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Préface, bibliographie sommaire

et glossaire de l'édition chez


Garnier-Flammarion de
l'Histoire comique de Francion,
de Georges Sorel (1979),
édition due à Yves Giraud,
professeur à l'Université de
Fribourg.

Un bon bourgeois paristen, comme Scarron et Fure­


tière. Une famille laborieuse, instruite, d'esprit frondeur
et aux prétentions nobiliaires affichées. Une existence
sans relief, celle de l'homme de cabinet, du polygraphe
studieux. Un professionnel de la littérature, ayant le goût
d'écrire et l'imagination abondante, l'esprit vagabond,
capricieux et indépendant. Un homme libre, ni dévot ni
courtisan, mais ours, tendre et bourru, solitaire. « Il n'y a
guère que moi qui le fasse parler», prétend son ami Guy
Patin qui jette un regard indulgent et cordial sur ce « petit
homme grasset, avec un grand nez aigu qui regarde de
près» : il « paraît fort mélancolique et ne l'est point. Il est
fort délicat et je l'ai souvent vu malade; néanmoins, il vit
commodément, parce qu'il est fort sobre. Il est homme de
fort bon sens et taciturne, point bigot ni mazarin» 1• Un
être toujours sur son quant-à-soi, aimant l'anonymat et le
masque. Un témoin curieux de son temps: « il faisait un
recueil où il mettait par écrit tous les beaux traits et toutes
les choses remarquables qu'il avait ouïes pendant le jour
dans les compagnies» 2• Tel est à peu près le portrait de
celui qui se nomme « le Démocrite du siècle», le railleur
de bon sens, l'observateur malicieux, le rieur mélanco­
lique.
Cet écrivain abondant et fécond a commencé par pren­
dre le ton du jour avec le roman romanesque, pour
l'abandonner aussitôt, pour le condamner en lui préférant
les récits proches de la réalité parisienne contemporaine;
1. Lettre du 25 novembre 1653.
2. Furetière, Le Roman bourgeois (portrait de • Charroselles. ).
14 PRÉFACE
une rechute dans le romanesque galant précède de peu la
caricature railleuse et parodique des romans de chevale­
rie, de guerre et d'amour, des bergeries, des romans
mythologiques, tragicomiques, édifiants et picaresques.
Sorel écrit son Anti-roman 3: le Berger extravagant, où
parmi des fantaisies amoureuses on voit les impertinen­
ces des romans et de la poésie. Nouvelle palinodie : voici
encore du romanesque avec La Vraye Suite des avantures
de la Polyxène du feu sieur Molière (d'Essertines). Et,
pour parachever l'itinéraire du romancier, une histoire
comique, Polyandre, suite de petites aventures modernes
«telles qu'il en pourrait arriver au lecteur ou aux person­
nes de sa connaissance». Mais Sorel est aussi historien,
et historiographe du roi, bibliographe, critique littéraire,
auteur précieux, scientifique, moraliste, voire pieux.
Dans la quarantaine de volumes qu'il a fait imprimer,
volontiers sous l'anonymat, on s'étonne souvent de ren­
contrer, au hasard de pages diffuses, ou même insipides,
les idées les plus curieuses, les imaginations les plus
hardies, les formules les plus heureuses.
Pourtant, le chef-d'œuvre de ce personnage difficile à
saisir dans. sa réalité profonde est presque son premier
livre, l'ouvrage des années de sa jeunesse « frétillante». Il
avait eu sa période libertine autour de 1620, au moment
où il était encore possible de parler librement et d'avoir
des opinions peu conformistes. Il avait été en relations
avec Théophile et le comte de Cramail, se mêlant aux
milieux de la pensée hardie; il avait goûté à la vie turbu­
lente, libérée des préjugés, de la compagnie des Géné­
reux. Et après les premiers balbutiements, le voici qui, en
quelques semaines, raconte au fil de la plume les aventu­
res comiques et philosophiques de son Francion. Il écrit
au moins trente-deux pages par jour, parfois même à,
demi assoupi, laissant courir sa main qui note, dans un
automatisme qui échappe à l'autocensure, le détail sur­
réaliste de ses rêves et le matériel symbolique de ses
fantasmes. Mais 1623 est l'année du premier procès de
Théophile, année critique où commence la mise sous

3. Titre de l'édition de 1633 du Berger extravagant.


PRÉFACE 15
l'éteignoir de toutes les audaces hétérodoxes: désormais,
on se dissimule, on se déguise ou on se tait. Sorel donne
son roman au libraire Billaine (mais il ne le signe pas et
ne le signera ni ne l'avouera jamais, sans doute à cause
des libertés qu'il s'y permet) puis il rentre dans le rang: il
ne laissera plus jamais transparaître la moindre velléité
libertine; à vingt-cinq ans, tout est joué. II remaniera son
texte à deux reprises: en 1626 d'abord, peu après le
second procès et la condamnation de Théophile (septem­
bre 1625), il ajoute aux sept livres de 1623 trois livres
nouveaux tout en divisant en deux le livre V; il accentue
les traits de satire des mœurs, le romanesque des aventu­
res, les grivoiseries même, mais il fait disparaître avec
quelques vulgarités obscènes presque toutes les opinions
hardies ou simplement suspectes. En 1633, il donne le
douzième livre, Conclusion de l'histoire comique de
Francion, d'abord en volume séparé, puis réuni à l'en­
semble en s'efforçant de faire admettre son dessein moral
par d'assez pesantes professions de foi plaquées au début
ou à la fin des livres 4• Mais le vrai Francion ne se trouve
que dans le volume de 1623: malgré l'intérêt de certaines
additions postérieures, c'est le texte le plus alerte, le plus
impertinent, le plus effronté qui seul peut correspondre à
un tel héros comme aux imaginations de son créateur.
Sous ses diverses formes, le livre, qui a quelque dette
envers les conteurs de la Renaissance, Rabelais, Du Fail,
Béroalde, les satiriques contemporains, les romans pica­
resques et les facéties populaires, rencontre un écho très
favorable auprès des lecteurs, tout en se heurtant aux
vigoureuses résistances des milieux mondains et lettrés.
On n'a pas encore recensé avec. toute la précision souhai­
table les diverses éditions de Francion parues du vivant
de 1'auteur: leur nombre doit dépasser assez largement la
vingtaine, ce qui fait du roman l'un des ouvrages de
fiction les plus souvent réimprimés au xvn• siècle 5•
Francion est avant tout une histoire divertissante, un
4. En même temps, il !"attribue à Nicolas de Moulinet, -�ieu� Du Parc, gentil­
homme lorrain, obscur avocat et écrivain à ses heures, qui était mort avant 1625.
5. Si le succès du livre se maintient à peu près sous le règne de Louis XIV, il
s'estompe vite par la suite: deux éditions seulement au XVIJI' siècle, antérieures à
1740.
16 PRÉFACE
badinage, une «folâtrie» propre à chasser l'ennui. D'où
une trame romanesque assez lâche - la vie du héros, ses
tribulations et ses amours - mais surtout l'allure capri­
cieuse du conteur, prompt à mettre en œuvre les facéties,
les bons mots, les hurle, bons tours, canulars et duperies.
C'est aussi, le titre le souligne, une « histoire comique»,
et l'épithète doit être exactement comprise. «Comique»
c'est, généralement, ce qui appartient à la vie ordinaire,
ce qui est du domaine de la comédie (alors que la tragédie
traite des destinées ou des situations d'exception), ce qui
ressemble à la réalité triviale. Sorel s'en explique dans sa
Bibliothèque françoise

« On parle des romans comiques en général, mais on les divise aussi


en satyriques et en burlesques, et quelques-uns sont cela tout ensemble.
Les bons romans comiques et satyriques semblent plutôt être des images
de l'histoire que tous les autres. Les actions communes de la vie étant
leur objet, il est plus facile d'y rencontrer de la vérité. Pour ce qu'on
voit plus d'hommes dans l'erreur et dans la sottise qu'il y en a de portés
à la sagesse, il se trouve parmi eux plus d'occasions de raillerie, et leurs
défauts ne produisent que la satire. On rencontre là plutôt le genre
vraisemblable que dans les pièces héroïques qui ne sont que fictions,
puisqu'il y a peu d'hommes qui méritent d'être estimés des héros,
c'est-à-dire quelque chose entre les dieux et les hommes. »

