance initiale pour avoir des relations sexuelles extra-conjugales. Cela lui a
fait reconsidérer sa position.

Finalement, voici comment a évolué la situation. Avec cet homme, nous avons défini son
problème comme étant le suivant : comme il avait peur de ne pas pouvoir se contrôler au moment
des relations sexuelles, il se montrait un bon partenaire à autre niveau de la relation. Il assurait
donc un contrôle sur tout ce qui n'était pas de l'ordre de la sexualité, par crainte de perdre sa
partenaire. Et il restait avec l’impression diffuse de ne pas en avoir fait suffisamment.

Il fallut donc mettre au point une stratégie qui lui ferait arrêter totalement les tentatives de
solution. Celles-ci consistaient à prendre toutes les initiatives qui pourraient satisfaire l'élue de
son cœur. Il ne fut pas trop difficile de lui « vendre » la tâche qu'il aurait à accomplir. Il aurait à
assurer son contrôle d'une autre manière qu’habituellement.

Après avoir étudié avec lui un but minimal - que la partenaire accepte encore de sortir avec lui –
il eut pour tâche de stopper toute initiative qu’elle n’aurait pas sollicitée. Ceci requérait bien
entendu beaucoup de contrôle. La chose était d’autant plus compliquée qu’il devait accepter la
tâche sans en connaître le contenu (donc perdre le contrôle). Ce qu’il accepta non pas sans mal.
Mais il était motivé.

Dans un premier temps la partenaire fut un peu étonnée par son silence. C'est du moins ce qu'elle
lui dit à l'occasion d'un appel téléphonique qu’elle initia. Le patient suivit la tache à la lettre
encouragé par l’appel téléphonique. Ensuite elle prit toutes les initiatives qui suivirent. Elle
commença par lui proposer une séance de cinéma. Ce qu’il accepta. Elle lui proposa

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ainsi bien des choses dans lesquelles il trouva une part d’initiatives autorisées… jusqu'aux
relations sexuelles.

Pendant celles-ci le patient n’eut aucun besoin de contrôle et ne connut aucun problème
d'éjaculation précoce. Sa partenaire lui confia qu'elle n'avait jamais connu de plaisir sexuel aussi
intense avec quelqu'un d'autre.

Ce fut pour lui l'occasion de découvrir des plaisirs variés qu'il n'avait jamais connus auparavant,
puisqu'il passait son temps à contrôler. Lors de la dernière séance il vint relater ce qui s’était
passé. Il dit qu’il était le plus heureux des hommes mais ne comprenait pas pourquoi il n’avait
plus eu de difficulté à différer l’éjaculation. Qu’en plus cela pouvait durer vraiment longtemps
mais qu’à ses yeux ça avait perdu de son importance.

Plusieurs années plus tard, à l'occasion d'un échange téléphonique, il nous confia qu'il n'avait
plus connu le moindre problème de ce type.

4. Les jeux à somme nulle

Un des principes majeurs de la thérapie brève est celui des jeux à somme nulle. « Vous gagnez, je
gagne. Vous perdez, je perds ». C’est un peu ce que le couple cité ci-dessus a vécu. La dame
n’avait jamais été très heureuse en amour ni dans sa sexualité. Le fait que cet homme ait pu
changer son comportement a contribué non seulement à améliorer sa satisfaction par rapport à lui-
même, mais a permis que sa partenaire l’améliore également. Elle avait en effet une impression
d’échec vis à vis de la gent masculine qui lui avait toujours donné l’impression de ne penser qu’à
« ça ».

Entre le thérapeute et le consultant se joue aussi un jeu à somme nulle : « si vous avancez,
j’avance et si vous reculez, je recule. Et cela n’est pas très grave dans la mesure où cela
correspond à ce que vous désirez ou pouvez faire pour le moment. »
Il n’y a jamais de connotation négative à choisir un statu-quo, que ce soit de manière implicite ou
explicite. Il s’agit parfois tout simplement de respecter le rythme de tout un chacun.

5. De quoi parle-t-on ? La définition du problème

En Thérapie Brève, la définition représente probablement l'une des parties les plus importantes du
travail. On peut consacrer 90 % des entretiens à définir le problème et 10 % du temps à la mise au
point d'une stratégie avec le client. Le travail de définition, par ses recadrages, a déjà une fonction
de résolution. Il a aussi pour fonction de mettre de l'ordre dans les idées parfois embrouillées des
consultants.

La description précise du problème se fait avec des mots simples et concrets. Souvent les usagers
viennent avec des définitions monolithiques de type médical sur lesquelles chacun s’accorde. Il
s'agit alors de demander à la personne de quoi elle parle, elle, et pas « tout le monde ». Qu'entend-
elle par « éjaculation précoce », « dyspareunie », « vaginisme », « frigidité » ou encore «
impuissance » ? Quand et dans quelles circonstances le problème apparaît-il ? Quelle est la durée
en termes concrets ? Y a-t-il eu des exceptions ? Quand cela allait-il bien ? Quelles ont été les
réactions du partenaire, de l'entourage ? A qui en a-t-elle parlé ? Qu’a-t-elle déjà tenté ?

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Le deuxième exemple illustre en quoi la définition du problème est primordiale pour l’issue de la
thérapie. Il concerne une dame d'une trentaine d'années qui était envoyée par son mari pour «
frigidité ». Elle avait, sur l’insistance de ce dernier, questionné sa gynécologue qui avait jugé
que c’était « psy » et qu'il lui fallait une psychothérapie. Son mari et elle optèrent pour une
psychanalyse.

