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Le régime juridique de l’arbitrage interne

Sommaire

Sommaire ___________________________________________________________________ 1

Introduction _________________________________________________________________ 2

Partie I : Le soubassement juridique de l’arbitrage interne ____________________ 9

Chapitre 1 : La nature juridique de l’arbitrage interne ___________________________ 9

Section 1 : Caractères de l’arbitrage au Maroc ________________________________________ 9

Section 2 : Arbitrage et ordre public________________________________________________ 14

Chapitre 2 : La convention d’arbitrage _______________________________________ 19

Section 1 : Les conditions de validité de la convention d’arbitrage _______________________ 19

Section 2 : Les effets de la convention d'arbitrage ____________________________________ 28

Partie II : L’arbitrage interne : la régulation étatique et les voies de recours _____ 34

Chapitre 1 : Le contrôle du juge étatique dans la procédure d’arbitrage ____________ 34

Section 1 : L’intervention du juge durant la procédure arbitrale _________________________ 34

Section 2 : Les mesures conservatoires _____________________________________________ 38

Chapitre 2 : les voies de recours contre les sentences arbitrales internes ___________ 42

Section 1 : Le recours en annulation________________________________________________ 42

Section 2 : La rétractation ________________________________________________________ 46

Section 3 : Les autres voies de recours ______________________________________________ 49

Bibliographie ________________________________________________________________ 52

Table des matières ___________________________________________________________ 53

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

Introduction

La justice est rendue par les juridictions étatiques investies du pouvoir et de la fonction
judiciaire1. La justice constitue un service public2. Cette prérogative connait cependant la
possibilité de régler certains litiges en dehors de ce service. Il s’agit de trancher les différends
par des personnes privées et non par des juges et à certaines conditions.

Ce sont les modes alternatifs du règlement des conflits. Le plus important et sans doute
l’arbitrage. C’est la disposition grâce à laquelle un litige est porté, par accord entre les parties,
non pas devant le tribunal de droit commun qui normalement devrait en connaitre, mais
devant une ou plusieurs personnes appelées arbitres. C’est un mode de règlement des
différends par rapport au recours à la justice étatique3.

L’arbitrage est l’institution par laquelle un tiers règle le différend qui oppose deux ou
plusieurs parties en exerçant la mission juridictionnelle qui lui a été confiée par celles-ci.

Il y a plusieurs types d’arbitrage. On peut citer, tout d’abord, l’arbitrage national ou


interne et l’arbitrage international. Il y a aussi l’arbitrage civil et commercial, l’arbitrage
maritime, l’arbitrage public ou l’arbitrage forcé ou encore l’arbitrage libre ou conditionnel. Il
y a aussi l’arbitrage ad hoc et l’arbitrage institution4.

L’arbitrage en tant que mode alternatif de solution des conflits, n’est pas un procédé
récent. Ses origines remontent aux époques les plus éloignées et l’on ne sera pas étonné ainsi

1
- J.P. Razon, l’arbitrage en droit marocain, R.M.D, n°1, 1985, p. 9, cité par M. El Harti, l’arbitrage commercial en
droit marocain interne, in les modes alternatifs de règlement des litiges, travaux du colloque organisé par le
département de droit privé de la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Fès, en collaboration
avec le ministère de la justice et l’ordre des avocats de Fès, 4-5 avril 2003,n°2, 2004, p. 21.
2
- J.P. Razon, les institutions judiciaires et la procédure civile du Maroc, Casablanca, Najah el Jadida, 1988, p. 17,
cité par M. El Harti, l’arbitrage commercial en droit marocain interne, in les modes alternatifs de règlement des
litiges, travaux du colloque organisé par le département de droit privé de la faculté des sciences juridiques,
économiques et sociales de Fès, en collaboration avec le ministère de la justice et l’ordre des avocats de Fès, 4-
5 avril 2003,n°2, 2004, p. 21.
3
- M. El Harti, l’arbitrage commercial en droit marocain interne, in les modes alternatifs de règlement des litiges,
travaux du colloque organisé par le département de droit privé de la faculté des sciences juridiques, économiques
et sociales de Fès, en collaboration avec le ministère de la justice et l’ordre des avocats de Fès, 4-5 avril 2003,n°2,
2004, p. 21.
4
- Ibid, p. 22.

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de découvrir qu’à Rome ou à Athènes, on y ait eu recours spontanément et naturellement,


souvent sous la forme de l’amiable composition5.

L’avènement de l’Islam renforcera le recours à la conciliation, la médiation et


l’arbitrage. Ces trois procédés aujourd’hui bien distincts seront utilisés indistinctement et
souvent successivement. Le Coran, dans plusieurs versets, conseillera aux fidèles la
conciliation et recommandera l’arbitrage des sages pour résoudre les conflits. L’histoire
musulmane est riche à cet égard et l’on se souviendra de ce qui fut sans doute le plus
important des arbitrages et certainement le premier de ceux qui devaient mettre fin à une
guerre fratricide, celle connue sous le nom de la bataille de « SIFFIN », opposant Ali à
Mu’awiya. Ce dernier conseillé par Amr Bnou Al As, fit hisser au bout des lances des
exemplaires du Coran et pu persuader son ennemi à régler leurs différend par un arbitrage.
Les partisans d’Ali purent, à leur tour, le persuader d’accepter cette solution. Ils choisirent un
arbitre neutre, Abou Moussa Al-Ashari, et, de son côté, Mu’awiya désigna Amr Bnou Al As6.

L’objet de l’arbitrage fut d’établir si le calife Othman avait été assassiné injustement
ou si sa mort était due à des réformes considérées comme blâmables. Cet arbitrage prit
plusieurs mois et le verdict fut contre Ali. Nous sommes en 6577.

La tradition arbitrale, et sans qu’il faille rechercher un lien avec la bataille de SIFFIN,
n’a fait que se renforcer et, à ce jour, elle est très vivace dans les structures tribales et même
dans le domaine corporatif.

Par ailleurs, l’époque franque se montre favorable au développement de la justice


ecclésiastique. La soumission des clercs à la justice de leur évêque sera reconnue par le
pouvoir royal dans un édit pris par Clothaire II en 614. C’est le fameux privilège du for. A cette

5
- A. Kettani, l’arbitrage et les réalités marocaines, in l’arbitrage commercial interne et international, colloque
organisé par le ministère de la justice et la CGEM en collaboration avec la Cour suprême, 3-4 mars 2004, cahier
de la cour, n°6, 2005, p. 65.
6
- Ibid, p. 65.
7
- Ibid, p. 65.

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compétence ratione personae s’ajoutera progressivement une compétence ratrione materiae.


Le développement de la justice ecclésiastique attendra au XIIIe siècle son point culminant8.

On aurait pu craindre qu’un tel développement entrainât la disparition de l’arbitrage


qui en était à l’origine, mais il n’en fut rien. Autant que nos sources nous permettent d’en
juger, les chrétiens et en particulier les hommes d’Eglise eux-mêmes continuent au Moyen
Age à savoir fréquemment recours à l’arbitrage. C’est sans doute pourquoi les canonistes vont
y prêter une particulière attention, malgré la relative indigence des textes recueillis à son sujet
dans le Corpus iurus canonici. Ce sont eux qui, à l’aide en particulier du droit romain,
modèleront l’institution9.

Bien que fréquemment utilisé, l’arbitrage en effet n’avait pas fait l’objet de la part du
droit canonique naissant d’une réglementation spécifique. Peu nombreux sont les textes
retenus à ce sujet par les collections canoniques qui s’échelonnent du milieu du Ive siècle
jusqu’au Décret de Gratien. Ce dernier élaboré probablement à Bologne entre 1140 et 1150
constitue le premier monument du Corpus iuris canonici. Sur les quelque quatre mille textes
qu’il rassemble, seul une petite minorité ont trait, quelque fois de fort loin, à l’arbitrage. Si
place lui est faite dans les compilations de décrétales pontificales postérieures au Décret, en
particulier dans les « Quinque compilationes antiquae » qui contiennent toute un titre De
arbitris, elle reste fort modeste. Les Décrétales de Grégoire IX (1234) qui constitue le second
et le plus important monument du Corpus, ne rassemble sous ce même titre que quatorze
textes extraits de décrétales pontificales qui ont tranché certains cas soumis au souverain
pontife mais qui ne constituent en aucune manière une réglementation d’ensemble. Le sexte
(1298) qui les complétera n’en comporte que deux10.

La doctrine va donc jouer un rôle essentiel dans l’élaboration d’un droit canonique
relatif à l’arbitrage. Elle nait au sein des écoles qui prennent leur essor au cours de la seconde
moitié du XIIe siècle, en particulier à Bologne qui restera l’alma mater des sciences juridiques.
Décrétistes (les maitres qui commentent le Décret) et décrétalistes (ceux qui commentent les

8
- A. Lefebvre-Teillard, l’arbitrage en droit canonique, in revue de l’arbitrage, bulletin du comité français de
l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2006, p. 5, spéc. p. 7.
9
- Ibid, p. 7.
10
- Ibid, p. 8.

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recueils de Décrétales), ces derniers surtout, vont s’y employer durant cette période qui va du
Décret de Gratien jusqu’au milieu du XIVe siècle, période dite « du droit canonique classique ».
Puisant dans le droit romain des compilations de Justinien les textes qui leur sont nécessaires,
sensiblement aux commentaires qu’en font les romanistes mais aussi à la pratique, ils
modèlent progressivement l’institution. Le résultat de leurs travaux sera recueilli par
Guillaume Durand (1296) qui se voulait le maitre de la « iuris pratica ». son Speculum iudiciale
écrit vers 1271 et complété jusqu’en 1291, servira rapidement de référence dans ce domaine.
Enrichi à son tour par les observations que Iohannes Andreae (1348) et Balde (1400) ont écrit
sur le Speculum, il fera l’objet de nombreuses éditions dès la fin du XVe siècle. Le droit
canonique de l’arbitrage sera désormais fixé11.

Ainsi, la distinction entre arbitre et amiable compositeur est proprement médiévale et


fait son apparition au cours de la seconde moitié du XII e siècle sous l’impulsion d’un recours
de plus en plus fréquent à la pratique de l’arbitrage et du développement d’une doctrine
juridique, elle-même fruit d’un enseignement du droit dont la naissance constitue un
phénomène majeur de notre histoire. C’est la pratique qui va pousser à faire de l’amiable
composition une forme d’arbitrage.

L’arbitrage tel qu’il se présente au tout début du XIII e siècle présente aux yeux de cette
pratique bien des avantages mais un défaut, celui d’obliger l’arbitre à se conformer presque
entièrement aux règles de procédure suivies par le juge avec tout ce que cela peut engendrer
de possibles contestations. Cette obligation tirée des Compilations de Justinien fait de l’arbitre
un juge, un « juge d’image » écrit un canoniste parisien, qui « doit procéder comme s’il étant
un vrai juge ». Les actes de la pratique, comme les propos tenus par la doctrine, témoignent
de cette confrontation de la procédure arbitrale à la procédure judiciaire mais aussi de la
lourdeur et de la lenteur qu’elle entraine. Aussi intéressés avec l’aide des praticiens ne vont-
ils pas tarder à réagir12.

11
- Ibid, p. 9.
12
- A. Lefebvre-Teillard, l’arbitrage de l’histoire, in l’arbitrage, archive de philosophie du droit, tome 52, Dalloz,
2009, p.1, spéc. p. 4 et 5.

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Cette réaction se traduit notamment par le développement d’une formule appelée à


un grand avenir mais qui n’est pas sans poser quelques problèmes. Il s’agit de la formule
insérée dans le compromis par laquelle telle personne est élu en tant qu’ « arbiter, arbitrator
seu amicabilis compositor ». Dans tous les modèles de compromis qu’ils donnent, la formule
est accompagnée de clauses qui ont essentiellement pour but de redonner aux arbitres la
possibilité d’agir avec souplesse et rapidité. La formule ainsi lancée pénètre largement dans
les actes de la pratique dès la seconde moitié du XIIIe siècle tant en France qu’en Allemagne,
en Autriche qu’en Suisse et devient quasiment de style dès le XIVe siècle. Elle le restera jusqu’à
la fin de l’Ancien régime, même si par ailleurs la doctrine continue à faire la distinction entre
les arbitres proprement dits et les arbitrateurs ou amiables compositeurs13.

Outre la liberté d’action qu’elle confère aux arbitres, cette formule contribue en effet
par sa souplesse à mieux assurer la validité de la sentence à venir. Mais elle entretient par là
même une certaine confusion entre les deux notions au bénéfice essentiellement de
l’arbitrateur ou amiable compositeur, comme en témoignera encore au XVIIIe siècle
l’affirmation de Jousse : « dans nos mœurs les arbitres choisis par les parties ne différent point
des amiables compositeurs et sont établis pour régler ex bono et aequo les demandes
réciproques des parties »14.

Qu’en est-il du Maroc ? Il ne fait pas exception sur ce plan et aussi étonnant que cela
puisse paraitre, l’arbitrage des plus sages de la tribu est de règle au point où le recours aux
tribunaux est très mal vu et place son auteur en marge de la collectivité et le rend coupable
d’étaler en public ce qui devrait rester secret afin de sauvegarder l’essentiel, à savoir la
cohésion solidaire du groupe.

Cette préoccupation est ancrée dans notre milieu rural, surtout le plus excentré, et
témoigne d’un fait important, à savoir la conscience que l’on a de la qualité essentiel de
l’arbitrage, qui est la discrétion, laquelle le fait préférer encore plus aujourd’hui dans tous les
domaines arbitrales au recours judiciaire.

13
- Ibid, p. 5.
14
- Ibid, p. 5.

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Le Maroc a connu l’arbitrage en 1693, l’année où le roi Moulay Ismail a conclu avec le
roi de France Louis XIV le traité de Saint Germain. Ce traité est considéré comme étant le
premier traité signé avec un Etat européen ayant pour objet la situation des étrangers au
Maroc. Tout en respectant les principes de droit musulman, ce traité prévoyais le règlement
des litiges judéo-chrétiennes par le moyen d’arbitrage, ceci concerne les conflits commerciaux
et ceux relatifs au statut personnel et quelques conflits civils.

