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L

e vrai karate-dō

D
ans ces Chroniques, il est Ce serait quand même une erreur brutalement qu’il allait être colonisé
évident que je ne peux sérieuse que de confondre le karate­ parce qu’il en était resté à l’époque
convaincre que ceux qui ont dō, karate­būdō, ou karaté moyenâgeuse, alors que les pays
envie d’être convaincus, ceux qui sont développés en étaient à l’époque
traditionnel, avec le karaté martial.
capables de vider totalement leur industrielle, armes à feu
Je vais essayer de vous faire
verre, au moins momentanément, car performantes, comme les
comprendre la différence.
ceux qui ne le vident qu’à moitié mitrailleuses Gattling, les machines à
Tout d’abord, ainsi que je l’ai déjà
(conservent des préjugés) ne vapeur, électricité, photographies,
signalé à plusieurs reprises, l’esprit
pourront jamais le remplir d’eau claire etc.
japonais est sensiblement spécial dans
… leur eau restera trouble. Là aussi, un miracle épargna le Japon,
le domaine martial, unique au monde,
Je sème des graines mais, bien décidément béni des dieux. La
même. Seuls quelques rares maîtres
entendu, c’est à vous de les faire « colonisation » américaine du Japon
japonais font du véritable karaté
pousser. Je ne vais pas les cultiver fut suspendue par le déclenchement
martial, et ils n’ont aucune envie de
pour vous et vous donner les fruits. de la guerre de Sécession, et le Japon
transmettre à tous vents, de le rendre
Aujourd’hui, parlons du karate­dō, sut habilement se mettre du côté des
populaire. C’est pourquoi on ne voit
c'est-à-dire du karate­būdō. Occidentaux, au lieu de lutter contre
en Occident qu’une seule forme de
Pour simplifier, jusqu’à présent, dans eux comme le firent les Chinois.
karaté, sportif ou būdō. Résultat : l’Occident admira la volonté
mes Chroniques, je n’avais parlé,
d’une part, que du karaté sport, du Cet état d’esprit en būdō provient du de ces petits hommes jaunes
ūndō­karate, que certains japonais fait que le Japon, île isolée sans très courageux et décidés à se moderniser.
grand intérêt commercial (dans le Avez-vous remarqué que lorsque
appellent actuellement « nouveau
passé), mais peuplée d’hommes quelqu’un adopte votre point de vue,
karaté », et d’autre part, que du karaté
farouches, unis comme les doigts de il devient subitement, pour vous,
martial (shōbū­karate, etc.). Et,
la main dans l’adversité, resta en « très intelligent » et un type bien. S’il
bien évidemment, des confusions dehors des courants d’invasion qui ne l’adopte pas, c’est de toute
avaient été faites, les lecteurs ravagèrent le continent eurasien. évidence un idiot, pour ne pas dire
mélangeant allègrement karaté de Les deux seules tentatives d’invasion plus.
championnat, karaté self-defense, de son histoire, les fameuses Dans le passé glorieux du grand
karaté martial, et karate-dō. tentatives mongoles, n’échouèrent Japon, à l’époque des samouraïs, on
Comme quoi, il va être nécessaire de que par miracle. En l’occurrence, les tirait à l’arc aussi vite que son ombre,
réajuster sans cesse ce que sont les miracles étant des typhons, mais tout comme les cow-boys le firent avec
divers karaté. Il faut arriver à ce que historien reconnaîtra que sans ces leur revolver, quelques siècles plus
chacun puisse choisir le karaté qui lui
« vents divins », ou kamikaze, tard. Mais l’habitude noble, l’honneur,
convient, mais cette fois-ci, en
chaque invasion mongole fut proche était de combattre au sabre tenu à
parfaite connaissance de cause, et
de la victoire. Heureusement, le deux mains. Tout un symbole.
non pas en pensant honnêtement
service météorologique mongol était Même en pleine bataille guerrière, il
être dans un type de karaté … tout en
nul. À la suite de quoi, le Japon se existait au Japon un rituel de combat
pratiquant un autre type.
ferma au reste du monde durant au sabre, dont on s’écartait rarement.