Après quelque mois, l'époux ne voyant toujours rien venir, il lui demanda de consulter dans un
planning familial pratiquant la sexologie. Elle fut très étonnée lorsque nous lui
avons demandé d'expliquer ce qu'elle entendait par « frigidité ». Sa première réaction fut de dire
que nous devions bien le savoir. La question lui fut réitérée, arguant du fait qu'il serait
intéressant de savoir comment se présentait « sa » frigidité. Elle répondit qu'elle n'avait jamais
envie de faire l'amour. Voici la suite de l'entretien :

Th : - si j'ai bien compris, vous n'avez jamais envie de faire l'amour. Faut-il penser que puisque
votre mari vous envoie, c’est parce que vous refusez les relations sexuelles ?
P : - Non, je ne les refuse pas systématiquement, mais je n'en ai pas envie...
Th : - Et donc vous avez des relations sexuelles sans en avoir envie et sans plaisir ? P : - Si, il
m'arrive même d'avoir un orgasme. Mais après, je ne suis pas contente.
Je ne me sens pas bien. Souvent, le week-end, il insiste tellement que je finis par accepter, mais
je suis souvent dégoûtée après, même si j'ai joui.

Et ainsi de suite, jusqu'à découvrir qu'elle a déjà connu un désir pour un autre homme et qu’en
définitive, sa sexualité se porte ni mieux ni moins bien que celle d’une autre femme.

Il va s'avérer que cette personne a surtout une difficulté à dire non dans un système familial (en ce
compris les parents du mari) dans lequel elle a du mal à s'opposer. Il y avait une somme
ahurissante de choses, en dehors de la sphère sexuelle, qu’elle acceptait de faire depuis le début
de leur union. Elle était, au moment de la consultation, au bord de la dépression. L’examen de sa
plainte l’a conduite dans une crise de larmes qui a mis en lumière que le problème sexuel était
encore une chose de plus qu’elle avait accepté d’endosser.

Dans cette situation, la description du problème a une valeur de recadrage implicite évident. En
effet, au fur et à mesure du questionnement, la patiente va se rendre compte qu'elle n'est pas
frigide, mais bien qu'elle a du mal à dire non à ce qui lui est demandé alors qu’elle n’en a pas
envie. A la question de savoir pourquoi elle acceptait des relations sexuelles lorsqu’elle n’en avait
pas envie, elle répondit qu’elle ne pouvait pas refuser cela . Elle se rendra compte plus tard que la
sexualité n'etait qu'un des aspects de sa vie conjugale et familiale dans lesquels elle éprouvait
cette difficulté.

6.Le problème se situe dans une interaction

Comme il a été décrit dans la première partie de ce travail, il est courant que des patients
s'accusent d'être responsables du problème alors que celui-ci se situe dans une interaction qui
aboutit à des tentatives de solutions. Tenter de les faire changer d'avis peut créer des résistances et
risque fort d’être infructueux. Ceci n'empêche nullement de s'enquérir des échanges en terme de «
qui fait quoi à qui ».

Il est en effet primordial d'obtenir une ou des séquences interactionnelles dans lesquelles s'est

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produite la difficulté. Le questionnement ne peut pas ressembler de près ou de loin à un
interrogatoire. La personne se situe toujours dans une relation à deux, dans laquelle le thérapeute
doit s'inclure pour éviter d'être pris dans les tentatives de solutions. Dans le cas décrit ci-avant, il
faut tenir compte du fait que cette personne a du mal à dire non, et éventuellement utiliser cela
comme levier de changement. Ne serait-ce que par l'humour.

C’est à la dame nommée ci-dessus que s’adressait le « conte à dormir debout » dont il a été
question plus avant dans ce travail, et qui fut le moteur d’un changement radical. En l’espace
d’une quinzaine de jours, la dame a remis de l’ordre dans toute une série de contraintes qu’elle
subissait, notamment en matière financière. Gagnant plus que son mari, elle remboursait des
travaux faits dans la maison qu’elle occupait avec lui. La maison appartenait à ses beaux-parents
et elle était mariée par contrat de séparation de biens. Elle ne recevait aucune compensation ni
reconnaissance de cet état de choses. Il serait trop long d’énumérer les éléments qu’elle a remis
en question. Les tentatives de solutions allaient dans le sens d’en faire ou de laisser faire de plus
en plus pour obtenir la reconnaissance ou l’affection de son entourage. Son patron aussi abusait
largement de la situation, non pas sur un plan sexuel, mais bien professionnel.

7. Etre client pour un changement

Dans le modèle de la Thérapie Brève – également appelée Thérapie Stratégique - on utilise ce que
l'on nomme la « grille de lecture de Palo Alto ». Elle comporte un point qui concerne le degré de
mobilisation de la personne par rapport à sa plainte.

Dans le jargon TB, le thérapeute se demande si la personne est « cliente » pour un changement et
quelle en sera la nature. Ce n'est pas parce qu'on a une difficulté dans la sphère sexuelle qu'on sera
nécessairement demandeur d'un changement par rapport à celle-ci. Peut-être pourra-t-on, par
contre, se mobiliser par rapport à une autre difficulté.

Par exemple, une femme harcelée par son mari qui se plaint qu'elle n'ait pas assez de désir ou de
fantaisie pourrait très bien ne pas être « mobilisable » pour cette question. En revanche, elle
pourrait l’être pour trouver la paix, pour faire cesser le harcèlement ou pour ne pas le perdre.

Il arrive même parfois qu’un problème commence à être défini et que le client fasse une marche
arrière par rapport à sa résolution. Il se peut que la démarche soit trop difficile pour le moment. Il
ne faut pas exclure cependant que le thérapeute peut être trop préoccupé lui-même par la difficulté
et que sans s’en rendre compte il se mobilise trop personnellement, empêchant le client de s’
occuper de sa propre difficulté.