Mais l'auteur ne vise ici nullement à une exactitude


«historique», à un réalisme authentique, et la vraisem­
blance générale cède souvent le pas à la fantaisie de la cari­
cature, à l'outrance de l'accumulation. C'est que Sorel
entend aussi dénoncer par la satire l'irréalisme roma­
nesque du temps, les fadaises d'un héroïsme factice, les
fadeurs sentimentales, les interminables pastorales d'une
Arcadie inconsistante. Lorsqu'il retrouve quelque chose
du ton rabelaisien, c'est pour· protester contre le goût
affadi de sa génération, contre le roman héroïco-galant
qui est alors à la mode : Francion est une anti-Astrée.
Quel est le romancier de l'âge classique (et même des
époques ultérieures) gui ne revendique pas une intention
plus sérieuse, plus morale, pour légitimer les écarts de
son imagination? Sorel n'échappe pas à la règle ; mais, à
cause de la «corruption» de son siècle, il dissimulera,
comme Rabelais, sa vraie doctrine sous les songes, les
PRÉFACE 17
ma1series, les bouffonneries : « Quoi qu'il en soit, ces
rêveries-là contiennent des choses que jamais personne
n'a eu la hardiesse de dire» . Il fait la part belle à la
grivoiserie, continuant le « vieil esprit gaulois refoulé » ; il
affiche une crudité obscène ou scatologique dans les
propos ou dans les situations; il détaille complaisamment
une orgie ou un rêve érotique en rappelant que tout cela
« n'est pas fait pour servir de méditation à une reli­
gieuse». Mais, dans ce « roman de mauvaises mœurs »
(comme l'appelait Émile Roy), ce que Sorel veut, c'est
« montrer aux hommes les vices auxquels ils se laissent
insensiblement emporter» ; il l'indiquera en toutes lettres
dans le titre de l'édition de 1626. Son champion devient
« le fléau des vicieux». C'est-à-dire de presque toute
l'humanité, car Sorel n'a de ses congénères qu'une
vision désabusée et assombrie, qu'ils soient pris indivi­
duellement dans toute leur brutale stupidité, dans tous
leurs faux-semblants et leurs appétits avides, ou, pire
encore, en société, lieu de perversion, de dégradation et
d'affrontements sans trêve ni merci. Les vérités fines,
ainsi soustraites à la foule des médiocres, Sorel les
réserve aux happy few dont l'esprit est éclairé et délié;
que les autres se contentent de l' « appât pour attirer le
monde» ! Ce dessein moral avoué ou revendiqué justifie
certaines crudités de langage ou de couleurs: « ayant
entrepris de blâmer tous les vices des hommes, il a fallu
que j'aie décrit beaucoup de choses en leur naïveté».
Sorel se donne ici le rôle de Collinet, le fou à qui tout
écart de langage est permis, pour qui toute vérité est
bonne à dire. Du même coup, l'écrivain ne pourra retenir
que le degré de style le plus bas, le vrai style « comique»,
loin de tout calcul et de tout artifice. « On n'écrit jamais
mieux que quand l'on ne suit que la Nature et son génie. »
Tant pis si la composition souffre de quelque décousu: ce
roman est aussi un « caprice». Du moins y trouvera-t-on
(c'est Sorel qui l'affirme et il a raison) « la langue fran­
çaise tout entière » sans oublier « les mots dont use le
vulgaire » . Chacun y parlera son langage, chacun s'y
montrera tel qu'il est, tel que sa condition l'a façonné. Ce
programme d'ensemble, qui est en même temps un
18 PRÉFACE

aperçu du contenu, du ton et de la manière, Sorel le


résume et le reprend dans l'alerte paragraphe qu'il ajoute
en 1633 au début de son livre 6 .,
L'histoire comique qu'il entreprend de conter ne
pourra être qu'une marqueterie, une mosaïque dont la
tonalité générale est rapidement perceptible, mais où
chaque élément demeure isolable et possède seul le colo­
ris vif et les contours nets. L'intérêt saute de détail en
détail, de scène en scène; le plan de l'ensemble est
perpétuellement décentré, remis en cause par les « inclu­
sions» qui l'envahissent et prolifèrent indépendamment.
Reste pour lien, ténu ou relâché, de cette composition si
inorganique la personne du protagoniste et les récits qui la
révèlent. Peu de tableaux, guère de vues un peu larges sur
le monde extérieur: on n'entrevoit presque rien du
grouillement des rues parisiennes, on traverse la province
sans s'arrêter aux paysages. Seules la noce villageoise et
la débauche chez Raymond tranchent sur ce fond assez
terne: encore le pittoresque y réside-t-il surtout dans un
souffle brûlant de passion, de folie, de jeunesse, dans un
mouvement primitif ou raffiné vers le plaisir. Mais on ne
peut faire de reproche à qui se targue de la liberté totale
concédée à la fantaisie du romancier, et Sorel sur ce point
annonce la désinvolture d'un Scarron ou d'un Diderot.
Aurait-on souhaité d'autres précisions?« Je ne suis pas en
humeur de m'amuser à toutes ces particularités. » Tel
renseignement n'a pas été fourni? « C'est signe que je
n'ai pas envie que vous le sachiez, puisque je ne le dis
pas, et que l'on ne s'aille pas imaginer que ce soit une
faute de jugement si je ne mets pas tout ceci. » Les effets,
les procédés sont ceux du conteur. Il peut lui arriver
d'être lourd et gauche, embarrassé, inutilement bavard.
Malgré ces défaillances, ce que Sorel cherche est de
montrer « toutes les choses dans leur naïveté » , de faire
paraître toutes les actions « sans dissimulation)>, ce qui
est encore une fois le propre du style comique. La langue
est savoureuse et riche, refusant tout interdit puriste,
puisant aux langages techniques, aux parlers régionaux