Le moment est venu, me semble-t-il,
plusieurs siècles (cela crée forcément Ainsi, un samouraï combattait
de vous expliquer ce que les Japonais
un état d’esprit particulier) ; toujours un autre samouraï, si possible
entendent par « karate-dō », le vrai
cependant, le Japon fut loin d’être en de même degré, en respectant
karate­dō, qui est aussi rare que le paix. certaines conventions. Sortir de ces
vrai karaté martial. Parfois, on le Il y eut environ 1 000 ans de farouches conventions était un déshonneur, et il
désigne sous le nom de karaté batailles entre frères, ou entre clans, valait mieux mourir noblement que de
traditionnel. Mais cela ne veut pas dire pour la possession des rizières et du vaincre en sortant de ces conventions.
grand-chose, car « traditionnel » est pouvoir. Dans ces batailles, très Il faut dire que l’espoir d’une
devenu l’auberge espagnole (où l’on meurtrières, on adopta peu à peu réincarnation, avec un meilleur karma,
trouve de tout, et surtout ce que l’on certaines conventions, un certain cela aide plus que l’attente d’une
amène soi-même). On peut encore code, qu’il faut savoir, pour résurrection problématique, à la fin
désigner le karate­dō, ou karate­ comprendre comment et avec quel des temps, à la droite de Dieu, ou à
būdō, sous le nom de karaté sport, esprit furent élaborés les būdō, à gauche, après un passage au
avec quelque chose en plus, partir des années 1900, lorsque la purgatoire ou en enfer.
particulièrement intéressant. Disons caste des samouraïs fut dissoute, à Lorsque les armes à feu apparurent au
du karate­dō qu’il est « plus qu’un l’époque Meïji, sous la pression Japon (apportés par les Portugais), ce
sport ». américaine, humiliante. À cette fut un beau scandale parmi les
époque, le Japon constata samouraïs. Il en fut de même en
Europe, lorsqu’apparurent les Parce que le sabre courbe était tenu à historique. Passons. Les ninja, qui ne
arbalètes (du nom italien « baliste à deux mains, rarement d’une seule respectaient pas ces conventions,
arc »). Un pape alla même jusqu’à les (trop lourd : le Japonais moyen c'est-à-dire le code tacite des
interdire, parce que « trop mesurait 1m50). Par suite, la posture samouraïs, par nécessité de leur
meurtrière ». J’adore cette de base était de face, et les attaques, fonction, utilisaient un sabre droit, et
conception : « se tuer, bravo, mais presque essentiellement en coupe combattaient plus en estoc (pique, en
please, que ce soit en douceur ». Il y eut (taille), avec de rares attaques en pointe) que de taille (coupe). Et, bien
également le même scandale pique (estoc, le tsūki). Le combat entendu, ils étaient experts dans tous
lorsqu’apparurent en Europe, au était rapproché par nécessité, comme les « coups pourris » possibles,
XVIème siècle, les premières armes à on peut encore le voir dans les assauts comparables à nos « bottes secrètes »
feu, les mousquets. On préférait se de kendō. Or, cette posture, assez en escrime occidentale. Résultat, ils
décimer joyeusement à la rapière éliminaient plusieurs samouraïs avec
déraisonnable, exige beaucoup plus
(épée à la lame fine et longue). Soit une facilité déconcertante.
de courage, de sacrifice de soi, de
dit en passant, on ne méprisait pas les Le Iaï­jūtsū, lui-même, magnifique
perception intuitive, que le combat à
corps à corps avec coups (de coude, en recherche d’anticipation, fut
l’épée, le type rapière occidentale, où
tête, genou, etc.), luxations et longtemps jugé comme déshonorant.
la posture est de profil, et où l’on
projections (très jū­jūtsū). recherche plus l’estoc (piquer) que la À la limite, on l’apprenait en cachette.