Parfois aussi l’usager met des barrières en rapport avec la peur du changement. Il convient alors
de s’en occuper avant toute chose.
Le thérapeute se posera quelques questions par rapport à la mobilisation du consultant :

1/ La personne qui consulte est-elle la personne la plus concernée par la difficulté ?


2/ Est-elle celle qui en souffre le plus ?

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3/ A-t-elle déjà tenté de multiples choses pour modifier la situation ?
4/ Est-elle prête à faire quelque chose pour que ça change ?
5/ Pense-t-elle que le thérapeute soit la personne qui pourra faire quelque chose pour l'aider ?

La thérapie s'inscrivant dans une interaction dont le thérapeute fait partie, celui-ci influencera
nécessairement le fait que le patient soit « client » ou pas pour un changement, le fait qu'il le
deviendra ou non. Il peut être un obstacle ou un facilitateur.

L'exemple qui suit illustre comment le thérapeute peut être pris dans une interaction qui lui fait
perdre toute marge de manœuvre. Il montre aussi que le cheminement qui fait aboutir les patients
dans nos cabinets de consultation s’inscrit dans une interaction dont il convient également de tenir
compte. Il s’agit donc, dès les premiers contacts, d’être attentif à la manière dont les gens
viennent nous trouver afin d’éviter l’impasse. Mieux vaut éviter certains écueils. L’exemple
montre aussi qu’il est possible de retrouver une marge de manœuvre. C’est de nos erreurs que
nous avons peut-être le plus à apprendre !

Il s'agit de l'une des premières personnes qu'il nous a été donné de traiter par l'hypnose. La
demande émanait du médecin traitant du couple. L'hypothèse de ce médecin reposait sur le fait
que si l'une de ses patientes revivait sous hypnose l'attouchement sexuel qu'elle avait vécu vers
l'âge de 4 ou 5 ans, elle se découvrirait une libido plus orientée vers le plaisir sexuel. En d'autres
termes, elle accepterait un peu plus souvent les avances de son mari.

Pris dans une logique médicale, le manque d’expérience aidant, nous avons pensé que le médecin
avait sûrement de bonnes raisons de demander cela. Nous avons donc tout logiquement pratiqué
la séance demandée. C'est probablement à la suite de cette expérience qu’il nous est apparu qu'il
est vain de vouloir agir sans avoir bien déterminé au préalable ce qui pose problème ici et
maintenant. Sans vouloir minimiser notre méprise, l'aura du médecin, ainsi que le manque
d'expérience furent de nature à nous faire oublier que nous n'avions pas à rentrer dans sa
demande. Il y avait aussi tout l’enthousiasme à utiliser un outil performant : l’hypnose.

Après l'hypnose et la reviviscence de l'événement, la dame eut en effet un moment « d'euphorie


sexuelle » ( selon son expression ). Lorsqu’elle revient à la consultation elle nous confia que
pendant quinze jours elle n’avait eu aucune difficulté à accepter les avances de son mari. Depuis
quelques jours, elle se plaignant à nouveau de ses assauts, auxquels elle n’avait aucune envie de
répondre. Elle sentait qu’elle était à nouveau en train de se bloquer. C'est à ce moment-là, avec
le peu de bagages que nous possédions en matière de Thérapie Brève, que nous décidâmes de
changer notre fusil d'épaule.

Après avoir fait des excuses à la personne concernée et eu une explication avec le médecin, nous
lui avons proposé de poser le problème autrement, arguant du fait qu’en voulant aller trop vite,
nous avions fait une erreur quelque part.
Nous lui avons donc proposé, avec son accord, de la voir avec son mari. La dame fut plutôt
heureuse de cette initiative.

Il est apparu très rapidement que les voir à deux posait le problème de la pression que ce dernier
exerçait sur son épouse. Il leur fut alors proposé de les voir séparément, afin de permettre à
chacun de s’exprimer sur leur vision propre des choses. .

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Voici le cadre qui leur fut proposé : le fait de les voir séparément ne devait pas être l'occasion de
nous confier des secrets auxquels nous serions liés. Nous leur demandions de ne ramener en
entretien que ce qui pourrait être utile à l’avancement de la thérapie. Et tout ce qui serait évoqué
pourrait être utilisé pour faire avancer les choses.

Chacun eut une plainte différente. L'épouse se mobilisa pour trouver une paix qu'elle n'avait
jamais connue durant leur union qui durait depuis treize ans. Depuis qu'il avait quitté sa
précédente épouse, l’époux n'avait jamais cessé de la harceler sur le plan sexuel. En fait, il
estimait qu'un homme a des besoins supérieurs à ceux de la femme et qu’une bonne partenaire
doit comprendre cela.

Elle expliquait que, quotidiennement, dès son retour du boulot, il se mettait à la caresser, à la
toucher un peu partout, ce dont elle avait du mal à se défendre. Cela finissait par l’exaspérer et
se terminait inlassablement par de violentes disputes. Elle disait en avoir plus qu’assez.

Le problème qui tracassait le mari fut d'obtenir plus de relations sexuelles, et dans de meilleures
conditions. Etant donné leurs disputes, les relations sexuelles se faisaient de plus en plus rares. Il
se rendait vaguement compte que son comportement exaspérait sa femme, mais il ne faisait pas
vraiment le lien entre le malaise de celle-ci et son absence de désir de plus en plus prononcée. En
fait, il analysait les choses en termes de normalité/anormalité.