Le Maroc est resté fidèle cette tradition, ainsi, sous le protectorat, la procédure
d’arbitrage a été introduite au Maroc, dans la forme moderne du terme par le dahir de 1913
qui reprenait l’essentiel des textes appliqués en France notamment le code français de
procédure civile de 1806.

Le dahir de 1913 à connu sa première modification en 1928 à propos de la désignation


d’arbitres à l’avance dans une clause compromissoire. En 1974, dans le cadre de la réforme
de la procédure civile, le législateur a remanié et complété l’ensemble des textes précédents
dans le but de simplifier le système des voies de recours. Malgré l’institution des procédures
simplifiées, l’arbitrage demeure toujours une action exceptionnelle et d’un recours restreint
au Maroc.

Désireux de ne pas demeurer en retrait sur ce mouvement, le Maroc s’est doté d’une
nouvelle loi relative à l’arbitrage et à la médiation conventionnelle. C’est la loi 08-05 abrogeant
et remplaçant l’ancien chapitre VIII du titre V du code de procédure civile. Le volet relatif à
l’arbitrage interne est extrêmement détaillé. Aussi, le législateur a instauré pour la première
fois le recours en annulation comme voie de recours contre les sentences arbitrales. Ceci
traduit la volonté législative de conserver aux juridictions étatiques le contrôle judiciaire des
sentences arbitrales15.

Ainsi, le sujet porte à la fois un intérêt théorique et pratique. Théorique du fait de


l’importance que revêt le recours à l’arbitrage interne comme mode alternatif de règlement

15
- K. Zaher, « le contrôle étatique des sentences arbitrales en droit marocain », in « les modes alternatifs de
règlement de conflits, médiation, arbitrage, conciliation », colloque international organisé à Nador, revue de
droit marocain, n°4, mai 2012, p. 159, spéc. p. 161.

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des conflits. Et pratique surtout de la présence étatique dans un procédé, normalement et


purement, privé.

C’est à ce moment qu’on se pose une question substantielle, comment peut-on


appréhender une justice privée, à caractère conventionnelle, et cerner son étendue vis-à-vis
du contrôle du juge étatique ?

C’est dans la perspective d’éclaircir ce point, qu’on traitera dans une première partie
le soubassement juridique de l’arbitrage interne, pour se concentrer dans une deuxième
partie sur la régulation étatique en amont et en aval.

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Partie I : Le soubassement juridique de l’arbitrage interne

Dans ce cadre, on va traiter dans un premier point la nature juridique de l’arbitrage


interne, avant de voir dans le point suivant la convention d’arbitrage.

Chapitre 1 : La nature juridique de l’arbitrage interne

L’arbitrage interne, comme c’est le cas pour l’arbitrage en général, revêt plusieurs
caractères qui le distingue que ça soit de la justice étatique ou des autres modes alternatifs
de règlement des conflits. Ces caractères rendent l’arbitrage influencé par le principe d’ordre
public.

Section 1 : Caractères de l’arbitrage au Maroc

En optant pour une réforme de l’arbitrage au Maroc, le but était, quelle que soit la
démarche retenue, le plus important est d’avoir une législation moderne qui répond aux
besoins de célérité, de souplesse et de sécurité qui constituent les avantages traditionnels de
l’arbitrage et qui en font un mode recherché et apprécié de règlement des litiges.

A- La nature dualiste de l’arbitrage

La loi consacre la double nature de l’arbitrage ; c’est un mode à la fois conventionnel


et juridictionnel de règlement des litiges. L’arbitre est investi par une convention qui lui
confère un pouvoir juridictionnel16.

Cette dualité est annoncée d’entrée de jeu dans la définition qui est donnée de
l’arbitrage. L’article 306 dispose que l’arbitrage a pour objet trancher un litige par un tribunal
arbitral qui reçoit des parties la mission de juger en vertu d'une convention d'arbitrage. On ne
peut être plus affirmatif ou plus catégorique.

16
- M. El Mernissi, « principales tendances du projet de code de l’arbitrage », in l’arbitrage commercial interne
et international, colloque organisé par le ministère de la justice et la CGEM en collaboration avec la Cour
suprême, 3-4 mars 2004, cahier de la cour, n°6, 2005, p. 75, spéc. p. 81.

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Le volet conventionnel se manifeste essentiellement dans la réglementation de la


convention d’arbitrage et dans l’autonomie de la volonté qui régit la constitution du tribunal
arbitral, le choix des règles de procédure, du droit applicable dans l’arbitrage international,
l’attribution aux arbitres des pouvoirs d’amiable compositeur et la fixation du délai
d’arbitrage17.

Ce caractère contractualiste se retrouve également dans les conditions de fond


applicables au litige. Ce caractère est d’une importance capitale car la majorité des différends
portés devant les arbitres sont d’ordre contractuel. C’est la raison pour laquelle certains
auteurs estiment que cet aspect soit considéré comme primordial et donc ait le dessus sur la
conception juridictionnelle car c’est de cette convention que nait l’arbitrage.

Pour ce qui est de la théorie juridictionnelle, la nature juridique de l’arbitrage peut être
éludée par référence à l’acte juridictionnel. On y retrouve plusieurs liens entre celle-ci et
l’arbitrage. Tout d’abord, la mission de l’arbitre est de trancher un litige, il a été ensuite conçu
et rendu selon les règles procédurales prévues du CPC. Ainsi, l’arbitrage est considéré un acte
juridictionnel en raison de la mission qui lui est confiée et de la sentence qui en résulte. On
retrouve la même conception lorsqu’on examine la nature juridique de l’arbitrage en droit
musulman, car la majorité des jurisconsultes s’accordent à considérer celui-là comme ne
décision qui met fin au litige et qui s’impose aux parties.

L’aspect juridictionnel apparait aussi avec force dans la terminologie utilisée : on parle
de tribunal juridictionnel, de sentence, de voies de recours, de délibérations, de
dessaisissement et de chose jugée18.

Ensuite, les arbitres se voient reconnaitre les mêmes pouvoirs que ceux conférés aux
juges étatiques. Ils peuvent, même d’office, procéder à toutes mesures d’instruction comme
l’audition des parties et des témoins, la commission d’expert, le transport sur les lieux. Ils
peuvent aussi enjoindre une partie qui détient un moyen de preuve à le produire.

17
- Ibid, p. 81.
18
- Ibid, p. 81.

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Par ailleurs, ils ont le pouvoir de fixer la date de mise en délibéré qui emporte clôture
des débats. Ils peuvent réparer d’office ou à la demande des parties les erreurs matérielles
qui se seraient glissées dans la sentence, interpréter la sentence et même rendre une
sentence complémentaire relative à un chef de demande sur lequel il a été omis de statuer.

Même si le parallèle entre la justice étatique et la justice arbitrale est frappant, il existe
néanmoins trois différences qu’il convient de relever. D’abord, les injonctions du tribunal
arbitral aux parties ne peuvent pas être assorties d’astreinte. Aussi, les tiers échappent
totalement au pouvoir d’injonction du tribunal arbitral. Enfin, l’audition des témoins se fait
sans prestations de serment19.

Ces deux thèses restent imparfaites à délimiter la nature juridique de l’arbitrage. Des
auteurs préfèrent regrouper les caractères contractuels et juridictionnels de l’arbitrage. C’est
le cumul de ceux-ci qui détermine la nature juridique de l’arbitrage. Celui-ci a une origine
contractuelle et un objectif juridictionnel. Les notions de contrat et jugement « subissent une
altération telle, lorsqu’on tente, surtout simultanément, de les retrouver dans le déroulement
de la procédure arbitrale, qu’elles perdent toute signification, sans qu’apparaisse pour autant
la physionomie particulière de l’arbitrage ». Les deux aspects sont tellement imbriqués qu’il
est impossible et inadéquat de tenter de les séparer « il faut admettre que la nature juridique
de l’arbitrage n’est ni contractuelle, ni juridictionnelle, ni hybride, mais autonome ». C’est
donc l’autonomie qui octroie la nature juridique à l’arbitrage.

B- L’arbitrage : une justice autonome

Si l’arbitrage est une justice privée, c’est une justice à part entière dans la mesure où
les arbitres font office de juges et tranchent définitivement le litige en disant le droit.

Ainsi, les arbitres sont les seuls juges de leur investiture lorsque celle-ci est contestée ;
c’est la consécration par la loi de la règle compétence-compétence. Cette règle leur permet

19
- Ibid, p. 82.

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également, en cas de contestation, de déterminer s’ils doivent juger en droit ou en amiable


composition20.

Aussi, ce sont les arbitres qui statuent sur la validité de la convention d’arbitrage
lorsque la nullité de celle-ci est soulevée. La loi reconnait pleinement l’autonomie de la
convention d’arbitrage.

Par ailleurs, non seulement on applique aux arbitres le principe selon lequel le juge de
l’action est le juge de l’exception, mais on leur donne expressément le pouvoir de trancher
l’incident de vérification d’écriture ou de faux incident dans les mêmes conditions que le juge
étatique.

Toute demande formée devant un tribunal étatique doit être déclarée irrecevable en
présence d’une convention d’arbitrage si cette irrecevabilité est soulevée par une partie. Cette
disposition confirme le caractère obligatoire de l’arbitrage. La sentence arbitrale, dès qu’elle
est rendue et avant même l’exequatur, a l’autorité de la chose jugée relativement à la
contestation qu’elle tranche21.

C- L’arbitrage : une justice privée

Si les partisans de la thèse juridictionnelle optent encore parfois pour la notion de


fonction publique temporaire, il est presque unanimement admis, aujourd’hui que la marque
distinctive de l’arbitrage est d’être une justice privée. Les arbitres sont des particuliers,
auxquels l’ordre juridique permet d’exercer une fonction qui en principe réservé à l’Etat 22.

Si l’évolution de la justice au cours des âges de l’humanité a consisté à transférer à la


puissance publique des activités qui s’exerçaient d’abord d’une manière inorganisée et qui ont
ensuite connu des vicissitudes, l’institution de l’arbitrage constitue justement une dérogation
importante à cette prérogative étatique. L’ancienneté de cette institution et son

20
- Ibid, p. 82.
21
- Ibid, p. 83.
22
- H. Motulsky, écrits : études et notes sur l’arbitrage, Dalloz, 1974, p. 13.

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développement montrent que l’existence d’une justice privée est ressentie comme un besoin
par la conscience collective23.

On est tenté de parler de droit nature, mais il suffit, sans verser dans un positivisme
légaliste, de relever que, de même en matière contractuel, l’autonomie de la volonté des
particuliers trouve son épanouissement et ses frontières dans la disposition du DOC d’après
laquelle « Les obligations contractuelles valablement formées tiennent lieu de loi à ceux qui
les ont faites » (article 230), de même la justice privée est fonction des règles du droit positif
qui l’autorisent et en délimitent les contours : en cas de silence du CPC, le caractère
juridictionnel de l’arbitrage n’aurait à notre avis, pas pu être reconnu24.

Mais en l’état de la réglementation, il est permis de déclarer, comme d’éminents


auteurs pas hésité à le faire, qu’il existe deux justices : celle de l’Etat et celle des arbitres, étant
entendu que l’organe de la justice arbitrale est un juge privé. Cette observation, juste à nos
yeux, incite à croire qu’il n’est pas tout à fait exact de dire, comme le font même certains
partisans du caractère complexe de l’arbitrage, que le critère organique de l’acte juridictionnel
fait défaut en la matière : du moment, en effet, où le droit positif confère à un particulier le
pouvoir de statuer sur une prétention juridique, on se trouve en présence d’un acte
juridictionnel. L’arbitre, répondant en tous points à cette définition, accomplit donc de tels
actes au point de vue matériel, formel, et organique ; il est juge comme l’est le magistrat. Mais
il est juge privé25.

A la différenciation ainsi entendu correspondent essentiellement les antithèses


suivantes. D’abord, la collation de la fonction juridictionnelle a une portée très différente pour
le juge public et pour l’arbitre. On peut exprimer cette différence en disant que le juge public
bénéficie d’une investiture subjective, tandis que l’investiture de l’arbitre est en quelque sorte
objective parce que limitée à une mission déterminée. En effet, devenir juge public, c’est
acquérir une qualité inhérente à la personne : l’intéressé est désormais magistrat, et seul un
problème de compétence peut se poser à son égard. Le juge privé n’est pas titulaire d’une

23
- Ibid, p. 14.
24
- Ibid, p. 14.
25
- Ibid, p. 15.

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telle qualité personnelle. Il n’est revêtu de la dignité juridictionnelle qu’autant qu’il s’agisse
de trancher le litige ou la catégorie de litiges pour lesquels il est institué, il ne devient pas, fût-
ce pour un temps, magistrat, mais demeure un particulier26.

Aussi, la responsabilité de l’arbitre peut être mise en jeu dans des conditions plus
simples que celle du juge public. Les parties à un arbitrage peuvent d’avance renoncer aux
voies de recours contre les sentences, solution qui est controversée pour les décisions
émanant des tribunaux ordinaires.

Par ailleurs, la décision arbitrale est, dans une large mesure, soumise au contrôle des
tribunaux publics au moyen des voies de recours, certains griefs ne pouvant d’ailleurs pas faire
l’objet d’une renonciation. Enfin, certaines mesures concernant l’arbitrage ne peuvent être
demandées aux arbitres eux-mêmes, mais bien uniquement aux tribunaux. Tels est le cas de
la récusation d’un arbitre, de la tierce opposition contre la sentence, voire de l’interprétation
de cette dernière.

Justice privée, l’arbitrage tire sa force de la volonté des parties. C’est précisément pour
donner à la convention ce pouvoir de créer une véritable juridiction que le droit autorise, et
doit autoriser, l’arbitrage27.

Section 2 : Arbitrage et ordre public

L’ordre public peut avoir deux effets sur l’arbitrage : il peut intervenir en amont de
l’arbitrage pour en interdire l’usage ; il peut s’imposer à l’arbitre qui devient ainsi l’auxiliaire
de justice de l’Etat. Ces deux possibilités ne s’excluent pas : au Maroc, comme beaucoup
d’autres pays, elles se combinent. Mais avant tout, il faudrait définir le concept d’ordre public.

A- Le concept d’ordre public

De manière générale, les règles d’ordre public seraient « celles dont l’observation est
nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale et économique du pays ». il

26
- Ibid, p. 15.
27
- Ibid, p. 16.

