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Selon la périodisation admise à l’unanimité, le Moyen-Âge est une période historique située entre

l’Antiquité et l’époque moderne qui s’étend traditionnellement de la chute de l’Empire Romain


d’Occident (476) jusqu’à la prise de Constantinople par les Turcs (1453).
À son tour, cette période étendue sur dix siècles a été divisée en trois étapes importantes, à savoir:
le Haut Moyen-Âge ou l’époque franque1 (qui s’étend de la chute de l’Empire Romain à
Charlemagne, donc du Ve au VIIIe siècle), l’époque carolingienne ou l’âge féodal (du IXe au XIIIe
siècle) et le Bas Moyen-Âge (qui couvre les XIVe - XVe siècles). La civilisation de cet « âge
moyen » (intermédiaire) se définit par le morcellement du pouvoir politique et par un système de
pensée défini par l’Église.

Plusieurs lignages se sont succédé dans la France médiévale: la dynastie mérovingienne (v.
Mérovingiens), la dynastie carolingienne (v. Carolingiens), la dynastie capétienne (v. Capétiens) et
les Valois.
Les Mérovingiens règnent sur les Francs Saliens et, à partir de Clovis (481-511), sur la Gaule
tout entière. Fils de Childéric et petit-fils de Mérovée, Clovis est le fondateur de la première monarchie
française. Il unifie le peuple franc, conquiert la majeure partie de la Gaule et transfère la capitale de son
royaume de Tournai à Paris. C’est par sa conversion au christianisme, vers 496 (il est baptisé dans la
cathédrale de Reims par Saint Rémi), qu’il a jeté les bases de l’Occident chrétien.
Les Carolingiens succèdent en Gaule aux Mérovingiens et règnent sur la France jusqu’en 987.
Cette dynastie est fondée par Pépin le Bref, qui se fait élire roi des Francs en 751. Elle doit son nom à
son représentant le plus illustre – Charlemagne (742-814), qui fixe en 794 le centre de son
gouvernement à Aix-la Chapelle.
Les Capétiens (987-1328) accèdent à la Couronne en 987, lorsque les grands seigneurs et les
évêques du royaume décident d’élire Hugues Capet comme roi des Francs. La dynastie capétienne lui
doit son nom : « Capet » est le surnom du roi Hugues Ier, par allusion à la chape d’abbé (v. chape) qu’il
avait le droit de porter en tant que propriétaire de nombreuses abbayes.
Les Valois règnent sur la France de 1328 à 1589. Ils affermissent leur autorité (qui est très
limitée au début) et luttent pour l’unification territoriale et la centralisation politique de la France. Je
présente dans le tableau annexé à la fin de ce chapitre la succession de ces rois durant la période qui
nous intéresse (jusqu’en 1453), mais il faut rappeler que cette dynastie se prolonge jusqu’à la fin du
XVe siècle par le règne de Louis XI (1461-1483) et de Charles VIII (1483-1498).
Sous les Mérovingiens, les rois sont couronnés dans le cadre d’une cérémonie – le « sacre » (v.
sacre) – qui comporte trois phases essentielles : la proclamation du roi, la consécration avec l’huile de
la sainte ampoule et le couronnement. Le sacre est inauguré en France avec Pépin en 751. En recevant
de l’archevêque l’onction d’huile sainte, le roi considère obtenir un pouvoir quasi-religieux (on croit
qu’il peut guérir certains malades en les touchant). Il devient l’élu de Dieu et se croit investi de
pouvoirs miraculeux.
L’Empereur carolingien fonde son pouvoir sur le serment d’obéissance et de fidélité que chacun
de ses sujets doit lui prêter. En tant que dominus, il bénéficie de la soumission sans réserve de tous ses
hommes (vassi regales). Ces derniers s’engagent au servitium envers leur senior par une sorte de
contrat unilatéral qui réunit des services d’aide, de conseil et de protection.
C’est ce modèle que les grands seigneurs du royaume imitent pour fonder des liens personnels
entre les vassali et les seniors. Le contrat vassalique sous-tend un réseau de relations d’homme à
homme ayant deux pôles essentiels: l’aide (v. aide) et le conseil (v. conseil).
Le vassal (v. vassal) doit fournir à son suzerain (v. suzerain) des conseils dans le cadre des
réunions féodales et des fêtes occasionnées par le culte religieux.

1 Ce qui justifie cette appellation, c’est le fait que les Francs étaient majoritaires parmi les peuplades
germaniques qui avaient envahi l’Occident après la chute du dernier empereur romain.
Celui-ci doit également défendre son seigneur en cas d’attaque ennemie et s’oblige à lui assurer
l’escorte (v. escorte) et l’estage (v. estage). Si le conflit dépasse 40 jours, le vassal reçoit des
récompenses financières. Ce type de service prend donc un caractère réellement militaire, étant
expressément imposé à partir de 850. Pendant l’âge féodal, l’ost (v. ost) regroupe des chevaliers, des
sergents et des piétons (v. piéton). C’est à partir du XIVe siècle, parallèlement à l’évolution de la
stratégie militaire et de l’armement, qu’à ceux-ci s’ajoutent des archers, des arbalétriers et des
arquebusiers.
Les suzerains ont l’obligation d’entretenir leur vassali par l’attribution d’un bénéfice (v.
bénéfice). Ils leur concèdent cette terre par un acte symbolique appelé « cérémonie d’investiture », qui
rappelle l’existence des liens personnels entre deux familles / lignages / membres de deux couches
sociales dominantes. Le vassal rend hommage (v. hommage) à son vassal et prête un serment de
fidélité sur les Évangiles ou sur des reliques, serment qui rend l’acte irrévocable, en faisant du lien
humain un lien divin. Après la cérémonie d’investiture, le vassal remet à son seigneur un document
écrit qui s’appelle « aveu » (v. aveu). C’est par cet acte qu’il s’oblige à aider et à conseiller son
suzerain et qu’il reçoit la possession d’un domaine dont le revenu lui permet de vivre noblement et de
s’équiper pour la guerre.
La cérémonie d’investiture a lieu dans le manoir seigneurial du suzerain en présence de plusieurs
témoins. À genoux, en face de son seigneur, tête nue, le vassal tend ses mains jointes vers son
supérieur. Il proclame sa volonté de servir son seigneur. Ce dernier ferme ses mains dans celles de son
vassal et lui donne un baiser de paix, sur la bouche. Le rituel comprend ainsi trois phases essentielles :
« un rite de soumission (celui qui cherche protection met ses mains dans celles du senior) ; un rite
d’amitié (attestant l’égalité : le baiser), un serment de foi prêté sur l’Évangile : la fidélité privée prend
ainsi un caractère religieux. »2
La rupture de ce serment librement prêté, avec Dieu pour garant, peut entraîner de graves
sanctions civiles, étant considérée comme un acte de parjure. Si le vassal démontre clairement son
infidélité envers son suzerain, celui-ci peut reprendre par la force et confisquer le domaine qu’il lui
avait donné, après trois proclamations l’invitant à venir au manoir où il avait juré sa foi. L’acte par
lequel le vassal rompt le contrat vassalique en rendant la terre concédée porte le nom de « désaveu ».
L’organisation sociale médiévale ressemble donc à une pyramide au sommet de laquelle se
trouve le roi et qui repose sur des rapports personnels établis entre les vassaux et les suzerains. À
l’intérieur de cette pyramide, c’est l’ordre des Oratores qui assument les fonctions religieuse,
intellectuelle et d’assistance.
Le clergé (v. clergé) organise des cérémonies religieuses, s’occupe des hôpitaux (nommés hôtel-
Dieu ou maison-Dieu, où les pauvres reçoivent une assistance minimale) et des écoles (un
enseignement de base, en latin, est organisé dans les monastères). C’est sous la responsabilité de
l’évêque que sont constituées des écoles urbaines. En outre, il travaille pour la paix de Dieu et de
l’Église catholique.
Tout en formant depuis l’époque mérovingienne « une société indépendante dans le corps social
entier »3, l’Église réussit à sauvegarder un peu de l’héritage antique. Les seuls foyers de culture latine
se trouvent dans les monastères, grâce aux copistes bénédictins (v. bénédictin). Pendant l’époque
carolingienne, c’est toujours l’Église qui assure l’unité de la royauté franque. Le bref retour à la
romanité réalisé par la restauration de l’Empire (v. 800) en faveur de Charlemagne est détruit par les
partages successoraux (traité de Verdun, 843).
L’Église est gouvernée pendant l’époque féodale par le pape, qui contrôle avec une grande
autorité l’action des membres du clergé. Il se fait aider par des cardinaux qui jouent le rôle de ministres
auprès du roi. En outre, il joue le rôle de monarque suprême. Il peut intervenir dans la vie de l’État et se

2 Jacques Ellul, Histoire des institutions. Le Moyen-Âge, Paris, Presses Universitaires de France, 1962, p. 113.
3 Ibidem, p. 135.
permet de juger les actions des rois d’Occident. Se considérant comme un intermédiaire de Dieu auprès
des hommes, il prétend que son pouvoir est supérieur à celui des chefs d’État. C’est toujours sous sa
direction que toutes les grandes questions religieuses et politiques sont traitées dans des conciles
composés d’ecclésiastiques venus de tous les pays catholiques.
Même si le pouvoir pontifical semble absolu, les papes ne sont pas infaillibles durant tout le
Moyen-Âge. Les fidèles critiquent parfois leur train de vie somptueux, tandis que les rois, soucieux de
leur indépendance, refusent souvent de leur obéir.
Les clercs (v. clerc) appartenant à l’Église sont investis d’une fonction sacerdotale. Pierre
Abraham raffine là-dessus :

[...] ce sont les membres de la hiérarchie ecclésiastique de culture latine, évêques,


chanoines qui ont pour mission de veiller au respect du dogme, d’expliquer les points
obscurs, d’adapter une réflexion élaborée dans le cadre du monde antique aux formes
nouvelles de la pensée nées dans le cadre du monde féodal4.

