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2005/4 - Tome 93
pages 597 à 618
ISSN 0034-1258
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Pour citer cet article :
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Paul André et Berthelot Katell, « Bulletin de Judaïsme ancien (I) »,
Recherches de Science Religieuse, 2005/4 Tome 93, p. 597-618.
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France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
BULLETIN
C’est avec reconnaissance et confiance que nous accueillons Mme Katell Berthe-
lot, de l’Université d’Aix-en-Provence, pour tenir la partie du Bulletin du Judaïsme
ancien sur le Judaïsme hellénistique. Devant le nombre croissant d’ouvrages
relevant de ce Bulletin, M. André Paul a lui-même demandé qu’il soit scindé, se
réservant, en particulier, le domaine de Qumrân, et nous recommandant pour le
Judaïsme hellénistique Mme Berthelot. Le présent Bulletin sera donc suivi, dans la
première livraison de 2006, par le Bulletin sur les manuscrits de la Mer Morte,
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assuré, comme il se doit, par M. A. Paul.
P.G.
I. Histoire du judaïsme
A. Histoire du judaïsme à l’époque hellénistique et romaine (1-6)
B. Le Judaïsme hellénistique (7-16)
par Katell BERTHELOT
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les différentes provinces romaines telles qu’elles existaient vers 100 ap. J.-
C. : Pannonie, Dalmatie, Mésie, Thrace, Macédoine, Achaïe (divisée en
quatre parties : Thessalie, Athènes et le Pirée, le centre de la Grèce et les îles
grecques), Crète. S’y ajoute une section consacrée à la côte nord de la mer
Noire, et deux appendices rassemblant des inscriptions probablement mé-
diévales et des inscriptions qui ne sont pas considérées comme juives. Le
volume est en outre doté d’une bibliographie (considérable), d’une concor-
dance avec le CIJ et d’indices détaillés, permettant de faire des recherches
par nom de lieu, de personnage, par date, par symbole, ou encore de
manière thématique. Deux cartes clôturent le volume. Après une brève
introduction sur la présence juive dans la région étudiée, chaque inscription
(désignée par une abréviation relative à sa région d’origine et par un numéro)
fait l’objet d’une présentation détaillée, comprenant une bibliographie (en
particulier, toutes les éditions antérieures de l’inscription sont mentionnées),
les indications sur la provenance, la date et la langue, le texte, des notes de
critique textuelle, une traduction anglaise et un commentaire. Dans la mesure
du possible, des photos ou dessins de l’inscription accompagnent la notice.
Le volume III, qui traite des inscriptions de Syrie (à l’exception de quelques
inscriptions du Nord de la Syrie qui figurent dans le volume II) et de Chypre,
s’organise de la même façon. L’ensemble est riche, clair et précis, et son
utilisation aisée. On regrettera simplement que les cartes ne soient pas plus
nombreuses, que le volume I ne contienne pas de carte des provinces
romaines, par exemple, ou qu’une localité comme Almyros ne se trouve pas
sur la carte p. 397. Les auteurs renvoient au TAVO (Tübingen Atlas des
Vorderen Orients), mais le lecteur ne dispose pas nécessairement de cet
ouvrage. Par ailleurs, on s’interroge parfois (assez rarement tout de même)
sur le caractère juif de l’inscription. Dans le vol. I, p. 25 (Dal3), une épitaphe
en latin du 4e siècle exhorte le passant à respecter la tombe en rappelant la
règle d’or, « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse ».
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bibliographie finale, et les indices sont conçus différemment. Un premier
index rassemble les sources anciennes citées dans la discussion sur la
diaspora juive d’Asie Mineure, un second index recense les inscriptions qui
n’ont pas été retenues, et un troisième index, subdivisé en sections théma-
tiques, concerne essentiellement les termes grecs (de manière non exhaus-
tive). Le volume est un peu moins commode à utiliser que les deux autres,
tout en représentant lui aussi un outil précieux pour lequel on ne peut qu’être
reconnaissant à l’auteur.
C’est en effet un ensemble de documents importants qui est ainsi mis à la
disposition des étudiants et des chercheurs. Même si les épitaphes, les vœux
et les inscriptions commémorant des donations (en général à des synago-
gues) constituent la grosse majorité des inscriptions, le corpus est néanmoins
très diversifié, et concerne des champs d’investigation aussi divers que les
prosélytes et les « craignants-Dieu », les Samaritains, la magie, l’histoire du
texte biblique (voir entre autres vol. III, pp. 70-75, Syr44 à 47, les textes du
Deutéronome gravés autour de la porte d’une maison de Palmyre), l’organi-
sation des communautés juives de diaspora (notamment la fonction d’archi-
synagôgos, un titre parfois attribué à des femmes — cf. vol. II, p. 188, no 43),
les procédures d’affranchissement des esclaves, la fréquentation du cirque et
du théâtre par les Juifs, la croyance à une vie après la mort (cf. vol. II,
pp. 155-159, nos 32 et 33), et même la perception du judaïsme par les
épicuriens, si du moins l’on accorde quelque crédit au témoignage de
Diogène d’Œnoanda, qui fit inscrire dans la pierre un exposé de la doctrine
épicurienne (cf. vol. II, pp. 472-477, no 222).
2. Diaspora. Jews amidst Greeks and Romans. Eric GRUEN, qui enseigne
à l’Université de Californie à Berkeley, est un spécialiste reconnu de l’histoire
du monde hellénistique et de la Rome républicaine. Après avoir étudié
comment les Romains s’approprièrent l’hellénisme, il se consacre depuis
quelques années à une enquête similaire à propos des Juifs, de leur rapport
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par l’analyse des institutions juives de diaspora, en particulier celle de la
synagogue, véritable passage obligé compte tenu du sujet. Plusieurs clarifi-
cations importantes émergent de ces chapitres, comme le caractère rhétori-
que des décrets d’expulsion des Juifs de Rome en 139 av. J.-C. et en 19
ap. J.-C. (sous Tibère), qui ne doivent pas masquer la réelle intégration des
Juifs à Rome. En définitive, pour Gruen, « Rome did not have a ‘Jewish
problem’ » (p. 29) ; l’attitude des pouvoirs romains vis-à-vis des Juifs ne fut
pas dictée par des considérations religieuses ou idéologiques, ni par une
hostilité particulière (ou a contrario par une sorte de philosémitisme), mais
uniquement par le souci de l’intérêt de Rome. Cela se vérifie, d’après Gruen,
même en ce qui concerne l’épisode du pogrom d’Alexandrie en 38 ap. J.-C.