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s’agirait de principes ou de règles impérieuses auxquelles on ne peut pas déroger sans


remettre en cause l’ordonnancement juridique, sa stabilité, sa finalité, la paix interne qu’il doit
garantir.

La doctrine et la jurisprudence ont cherché à préciser le contenu de la notion. On peut


par exemple partir d’une analyse qui évoque plusieurs concepts. D’abord, un ordre public
classique vise à « défendre l’ordre, c’est-à-dire les principes fondamentaux de la société ».
Conservateur, cet ordre public est négatif en ce qu’il se borne à interdire les atteintes aux
bases de la société.

Aussi, l’ordre public économique qui est consacré à l’aménagement des rapports
économiques et sociaux. On le dit aussi, positif en ce qu’il ne se limite pas à interdire, souvent,
impose aussi positivement des obligations aux cocontractants. Il est aujourd’hui subdivisé en
deux catégories, l’ordre public de direction économique qui tend à diriger les relations
économiques dans une perspective d’intérêt général, et l’ordre public économique de
protection encore appelé ordre public de protection sociale, visant à protéger le plus faible de
deux contractants de poids économique inégal28.

Le contenu législatif de l’ordre public classique regroupe sous ce terme les notions
classiques de la police administrative : le bon ordre ou la tranquillité, la sécurité ou la sûreté
publique, la salubrité ou l’hygiène publique29.

Une autre systématisation peut être appréhender en prenant en compte d’abord


l’ordre public traditionnel dont l’ordre public politique regroupant les règles relatives à assurer
la défense de l’Etat, son organisation, ses prérogatives, l’ordre public familial qui contient les
règles régissant et protégeant la famille, le mariage, l’état des enfants, l’ordre public tenant
au respect de la personne humaine et le respect de ses droits fondamentaux, l’ordre public

28
- L. Leveneur, « la liberté contractuelle en droit privé : les notions de base ( autonomie de la volonté, liberté
contractuelle, capacité…) », AJDA, 1998, chroniques, p. 676, cité par A. Rabiah, « l’arbitrage commercial interne
et international », in l’arbitrage commercial interne et international, colloque organisé par le ministère de la
justice et la CGEM en collaboration avec la Cour suprême,, 3-4 mars 2004, cahier de la cour, n°6, 2005, p. 21,
spéc. p. 32.
29
- A. Benabdallah, « la police administrative dans le système juridique marocain », publications APREJ, 1987, p.
141, cité par A. Rabiah, « l’arbitrage commercial interne et international », in l’arbitrage commercial interne et
international, colloque organisé par le ministère de la justice et la CGEM en collaboration avec la Cour suprême,,
3-4 mars 2004, cahier de la cour, n°6, 2005, p. 21, spéc. p. 32.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

moral, les bonnes mœurs, l’ordre public religieux. Par ailleurs, on trouve l’ordre public
moderne comportant l’ordre public social, protecteur des contractants les plus faibles, l’ordre
public économique qui entend diriger l’économie, la monnaie, les finances, l’ordre public
économique et social qui associe les impératifs de deux précédents.

Le contenu législatif de l’ordre public économique directif ou de protection comporte


l’ensemble des lois impératives, éditées dans un but d’intérêt général, dont la violation des
normes est également punies de sanctions pénales ou par la nullité de l’acte irrégulier que
l’on pourrait regrouper sous la notion d’économie réglementée : réglementation des prix, du
droit du travail droit de de la concurrence.

Dans le prolongement de cette analyse et dans les limites de l’étude en cours, sans
doute peut-on considérer que l’ordre public visé par le DOC concerne toutes les lois qui
édictent des normes impératives dont l’irrespect est sanctionné par une peine
d’emprisonnement ou d’amende. Dans ces hypothèses, il s’agit en effet de sanctionner un fait
de l’homme qui trouble l’ordre social au point qu’on l’on doive en sanctionner l’auteur.

B- L’ordre public interdit l’arbitrage

C’est la solution retenue par la législation actuelle. Mais qu’apporte la rédaction de


l’article 308 et suivants du CPC alors que l’article 62 du DOC dispose : « l’obligation sans cause
ou fondée sur une cause illicite est non avenue. La cause est illicite quand elle est contraire
aux bonnes mœurs, à l’ordre public ou à la loi ».

L’interdiction de conclure une convention dont la cause est contraire à l’ordre public
ne devrait donc pas présenter de spécificité par rapport aux autres causes de nullité d’une
convention illicite en vertu de l’article de portée générale du DOC 30.

Demeure la nullité quant à l’objet. C’est-à-dire l’arbitrabilité même de la question


posée à l’arbitre. Sans doute devra-t-on faire réserve de cette catégorie de litiges.

30
- A. Rabiah, « l’arbitrage commercial interne et international », in l’arbitrage commercial interne et
international, colloque organisé par le ministère de la justice et la CGEM en collaboration avec la Cour suprême,,
3-4 mars 2004, cahier de la cour, n°6, 2005, p. 21, spéc. p. 34.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

Mais le fait de le préciser dans la loi introduit un doute sur la légitimité de la technique
de l’arbitrage : on peut déduire des dispositions actuelles que c’est l’arbitrage lui-même qui
est interdit au nom de l’ordre public alors que c’est la convention qui prévoirait un arbitrage
sur une question relevant de l’ordre public qui est illicite.

Prévoir que les questions relevant de l’ordre public ne peuvent faire l’objet d’une
convention d’arbitrage apparait comme une redondance dont le seul effet est d’introduire
une suspicion dont le mécanisme. Cette disposition est donc tout à la fois inutile et dangereuse
dans ses effets31.

Au surplus, cette interdiction, comme toutes celles relatives à des conventions fondées
sur l’autonomie de la volonté, ne peut être sanctionnée que si elle est présentée au juge. La
question est donc de savoir si ce juge doit nécessairement être le juge d’Etat ou s’il peut être
aussi je juge arbitral. En d’autre termes, que l’on peut considérer comme académiques, le juge
d’Etat est-il seul compétent pour décider de la nullité d’une convention contraire à l’ordre
public ou, l’arbitre saisit d’une convention d’arbitrage, doit-il se déclarer incompétent pour
apprécier la nullité de la convention ?32

La réponse à la question dépend :

- D’une part de la confiance que l’on peut placer dans le juge arbitral, et ;
- D’autre part des prescriptions légales qui doivent lui rappeler l’obligation de vérifier sa
compétence et la légalité de la convention qui fonde cette dernière avant tout examen
au fond et éventuellement les mécanismes que l’on peut édicter pour l’inciter à
adopter ce comportement.

Il nous semble incontestable que si l’on souhaite simplifier et rendre attractive la


procédure d’arbitrage, il convient de préciser clairement quelles sont les dispositions qui
s’imposent à l’arbitre, sans faire référence à la notion d’ordre public : l’objectif est bien de
soustraire à la compétence de l’arbitre des questions auxquelles les parties et l’arbitre n’ont

31
- Ibid, p. 34.
32
- Ibid, p. 35.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

pas le droit de donner une solution autre que celle prévue par la loi, la technique législative
pour mettre en œuvre cette règle consiste à préciser quelles sont les lois en cause.

Les interdictions posée dans un but d’intérêt général ne peuvent pas être aménagées
par les parties afin d’aboutir à une solution contraire à celle prévue par la loi. Mais rien
n’empêche l’arbitre de le dire. C’est alors en termes de compétence de l’arbitre que se pose
le problème.

C- L’ordre public s’impose à l’arbitre

Ce qui importe à l’Etat, c’est que la loi soit respectée. Si elle ne peut l’être
spontanément parce que les parties en ont une interprétation différente, ou encore parce que
l’un d’entre eux résiste à son application, un tiers doit dire la loi et en imposer le respect,
d’abord entre les parties et ce peut être le rôle de l’arbitre et, au-delà, orga omnes, et c’est le
rôle du juge d’Etat33.

Que cette loi ait un caractère impératif ou non, qu’elle soit considérée comme une loi
de police ou une loi ordinaire, l’essentiel est que le tiers saisi en fasse une application correcte
et décide qu’il n’est pas compétent pour l’appliquer.

Le problème sera donc posé en termes de compétence de l’arbitre et non en termes


d’arbitrabilité de la convention. A cet égard, un auteur relève : « en France notamment,
l’arbitrabilité n’est pas exclue pour la seule raison que sont en cause des dispositions d’ordre
public. L’arbitre peut en effet les appliquer et en sanctionner les manquements sous le
contrôle du juge ».

33
- Ibid, p. 36.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

Chapitre 2 : La convention d’arbitrage

Les nouvelles dispositions du Code marocain de procédure civile relatives à la


convention d'arbitrage reprennent la distinction classique entre le compromis (art. 314),
convention permettant aux parties de soumettre à l'arbitrage un litige déjà né, et la clause
compromissoire (art. 316), convention par laquelle les parties s'engagent à recourir à
l'arbitrage afin de trancher les litiges futurs34. Certes, cette distinction existait déjà sous
l'empire des anciennes dispositions marocaines relatives à l'arbitrage. Néanmoins la réforme
touche aussi bien les conditions de validité de la convention d'arbitrage que les effets de celle-
ci.

Section 1 : Les conditions de validité de la convention d’arbitrage

La convention d'arbitrage doit répondre à un certain nombre de conditions de forme


et de fond.

A- Les conditions de forme de la convention d'arbitrage

Tout en distinguant le compromis de la clause compromissoire, l'ancienne législation


exigeait l'écrit comme condition de validité pour les deux formes que pourrait prendre la
convention d'arbitrage35. Ainsi, non seulement l'écrit était exigé comme condition de validité
en la forme du compromis (ancien article 307 CPC), mais celui-ci devait « désigner, à peine de
nullité, l'objet du litige et le nom des arbitres» (ancien art. 309 CPC).

Cette précision constituait une lourdeur insupportable pour les justiciables en ce


qu'elle méconnaissait la pratique de l'arbitrage. Et de fait, lorsque deux Parties décident de
soumettre à l'arbitrage un litige en cours d’examen devant une juridiction étatique, le nom
des arbitres est rarement indiqué. Etant un acte purement consensuel, la preuve du
compromis peut être apportée, par, tous moyens. C’est pour cela que le nouveau texte a

34
- K. Zaher, « Le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international », in revue de l’arbitrage, bulletin
du comité français de l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 74.
35
- Ibid, p. 74.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

soigneusement évité de reprendre ces mentions encombrantes. Désormais, « le compromis


doit, à peine de nullité :

- déterminer l'objet du litige ;


- désigner le tribunal arbitral ou prévoir les modalités de sa désignation. »

L'écrit n'est donc plus exigé comme condition de validité. De même, le défaut de
précision du nom des arbitres dans le compromis n'est plus de nature à remettre en cause
l'existence de celui-ci. Les parties peuvent désormais se contenter de recourir à un centre ou
à une institution d'arbitrage36.

Il en allait de même pour la clause compromissoire qui était entourée de certaines


précautions excessivement rigoureuses. Sous l'empire de l'ancienne législation, la mention
manuscrite de la clause arbitrale constituait une condition de validité chaque fois que le litige
se rapportait à des contrats commerciaux, Cette mention n'étant plus nécessaire pour les
contrats civils pour lesquels l'exigence de l'écrit suffisait. En effet, l'ancien article 309 CPC
dispose, à peine de nullité, que « la clause compromissoire doit être écrite à la main et
spécialement approuvée par les parties ».

Cette rédaction défectueuse posait .un certain nombre de problèmes. La mention


manuscrite devait-elle être effectuée par chacun des deux contractants, ce qui serait d'une
redondance ubuesque, ou bien la rédaction à la main de la clause compromissoire par l'une
des parties était-elle suffisante pour satisfaire aux exigences de forme posées par l'ancienne
loi ? Et dans le cas où le contrat commercial comportant une clause d'arbitrage serait l'œuvre
d'un notaire ou d'un avocat, quelle serait la valeur de cette mention manuscrite ?
Dispenserait-elle les parties de réécrire à la main ladite clause ? De même, la signature par les
parties d'un tel contrat satisferait-elle les exigences posées par l'ancienne disposition ou bien
une approbation spéciale de la clause compromissoire par les contractants serait-elle
obligatoire ?37

36
- Ibid, p. 75.
37
- Ibid, p. 75.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

Contrairement à ce qui a pu être avancé par certains auteurs qui avaient fait remarquer
que « cette vieille exigence de l'écrit à la main pour que la clause compromissoire soit valide
est écartée par la jurisprudence marocaine »38, le doute concernant cette précaution n'a pas
été dissipé par les tribunaux. Pour étayer cette affirmation, ces auteurs citent un arrêt rendu
par la Cour d'appel de Casablanca dans une affaire opposant une société marocaine à une
entreprise étrangère. Arguant du défaut de la mention manuscrite, l'entreprise marocaine
invitait la Cour à constater la nullité de la clause compromissoire sur le fondement de l'ancien
article 309 CPC.

Cette argumentation n'a pas été retenue par la juridiction d'appel qui a jugé que « les
dispositions de l'article 309 CPC exigeant la mention manuscrite de la clause compromissoire
sont inapplicables en matière d'arbitrage international comme c'est le cas en l'espèce dès lors
que, d'une part, les parties s'étaient contentées de prévoir dans le contrat le recours à un
arbitrage placé sous l'égide de l'association professionnelle du sucre située à Londres en cas
de litige et que, d'autre part, le Maroc avait ratifié la Convention de New York relative à
l'arbitrage international, laquelle requiert seulement l'écrit et ne prévoit pas de mention
manuscrite pour la validité de la clause compromissoire »39.

S'il est vrai que la Cour d'appel de Casablanca a exclu l'exigence de la mention
manuscrite de la clause compromissoire comme condition de validité posée par l'ancienne loi,
il n'en est pas moins vrai que l'éviction de cette précaution, certes surannée, n'était
envisageable, du moins dans l'esprit de la Cour, qu'en matière d'arbitrage international.
L'arrêt prévoit expressément que « les dispositions de l'article 309 al. 2 CPC (ancien) ne sont
pas applicables en matière d'arbitrage international ». Ce qui suggère bien qu'elles l'étaient
en matière d'arbitrage interne. L'exigence de la mention manuscrite comme condition de
validité de la clause compromissoire n'a donc jamais disparu en matière d'arbitrage interne40.