Ce sont donc les ecclésiastiques, ceux qui représentent l’ensemble des membres de l’Église ayant
le droit de célébrer le culte, et qui forment le clergé ; par opposition, les fidèles s’appellent laïcs. Ils
considèrent la prière comme la forme pure de la religion, manifestent une foi profonde et participent
activement aux activités gérées par l’Église. L’évêque cumule souvent les fonctions de maître spirituel
et de seigneur temporel.
Les historiens établissent l’existence de deux catégories de clercs :
- le clergé séculier (v. clergé séculier), qui vit parmi la population (évêques, curés). Dans les
premiers temps, il est le seul habilité à enseigner dans les universités (v. université) ;
- le clergé régulier (v. clergé régulier) regroupant des abbés et des moines qui vivent coupés du
monde et qui se retirent dans des monastères pour consacrer leur vie à l’étude et à la prière.
L’habit des moines médiévaux s’appelle « pelisse » ; il s’agit d’une robe fourrée que ceux-ci
portent au début par nécessité, n’ayant que très peu de lieux chauffés, mais qui devient luxueuse
lorsque les fourrures sont trop dispendieuses. Les matériaux conseillés sont les fourrures de putois ou
de vison et les peaux de chèvre ou d’agneau. À Cluny, ces vêtements sont renouvelés à la Saint-Michel,
tous les deux ans.
Les moines portent également un voile à capuchon s’affublant sur la poitrine : c’est la « coule »
(cuculle). À travers le temps, ce vêtement devient le signe distinctif de quelques communautés
religieuses (par exemple, les Augustiniens portent une coule indépendante, comme un bonnet, tandis
que chez les Franciscains, la coule est plus petite). Le novice n’a pas le droit de la porter. Avec
l’apparition des ordres mendiants se généralise le port d’un « scapulaire » sur la tunique et sous la
chape. L’habillement des jambes des moines est assuré par le chausson attaché à l’aide de bandelettes.
Lorsqu’ils assistent aux offices, les religieux portent une « roque » – une pièce de vêtement qui
ressemble par sa dimension au justaucorps du costume civil.
Au cours du Moyen-Âge, la maîtrise du temps est entièrement religieuse. Chaque journée est
scandée par une liturgie dont les prières doivent être chantées à des heures fixes. Les canons de l’Église
découpent la journée de trois en trois heures selon les offices de matines (minuit), laudes (3 heures du
matin), prime (6 heures), tierce (9 heures), sexte ou midi (12 heures), none (3 heures de l’après-midi),
vêpres (6 heures du soir), complies (9 heures du soir).
Le clergé est divisé en plusieurs ordres :
 les Bénédictins (les « moines noirs ») forment un ordre fondé par Saint Benoît, dans
l’abbaye de Cluny. Dans une première étape de leur existence, ils dépendent d’autrui pour assurer leur
subsistance, mais avec le temps, ils oublient l’idéal de pauvreté évangélique et « s’embourgeoisent »,

4 Pierre Abraham, Manuel d’histoire littéraire, Paris, Éditions Sociales, 1965, p. 89.
devenant de très riches propriétaires. Les Bénédictins se divisent en deux catégories : les frères
« convers » (v. convers) et les prieurs ou litteratus5.
 les Mendiants (v. Ordre mendiant) forment un ordre qui rassemble Dominicains,
Franciscains (v. Franciscain), Augustins et Carmes et qui installe ses couvents au cœur des cités. Ils
entreprennent une réforme radicale se déclarant « mendiants » à la suite d’un vœu de pauvreté par
lequel ils s’engagent à ne pas accumuler de biens matériels. Au début, les Mendiants vivent de la
charité des fidèles et vont de ville en ville pour rappeler au peuple les règles de la vie chrétienne. Ils
renient vite ces idéaux, deviennent des moines riches et influents dans la vie sociale et sont vite
considérés comme hérétiques et hypocrites qui recherchent seulement la richesse et le pouvoir. Au
moment où ils acquièrent la suprématie dans l’enseignement supérieur, une grave crise secoue le milieu
intellectuel au XIIIe siècle. Jacques le Goff souligne cet aspect :

Ce fut la querelle des réguliers et des séculiers, la violente opposition des séculiers à
l’extension de la place prise dans les universités par des maîtres appartenant aux nouveaux
ordres mendiants. [...] Les Mendiants sont accusés d’usurper les fonctions du clergé :
confession et enterrement notamment ; d’être des hypocrites qui recherchent plaisir,
richesse, pouvoir : le fameux Faux-Semblant du Roman de la Rose est un Franciscain ; et
finalement d’être des hérétiques : leur idéal de pauvreté évangélique est contraire à la
doctrine du Christ et menace de ruiner l’Église6.

Cette polémique a comme point de départ le traité Les Périls des temps nouveaux, élaboré par un
maître séculier, Guillaume de Saint-Amour. Elle est continuée par des écrivains comme Rutebeuf,
dans quelques poèmes de circonstance, et Jean de Meung.
 les Cisterniens (de Cîteaux) (v. Ordre cisternien) représentent une branche fragile de l’ordre
bénédictin qui introduit un esprit nouveau par le respect de la règle de pauvreté. Ils réagissent contre
les richesses amassées par les Bénédictins à travers le temps. Le succès foudroyant de cet ordre est dû
à la personnalité de Saint Bernard de Clairvaux, qui se remarque par son esprit d’organisation, mais
aussi par l’art de la parole7.
Dans son Manuel d’histoire littéraire de la France, Pierre Abraham observe de justesse que

« seule la religion, en fixant aux fidèles un but à atteindre purement moral et abstrait, celui
de la réformation de soi en vue du salut, offre au monde féodal un principe d’action
suffisamment dynamique pour lui permettre de réaliser ce qui n’aurait pu être réalisé, en
dehors de lui, étant donné les formes d’organisation de la production et l’état des
techniques existantes. »8

La religion occupe une place de premier rang tout au long du Moyen-Âge grâce à son pouvoir
d’assurer la seule unité véritable d’un territoire plurilinguistique. Le sentiment religieux imprègne
l’existence quotidienne de toutes les couches sociales et s’impose comme un facteur d’ordre et d’unité
à une époque où les habitants d’un même pays ne parlent pas la même langue. L’Église médiévale a
réussi à rendre moins rudes les mœurs de la classe militaire et à protéger le peuple. Mais son mérite le
plus grand consiste dans la propagande culturelle et la diffusion artistique qu’elle met en œuvre. Par les

5 Ces clercs issus de la noblesse féodale ont le rôle de copier des manuscrits, de s’adonner aux controverses
théologiques et / ou de chanter lors des offices.
6 Jacques Le Goff, Les Intellectuels du Moyen-Age, Paris, Le Seuil, 1965 ; cité par Xavier Darcos, ***Le Moyen-Âge et

le XVIe siècle en littérature, Paris, Hachette, coll. « Perspectives et confrontations », 1987, p. 15.
7
Il est également connu pour ses querelles avec Pierre Abélard.
8 Pierre Abraham, op. cit., p. 88.
fêtes et les célébrations qu’elle organise en honneur du Christ, l’Église contribue à l’épanouissement de
la culture à l’intérieur des couches sociales médiévales.
Cependant, les historiens nous rappellent que la foi n’exclut pas les manifestations primitives qui
s’éloignent quelquefois des exigences du culte catholique. Les gens ont peur du diable et restent très
attachés aux anciennes coutumes païennes. En outre, ils sont extrêmement crédules, ce qui justifie et
encourage le commerce des reliques réputées pour leurs miracles. La foi profonde détermine les gens à
recourir parfois à des pratiques empreintes de superstition. Pour effacer leurs péchés, les chrétiens
s’infligent jeûnes et pénitences. Ils pensent même acheter, par des aumônes faites à l’Église, la
protection des saints et le pardon de la divinité. Parmi les moyens destinés à gagner le ciel, le plus
privilégié par les gens des Xe-XIIIe siècles est représenté par le pèlerinage – voyage fait par dévotion à
un sanctuaire9. Malgré les dangers qui parsèment la route, le pèlerinage en Espagne pour vénérer les
reliques (v. relique) de l’apôtre Saint-Jacques attire des milliers d’hommes par an.
L’Église cherche également à adoucir la brutalité de la classe militaire et à protéger les clercs et
les travailleurs. Le renforcement de la papauté et la lutte contre ses propres abus (par la réforme
grégorienne, à la fin du XIe siècle), auxquels s’ajoute l’épanouissement de la vie monastique (Cluny,
Cîteaux), entraînent des modifications capitales dans cet âge d’or du monde médiéval.
Un autre mérite de l’Église consiste à appeler la chrétienneté à s’unir pour la croisade (v.
croisade). Il y a eu, sous l’impulsion de la papauté, huit expéditions militaires déclenchées du XIe au
XIIIe siècle par les armées de chevaliers chrétiens de l’Occident pour délivrer les Lieux Saints occupés
par l’Islam10. Les conquêtes militaires organisées par les rois chrétiens implantent la religion catholique
dans presque toute l’Europe.
L’éclatement de la chrétienneté se produit donc grâce aux croisades déroulées entre 1096–1207.
Je présente dans ce qui suit l’ordre chronologique de ces événements pour avoir un aperçu global sur ce
phénomène crucial :

 1096-1099 —première croisade


Philippe Ier laisse les grands seigneurs (Robert de Normandie, Godefroi de Bouillon, Raymond
IV de Toulouse) se partager les États latins. On assiste à la prise d’Antioche et de Jérusalem et à la
création du royaume franc de Jérusalem. C’est le pape Eugène III qui prêche la croisade.
 1147-1149 —deuxième croisade
Louis VII de France mène les opérations militaires avec l’empereur Conrad III de Hohenstaufen.
La croisade est prêchée à Vezelay par Saint-Bernard. Même si le roi réunit une armée de 50.000
soldats, il y a les défaites de Dorylée et d’Attalia et des expéditions malheureuses contre Damas et
Ascalon. Cette lutte réussit quand même à accroître le prestige de la royauté :