Celui-ci s’expliquerait non tant par un antijudaïsme invétéré que par le conflit
entre le préfet d’Égypte, Flaccus, et les dirigeants alexandrins antiromains
comme Isidore et Lampon, ainsi que par l’hostilité de la population égyp-
tienne vis-à-vis des élites alexandrines, qu’elles soient grecques ou juives.
Quant à l’attitude de Caligula, plutôt que de l’hostilité, elle reflète selon Gruen
un mépris moqueur (cf. le témoignage de Philon dans la Legatio ad Caium,
§§ 359-367) (pp. 60-67). Dans tous les cas, le pogrom de 38 reste un
événement isolé, dû à des circonstances très particulières, et il n’est pas
représentatif du vécu de la diaspora juive en Égypte (pp. 67-68). L’examen
renouvelé d’un certain nombre de sources conduit ainsi Gruen à conclure que
les Juifs de diaspora n’ont pas souffert de persécutions systématiques, ni
subi une hostilité latente, ni bénéficié d’une tolérance ou d’une protection
(impériale) particulière. Il souligne aussi qu’ils jouissaient d’une certaine
autonomie dans l’organisation de leurs communautés, tout en participant
eux-mêmes, dans bien des cas, à la vie politique des cités païennes au sein
desquelles ils vivaient. La seconde partie du livre est consacrée à la
perception que les Juifs de diaspora avaient d’eux-mêmes et de leur vécu
diasporique, à travers l’analyse d’œuvres littéraires produites pour la plupart
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286-287). La promesse que fait le roi Antiochus IV, dans 2 Maccabées 9, 15,
de rendre les Juifs égaux aux Athéniens, doit vraisemblablement être
comprise comme une référence à l’évergétisme d’Antiochus vis-à-vis d’Athè-
nes dans sa jeunesse, plutôt que comme un simple effet d’ironie (p. 179).
Mais par-delà quelques points discutables, qui n’affectent pas l’ensemble de
la démonstration, l’ouvrage de Gruen a l’immense mérite de déconstruire un
certain nombre d’idées reçues dont l’inexactitude est aujourd’hui patente.
Entre autres, il faut comprendre une fois pour toutes que les Grecs et les
Romains s’intéressaient fort peu aux Juifs (cf. pp. 48, 52), et que les lecteurs
modernes n’ont que trop longtemps lu ces textes avec un regard judéo- ou
christianocentré. Ou encore, que réduire la vie diasporique juive à une série
de persécutions constitue, en ce qui concerne la période antérieure au
christianisme (et même pour des périodes ultérieures), une erreur manifeste.
Ou, enfin, que les Juifs de diaspora n’étaient pas acculés à choisir entre
assimilation et isolationnisme, mais qu’ils pouvaient préserver leur identité
juive tout en s’appropriant la culture de leur temps. On ne peut que savoir gré
à Eric Gruen de nous aider à appréhender ces réalités anciennes dans une
plus juste perspective, à travers ce livre à la fois important et passionnant.
réflexion générale sur la façon dont les Juifs de la période du second temple
se sont référés aux Grecs et à l’hellénisme pour construire leur propre
identité. La seconde partie est consacrée à Flavius Josèphe, autour de sujets
comme le discours d’Agrippa II dans la Guerre (II.345-401), Josèphe et Juste
de Tibériade, le Contre Apion et la pensée politique de Josèphe, la définition
des Antiquités comme archaiologia, la présentation que donne Josèphe des
Esséniens, sa vision des Parthes, etc. Un second article inédit, intitulé
« Ethnic Identities in Josephus », ouvre cette partie ; Rajak s’y interroge
surtout sur ce que représentent les « Grecs » dans l’œuvre de Josèphe. La
troisième partie réunit des articles portant sur la diaspora juive et les apports
de l’épigraphie. Rajak y étudie la place de la synagogue dans la cité
gréco-romaine, la fonction d’archisynagôgos, l’évergétisme dans les milieux
juifs de diaspora, les catacombes juives de Rome, la nécropole de Beth
She’arim, différents types d’interactions entre Juifs, chrétiens et païens, etc.
Cette partie comporte un troisième article inédit, consacré aux relations entre
Juifs, païens et chrétiens à Sardes, dans l’Antiquité tardive. Enfin, une
quatrième partie, ou épilogue, regroupe une étude du Dialogue avec Tryphon
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de Justin, une discussion de la présentation des Juifs et des Sémites dans
l’ouvrage de Fergus Millar Roman Near East, et un article sur l’invention et
l’exploitation de la polarité Juifs/Grecs au 19e siècle. Ce dernier éclaire la
genèse de l’opposition conceptuelle entre hellénisme et judaïsme qui prédo-
mine jusqu’à nos jours, et que l’ensemble du recueil de Rajak nous invite à
repenser, grâce à des analyses à la fois nuancées et percutantes.