Quelles étaient donc ces conventions taille (couper), car les rapières Au Japon, l’escrime au sabre courbe
de base au Japon, qui devaient coupaient également comme un (katana) fut rapidement considérée
inspirer le būdō. rasoir. C’est également pour cette comme la plus belle référence de
Un autre petit rappel préalable, raison, que les samouraïs portaient noblesse mentale et de courage. Il
significatif, est encore nécessaire. des armures complexes, abandonnées l’est encore, à juste titre, car c’est un
Par convention, les samouraïs avaient depuis longtemps en Occident, parce exercice risqué. Se mettre ainsi,
conservé le sabre court, à l’origine un que devenues plus gênantes qu’utiles. volontairement, en danger par une
sabre de cavalerie, apanage de la Comme toute armure a ses points tenue à deux mains d’un sabre
noblesse. Ce faisant, les samouraïs, faibles (il en est de même pour toute courbe, de face, et en combat
d’origine habituellement modeste garde de karaté !), les samouraïs rapproché (alors que la tenue d’une
(samouraï signifie, « celui qui sert ») se auraient pu les exploiter, mais il aurait main, de profil, d’une épée plus
sentaient tous nobles. L’ego vous joue été déshonorant de le faire. longue et plus légère, permet des
de ces tours … Chacun met son honneur où il peut. attaques précises, mortelles, à 2m, 3m
À cheval, ce sabre court se justifie, Ainsi, pour donner un exemple, et même 4m de distance (en flèche),
mais à pied, il est beaucoup moins attaquer les jambes, les cuisses ou peut nous paraître aussi
efficace que l’épée. l’entrecuisse ne se faisait pas. Enfin, déraisonnable que d’utiliser l’arc
Le sabre japonais coupait disons plutôt que cela ne se faisait pas japonais asymétrique, long,
magnifiquement, c’est vrai, c’était s’il y avait des témoins car, comme encombrant, relativement peu
même, dans le monde, la plus belle et pour nos duels occidentaux, les puissant, et d’une précision
la mieux forgée des armes blanches, « coups de Jarnac » se faisaient approximative, mais d’une élégance
mais l’épée légère adoptée en également, à condition que l’on ne rare. Cet arc donna naissance au
Occident (qui eut des moments de perde pas la face, chose essentielle au kyūdō … car c’est un būdō, et la
vérité que n’eurent pas les armes Japon. En outre, le fait de porter précision passe au second plan, et est
japonaises) avait l’efficacité et la assistance à un samouraï ami engagé même considérée sans intérêt, pour
précision d’une balle de revolver, dans un combat contre un samouraï beaucoup. Ça facilite le manque de
traversant, par exemple, l’œil et le ennemi était considéré comme talent en précision. La « Voie » a ses
crâne avec une facilité redoutable. De suprêmement offensant. Certains propres voie étonnantes. Bien sûr, je
nos jours, un escrimeur occidental est samouraïs « aidés », sortis vainqueurs me répète, et cette répétition n’est
encore capable de traverser une pièce d’un combat qu’ils auraient dû perdre, pas innocente, lue au second niveau ;
de dix centimes ; or, aucun grand se firent même seppuku (hara­ il y eut des surprises désagréables
spécialiste de kendō ne peut tenir kiri) pour garder leur honneur. (désastreuses, même) lorsque les
plus de quelques secondes face à un En un mot, même en pleine bataille, Japonais rencontrèrent les Mongols,
escrimeur moyen armé d’une épée à l’esprit martial japonais était donc Coréens, Chinois … barbares sans
fleuret. porté vers le duel, un homme contre manières qui ne respectaient rien.
Lorsque les Japonais tentèrent un autre homme, selon des Mais le Japon s’isolant du reste du
plusieurs fois d’envahir la Corée, ils conventions respectées scrupuleu- monde, on retourna très vite aux
échouèrent pour ces raisons … mais, sement de chaque côté. Ce que l’on conventions « nobles », typiquement
retenus sur leurs îles, ils conservèrent appellera būshidō vers les années japonaises. On était chez soi, entre
le sabre courbe, tant étaient belles les 1900, mot qui n’existait pas avant, et soi, c’était possible.
recherches mentales nécessitées par qui fut inventé pour les Occidentaux Aussi, lorsque le karaté (écrit alors
cette façon de combattre. dans un livre en langue anglaise « main de Chine ») fut présenté au
Pourquoi ? demeuré célèbre, magnifique, mais Japon, peu après 1900, à une
malheureusement loin de la vérité commission de maîtres d’arts
martiaux japonais, leur conclusion une demi-heure, effectuant ainsi un en plus, l’esprit du sabre, mais ce n’est
fut : « Ce n’est pas un būdō ». Parce combat mental où l’on doit avoir plus du karaté martial.
que ce karaté, resté « martial », vaincu mentalement l’adversaire … Lui non plus.
envisageait le combat contre des avant de l’atteindre. Ce n’est pas Je pense avoir été assez clair, dans ces
adversaires multiples (ce qu’exprimait facile. Pour y parvenir, il faut une quelques lignes, sur les différences qui
le kata présenté par maître concentration mêlée de détente existent entre le karaté sport, le
Fūnakōshi), et qu’il sortait du « duel » physique. Tout cela, avec une paix de karate­būdō, et le karaté martial. Il
… traditionnel typiquement japonais. l’esprit et du corps qui ne peut être faudra y revenir plus tard.