38
- M. Bedjaoui et D. EL-Karkouri, « l’arbitrage commercial international en droit marocain », JDI, 2001, p.71,
spéc. p. 73, cité par K. Zaher, « Le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international », in revue de
l’arbitrage, bulletin du comité français de l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 76.
39
- CA Casablanca, ch. Com., 21 juin 1983, arrêt, n° 1083, revue marocaine de droit, n° 17, avril-juin, 1988, p. 322,
cité par K. Zaher, « Le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international », in revue de l’arbitrage,
bulletin du comité français de l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 76.
40
- K. Zaher, « Le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international », in revue de l’arbitrage, bulletin
du comité français de l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 76.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

D'ailleurs, la Cour suprême marocaine a rappelé, dans les rares occasions où elle a eu
à se prononcer sur cette formalité, que l'écrit à la main de la clause arbitrale dans les contrats
commerciaux constituait une condition de validité de la clause compromissoire41. Cet état de
choses est désormais révolu.

En effet, le nouvel article 317 CPC dispose que la clause compromissoire doit, à peine
de nullité, « être stipulée par écrit, sans équivoque, dans la convention principale ou dans un
document auquel celle-ci se réfère ». La mention manuscrite naguère considérée comme
condition de validité a ainsi disparu. Qu'il s'agisse de contrats civils ou commerciaux, l'écrit
suffit désormais. A défaut d'écrit, la clause compromissoire est nulle au sens du nouvel article
317 CPC.

Cette exigence de l'écrit en tant que condition de validité en la forme de la clause


compromissoire a été dénoncée par une partie de la doctrine marocaine qui y voit une atteinte
à la volonté des parties, en ce sens que l'écrit, soutiennent-ils, devrait être considéré comme
un moyen de preuve et non comme une condition de validité42. Aussi, ils ont appelé le
législateur à revoir sa copie peu de temps avant l'adoption du projet de loi sur l'arbitrage.

Cet appel n'a pas trouvé un écho favorable et l'écrit a été maintenu comme une
condition de validité de la clause compromissoire et non comme un simple moyen de preuve.
Et pour cause : ce formalisme s'explique par l'esprit du consensualisme qui imprègne la
nouvelle législation marocaine sur l'arbitrage. La volonté des parties étant l'essence même de
cette institution, il n'y a rien de surprenant ni d'excessif à ce que l'engagement des parties de
recourir à l'arbitrage pour régler des futures contestations soit formulé de façon claire et

41
- C. sup. Maroc, ch. Civ., 7 juillet 1992, arrêt n° 1766, inédit, cité par K. Zaher, « Le nouveau droit marocain de
l’arbitrage interne et international », in revue de l’arbitrage, bulletin du comité français de l’arbitrage, n°1,
janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 77 ; v. aussi C. sup. Maroc, ch. Com., 4 octobre 2000, arrêt, n° 1424, revue
marocaine du droit des affaires et des entreprises, n° 6, septembre 2004, p. 88, cité par K. Zaher, « Le nouveau
droit marocain de l’arbitrage interne et international », in revue de l’arbitrage, bulletin du comité français de
l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 77.
42
- M. Bouchiba, « La forme de la clause compromissoire dans les contrats d’investissements entre les règles
traditionnelles et les règles modernes », in « les litiges relatifs à l’investissement et à l’arbitrage à travers la
jurisprudence de la cour suprême », 4ème colloque régional, Cour d’appel de commerce de Casablanca, 18-19
avril 2007, Rabat, p.70, spéc. p. 78-79, cité par K. Zaher, « Le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et
international », in revue de l’arbitrage, bulletin du comité français de l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2009, p. 71,
spéc. p. 77.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

certaine, d'où la nécessité de l’écrit. Toutefois, cette condition doit être appréciée de façon
libérale en ce sens qu'elle est supposée remplie dès lors qu'un moyen de télécomn1unication
est susceptible d'en établir l'existence43.

Avec l'écrit, indispensable pour la clause compromissoire et non pour le compromis, la


détermination de l'objet du litige, précision obligatoire uniquement pour le compromis,
constituent les seuls points spécifiques à chacune des deux formes de la convention
d'arbitrage quant à leur validité. Pour le reste, compromis et clause compromissoire obéissent
aux mêmes règles de droit commun régissant la formation des actes.

B- Les conditions de fond de la convention d'arbitrage

Le consentement doit être exempt de vices, à défaut de quoi il est entaché de nullité.
Il s'agit de l'erreur, du dol, de la violence et de la lésion. Le consentement est réalisé par
l'acceptation, donnée par une partie, à une offre de 'contrat contenant une clause
compromissoire formulée par J'autre partie ou encore à tout autre document contractuel
dans lequel est stipulée une clause d'arbitrage. L'expression du consentement doit être non-
équivoque. C'est ainsi qu'une clause compromissoire incluse dans un document bancaire non
signé ne saurait l'emporter sur une clause attributive de juridiction stipulée dans un contrat
convenu et signé aussi bien par la banque que par son client44.

Pour ce qui est de la capacité et du pouvoir, en vertu du nouvel article 308 al. 1 CPC,
toutes personnes capables, physiques ou morales, peuvent compromettre sur les droits dont
elles ont la libre disposition. Il faut donc disposer de la capacité générale de contracter pour
pouvoir engager un arbitrage. Si cette condition ne soulève pas de difficultés particulières
pour les personnes physiques considérées comme majeures et qui ne sont pas frappées
d'incapacité, il n'en va pas de même pour les personnes mor ales pour lesquelles une

43
- K. Zaher, « Le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international », in revue de l’arbitrage, bulletin
du comité français de l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 78.
44
- C. sup. Maroc, Ch. Com., 30 décembre 1998, arrêt, n° 7968, dossier n° 2064/1996, inédit, cité par K. Zaher,
« Le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international », in revue de l’arbitrage, bulletin du comité
français de l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 78.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

distinction est nécessaire entre les personnes morales de droit privé et les personnes morales
de droit public.

Pour les premières, leur capacité à compromettre découle de J'étendue de leur pouvoir
tiré du contrat de société ou du règlement intérieur de celle-ci. Naturellement, la capacité des
mandataires sociaux à souscrire une convention d'arbitrage est fonction de l'étendue de leurs
pouvoirs de disposer et de contracter au nom de la société.

En revanche, la question de l'aptitude des personnes morales de droit public à


compromettre n’avait jamais reçu une réponse claire avant la réforme de 200745. En effet,
l'ancien article 306 CPC exclut du champ de l'arbitrage « les litiges concernant des actes ou
des biens soumis à un régime de droit public ». Cette disposition renfermait donc clairement
une interdiction de recourir à l'arbitrage46 relative à la matière du litige susceptible d'être
ktranché par une juridiction arbitrale. Autrement dit, il s'agissait non pas d'une prohibition
rationae personae, mais plutôt d'une difficulté liée à l'arbitrabilité objective.

Contrairement au droit français, le droit marocain a toujours récusé le critère


organique pour l'interdiction faite à l'Etat et aux personnes morales de droit public de recourir
à l'arbitrage47. L'ancienne loi retenait uniquement un critère matériel pour juger de l'aptitude
ou non des personnes morales de droit public de souscrire une convention d'arbitrage.
Partant, l'Etat et les autres personnes morales de droit public pouvaient donc compromettre
dès lors que les litiges ne mettaient pas en cause des actes ou de biens soumis à un régime de
droit public qu'il s'agit de préciser.

45
- A.C Al-Sbai, « l’arbitrage commercial dans le système juridique marocain », in cahiers de la cour suprême,
2005, p. 230, cité par K. Zaher, « Le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international », in revue de
l’arbitrage, bulletin du comité français de l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 79.
46
- L’ancien article 306 CPC interdisait de souscrire un compromis lorsque le litige concerne « des actes ou des
biens soumis à un régime de droit public ». cela ne signifiait aucunement que cette disposition ne couvrait pas
en même temps la clause compromissoire. Il s’agissait tout simplement d’une traduction défectueuse. Le texte
arabe parle, lui, d’acceptation de l’arbitrage, ce qui implique aussi la clause arbitrale. Voir K. Zaher, « Le nouveau
droit marocain de l’arbitrage interne et international », in revue de l’arbitrage, bulletin du comité français de
l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 79.
47
- M. Bedjaoui et D. EL-Karkouri, « l’arbitrage commercial international en droit marocain », JDI, 2001, p.71,
spéc. p. 77, cité par K. Zaher, « Le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international », in revue de
l’arbitrage, bulletin du comité français de l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 79.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

En ce qui concerne les biens soumis à un régime de droit public, le Dahir du 1er juillet
1914 relatif au domaine public de l'Etat consacre une définition énumérative du domaine
public en dressant une liste de biens et de catégories de biens appartenant au domaine public.
Il est important de noter ici que ce texte opère clairement la distinction entre· domaine public
et domaine privé. La doctrine marocaine la plus autorisée estime que « tout bien appartenant
à une collectivité publique et qui ne fait pas partie du domaine public entre dans le domaine
privé »48. Le domaine privé demeure donc le principe49.

L'étendue du domaine public en droit marocain est beaucoup plus restreinte que ne
l'est celle du même domaine en droit français. De ce qui précède, il ressort clairement que si
l'arbitrage était prohibé pour tous les litiges se rapportant à des biens faisant partie du
domaine public, il en allait différemment pour les litiges portant sur des biens appartenant au
domaine privé de l'Etat ou des autres personnes morales de droit public50.

Pour ce qui concerne les actes soumis à un régime de droit public, le droit marocain a
repris la distinction traditionnelle du droit français entre établissements publics administratifs
(EPA) et établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). Le régime
juridique auquel est soumis l'établissement public dépend de la nature de l'activité qu'il
exerce51. Les EPIC marocains sont donc en principe soumis, aussi bien pour leur
fonctionnement que pour l'exercice de leurs activités, aux règles de droit privé et le recours
aux règles de droit public ne peut avoir lieu qu'à titre exceptionnel.

Par conséquent, les relations qu'ils entretiennent avec leurs partenaires privés ainsi
qu'avec les usagers des services dont Ils ont la charge doivent être considérées comme des

48
- M. Rousset, D. Basri, A. Belhaj, J. Garagnon, droit administratif marocain, imprimerie royale, 1992, p. 503, cité
par K. Zaher, « Le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international », in revue de l’arbitrage, bulletin
du comité français de l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 80.
49
- Y. Gaudemet, « l’arbitrage de droit public au Maroc », in revue de l’arbitrage, bulletin du comité français de
l’arbitrage, n°4, octobre-décembre 2002, p. 883, spéc. p. 892, cité par K. Zaher, « Le nouveau droit marocain de
l’arbitrage interne et international », in revue de l’arbitrage, bulletin du comité français de l’arbitrage, n°1,
janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 78.
50
- N. Najjar, l’arbitrage dans les pays arabes face aux exigences du commerce international, LGDJ, 2004, Bibl. dr.
Privé, t. 422, p. 197, cité par in revue de l’arbitrage, bulletin du comité français de l’arbitrage, n°1, janvier-mars
2009, p. 71, spéc. p. 80.
51
- En ce sens, M. Rousset, D. Basri, A. Belhaj, J. Garagnon, op. cit., p. 221, cité par in revue de l’arbitrage, bulletin
du comité français de l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 80.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

rapports de droit privé. Les litiges qui pouvaient naître relativement à ces rapports étaient
donc susceptibles d'être tranchés par la voie de l'arbitrage. Seuls les litiges relatifs aux
marchés publics des collectivités et des établissements publics marocains devaient échapper
à l'arbitrage puisqu'ils relèvent de la matière administrative 52.

En effet, l'article 52 de l'ancien Cahier des clauses et conditions applicables aux


marchés de travaux public dispose que « tout litige entre l'administration et l'entrepreneur
sera soumis aux tribunaux statuant en matière administrative ». Il ressort clairement de cette
disposition que les marchés publics constituent des actes administratifs régis par le droit
public et ne pouvaient donc pas faire J'objet d'une convention d’arbitrage comme l'interdisait
l'ancien article 306 CPC.

Toutefois, il est un cas où l'arbitrabilité des litiges relatifs aux marchés publics semblait
être admise : celui où une disposition spéciale permettrait à l'Etat ou à un établissement public
de souscrire une convention d'arbitrage. Cette exception a été explicitement consacrée par
certains textes. Il en est ainsi du Dahir du 17 janvier 1983 sur les investissements industriels,
de la charte de l'investissement de 1995 (art. 17) et du statut de l'Office nationale des chemins
de fer (EPIC) lequel prévoit une procédure d'arbitrage. Quoi qu'il en soit, les complications
dues à la prohibition de compromettre prévue par l'ancien article 306 CPC ne pouvaient laisser
le législateur marocain insensible à cette question.

Désormais, l'Etat et les collectivités locales peuvent souscrire des conventions


d'arbitrage dans leurs contrats à condition de respecter les dispositions relatives au contrôle
ou à la tutelle prévue par les textes en vigueur sur les actes en question (art. 310 al. 3). Certes,
les litiges relatifs aux actes unilatéraux de l'Etat et des autres personnes morales dotées de
prérogatives de puissance publique ne sauraient en aucun cas être soumis à l'arbitrage (art.
310 al. 1). Néanmoins, toutes les contestations pécuniaires pouvant en résulter sont
susceptibles de faire l'objet d'un compromis excepté celles relatives à l'application d'une loi
fiscale (art. 310 al. 2). En d'autres termes, la clause compromissoire est impossible à souscrire
ici. La raison de cette exclusion est toute simple.

52
- Ibid, p. 529.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

Les actes dont il est ici question constituent des engagements pris de façon unilatérale
par l'Etat ou par une collectivité territoriale. Or, la clause compromissoire est une convention
nécessitant la rencontre de deux ou de plusieurs volontés.

Ainsi, la nature même de l'acte unilatéral exclut toute possibilité de prévoir une clause
compromissoire. Au-delà de ces détails d'ordre technique, le législateur marocain autorise
désormais expressément l'Etat et les collectivités locales à conclure des conventions
d'arbitrage. L'ancien article 306 qui excluait du champ de l'arbitrage les litiges concernant des
actes ou des biens soumis à un régime de droit public a été abandonné.