4. Le livre d’Ernst BALTRUSCH, Die Juden und das Römische Reich, se veut
une analyse des causes profondes qui ont conduit aux affrontements entre
Juifs et Romains de 66-70, 116-117 et 132-135 (auxquels l’auteur ajoute en
introduction (p. 11) la crise de 38 à Alexandrie, qui n’est pourtant pas un cas
de soulèvement juif). Ces causes profondes seraient à chercher dans les
siècles qui précèdent la prise de Jérusalem par Pompée en 63 av. J.-C.,
période sur laquelle se clôt l’enquête historique entreprise par Baltrusch. Ce
dernier considère que si la révolte juive ne se déclencha qu’un siècle plus
tard, ce fut à cause de la guerre civile à Rome et du rôle joué par Hérode (on
pourrait toutefois lui faire observer que le soulèvement de 66-70 est large-
ment postérieur à la mort d’Hérode). Selon l’auteur, les ingrédients condui-
sant à l’explosion étaient déjà réunis à partir de 63 av. J.-C. Il estime que les
causes profondes du conflit (à distinguer des circonstances immédiates, sur
lesquelles il ne revient pas) sont, d’une part, le lien étroit entre religion et
autonomie politique qui caractérise la religion d’Israël depuis Ezékias et
Josias, lien qui fut mis à mal par la politique romaine à un degré encore
jamais atteint auparavant (même sous les Séleucides), et, d’autre part, la
nature de la domination romaine, laquelle, en imposant aux élites juives une
relation de type client/patron, allait à l’encontre de la conception juive du
rapport à une puissance dominante (fondée sur le modèle de l’empire perse,
dont l’image est largement positive dans la tradition biblique). Alors que les
relations entre Juifs et Romains, initiées en 164 av. J.-C., avaient commencé
sous d’heureux auspices, chacun voyant dans l’autre un allié objectif, elles
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sentiment commun d’hostilité au monde grec (p. 112) est fantaisiste. Celle
selon laquelle les Romains cessèrent leur soutien à l’état hasmonéen et
envisagèrent son intégration à l’empire romain dès lors que celui-ci devint un
royaume hellénistique comme un autre (p. 113), est sans fondement. Enfin, la
thèse générale selon laquelle l’opposition structurelle entre visions politico-
religieuses juive et romaine, telle qu’elle se manifeste dès 63 av. J.-C., rend
intelligibles des conflits postérieurs d’un ou deux siècles, doit être nuancée
pour mieux tenir compte des facteurs postérieurs. Aussi stimulante qu’elle
puisse être, la réflexion d’Ernst Baltrusch gagnerait à être affinée.
5. Peter SCHÄFER (éd.), The Bar Kokhba War Reconsidered. New Pers-
pectives on the Second Jewish Revolt against Rome. La révolte dite de Bar
Kokhba (132-135 ap. J.-C.) représente un épisode important de l’histoire du
judaïsme, puisque c’est la dernière tentative de secouer le joug romain en
Palestine. Elle s’avère aussi malheureuse que la guerre contre Rome de
66-70, et se conclut par la destruction de Jérusalem et sa reconstruction par
les Romains sous le nom d’Aelia Capitolina, une ville dont les Juifs sont
exclus. À la différence de la guerre de 66-70, à laquelle Flavius Josèphe
consacra sa Guerre des Juifs, cet épisode n’a cependant pas fait l’objet d’un
compte-rendu détaillé par un historien juif, ce qui rend son analyse plus
difficile, et ce, malgré les importantes découvertes documentaires effectuées
aux alentours de la mer Morte, au Wadi Murabba’at et au Nahal Hever. De
nombreuses questions demeurent posées, à propos de la chronologie et du
déroulement exacts de la révolte, de son extension géographique, de ses
causes, et de la personnalité de son chef, Simon Bar Kosiba.
Le présent volume tente de fournir quelques éléments de réponse à ces
questions. Il regroupe les contributions de plusieurs spécialistes réunis à
Princeton en novembre 2001 pour établir un nouvel état des lieux scientifique
de l’histoire de la révolte. Après une introduction présentant l’ensemble des
contributions, l’ouvrage débute par un article de Peter Schäfer consacré aux
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être considérée comme une mesure punitive prise après la révolte, et non
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l’inverse. Enfin, Ra‘anan Abusch estime pour sa part que c’est le successeur
d’Hadrien, Antonin le Pieux, qui légiféra le premier sur cette question, mais
uniquement pour protéger les esclaves contre d’éventuelles mutilations qui
leur auraient été infligées par leurs maîtres. Les mesures contre la circonci-
sion juive dont on trouve la trace dans les sources rabbiniques seraient le fait
du gouverneur de la province, Tineius Rufus, et auraient par conséquent été
limitées dans le temps et l’espace. Hanan Eshel aborde quant à lui le
problème de la chronologie de la révolte, et conclut qu’elle débuta soit durant
l’été 132, soit au cours du mois de Tishri (septembre/octobre) de la même
année. Menahem Mor se penche sur la question disputée de l’extension
géographique de la révolte, et met en garde contre une utilisation abusive de
la documentation, en particulier l’inscription de Tel Shalem, qui ne prouve
nullement, selon lui, que des combats aient eu lieu près de Scythopolis, et
que la Galilée ait été impliquée dans la révolte (on regrettera ici l’absence de
carte). Hannah Cotton fournit un éclairage complémentaire sur cette question
en analysant plusieurs documents du désert de Judée (P. Murabba‘at 29 et
30 — qui concernent la guerre de 66-70 —, P. Murabba‘at 114 — qu’elle date
d’avant 132 —, P. Se‘elim 4 et P. Yadin 52) et en montrant que le P. Yadin 52
prouve la participation des Nabatéens à la révolte, une participation qui selon
elle pourrait résulter d’une vision politique et culturelle commune aux Juifs et
aux Nabatéens. Les deux articles suivants, par Werner Eck et Glen
W. Bowersock, proposent deux interprétations divergentes de l’inscription
monumentale gravée sur l’arc de triomphe de Tel Shalem, en l’honneur
d’Hadrien. Pour le premier, cette inscription date d’après la victoire contre les
insurgés juifs, et l’initiative en revient au sénat romain, tandis que pour le
second, l’arc fut érigé durant la visite d’Hadrien en Orient en 130, par la légion
romaine stationnée à proximité du site. Dans un second temps, Bowersock
apporte de nouveaux arguments en faveur d’un engagement des Nabatéens
aux côtés des insurgés juifs, et conclut qu’il faut inclure le nord-ouest de la
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province d’Arabie dans la zone touchée par la révolte. Deux autres articles
abordent le sujet des réseaux de cachettes souterraines découverts en
Judée et en Galilée. Amos Kloner et Boaz Zissu proposent une classification
de ces réseaux en douze catégories, et montrent que si ces réseaux se
développent dès l’époque hellénistique, ils ne prennent leur forme finale qu’à
l’époque de la révolte. L’étude de ces réseaux les amène aussi à conclure
que toute la Judée prit part à la guerre, et fut à un moment sous l’adminis-
tration de Bar Kosiba. Yuval Shahar étudie pour sa part les réseaux
souterrains de Galilée, qu’il estime similaires à ceux de Judée ; selon lui, ces
réseaux ne sont pas des résidus de la guerre de 66-70, mais furent
aménagés en vue de la révolte de 132 ; cependant, l’absence de monnaies
frappées lors de la révolte signifie qu’ils ne furent pas utilisés. Un article, dû
à Yaron Eliav, est consacré au dispositif urbain d’Aelia Capitolina. L’auteur
montre que le mont du Temple resta en-dehors de la nouvelle agglomération,
qui était de taille réduite, et se démarquait dans son organisation spatiale de
la Jérusalem antérieure (non pour des raisons idéologiques, mais pratiques).