La mobilisation de l’épouse fut relativement aisée car elle était saturée de son harcèlement . Elle
se rendit compte très rapidement qu'elle montrait une incohérence. Son ras-le-bol ne collait pas
avec son attitude indécise au moment des débordements du conjoint. Elle avait du mal à
simplement le remettre à sa place, ce qui montrait des intentions un peu ambivalentes. Elle
finissait par s’énerver car son mari ne la comprenait pas.

Il lui fut aisé d'accepter la tâche qui consistait à observer ce qui l’empêchait d’être plus ferme
avec lui et de mettre fin à son comportement dérangeant. En fait elle avait peur de le perdre si
elle refusait ses avances. Il fallut donc accorder une réflexion à ses peurs lié a un fantasme de
séparation. Néanmoins son exaspération était telle qu’elle commençait à s’y préparer dans si les
choses ne changeaient pas.
Nous nous sommes mis d’accord sur un but minimal à atteindre qui était de pouvoir vivre une
soirée sans être harcelée. Elle accepta l’idée de refuser toute relation sexuelle qui ne serait pas
initiée par elle.

Pour ce dernier, trouver le problème pour lequel il serait prêt à se mobiliser fut un peu plus
difficile. Son besoin compulsif de faire l'amour était en fait en lien avec une anxiété interne très
importante. Celle-ci le poussait, outre à faire pression sur sa conjointe, à se masturber toutes les
nuits à heure fixe, et ce depuis très longtemps. C'était devenu une habitude. Cette activité permet
en effet à l’organisme de produire des endorphines, qui sont un anti-dépresseur naturel.

Cet homme s’est mobilisé non plus pour un problème sexuel, mais bien pour une anxiété
chronique qui durait depuis bien longtemps. Ses tentatives de solutions inopérantes étaient la
masturbation, ainsi que le harcèlement qu’il faisait subir à sa femme. Le résultat était qu’elle
s’éloignait de plus en plus.

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Il accepta la tâche qui consistait à ne plus la pratiquer la masturbation pendant une période d’un
mois. Il ne tint que dix jours. Cependant, la période fut suffisamment longue pour lui permettre
d’apprécier la différence. Il avait trouvé un calme auquel il ne s’était pas attendu. Le changement
minimum qu’il voulu atteindre fut que sa femme vienne un jour lui faire une caresse elle-même. A
la première séance il avait décrété que c’était une chose tout à fait impossible.

La thérapie dura 9 mois, à raison d'une séance par mois. Le couple découvrit une sexualité
beaucoup plus étalée dans le temps, donc moins fréquente. Lorsque l'épouse vint pour la première
fois solliciter son mari, celui-ci se drapa dans sa dignité et refusa tout net. Ce qui, non seulement,
choqua l'épouse, mais vint également confirmer les désavantages éventuels du changement.

Peu après la dernière séance, le mari nous envoya une lettre dans laquelle il exprima le confort
qu’il avait trouvé vis à vis de l’anxiété, mais aussi vis à vis de son épouse. Il n’avait plus cette
impression d’être l’emmerdeur, ou cet être inférieur un peu vicieux qui ne sait pas se passer de
faire l’amour et ne pense qu’à ça (chose qu’il n’avait pas osé dire au début de la thérapie).

Pendant toute la durée de leur union, il avait subi une éjaculation précoce dont ni lui, ni sa
femme, n'avaient jamais fait mention pendant les séances. Lors du premier rapport sexuel initié
par l’épouse, cela avait disparu. Le détail qui semblait important au mari était le fait que c’était
la première fois qu’il avait eu l’impression de transpirer pendant leurs ébats.

8. La notion de « minimal change » en thérapie brève

Une question qui peut éclairer cette notion au sein d’une thérapie peut être dans le style de ce qui
suit : - « à quoi verrez-vous que les choses vont dansle bon sens ? ». Si le problème d’une dame
est son incapacité à mettre des limites aux exigeances en matière sexuelles de son mari, la réponse
pourrait être : - qu’il me laisse lire mon livre quand je suis au lit.

Pourquoi un changement minimum ? Il doit être une expérience acceptable par sa taille. Il semble
que les changements de taille surdimensionnée provoque des effets indésirables en retour.

Erickson parlait d’un changement tellement petit qu’on ne peut le refuser. Kourilsky – Belliard dit
dans , « Du Désir au Plaisir de changer »,édition InterEdition : « Le petit changement effectué
créera toujours, telle une onde, des effets ailleurs et plus loin : un peu comme la vaguelette
poduite par la moindre brise se propage sur toute la surface de l’eau ». Elle repose sur le postulat
qu’une petite exprience par sa dimension mais grande par le changement d’angle de vue qu’il
représente aura vraisemenblablement toutes les chance de connaître un effet « boule de neige ».
Un peu comme dans la situation décrite ci-dessus.

7. La fin de la thérapie

Ce qui suit n’est valable que si on est sûr d’avoir agi ensemble à la résolution d’une difficulté bien
précise. Ce qui est l’objet indispensable en thérapie brève. On n’agit jamais à la réa lisation d’un
but utopique du style : « Je voudrais être plus heureux ». On demandera à la personne à quoi elle
vera concrètement qu’elle le sera. Que se passera-t-il en termes concrêts.

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La thérapie brève se termine lorque la personne a atteint un but minimal en rapport direct avec ce
pourquoi elle a consulté. Le présupposé que le symptôme sur lequel on va agir n’est que la partie
visible d’un iceberg est ici totalement absent.

Lorsque le changement se produit, nous ne l’attribuons pas nécessirement à la thérapie. Des


doutes seront émis sur la solidité de celui-ci : “il est peut-être dû à la chance ». Ca a marché une
fois. Il faut s’attendre à une rechutte. Si elle se produit elle sera positivée car c’est elle qui
confirme le changement. Erickson avait une belle métaphore concernant les rechuttes : « Quand
on a acheté un nouveau service de porcelaine on a de temps en temps recours à l’ancien ».