Par voie de conséquence, les maîtres obtenue que par la volonté. Ces quelques lignes vous permettront
de karaté okinawaïens, qui tentèrent Vaste et beau programme, qui, à lui peut-être d’éviter des confusions et le
d’introduire et de faire reconnaître le seul, peut remplir une vie. Mais il n’est piège de la séduction de textes qui
karaté au Japon, en tant que būdō , qu’une étape vers le vrai karaté prônent essentiellement le type de
martial, qui, bien entendu, recherche recherche būdō, où l’on développe
furent contraints de prendre l’esprit
la même chose, en évitant de tomber
du kendō comme base de référence, notre perception sur un seul
dans le nombrilisme.
tant pour l’entraînement que dans adversaire, en parlant laborieusement
Le risque, en restant au karate­dō, d’état mental, d’énergie interne, etc.,
l’application, avec son bon côté … et
son mauvais côté. disons au karate­būdō, est de devenir tout en laissant croire qu’il est
Or, ce que je vais dire ne va pas trop égocentrique et vaniteux (rares sont question du karaté martial vrai. C’est
plaire aux kendōka (qui le savent les maîtres de būdō modestes), ce qui un būdō (voie), pas un bū­jūtsū
parfaitement, mais n’aiment pas que peut encore s’admettre, mais le vrai (art).
cela soit dit). Il est bien connu que le risque est de négliger l’efficacité Peut-on passer au stade supérieur du
kendō est l’ombre du ken­jūtsū. immédiate, et de ne devenir vigilant būdō ? Oui, bien sûr.
Simplement, parce que nous ne que sur un seul adversaire, dans une Cependant, on n’en éprouve
sommes plus dans le même contexte, seule direction, sans s’occuper de la généralement pas l’envie. On est
ni avec la même arme. Certes, le durée … alors que dans le combat entré en religion égocentrique.
martial, contre des adversaires Comme je l’ai déjà dit, tout choix
kendō est un art sérieux, valable,
nombreux, on doit étendre cette dépend de son échelle de valeur et de
demandant beaucoup de recherche et
perception à tout ce qui nous entoure, son niveau de conscience. C’est aussi
de transpiration. Mais il s’est
et rechercher l’efficacité dans une question de talent. Il est évident
largement éloigné de la réalité du
l’instant. que tout dépend du talent de chacun,
combat réel, du duel, et à plus forte
Une perception périphérique qui est, de ses dons. Question de gènes. Votre
raison, du combat contre de multiples
bien entendu, d’un niveau très travail sur vous-même se transmettra,
ennemis. Un peu comme le Iaï­dō supérieur à celui d’une perception peut-être (car c’est la loterie), à vos
n’est que l’ombre du battō­jūtsū frontale … toute concentration sur un descendants ; cela vaut la peine d’y
(vrai nom de Iaï­jūtsū). Vu de façon point étant une déconcentration sur croire, bien que cette affirmation de la
simple, dans le premier, on applique le reste. D’où le fameux « Attention à tradition soit contestée depuis
un rituel dans le vide, et souvent, dans l’attention ! ». Lamarck (mais de moins en moins
des positions qui n’existaient pas dans Cette perception périphérique maintenant, avec la connaissance de
la réalité de l’étiquette, sans certitude nécessite donc une maîtrise mentale la génétique). Les būdō ont un bon
de pouvoir couper. Dans le second, on plus élevée que pour un seul côté, qui séduisit l’Occident. Si l’on ne
reste en position naturelle, et on adversaire, et une efficacité peut dépasser le niveau du karaté
coupe, toujours des cibles résistantes immédiate. On ne peut plus jouer au
sport, ou du karate­dō, ils permettent
de plus en plus fermes (bambous chat qui guette la souris, sans limite
verts, pailles roulée en makiwara, de se consoler en se disant qu’après
de temps, jusqu’à la faute fatale … on
etc.), disposées autour du pratiquant. tout, le « rituel » n’est pas une chose
est une souris entourée de chats qui
Ce qui change beaucoup de choses. inutile, dans la vie. Une recherche de
veulent nous croquer. C’est l’inverse.
soi-même, jointe à une recherche de la
En d’autres mots, le karate­dō reste Autrement dit, même si l’on veut y
perception qui ce que dégage
essentiellement, comme un karaté consacrer sa vie, il doit être clair que
l’adversaire, est magnifique en soi,
sport, un duel conventionnel, ce qui le būdō est encore une forme de jeu respectable, suffisamment passion-
est loin d’être sans intérêt. Il faut au sens de sport, mais plus mentale, nante pour poursuivre cette
respecter ceux qui cherchent toute plus élaborée que le sport. On peut recherche toute une vie. Ce qui n’est
leur vie la perception intuitive, la parfaitement s’y passionner, autant déjà pas si mal. Une passion est
sensibilité, pour acquérir l’efficacité qu’aux échecs, autre duel-jeu toujours une chose positive.
face à un seul adversaire. intellectuel, mais en le faisant, il ne
Tout ce que l’on prône en karate­dō
C’est pour cette raison qu’un faut pas rêver faire un « art martial »
traditionnel est ce que l’on fait
Japonais, en karate­dō, comme en (un bū­jūtsū).