Enfin, Yael Zerubavel étudie la réception de la révolte dite de Bar Kokhba
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dans le courant sioniste (qui en fit un chef charismatique et un héros) et dans
la société israélienne moderne (où des lectures plus critiques se font jour,
même si l’appréciation positive perdure). Trois indices (des sources, des
auteurs modernes, des noms et des thèmes) complètent l’ouvrage.
Ce volume, qui réunit des contributions de qualité, de surcroît très
complémentaires, faisant appel à l’épigraphie, à la numismatique, à l’archéo-
logie, etc., fait indéniablement progresser notre connaissance des événe-
ments de 132-135 (et au-delà). Certes, il ne permet pas de résoudre tous les
problèmes posés par la révolte de Bar Kosiba. Quelques conclusions
importantes émergent néanmoins, qu’il vaut la peine de souligner : la cause
de la révolte ne saurait être l’interdiction de la circoncision, et réside
vraisemblablement dans la transformation de Jérusalem en Aelia Capitolina ;
la Galilée, si elle s’est préparée à se révolter, n’a en réalité pas participé à la
révolte, tandis que le nord-ouest de l’Arabie (avec les Nabatéens) a été
largement concerné par celle-ci ; l’ampleur de la révolte, qui fut longtemps
sous-estimée, est maintenant reconnue, de même qu’est mieux prise en
compte la continuité entre les épisodes de 66-70 et 132-135, tant en ce qui
concerne l’hostilité romaine vis-à-vis des Juifs qu’en ce qui concerne
l’importance des préparatifs juifs à la seconde révolte.
musulmane (au 7e siècle ap. J.-C.). Une attention particulière est portée aux
aspects économiques et sociaux de cette histoire politique. Compte tenu des
sources disponibles pour les différentes périodes du millénaire envisagé ici,
et de la difficulté pour l’historien d’utiliser les sources rabbiniques, la période
qui va de la révolte de Bar-Kokhba à la conquête musulmane ne fait l’objet
que d’un survol. Le livre de P. Schäfer, déjà largement connu en France grâce
à la traduction de Pascale Schulte (dans la collection Patrimoines Judaïsme
des Éditions du Cerf, 1989) constitue une bonne introduction à l’histoire des
Juifs dans l’Antiquité, utile aux étudiants comme à un large public.
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avec la collaboration d’Églantine Proksch-Strajtmann, Gabalda, Paris, 2005,
93 p.
9. Françoise VINEL, La Bible d’Alexandrie. L’Ecclésiaste, Cerf, Paris, 2002,
186 p.
10. Sylvie HONIGMAN, The Septuagint and Homeric Scholarship in Alexandria : A
Study in the Narrative of the Letter of Aristeas, Routledge, London — New
York, 2003, 240 p.
11. Rieuwerd BUITENWERF, Book III of the Sibylline Oracles and its Social Setting,
with an Introduction, Translation and Commentary, Brill, Leiden — Boston,
2003, 443 p.
12. Pieter W. VAN DER HORST, Philo’s Flaccus. The First Pogrom, Brill, Leiden —
Boston, 2003, 284 p.
13. Étienne NODET, Flavius Josèphe. Les Antiquités Juives, vol. IV : Livres VIII et
IX, Cerf, Paris, 2005, xxxii + 417 p.
14. Steve MASON, Josephus and the New Testament, Hendrickson Publishers,
Peabody, 2003 (2de édition), 318 p.
15. Serge BARDET, Le Testimonium Flavianum. Examen historique, considéra-
tions historiographiques, Cerf, Paris, 2002, 280 p.
16. Dale C. ALLISON, Testament of Abraham, Walter de Gruyter, Berlin — New
York, 2003, 527 p.