Les litiges relatifs aux marchés publics qui échappaient à ce mode de règlement de
litiges peuvent désormais être tranchés par voie d'arbitrage à condition que l'entité publique
qui souscrit un compromis ou une clause compromissoire le fasse dans le respect des
dispositions relatives au contrôle ou à la tutelle prévues par les textes en vigueur sur les actes
concernés.

Il en va de même pour les entreprises publiques soumises au droit des sociétés


commerciales. La nouvelle loi les autorise expressément à recourir à l'arbitrage dans les
formes et conditions prévues par leur conseil d'administration ou de surveillance (art. 311 al.
1). La liberté ainsi laissée aux personnes morales de droit public de souscrire des conventions
d'arbitrage se trouve tempérée par un contrôle en amont institué par le législateur qui a prévu
une délibération spéciale des conseils d'administration des établissements publics chaque fois
que ceux-ci décident de conclure des contrats comportant une clause compromissoire (art.
311 al. 2).

Toutefois, aucune sanction n'a été prévue en cas de défaut de cette délibération
spéciale. Néanmoins, et bien que le cocontractant ne soit pas toujours dans une position qui
lui permet d'exprimer des exigences en raison de la concurrence, une sage attitude implique
pour le partenaire d'un établissement public l'obtention d'un exemplaire écrit de la
délibération spéciale du conseil d'administration relative au contrat comportant une clause
compromissoire.

Pour ce qui est de l’objet et de la cause, seuls les droits disponibles peuvent faire l'objet
d'une convention d'arbitrage. Celle-ci ne peut en aucun cas concerner « le règlement des

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

litiges relatifs à l'état et à la capacité des personnes ou aux droits personnels qui ne font pas
l'objet de commerce » (nouvel art. 309 CPC). Les parties ne peuvent donc compromettre que
pour autant qu'elles ont la libre disposition de leurs droits. Cela ne signifie certainement pas
qu'est arbitrable tout litige qui porte sur une matière non mentionnée par le nouvel article
309. Cette liste n'a pas vocation à être limitative et ne saurait donc prétendre à l'exhaustivité.
En effet, le nouvel article 308 al. 1 CPC rappelle que les parties peuvent compromettre sur
tous les droits dont ils disposent librement à condition de respecter le DOC et particulièrement
son article 62 en vertu duquel on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois
relatives à l'ordre public et aux bonnes mœurs.

Dès lors, l'arbitrage doit être exclu chaque fois que le litige met en jeu des règles
d'ordre public. Il doit en aller ainsi pour les contestations portant sur la validité d'un brevet,
celles concernant la nullité et la dissolution des sociétés ainsi que celles impliquant les lois
relatives à la taxation des prix, au cours forcé et au change. Puisque ces exemples touchent
des matières qui rentrent incontestablement dans le champ d'action de l'ordre public, nous
avons quelque mal à comprendre que le législateur, après avoir indirectement rappelé
l'inarbitrabilité des litiges intéressant l'ordre public, ait opté pour une liste énumérative moins
détaillée que celle fournie naguère par l'ancien article 306 CPC53.

Section 2 : Les effets de la convention d'arbitrage

La nouvelle législation marocaine a réaffirmé le caractère autonome de la clause


compromissoire par rapport au contrat principal. Outre l'affirmation de la primauté de ma
convention d'arbitrage sur les règles de compétence judiciaire, la réforme a consacré la
possibilité pour l’arbitre de statuer sur l'existence et la validité de son investiture.

53
- Cette disposition excluait expressément du champ d’application de l’arbitrage les contestations concernant
la nullité et la dissolution des sociétés ainsi que celles impliquant les lois relatives à la taxation des prix, au cours
forcé et au change, voir, in revue de l’arbitrage, bulletin du comité français de l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2009,
p. 71, spéc. p. 83.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

A- L'autonomie de la clause compromissoire

Afin d'assurer l'exécution de la clause arbitrale, le législateur marocain a explicitement


affirmé l'autonomie de celle-ci par rapport au contrat principal. En effet, l'article 318 dispose
que « la clause d'arbitrage est réputée être une convention indépendante des autres clauses
du contrat. La nullité, la résiliation ou la cessation du contrat n'entraîne aucun effet sur la
clause d'arbitrage comprise dans ledit contrat lorsque celle-ci est valable en soi » ; Il ressort
clairement de cet article que la compétence de l'arbitre ou d'un tribunal arbitral désigné
conformément à la clause compromissoire ne saurait être remise en cause même si le contrat
contenant cette dernière est nul ou a été résilié.

Autrement dit, la clause compromissoire survit à l'invalidité réelle ou supposée du


contrat principal. En réalité, la règle n'est pas nouvelle en ce sens qu'il s'agit ici de la traduction
législative d'une solution dégagée par la jurisprudence marocaine. De fait, le principe de
l'indépendance de la clause compromissoire par rapport au contrat principal avait déjà été
expressément consacre, par la cour suprême marocaine54. La doctrine y voyait déjà une
convention autonome dont l'objet est différent de celui du contrat principal et qui ne saurait
dès lors être l'accessoire de celui-ci55. Cette consécration a pour objectif de tenir en échec
toute manœuvre dilatoire consistant à invoquer l'invalidité de la convention principale dans
le dessein d'enrayer la clause compromissoire et par là même le recours à l'arbitrage.

54
- Voir récemment, C. sup. Maroc, Ch. Civ., 25 décembre 2001, arrêt, n° 1482, dossier civ. n° 627/98, inédit, cité
par in revue de l’arbitrage, bulletin du comité français de l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 84.
55
- M. Bouchiba, « La forme de la clause compromissoire dans les contrats d’investissements entre les règles
traditionnelles et les règles modernes », in « les litiges relatifs à l’investissement et à l’arbitrage à travers la
jurisprudence de la cour suprême », op. cit., p. 107, cité par K. Zaher, « Le nouveau droit marocain de l’arbitrage
interne et international », in revue de l’arbitrage, bulletin du comité français de l’arbitrage, n°1, janvier-mars
2009, p. 71, spéc. p. 84.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

B- Primauté de la compétence arbitrale à l'égard de la compétence judiciaire

La convention d'arbitrage a pour principal effet de soustraire le litige à la compétence


des juridictions étatiques.

Il y a là une solution bien ancrée en droit marocain et qui a été reprise par la nouvelle
réforme56. Aux termes du nouvel article 327 CPC, «lorsqu'un litige soumis à un tribunal arbitral
en vertu d'une convention d'arbitrage, est portée devant une juridiction, celle-ci doit, lorsque
le défendeur en fait la requête avant de statuer sur le fond, prononcer l'irrecevabilité jusqu'à
épuisement de la procédure d'arbitrage ou annulation de la convention d'arbitrage. Si le
tribunal arbitral n'est pas encore saisi, la juridiction, à la demande du défendeur, doit
également déclarer l'irrecevabilité, à moins que la convention d'arbitrage ne soit
manifestement nulle. Le défendeur doit en faire la requête avant que la juridiction ne statue
sur le fond. Celle-ci ne peut, dans les deux cas, déclarer d'office l'irrecevabilité ».

Ainsi, lorsqu'une partie, motivée par un intérêt légitime ou tentée par une manœuvre
dilatoire, décide de contourner une procédure arbitrale en saisissant les juridictions de droit
commun, celles-ci doivent prononcer l'irrecevabilité sur demande du défendeur. En d'autres
termes, l'exception d'irrecevabilité n'est pas d'ordre public, les juridictions ne sauraient la
soulever d'office. Toutefois, la nouvel1e loi distingue les deux cas dans lesquels peuvent
intervenir ces actions selon que le tribunal arbitral est ou non déjà saisi.

Si le litige est déjà soumis à un tribunal arbitral, la juridiction étatique saisie du fond du
litige doit déclarer l'irrecevabilité sur demande du défendeur. Et de fait, l'exception tirée de
l'existence d'une convention d'arbitrage constitue une fin de non-recevoir au sens de l'article
49 CPC et doit ainsi, à peine d'irrecevabilité, être soulevée avant toute défense au fond. Le
nouveau texte n'a donc pas repris les solutions avancées dans le projet initial de la réforme
qui ne prévoyait pas l'irrecevabilité de la demande mais l'incompétence des juridictions

56
- C. sup. Maroc, Ch. Com., 30 décembre 1998, arrêt n° 7968, dossier com. n° 2064/1996, inédit ; v. aussi, C.
sup. Maroc, Ch. Com., 13 décembre 2002, arrêt n° 240, inédit, cité par K. Zaher, « Le nouveau droit marocain de
l’arbitrage interne et international », in revue de l’arbitrage, bulletin du comité français de l’arbitrage, n°1,
janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 85.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

étatiques en présence d'une convention d'arbitrage57. Ce faisant, le législateur a exaucé les


vœux d'une partie de la doctrine58 en consacrant les acquis de la jurisprudence de la Cour
suprême59.

Les juridictions étatiques doivent également prononcer l'irrecevabilité de la demande


lorsqu'elles sont saisies d'une demande de nullité de la convention d'arbitrage, puisqu'une
telle demande revient à remettre en cause l'investiture des arbitres déjà saisis. Or, dans ce
cas, seuls ces derniers sont désormais compétents pour statuer sur la validité et les limites de
leur propre investiture conformément au principe de compétence-compétence.

Si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi, la juridiction étatique saisie du litige doit
également prononcer l'irrecevabilité si le défendeur en fait la demande sauf si la convention
d'arbitrage est manifestement nulle. Cette disposition permet d’une part aux tribunaux
étatiques de recouvrer leur compétence en cas de nullité manifeste de la convention
d'arbitrage et, d'autre part, aux parties d'éviter une longue et coûteuse procédure d'arbitrage
qui serait irrémédiablement vouée à l'échec si le compromis ou la clause compromissoire était
entaché de nullité. Cette dernière notion doit nécessairement être interprétée à la lumière
des nouvelles dispositions relatives à la validité de la convention d'arbitrage. Ainsi, une clause
arbitrale conclue par un incapable est de nature à permettre aux tribunaux étatiques de
recouvrer systématiquement leur compétence. Il en est de même pour les conventions
portant sur des matières exclues du champ de l'arbitrage.

57
- L’article 327-1 du projet était rédigé ainsi : « lorsqu’un litige soumis à un tribunal arbitral en vertu d’une
convention d’arbitrage, est portée devant une juridiction, celle-ci doit, lorsque le défendeur en fait la requête
avant de statuer sur le fond, se déclarer incompétente, jusqu’à épuisement de la procédure d’arbitrage ou
annulation de la convention d’arbitrage. Si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi, la juridiction, à la demande
du défendeur, doit également se déclarer incompétente à moins que la convention d’arbitrage ne soit
manifestement nulle. Le défendeur doit en faire la requête avant que la juridiction ne statue sur le fond. Celle-ci
ne peut, dans les deux cas, se déclarer d’office incompétente ».
58
- A. Al-Kacem, « le contrôle judiciaire avant le début du procès arbitral », in les litiges relatifs à l’investissement
et à l’arbitrage à travers la jurisprudence de la cour suprême, 4ème colloque régional, Cour d’appel de commerce
de Casablanca, 18-19 avril 2007, Rabat, p.217, spéc. p. 221, cité par K. Zaher, « Le nouveau droit marocain de
l’arbitrage interne et international », in revue de l’arbitrage, bulletin du comité français de l’arbitrage, n°1,
janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 86.
59
- C. sup. Maroc, Ch. Com., 2 octobre 2002, arrêt n° 1214, dossier com. n° 577/3/1/2001, revue marocaine du
droit des affaires et des entreprises, 2003, n°3, p. 127, cité par K. Zaher, « Le nouveau droit marocain de
l’arbitrage interne et international », in revue de l’arbitrage, bulletin du comité français de l’arbitrage, n°1,
janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 86.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

Cela étant, une convention d'arbitrage contestée devant un juge étatique n'est pas
forcément valable bien qu'elle ne soit pas manifestement nulle. Autrement dit, la formulation
du nouvel article 327 al. 2 CPC se traduit en pratique par la nécessité d'entamer une procédure
d'arbitrage60, de contester la compétence du tribunal arbitral, d’attendre qu'une sentence soit
rendue avant de pouvoir l'attaquer dans le cadre d'un recours en annulation.

Ce n'est qu'à ce stade que le juge peut constater la nullité d'une convention d'arbitrage
qui, certes, n'était pas manifeste au départ, mais l'était tout de même. Cette solution est de
nature à faire perdre beaucoup de temps et d'argent aux parties. Certes, la majorité des
contestations de la validité de la clause compromissoire sont souvent infondées.

Il n'en demeure pas moins que la justification de la solution postule que toute
contestation de la convention d'arbitrage est nécessairement dilatoire. Cette approche n'est
pas originale, il est vrai : l'effet négatif du principe de compétence-compétence est admis
depuis longtemps en France. Les rédacteurs de la nouvelle loi marocaine ont tout simplement
repris les dispositions de l'article 1458 du Code français de procédure civile.

Un autre assouplissement au principe du dessaisissement des tribunaux judiciaires en


présence d'une convention d'arbitrage est prévu par le nouvel article 327-1 CPC. En vertu de
cette disposition, les parties peuvent recourir au juge des référés afin de prendre toute
mesure provisoire conservatoire même en présence d'une convention d'arbitrage. La
compétence du juge des référés se justifie par l’urgence. Ces mesures peuvent également être
prises par le tribunal arbitral (nouv. art. 327 - 15 CPC).

C- La compétence des arbitres pour apprécier leur propre investiture

La possibilité pour l'arbitre d'apprécier sa propre investiture lorsque l'une des parties
conteste sa compétence ou l'étendue de son pouvoir n'a jamais reçu une réponse claire sous
l'empire de l'ancienne loi. Se fondant sur l'ancien - article 311 CPC, certains auteurs avaient
fait remarquer que les arbitres étaient seuls compétents pour statuer sur leur propre

60
- A moins que l’arbitre ne se déclare incompétent après avoir constaté la nullité de la convention d’arbitrage,
ce qui est assez rare, voir K. Zaher, « Le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international », in revue
de l’arbitrage, bulletin du comité français de l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2009, p. 71, spéc. p. 87.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

compétence en arguant du principe selon lequel le juge de l'action est le juge de l'exception.
Aussi souhaitable soit-elle, cette analyse n'a été confortée par aucune décision judiciaire. Et
pour cause : l'ancien article 311 CPC invoqué au soutien de cette position ne pouvait
aucunement servir d'accroche légale au principe de la compétence-compétence61.