6. Voir p. 378-379.
PRÉFACE 19
ou populaires. L'auteur varie constamment le ton: détes­
tant le phébus à la mode, Sorel pastiche le «discours» de
la galanterie, puis celui du pédantisme, puis le jargon du
Palais, avant d'imiter le parler des campagnards. Un peu
trop d'insistance peut-être, ou un peu de facilité, mais le
roman, ne l'oublions pas, a été écrit de verve. En revan­
che, ce qui pourra sembler plus lassant est l'usage
continu, perpétuel que fait Sorel de l'ironie: à.la fin, le
piquant s'affadit et laisse pressentir de l'amertume. Il
n'empêche que, pour la première fois, un romancier a su
se créer son style.
Le roman de 1623 est une autobiographie à la première
personne encastrée dans un récit; les parties ultérieures
seront toutes en récit d'auteur. La succession des épiso�
des retrace la démarche du héros selon un ordre sinueux :
le jeune seigneur breton de La Porte tâtera de divers états,
traversera les étapes de la jeunesse et subira les assauts de
la Fortune en cherchant à acquérir ou à affirmer la vraie
noblesse, à satisfaire ses désirs, à réaliser ses souhaits. Le
cadre romanesque initial, en porte-à-faux dans le récit,
introduit Francion in medias res, même si son rôle semble
d'abord bien effacé 7• Le héros rencontre un gentil­
homme, Raymond, qui sera son principal interlocuteur,
puis une vieille maquerelle, Agathe: il justifie sa pré­
sence sur les lieux de l'action en avouant sa passion pour
Laurette (1). Agathe relate alors sa propre histoire, dans
laquelle Laurette joue un rôle important (Il). Puis Fran­
cion raconte par le menu un rêve qu'il vient d'avoir (nous
en sommes toujours aux hors-d'œuvre). Enfin, cédant
aux instances du gentilhomme, il commence la relation
de son existence, ses origines et son premier contact avec
la vie de collège. Mais il s'interrompt, car il vient d'aper­
cevoir le portrait d'une ravissante Nays, dont il devient
incontinent amoureux (Ill). Il relate encore la fin de
ses mésaventures d'école, ses années de bohème, ses
moments difficiles (IV). Viennent ensuite les débuts de
la réussite, dans les milieux lettrés, dans la « Compagnie
7. Mieux: le livre s'ouvre sur une défaite de Francion, qui a bien réussi à
berner Vall'1ltin, mari de Laurette, mais qui ne pourra rejoindre celle-ci, laquelle
saura profiter d'une autre aubaine nommée Olivier.
20 PRÉFACE
des Généreux » , enfin au service de Clérante (V). Avec
celui-ci, Francion a couru la province avant de s'introduire
à la cour. Finalement, il a cherché à rejoindre Laurette. Ici
s'achève son histoire : le temps du personnage a rejoint
le temps du narrateur (VI). Au château de Raymond,
Francion retrouve enfin Laurette lors d'une nuit orgiaque ;
ses désirs une fois assouvis, il ne pense plus qu'à la belle
Nays et décide de partir à sa recherche. Chemin faisant, il
se signalera par quelques « bonnes œuvres » (VII). C'est
dans l'édition de 1626 que Sorel imaginera les aventures
italiennes de Francion et ses amours avec Nays. Il la
rejoindra mais, berné par des rivaux, dépouillé et aban­
donné, il devra se faire berger (IX). Il goûtera alors aux
amours rustiques, connaîtra d'autres tribulations avant de
retrouver Nays à Rome ; où sont également réunis ses
amis et même le pédant Hortensius (X). Les mésaventu­
res grotesques de ce dernier divertiront la compagnie et
Francion finira par épouser Nays (XI). Mais, ajoutant
encore un xne livre en 1633, Sorel devra imaginer que le
mariage n'était pas encore conclu, ce qui lui permet de
détailler divers contretemps qui, à la fin des fins,
conduisent Nays et Francion jusqu'au jour de leurs noces.
On se doute que ce n'est pas la partie la plus intéressante
du roman.
De cette enfilade d'épisodes (aventures, anecdotes,
portraits, bons mots), se dégage un tableau de mœurs
vigoureux, grouillant de vie, fourmillant de ces petits
faits vrais qui sont une mine de renseignements pour
l'historien, un« tableau naturel de la vie humaine» dressé
dans un dessein concerté, car Sorel pense que la peinture
des conditions ou des états peut et doit renouveler la
littérature romanesque. Son observation attentive porte
sur les milieux les plus divers, que son talent peuple de
silhouettes et de présences, d'ombres et de caricatures.
Voici, au bas de l'échelle, le populaire, les déclassés,
les irréguliers: à Paris, les badauds du Pont-Neuf, les
piliers de cabaret, les tire-laine acoquinés avec les ser­
gents, les détrousseurs, les entremetteuses et les ribaudes,
la bohème parisienne ; au hasard des routes, les rixes à
l'auberge, les lits partagés, les mauvaises rencontres. Si
PRÉFACE 21
les milieux urbains sont longuement décrits, Sorel ne va
cependant pas jusqu'à la peinture des mœurs rustiques: il
prête à Francion les préjugés de sa classe et ses propres
préventions de Parisien; il n'aime ni les provinciaux ni
les petites gens, se gaussant de leur crédulité, de leurs
idées reçues et de leur superstition; il fait de ses paysans
des types plaisants et superficiels, voire ridicules. Il
n'oublie pas cepenclant de reproduire le langage des rus­
tres (telle scène de galanterie villageoise a déjà Ja verve
savoureuse de Molière) ou celui des milieux interlopes.
En revanche, parlant du monde des collèges et des
vicissitudes de la vie d'écolier, Sorel (qui se met sans
doute lui-même en scène dans ces passages) est d'une
précision, d'une abondance et d'un pittoresque tels qu'il
n'existe aucun document comparable pour l'intérêt de
l'information et pour la saveur de l'évocation. La grande
crise que traverse l'Université à cette époque («Mon
Dieu, que ma fille est crottée !») se reflète dans l'indi­
gence de l'enseignement autant que dans la misère des
établissements, dans la médiocrité des maîtres comme
dans la dissipation des élèves. En 1623, Sorel ne vise pas
encore Balzac dans la caricature si vive et si comique
d'Hortensius, le pédant amoureux : ce n'est qu'à partir de
1626 qu'il se montrera « l'ennemi déclaré» (selon
Ménage) de l'unico eloquente. Comme tant d'autres, Sorel
n'a pas gardé un excellent souvenir de ses années d'école
et son récit porte la trace de ses expériences et de ses
ressentiments.
Les gens de lettres ne sont guère plus flattés que les
régents: ces médiocres rivalisent de mesquineries et de
jalousies sordides, ils ne savent que boire et se colleter
pour les niaiseries les plus puériles; ce sont de parfaits
inutiles, vivant sur des réputations surfaites, fabriquées
comme tant d'autres depuis selon la vieille recette asinus
asinum fricat. Les «clefs» parlent ici de Racan, de
Neufgermain, de Laugier de Porchères, de Gaillard, voire
de Boisrobert: on devine que le jeune Sorel peut avoir la
dent dure pour ses confrères.
Les bourgeois? Sorel essaie bien timidement de rendre
quelque considération à une condition à laquelle, après
22 PRÉFACE
tout, il appartient et qu'il a du mal à renier totalement, à
un titre « qui a été autrefois et qui est encore en d'aucunes
villes si passionnément envié»; mais dans le fond, c'est
la noblesse qu'il admire et qu'il envie, tout en éprouvant
une gêne un peu méprisante pour ces riches et ladres
parvenus, pour ces commerçants avisés et terre à terre,
pour ces gens de robe corrompus et iniques. Cependant,
la noblesse ne vaut guère mieux: les « gens pille-hom­
mes» sont des parasites et des marionnettes. Les grands:
ignorants, futiles et vaniteux; les jeunes marquis et les
courtisans: affectés, prétentieux, paradant devant les
coquettes et les fausses prudes; dans les ruelles et les
salons, les fats côtoient les mijaurées. Les nobles désœu­
vrés s'encanaillent et s'avilissent: quand les duels ou les
orgies n'amusent plus, on court les rues, de nuit, en
compagnie des ruffians.
Est-ce vraiment la société de 1620? Le tableau est
poussé au noir, malgré les côtés plaisants de plus d'une
scène. Sorel jette sur les groupes sociaux un regard pes­
simiste; il n'individualise que rarement, se contentant
presque toujours de types et procédant par couleurs tran­
chées. Il ne voit ni la noblesse honnête et raffinée, ni la
bourgeoisie sage etlaborieuse, ni le petit peuple jovial et
actif, ni la paysannerie solide et patiente. On ne saurait le
lui reprocher trop vivement: les autres romanciers en
voient encore moins. Ici, la vision est partielle mais
finalement assez exacte, correspondant à ce que laissent
entrevoir les mémorialistes ou les chroniqueurs.
Il faut donc que ce garçon de vingt ans rêve d'une
nouvelle société. Ce qu'il souhaite, c'est reconstituer une
classe d'hommes, un groupe d'individus << à part», ni
nobles ni bourgeois, mais libres et avisés, unis par une
manière de vivre, par une conception différente de
l'existence. Francion est le modèle de cette nouvelle race
d'hommes, le premier des généreux. La personnalité de
ce héros (le premier dans l'histoire du roman moderne à
avoir cette étoffe) est soigneusement, curieusement
fouillée, sans que l'auteur évite les ambiguïtés ou les
contradictions, sans qu'il cherche à dépouiller le carac­
tère de toute faiblesse ou à l'orner de toute vertu.
PRÉFACE 23
Il y a,en lui, d'abord, du picaro : avec le type espagnol
il ,partage une attitude de défi envers les lois sociales ou
morales, l'élasticité de la conscience et la légèreté du
scrupule, le goût immodéré de la liberté, la passion de
l'indépendance. Il va lui aussi au-devant des aventures,
cherchant les voluptés ou les émotions . nouvelles avec
l'avidité de l'explorateur. Cet irrégulier se donne ses lois,
définissant à son seul usage honneur, générosité, vertu.
L'. adversité ne l'abat jamais pour longtemps : « Mon âme
est si forte et si courageuse qu'elle repousse facilement
toute sorte d'ennuis. » La conformidad !'.·appelle ici endu­
rance, détachement, énergie, exubérance vitale, impa­
vidité face aux coups du sort ; elle est constance à soi : « Je
ne saurais quitter mon humeur ordinaire, quelque mal­
heur qui m'advienne. »
Mais Francion est marquis de La Porte : nous voici loin
du picaro. Gentilhomme, il a les préjugés de sa classe,
méprisant le peuple et convaincu d'une supériorité
congénitale de la noblesse ; il a la raideur susceptible, la
fierté ombrageuse de l'homme bien né qui n'aime pas se
voir méconnu ; . son élégance prend à l'occasion un tour
ostentatojre, comme sa galanterie. Il a « bonne mine » , et
on le remarque vite : il aime s'afficher et s'affirmer au
milieu du petit groupe de ses semblables, en recherchant
les « débauches honnêtes » : « J'avais je ne sais quel ins­
tinct qui m'incitait à haïr les actions basses, les paroles
sottes, et les façons niaises. » Mais il refuse le dévergon­
dage de caprice, outré et désordonné, comme l'avilisse­
ment des actions dégradantes : « Jamais je ne me pus
résoudre à rabaisser mon courage jusques à faire des
actions si infâmes. »
Son libertinage voudrait être celui des esprits forts,
selon la distinction théophilienne. Son éducation, qui est
une Selbstbildung, est déjà déniaisée ; dès l'enfance, il a
fait l'expérience de la solitude orgueilleuse, de la « fran­
chise» du généreux, et il n'hésitera pas à renoncer à la
Cour pour mieux progresser dans la conquête de sa per­
sonnalité; Il allie l'indifférence du stoïcien à celle du
sceptique. Mais l'àffirmation de soi dans la fière
conscience de sa supériorité s'accompagne aussi d'une
24 PRÉFACE

anxiété voilée de l'isolement, de la lancinante présence


d'une insatisfaction. Tant pis : il ne renoncera pas ; l'in­
quiétude devient la première des vertus : elle est absence
de repos, refus du confort et du conformisme, perpetuum
mobile de l'esprit. « Mon naturel n'a de l'inclination
qu'au mouvement ; je suis toujours en une douce agita­
tion. Mon souverain plaisir, c 'est de frétiller, je suis tout
divin, je veux être toujours en mouvement, comme le
Ciel. » Esprit dynamique qui doit rester ouvert au change,
curieux, naïf, s'instruisant de tout et partout, Francion ne
cesse de faire ses humanités, de découvrir l'art de vivre.
Dans l'esprit de Sorel, Francion devient le modèle
exemplaire du Français ; son histoire est « une autre Fran­
ciade » . Il sera le professeur de sagesse, chargé de semer
les « enseignements de la nouvelle philosophie » en tout
bon entendeur. Sapientis sat : ayant reconnu que la sottise
humaine est presque partout triomphante, le héros se
résout à garder « comme un trésor caché » cette sagesse ;
rencontrant d'aventure un homme de sa trempe, « ne le
voulant pas traiter comme les esprits du commun » , il lui
fera « connaître la plupart des causes par lesquelles les
(fausses) croyances se (sont) glissées parmi le peuple » .
Écoutons le moraliste : « Les autres livres s'amusent à
parler d'un nombre infini de choses vaines qui ont été
dites beaucoup de fois et ne pénètrent point jusqu'au
centre de la vérité. Pour moi, j 'essaie d'aborder par un
chemin droit un souverain bien et une vertu solide. »
Faut-il prendre au sérieux ce souci didactique un peu trop
visible, cette volonté d'édifier un peu trop claironnée ? Le
lecteur peut être tenté d'en sourire ou de s'en indigner :
L'Histoire comique de Francion, malgré le succès qu'elle obtint, est
une œuvre de très mauvais goût et d'un comique presque toujours bas ou
plat. Nous voulons croire que Sorel a peint, avec quelque vérité, les
mœurs de la jeunesse dépravée, celles des gens de justice et celles des
gens de l'université au temps de Louis XIII ; mais il y a tableau et
tableau. L'histoire de Francion est un tissu d'aventures bizarres, d'obs­
cénités sans voile comme sans charme, de saletés à faire bondir le cœur,
assaisonnées d'une prétention à la morale qui fait pitié. Le héros, dupe
d'abord d'un sot amour pour madame Laurette , qui n'est rien qu'une
fille de joie déguisée en femme sensible, finit par s'aller marier en
Italie, on ne sait pourquoi, car il aurait facilement rencontré en France
ce qu'il trouve à Rome. Des galanteries pour de l'argent, des filouteries
PRÉFACE 25
par débauche, les sales confessions d'une vieille entremetteuse, des
tours dégoûtants faits à qui n'en peut mais, un style digne de ces
inventions ou d'une langueur insoutenable, voilà bien, il est vrai, de
quoi guérir du goût pour les romans 8 •