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18-19). Enfin, le terme anathema peut désigner, comme en Lv 27, 28 ou
Nb 18, 14, une chose consacrée qui n’est pas détruite (mais plutôt utilisée ou
consommée par les prêtres). Cet exemple pose le problème passionnant, et
fondamental pour la lexicographie de la LXX, de la place respective accor-
dée, dans la détermination du sens d’un mot grec, au sens que revêt le mot
hébreu ou araméen qu’il traduit, au sens que revêt le mot grec dans d’autres
contextes (textes littéraires, inscriptions, etc.), et au sens qu’il est raisonnable
d’attribuer au terme de la LXX dans le contexte du passage traduit. Par-delà
ces remarques, la critique principale que l’on peut formuler à l’encontre de ce
livre tient au caractère partiel du champ recensé (même s’il est déjà plus
étendu que dans la première version, publiée en 1993, qui ne concernait que
les douze petits prophètes). Comme l’indique le titre, le lexique publié en
2002 n’inclut que le vocabulaire du Pentateuque et des douze petits
prophètes. Cet inconvénient est en partie compensé par le fait que, pour un
terme figurant à la fois dans un texte du corpus retenu ici, et dans un ou
plusieurs texte(s) qui lui sont extérieur(s) (comme Isaïe ou Sagesse, par
exemple), toutes les occurrences sont néanmoins données (à la condition
qu’elles ne soient pas trop nombreuses). Il reste que les termes ne figurant ni
dans le Pentateuque, ni dans les douze petits prophètes, n’ont pas été inclus
dans le lexique. De plus, même dans le cadre du corpus choisi, les
occurrences d’un terme donné ne sont pas toujours recensées. S’il faut donc
se réjouir de cette publication, qui est de grande qualité, il faut aussi espérer
que le travail déjà effectué sera repris dans un ouvrage plus exhaustif.
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de prendre en compte l’ensemble de la tradition grecque.
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10. Ce livre, The Septuagint and Homeric Scholarship in Alexandria : A
Study in the Narrative of the Letter of Aristeas, est écrit par une historienne du
monde hellénistique et romain (Sylvie HONIGMAN, de l’Université de Tel-Aviv),
et la thèse principale, le fil directeur de l’ouvrage, consiste à dire que la Lettre
d’Aristée est un écrit représentatif de la littérature alexandrine en général, à
laquelle il est apparenté tant par les concepts et le vocabulaire que par le
genre littéraire. Il ne se distingue d’autres écrits grecs de la même époque
que d’un point de vue thématique, par le sujet qui y est abordé (celui de la
traduction des cinq premiers livres de la Bible hébraïque en grec, à
Alexandrie, sous Ptolémée II, par une équipe de traducteurs venus de
Jérusalem). Dans un premier temps, Sylvie Honigman, qui met l’accent sur
l’analyse littéraire du texte, se penche sur la question du genre auquel
appartient la Lettre d’Aristée, pour conclure que les nombreuses et longues
digressions qui ont conduit certains commentateurs à douter de l’unité de la
composition, s’expliquent en fait par le goût des Grecs d’époque hellénistique
pour la poikilia, la diversité thématique et stylistique à l’intérieur d’une œuvre
donnée. De surcroît, chaque digression correspond à un genre littéraire grec
précis, connu par les listes des manuels de rhétorique. Une fois les
digressions expliquées, Sylvie Honigman poursuit l’analyse littéraire du texte
en distinguant deux « paradigmes » ou lignes narratives, l’une qui a trait au
roi et à la bibliothèque (la traduction est entreprise grâce au patronage du
roi, et en vue de prendre place dans sa bibliothèque), et l’autre qui constitue
une sorte de contre-Exode (le roi libère les esclaves juifs en Égypte et se
comporte donc en anti-Pharaon ; la traduction de la Loi en grec correspond
alors au don de la Torah au Sinaï). Pour Honigman, l’entrelacement de ces
lignes narratives a pour but de créer un mythe fondateur des origines de la
LXX. Mais il ne faudrait pas entendre ici, par « mythe », quelque chose de
faux ; l’enjeu est celui de l’autorité de la traduction et du prestige de la Loi des
Juifs. Comme elle le montre au chapitre 4, l’auteur de la Lettre d’Aristée
610 BULLETIN DE JUDAÏSME ANCIEN
cherche par tous les moyens dont disposait un historien de cette époque à
rendre son récit crédible, et il serait anachronique de lui prêter l’intention de
tromper le lecteur. Enfin, dans les chapitres 5 et 6, Sylvie Honigman propose
de rattacher la genèse de la LXX d’une part à une forme de patronage royal,
et d’autre part à l’influence des travaux d’édition critique entrepris à la
Bibliothèque d’Alexandrie sur l’œuvre d’Homère et d’autres auteurs grecs
classiques. Parmi plusieurs scénarios envisagés, il serait possible qu’une
première traduction ayant été faite sous Ptolémée II, la dégradation de la
qualité des copies ait conduit à une révision au 2e siècle, soit en conformité
avec un exemplaire existant dans la bibliothèque, soit en remplacement de
celui-ci (à partir de manuscrits hébreux), ou encore indépendamment de lui
(en particulier si aucun exemplaire n’avait été déposé dans la bibliothèque
royale au 3e siècle). Il est difficile de trancher entre toutes ces hypothèses,
mais le lien établi entre les travaux sur Homère et le propos de la Lettre
d’Aristée semble pertinent.
L’analyse proposée par Sylvie Honigman est à la fois documentée, érudite
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ment illustré son propos (par exemple à propos des genres littéraires grecs
auxquels sont censées appartenir les différentes digressions de L.A., dans le
chapitre 2), ou qu’elle ne connaisse pas toujours le dossier qu’elle traite de
première main (comme par exemple dans le cas des manuscrits de Qumrân
qui documentent l’histoire des traductions grecques de la Bible, cf. p. 124).
En ce qui concerne l’histoire de la LXX et le contexte dans lequel la Lettre
d’Aristée a été écrite, le « paradigme homérique » introduit par l’auteur est
intéressant et convaincant, même si l’enquête ne débouche que sur des
hypothèses que l’auteur ne parvient pas à démontrer (ce qu’elle reconnaît
avec lucidité). En définitive, l’étude de Sylvie Honigman montre qu’en
l’absence de données extérieures à la Lettre d’Aristée, permettant de
confirmer ou d’invalider les informations qu’elle contient, celle-ci est presque
inutilisable pour la reconstitution des événements « réels » de l’Alexandrie
des 3e et 2nd siècles av. J.-C. Cependant l’auteur souligne à juste titre que la
Lettre d’Aristée nous renseigne sur le climat intellectuel régnant à Alexandrie
au 2e siècle av. J.-C.