Pour d'autres auteurs, le juge étatique pouvait déclarer irrecevable l'exception tirée de
l'existence d'une convention d'arbitrage lorsqu'il constatait la nullité de celle-ci ou lorsque le
litige porté devant lui n'était pas couvert par ladite convention, ce qui lui permettait de
recouvrer sa compétence pour trancher le fond du litige. Cette position était sans doute la
plus proche de la réalité au regard de l'ancien texte du Code de procédure civile.

Quoi qu'il en soit, le nouveau texte consacre explicitement le pouvoir de l'arbitre de


statuer sur sa propre compétence et lui permet d'apprécier l'étendue et les limites de son
investiture. En effet, le nouvel article 327-9 CPC dispose que «préalablement à tout examen
au fond, il appartient au tribunal arbitral de statuer, soit d'office, soit sur la demande de l'une
des parties, sur la validité ou les limites de ses compétences ou sur la validité de la convention
d'arbitrage, et ce par ordonnance qui n'est susceptible de recours que dans les mêmes
conditions que la sentence au fond et en même temps qu'elle».

Une fois saisi, seul le tribunal arbitral a donc une compétence exclusive pour statuer
aussi bien sur sa propre compétence que pour délimiter le champ de son investiture. Cette
disposition permet d'enrayer certaines prétentions souvent infondées déployées par des
plaideurs craignant une issue défavorable en brandissant la nullité de la convention
d'arbitrage dans l'unique dessein de mettre en échec la procédure arbitrale. Toutefois, les
arbitres doivent se déclarer incompétents lorsqu'ils constatent l'inexistence ou la nullité de la
convention d'arbitrage sous peine de rendre une sentence qui n'aurait aucune chance de
produire un quelconque effet.

61
- En vertu de cette disposition : « les parties et les arbitres suivent dans la procédure les délais et les formes
établis pour les tribunaux de première instance, si les parties n’en sont autrement convenues ». Cet article se
contentait d’indiquer aux arbitres que la procédure à suivre, à défaut de choix par les parties, était celle ayant
cours devant les tribunaux de première instance. K. Zaher, « Le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et
international », in revue de l’arbitrage, bulletin du comité français de l’arbitrage, n°1, janvier-mars 2009, p. 71,
spéc. p. 88.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

Partie II : L’arbitrage interne : la régulation étatique et les voies de


recours

La régulation étatique se manifeste en amont par le contrôle conféré au juge pendant


la procédure d’arbitrage, mais aussi en aval à travers les voies de recours contre les sentences
arbitrales internes ouvertes aux parties afin de saisir le juge étatique.

Chapitre 1 : Le contrôle du juge étatique dans la procédure d’arbitrage

C’est vraie que l’arbitrage est une justice privée et autonome par rapport aux
juridictions étatiques, ce principe est consacré par toutes les sources de droit de l’arbitrage au
niveau national et international, en l’occurrence la doctrine qui est adopte une approche
favorable protecteur de l’arbitrage contre l’intervention du juge étatique.

Force est d’admettre cependant que le juge intervient même dessaisi, au long de la
procédure d’arbitrage, voire même après le prononcé de la sentence, ses interventions
prennent des formes aussi variés que diverses :

Section 1 : L’intervention du juge durant la procédure arbitrale

Les arbitres règlent la procédure arbitrale sans être tenus de suivre les règles établies
pour les tribunaux ordinaires, sauf si les parties en ont autrement décidé dans la convention
de l’arbitrage.

En matière de procédure, l’intervention des juges touche surtout la constitution et la


composition du tribunal arbitral. La compétence contestée du tribunal arbitral soulève
d’emblée l’intervention du juge, alors que la constitution et la composition sont à nuancer.

A- La compétence - compétence

Il arrive que le juge soit saisi d’’un différend faisant l’objet d’une convention
d’arbitrage. En pareil cas, il doit déclarer la demande irrecevable et se déclarer incompétent,
que la saisine soit antérieure ou postérieure à la constitution du tribunal arbitral. En effet le
droit de l’arbitrage consacre clairement le principe de compétence-compétence en vertu

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

duquel le tribunal arbitral a le pouvoir de se prononcer sur la compétence lorsque celle-ci est
contestée. Une certaine jurisprudence est allée encore plus loin à cet égard en affirmant qu’il
revient à l’arbitre de se prononcer par priorité sur sa propre compétence même si la commune
intention des parties de recourir à l’arbitrage n’est pas clairement établie, les clauses
d’arbitrage comportant confusément une clause compromissoire et une clause attributive de
compétence au juge62.

Deux points méritent d’être soulignés eu égard à l’intervention du juge au sujet de la


compétence-compétence.

D’abord, lorsque la compétence de l’arbitre est contestée en présence d’une


convention d’arbitrage, le juge ne peut soulever d’office cette exception qui n’est pas d’ordre
public. La décision du tribunal arbitral sur sa compétence ne pourra être attaquée devant le
juge qu’en même temps que la sentence, dans le cadre d’un éventuel recours en annulation.

Ensuite, les juridictions étatiques saisies d’un différend faisant l’objet d’une convention
d’arbitrage recouvre leur compétence en cas de nullité manifeste de cette convention en ces
de saisine antérieure à la constitution du tribunal d’un côté, et pour indiquer les mesures
conservatoires en cas de saisine antérieure ou postérieure à la constitution du tribunal
arbitral, d’un autre côté.

B- Constitution du tribunal arbitral

Il est généralement fait obligatoire au parties lors de la convention d’arbitrage de


designer les arbitres ou de prévoir les modalités de leur désignation, fréquemment la
constitution du tribunal arbitral s’effectue selon le schéma usuel ; chacune des parties désigne
un arbitre, un tiers ou les arbitres désignés choisissent un troisième arbitre, mais en général
la constitution se heurte à plusieurs difficultés on cite :

- L’absence de la désignation du troisième arbitre soit par le tiers soit par les arbitres ;

62
- Article 321-21 du code de la procédure civile marocain.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

- En cas d’un arbitre unique, les parties n’ont pu le designer de commun accord 63 ;

Dans ces cas le droit envisage le recours au juge pour débloquer la situation. La
doctrine utilise l’expression du juge d’appui pour désigner le magistrat auquel le droit confie
le soin de designer le ou les arbitres en cas de divergence entre les parties sur ce point.

Toutefois, le juge d’appui refusera de procéder à la désignation du ou des arbitres si la


clause compromissoire s’avère manifestement nulle ou insuffisante pour permettre de
constituer le tribunal arbitral, le plus souvent en raison de l’absence de détermination
préalable par les parties des modalités de désignation des arbitres.

Le juge d’appui varie selon la législation, au Maroc c’est le président de la juridiction


qui est éventuellement compétente 64pour ordonner l’exécution de l’arbitrage. Alors qu’en
France c’est le président du tribunal du grande instance, ou, si les parties l’ont prévu, le
président du tribunal de commerce. Dans ce sens le juge d’appui statue en référé. Sa décision
(ordonnance) n’est susceptible d’aucun recours.

En outre, le juge d’appui intervient en matière de constitution du tribunal arbitral en


cas de clause compromissoire dite « pathologique » dans laquelle les parties mentionnent une
instance ou une méthode de désignation des arbitres qui s’avère être difficilement identifiable
ou inopérante dans la pratique. Auquel cas, le juge d’appui sauve la clause compromissoire à
travers une interprétation dite de « l’effet utile » qui tente de capter l’intention réelle des
parties et qui s’inspire de la loi.

Il convient de noter que la cour de cassation française a sanctionné l’attitude du juge


refusant de prêter son concours à la constitution du tribunal arbitral. « En refusant de prêter
son concours à la constitution du tribunal arbitral, sans contester que la clause
compromissoire était soit manifestement nulle, soit insuffisante pour permettre de constituer
le tribunal arbitral, la cour d’appel a excédée ses pouvoirs »65.

63
- Y Capron, l’arbitrage interne : composition et constitution du tribunal arbitral, voir le site :
http://www.courdecassation.fr :BICC/HC/2003/06-COMMUNIC-ARBITR-CAPRON.htm.
64
- L’article 327-4 du code de la procédure civile
65
- La cour de cassation française, 2ème chambre civile, 13 juin 2002, bulletin civil n° 123.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

C- Composition du tribunal arbitral

La constitution du tribunal arbitral n’en garantit pas la composition définitive jusqu’au


prononcé de la sentence puisque les arbitres désignés peuvent être remplacés par cause de
décès, de démission, de récusation, de révocation, de déport, d’abstention, d’empêchement…

Les règlements des centres d’arbitrage prévoient les modalités de remplacement en


cas de fin anticipé de la mission des arbitres. Mais, en cas d’arbitrage ad hoc, et pour éviter
que l’instance arbitrale ne s’éteigne par un changement au niveau de la composition du
tribunal, les parties peuvent demander au juge de pouvoir remplacer l’arbitre défaillant. Aussi,
le code de la procédure civile marocaine prévoit fréquemment la saisine du juge par la partie
la plus diligente pour résoudre les problèmes affectant la composition et le fonctionnement
du tribunal arbitral postérieurement à sa constitution.

Mais il convient de savoir au préalable si l’arbitre à remplacer est ou non nommément


désigné dans la convention la convention d’arbitrage. Si l’arbitre nommément désigné ne peut
accomplir, sa mission, la convention d’arbitrage elle-même prend fin de plein droit, sauf si les
parties en décidant autrement. Si au contraire, l’arbitre n’est pas nommément désigné ne
peut accomplir sa mission, la convention d’arbitrage elle-même prend fin de plein droit, sauf
si les parties en décident autrement. Si au contraire, l’arbitre n’est pas nommément désigné,
il peut être procédé à son remplacement par le juge saisi par la partie la plus diligente.

La récusation constitue le cas le plus délicat en matière de fin anticipé de la mission de


l’arbitre. Si la récusation demandé par l’une des parties est acceptée aussi bien par l’autre
partie que par l’arbitre lui-même, il n y a aucune difficulté. Sinon, la contestation est soumise,
soit par une partie, soit par le tribunal arbitral, au président du tribunal compètent qui statue
alors comme en matière de référé.

En cas de récusation, le tribunal suspend ses travaux « Lorsqu'une demande de


récusation ou de révocation d'un arbitre est présentée, la procédure d'arbitrage est

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué sur cette demande, à moins que l'arbitre concerné
n'accepte de se désister.».66

Section 2 : Les mesures conservatoires

Les mesures conservatoires et provisoires sont des décisions qui ont pour objet de
préserver, en cas d’urgence, une situation, des droits ou des preuves. Le prononcé de telles
mesures et parfois nécessaire au bon déroulement de l’instance, que les parties aient choisi
de soumettre leur différend au juge ou l’arbitre67.

En présence d’un contrat d’arbitrage, qui du juge ou de l’arbitre est habilité à prendre
des mesures conservatoires ?

Si les législations traditionnelles sur l’arbitrage réservaient au juge étatique le pouvoir


de prendre les dites mesures (le code de la procédure civile allemand, italien, suisse), les lois
moderne adoptent une attitude radicalement différente en autorisant à la fois le juge et
l’arbitre à indiquer de telle mesures. C’est le principe de la « compétence concourante »68, ou
partagée qui permet aussi bien aux juges qu’aux arbitres de prononcer des mesures
conservatoires.

A- La compétence du juge étatique à prendre les mesures conservatoires

L’existence d’une convention d’arbitrage n’est pas incompatible avec l’indication, par
le juge, des mesures conservatoires, en particulier avant la constitution du tribunal arbitral.

En droit comparé, il est largement admis que ni la stipulation d’une clause


compromissoire ni même la saisine du tribunal ne fait échec à la compétence du juge pour
ordonner une mesure conservatoire. En demandant au juge une mesure conservatoire, les
parties ne renoncent pas à la compétence exclusive de l’arbitre pour trancher le fond de litige.

66
- Article 327-8 du code de la procédure civile marocain.
67
- V.Ph Fouchard, E.Gaillard et B.Goldman, traité de l’arbitrae commercial international, paris, litec, 1996, §
1303.
68
- V.Ph Fouchard, E.Gaillard et B.Goldman, op.cit, § n°1306 et suite.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

Deux motifs justifient le recours au juge pour prendre les mesures conservatoires.

D’une part, la compétence concurrente se justifie par le fait, qu’avant que le tribunal
arbitral ne soit constitué, la saisine du juge s’impose pour que les parties ne soient privées du
droit de demander les mesures conservatoires. La clause compromissoire n’exclut pas, tant
que le tribunal arbitral n’est pas constitué, la faculté de saisir le juge de référés aux fins de
mesures conservatoires.

D’autre part, l’intervention du juge procédé de la volonté des parties de remédier aux
insuffisances de l’arbitrage69. En particulier, l’arbitre ne dispose pas de l’imperium pour
exécuter les mesures prononcées par le tribunal arbitral, surtout lorsqu’il s’agit de mesures
urgentes ou à exécuter à l’étranger70. Les mesures conservatoires indiquées par le juge évitent
la création de dommages irrémédiables.

En ce qui concerne les effets desdites mesures ordonnées par le juge, elles ne
préjugent en rien de la sentence qui sera rendue en principe sur le fond par les arbitres.

Si l’une des parties a obtenu du juge qu’il ordonne une mesure conservatoire, et si
l’autre partie tente de la contester devant le tribunal arbitral, celui-ci ne peut ni annuler, ni
suspendre, ni confirmer une telle mesure qu’il n’a pas prononcée. L’arbitre ne peut à
prononcer à priori neutraliser une mesure conservatoire prise par le juge. Et c’est dans ce
cadre que la demande adressée à un tribunal d’ordonner la mainlevée d’une saisie
conservatoire pratiquée par le juge (marocain) est voué à l’échec71. Mais, les arbitres peuvent,
sans se prononcer sur les mesures conservatoires prononcées par le juge, enjoindre aux
parties d’adopter un comportement donné, par exemple, de renoncer à une mesure
conservatoire72.