Elle donne, à l’intérieur du royaume, l’image d’un roi religieux qui rassemble une armée
chaleureuse et fraternelle. Avec lui grandit le mythe du roi des derniers jours, parent de
celui qui, dans le texte de l’Apocalypse, vient en défenseur ultime de Jérusalem. [...] En
même temps, le roi utilise à son profit l’idéologie issue des mouvements de paix. Dès le
règne de Louis VI, la paix défendue par l’Église devient la paix du roi. Ainsi s’approfondit
le lien étroit entre le roi et le peuple.11

9 Ils y a parmi eux des pèlerins qui voyagent en Espagne pour vénérer les reliques de l’apôtre Saint-Jacques et
qui, pour y arriver, parcourent, parfois pieds nus, 30-40 km par jour. Ce sont les « Jacquets ».
10 Les historiens s’accordent à dire que les trois premières croisades sont les seules expéditions à caractère

strictement religieux. Les autres cinq croisades qui leur suivent sont définies par une prééminence d’objectifs
économiques et politiques.
11 Claude Gauvard, La France au Moyen-Âge du Ve au XVe siècle, Paris, P.U.F., 1996, p. 232-233.
 1189–1192 —troisième croisade (Frédéric Ier de Barbusse, Richard Cœur de Lion, Philippe
Auguste) : prise de Saint Jean d’Acre.
 1202-1204 —quatrième croisade (appel du pape Innocent III à la noblesse d’Europe) :
détournée de son but initial (l’Egypte), elle aboutit à la prise de Constantinople et à la constitution de
l’Empire latin.
 La croisade des Albigeois (v. Albigeois) (1209-1229) a le but de désorganiser le catharisme
(v. Cathare), sous la direction de Simon de Montfort. Cette guerre atroce prend fin lors de l’expédition
initiée par Louis VIII en 1226 pour s’emparer du comte de Toulouse. L’albigeoise reçoit le coup fatal
en 1244 par la prise de leur citadelle de Monségur.
 1217-1221 — cinquième croisade – commandée par Jean de Brienne, roi de Jérusalem, elle
échoua en Egypte.
 1228-1229 — sixième croisade (Frédéric II de Hohenstaufen, excommunié): obtention de
Jérusalem, Bethléem, Nazareth, par négociation avec le sultan Saladin.
 1248 — septième croisade (Saint Louis) : battu et fait prisonnier, le roi de France est libéré
contre rançon.
Louis IX (1226–1270) a été déclaré saint après sa mort. Il a acquis une autorité reconnue dans
tout l’Occident et c’est autour de lui que le premier État moderne d’Europe fut constitué.
 1270 — huitième croisade (Saint Louis) : mort du roi à Tunis.
Les moines-soldats qui forment les ordres religieux militaires (v. Templier, Teutonique)
doublent les vœux monastiques traditionnels de la volonté de défendre la chrétienté et d’assister les
pèlerins en route vers Jérusalem. Leurs entreprises les rendent très puissants et les aident à modifier
profondément le visage de l’Europe.
Le salut de l’âme représente pour les hommes médiévaux une préoccupation constante, tout aussi
importante que la nourriture quotidienne. Le chrétien qui risque sa vie dans la lutte contre les infidèles
sauve son âme en méritant l’indulgence. La guerre pour Dieu est considérée par les chevaliers comme
un acte de ferveur religieuse. En outre, ils manifestent le goût de l’aventure et l’attrait du pouvoir et des
richesses. C’est donc grâce à l’Église que l’anarchie féodale disparaît pour faire augmenter l’autorité
royale. Située vers le début du XIIe siècle, la consolidation de l’ordre chevaleresque se réalise au sein
des croisades12.

D’autre part, les clercs sont les intellectuels du Moyen-Âge. Ils sont considérés comme les
dépositaires des acquis fondamentaux de la science. Ils obtiennent ce statut après avoir fréquenté un
enseignement organisé selon deux cycles successifs, le trivium (v. trivium) et le quadrivium (v.
quadrivium).
Cette équivalence totale entre les mots « clerc » et « intellectuel » est retrouvable dans la
définition donnée par un éditeur des Poésies de François Villon13 dans son Introduction sur le parcours
biographique du premier poète moderne français :

Tous ceux qui aspiraient à quelque sûre position non seulement dans le clergé proprement
dit, mais dans toutes les professions libérales : droit, finance, médecine, enseignement,
commençaient à étudier en qualité de clercs et portaient la tonsure, la robe longue et le haut
bonnet. On peut dire que dans ce temps-là, tout intellectuel était clerc14.

12 Apud Paul Arfeuilles, L’épopée chevaleresque, de l’ancien Iran aux Templiers, Paris, Bordas, 1972, p. 84.
13 François Villon, Poésies, Paris, Éditions Baudelaire, 1965. L’Introduction est anonyme ; il n’y a aucune mention
du nom de l’éditeur.
14 Ibidem, p. 12.
Pour la plupart, les clercs vivent de leur activité de professeur, de savant ou de leur collaboration
avec les seigneurs laïcs dans le but de promouvoir une culture profane autonome. Il y a également les
« scriptores » — copistes des manuscrits, enlumineurs et miniaturistes qui les décorent — qui ont le
mérite d’assurer la multiplication et la diffusion des textes.
Le terme « clerc » renvoie également aux écoliers / étudiants médiévaux ; c’est ce sens que
Guillaumette lui attribue lorsqu’elle parle avec son mari du maire habile de leur ville, dans la première
scène de La Farce de Maître Pathelin: « C’est qu’il a lu le grimoire et longtemps étudié comme
clerc. »15
La recherche intellectuelle enrichit la vie culturelle des XIIe -XIIIe siècles, étant l’œuvre des
clercs et bénéficiant de la protection papale. Par exemple, l’École de Chartres met en avant les « sept
arts libéraux » (v. arts libéraux), dont le rôle dans la formation de la spiritualité moderne est
déterminant.
Au XIIe siècle, l’enseignement se déroule dans les écoles développées par l’Église à l’intérieur
des villes. Il n’y a pas de bâtiments spécifiques à l’acte éducatif ; c’est pourquoi les maîtres enseignent
dans des églises, dans des monastères ou sur des places publiques.
Au début du Moyen-Âge, les premiers textes écrits avaient un caractère fortement religieux. C’est
pendant l’âge féodal que les clercs commencent à écrire des textes littéraires et officiels (administratifs
—comme les livres tenus par les marchands — et juridiques).
Les livres coûtent très cher, car ils sont copiés à la main par des moines ou par des étudiants
pauvres. Les premières librairies apparaissent à la fin du XIIIe siècle, au moment où l’usage des livres
se développe substantiellement.
La langue dans laquelle les textes sont rédigés n’est plus seulement le latin, mais aussi les langues
vulgaires (vernaculaires) (v. vernaculaire). La France médiévale est plurilingue. L’effondrement de
l’Empire romain instauré en Gaule au Ve siècle accélère le processus de morcellement du latin vulgaire
et fait naître le « roman ».
Après avoir étudié les liens établis entre le domaine textuel vernaculaire et laïc et les
métadiscours latins, Peter Haidu illustre dans un tableau la distribution binaire des textes appartenant
au XIIe siècle :

modèle I modèle II
latin langue vulgaire
écrit oral
dominante idéologique cléricale dominante idéologique laïque
texte ferme texte ouvert16

Le « roman » est une langue populaire dont les variantes sont très nombreuses (le francien, le
picard, le lorrain, le normand, le berrichon, le champenois, le franc-comtois, le bourguignon, le
bourbonnais, le tourangeau, l’angevin, le poitevin, le saintongeais, etc.), en fonction des régions où elle
était parlé. C’est également la langue imposée dans d’autres peuples romanisés : en Italie (florentin,
ligure, piémontais, lombard, vénitien, istrien, toscanien, corse, ladin, sicilien, calabrien, etc.), en Suisse
(franco-provençal, romanche), en Espagne (castillan, asturien, léonais, andalou, aragonais, catalan,
etc.), en Portugal (galicien, mirandais, açorien, alentejano, etc.) et en Roumanie (daco-roumain,
mégléno-roumain, macédo-roumain, istro-roumain).
Le français oral se forme, sous l’influence germanique, entre le Ve et le Xe siècles, constituant
deux groupes dialectaux principaux (le dialecte d’oïl au Nord et le dialecte d’oc au Sud) et deux zones

15 ***Le théâtre comique au Moyen-Âge, Paris, Librairie Larousse, 1935, p. 49.