Certes, tout le monde est d'accord pour estimer que le


livre est « le manuel du parfait libertin » (E. Roy), mais là
où certains s'efforcent, non sans peine, de démontrer
l'excellence de cette « morale libertine » , d'autres en sou­
lignent les incohérences ou les faiblesses. Sorel est un
libertin imparfait, qui voudrait bien passer outre, mais se
sent retenu par le scrupule ; il est attiré et il hésite.
Homme double, il ne sait ni où se situer, ni comment se
définir ; il n'est pas né noble, et ne se reconnaît pas
bourgeois ; séduit par la libre pensée, il est entravé par la
morale. Ce qu'il ne peut, ou ne veut vivre, il l'attribue au
personnage fictif créé par son imagination, mais il lui
prête des actes en contradiction avec sa philosophie. A
s'en tenir à ce niveau, il est facile de relever ces inconsé­
quences : générosité , « gentillesse » , noblesse d'âme ne
sont souvent que faux-semblants ou justifications com­
modes et voisinent avec la mesquinerie sournoise, la
débauche vulgaire, l'hypocrisie ou les fanfaronnades, le
mépris de la femme et la haine d'autrui. On n'en tiendra
pas trop rigueur à Sorel, jeune homme qui jette sa gourme
et qui se libère grâce à son héros ; à condition toutefois de
n'en faire ni un penseur ni un maître à penser. Il aime à
choquer le bourgeois comme le mondain, il exaspère son
pessimisme ou son cynisme, il affiche ses revendications.
En fait, que propose-t-il de solide ou de sérieux ?
Pourtant, cette « doctrine » existe ; on ne sait s'il
convient d'y voir le credo de Sorel en 1 623 ou les propos
détachés d'un personnage de roman, et surtout s'il est
légitime de l'organiser en un système ; elle possède
néanmoins une certaine cohérence, une certaine hardiesse
catégorique et novatrice. Cette philosophie, que le héros
ne prêche pas toujours d'exemple, est avant la lettre une
philosophie des « lumières » : « on empêche que la vérité
soit ouvertement divulguée » ; aussi la mission dévolue à
8. Du Roure, Ana/ectabib/ion ou Extraits critiques de divers livres rares,
oubliés ou peu connus, Paris, Techener, 1 836-37, t. II, p. 324.
26 PRÉFACE
Francion sera-t-elle d'abord de dénoncer les contraintes et
les complots qui visent à étouffer la divulgation du vrai.
La grande audace du livre est bien la mise en cause des
principes moraux et même politiques de la France de
·1'620, la mise en question des valeurs individuelles et
sociales.
Car le premier acte doit être un refus, une libération, le
rejet des vérités établies et du préjugé. « Ce que l'on
prend ordinairement pour la plus grande sagesse du
monde n'est rien que sottise, erreur et manque de juge­
ment; je le ferai voir. » Toute l'organisation de la société
repose sur de fausses valeurs. Que sont les idées reçues ?
des « niaiseries inventées par (- et pour -) le vulgaire».
Ainsi de ces satisfactions grossières dans lesquelles
on s'imagine trouver le bonheur : « nous apprenons
ici que ce que plusieurs prennent pour des délices n'est rien
qu'une débauche brutale dont les esprits bien
sensés se retireront toujours» (c'est ici qu'on pourrait
demander en quoi la débauche de Francion est moins
« brutale» , mais admettons). La hiérarchie sociale, les
conditions, les fonctions sont dégradantes, antinaturel­
les : et on peut « déclamer contre la malice du siècle, où
les lois naturelles sont corrompues et où les esprits les
plus généreux sont contraints de prendre de sottes charges
pour troubler leur repos au lieu de vivre parmi la tran­
quillité qui n'est pas refusée aux brutes ;, , Francion et
Sorel en veulent à cette « corruption du siècle» qui fournit
maint témoignage de la « brutalité des hommes » et qui
fausse toutes les valeurs fondamentales : « Ah, bon Dieu !
quelle vilenie : comment est-ce donc que l'on reconnaît
maintenant la vertu ? »
Dans cette dénonciation de la « sottise universelle » , on
insiste sur quelques préjugés particulièrement néfastes.
Francion récuse la toute-puissance de l'argent, surtout en
tant que facteur de promotion sociale. Il attaque vigou­
reusement la vénalité des charges, dans laquelle il ne voit
(mais il est loin d'être le seul) qu'une source d'abus ou
d'injustices. Il laisse éclater sa rancœur contre les parve­
nus, ces bourgeois qui achètent à prix d'or une terre pour
pouvoir en porter le titre : « Que ne s'acquiert�(on) plutôt
PRÉFACE 27
un beau titre par sa générosité?» Il se révolte contre un
ordre social dans lequel le rang est fonction de la fortune:
lorsque Francion accepte de suivre Clérante, grand sei­
gneur courtisan mais éclairé, il stipule que leurs rapports
devront être d'égal à égal. Il n'a que mépris pour cette
idolâtrie de l'or qui a tout perverti : «Le plus abject du
monde aura une telle qualité (la noblesse) et se fera
respecter moyennant qu'il ait de l'argent. » Ce qui
conduit logiquement à refuser les formes modernes de la
vie économique, l'économie d'argent, axée non plus sur
la production mais sur les échanges (et sur ce point Sorel
ne peut être qu'un attardé).
Francion critique aussi la confusion et l'agitation d'un
monde guidé par les principes de l'ambition et où «c'est
folie que d'espérer quelque repos ». Une cellule de prison
vaut mieux que cette Babel décevante et paralysante: à
quoi bon se mêler de l'activité sociale? «Les viles condi­
tions à quoi les hommes s'occupent en ce siècle » n'ins­
pirent que mépris et aversion. Ce n'est pas de ce mouve­
ment-là que Francion est épris. Donc, pas d'établisse­
ment, pas de situation, pas de fonction : voici l'ancêtre
des hippies. Ce r:efus de toute attache conduit logique­
ment à une critique osée de l'institution du mariage,
condamné au nom de la loi naturelle avec la plus ferme
netteté.
Ces idées morales rejetées ou soumises à une impi­
toyable censure, Sorel s'engage dans la satire de toutes
les classes sociales qui accompagne la peinture des
mœurs. Le monde est en proie à une corruption univer­
selle, des seigneurs aux laquais, des coquettes aux gar­
ces. Puisqu'il développe un idéal élitaire, Sorel prend
surtout pour cible la noblesse du temps, ne craignant pas
de lui donner «mille blâmes » pour sa suffisance, son
affectation, son ignorance et sa sottise ; les trois vertus qui
lui manquent le plus sont «gentillesse, courtoisie, humi­
lité». Cette classe, d'ailleurs en crise profonde, comme
l'ont relevé les historiens, a perdu sa raison d'être ; si l'on
ne réclame pas son abolition, c'est peut-être dans l'idée
qu'elle va disparaître d'elle-même.
Pour accompagner son refus, Sorel se laisse aller à
28 PRÉFACE
quelques audaces, aux provocations qui doivent choquer.
Son héros revendique la noblesse du vol, conçu comme
un défi ouvert aux impératifs de la morale sociale,
comme l'acte d'un homme libre. Il parle sans ambages
d'une libération de la sexualité et propose une éducation
« naturelle » des sens et du plaisir. Il affirme sa haine de la
superstition religieuse. Certes, il ne va pas jusqu'à l'im­
piété déclarée (on voit mal où l'immortalité de l'âme
serait mise en doute, comme le veulent certains). D'ail­
leurs, comme Tartuffe ou Don Juan, il est tout prêt à
hurler avec les loups, selon la nécessité : « Nos vices
étaient des vertus puisqu'ils étaient couverts. »
La négation ne suffit pas à définir un idéal de vie :
aussi certains principes de cette nouvelle philosophie
seront-ils affirmés avec netteté. C'est d'abord la glorifica­
tion de la raison comme force libératrice : « Je m'étudiai à
savoir la raison naturelle de toutes choses et avoir de bons
sentiments en toute occasion, sans m'arrêter aux opinions
vulgaires. » Le refus du préjugé s'accompagne de la
volonté de tout soumettre à la critique de l'entendement,
ainsi que de la revendication de la liberté de pensée.
L'indépendance va loin, puisque la seule finalité recon­
nue est la recherche du bonheur, de la satisfaction, qu'au­
cun scrupule n'entrave. « Il m'est avis qu'il n'importe pas
beaucoup quelle manière de vie nous suivions, pourvu
que nous en ayons du contentement. » Pour y parvenir,
plusieurs démarches sont nécessaires. Ayant reconnu
l'instabilité des choses de ce monde et puisque tout passe,
il convient d'abord de se donner au présent avec un
abandon total, sans se leurrer des promesses d'un avenir
incertain. Ayant pris conscience de la vanité et de la
sottise humaines, selon une loi constamment vérifiée, il
ne faut se préoccuper que de sa propre satisfaction, n'être
qu'à soi. « Mon plaisir ne me devait-il pas toucher de plus
près que celui d'un autre? » Cette philautie conduit à la
« débauche » , à cet excès volontaire, à l'exubérance vitale
qui exige la transgression, la tension vers le plaisir, à la
recherche de « tous les plaisirs du monde » . Ayant
constaté l'avilissement, la dégénérescence de la société
ambiante, on cherchera à recréer un âge d'or nouveau
PRÉFACE 29
style. Il faut substituer aux valeurs reçues, et fausses, les
lois naturelles, seules authentiques, appelées à régler les
rapports dans un monde rajeuni. Que cela soit utopique,
la suite du roman le démontre : Francion quittera la cour
et la ville, il se fera berger pour réintégrer une petite
société rustique où l'amour est libre, où les biens sont
communs, où l'on jouit enfin de soi ; mais cette évasion
n'est que temporaire ou illusoire, et le héros finira par
regagner la société la plus conventionnelle.
S'il faut tenter d'y vivre, le meilleur biais sera de
devenir un « généreux » . Ce nouveau type d'homme n'est
pas un être ordinaire ; il porte en lui la volonté de se
singulariser, la conscience d'appartenir à une élite, au
besoin en prenant le contre-pied des attitudes ordinaires
« normales » . « En dépit de tous les hommes, vivons tout
au contraire d'eux. Ne suivons pas une de leurs sottes
coutumes. » Il faut faire éclater en soi « quelque chose de
meilleur que le vulgaire » , et cela va jusqu'au langage:
« Je désirerais que des hommes comme nous parlassent
d'une autre façon pour se rendre différents du vulgaire. »
S'il refuse de se plier aux modèles courants, le généreux
n'aime pas non plus se répandre dans le monde, préférant
se réserver pour une compagnie choisie, celle de ses
pairs ; il fuit « la communication des personnes sottes et
ignorantes » et recherche « passionnément les beaux
esprits» qui lui ressemblent. La bande des généreux sera
constituée d'une élite de « personnes toutes braves et
ennemies de la sottise et de l'ignorance » . Le généreux
méprisera les biens de la fortune, pensant que « l'un des
principaux ornements de la noblesse, c 'est la libéralité.
Que nous servent les biens que pour les dépenser honora­
blement?» Il acceptera même un communisme pécu­
niaire, ayant pris pour maxime que « les hommes sont
faits pour se subvenir les uns aux autres » . La lésine,
l'épargne sont vices capitaux ; l'idéal est ce parfait déta­
chement si bien pratiqué par Pernette. En matière
d'amour, la loi naturelle réclame la liberté la plus large.
Le mariage étant rejeté, la libre affection s'attachera au
gré de son impulsion, en refusant la « sotte pudeur » , mais
non la délicatesse. Francion est « d'une complexion si
30 PRÉFACE