également en karaté martial, mais à la
duel de ken­jūtsū, trouve Comme le karaté sport (nouveau
vitesse supérieure. Et chacun peut
« admirable » et « sublime » que deux karaté) est un « jeu » issu du karaté
comprendre que passer au niveau
adversaires puissent rester en posture martial, le karate­dō est un autre jeu, martial nécessite, bien entendu, un
de combat quelques minutes, voire également issu du karaté martial, avec
achèvement de soi aussi total que des pages de calligraphie, comme à
possible. Mais avec les pieds au sol, l’école primaire, pour améliorer son
sans perte de contact avec la réalité, écriture ; c’est l’inspiration qui
souvent cruelle. Tant sur le plan de compte, pas l’écriture. Il faut dépasser
l’efficacité physique, que sur celui de l’écriture. Au dōjō, le fait qu’il y ait des
l’efficacité mentale. Car, sur le plan voisins est une chance. Pour éviter les
mental, on a vite fait de prendre ses bousculades, les coups de coude, les
illusions pour des réalités, les vessies doigts de pieds écrasés … on est
pour des lanternes (allusion à la contraint, tout en s’entraînant, d’être
« lanterne dans le noir »). perceptifs à ce qui nous entoure. Que
Par exemple, dès que l’on ferme les voulez-vous de mieux pour
poings, on tombe dans le rituel et développer cette perception
dans une forme de boxe périphérique ? On approche du karaté
conventionnelle. C’est psychique, martial, tout en faisant du karaté
presque inévitable. sport. Il existe des entraînements qui
Pourquoi cette différence entre karaté se font dans de grandes salles de gym
sport/karate­dō d’une part, et karaté ou de basket. On y a toutes ses aises,
martial d’autre part ? N’est-ce pas du mais ceux qui ont été « élevés » là-
même domaine ? Non, car cela ne dedans sont extrêmement gênés dans
concerne pas le même cerveau, mais les petits dōjō. On se demande ce
trois cerveaux superposés. qu’ils feraient dans le métro aux
Ce sera l’objet d’une autre Chronique heures de pointe ou dans la foule, ou
pour mieux comprendre ce qui se entourés de loubards skinheads.
passe et ce qu’il faut faire. Pour Souvenez-vous de ce qui est arrivé
terminer, j’ajoute ceci, même si je dans les stades de foot, ces dernières
risque encore de heurter certains : années. Ce fut une question de vie ou
rester tant d’années dans la recherche de mort. Par contre, ceux qui se sont
de la perception intuitive en combat entraînés dans des petits dōjō, outre
singulier contre un seul adversaire, la perception périphérique dont je
consentant et complice, et considérer viens de parler, développent
cela comme le nec plus ultra de la beaucoup plus la finesse de leur
recherche de soi, montre combien technique et de leurs déplacements
l’homme « civilisé » a des problèmes. latéraux, notamment. Je l’ai souvent
Tout animal sauvage a cette constaté. Réservez l’expérience des
perception. Sans problème. Ce sont grands espaces et des sols différents,
précisément nos problèmes qu’il faut de sable par exemple, pour les
ôter, un par un, comme les pelures entraînements d’été sur les plages ou
d’un oignon … et sans en rajouter. en campagne.
C’est suffisant pour le complément
Le conseil technique du mois pour d’un dōjō petit ou surchargé (ce qui,
éviter les effets pervers du karaté de toute façon, est bon signe ; s’il y
sport : avait peu d’élèves, ce serait un
Il est fréquent que des pratiquants se mauvais signe sur la qualité de
plaignent qu’il y ait trop de monde à l’enseignement).
l’entraînement (ils se plaignent que la
mariée est trop belle et riche ? Que La pensée du mois
feraient-ils seuls ? …), ou que les « Un talent personnel couplé avec un
autres les gênent, ou qu’il y ait tempérament calme devient un grand
manque de place. En fait, c’est une talent ; la sagesse couplée avec un
chance qu’ils ont. Les très grands esprit pacifique devient de la véritable
maîtres de l’ombre ont des dōjō sagesse ».
petits, minuscules. Cela surprend, la Tut tzu
première fois. Notamment pour les
katas, car ces grands maîtres
enseignent des katas, exécutés dans
une vitalité très différente des katas
cadencés que l’on voit en karaté
sport. À ce stade, les katas généraient
la spontanéité et la perception
périphérique. Ils font autre chose. Un
écrivain ou un poète ne va pas refaire

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