16 Peter Haidu, « Le sens historique du phénomène stylistique », in Europe, no 642/octobre 1982, p. 39.
de parlers de transition, le franco-provençal et le Croissant. Ce sont des idiomes employés dans la
communication de tous les jours.
Les termes « oïl » et « oc » proviennent de la façon différente d’exprimer l’adverbe
d’affirmation « oui » du latin « hoc ille ». C’est Dante qui leur a donné ce nom, au début du XVIe
siècle.
 La langue d’oc (v. langue d’oc) correspond à la moitié Sud du royaume franc et regroupe
plusieurs dialectes très proches les uns des autres : le provençal, le languedocien, l’auvergnat, le
périgourdin, le dauphinois, le gascon (avec le béarnais) et le catalan (qui est une branche de la langue
d’oc jusqu’au XIIIe siècle).
 La langue d’oïl (langue d’oïl) correspond à la moitié Nord du pays, regroupant le francien, le
normand (avec sa variété anglo-normande depuis la fin du XIe siècle), le picard, le wallon, le
champenois, le lorrain, le bourguignon, le berrichon, l’angevin et le poitevin.
 Au Centre-Est du royaume se développent les dialectes franco-provençaux (bressan,
savoyard, dauphinois, lyonnais, forézien, chablais, etc.) Ce groupe linguistique, qui s’étend de
Neuchâtel en Suisse à Grenoble et de Roanne au Val d’Aoste en Italie, a été identifié et nommé dans la
seconde moitié du XIXe siècle par le linguiste italien Graziadio Ascoli. Il est formé autour de la
capitale des Gaules – Lugdunum, devenu Lyon. Une différence capitale par rapport au domaine d’oïl
est représentée par la mobilité de l’accent tonique (celui-ci étant fixé en français sur la dernière
syllabe).
 Le Croissant est une zone de parlers hybrides, de transition, qui a reçu ce nom du linguiste
Jules Ronjat en 1913, d’après sa forme. Elle va du Sud d’Angoulême à l’Est du département de l’Allier
où elle bute contre l’aire du franco-provençal.
Il faut quand même observer que les formes orales du français alternent pendant tout l’âge féodal
avec le latin, dont la survie s’accomplit parallèlement au développement d’un français savant :

Dans la société tripartite du Moyen-Âge, à côté des diverses formes de « lingua rustica »,
du « roman », pratiquées par les chevaliers, les laboureurs, et, de plus en plus, par les gens
de loi (malgré leur formation latine), à côté de cette norme « françoise » qui tendait à
s’établir, le latin est resté pendant des siècles la langue vivante, non seulement écrite, mais
orale, des clercs qui avaient gardé le privilège de l’accès aux Écritures, saintes et
profanes.17

Le français écrit18 fait définitivement disparaître le latin et réussit à s’imposer en tant que langue
du pouvoir politique. Les premiers textes écrits dans une langue vernaculaire sont des documents
juridiques (Les Serments de Strasbourg, 842) et des récits hagiographiques (Vie de saint Alexis, vers
1040, ou Sermon sur Jonas, vers 940).
Du Xe au XIIIe siècle, les différents textes officiels et littéraires attestent la constitution sur le
territoire du nord de la Loire d’une seule et même langue écrite commune, nuancée selon les régions
par certains traits dialectaux. C’est la langue qu’on appelle « l’ancien français ». Dès le XIIIe siècle, le
francien — dialecte de l’Île-de-France, variante parlée de Paris, langue de l’autorité politique —
s’impose comme principal modèle linguistique, étant ultérieurement promu par l’Ordonnance de
Villers-Cotterêts au rang de langue nationale.
Dans son ouvrage portant sur les aires langagières de la France, Henriette Walter estime que le
français national ne proviendrait pas du francien, mais du dialecte anglo-normand. Une preuve dans ce
sens serait la littérature florissante rédigée aux XIe–XIIe siècles en une langue très peu dialectale, ayant
les traits d’une langue commune, illustrée surtout par Chrétien de Troyes :

17 J. Picoche, C. Marchello-Nizia, Histoire de la langue française, Paris, Nathan, 1989, p. 26.


18 De toutes les langues romanes, le français a été le premier à accéder à l’écrit.
Cette interprétation est simple, mais fausse. Ou plutôt, elle est un récit fondateur, un
discours des origines, une explication du monde ; c’est bien un mythe. [...] La vérité est
sans doute ailleurs, dans l’Ouest de la France [...], où de puissantes abbayes disposent de
scriptoriums expérimentés, où une cour littéraire existe, attire des écrivains, est protégée
par un prince. [...] cette langue fut élaborée [...] dans l’espace littéraire, sous la protection
anglo-normande. Se penchèrent sur son berceau deux figures tutélaires qui ne cessèrent
depuis de lui prodiguer leurs soins : le poète et le prince.19

Selon Henriette Walter, considérer qu’à l’origine du français se trouve le francien, c’est un mythe
« venu sauver l’intégrité nationale », car, après la perte de l’Alsace-Lorraine, on ne pouvait pas
reconnaître « que la langue écrite commune, future langue nationale, avait été élaborée non pas en
domaine capétien, mais dans le royaume normand. »20
L’évolution de l’ancien français est étroitement liée au régime féodal, dont la caractéristique
principale a été, comme on l’a déjà vu, le morcellement du pays produit par la constitution des grands
fiefs. Les divergences entre les parlers locaux s’affermissent, surtout au Xe siècle, permettant une
évolution linguistique libre, sans aucune contrainte.
Certains spécialistes21 opèrent la distinction entre le français archaïque (le très ancien français
ou le plus ancien français) et l’ancien français, à partir des changements phonétiques,
morphosyntaxiques et lexicaux intervenus, d’une part, entre 842 – le milieu du XIIe siècle et, de l’autre,
jusqu’à la fin du XIIIe siècle. D’autres linguistes22 considèrent qu’il est difficile de subdiviser avec
précision les évolutions linguistiques et préfèrent parler de l’ancien français pour dénommer toute la
période située entre le IXe siècle et la fin du XIIIe siècle. C’est au XIIIe siècle que le francien — le
dialecte de l’Île-de-France — commence à se répandre au détriment des langues des autres régions.
Pendant l’âge féodal, l’enseignement universitaire à fort caractère théologique réussit à donner à la
culture médiévale un souffle nouveau. En suivant le modèle des métiers, les maîtres et les étudiants
s’organisent en associations. Ces grands foyers de culture sont les centres universitaires, où afflue une
population cosmopolite.
L’ensemble des étudiants et des maîtres intégrés dans la vie d’une cité devient le creuset d’une
pensée collective, un lieu de débat perpétuel et d’effervescence intellectuelle. Par exemple, l’Université
de Paris accueille les maîtres les plus prestigieux en théologie, comme le Dominicain Thomas d’Aquin
; l’Université d’Orléans s’illustre dans le droit, celle de Montpellier dans la médecine, etc. La faculté
des arts donne les bases des lettres et des sciences. Les étudiants doivent payer leurs professeurs et
leurs livres, ce qui fait de la formation universitaire un privilège réservé à la couche sociale noble.
Pour ceux qui ne peuvent se le permettre, l’Église crée des collèges (v. collège) pour les
accueillir. Certains étudiants ne respectaient pas les règles institutionnellement établies et devenaient
des « déclassés ». L’Introduction d’un recueil de Poésies de François Villon nous présente brièvement
la situation et le statut de ceux-ci à cette époque-là : « Les étudiants qui vivaient soit dans les collèges,
soit chez les professeurs, formaient un monde particulièrement turbulent ! Le vin, le jeu, les filles les
occupaient trop souvent. »23

36 Henriette Walter,
Le français dans tous ses états, Paris, Robert Laffont, 1988, p. 233–234.
20 Ibidem, p. 234.
21 Cl. Buridant, « L’ancien français à la lumière de la typologie des langues », in Romania, no. 108/1987, p. 20-65.
22 Parmi lesquels se situe notre ancienne professeure et collègue, Mme Sofia Dima, qui choisit le syntagme

« ancien français » pour désigner toute la période située entre les IXe-XIIIe siècles, même si celle-ci comprend
deux étapes « assez bien configurées » ; Sofia Dima, L’Histoire des Français et de leur langue, Iasi, Ars Longa, 2002,
p. 102.
23 Apud Introduction à l’édition de 1965 des Poésies de François Villon, éd. cit., p. 12.
On peut observer aisément que l’univers social représenté par les clercs n’est pas du tout
homogène. Après avoir fini leurs études, certains d’entre eux ne réussissent pas à trouver d’emploi
stable et deviennent goliards ou vagants (v. goliard). Ils mènent une vie de bohème pleine de détresse
et de misères et, pour y résister, ils se refugient dans le jeu, les vins et les plaisirs de toutes sortes. Il y a
parmi eux des clercs plus révoltés qui prennent la plume et qui font de l’amertume le thème dominant
de leurs poèmes. Ils s’érigent même contre les ecclésiastiques et le pape.
Un exemple en ce sens serait les vers suivants :

Il y a des poètes qui évitent les lieux publics


Et cherchent des demeures secrètes et cachées ;
Ils travaillent, ils s’acharnent, ils veillent, ils peinent dur
Et arrivent à peine à rendre leur œuvre illustre.

Les chœurs des poètes jeûnent et font maigre !


Ils évitent les rixes publiques, le tumulte des places,
Pour faire une œuvre qui ne puisse mourir :
Ils crèvent eux-mêmes, écrasés de travail.24

La littérature réussit ainsi à révéler les grandes dissensions qui déchirent au milieu du XIIIe siècle
le monde des intellectuels. Pourtant, malgré l’insécurité qui domine la société féodale et ecclésiastique,
l’Église en reste un facteur d’ordre et d’unité.