amoureuse qu'il se pique fort aisément » . Il a besoin de


l'obstacle pour aimer; seule la conquête l'intéresse et le
retient un instant: « Mon naturel .n'a de l'inclination qu'au
mouvement. » Il développe une théorie de l'inconstance
qui dépasse celle d'Hylas: l'état subjectif de l'amoureux
étant plus satisfaisant que l'objet lui-même, la conquête a
plus de charme que la possession; la jouissance, appétit
naturel qui porte vers toutes les créatures aimables, étant
distinguée de l'attachement par affection, l'infidélité à
une maîtresse se trouve excusée; le cœur humain est régi
par une instabilité foncière et par une infinité du désir qui
entraînent le change perpétuel: « J'ai plus de désirs qu'il
n'y a de grains de sable dans la mer. » Mais l'amour vrai
est tout autre chose que la vulgaire passade : « Nous le
faisons de bien autre manière (que les rustres). Ils ne le
font que du corps, et nous le faisons du corps et de l'âme
tout ensemble. » Il devient une force cosmique élémen­
taire qui pousse l'homme hors de lui et le fait participer à
la vie universelle. Cet idéal de vie se résume dans l'ins­
cription lapidaire du château de Raymond :
Que personne ne prenne la hardiesse d'entrer ici
s'il n'a l'âme véritablement généreuse,
s'il ne renonce aux opinions du vulgaire
et s'il n'aime les plaisirs d'Amour.

Pour affirmer son excellence, le généreux partira en


croisade, à l'occasion, contre le vice. Francion sera le
« fléau envoyé du ciel» pour démasquer et fustiger les
vicieux; comme tout vrai « généreux » , il recherchera les
occasions de s'affronter aux faquins, prenant même l'ini­
tiative de l'attaque, par le sarcasme, le brocard, l'injure,
en critiquant ouvertement la conduite d'autrui. « Leur
coutumier exercice est de châtier les sottises, de rabaisser
les vanités et de se moquer de l'ignorance des humains. »
Il faudra encore intégrer le savoir dans ce modèle
d'existence réformée: Francion s'interroge sur l'éduca­
tion, sur l'intérêt de la culture, sur le rôle des lettres. En
· condamnant un système sclérosé, coupé du monde réel et
actuel, il traduit l'aspiration vers un savoir plus profita­
ble, qui apprenne à se conduire dans le monde; il veut
PRÉFACE 31
renforcer les rapports entre la culture et la vie. La seule
éducation valable, semble dire Sorel, est celle qui part de
l'expérience et qui a pour but la formation du jugement:
d'où la dépréciation caricaturale, insistante, de l'érudi­
tion mal entendue. Car, pour s'élever au-dessus de sa
condition, terrestre ou animale, une seule voie est
offerte: celle de l'esprit. Les lettres ont le pouvoir d'enno­
blir et en cela réside toute leur valeur: elles mettent « la
plus grande distinction entre nous et les bêtes » . Le savoir
est la condition de la puissance, de la générosité et de
l'affirmation de soit Ainsi l'homme sera-t-il guidé par le
sentiment profond de la grandeur morale cachée en lui,
qui réglera toute sa conduite en lui inspirant la « force de
courage » alliée à la subtilité de l'esprit et à cette fermeté
de l'âme « qui résiste à tous les assauts que lui peut livrer
la fortune et qui ne mêle rien de bas à ses actions » .
Le dessein de Francion est d' « apprendre aux hommes
à vivre comme des dieux ». On a bien lu, malgré la
correction de 1626 qui atténue « comme de petits dieux » :
eritis sicut dii. Est-ce le Malin, Faust ou Prométhée qui
parle? c'est un Parisien de vingt ans, en 1623, qui ose
imaginer une nouvelle race d'élus, de héros, « c'est-à-dire
quelque chose entre les dieux et les hommes ». Pro­
gramme ambitieux, utopique, démenti à chaque instant
par les actes mêmes de celui qui devrait être le parangon.­
Mais il est beau que Sorel l'ait envisagé hardiment.
L'âge venant, et la résignation, l'auteur de la Biblio­
thèque française reniait son ouvrage en minimisant sa
portée, en le ramenant à sa pellicule narrative. « Voulant
faire des histoires entièrement vraisemblables, et qui
décrivissent agréablement la manière dont on vivait dans
le monde, il en a fait quelques-unes de fort récréatives. Au
reste, quand les ouvrages ne sont que des exercices de
ceux qui les font, et des essais de leurs forces, il n'est pas
nécessaire de les mettre au rang de leurs véritables ouvra­
ges. (L'auteur) était en l'âge où les autres sont encore
sous la discipline des maîtres: il vaut mieux avoir fait
cela que de s'être adonné aux débauches. » Certes, et la
narration des aventures de Francion garde son charme.
Même si le roman n'est pas une œuvre entièrement réus-
32 PRÉFACE
sie (« les qualités d'un homme curieux de tout et d'esprit
souple ne sont pas celles d'un créateur » selon André
Thérive), il représente une tentative originale et révolu­
tionnaire, celle d'un « réalisme sans parti pris » : « J'ai
représenté aussi naïvement qu'il se pouvait faire toutes
les humeurs et les actions des personnes que j'ai mises sur
les rangs. » Pour la première fois, un roman reflétait le
regard porté sur la vie quotidienne : œuvre salutaire et
prometteuse.
« J'admire le courage de ce Sorel, écrivait Champ­
fleury 9 , pauvre petit homme malingre, travailleur, soli­
taire et malicieux, qui travailla contre le mauvais goût de
son époque. » De ce Sorel qui dénonça inlassablement les
travers et les vices, qui regarda vivre ses contemporains,
et qui plaida pour la jeunesse, pour la raison et pour
le cœur. De ce Sorel dont le vrai disciple se nomme
Molière.
Yves GIRAUD.

9. Le Réalisme, Paris, Michel-Lévy, 1 857, p. 87.


BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

FRANCION
Éditions

- La Vraie Histoire comique de Francion, p.p. E. Co­


lombey, P. , Delahays, 1 858 (Bibliothèque gauloise);
réimpr. P. , Garnier, 1 909.
Première édition moderne , d'après le texte de 1633,
avec une introduction rapide, mais chaleureuse et
intelligente.
- La Jeunesse de Francion, p.p. A. Thérive, P. , Bos­
sard, 1 923 (Chefs-d'œuvre méconnus).
Choix d'épisodes appartenant au récit rétrospectif de
Francion (livres III à VI), d'après le texte de 1626.
- L'Œuvre galante de Charles Sorel. L'Histoire comi­
que de Francion, p.p. B. Guégan , P. , Bibl. des
Curieux, 1 924 (Les Maîtres de l'Amour).
Malgré l'indication du titre (« réimprimée pour la pre­
mière fois sur l'édition de 1623»), le texte reproduit est
celui de 1626.
- Histoire comique de Francion, p.p. Émile Roy, P. ,
Hachette (t. IV: Droz), 1 924- 1 93 1 , 4 vol. (Société
des Textes français modernes).
L'édition critique de référence, donnant le texte de
1623 (livres 1-VII), puis celui de 1626 (IX-XI), puis
celui de 1633 (XII), avec les variantes et une précieuse
annotation.
- Histoire comique de Francion, p.p. E. Hausser, P. ,
Club français du Livre, 1 965.
L 'introduction insiste sur les éléments picaresques et
sur le caractère du héros, dans lequel se retrouve le
portrait de l'auteur.
- Histoire comique de Francion, dans Romanciers du
XVII" siècle, p.p. A. Adam, P. , Gallimard, 1 969
(Bibl. de la Pléiade).
36 BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
Édition selon les mêmes principes que celle de Roy ;
annotation revue. Ne donne qu'un choix de variantes.
Études
- Émile ROY, La Vie et les Œuvres de Charles Sorel,
P., Hachette, 1 89 1 (réimpr. anastat. 1 970).
Seul travail d'ensemble publié à ce jour sur Sorel, la
thèse de Roy contient d'importantes informations et un
jugement encore acceptable sur l'œ�vre romanesque.
Mais sur plus d'un point, les données fournies sont à
réviser.
- Gustave REYNIER, Le Roman réaliste _au XV/le siècle,
P., Hachette, 1 9 1 4.
Contient un long chapitre considérant Francion comme
« la manifestation la plus intéressante du réalisme
bourgeois» .
- F.-E. SUTCLIFFE, Le Réalisme de Charles Sorel, P.,
Nizet, 1 965.
Examine essentiellement les rapports entre la société
de 1620 et la vision romanesque de Sorel.
- Jean SERROY, « D'un roman à métamorphoses: la
composition du Francion de Charles Sorel», Baroque
(Montaupan), 1 973, n° 6, p. 97- 103.
J. Serroy (auteur d'une thèse sur Sorel à paraître:
Roman et Réalité. Les Histoires comiques au XV/le siè­
cle) essaie de démontrer la cohérence du dessein de
Sorel à travers les étapes successives de la composition.
- « Tricentenaire de la mort de Charles SOREL,
XVW siècle, 1 974, n° 105 (contributions de G. Caze­
nave, J.-P. Leroy, J. Serroy).
- Fausta GARAVINI, «Francion rivisitato: Diacronia di
una struttura» Saggi e ricerche di Letteraturafrancese,
n.s., XIV, 1 975, p. 39- 107.
Discussion attentive et pertinente des questions de
composition et d'interprétation.
- W. LEINER et collab., « Fiches signalétiques des étu­
des traitant de !'Histoire comique de Francion»,
Œuvres et Critiques, I, 1, 1976, p. 63- 1 10 et II, 2,
1 977- 1 978, p. 155.
Précieuse bibliographie critique.
GLOSSAIRE