69
- M.A Bahmaei, l’intervention du juge étatique des mesures provisoires et conservatoires en présence d’une
convention d’arbitrage, droit français, anglais et suisse, LGDJ, 2002, p.340.
70
- M.A Bahmaei, l’intervention du juge étatique des mesures provisoires et conservatoires en présence d’une
convention d’arbitrage, ibidem.
71
- Sentence CCI , n° 4998, juris-classeurs, fasc. 1068 ( arbitrage commercial), 1994, p.22.
72
- Sentence CCI, n°9593,du 06/01/1988, bulletin CCI, 2000).

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

B- La compétence de l’arbitre à prendre les mesures conservatoires

Cette compétence est émergente dans le droit le droit moderne de l’arbitrage.

Le droit moderne de l’arbitrage ne se limite pas à se faire de plus en plus des réticences
à propos de la compétence des arbitres à ordonner des mesures conservatoires, mais tend à
privilégier le rôle de l’arbitre au détriment du juge.

Autrement dit, selon les lois modernes de l’arbitrage, le pouvoir du tribunal arbitral
d’ordonner les mesures conservatoires n’est limité qu’en vertu d’une stipulation contraire
dans la convention d’arbitrage. Sauf convention contraire, le tribunal arbitral peut à la
demande des parties, prendre toute mesure provisoire ou conservatoire qu’il juge nécessaire
dans les limites de sa mission.

D’un côté, cette restriction semble logique puisque l’Etat dans son contentieux avec
un investisseur étranger aura tendance à porter le différend relatif aux mesures provisoires
devant ses propres juridictions, ce qui lui confèrerait un avantage certain. D’un autre côté, la
doctrine critique cette solution car les parties seront privées du droit de demander les
mesures conservatoires durant toute la période de constitution du tribunal arbitral.

Dans ce sens, on peut citer trois éléments atténuent cette tendance vers la subsidiarité
du juge en matière d’indication des mesure conservatoires.

D’un côté, le concours du juge qui dispose seul de l’imperium est requis pour
l’exécution des mesures conservatoires prises par l’arbitre. Certaines lois modernes précitées
habilitant l’arbitre à prendre les mesures conservatoires, sauf convention contraire, prévoient
en même temps le pouvoir des arbitres de demander la coopération du juge compétent pour
assurer le respect et l’exécution des mesures adoptées.

En second lieu, certaines mesures conservatoires échappent quant à leur nature au


tribunal arbitral et relèvent de la compétence exclusive du juge qui dispose seul de l’imperium.
C’est ainsi que le tribunal arbitral se voit privé d’adopter certaines mesures conservatoires.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

En troisième lieu, dans certains pays on a maintenu jusqu’à maintenant une solution
législative négative quant au pouvoir des arbitres de prononcer des mesures provisoires ou
conservatoires.

Bien que provisoires, les mesures conservatoires adoptées par le tribunal arbitral
revêtent donc un caractère contraignant. Selon les règlements des centres d’arbitrages et les
lois nationales, les mesures conservatoires sont assimilables soit à des sentences arbitrales
soit à des décisions d’instance ou ordonnances de procédure. Généralement, le tribunal
arbitral est habilité à choisir entre l’ordonnance et la sentence.

Mais, le choix est délicat. Lorsque les mesures conservatoires sont prononcées sous
forme d’une sentence arbitrale, elles bénéficient du mécanisme d’exequatur de la sentence
prévu par la convention de New York de 1958. En contrepartie, une telle sentence peut faire
l’objet d’un recours en annulation devant les juridictions étatiques.

En revanche, lorsque les mesures conservatoires sont prononcées sous forme


d’ordonnance de procédure, elles perdent le bénéfice de l’exequatur mais échappent au
recours d’annulation. En effet, un arrêt rendu à propos de la procédure de référé pré-arbitral
de la CCI, écarte implicitement la qualification de sentence et déclare irrecevable le recours
en annulation formé contre une ordonnance de l’arbitre des référés. Selon la cour,
« l’ordonnance rendue d’après un mécanisme contractuel qui repose sur la coopération des
parties a, malgré son application, une nature conventionnelle et n’a d’autorité que celle de la
chose convenue ».

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

Chapitre 2 : les voies de recours contre les sentences arbitrales internes

Le contrôle étatique des sentences arbitrales rendues en matière d’arbitrage s’articule


autour de la procédure d’exequatur. Ce contrôle se manifeste particulièrement à travers les
voies de recours susceptibles d’être exercées à l’encontre des sentences arbitrales stricto
sensu mais aussi à travers celles pouvant frapper les ordonnances d’exequatur. Il s’agit du
recours en annulation, de la rétractation, de la tierce opposition et du pourvoi en cassation.

Section 1 : Le recours en annulation

C’est une voie de recours ouverte dans des cas limitativement énumérés suivant une
procédure bien précise.

A- Les cas d’ouverture du recours en annulation

En vertu du nouvel article 327-36 du CPC, le recours en annulation n’est ouvert que
dans les cas suivants :

D’abord, s’il a été statué en l’absence de convention d’arbitrage, sur une convention
nulle ou après expiration du délai d’arbitrage. C’est ainsi qu’une partie ayant participé aux
opérations d’arbitrage sans avoir contesté la compétence du tribunal arbitral en raison de
l’inexistence de la convention d’arbitrage serait infondée à introduire un recours sur le
fondement de ce cas d’ouverture.

En revanche, le recours sera admis lorsque les arbitres se sont estimés compétents sur
le fondement du nouvel article 327-9 al.1 du CPC malgré la contestation de l’une des parties
invoquant l’inexistence de la convention d’arbitrage. Il en est ainsi par exemple d’une clause
compromissoire contenue dans des documents se rapportant à une phase précédant la
formation du contrat et donc dépourvue de toute valeur contractuelle. De surcroit, pour

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

qu’elle soit opposable, la convention d’arbitrage doit, non seulement être claire et précise 73,
mais surtout avoir été acceptée sans équivoque par le contractant auquel on l’oppose 74.

Il en va de même pour la sentence arbitrale rendue sur la base d’une convention


d’arbitrage nulle. C’est le cas par exemple d’un accord compromissoire passé par un mineur
ou conclu en violation des prescriptions de forme prévues par la nouvelle loi. De même, est
nulle une convention d’arbitrage relative à un litige portant sur une matière exclue du champ
de l’arbitrage.

Dans ce dernier cas, la cour d’appel saisie du recours a l’obligation de prononcer


d’office l’annulation. Aussi, une clause compromissoire qui ne désigne pas les arbitres, ni ne
prévoit les modalités de leur désignation, devrait être annulée en application du nouvel article
327 al.2 du CPC. Enfin, une sentence peut être annulée si elle a été rendue après expiration
du délai de la mission du tribunal arbitral. Ce délai, légal ou conventionnel, ne commence pas
à courir le jour de la conclusion de la convention d’arbitrage ou de celui du dépôt de la requête,
mais plutôt le jour où le dernier arbitre a accepté sa mission 75.

Par ailleurs, si le tribunal a été irrégulièrement composé, l’arbitre unique


irrégulièrement désigné ou la convention des parties non respectée. Cette condition n’appelle
pas de remarques particulières. Tout au plus, l’arbitre ne doit pas se trouver dans l’une des
situations énumérées par le nouvel article 320 al.1 du CPC.

Aussi, si le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui a été
conférée, a statué sur des questions n’entrant pas dans le cadre de la convention d’arbitrage
ou a méconnu les limites de la convention. La mission de l’arbitre consiste à trancher un litige

73 - M. Bouchiba, « La forme de la clause compromissoire dans les contrats d’investissements entre les règles
traditionnelles et les règles modernes », in « les litiges relatifs à l’investissement et à l’arbitrage à travers la
jurisprudence de la cour suprême », 4ème colloque régional, Cour d’appel de commerce de Casablanca, 18-19
avril 2007, Rabat, p.70, spéc. p. 111, cité par K. Zaher, « le contrôle étatique des sentences arbitrales en droit
marocain », in « les modes alternatifs de règlement de conflits, médiation, arbitrage, conciliation », colloque
international organisé à Nador, revue de droit marocain, n°4, mai 2012, p. 159, spéc. p. 164.
74
- C. sup. Maroc, ch. Com., 30 décembre 1998, arrêt n° 7968, dossier com. N° 2064/1996, inédit, cité par K.
Zaher, « le contrôle étatique des sentences arbitrales en droit marocain », in « les modes alternatifs de règlement
de conflits, médiation, arbitrage, conciliation », colloque international organisé à Nador, revue de droit marocain,
n°4, mai 2012, p. 159, spéc. p. 164.
75
- Conformément aux dispositions du nouvel article 327-20 al.1 du CPC.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

sans sortir du cadre fixé à cet effet par les parties. Il doit dès lors suivre les règles de procédure
prévues par les parties conformément au nouvel article 327-10 al.1 du CPC. Un arbitre qui ne
respecte pas les règles de procédure prévues par les parties ou par le règlement d’arbitrage
en cas d’arbitrage institutionnel manque à sa mission et prend le risque d’exposer sa sentence
à l’annulation. La sanction doit être la même lorsque les arbitres ont appliqué une question
qui ne lui a pas été soumise dépasse les termes du débat et, partant, méconnait les limites de
la convention d’arbitrage. En revanche, l’arbitre qui se contente d’interpréter une stipulation
contractuelle nécessaire à la prise de décision n’outrepasse nullement les termes du litige76.

Ensuite, si la sentence ne respecte pas les règles de forme obligatoire. Il s’agit de la


motivation, de la mention des noms des arbitres, de la date de la sentence ainsi que sa
signature par les membres du tribunal arbitral. Rappelons seulement que la motivation n’est
obligatoire que dans trois cas : lorsqu’une personne morale de droit public est partie au litige,
lorsque la motivation a été exigée par les parties ou lorsqu’elle est exigée par la loi applicable
à la procédure.

Un autre cas, di les droits de la défense n’ont pas été respectés. Le nouvel article 327-
36-5 du CPC ne prévoit pas de liste exhaustive des situations correspondant à ce cas
d’ouverture. Néanmoins, chaque partie doit disposer d’un délai suffisant pour répondre aux
arguments, moyens et prétentions de son anniversaire. De même, en cas d’expertise, les
parties doivent avoir pris connaissance de la nomination d’un expert, de sa mission ainsi que
des modalités de son déroulement. Les documents remis par l’expert aux arbitres doivent faire
l’objet d’un débat contradictoire. Tout manquement devrait être sanctionné par l’annulation
de la sentence.

Si la sentence est rendue en violation d’une règle d’ordre public. Ce cas d’ouverture
vise l’hypothèse où la régularité de la sentence arbitrale est mise en cause en raison du
déroulement de l’instance arbitrale. Et pour cause : la sentence contestée parce que fondée

76
- C. sup. Maroc, ch. Com., 16 janvier 2002, arrêt n°77, dossier com. N° 1243/99, inédit ; aussi C. sup. Maroc, ch.
Com., 8 mars 2006, arrêt n° 274, dossier com. N° 292/03, inédit, cité par K. Zaher, « le contrôle étatique des
sentences arbitrales en droit marocain », in « les modes alternatifs de règlement de conflits, médiation, arbitrage,
conciliation », colloque international organisé à Nador, revue de droit marocain, n°4, mai 2012, p. 159, spéc. p.
165.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

sur une convention d’arbitrage contraire à l’ordre public en raison de la matière du litige ou
autre peut être annulée sur la base du premier cas d’ouverture. C’est le cas par exemple de
l’arbitre qui manque aux règles d’indépendance et d’impartialité en acceptant de siéger dans
un litige impliquant une entreprise avec laquelle il a entretenu des liens en tant que gérant ou
actionnaire. Il doit en aller de même pour toute sentence ayant méconnu des dispositions
considérées comme ayant un caractère d’ordre public. Dans ce cas, la cour d’appel a même
l’obligation de prononcer d’office l’annulation de la sentence.

Si la sentence a méconnu les règles de procédure ou de fond convenues entre les


parties. Il s’agit ici d’un cas d’ouverture inutile parce que redondant. En effet, il vient faire
double emploi avec le troisième cas d’ouverture permettant l’annulation d’une sentence pour
le non-respect par l’arbitre de sa mission. Autrement dit, le troisième cas d’ouverture
renferme déjà ces deux hypothèses.

B- Procédure et effet du recours en annulation

Le recours en annulation doit être exercé dans les formes ordinaires77 devant la cour
d’appel dans le ressort territorial de laquelle la sentence a été rendue (nouvel article 327-36-
1 du CPC). L’exercice de cette voie de recours emporte de plein droit, dans les limites de la
saisine de la juridiction, recours contre l’ordonnance d’exequatur lorsque celle-ci a déjà été
rendue. Si tel n’est pas encore le cas, le président du tribunal saisi de l’exequatur doit
immédiatement se dessaisir.

Ce ne sont pas les seuls effets. En vertu du nouvel article 327-37 al.1 du CPC, « lorsque
la cour d’appel annule la sentence arbitrale, elle statue sur le fond dans les limites de la
mission du tribunal arbitral sauf si l’’annulation est prononcée pour absence de convention
d’arbitrage ou pour nullité de cette convention ».

Cette disposition instaure une obligation d’évocation à la charge des juges d’appel qui,
en cas d’annulation de la sentence, doivent statuer sur le fond du litige sans, toutefois
dépasser les limites de la mission des arbitres. La décision au fond met automatiquement fin

77
- C’est-à-dire dans les formes prévues par les dispositions de l’article 134 et suivant du CPC.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

à l’instance arbitrale. Du coup, la convention d’arbitrage devient sans objet, son sort étant
intrinsèquement lié à celui de la sentence arbitrale. Cependant, rien n’empêche les juges
d’appel d’annuler uniquement les chefs de la sentence qui leur paraissent indépendants de
ceux dont l’annulation parait irréversible.

En revanche, en cas d’absence ou de nullité de la convention d’arbitrage, la cour


d’appel doit se contenter de prononcer la nullité de la sentence sans aller plus loin et statuer
sur le fond. Pourquoi alors s’arrêter en si bon chemin ? La nullité ou l’inexistence de la
convention d’arbitrage n’efface nullement le litige né relativement à l’exécution du contrat
principal et qui reste, lui, sans solution. Certes, rien n’empêche les parties de retourner devant
les arbitres en concluant un compromis pour mettre fin au litige. Il n’en demeure pas loin que
l’interdiction faite aux juges d’appel de statuer sur le fond dans ce cas laisse perplexe, en ce
sens qu’elle oblige les parties, soit à retourner devant les arbitres en signant un nouveau
compromis, soit à porter l’affaire à nouveau devant le tribunal compétent, ce qui engendre,
dans les deux cas, une perte de temps et d’argent inutiles.