Les troubadours forment une catégorie de créateurs médiévaux qui reflètent très bien dans leur
œuvre l’importance que la vie de cour acquiert dans la France des XIIe-XIVe siècles. L’adjectif «
courtois » (v. corteis) date depuis le milieu du XIIIe siècle et désigne tout ce qui appartient à une cour,
royale ou seigneuriale. Il définit tout un système idéologique fondé sur la fin’amor occitane, sur une
sorte de religion de l’amour, tout en renvoyant à toutes les qualités spirituelles et physiques qui
caractérisent les gens de cour : l’élégance, la politesse, la générosité, l’art de parler, etc. Les historiens
littéraires identifient trois « classes » de troubadours, à partir de l’existence de trois conceptions de
l’art poétique : le trobar leu (v. trobar leu), le trobar clus (v. trobar clus) et le trobar ric (v. trobar
ric)25.
Le sens étymologique du terme « troubadour » renvoie au développement des « tropes »26, dès
1150, au nord du domaine occitan. Ces poètes créent des types de vers, de rimes, de modèles
strophiques et des motifs littéraires qui se trouvent à la base de la poésie occidentale. Leur œuvre,
surtout lyrique, chante le printemps, la nature en fleurs, l’amour heureux, mais surtout l’amour lointain
ou perdu pour une dame inaccessible et supérieure du point de vue social.
En tant que phénomène social, culturel et littéraire à la fois, l’amour courtois retrouve ses racines
solides dans le climat historique, social et politique du XIIe siècle et représente de ce point de vue «
l’aboutissement extrême du raffinement de la courtoisie » par la coordination de « l’élément féminin »,

24 Les deux strophes que je cite ci-dessus sont extraites de ***La Poésie des origines à 1715, Paris, Armand Colin,
1968; apud Xavier Darcos in *** Le Moyen-Âge et le XVIe siècle en littérature, éd. cit., p. 14. Ces vers appartiennent à
un vagant qui cache son identité sous le pseudonyme d’Archipoète.
25 Cf. Constantin Pavel, Genres et techniques littéraires dans la France médiévale, Iasi, Casa Editoriala « Demiurg »,

1998, p. 49.
26 Les « tropes » sont de « petits passages versifiés et chantés insérés dans les mélodies liturgiques » (Apud

Emmanuèle Baumgartner, La Littérature française du Moyen-Âge, Paris, Dunod, 1999, p. 25).


de « l’élément chevaleresque » et de « l’élément savant »27. L’idéologie de la fin’amor se trouve
également à la base des romans courtois, sous la forme d’une soumission totale du chevalier à sa Dame
dans le cadre de l’amor mixtus. Ce « sentiment absolu » apparaît d’abord comme une tentative de
transposer dans le domaine des relations amoureuses le respect de la chevalerie et les rapports de vassal
à suzerain, « sans se confondre avec la passion fatale et aveugle, car la raison et la volonté y
interviennent. »28
Par son essence aristocratique et donc élitiste, il s’oppose totalement à l’amour gaulois. La dame
aimée et son amant ont une bonne éducation et possèdent des qualités comme : « valor » (v. valor),
« ricors » (v. ricors), « pretz » (v. pretz), « paratge » (v. paratge), « mezura » (v. mezura),
« blandimen » (v. blandir), « largueza » (v. larc), « jovens » (v. jovens), « covivensa », etc. pour
obtenir le « joy » (v. joy) exprimant l’extase amoureuse, l’union totale des cœurs des deux amants.
L’historienne littéraire Emmanuèle Baumgartner considère que ce thème de l’amour parfait, fin et
délicat ne représente dans la conception des poètes courtois que « la métaphore d’une autre quête : celle
du poème qui rendrait dans sa plénitude la jouissance éprouvée par l’amant du verbe à
« trouver » l’expression la plus parfaite »29. Leur but essentiel serait donc « l’extase de l’invention
poétique ».
La poésie lyrique des troubadours et des trouvères donne une image fidèle des valeurs honorées
par la société médiévale. Ces créateurs ont le mérite de synthétiser les idées de l’imaginaire collectif
médiéval pour refléter les aspects majeurs de l’idéologie courtoise, au centre de laquelle se trouve la
« domna » (v. domna). C’est pourquoi ils sont considérés comme les pionniers du lyrisme profane, car
ils réussissent à détourner la poésie lyrique de sa vocation primitive, à la fois religieuse et morale. C’est
grâce à ces créateurs que le grand chant occitan s’empare, à partir de 1150, d’une valeur méconnue
jusqu’à ce moment-là. Si la chanson de geste accorde une importance fondamentale à la ferveur
religieuse et aux liens féodaux unissant le vassal à son suzerain, la poésie lyrique met la femme au
centre de sa thématique.
Un aspect essentiel de l’âge médiéval est représenté par le chevalier (v. chevalier) et la vie
chevaleresque, car ceux-ci forment le noyau social du XIIe siècle. De fortune et de puissances inégales,
tous les chevaliers ont le même train de vie. Ils appartiennent à la noblesse, une catégorie sociale
dominante qui se caractérise par des privilèges transmis héréditairement. Tout homme de bonne
naissance (riche, descendant de suzerains) peut devenir chevalier après avoir fait un long apprentissage
comme page (v. page) et écuyer (v. écuyer). Cette étape l’aide à former son esprit et à développer son
courage, sa force physique et son sens de l’honneur. C’est à partir de l’âge de quinze ans, dans le cadre
d’une cérémonie appelée « adoubement »30 (v. adoubement), qu’il peut entrer dans la chevalerie. C’est
un événement essentiel de sa vie, auquel participent de nombreux nobles et qui se déroule en général en
mai ou en juin.
Après une veillée d’armes dédiée à la méditation et à la prière, l’écuyer prête hommage à son
suzerain dans le cadre d’une cérémonie profane et militaire d’initiation. Il prête à haute voix le serment
des chevaliers, une main sur l’Évangile, et reçoit de son parrain, son oncle ou son père31 l’épée et les
éperons, puis un coup sur la nuque, « la colée » (v. accolade). Lors de cette épreuve, il a l’occasion de
démontrer son habileté militaire, sa robustesse et sa maîtrise de soi.
Par ses qualités physiques et morales, le chevalier représente l’idéal humain de l’époque féodale
(v. prud’homme). Le portrait du comte de Hainaut, Baudoin V, réalisé par le chroniqueur Gislebert de

27 Cf. Constantin Pavel, op. cit., p. 45.


28 Ibidem, p. 49.
29 Emmanuèle Baumgartner, op. cit., p. 27.
30 Le verbe « adouber » connaît un sens plus général (v. adouber).
31 Ce seigneur pouvait appartenir à la catégorie des bannerets (v. banneret).
Mons dans sa Chronique du Hanovre, éd. G.H.Pertz, 1869), que je retrace dans les lignes suivantes,
témoigne de la richesse d’esprit de ce représentant de la chevalerie :

Il ne faut pas taire ses importantes dépenses aussi bien lors des grandes assemblées que
pour les guerres, les tournois, ni le fait qu’il parlait toujours à ses chevaliers en termes
agréables et corrects et que, quel que soit le motif de sa colère, il ne leur lançait pas de
mots grossiers ou inconvenants. De plus, bien qu’il fut adonné aux délices du siècle, il était
cependant soucieux d’entendre les offices divins (...); compatissant au dénuement des
pauvres, il leur distribuait très largement en aumône les mets de sa table.32

L’artillerie médiévale contient trois catégories principales d’armes : les armes à torsion
(machines à ressort) fonctionnant sur le principe de l’arc, les armes à traction33 (armes à balancier)
exploitant l’effet de levier pour envoyer des charges et les armes à feu basées sur l’explosion de la
poudre au canon.
Le chevalier se fait une idée exigeante de sa patrie, à laquelle il dédie ses actes de bravoure ; il
fait preuve d’une grande fidélité envers sa dame, étant prêt à se sacrifier lui-même pour la défense de la
religion. Les textes illustrant ses principes moraux forment une littérature de l’héroïsme, une littérature
noble où la grandeur chevaleresque occupe une place de premier plan.
L’équipement de base du chevalier comprend une quinzaine de pièces principales34, dont les plus
importantes sont l’écu (v. écu), la lance (v. lance), la cuirasse (v. cuirasse), les gantelets, le heaume
(v. heaume), le haubert (v. haubert), l’épée etc. Cet équipement est très couteux et seuls les seigneurs
riches pouvaient se le permettre. Autour du chevalier gravite un ensemble de serviteurs : écuyers,
valets, sergents (v. sergent) et garçons. Les pièces du harnais du cheval sont: le poitrail (v. poitrail),
les sangles et les varangues servant à maintenir la selle et les arçons (v. arçon) : le pommeau (v.
pommeau) et le troussequin.
Pendant l’âge féodal – situé entre le milieu du Xe et la fin du XIIIe siècle – le royaume de France
est divisé en deux grandes parties correspondant à la langue d’oc et à la langue d’oïl et comprend seize
principautés territoriales constituées depuis le règne de Charles le Chauve (843-877)35.
Du point de vue politique, cette période est considérée comme l’époque du monachisme. Tout
comme sous les Carolingiens, le roi se trouve au sommet d’une pyramide sociale fondée sur des
rapports personnels établis entre les vassaux et les suzerains. Cet ensemble de relations sociales,
d’usages et d’attitudes mentales continue la vassalité carolingienne sous le nom de « féodalité » (v.
féodalité).
Les rois capétiens dominent le système féodal et reçoivent l’hommage des grands seigneurs du
royaume, sans le prêter à aucun être humain. Seule la divinité leur est supérieure. Cette lignée
comprend 14 souverains qui se succèdent de père en fils36. Ces rois réussissent à imposer
progressivement leur pouvoir pour créer au XIIIe siècle le plus puissant État d’Occident.
Même si au début ils ne gouvernent qu’une petite partie du royaume – le domaine royal s’étend
seulement autour de Paris et d’Orléans37 – ces souverains imposent leur autorité à partir du XIIe siècle.

32
Apud Xavier Darcos, ***Le Moyen-Âge et le XVIe siècle en littérature, éd. cit., p. 59.
33 La pièce constitutive des armes à traction est la « verge » ; c’est une longue poutre de bois à l’extrémité de
laquelle on attache une poche contenant la charge à envoyer (l’autre extrémité est tirée par un groupe
d’hommes).
34 L’armure complète est formée d'une centaine de pièces, dont le poids peut dépasser 20 kg.
35
On peut reconstituer la structure administrative et territoriale de la France médiévale à l’aide de la Carte que
j’attache à la fin du livre.
36 Voir dans ce sens le deuxième tableau annexé sous le titre « La succession des souverains de 476 à 1453 ».
37 Voir la carte des premiers Capétiens attachée en annexe. Le reste du pays est divisé en grands fiefs

appartenant à des seigneurs qui n'obéissent point aux rois.