On trouvera dans ce Glossaire les mots dont le sens a disparu ou


notablement vieilli, les tennes employés dans une acception particulière
et certaines locutions courantes dans la langue du temps (d'autres
expressions sont expliquées dans les notes). Y figurent aussi les mots ou
fonnes qui ont disparu de la langue. Sauf exception, nous ne relevons
pas les mots dont la graphie seule a changé ( • espic • : épi) ni les fonnes
verbales anciennes (« resoult • : résolu).
Les mots figurant au Glossaire sont suivis d'un astérisque dans le
texte.

Accointance : familiarité, com­ Ajfronteur : trompeur, escroc.


merce, fréquentation. Ains : mais.
Accommoder : ajuster, parer, Ajambée : enjambée.
habiller. Ajourner : citer, assigner en jus­
Accommodé : à son aise, aisé, tice.
riche. Alambiquer : compliquer, tour-
Accorder (s'-) : consentir, ac­ menter.
cepter. Algarade : insulte.
Accortement : avec adresse, ingé- Allant : finaud, rusé.
nieusement, subtilement. Aller après : poursuivre.
Acquest : profit, bien acquis. Amonir : éteindre.
Action : gestes (de l'orateur). Amour (faire l') : courtiser, faire
Adjournement : rendez-vous. la cour.
Admiration : étonnement, sur- Amuser (s'- à) : s'occuper de.
prise. Antiperistase : conflit de deux
Adoucir : apaiser, calmer. qualités contraires.
Affaire (avoir -) : avoir besoin. Apetisser : diminuer.
Affayneantir (s'-) : s'abandon- Appareil : emplâtre, pansement.
ner à la paresse, devenir fai­ Appointement (charger d'-) :
néant. battre, rosser d'importance.
Affection : passion. Après (en -) : ensuite.
Affeterie : manières recherchées, Ardant : feu follet, flammerole.
distinction forcée, artificielle. Anijicieusement : avec adresse,
Affeté : maniéré, qui se comporte avec dextérité.
avec affectation. Ase, aze : âne.
Affronter : tromper, faire affront. Asseurement : avec certitude.
434 GLOSSAIRE

Assignation : rendez-vous. Biscaye (tambour de -) : tam­


Atournaresse : coiffeuse, habil­ bour de basque.
leuse. Bisée : petit pain.
Autant (d'- que) : parce que ; Blanc : pièce de monnaie, valant
bien que, quoique. six deniers.
Autant (boire d'-) : boire avec Bonde (lascher la -) : laisser
excès, s'enivrer. couler, laisser voir.
Authorité : auteur de l' Antiquité Bondon : bonde.
classique. Bon compagnon : joyeux drille,
Avaller : laisser tomber, faire drôle .
descendre, descendre. Bon jour : jour de fête solennelle.
Avaricieux : avide (de gain). Bossette : boulette.
Avanture (par -) : peut-être. Botte (prendre la -) : se préparer
Aviliser (s'-) : s'avilir, s'enca- à partir . .
nailler. Bouchon : enseigne de cabaret
(rameau de verdure qui signale
Badault : sot, fou, badin. un estaminet).
Badelori : niais. Bouquin : bouc, vieux bouc.
Badinerie : sottise. Bourde : mensonge, invention.
Badin : sot, ridicule, diseur de Boutade : emportement, accès
riens. subit; caprice.
Baladin : danseur. Branler : bouger, remuer.
Bande : ensemble de musiciens, Bransle : mouvement ; danse,
orchestre. sorte de ronde.
Barbe : cheval de Barbarie, che­ Braquemard : épée courte et large.
val arabe. Braquet : épée courte et plate.
Barbier : il soigne aussi les bles­ -Brasser : machiner.
sures, panse, place des emplâ­ Brave : bien vêtu, élégant, de
tres, à la manière d'un infir­ belle allure, galant, hardi.
mier. Braverie : « beaux habits » (Riche-
Basilique : royal. let) ; dépense vestimentaire.
Basse de viole : instrument à Breneux : souillé de merde.
cordes de la famille des Brocarder : se moquer.
gambes. BujJle : lourdaud.
Baste : bon tour, plaisanterie ; Butter : se fixer un but, tâcher
bon ! (exclam.). d'obtenir quelque chose.
Batterie : dispute, rixe, échange
de coups. Caduc (l'âge -) : la soixantaine.
Bavollet : coiffure de toile des Cagnard : « maison pleine de
paysannes. saleté et de gueuserie » (Ou­
Beatille : pâté de restes. din).
Beau (avoir -) : avoir licence, la Caillette : niais.
facilité, la possibilité. Calamite : pierre d'aimant.
Belistre : gueux, mendiant, fai- Camus : étonné, stupéfait.
néant. Candeur : bonne foi, droiture,
Be/lotte : mignonne. honnêteté.
Besogne : affaire. Capilotade : ragoût de restes de
Bienveigner : souhaiter la bienve­ viande.
nue, accueillir, saluer. Capilotade (mettre en ...,.-,) : mettre
Bigearre : capricieux, bourru. en pièces.
GLOSSAIRE 435
Caqueter : bavarder, babiller. Cheval : grossier, lourdaud.
Caresme Prenant : mardi-gras. Chevet : traversin.
Carneau : créneau. Chiquanoux : langage de la chi­
Carolus : monnaie de compte, cane, des procès (emprunt à
valant dix deniers. Rabelais).
Carriere (se donner -) : se mo­ Chiqueni/le : souquenille.
quer. Chirurgien : infirmier, qui fait les
Carrousse (faire -) : manger et pansements, qui soigne les
boire avec excès, se saouler (de blessures et les lésions.
l'allemand gar aus : jusqu'au Chopper : faillir.
bout). Clergeon : petit clerc de procu­
Cartouge : cartouche. reur, saute-ruisseau.
Casaque : veste ample et courte Cliquette : castagnettes.
enfilée sur les épaules. Coiffe : coiffure bourgeoise, bon-
Cascaret : coquin, fou. net de taffetas.
Case : petite maison, chaumière. Colintanpon : batterie de tambour.
Cassade : bon tour, moquerie. Colliger : conclure, induire.
Casse (donner de la -) : purger ; Commandement (à -) : à dispo-
voler. sition.
Castille : dispute, querelle, noise, Commoditez : biens de fortune.
altercation. Communication : conversation,
Catze : cas, membre viril (de fréquentation.
l'italien cazzo). Compas : règle.
Cautelle : finesse, ruse. Compas (par -) : en bon ordre,
Cautere : ulcère, abcès pratiqué avec grand soin.
par le chirurgien. Compassé : reglé avec minutie.
Caver : creuser. Conche : apparence, allure.
Caymander : mendier. Concierge : intendant de la mai-
Celivage : qui erre dans le ciel. son d'un seigneur.
Cependant : pendant ce temps. Conference : entretien, conversa-
Ceruse : blanc de plomb ; faux tion.
brillant. Contention : débat, dispute.
Chable : câble, fil. Contredit : réfutation.
Chalandise : commerce, clientèle. Controuver : inventer.
Chamailler : se battre. , Convive : banquet.
Chambrillon : petite servante. Convoiteur : avide, désireux.
Champion : « brave, courageux et Coq à l' asne : propos sans suite.
illustre assaillant» (Richelet). Coquefredoüille : niais, sot.
Chanterelle : corde la plus fine, la Cornet : instrument à vent.
plus aiguë. Cornue (question -) : perfide,
Chanter pouille : injurier. méchante, insidieuse, embar­
Chapelis : carnage. rassante.
Chappeau de fleurs : guirlande. Corratiere : entremetteuse.
Charure : charrue. Cotret : fagot de branchages.
Chassie : humeur rejetée par les Cotte : jupe, robe d'enfant.
yeux. Cotter : citer, mentionner.
Chatoüil/eux : délicat. Coulombin : violet gris.
Chere entiere : bon souper et Cour des Aydes (aller à la -) :
bonne compagnie, débauche, prendre un amant !)®r rempla­
orgie. cer un mari défaillant.
436 GLOSSAIRE