Dans sa conclusion, l’auteur plaide pour l’abolition de la catégorie « litté-
rature juive hellénistique », qui ne serait selon elle qu’une invention des pères
de l’Église. Du point de vue de l’historien du monde grec, et compte tenu des
affinités indéniables entre la Lettre d’Aristée et d’autres ouvrages alexandrins
ou grecs (malgré des différences tout aussi évidentes), cette thèse est
compréhensible. Néanmoins, elle fait fi d’un autre point de vue, qui est celui
de l’historien du judaïsme ou du spécialiste de la littérature juive, pour qui la
littérature judéo-hellénistique représente une catégorie particulière, distincte,
par exemple, des manuscrits de la mer Morte ou des commentaires rabbini-
ques (et pas seulement sur le plan linguistique). Il serait sans doute plus juste
de définir la littérature juive hellénistique comme une littérature de l’entre-
deux, une littérature qui fait dialoguer des cultures différentes (juive, grecque
et éventuellement romaine). Par-delà ces remarques, le livre de Sylvie
K. BERTHELOT 611
11. Rieuwerd BUITENWERF, Book III of the Sibylline Oracles and its Social
Setting. Les oracles attribués à une ou des Sibylle(s) furent mis par écrit et
rassemblés dans des collections dès l’Antiquité. Fait notable, des Juifs et des
chrétiens s’approprièrent ce genre littéraire et rédigèrent des oracles pseu-
dépigraphiques, censés avoir été prononcés par une Sibylle païenne, la-
quelle chantait les louanges ou confirmait la vérité de l’une ou l’autre religion.
C’est le cas, en particulier, du livre III des Oracles sibyllins, dont l’origine juive
est aujourd’hui incontestée. Le point de départ du commentaire que lui
consacre Rieuwerd Buitenwerf le situe dans une perspective voisine de celle
de Sylvie Honigman et d’Eric Gruen (voir supra). En effet, l’auteur part de
l’idée qu’il n’existe pas d’antagonisme radical entre Juifs et monde gréco-
romain, que les Juifs sont une composante de celui-ci et qu’ils y participent
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Sibyllins témoigne de la convergence de vues et d’intérêts entre les Juifs et
les Grecs d’Asie Mineure, unis contre les Romains lors des guerres de
Mithridate contre Rome, dans les années 88-85, 83-81 et 74-63 av. J.-C.
L’objectif de Buitenwerf est donc de réexaminer la question du contexte
socio-politique dans lequel le livre III a été produit. La première partie retrace
l’histoire de la recherche et aborde la question de la date et du lieu de
rédaction. Rappelons que les deux grands savants qui ont écrit des mono-
graphies sur les Oracles sibyllins juifs, Valentin Nikiprowetzky (La Troisième
Sibylle, Mouton, Paris — La Haye, 1970) et John J. Collins (The Sibylline
Oracles of Egyptian Judaism, Society of Biblical Literature, Missoula, 1974),
se sont prononcés en faveur d’une origine égyptienne, bien qu’avec des
datations différentes (42 av. J.-C. dans le premier cas, le milieu du 2e siècle
av. J.-C. dans le second). Buitenwerf propose pour sa part de situer le(s)
auteur(s) juif(s) du livre en Asie Mineure, entre 80 et 40 av. J.-C., remettant
même en question l’interprétation traditionnelle du « septième roi d’Égypte »
(vv. 192-193, 318, 608-610 ; voir pp. 127-129, 265), selon laquelle il s’agit
d’une référence à Ptolémée VI ou VIII. La deuxième partie consiste en une
analyse structurelle, une nouvelle traduction et un commentaire détaillé des
fragments du 3e livre des Oracles Sibyllins considérés comme authentiques
(frag 1 et 3 et vv. 93-829, moins le v. 776), dont Buitenwerf cherche à montrer
qu’ils forment un tout cohérent, et ne se limitent pas à une compilation sans
projet d’ensemble. La troisième et dernière partie est consacrée à l’analyse
du contexte social dans lequel a été produit le livre, à l’étude des idées
religieuses et éthiques qu’il véhicule, et à une réflexion sur le choix du genre
de l’oracle sibyllin, largement répandu dans le monde ancien (Varron recense
dix sibylles, une persique, une égyptienne ou lybienne, une chaldéenne, une
italique, etc.). Le choix du genre des oracles sibyllins par un auteur juif
s’adressant à un public juif apparaît lié à la popularité de ce type de littérature
dans le monde hellénistique en général, et en Asie Mineure en particulier. Il
612 BULLETIN DE JUDAÏSME ANCIEN
est révélateur d’un rapport d’appropriation critique des Juifs vis-à-vis de leur
environnement culturel grec.
Pour autant, la démonstration de la thèse d’ensemble pèche à bien des
égards. Elle repose en premier lieu sur l’hypothèse de l’unité du livre, un
problème déjà abordé par les prédécesseurs de Buitenwerf, qui ont tous
conclu à une pluralité de sources ; lui-même n’exclut pas l’utilisation de
sources antérieures. Mais alors, on comprend mal pourquoi il serait exclu
qu’une partie de l’ouvrage ait été rédigée en Égypte. Même si la référence au
7e roi égyptien devait être comprise de manière symbolique et non historique,
comme le veut Buitenwerf, cela n’empêcherait pas les nombreuses référen-
ces à l’Égypte de poser problème dans le contexte de la thèse de l’auteur.