Au XIIIe siècle, les rois interviennent de plus en plus dans la vie du peuple et du royaume par de
grandes ordonnances (v. ordonnance). Les conseillers du roi forment deux grandes catégories : les
représentants du Parlement (qui rendent la justice pour le roi) (v. Parlement) et les membres de la
Chambre des comptes (v. Chambre des comptes), qui s’occupent des finances. Dans le domaine royal,
le souverain nomme des baillis ou des sénéchaux (v. bailli) pour le représenter. C’est ainsi qu’on
assiste, sous Louis IX, à la naissance de l’administration royale et à l’agrandissement du domaine royal.
Ce souverain se remarque comme le type du grand roi par sa piété et son souci de la justice. En 1254, il
donne une Ordonnance sur les baillis qui réglemente l’activité de ses représentants dans tout son
royaume :

Nous, Louis, par la grâce de Dieu roi de France, établissons que tous nos baillis, vicomtes,
prévôts, maires et tous autres, en quelque affaire que ce soit, fassent serment que tant qu’ils
seront en office ou en fonction de baillis, ils feront droit à chacun, sans exception de
personnes, aussi bien aux pauvres et aux riches, et à l’étranger qu’à l’homme du pays ; et
ils garderont les us et les coutumes qui sont bons et éprouvés.38

Pour s’assurer la fidélité de leurs vassaux, les rois multiplient les bénéfices – qui s’appellent à
partir du Xe siècle « fief » (v. fief). Leur pouvoir s’émiette au moment où la classe guèrriere dominante
forme une pyramide de suzerains et de vassaux :

la monarchie capétienne avait duré assez longtemps pour s’affermir. Une solide organisation
administrative assurait l’exécution des volontés royales. Mais en dehors de son domaine
propre, le roi ne pouvait légiférer qu’avec l’agrément des seigneurs. La féodalité, toujours
puissante, fournissait à la cour ses grands officiers, et ses membres siégeaient au Conseil.
Centre de l’activité politique, organe essentiel du gouvernement, la cour du roi avait aussi des
attributions judiciaires. Mais [...] l’autorité du prince se heurtait à l’influence des grands
feudataires et des hauts barons qui défendaient nécessairement les intérêts de leur caste.39

La période féodale se caractérise également par une société découpée en trois « états »40 ou ordres
(
v. ordre) : les oratores (v. oratores), les bellatores (v. bellatores) et les laboratores (v.
laboratores).
Dans la conception de l’homme médiéval, l’intégration dans la société signifie respecter la
spécificité d’une fonction remplie au niveau du groupe :

Avant le XIIIe siècle les distinctions à l’intérieur de la societé sont rudimentaires et s’en
tiennent aux fonctions de chaque groupe dans la communauté plus qu’à sa situation réelle.
Trois ordres se partagent le monde et en épuisent la signification: ceux qui prient, ceux qui
combattent, ceux qui travaillent.41

38
Joinville, Histoire de Saint Louis, éd. et trad. M. Natalis de Waillis, Didot, 1894, in Histoire - Géographie - Economie -
Education civique 5e, Christian Fournier (coord.), Paris, Bordas, 1982, p. 183.
39 R. Bossuat, Le Roman de Renart, Hatier, 1967; apud Xavier Darcos in *** Le Moyen-Âge et le XVIe siècle en

littérature, éd. cit., p. 86.


40 On ne peut employer le syntagme de « classes sociales » pour définir les étapes de la hiérarchie sociale, parce

que cette notion n’est pas adéquate aux réalités de l’époque. Le terme « ordre » est plus approprié à ce contexte.
Les chercheurs récents préfèrent parler d’« états ». Apud Constantin Pavel, op. cit., p. 9.
41 Xavier Darcos, « Les conditions de la production littéraire. La société féodale », in *** Le Moyen-Âge et le XVIe

siècle en littérature, éd. cit., p. 11.


Sur le plan social tout tourne, durant l’époque féodale, autour de la seigneurie (v. seigneurie). Ce
terme désigne à la fois l’ensemble des terres appartenant à un seigneur et le pouvoir que celui-ci exerce
sur les paysans. L’administration des grandes seigneuries est assurée par des officiers qui remplissent
des charges diverses. Parmi les officiers les plus importants, on a : le sénéchal (v. sénéchal), le
chancelier (v. chancelier), le connétable (v. connétable), le notaire, le sergent, l’amiral (v. amiral),
etc.
l’« état » des roturiers, des vilains (v. vilain) et le rôle que ceux-ci accomplissent dans le cadre d’une
seigneurie / ville, pour pouvoir porter ensuite un regard attentif sur les textes littéraires qui les
reflètent. Ce sont les représentants du « bas monde », ceux qui n’ont pas de sang noble et qui
appartiennent au peuple. Ils travaillent et effectuent des tâches particulières pour le compte des
autorités locales ou pour leur Maître.
Dans le sens concret, matériel, la seigneurie représente un domaine d’étendue variable42 qui
comprend deux grandes parties : la réserve du maître et les tenures (v. tenure) concédées aux vilains
(v. vilain). Au centre du domaine seigneurial se trouve le château, dont la tour offre une vue sur les
alentours permettant la protection du seigneur et de ses serviteurs contre les attaques éventuelles des
ennemis venus de l’extérieur et qui sont en quête de nouveaux domaines.
Pour rendre plus clair ce phénomène social extrêmement complexe, les historiens se sont
accordés à faire la distinction entre la seigneurie foncière et la seigneurie banale43.
La seigneurie foncière organise l’exploitation de la terre. Pour l’exploitation de son domaine
agricole et pour l’utilisation de ses fours, moulins ou pressoirs, le seigneur exige que le paysan acquitte
des redevances en nature et en argent :

Les paysans sont tenus d’exploiter une partie de la réserve sous la forme de corvées, et ils
paient en général au seigneur une redevance fixe, annuelle, en nature ou en argent, mais le
plus souvent mixte, qui s’appelle le cens. Le champart, dont nous avons vu qu’il est
proportionnel à la récolte, peut venir s’ajouter ou se substituer au cens, en particulier sur
les terres neuves. Ces redevances et corvées ont comme principale caractéristique d’être
fixées à l’avance, ce qui permet au paysan de prévoir son budget.44

La seigneurie banale est fondée sur les banalités (v. banalité) ou le droit de ban (v. ban) que
certains seigneurs exercent à leur profit. Ils imposent des charges à tous ses tenanciers (v. tenancier) et
alleutiers, d’une manière arbitraire. Au temps de l’essor agricole, le paysan acquitte la taille (v. taille),
une taxe fixe. Celui-ci doit aussi des corvées (v. corvée), ce qui signifie qu’il doit exécuter
gratuitement des travaux sur la réserve du maître (cultiver les champs, entretenir les bâtiments et les
fossés, etc.) et des aides (réparations du château, tours de garde, le droit de gîte (v. gîte), le droit
d’estage. Le seigneur perçoit également la blairie45.
À son tour, l’Église impose plusieurs types de taxes : les grosses dîmes (v. dîme), prélevées sur
les céréales (l’avoine, l’orge, le froment et le seigle), les menues dîmes, perçues sur les produits des
jardins et des vergers, la dîme de charnage, portant sur les animaux, et la dîme saladine, décrétée par
Philippe Auguste en 1199, pour obtenir l’argent nécessaire à la troisième croisade, dirigée contre
Saladin.

42 La réserve du maître est généralement cinq ou six fois plus grande qu’une tenure paysanne.
43
Les différences entre ces deux types de pouvoirs que les seigneurs exercent sur leurs tenanciers sont plus
facilement repérables dans le schéma proposé par Claude Gauvard sur la seigneurie, que j’annexe à la fin du
livre.
44 Claude Gauvard, op. cit., p. 154.
45 Cette redevance en avoine est perçue par le seigneur en tant que rétribution du pacage des animaux des

paysans sur ses terres.


Les historiens observent également que, même si cette division entre la seigneurie foncière et la
seigneurie banale est commode, elle n’est pas toujours juste, car le seigneur banal peut être aussi le
seigneur foncier d’un même lieu.
Dans le cadre d’une seigneurie il y a deux catégories de vilains : les roturiers (alleutiers ou
ingenui) (v. roturier) et les serfs (servi) (v. serf). Les représentants de la première catégorie, dont le
domaine s’appelle « alleu » (v. alleu), sont propriétaires de leurs terres. Même s’ils doivent payer
toutes sortes de taxes au seigneur, ils ont l’autorisation de léguer tout ce qu’ils désirent à leurs héritiers
et peuvent se déplacer librement à l’intérieur ou à l’extérieur du domaine. Ils paient également des
taxes liées à leur condition (par exemple, pour se marier hors de la seigneurie (v. formariage) ou pour
hériter des biens de ses parents (v. mainmorte). Ils ne doivent pas la dîme à l’église, ni l’aide militaire
au souverain si celui-ci est attaqué. En échange, le seigneur a la liberté d’exiger au serf les sommes et
les corvées qu’il veut. À la différence de l’esclave antique, il peut disposer du produit de son travail46.
À côté de ces deux catégories bien définies (le serf et le roturier), on compte parmi les structures
paysannes de la seigneurie les aubains (alibi natus) (v. aubain), dont la succession porte le nom
d’ « aubaine » (v. aubaine).
Pour synthétiser les précisions exposées ci-haut, rappelons que le grand domaine du seigneur
terrien comprend la terre de châtellenie (qui représente sa propriété) et les terres de seigneurie. Il y a,
d’une part, la seigneurie divisée en tenures (terres cultivables)47 concédées aux tenanciers en vertu d’un
rapport de propriétaire à concessionnaire, et, d’autre part, les terres concédées aux roturiers en vertu
d’un rapport de vassalité.
Si la terre concédée au vassal s’appelle « fief », le domaine donné au paysan libre en tant que
mode d’exercice de la seigneurie porte le nom d’« alleu ». On opère ainsi la différence entre la
concession d’un pouvoir politique, d’un devoir ou d’un pouvoir d’administration et la concession
économique d’un territoire/d’un droit de propriété.
Le tableau suivant rend plus visibles les différences établies entre ces deux types de terres :