Courage : cœur. De/erré (être -) : rester interdit,


Courage (de bon -) : de bon ne plus savoir que dire.
cœur, volontiers. Deliberer (se -) : s'enhardir, se
Couraine : cousine (forme popu­ décider.
laire). Deliberé : hardi, résolu, effronté.
Courante : danse rapide. Demener : remuer.
Courbette : saut de cheval, pattes Demyceinct : chaîne d'argent
repliées sous le ventre. portée en ceinture . par les da­
Courcier : cheval de monte. mes.
Coureur : " cheval déchargé de Deniaisé : rusé, retors.
taille et qui a la queue courte et Deprehender : surprendre, saisir,
coupée " (Richelet). attraper.
Courtaut : cheval de taille Desbagouler : débiter, dire tout
moyenne auquel on a coupé les ce qu'on sait.
oreilles et la queue. Desbauche : désordre, dissipa­
Court (tenir de -) : tenir tion, licence.
serré. Desbaucher: • faire quitter un
Courtine : rideau de lit. train de vie réglé » (Richelet).
Courtisane (à la -) : selon Desceu (au -) : à l'insu.
l'usage de la Cour. Descoijfer : déboucher (une bou­
Couvert (à -) : en cachette, en se teille).
cachant. Desconforter : désoler, affliger.
Couvertement : secrètement, insi- Desmarer : changer de place,
dieusement. bouger.
Coyon : poltron, lâche. Despendre : dépenser.
Crier : gronder, réprimander. Despriser : mépriser, sous-esti­
Crieur de trepassés : homme qui mer.
fait les annonces mortuaires. Devaler : faire descendre.
Crochet (donner le -) : faire un Devis : propos, conversation,
croc-en-jambe. badinage.
Croupiere : lanière de cuir en­ Discretion (à sa -) : à son choix.
tourant la queue du cheval pour Disné, disner : repas de midi.
maintenir la selle ; affaire em­ Disposer (se - de) : s'apprêter à.
barrassante. Disposition : agilité, souplesse.
Cruche (fait de -) : stupide, Dissimulé : prétendu.
lourdaud. Divertir : détourner.
Cruë (de la nouvelle -) : de la Domine : Maître (lat.).
dernière volée, blanc bec. Donner (jusqu'à) : aller à.
Cuistre : valet de collège, homme Double : pièce de monnaie valant
à tout faire. deux deniers.
Curieusement : soigneusement. Douzain : pièce d'argent valant
Cymmerien : septentrional. douze deniers.
Draule : drôle, plaisant, joyeux
Davantage : bien plus. drille.
Decevoir : abuser, tromper. Drolerie : plaisanterie.
Dechijfrer : médire. Ducat : monnaie d'or, valant cent
Decocher : darder, lancer. dix sous.
Deduire : raconter. Duire : convenir.
Defaut (lever un -) : constater Duppe : dupe, trompé.
un défaut.
GLOSSAIRE 437
Echoir (ou eschoir) : advenir. Escroüe : enregistrement de l'en­
Effect (par -) : effectivement, trée en prison.
réellement. Esguillette (aiguillette) : cordon
Eslection : tribunal des Elus (juri­ ou lacet ferré aux deux bouts
diction locale). qui sert à attacher une chose à
Embeguiner (s'-) : s'amoura­ une autre.
cher, s'entêter. Esmerveiller (s'-) : s'étonner,
Embonpoint : belle apparence, être stupéfait.
belle allure, attraits physiques. Esmouvoir : agiter, soulever une
Embourser : amasser de l'argent. question ; inciter.
Empan : pan, mesure (3/4 de Esperdu : étonné, hors de soi.
pied). Espices : émoluements du juge,
Empannon : empennage, plumes gratification obligée.
de flèche. Espie : espion.
Empêcher : occuper, embarras­ Espoinçonner : exciter, aiguillon-
ser. ner.
Enchere (porter la folle -) : Esquiver : éviter, fuir.
payer le dommage, endosser la Estoffe : sorte, espèce.
responsabilité, subir les consé­ Estonner : effrayer, atterrer, sai-
quences. sir.
Encharger : avertir, recomman- Estonné : saisi, stupéfait, effrayé.
der. Estrivieres : coups de fouet.
Encoffrer : coffrer, emprisonner. Estude : cabinet de travail.
Encolure : mine, air. Excorier : écorcher.
Enfiler (en -) : se vanter. Excrement : humeut sécrétée par
Engorger : avaler. le corps.
Ennui : tourment, chagrin. Exeat : bulletin de sortie.
Enseigne : renseignement, indice, Expedition : copie d'un acte judi­
indication. ciaire.
Entester : donner mal à la tête. Exploict : assignation en justice.
Entretien : occupation, passe­ Extraordinaire (d') : de surcroît,
temps. en supplément.
Epouster : battre, rosser.
Esbou.ffer (s ') : s'esclaffer, éclater Fascheux : bougon, d'humeur
de rire. revêche.
Escampativos (faire -) : déguer­ Faim : envie.
pir, se sauver. Faquin : coquin, fripon.
Escamper : s'enfuir. Faquinerie : friponnerie.
Escarmouche (dresser son -) : Fausser : petite cheville conique.
tendre un piège, préparer une Feindre : hésiter ; dissimuler.
attaque. Ferrement : outil en fer.
Eschouguette : poste de senti­ Fiammette : rouge clair.
nelle. Fiction (sans -) : réellement.
Esc/anche : épaule, gigot. Fier : féroce.
Escolier de ville : externe Fleuron : pas de danse.
(cf. galoche). Fonder en appellation : faire
Escornijleur : parasite, pique­ appel.
assiette. Forces : ciseaux à ressort.
Escot : dépense totale, note Forme : banc sans dossier.
d'hôtellerie. Fortune (de -) : par hasard.
438 GLOSSAIRE

Fouailler : étreindre. Gigot : « lévrier de justice » , ser�


Fougue (en -) : en fureur. gent:
Fourbe : tromperie, mauvais tour. Glorieux : fier, orgueilleux, va­
Franchise : indépendance, liberté. niteux.
Frenesie : altération d'esprit, pas- Goderonner : plisser en godrons,
sion ardente. froncer les -fraises des cols.
Fretin-fretailler : remuer de tous Godiveau : pâté de veau haché.
les membres (empr. à Rabe­ Gogail/es : « grand chère avec
lais). bruit et réjouissance » (Fure­
Frime : mine ; émotion. tière).
Fripon : joueur de mauvais tours. Goguettes (être · en ses -) : être
Fripper: dérober, voler. ivre.
Fripperie (se jetter sur la -) : Gorgias : alléchant, appétissant,
injurier, outrager. attrayant.
Frotter : rosser. Goujat : valet ; pauvre diable.
Furieusement : beaucoup, très, Gourmer (se -) : se disputer. ·
très fort. Gouverner : régir, disposer ; avoir
Fuzi/ : briquet, barre d'acier dont de l'influence sur quelqu'un.
on frappe le silex pour obtenir Gratifier : accorder une faveur.
une étincelle. Grief: grave, cruel.
Grimauderie : règles de gram-
Gager : parier. maire (ce que font apprendre
Gaillarde : danse rapide. les grimauds).
Galand : bon vivant. Gros : plein.
Galefretier : va-nu-pieds, vaga- Grosse : expédition d'un acte
bond, coquin, gueux. judiciaire.
Galimatias : propos sans suite. Grossir (se �) : s'enorgueillir, se
Galoche : externe. pavaner.
Galoureau : godelureau, fripon. Grotesque : figure bizarre, imagi-
Gamme (en haute -) : à voix nation désordonnée.
aiguë. Guenuche : petite guenon.
Ganif: canif. Guette (à la -) : aux aguets.
Garderobbe : antichambre, pen­ Gueuser : mendier.
derie. Guiterne : guitare.
Gaupe : • femme mal bâtie et
malpropre » (Richelet). Habituer (s') : habiter.
Gausser : se moquer. Habitudes : relations.
Gausserie : raillerie, moquerie,. Hal/ebran : jeune canard sauvage.
plaisanterie. Haridelle : cheval étique.
Gausseur, gausseux : moqueur, Hazard (à tout -) : quoi qu'il
railleur. puisse arriver.
Gehenne : torture. Hergne : hernie.
Gehenner : torturer. Heure (à l'-) : à ce moment,
Genereux : qui a de la grandeur alors.
d'âme, du courage, le désir de Homme de paille : homme de
se distinguer. peu, insignifiant.
Generosité : courage, bravoure, Humeur : belle humeur, bonnes
grandeur d'âme. dispositions.
Gentillesse : esprit, tournure Hypocras : vin sucré aromatisé à
d'esprit plaisante et agréable. la cannelle.
GLOSSAIRE 439
Imagination : pensée, pressenti­ Marchander : hésiter.
ment, vision, chimère. Margajat : peuple du Bré6il.
Imposer : accuser. Marmotter : marmonner.
Incontinent : sur-le-champ, aus- Marmouset : « petite figure gro-
sitôt, tout de suite. tesque et mal faite • (Richelet).
Industrie : adresse, habileté, ruse. Marionnette: poupée, mannequin.
Infame : perdu de réputation. Matois : méchant, rusé, sournois.
Ingenieux : ingénieur. Mercadent : marchand (péjoratif).
Instance : plainte, action intentée Meschant : perfide, scélérat,
en justice : insistance, empres­ aimant faire le mal.
sement. Mesnage : conduite, façon de
Issir : sortir. gérer ses affaires.
Messier : garde champêtre.
Jambette : petit couteau pliant. Mestier : invention, machination.
Janin : cocu, cornard. Mettre à fin : accomplir.
Jargonner : raconter, débiter. Mettre en teste : opposer.
Jobelin : sot, niais. Mignard : joli, mignon.
Jocrisse : individu bas, lâche, Mignardise : agrément délicat.
sordide et sot ; hypocrite. Mignon : favori.
Minot : mesure de capacité
Lairois (de laisser) : manquer de, ( 1/2 mine).
faillir. Misericorde (à la -) : à la merci.
Leal : loyal. Mitan : milieu.
Leger (de -) : à la légère, incon­ Modestement : discrètement, avec
sidérément. retenue.
Leste : galant, bien vêtu, pim- Mom(m)erie : mascarade.
pant. Mon (c'est) : certes.
Libarde : hallebarde. Montée : marche d'escalier,
Licencier (se -) : se permettre. degré.
Lippée : bouchée ; pitance ; bon Morfer : manger.
repas. Morfondre (se -) : être transi,
Louve : femme très luxurieuse. mourir de froid.
Luminaire : yeux. Margay : morbleu.
Morguer : « faire rude mine à
Magnifique : magique (varian- quelqu'un » (Furetière).
te C : « mystique »). Morveau : museau (« lécher le
Main : poignée. morveau » : embrasser).
Mais que : pourvu que ; dès que. Mots de gueule : • paroles des-
Ma/encontre : malheur, mauvaise honnestes • (Riche let).
fortune, événement fâcheux. Moulinet : petit moulin, jouet.
Malice Moyenner : arranger, combiner.
Malicieux : méchant, fourbe. Muid : mesure de capacité
Mananda (par -) : juron popu- ( 1 2 setiers ou 48 minots).
laire, par ma foi. Muscadin : pastille de sucre par-
Manicle : menottes ; manche, fumée au musc.
poignée. Mutin : turbulent, querelleur.
Manier : traiter, s'occuper de. Mystère :
Manque : défaut.
Marchande (bonne -) : prosti­ Naifvement : naturellement, avec
tuée. simplicité, avec exactitude.
440 GLOSSAIRE

Nasarde : chiquenaude. Pirouette : petite toupie.