Elle est parfois prescrite de manière directe : “nous pensons qu’il serait bon que, d’ici la fois
prochaine, vous ayez une rechutte”. Ou encore : “pouvez-vous réfléchir à ce qu’il faudrait faire
pour que le problème se reproduise ?

L’éthique dans laquelle se place la thérapie brève est toujours en lien avec la liberté qu’a
l’individu d’aller ou non vers le changement qu’il a décidé. Il aura été négocié avec lui et il lui
appartient. Il lui appartient aussi de faire ou ne pas faire des liens entre le changement et la
thérapie.

Bon nombre de thérapies se terminent sur le constat un peu magique que le problème a disparu,
sans que la personne ne sache trop comment cela s’est produit. La recherche de la définition ainsi
que le recadrage ont parfois cet effet-là, sans qu’il faille aller « au bout » d’une thérapie.

Faire fantasmer une personne à propos de ses peur de voir se dégrader la situation (telle qu’elle la
craint subjectivement ), plutôt que de repousser l’idée, peut également amener à un changement
de perception tel que le problème disparaît.

Changer ne serait en effet que le résultat d’un changement de regard sur les choses.

Tout repose sur l’expérimentation, dans l’interaction habituelle de l’usager, de quelque chose de
différent. La notion de but minimal (tellement petit qu’on ne peut le refuser) est toujours présente.
La question est : comment amener la personne à faire un demi-tour à 180°, en expérimentant un
comportement différent, mais dont la dimension est acceptable pour elle ?

L’exemple suivant illustre une situation dans laquelle la patiente a vu sa difficulté disparaître
d’un coup, sans qu’elle ne s’explique pourquoi ni comment. Elle avait pourtant annoncé d’emblée
qu’avec elle, ce serait long et difficile et qu’elle aurait, par conséquent, besoin d’une longue
thérapie.

Elle est mariée avec l’homme qu’elle a enlevé à son ex-épouse, comme elle dit. Ils ont deux
enfants. Fatiguée des disputes avec son mari, elle a décidé de consulter, dans l’idée qu’elle est
anormale. Le mari refuse de consulter avec elle pour le manque de désir sexuel dont elle fait
preuve. Il lui dit et redit qu’elle a un sérieux problème et que, chez lui, tout va bien.

Elle dit qu’elle pourrait se passer totalement de relations sexuelles et que, souvent, son mari doit
patienter un mois, parfois deux. Ce qui rend le conjoint fou-furieux. Ils se disputent régulièrement
et violemment à ce propos.

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Au départ, la demande de cette dame est orientée vers un questionnement sur la normalité de son
attitude. Dans un deuxième temps, vers la peur de perdre son mari si la situation perdure. Voici
quelques extraits du premier entretien :

P. : J’ai enfin pu me décider à commencer une thérapie.


Th. : c’est votre première expérience ?
P. : Oui.
Th. : En quoi pensez-vous qu’une thérapie puisse vous être utile ?
P. : Eh bien, je n’ai jamais envie de faire l’amour avec mon mari.
Th. : Vous n’avez pas le droit de ne pas avoir envie ?
P. : Si, enfin je veux dire… que je n’ai jamais envie.
Th. : Jamais ?
P. : C’est très rare.
Th. : Pourriez-vous préciser ?
P. : Il est parfois obligé d’attendre deux mois.
Th. : Est-ce à ce moment-là que vous en avez envie ?
P. : Non ! La plupart du temps l’appétit vient en mangeant.
Th. : Si j’ai bien compris, vous n’avez jamais envie ou quasi, mais de temps en temps, vous
acceptez ses avances pour lui faire plaisir.
P. : Oui, c’est à peu près ça ! Je ne suis pas normale.
Th. : Ce serait quoi, être normale ?
P. : Il est normal qu’une épouse accepte de temps en temps les avances de son mari.

Th. : Vous disiez tout à l’heure que vous en aviez parfois envie. Qu’est-ce qui se passe à ce
moment-là ? Vous lui proposez un câlin ?
P. : Oh non ! Ca m’est arrivé une seule fois, et on ne m’y reprendra plus car ça m’a fait très mal.
Il l’a très mal pris. Il m’a dit que comme je le faisais toujours attendre, je pouvais bien
attendre à mon tour. Ca m’a complètement refroidie. Je n’ai plus jamais essayé.

Th. : Vous serait-il possible de décrire comment ça se passe ?


P. : Ca commence quand il rentre du boulot. Il est tout gentil. Je sens par ses bisous et ses câlins
dans la cuisine qu’il va encore revenir à la charge. Je commence alors a me braquer pour la
suite. Je me dis que ça va encore être la même chose.
Les choses se déclenchent dans la chambre. Moi je traîne dans la salle de bain. Il
s’impatiente au lit. Il souffle. Quand je viens au lit, il recommence à se coller contre moi et
là, je commence à me dégager. Il se fâche en disant que c’est toujours la même chose, qu’il
en a marre. Je m’énerve aussi. On finit par s’engueuler. Je me retourne de mon côté. On se
fait la gueule. Je suis à la fois soulagée et triste en même temps.
Th. : Savez-vous ce qui vous rend triste ?
P. : Je me dis que je ne suis pas normale et qu’il ne mérite pas ça.

Th. : Vous avez dit que parfois vous acceptez les relations sexuelles avec votre mari. Qu’est-ce
qui les rend possibles à ce moment-là ?
P. : C’est pas parce que j’en ai envie, mais parce qu’il insiste tellement… Parfois, au lit, il
recommence à me caresser ; je le laisse faire, un peu culpabilisée… je me dis que ça va aller.
Th. : Et ensuite ?