Enfin, on peut s’interroger sur la virulence des attaques contre les Grecs
contenues dans la dernière partie (vv 489-829). Cette difficulté n’a pas
échappé à Buitenwerf, qui l’explique en distinguant, d’une part, une conver-
gence entre Grecs et Juifs sur le plan politique, et, d’autre part, un désaccord
de fond quant au mode de vie, les Juifs condamnant le polythéisme grec et
l’immoralité qui selon eux s’y rattache. Mais la convergence politique n’est
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perceptible que dans un discours anti-romain très général, qui, s’il est lié aux
guerres d’Asie Mineure dans certains cas, peut aussi être motivé par d’autres
facteurs. En particulier, la condamnation de l’avidité romaine, si elle est
effectivement pertinente dans le contexte de la politique de Rome en Asie
Mineure, ne l’est pas moins dans d’autres régions. En définitive, il semble que
le caractère flou des prophéties, qui relèvent parfois d’images convenues,
doive mettre en garde l’historien contre une analyse qui verrait systémati-
quement, dans les oracles sibyllins, des références à des événements ayant
réellement eu lieu, ou contemporains de l’auteur (même si c’est parfois le
cas). Quant à l’appréciation de la relation de l’auteur des Oracles à la culture
grecque, elle semble excessivement irénique. La violence du discours
eschatologique tenu par la « Sibylle » (qui demeure avant tout un discours de
jugement) est minimisée. Par ailleurs, l’absence de référence aux détails de
la Loi mosaïque est surinterprétée (après tout, elle s’explique par la conven-
tion littéraire qui fait d’une femme non-juive contemporaine de Noé le
porte-parole de la divinité). La thèse selon laquelle, pour l’auteur des Oracles,
les Grecs et les Juifs partagent les mêmes valeurs et ne se distinguent que
du point de vue de leur mise en pratique (qui est l’apanage des Juifs),
demanderait donc à être nuancée. Mais en dépit de la fragilité de la thèse
d’ensemble, ce livre érudit, qui représente le seul commentaire détaillé et
quasi-linéaire du troisième livre des Oracles Sibyllins, sera lu avec profit par
tous ceux qui souhaitent étudier cette œuvre originale, ainsi que le judaïsme
de diaspora en général.
essentiel pour les études philoniennes, vise à fournir une nouvelle traduction
anglaise et un commentaire détaillé de chacun des traités de l’exégète
alexandrin.
L’In Flaccum se distingue du reste de l’œuvre de Philon en ce qu’il s’agit
d’un traité historiographique et non exégétique ou philosophique. Cela
n’empêche pas le propos de Philon d’être aussi théologique et moral. Les
événements tragiques de l’an 38 ap. J.-C. (le premier « pogrom » attesté
dans l’histoire, celui des Juifs d’Alexandrie, confinés dans un ghetto, dé-
pouillés de leurs biens, battus et mis à mort en grand nombre) posent la
question de la théodicée et de la providence de Dieu à l’égard du peuple juif ;
mais la disgrâce et la mort de Flaccus, le préfet d’Égypte, sur qui Philon
rejette la responsabilité principale des événements, prouvent à ses yeux que
Dieu veille et châtie les ennemis des Juifs. Le thème de la providence divine
représente donc un véritable leitmotiv de l’ouvrage, même si c’est générale-
ment de manière implicite (p. 201).
L’introduction détaillée de Pieter van der Horst, dont la perspective reste
traditionnelle (par exemple en ce qui concerne la question de l’antijudaïsme
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dans l’Antiquité, pp. 24-32), représente un bon état de la question, nourri de
l’apport de travaux récents (comme le livre d’Eric Gruen présenté supra). La
nouvelle traduction anglaise qu’il propose (à partir de l’édition du texte grec
de S. Reiter) est agréable à lire même pour une personne non-anglophone.
De manière générale, le commentaire est bien documenté ; l’auteur renvoie
fréquemment aux travaux de ses prédécesseurs, tout en donnant les
informations essentielles. Il est également très complet, abordant tant les
aspects historiques à proprement parler (via une analyse critique du récit de
Philon — dont la vraisemblance est parfois douteuse —, ainsi que le recours
à l’onomastique, à la papyrologie, etc.), que les aspects philologiques (choix
entre des variantes manuscrites, problèmes de traduction, etc.) et théologi-
ques. Les rapprochements avec les autres traités de Philon ne sont pas
oubliés, en particulier avec la Legatio ad Gaium, son autre ouvrage historio-
graphique. Le livre de Pieter van der Horst fourmille d’éclairages intéressants
et de remarques pertinentes, comme par exemple lorsqu’il analyse la position
sociale de Philon (membre d’une élite), et l’influence de celle-ci sur la
manière dont Philon relate les événements (voir pp. 175, 198, 208-209).
En bref, voici un livre précieux, qui s’avérera particulièrement utile à ceux
qui s’intéressent à la pensée de Philon sur l’histoire, à l’antijudaïsme ancien
et à l’histoire du judaïsme alexandrin ou d’Alexandrie en général.
14. Ce livre de Steve MASON, Josephus and the New Testament, est la
réédition d’un ouvrage paru en 1992. Comme l’explique l’auteur dans la
préface, la nécessité d’une réédition résulte du développement considérable
des études sur Flavius Josèphe depuis cette date. Les projets éditoriaux, les
thèses et les monographies consacrées à Josèphe s’étant multipliés, plu-
sieurs aspects de l’étude de l’œuvre de Josèphe ou des rapports entre
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l’ouvrage demeure toutefois le même : permettre au lecteur non spécialiste
de Josèphe, et en particulier à ceux qui étudient le Nouveau Testament, de
découvrir et d’apprécier par eux-mêmes quel éclairage l’œuvre de Josèphe
projette sur celui-ci. En réalité, comme le souligne Steve Mason dans sa
conclusion (pp. 297-298), presque chaque ligne de Josèphe peut être utile à
l’étude du Nouveau Testament, si bien qu’il ne propose ici qu’un aperçu des
éclairages possibles.