Natte : tenture de paille tressée. Pistole : pièce d'or, valant onze
Navrer : blesser grièvement. livres.
Nippes : choses sans valeur. Pitaut : rustre, lourdaud.
Nique : moquerie. Pituite : humeur froide, flegme.
Niveterie : balivernerie, futilité. Placet : tabouret, escabeau.
Plaindre : regretter.
Object : personne aimée. Plauder : applaudir.
Offusqué : obscurci, troublé. Pluche : peluche.
Orbe : privé de. Plumache : panache, plumet.
Oublie : biscuit roulé en cornet. Plumet : filou.
Oublieux : marchand ambulant Poche : petit violon de maître à
d'oublies. danser.
Outre : excepté, sauf, sinon. Pochette : poche.
Poinçon : épingle de chignon en .
Paillard : rustre, paysan ; lascif, or et ornée de pierres précieu­
impudique. ses.
Pair (se tirer du -) : sortir d'em­ Point (bien en -) : bien habillé.
barras, se tirer d'affaire. Pointe : bon mot, trait d'esprit.
Pannader (se -) : se pavaner, Porte feuille : cartable.
marcher fièrement. Possible : peut-être.
Paranymphe : harangue adressée Poste : parcours entre deux relais ;
aux nouveaux étudiants. débauché, fripon.
Paravanture : peut-être. Pouilles (chanter -) : injurier.
Pardon : pèlerinage. Poulain : traîneau pour transpor-
Parpaillau : huguenot, protestant. ter les charges.
Partie : mémoire des sommes Poulet : billet doux.
dues, relevé de compte : qualité Pourquoy : c'est pourquoi.
naturelle ou acquise. Pourry : bourrade, coup de poing.
Pasquil : libelle satirique inju- Praticien : avocat, juriste.
rieux. Practique : habitude de la procé-
Passages : pas de danse. dure, expérience de la justice ;
Passer : surpasser. connaissance du droit coutu­
Passer (se - de) : se contenter mier.
de. Pratique ( être de -) : émaner
Patron : modèle. d'un notaire ou d'un avocat.
Pau/me (longue -) : jeu de Practiquer : fréquenter.
paume en plein air. Prefix : précis, déterminé, exact,
Pecunieux : riche. fixé à l'avance.
Peneux : honteux, confus. Preignant : pressant, violent ;
Pennache : panache. plein de sens.
Peste : importun, fâcheux, Preoccupé : prévenu, qui a des
« casse-pieds •. préjugés.
Penuis : trou. Presse : grande foule.
Piaffe : morgue, vanité. Privauté : grande familiarité.
Picorée : pillage commis par les Privativement : exclusivement.
soldats dans les campagnes. Privé : lieu d'aisance.
Picquant : injurieux. Prix (au -) : en comparaison.
Picquer : éperonner. Procurer : s'occuper de ; discuter.
Pigeon : amoureux ; dupe. Prou : beaucoup.
GLOSSAIRE 44 1
Prudemment : adroitement, en Religion : couvent, monastère.
homme avisé. Remparer : protéger, garder,
Quant à moy (se mettre sur pourvoir.
son -) : être sur ses gardes, se Rencontre (masc.) : bon mot, trait
méfier ; faire le fier, se pavaner. d'esprit.
Quant et : avec. Renchéri (faire le -) : être pré­
Quant et quant : aussitôt, en tentieux, faire l'outrecuidant.
même temps. Rendre : donner sur.
Quant est : pour ce qui est. Reprehension : remontrance,
Quarte : mesure de capacité, réprimande.
valant deux pintes. Reposées (à L) : à l'aise, tran­
Quarteron : vingt-cinq. quillement.
Quartier (se retirer à -) : se Representer : faire rapport, faire
mettre à l'écart, à l'abri. connaître, montrer.
Queste : recherche. Requoy (à -) : à l'aise, paisible­
ment, en paix, en repos.
Raison (faire -) : relever un Ressentir (s'en -) : éprouver du
défi ; rendre justice. ressentiment de quelque chose.
Randon (à grand -) : avec force. Resserré : farouche, sauvage,
Rapetasser : repriser, raccommo­ solitaire.
der. Reste (à toute -) : avec achar-
Rapiner : dérober. nement.
Raquedenaze : avare (raque-de­ Retirer : recueillir, donner refuge,
nare : racle-deniers). • donner asile, rec<:ler.
Ravaller : rabaisser. Retraict : lieu d'aisance.
Ravaudeur : couturier, raccom­ Rets : filet, piège.
modeur. Revancher (se -) : répliquer,
Rebec : violon à trois cordes (ins­ s'acquitter d'une dette ; prendre
trument populaire). sa revanche, riposter.
Reboucher : émousser. Ribaut : paillard, luxurieux.
Reciter : raconter en détail, relater Rieux : rieur.
par le menu. Ris jaune : riz au safran.
Reconnaître : récompenser. Risée : éclat de rire.
Reconnaître (se -) : se repentir. Rogaton : requête, supplication,
Records : subalterne du sergent. placet.
Recourre (se -) : se tirer d'af- Romanie : Romagne.
faire. Rolle : rouleau, liasse des actes
Reformation (à la -) : dévote- d'un procès.
ment, avec austérité. Roter : tourner en rond.
Reformé : austère. Rotonde : collet empesé, soutenu
Regardure : figure, visage. par un carton.
Regne (mettre en -) : mettre à la Ruer : jeter violemment.
mode. Ruffien : paillard.
Relever : remettre en l'état anté­
rieur, rétablir, annuler ; rem­ Sabot percé : toupie fouettée avec
bourser. une lanière de cuir.
Relever un appel : • marner Sage : raisonnable, de bon sens.
devant un juge suprême la par­ Saison : moment.
tie qui a gagné la cause • (Ri­ Sangoy (par le -) : juron, pal­
chelet). sambleu.
442 GLOSSAIRE

Saoul : rassasié, repu. Trac : trace, piste d'un animal.


Sarabande : danse à trois temps. Traffic : commerce, négoce.
Satin noir : Traict : parcours, étape.
Scandaleux : calomniateur, médi• Trainer : fréquenter, hanter ;
sant, qui cause du scandale par séduire.
ses propos. Tranchée : colique.
Serrement : abondamment, dru. Trancher de quelque chose : fein­
Serviteur : galant. dre, contrefaire.
Si (adverbe) : pourtant, cepen• Travail : effort.
dant ; même. Traverse : malheur, accident,
Si est ce que : Et pourtant. chose fâcheuse.
Si plus : bien plus, même plus. Tredame : juron, Notre-Dame !
Singe (vin de -) : vin qui rend Tresbucher : piège à oiseaux.
gai. Tresbucher (prendre au -) :
Solliciteur : avocat. attraper.
Stupide : hébété, brutal, sot. Tric trac : train, allure, jeu.
Submission : protestation de res- Tripes : bribes, morceaux.
pect. Triquebille : testicule.
Succès : événement, aventure ; is­ Trousser ses quilles : prendre ses
sue. · jambes à son cou, retrousser
Succeder : arriver, se produire. ses habits pour mieux courir.
Truchement : intermédiaire,
îablature : livret de musique, entremetteur.
partition. Tymbre : pièce de métal au som­
Taille : impôt dû par les paysans met du casque ; crâne, sommet
et les petites gens. du crâne.
Tandis : pendant ce temps.
Temperance : maîtrise de soi. Vacation : profession.
Tempester (se -) : se démener, Vaisseau : fût, tonneau, récipient
s'agiter, gesticuler. à liquide.
Tendron : jeune fille. Var de mar (pour : vert de mer) :
Tenir à quatre (se faire -) : se • couleur de la mer vue de
faire prier instamment. loin • (Furetière).
Termes (en -de) : surie point de. Venelle : ruelle.
Teston : monnaie d'argent, valant Venelle (enfiler la -) : se sauver,
dix sous. décamper.
Testonner : battre, donner des Verti gué (par la -), vertu goy :
coups. juron, vertubleu.
Timbré : qui a du jugement, qui a Vertu : cœur, valeur, force de
de la cervelle, de sens rassis. courage.
Touche : action de frapper. Veuë : occasion, rencontre.
Toupillon : petit paquet. Vilain : avare.
Tout (du -) : entièrement, tota­ Viande : toute nourriture solide.
lement. Volonté : inclination, désir, des-
Tout à cette heure : à l'instant, il sein.
n'y a qu'un instant. Volte : danse sautée.
Tout à l'heure : aussitôt, sur-le­ Vramy voire : oui vraiment.
champ.
Tout par tout : constamment, Zest : « outil de génération » (va­
toujours. riante de B).

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