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P. : Je finis par trouver un certain plaisir et même parfois un orgasme, mais après je me sens
mal. Je ne suis tout de même pas normale. Parfois je me dis que c’est peut-être à cause de
cette relation, que j’ai eue avec une collègue de bureau lesbienne. Il faut dire que je
l’admirais beaucoup parce qu’elle est artiste.
Th. : Vous voulez dire que votre choix sexuel vis à vis de l’homme serait erroné et, qu’en réalité,
vous seriez plus attirée par la femme ?
P. : …Je ne crois pas ! Ca n’a été qu’une fois. Il y avait cette admiration. Je crois qu’elle en a
profité … le petit verre aidant …après, ça ne m’a plus attirée …Nous sommes restées de
bonnes amies. Et puis, j’aime mon mari. En dehors de la sexualité, tout va bien. Nous
aimons les mêmes choses. Nous nous entendons très bien. Je ne comprends pas pourquoi je
me ferme comme ça. Peut-être qu’il faut chercher dans mon passé, comme le dit mon mari.
Il s’est peut-être passé quelque chose. C’est vrai que je n’ai pas beaucoup de souvenirs de
mon enfance.

Th. : Trouveriez-vous normal de ne pas manger si vous n’aviez pas faim ?
P. : ( rires ) Non, mais ce n’est pas la même chose. Vous savez, ma mère m’a toujours dit qu’il
fallait savoir mettre de l’eau dans son vin pour garder son mari. Et puis je l’ai tant voulu. Je
l’ai arraché à sa première femme. Je l’ai obligé à choisir entre elle et moi. Et maintenant,
voyez comment je suis ( pleurs ).

Th. : Si j’ai bien compris, vous n’avez que très rarement envie de faire l’amour avec votre mari ;
mais vous aimeriez faire l’amour plus souvent, pour lui faire plaisir et, peut-être aussi, par
peur de le perdre.
P. : C’est à peu près

Dans la situation décrite ci-dessus, nous sommes en plein dans la confusion de niveau. La
patiente admet bien qu'il est de son droit de ne pas avoir envie de manger. Mais quand il
s'agit des relations sexuelles, la confusion est manifestement renforcée par ses croyances
en la matière, qui sont alimentées par celles de sa mère.

L'absence du mari induit dans son esprit des présupposés. Il le dit d'ailleurs à son épouse : « moi
je n'ai pas de problème ». On peut penser qu'il tente par-là de s'extraire de la relation. Ceci est
un exemple de ce qui a été décrit dans la première partie au sujet de l'impossibilité de ne pas
communiquer. Son absence, alors que c'est lui qui se plaint, pourrait provoquer pas mal de
malentendus.

En effet, on pourrait faire l’erreur de prendre d’emblée l’épouse comme « cliente » par rapport
au problème sexuel, ce qui équivaudrait à participer aux tentatives de solutions. Et aurait
contribué à renforcer la confusion de niveau de logique. En d’autres termes, se contenter de
prendre en compte la compétence sexuelle de l’épouse, sans tenir compte du type de relation que
cela implique, ne rend compte que d’une partie de ce qui se passe.

La consultante est prise dans un paradoxe. Elle ne sait plus si elle fait l'amour parce qu’elle en a
envie ou si elle y est maintenant obligée. Par peur de perdre son mari, elle fait des tentatives
dans le sens de se forcer ou de se convaincre de son désir. Mais celles-ci échouent de façon
répétée. Même quand elle jouit, elle est déçue.

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A l’heure actuelle, nous ne savons pas à quoi attribuer le revirement de cette situation. Car
cela s’est passé tellement vite, que nous en avons été, nous aussi, très surpris. Nous avons
demandé encore une fois à la dame de décrire en détails comment son mari s’y prenait. Et
c’est à la suite d’une recherche à propos de l’arrêt des tentatives de solutions que nous avons
eu l’idée de lui faire imaginer, juste imaginer, si elle pouvait copier son attitude.

La raison de cette demande était guidée par le fait qu’elle avait des attitudes assez masculines
elle-même. D’une certaine façon, c’était également une manière de faire implicitement
allusion à l’épisode homosexuel. Pendant que nous lui proposions cette réflexion, elle fut
prise d’un fou rire. Ce qui semblait plutôt être un signe positif.

Lorsqu’elle revint la fois suivante, un changement s’était produit. Elle dit qu’elle ne savait
pas vraiment pourquoi elle était venue. Elle avait trouvé plus correct de se rendre au rendez-
vous fixé.

Dans les jours qui suivirent la dernière séance, elle fut prise d’un fort désir pour son mari.
Elle lui avait fait des avances et ils avaient eu des relations sexuelles très agréables. Depuis
lors, elle estimait le problème disparu. Il ne la harcelait plus. Elle ne s’expliquait ni comment
ni pourquoi. Nous lui avons dit que c’était probablement une amélioration passagère.

Cependant, depuis deux ans, nous n’avons eu aucune nouvelle de récidive. Ce qui, bien
entendu, ne veut pas dire qu’il n’y en ait pas eu. A postériori nous nous sommes demandés si
nous n’aurions pas dû lui demander de réfléchir à comment elle devrait s’y prendre pour que
le problème qui réapparaisse.

Conclusions

Nous avons vu dans la première partie que, suite à une libération grandissante de la sexualité
le traitement des problèmes sexologiques prend une place de plus en plus grande dans notre
société, jusqu’à devenir une science enseignée à l’université. Cela s’inscrit dans un
phénomène plus large qui tend de plus en plus, que ce soit dans la publicité ou dans le cinéma,
à idéaliser la sexualité.