Le grand domaine seigneurial

Terre de châtellenie Terres de seigneurie


- concédée aux tenanciers (serfs) qui - concédées aux paysans
versent des redevances et officiellement libres (roturiers) qui
accomplissent des corvées. œuvrent pour eux-mêmes, mais qui
versent la taille.
Les paysans habitent dans des chaumières en bois ou dans des maisons de torchis (terre argileuse
mélangée avec du foin). Le domaine seigneurial comprend également une église ou un monastère, des
champs et des bois, des bâtiments d’habitation et d’exploitation (un moulin qui servait à moudre le
grain, un four à pain, des ateliers de tannerie48, etc.) et un pont à péage (v. péage) qui assure au maître
un revenu sur la marchandise en transit.
Tous les éléments présentés ci-haut caractérisent la seigneurie, une « institution » à base rurale.
De l’autre côté, dans l’espace urbain, on assiste du Xe au XIIIe siècles qu’au renouveau des villes et à
l’avènement d’une nouvelle classe sociale, la bourgeoisie. Les citadins sont soit des paysans des
environs attirés par les avantages de la ville, soit des vilains chassés par la misère des campagnes. La

46 À celui-ci s’oppose également le « poost », un autre type serviteur libre du palais seigneurial, qui a le même
statut que les fonctionnaires civils et militaires (écuyers, hommes d’armes).
47 Le terme qui désigne les meilleures terres céréalières dans le Sud et le Sud-Est de la France est « condamine ».
48 Dans cet endroit d’un domaine seigneurial on travaille les peaux pour obtenir du cuir.
condition sociale des membres de la société urbaine était très diverse : à côté des riches49 il y a la
grande majorité des habitants menant une vie modeste, mais aussi des gens qui vivent dans une grande
misère et dont la subsistance est due à la charité de l’Église. À l’extérieur des villes, dans les faubourgs
(v. faubourg), il y a des hôpitaux construits pour accueillir les lépreux.
Les grandes différences que la société urbaine sous-tend sont très bien illustrées par Chrétien de
Troyes dans une de ses chansons de toile :

Toujours draps de soie tisserons Car de l’ouvrage de nos mains


Et n’en serons pas mieux vêtues, N’aura chacune pour son vivre
Toujours serons pauvres et nues Que quatre deniers de la livre [...]
Et toujours faim et soif aurons; [...] Et nous sommes en grande misère,
Du pain en avons sans changer Mais s’enrichit de nos salaires
Au matin peu et au soir moins; Celui pour qui nous travaillons.50

Le trouvère illustre l’état social précaire des artisans tisserands et se révolte contre l’injustice des
riches qui exploitent au maximum les travailleurs. La même idée ressortit de l’épisode de
Pesme-Aventure d’Yvain ou le Chevalier au Lion.
La ville devient vite un important lieu d’échanges commerciaux 51 et permet l’essor de l’artisanat.
Les occupations sont des plus diverses :

Il regarde la ville entière [...] et les tables des changeurs d’or et d’argent, toutes couvertes
de monnaie. Il voit les places et les rues qui sont toutes pleines d’ouvriers faisant tous les
métiers possibles. Ceux-là font des heaumes et ceux-là des hauberts. [...] Les uns font des
draps et les autres les tissent, [...] d’autres fondent l’or et l’argent. On aurait pu dire et
croire qu’en cette ville c’était toujours foire, tant elle regorgeait de richesse, de cire, de
poivre et d’épices et de fourrures bigarrées ou de petit-gris et de toutes marchandises.52

Dans les villes plus petites, il y a des halles qui abritent les marchés où les paysans des environs
vendent leurs produits en échange d’un peu de monnaie. Le système monétaire médiéval sous-tend
trois catégories essentielles : les pièces de grande valeur (en or), des pièces de moyenne valeur (en
argent) et des pièces de petite valeur. Le métal de la monnaie influe toujours sur la valeur de celle-ci:
c’est dans l’or que se trouve le prestige des princes et le propre du commerce international, tandis que
l’argent est utilisé dans le commerce local, sur le marché, les foires et pour payer les taxes.
Le « degré zéro » de système commercial est la livre, qui se divise en vingt sous (sols). Le sou, à
son tour, vaut douze deniers ; on a donc deux cent quarante deniers dans une livre d’argent pur. La livre
renvoie également à une valeur immatérielle, arbitraire, qui n’existe pas concrètement, mais qui sert à
évaluer le prix des marchandises. D’autres monnaies très utilisées à l’époque médiévale sont le besant,
le noble, le marc, le blanc, le franc, le parisis, l’écu, la maille, etc.53

49 Ils appartiennent au conseil de la ville, représentant l’équivalent des seigneurs dans l’espace urbain. C’étaient
de grands marchands et des chefs de métiers, qui avaient le pouvoir de contrôler la ville.
50
Apud Histoire - Géographie - Économie - Éducation civique 5e, éd. cit, p. 187.
51 La littérature évoque surtout la ville de Troyes, où était établie la cour de Marie de Champagne. Considérée

comme un important carrefour économique et industriel, elle devient également le lieu de passage d’artistes
renommés comme Gautier d’Arras, Gace Brûlé etc.
52 Chrétien de Troyes, cité dans Histoire - Géographie - Économie - Éducation civique 5e, éd. cit., p. 185.
53
Toutes ces unités de compte sont évoquées dans la littérature de veine bourgeoise. Je les définis dans le
glossaire attaché à la fin du livre et, pour clarifier leur signification, nous faisons recours à des exemples tirés de
La Farce de Maître Pathelin, car cette piece dramatique contient beaucoup de réminiscences du réseau marchand
extrêmement florissant au XVe siècle.
Dans les villes plus importantes, de grandes foires réunissent périodiquement les marchands
spécialisés en blés, les cuirs, etc. Les artisans se regroupent par rues ou par quartiers et vendent leurs
productions dans les boutiques qui s’ouvrent le long des rues.
Les métiers (v. métier) apparaissent officiellement au XIIe siècle. La majorité des citadins étaient
artisans et commerçants (bouchers, couteliers, tanneurs, charpentiers, marchands de vin, etc.) dont les
associations54 ont le rôle de contrôler les ateliers et de fixer les conditions de travail et la
quantité/qualité des produits fabriqués par chacun. Notons dans les lignes suivantes, en guise
d’exemple, un extrait d’un tel type de réglementation:

1. Quiconque veut être coutelier à Paris, c’est à savoir faiseur de manches à couteaux [...],
le peut être franchement pout tant qu’il travaille selon les us et les coutumes du métier qui
sont ainsi :
2. Nul coutelier ne peut avoir que deux apprentis, si ce ne sont ses enfants [...] nés de loyal
mariage ; ni ne peut prendre son apprenti à moins de huit ans de service. [...]
10. Nul coutelier ni ne doit, ne peut travailler de nuit, ni un jour de fête. »55

Ce sont les maîtres (les chefs de métiers) qui dirigent ces associations et qui forment des
apprentis pour que ceux-ci deviennent à leur tour des maîtres.
Pour rendre plus visibles les occupations propres au monde médiéval, il faudrait suivre une petite
56
vidéo portant sur une fête organisée en 2014 dans la ville de Mornas, en Provence, dans un but
instructif et divertissant. Cette séquence filmique nous permet d’accéder plus facilement au monde des
musiciens, des artisans et des ouvriers médiévaux. Les instruments de musique que les jongleurs
privilégient sont la cornemuse, le hautbois, le tambour, la rote et les cymbales. D’autre part, parmi les
activités productives essentielles il faut énumérer la poterie, la forge, la cordonnerie, la tannerie, etc. Ce
document authentique nous fournit également de précieux renseignements sur les coiffures et les
vêtements médiévaux. On observe aisément que le vêtement masculin se compose du pelisson57 (v.
pelisse), de la chemise, des braies (v. braie) ou caleçons de toile qu’on ne voit pas, des chausses, des
heuses, du bliaut ou de la robe. Comme coiffure, l’homme porte un chapeau, une toque ou une
aumusse. Les gens riches portent des fourrures (l’hermine, le sable ou la zibeline, le vair, le gris, etc.).
Pour revenir aux informations retrouvables dans les manuels d’histoire, on ferme cette courte
parenthèse et on ajoute que, à la différence des habitants de la campagne, tous les habitants des villes
sont libres. Ils commencent à se grouper, aux XIe-XIIe siècles, en associations appelées « communes »
(v. commune), surtout au Nord du royaume et déroulent leur activité avec le respect d’un ensemble de
règles précisées dans une charte (v. charte).
Le conseil de la ville, présidé par un maire au Nord et par des consules au Midi, garde les
archives et le sceau de la cité. Il lève des taxes et peut percevoir des amendes pour faire face aux
dépenses. Les membres de ce conseil appartenaient généralement à la bourgeoisie (v. bourgeois), mais
aussi à des familles riches.
Au Nord, le beffroi construit au-dessus de la halle a le rôle d’appeler les habitants aux réunions et
de les prévenir en cas de danger.
C’est donc à partir du XIIIe siècle qu’on assiste à l’apparition des bourgs et l’avènement de la
bourgeoisie, qui substitue au monde hiérarchique des cours seigneuriales et royales la contestation de