Section 2 : La rétractation

Il s’agit ici d’une voie de recours extraordinaire qui ne peut être exercée qu’à l’encontre
des sentences qui ne sont pas susceptibles d’être attaquées par voie d’opposition. La
demande est formée par une simple requête suivant les articles 31 et suivants du CPC. Elle
doit être accompagnée de la consignation d’une somme susceptible de répondre à une
éventuelle amende78 sous peine d’irrecevabilité79.

En vertu du nouvel article 327-34 al.2 du CPC, « la sentence arbitrale peut faire l’objet
d’une demande en rétractation, conformément aux dispositions de l’article 402, ci-après et
ce, devant la juridiction qui aurait connu de l’affaire s’il n’y avait pas eu de convention

78
- En cas de rejet de la demande.
79
- A. Al-Taleb, commentaire pratique du code de procédure civile, imprimerie et papeterie Al-Wataniya,
Marrakech, 2008, p. 309, cité par K. Zaher, « le contrôle étatique des sentences arbitrales en droit marocain »,
in « les modes alternatifs de règlement de conflits, médiation, arbitrage, conciliation », colloque international
organisé à Nador, revue de droit marocain, n°4, mai 2012, p. 159, spéc. p. 167.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

d’arbitrage »80. Cette dernière disposition prévoit un certain nombre de cas dans lesquels la
sentence peut faire l’objet d’une demande en rétractation.

D’abord, le premier est celui dans lequel l’arbitre a dépassé le cadre de sa mission ou
s’il a omis de statuer sur un chef demande. Or, cette hypothèse correspond exactement à celle
prévue par le troisième cas d’ouverture de recours en annulation prévu par le nouvel article
327-36-3 du CPC. Au mieux, il fera double emploi avec cette dernière disposition. Au pire, il
ferait office de parapluie en permettant à celui qui n’a pas exercé le recours en annulation
dans les quinze jours suivant la notification de la sentence revêtue de l’exequatur de disposer
de quinze jours supplémentaires pour attaquer la sentence.

L’interprétation du renvoi par le nouvel article 327-34 al.2 du CPC aux dispositions de
l’article 402 du même code prévoyant les règles relative au régime de la demande en
rétractation impose la plus grande prudence81. Certes, le renvoi cite seulement l’article 402
qui, lui, se contente de prévoir les cas dans lesquels la demande en rétractation est recevable
sans préciser les délais dans lesquels cette action doit être formée sous la peine
d’irrecevabilité. Il n’en demeure pas moins que l’article 403 traitant la rétractation prévoit un
délai d’un mois à partir de la notification de la décision pour former la demande en
rétractation. Seulement, l’article 327-34 al.2 ne renvoie pas à l’article 403 qui fixe les délais et
se contente de renvoyer à l’article 402 qui énumère les cas d’ouverture de rétractation.

Deux hypothèses se profilent alors82, soit la jurisprudence considère que le nouveau


texte fait renvoi exclusif à l’article 402 et les dispositions de l’article 403 relatives aux délais
n’ont pas à s’appliquer. Dans ce cas, les délais de recours seraient les mêmes que ceux prévus
pour le recours en annulation, c’est-à-dire quinze jours à compter de la notification de la
sentence revêtue de l’exequatur. Toutefois, cette analyse peut être remise en cause. En effet,

80
- Cette disposition prévoit une voie de recours à l’encontre des décisions judiciaires mais qui doit s’appliquer
ici aux sentences arbitrales.
81
- K. Zaher, « le contrôle étatique des sentences arbitrales en droit marocain », in « les modes alternatifs de
règlement de conflits, médiation, arbitrage, conciliation », colloque international organisé à Nador, revue de
droit marocain, n°4, mai 2012, p. 159, spéc. p. 168.
82
- Ibid, p. 168.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

le délai de quinze jours est prévu pour le recours en annulation et il n’y a pas de raison à ce
qu’il s’applique aussi aux autres voies de recours.

Soit, l’on considère que la demande en rétractation obéit à ses règles propres et ouvre
la possibilité d’attaquer la sentence arbitrale dans des cas où justement il n’est pas possible
de m’attaquer par voie du recours en annulation. Comme elle a ses propres règles, elle doit
en toute logique obéir à ses propres délais, c’est-à-dire un mois après la notification de la
décision. Dès lors, l’article 403, bien qu’il ne fasse pas l’objet d’un renvoi par le nouvel article
327-34 al.2 du CPC demeure applicable pour l’exercice de toute demande en rétractation
exercée à l’encontre des sentences arbitrales. Cette dernière hypothèse parait plus conforme
à l’esprit même de l’instauration de cette voie de recours.

Le dol pendant l’instruction de l’affaire constitue un autre cas d’ouverture. De même,


la demande en rétractation est recevable lorsque la décision arbitrale s’est fondée sur des
pièces reconnues ou déclarées fausses depuis la sentence. Elle l’est également s’il a été établi
que l’une des parties au litige avait retenu des pièces jugées décisives pour l’issue de l’affaire.
La contradiction de certains chefs du dispositif de la sentence constitue un autre cas
d’ouverture au même titre que l’existence d’une sentence antérieure rendue entre les mêmes
parties sur les mêmes moyens et inconciliable avec la sentence attaquée.

Enfin, la demande en rétractation est recevable si les droits d’un incapable ou d’une
administration publique n’ont pas été valablement défendus. Cette possibilité viendra
renforcer un peu plus la possibilité de remettre en cause une sentence arbitrale rendue sur la
base d’une convention d’arbitrage conclue par une administration publique en
méconnaissance des règles de contrôle ou de tutelle prévues par la législation ou la
réglementation en vigueur sur les actes concernés.

En ce qui concerne les effets attachés la demande en rétractation, le nouvel article


327-34 n’apporte aucune précision. Il faudra donc se référer aux articles 406 et suivants du
CPC applicable en matière de décisions judiciaires en vertu desquels la demande en
rétractation formée contre une sentence arbitrale ne produit aucun effet suspensif. Lorsque
la rétractation est admise, le litige est remis à l’état dans lequel il se trouvait avant la sentence
et les sommes consignées au greffe ainsi que celles perçues en vertu la sentence seront

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

restituées. Dans ce cas, la juridiction étatique compétente pour résoudre le litige est la même
que celle ayant statué sur la demande en rétractation conformément à l’article 410 du CPC 83.

Section 3 : Les autres voies de recours

Il s’agit de la tierce opposition, du pourvoi en cassation et des voies de recours contre


les ordonnances d’exequatur.

A- La tierce opposition

Il s’agit d’une voie de recours extraordinaire prévue par le nouvel article 327-35 du CPC
contre la sentence arbitrale. En vertu de cette disposition, « les sentences arbitrales, même
assorties de la décision d’exequatur, ne sont pas opposables aux tiers qui peuvent, toutefois,
faire tierce opposition dans les conditions prévues par les articles 303 à 305 ci-dessous devant
la juridiction qui aurait connu de l’affaire s’il n’y avait pas eu de convention d’arbitrage ». La
tierce opposition est ouverte à tous les tiers susceptibles d’éprouver un préjudice du fait de la
sentence arbitrale à laquelle elles n’ont jamais été partie. Deux conditions prévues par l’article
303 du CPC doivent être remplies pour pouvoir exercer cette voie de recours. D’une part, la
personne qui forme la tierce opposition doit éprouver un préjudice par l’effet de la sentence,
d’autre part, elle ne doit pas avoir été convoquée ou représentée à l’instance arbitrale. La
demande est déposée devant la juridiction normalement compétente selon les règles
ordinaires d’introduction de l’instance (article 31 et suivants du CPC). Par ailleurs, la tierce
opposition n’est recevable que si la demande a été accompagnée d’une quittance constatant
la consignation d’une somme susceptible de répondre au paiement de l’amende exigée en cas
de rejet de la demande84.

B- Le pourvoi en cassation

Les parties à l’arbitrage ne pourront pas former un pourvoi en cassation contre la


sentence elle-même. Seuls les pourvois formés contre les arrêts rendus par la cour d’appel en
matière d’arbitrage sont possibles en application du nouvel article 327-38 al.2 du CPC. Les

83
- Ibid, p. 169.
84
- Ibid, p. 169.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

règles qui président à la formation des pourvois en cassation sont celles prévues par les
articles 353 et suivants du CPC85.

C- Les voies de recours contre les ordonnances d’exequatur

La sentence arbitrale n’a pas de force exécutoire. Seul le juge de l’exequatur peut lui
accorder cette qualité. L’ordonnance qu’il rend à cet effet peut faire l’objet de recours dont
les modalités varient selon qu’elle accorde ou non l’exequatur.

1- Recours contre l’ordonnance ayant accordé l’exequatur

En vertu du nouvel article 327-32 du CPC, « l’ordonnance d’exequatur n’est susceptible


d’aucun recours. Toutefois, le recours en annulation prévu à l’article 327-36 ci-dessus emporte
de plein droit, dans les limites de la saisine de la cour d’appel, recours contre l’ordonnance
d’exequatur ou dessaisissement immédiat du président de la juridiction au cas où il n’aurait
pas encore rendu son ordonnance ». Ainsi, le recours en annulation formé contre la sentence
s’étend de facto à l’ordonnance ayant accordé l’exequatur86.

Si le juge de l’exequatur n’a pas encore statué, il a l’obligation de se dessaisir


immédiatement sous peine de rendre une ordonnance nulle. Une ordonnance d’exequatur
rendue après la formation d’un recours en annulation doit être annulée sur le fondement
même du nouvel 327-32 du CPC. La partie condamnée peut ainsi porter sa demande
indépendamment des autres voies de recours ce qui est de nature à lui permettre d’invoquer
un moyen dont il ne peut se prévaloir dans le cadre d’un recours en annulation. Cette
hypothèse correspond à l’unique voie de recours susceptible d’être directement exercée
contre l’ordonnance qui accorde l’exequatur.

2- Recours contre l’ordonnance ayant refusé l’exequatur

L’ordonnance qui refuse l’exequatur « est susceptible d’appel dans les formes
ordinaires, dans le délai de quinze jours de sa notification. Dans ce cas, la cour d’appel connait,

85
- Ibid, p. 170.
86
- Ibid, p. 170.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

à la demande des parties, des moyens que celles-ci auraient pu faire valoir contre la sentence
arbitrale par la voie du recours en annulation ». La demande doit être déposée conformément
aux règles ordinaires présidant à la formation des appels contre les décisions judiciaires.
L’appel doit être porté devant la cour d’appel dont relève le juge qui a rendu l’ordonnance
objet de l’appel. Si ce recours est favorablement accueilli, la décision des juges d’appel est
synonyme d’exequatur de la sentence arbitrale. Quoi qu’il en soit, la décision de la cour
d’appel peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation 87.

87
- Ibid, p. 171.

Page | 51
Le régime juridique de l’arbitrage interne

Bibliographie

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de Fès, 4-5 avril 2003,n°2, 2004, 221p.
- Revue marocaine de médiation et d’arbitrage, centre international de médiation et
d’arbitrage de Rabat, n°4, 2009.

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

Table des matières

Sommaire ______________________________________________________________ 1

Introduction ____________________________________________________________ 2

Partie I : Le soubassement juridique de l’arbitrage interne ____________________ 9

Chapitre 1 : La nature juridique de l’arbitrage interne ___________________________ 9

Section 1 : Caractères de l’arbitrage au Maroc ________________________________________ 9

A- La nature dualiste de l’arbitrage ____________________________________________ 9

B- L’arbitrage : une justice autonome _________________________________________ 11

C- L’arbitrage : une justice privée_____________________________________________ 12

Section 2 : Arbitrage et ordre public________________________________________________ 14

A- Le concept d’ordre public_________________________________________________ 14

B- L’ordre public interdit l’arbitrage___________________________________________ 16

C- L’ordre public s’impose à l’arbitre __________________________________________ 18

Chapitre 2 : La convention d’arbitrage _______________________________________ 19

Section 1 : Les conditions de validité de la convention d’arbitrage _______________________ 19

A- Les conditions de forme de la convention d'arbitrage __________________________ 19

B- Les conditions de fond de la convention d'arbitrage ___________________________ 23

Section 2 : Les effets de la convention d'arbitrage ____________________________________ 28

A- L'autonomie de la clause compromissoire ___________________________________ 29

B- Primauté de la compétence arbitrale à l'égard de la compétence judiciaire _________ 30

C- La compétence des arbitres pour apprécier leur propre investiture _______________ 32

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Le régime juridique de l’arbitrage interne

Partie II : L’arbitrage interne : la régulation étatique et les voies de recours _____ 34

Chapitre 1 : Le contrôle du juge étatique dans la procédure d’arbitrage ____________ 34

Section 1 : L’intervention du juge durant la procédure arbitrale _________________________ 34

A- La compétence - compétence _____________________________________________ 34

B- Constitution du tribunal arbitral ___________________________________________ 35

C- Composition du tribunal arbitral ___________________________________________ 37

Section 2 : Les mesures conservatoires _____________________________________________ 38

A- La compétence du juge étatique à prendre les mesures conservatoires ____________ 38

B- La compétence de l’arbitre à prendre les mesures conservatoires ________________ 40

Chapitre 2 : les voies de recours contre les sentences arbitrales internes ___________ 42

Section 1 : Le recours en annulation________________________________________________ 42

A- Les cas d’ouverture du recours en annulation ________________________________ 42

B- Procédure et effet du recours en annulation _________________________________ 45

Section 2 : La rétractation ________________________________________________________ 46

Section 3 : Les autres voies de recours ______________________________________________ 49

A- La tierce opposition _____________________________________________________ 49

B- Le pourvoi en cassation __________________________________________________ 49

C- Les voies de recours contre les ordonnances d’exequatur _______________________ 50

1- Recours contre l’ordonnance ayant accordé l’exequatur ______________________ 50

2- Recours contre l’ordonnance ayant refusé l’exequatur ________________________ 50

Bibliographie ___________________________________________________________ 52

Table des matières ______________________________________________________ 53

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