Celui-ci nous donne à voir des films mettant en scène des superwomen et des superman du
sexe capables de performance pour le moins spectaculaires. Cette filmographie ainsi que la
publicité remplissent les imaginaires de croyances et développent des tendances
identificatoires à des modèles difficilement accessibles. De même la pornographie commence
également à compliquer le jeu en mettant en scène des pratiques que certains commencent à
vouloir imiter, assimilant ce qu’ils ont vu, à la realité des désirs de leur partenair(e).

Qu’une sexologie dite clinique ait fait son apparition n’est pas remise en cause. Il en va de
même par rapport aux avancées significatives vis à vis des tabous ancestraux qui
contribuaient probablement à maintenir la femme au niveau de sa fonction reproductrice.

Néanmoins, ce travail se veut une interpellation par rapport aux dangers d’un acharnement à
vouloir « soigner » c’est-à-dire, « maîtriser » un symptôme, qui ne fera que s’intensifier par
l’acharnement à vouloir le faire disparaître.

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Nous pensons qu’il faut éviter de stigmatiser des gens qui sans l’intervention du praticien
auraient peut-être pu s’en sortir mieux qu’avec l’aide de celle-ci. Au minimum ils n’auraient
pas eu à subir le regard ou l’avis d’un spécialiste qui ne peut que renforcer une définition qui
ne rend compte que d’une partie de la réalité du problème décrit.

Les consultations dites sexologiques attirent des gens affectés par une difficulté dans cette
sphère. Ils sont souvent en attente d’une intervention « locale » qui offre une similitude avec
le traitement des maladies organiques. Il y a une attente comme si l'on pouvait traiter cela à la
manière d’un rhume ou d’un ulcère.

Lorsqu’il y a plainte de cet ordre, nous pensons qu’il convient de faire preuve de prudence et
ne pas considérer d’emblée qu’il faut essayer de réduire le symptôme sexuel.

A notre sens, le label sexologique donne lieu à des confusions, par la formulation même de la
demande, mais aussi à partir du titre du spécialiste. L’usager, par ses croyances, pousse
souvent le thérapeute à se focaliser sur sa difficulté avec un message implicite : « Mon
problème est mon problème, et n'a rien à voir avec mon (ma) partenaire. Débrouillez-vous
pour que ça marche ! ».

C'est à ce niveau des « négociations » que les choses sont délicates car il convient d'entendre
ce qui est dit sans choquer le consultant mais, comme on l’a vu dans la troisième partie, il
s'agit d'analyser en quoi cette personne est « cliente » pour « régler » ce problème. Cette
personne vient-elle pour elle-même, pour faire plaisir, ou parce qu'elle tient à « avoir fait ce
qu'il faut » ?

Comme on l'a vu plus haut, l’usager risque de se faire stigmatiser pour quelque chose qui, en
l'occurrence, se trouve dans la négociation des relations entre partenaires et non à un niveau
de compétence personnelle. Par le traitement de l'interaction, sa compétence peut augmenter
automatiquement.

Nous avons essayé de montrer que le niveau d'intervention est primordial. Toute personne
traitant de sexologie doit pouvoir augmenter sa marge de manœuvre pour sortir d’un
enfermement tel qu'il s'en produit parfois dans des spécialités médicales comme, par exemple,
en dermatologie. Le médecin conclut, après une bonne anamnèse, que le problème est
d'origine psychosomatique et qu'une autre lecture est nécessaire. Il ne sera pas toujours simple
de le recadrer comme étant psychosomatique ; même si le patient a lui-même expliqué que
son eczéma apparaît toujours au même endroit, après le même type d'énervement, dans les
mêmes circonstances de lieu et de temps, avec la ou les mêmes personnes.

Nous avons aussi essayé de démontrer que quelque chose se passe au niveau de la relation
patient/thérapeute qui fait appel à la compétence. Le thérapeute devra faire face d'emblée à ce
paradoxe qu'est la confusion de niveau telle qu'elle a été décrite plus haut. Pour cela il est
important d’avoir une grille de lecture qui puisse prendre en compte tous les aspect
relationnels en présence lors d’une demande de traitement thérapeutique. C’est ce que nous
proposons dans la troisième partie.

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La deuxième partie met l’accent sur la position du thérapeute. Observer le patient c’est bien.
S’observer soi-même c’est mieux. Prendre en compte l’interaction patient/thérapeute c’est
encore mieux.

Nous essayons de démontrer que la confrontation des échecs et pas seulement des succès au
regard d’autres praticiens peut aussi être soumise à la confusion de niveau. Un lieu de
supervision peut également être un lieu ou la compétence du thérapeute peut être mis à mal si
une réflexion n’est pas fait en même temps sur ce qui est en train de se produire. La
supervision ou l’intervision peut aussi aboutir à l’application de techniques infructueuses si le
problème rencontré par le thérapeute n’est pas bien étudié compte-tenu de l’interaction qui
s’établit.

Il peut alors se produire le même phénomène que rencontré dans le traitement de difficultés
sexuelles. Se contenter de dire que le thérapeute ne fait pas ce qu’il faut peut l’amener à faire
de plus en plus d’efforts infructueux sans qu’il ne se rende compte que quelque chose est en
train de se produire au niveau de la relation. Il se marque une sorte de hiérarchisation qui peut
aboutir à une auto-dépréciation et un recours plus grand à la technique thérapeutique. Ce qui
équivaut à se montrer impuissant.

La troisième partie de ce travail propose de démontrer qu’une lecture systémique, qu’est la


thérapie brève peut-être un bon moyen pour faire face aux pièges que nous avons décrits tout
au long de ce travail. Il s’agit de la thérapie brève dans le modèle de Mental Research Institute
de Palo Alto en Californie. Elle ne se targue pas d'être la seule réponse possible, mais bien
un moyen donné, dans une société donnée, à un moment de son histoire.