54 Certaines professions ne s’organisent pas en métiers; en dehors de ce système restent les manœuvres et les
grands marchands. Apud Histoire - Géographie - Économie - Éducation civique 5e, éd. cit., p. 186.
55 Emile Boileau, Le livre des métiers, Imprimerie nationale, 1879, cité dans ***Histoire, éd. cit., p. 187.
56 Cette petite séquence filmique est disponible à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=T1FfWzURFI8.
57 À ne pas confondre avec la pelisse des moines, que j’ai décrite dans le premier chapitre du livre.
l’idéal courtois et la peinture des mœurs. Parmi les autres caractéristiques de cette époque il faut
mentionner:
- l’apogée culturel : les rois et les princes protègent et soutiennent les artistes. Les écrivains
vivent de leur plume et tout cela accroit l’intérêt prêté à l’art et à la culture à cette époque-là ;
- la prospérité économique due aux échanges commerciaux entre l’Italie et les Pays-Bas ;
- l’expansion de la Chrétienté due aux Ordres des Templiers et des Chevaliers Teutoniques, à la
Reconquista (v. Reconquista), à Marco Polo, qui mène des missions diplomatiques en Chine au nom
du pape, mais aussi aux problèmes politico-religieux tels que les hérésies (v. hérésie), le catharisme et
l’Inquisition (v. Inquisition) ;
- l’affermissement du pouvoir royal (le roi représente l’autorité absolue) et l’apparition du
concept de « nation ». Les régions autrefois disparates forment un ensemble cohérent du point de vue
administratif et politique.
Cette courte présentation du climat socio-politique, économique et culturel correspondant à
l’émergence de la littérature bourgeoise m’aide à illustrer la manière dont ce type de textes reflète
l’esprit de l’espace urbain et rural médiéval.
Aux XIVe–XVe siècles (période connue sous le syntagme de « Bas Moyen-Âge »), l’autorité morale de
l’Église est affaiblie à cause des schismes et des abus de toutes sortes. La civilisation française traverse
une crise due à la perte de l’élan religieux, aux disputes formelles des théologiens et à la rupture du
contacte direct avec les textes sacrés. Les étudiants n’ont pas accès aux textes antiques et ne peuvent
pas penser librement. C’est parallèlement au développement des villes que les bourgeois créent des
écoles laïques, à l’intérieur desquelles les sciences profanes font concurrence à l’enseignement
théologique.
La guerre de Cent Ans qui oppose la France à l’Angleterre fait éclore l’idée de nation. Même si la
société reste rurale dans sa majorité, on assiste au triomphe de la bourgeoisie des villes. Celle-ci
incarne la rupture avec l’idéologie religieuse par sa vivacité, son réalisme et son individualisme.
Tous ces éléments se reflètent pleinement dans la littérature de veine bourgeoise : les pièces
dramatiques deviennent des entreprises commerciales, tandis que les poèmes des Rhétoriqueurs sont de
simples calembours. Depuis Alain Chartier (Belle Dame sans merci, 1424), la courtoisie est ressentie
comme un jeu hypocrite. Les déclarations d’amour n’intéressent guère les poètes des XIVe-XVe siècles,
qui tournent en dérision la courtoisie, tout en lui attribuant un côté trivial et farcesque.
l’œuvre de François Villon offre un décryptage historique du Paris médiéval, car ses poèmes
baignent dans la capitale française de l’époque. Les cibles de sa satire sont, pour la plupart, des clercs
et des officiers du Châtelet ou du Parlement, les hommes d’affaires et les chanoines. Les figures qui se
dégagent de son lyrisme forment une galerie de caricatures truculentes :

Grands bourgeois, magistrats, policiers sont dépravés, ivrognes, corrompus. Moines et


chanoines sont généralement dotés de ce qu’ils n’ont que trop : un idéal de confort, une
nourriture abondante et des femmes à foison, tout ce que critique l’universitaire séculier
répercutant, sur bien des points, les vues des chanoines de Saint-Benoît, mais aussi tout ce
qui a échappé au « povre Villon ».58

Par exemple, le portrait de l’évêque Thibaud d’Assigny représente la critique des religieux et des
représentants de la justice à la fois. À tout cela s’ajoute le défilé grotesque des prostituées et des
criminels. C’est par tous ces portraits que Villon exprime ses craintes, ses angoisses et sa misère
existentielle, mais aussi son expérience de vie.

58Claude Thiry, « Introduction », in François Villon, Poésies complètes, Paris, Librairie Générale Française, 1991, p.
22.
Dans son Testament on retrouve également des réminiscences de l’organisation administrative de
la France médiévale :

Aux trespassez je faiz ce laiz


Et icellui je communicque
A regens cours, sieges, palaiz,
Hayneurs d’avarice inicque,
Lesquels pour la chose publicque
Se seichent les oz et les corps. (Le Testament, CLXV)

Les « regens cours » sont des cours souveraines, les « sieges » - les tribunaux subalternes (ceux
des baillis), tandis que dans les « palaiz » on entendait les affaires courantes (les procès ordinaires).
Villon énumère ces instances judiciaires en ordre descendant, pour insister sur le manque de pouvoir
qui les caractérise. Le poète se livre ensuite à la contestation des prétentions nobiliaires des chefs de la
police parisienne :

Item, au Chevalier du Guet,


Le Heaulme luy establis [...]
La lanterne a la Pierre au Let;
Voire ! mes j’avais les Troys Lis,
S’ilz me mainent en Chastellet. » (Le Lais, XIX)

La prison du Châtelet est assimilée dans ces vers – par un calembour sur « lits » - à une auberge à
l’enseigne des Trois Lys.
Le reflet de Paris se réalise également par les portraits des gens pauvres, sans « vin, ni pitance »,
qui sont « desprins de biens et de parens » (Le Lais, XXVI), donc dépourvus de moyens de subsistance.
Ils tremblent à cause du froid, sont « megres, velus et morfondus » (enrhumés). (Le Lais, XXX)
Certains vers de Villon et de Charles d’Orléans mettent en scène des merciers (« marcerots »), de
petits colporteurs (la marchandise n’étant pas spécifiée). Par extension, « povre marcerot » signifie
« pauvre hère »: « Moi, pauvre marcerot de regnes,/Morrai ge pas ? Oy, se Dieu plaist ! » (Le
Testament, XLVI) Le même emploi métaphorique du vocabulaire commercial transparaît dans les vers
suivants: « Mais que j’ayes fait mes estraines,/Honneste mort ne me desplaist ». (Le Testament, XVII)
Le terme « estraines » (étrennes) désignant la première vente de la journée est employé dans ce
contexte dans un sens plus large (« mon lot de bonheur »).
C’est par tous ces éléments que François Villon se détache nettement du lyrisme qui lui avait
précédé. D’ailleurs, il énonce d’une manière répétitive son mépris envers la poésie amoureuse
d’inspiration courtoise et, implicitement, pour l’activité des ménéstrels : « Ma vielle ay mis soulz le
banc !/Amour ne suiveray jamaiz. » (Le Testament, LXX)
Mais ce qui compte le plus pour mieux comprendre sa touche personnelle, c’est sans doute la force
inégalable du moi lyrique. C’est dans le pouvoir du « je » que réside la singularité et la séduction qu’il
conserve de nos jours encore et qui font de Villon « le poète de toujours et de partout »: « Un je
polymorphe et changeant, qui s’injecte non seulement dans le rire et les tours de farceurs mais dans
tous les grands thèmes de son temps — et de toujours — à défaut de son destin. »59
 La succession des souverains (476-1453)

59 Ibidem, p. 41.
LES MÉROVINGIENS60 LES ROIS CAROLINGIENS
(481-751) (751-987)
Clovis I 481-511 Pépin III le Bref 751-768
Childebert 511-558 Charlemagne 768-814
Clotaire Ier 558-561 Louis 1er le Pieux 814-840
Caribert 561-567 Lauthaire 840-843
Chilpéric 567-584 Charles II le Chauve 843-877
Clotaire II 584-628 Louis II le Bègue 877-879
Dagobert I 628-638 Louis III 879-882
Clovis II 638-656 Carloman 879-884
Clotaire III 656-673 Charles III le Gros 884-888
Childéric II 673-675 Eudes 888-898
Thierry III 675-691 Charles III le Simple 898-922
Clovis III 691-695 Robert Ier 922-923
Childebert III 695-711 Raoul Duc de Bourgogne 923-936
Dagobert III 711-715 Louis IV d’Outremer 936-954
Chilpéric II 715-721 Lothaire 954-986
Thierry IV 721-737 Louis VI le Fainéant 986-987
Charles Martel 737-751
Childéric III 742-751

60 Pour dresser cette liste j’ai consulté les ressources disponibles en ligne sur http://www.notre-
histoire.com/merovingiens.html (le 21.01.2016).
LES ROIS CAPÉTIENS LA DYNASTIE DES VALOIS
(987-1328) (1328-1589)
Hugues Capet 987-996 Philippe VI de 1328-1350
Valois
Robert II le Pieux 996-1031 Jean II le Bon 1350-1364
Henri Ier 1031-1060 Charles V le Sage 1364-1380
Philippe 1er 1060-1108 Charles VI 1380-1422
le Bien-Aimé
Louis VI le Gros 1108-1137 Charles VII 1422-1461
Louis VII le Jeune 1137-1180
Philippe II Auguste 1180-1223
Louis VIII le Bon 1223-1226
Louis IX 1226-1270
(Saint-Louis)
Philippe III le Hardi 1270-1285
Philippe IV le Bel 1285-1314
Louis X le Hutin 1314-1316
Jean 1er 1316-1316
Philippe V le Long 1316-1322
Charles IV le Bel 1322-1328
 La France des premiers Capétiens61

61 *** Histoire - Géographie - Économie - Éducation civique 5e, éd. cit., p. 183.
 Schéma simplifié de la seigneurie62

 Carte des régions administratives de la France médiévale63

62
Claude Gauvard, op. cit., p. 156.
63 Ibidem, p. 136 ; disponible sur http://www.lexilogos.com/francais_langue_histoire.htm.
 La carte des croisades64

64
http://www.histoirdefrance.fr/ficphp/treemenu11/accueil.html; consulté le 26.02.2016.
 Carte des dialectes gallo-romains dans la France médiévale65

Les dialectes dans la France médiévale (XIIe – XIVe siècles), in ***Littérature - textes et documents. Moyen-Âge -
65

XVIe siècle, coord. Henri MITTERAND, Anne BERTHELOT, François CORNILLAT, Paris, Nathan, 1988, p. 122.

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