Elle compte parmi ses prémisses de base quelque chose de très précieux. Elle se veut non
normative. Chaque individu est considéré comme ayant sa culture propre. Cela n’est sans
doute pas étranger au fait que Gregory Bateson était anthropologue.

Obtenir un changement se fait dans le respect de la vision du monde de la personne. On


apprend à parler son langage afin qu’elle puisse nous comprendre à son tour. Le thérapeute
est comme l’anthropologue au pays de son patient dont il ignore tout et où il a tout à
apprendre.

Ce que nous avons également essayé de montrer c’est qu’en thérapie brève c’est la première
expérience à 180° qui compte. Tout le travail tendra vers cela. Nous trouvons que c’est une
bouffée d’oxygène dans le traitement de personnes ayant subi des violences sexuelles.

Il semble parfois tellement évident qu’après avoir vécu telle ou telle chose tel ou tel
comportement doit nécessairement en résulter. Il y a de quoi en perdre le moral. L’expérience
nous a montré qu’il peut en être autrement en agissant sur l’interaction qui maintient, ici et
maintenant, le problème.

Cette réflexion dans son ensemble repose sur des succès mais aussi pas mal d’échecs. Ce sont
eux justement qui nous ont poussés à nous réajuster à nous orienter d’abord vers l’hypnose et
ensuite vers la thérapie ( systémique ) brève. Nous avons toujours eu l’impression qu’elle est
empreinte d’un respect de l’intégrité et de la liberté de penser de l’individu.

28
Bibliographie

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of Mind”; traduit le l’américain par Ferial Drosso, Laurencine Lot et Eugène Simion, coll . La
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rôle du conseiller conjugal et familial dans l’équipe de sexothérapie, Bruxelles, UPCCF, 1977

Watzlawick, Paul, Weakland, John, Fisch, Richard , Changements: Paradoxes et


psychothérapie ; Titre original « Change, Principles of Problem Formation and Problem
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Watzlawick, Paul, Le langage du changement : Eléments de communication thérapeutique ;


Titre original « The language of Change. Elements of Therapeutic Communication » ; traduit
le l’américain par Jeanne Wiener-Renucci avec le concours de Denis Bansard, Paris, Editions
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Watzlawick, Paul, Helminthe Beavin, Janet, Jackson, Don D., Une logique de la
communication ; Titre original « Pragmatics of Human Communication » ; traduit le
l’américain par Janine Morche, Paris, Editions du Seuil, 1972

29
Watzlawick, Paul, La réalité de la réalité : Confusion, désinformation, communication ; Titre
original « How real is real ? Communication, Disinformation, Confusion » ; traduit le
l’américain par Edgar Roskis, Paris, Editions du Seuil, 1978

Watzlawick, Paul, Faites vous-même votre malheur ; Titre original « The situation is
Hopeless but not serious. The pursuit of Unhappiness» ; traduit le l’anglais par Jean-Pierre
Carasso, Paris, Editions du Seuil, 1984

Wittezaele, Jean-Jacques, Garcia Teresa, A la recherche de Palo Alto, coll . La couleur des
idées, Paris, Editions du Seuil, 1992

30
(1) C'est un des paradoxes de la communication développé dans le livre de P. Watzlawick, J
Helminthe Beavin, et Don D. Jackson: Une Logique de la Communication éd Du Seuil, 19 72
pages 72 3-2 (2) Françoise Kourilsky - Belliard in Du Désir au Plaisir de Changer, Inter
Edïtion 1995 Paris (3) Jean-Jacques W17TEZ4ELE et Teresa GARCL4 : A La Recherche de
lEcole de Palo Alto, Ed du Seuil. 1992 2.5.2 pages 70 à 74 (4) Lire à ce sujet 3.31 et 3.32
pages 80, 81 et 82 in Une Logique de la Communication de P. WatzlaȔck, J Helmick Beavin
et Don D.Jackson éd. Du Seuil 1972 France (5) Voici ce que l'on peut lire dam « Stratégies
de la Psychothérapie » de Jay Haley, éd Erès coll. Relations « On peut utiliser les relations
sexuelles comme exemple modèle de conflits des relations conjugales. Le fait d'inhibitions
sexuelles non seulement repose sur des culpabilisations apportées dans le mariage mais aussi
sont produits par la lutte des deux personnes pour définir leur relation Le plaisir des deux
partenaires dans une relation sexuelle nécessite une coïncidence compliquée de réponses
physiques appropriées de la part des individus et de réponses comportementales mutuelles
qui provoquent les réponses physiques S'il y a un conflit au sujet du genre de relation
impliquée par l'acte sexuel ou au sujet de celui qui définit le genre de relation dont il s'agit,
les réponses appropriées n'apparaissent pas ».
Ainsi le cas de cette dame, violée dans son enfance, qui a découvert, après un dégoût
chronique de plus de 30 ans envers les relations sexuelles, un désir insoupçonné pour son
mari. Le simple fait de mieux s’affirmer face à ce dernier a modifié le type de relation qu'ils
entretenaient et a permis ce changement.

Pourtant, elle n'avait aucune demande dans ce domaine. Elle ne l'a jamais abordé sous la
forme d’une difficulté à régler. Par contre, elle se plaignait que son mari rentre saoul et les
frappe, elle et sa fille. Après avoir pu maîtriser ces différentes choses, elle ressentit subitement
un désir pour son mari qu'elle n'avait jamais connu. Elle avait notamment agi sur sa position
vis à vis de lui.

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