Le premier chapitre rappelle quelles lectures de Flavius Josèphe ont été
faites en milieu chrétien, et expose en quoi ces lectures étaient biaisées. La
Guerre des Juifs, les Antiquités juives et le Contre Apion ont suscité l’intérêt
des chrétiens dès l’Antiquité, à cause de certaines remarques sur Jean le
Baptiste, Jésus ou Jacques, des informations concernant la première moitié
du 1er siècle, et des arguments apologétiques utilisés par Josèphe pour
défendre le judaïsme contre ses détracteurs, qui ont à l’occasion été
réutilisés pour la défense du christianisme. Mais l’œuvre de Josèphe — et en
particulier la Guerre — fut aussi détournée de ses fins, et sa description de
la destruction du temple de Jérusalem en 70 fut lue comme un témoignage
prouvant la culpabilité du peuple juif vis-à-vis du Christ. Associée à la doctrine
de la responsabilité collective et intemporelle du peuple juif, cette lecture a
causé les ravages que l’on connaît. Steve Mason insiste donc à juste titre sur
la nécessité de lire Flavius Josèphe avant tout pour lui-même, en essayant de
comprendre ses objectifs et son contexte propre. Cette lecture est une étape
indispensable à la comparaison de l’œuvre de l’historien juif avec les textes
du Nouveau Testament.
C’est pourquoi le chapitre 2 est consacré à la vie et à la carrière de
Josèphe, permettant ainsi au lecteur de se familiariser avec le personnage et
son milieu. Tout en relevant souvent du cliché rhétorique, les informations que
donne Josèphe sur son parcours permettent de mieux discerner quels sont
ses présupposés et ses préjugés. Steve Mason a mesuré toute l’importance
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comme « philosophie » ; le commentaire moralisant d’un certain nombre de
grandes figures de l’histoire juive. Quant à l’Autobiographie, Mason propose
de la lire comme un essai sur la personnalité de Josèphe, ce qui permet de
clarifier quelques points obscurs. Josèphe modifie sa présentation des
événements d’une œuvre à l’autre, en fonction du but visé dans chaque
ouvrage. Mais ces variations témoignent aussi des pratiques d’écriture de
son époque, et du fait que la rhétorique l’emportait généralement sur la
précision. Une remarque pertinente aussi pour l’étude du Nouveau Testa-
ment.
Dans le chapitre 4, Steve Mason procède à une lecture comparée des
textes de la Guerre, des Antiquités et du Nouveau Testament, à propos de
quatre sujets : Hérode le Grand et sa famille ; les gouverneurs romains de
Judée ; les grands-prêtres du temple de Jérusalem ; les Pharisiens et les
Sadducéens. Il montre qu’il ne faut pas voir en Josèphe une simple source
d’informations, permettant de confirmer ou d’infirmer le témoignage des
évangiles (même si les écrits de Josèphe permettent parfois de se prononcer
sur la valeur historique de certains passages des évangiles), et que ce
qu’écrit Josèphe à propos d’Hérode, des grands-prêtres ou des Pharisiens
doit être replacé dans le contexte des objectifs rhétoriques et littéraires
poursuivis par Josèphe (cf. p. 209). Il en va d’ailleurs de même pour les
textes du Nouveau Testament.
Cette analyse se poursuit au chapitre 5, où Steve Mason examine les
passages de l’œuvre de Josèphe qui évoquent le Baptiste, Jésus et Jacques.
Dans le cas de Jean, il montre que le témoignage des évangiles nous aide à
comprendre le parti-pris de Josèphe, qui a adouci le message du Baptiste
pour le rendre « politiquement correct », tout comme le texte de Josèphe
nous permet de saisir comment les auteurs du Nouveau Testament ont
infléchi leur présentation du Baptiste dans un sens chrétien, en lui faisant
jouer le rôle de précurseur de Jésus (cf. pp. 222-225). En ce qui concerne le
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Cet ouvrage se distingue par la clarté et la précision de l’argumentation ; de
surcroît, les analyses sont toujours intelligentes et nuancées. Il émane d’un
fin connaisseur de l’œuvre de Josèphe. On lui doit de nombreux éclairages
pertinents, comme l’analyse de la structure concentrique qui caractérise
chacun des livres de Josèphe (cf. pp. 66-68, 99-100, 125-130 et 132), ou les
quelques pages que Steve Mason consacre à la question du public visé, en
rappelant que les œuvres littéraires étaient lues devant de petits cercles
composés d’amis, de protecteurs, etc., et que Josèphe a dû lui aussi
bénéficier d’un cercle de ce genre, sous le patronage d’Épaphrodite ou
d’autres (voir pp. 94-99, 135-138). Il s’agit en un mot d’un livre remarquable,
dont la lecture s’impose tant à ceux qui veulent découvrir l’œuvre de Josèphe
qu’aux chercheurs plus chevronnés.
pas imaginer que le texte de Josèphe n’est ici qu’un prétexte à une enquête
purement historiographique. L’étude de Bardet, dont la réflexion est intelli-
gente et subtile, contient à la fois un récapitulatif et une analyse critique des
arguments avancés en faveur de l’authenticité du passage ou contre elle,
ainsi qu’une prise de position personnelle. Si le fil de l’argumentation se perd
parfois dans les méandres des analyses de détail, si l’on peine souvent à
déterminer quelle est la position de l’auteur (puisqu’il s’interroge surtout sur
celles des autres), la fin du chapitre II (5.3) et la conclusion permettent de
lever le doute : influencé par les travaux d’Étienne Nodet sur Josèphe, et de
Simon Mimouni sur le judéo-christianisme, Bardet penche pour l’authenticité,
dans ses grandes lignes, du passage des Antiquités. Il souligne le caractère
invraisemblable d’une interpolation chrétienne (en effet, à quelles attentes
répondrait-elle ? que prouverait-elle ? aux yeux de qui ?). Il se fonde surtout
sur l’hypothèse que, jusqu’au début du 2e siècle ap. J.-C., le christianisme
reste majoritairement juif, et que les chrétiens ne sont pour Josèphe qu’une
des sectes juives de l’époque, qu’il rapproche ou distingue d’autres groupes
de sensibilité messianique ou baptiste. On tombera d’accord avec lui sur le
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fait que la perception renouvelée des liens entre judaïsme et premières
communautés chrétiennes permet de réenvisager autrement la question de
l’authenticité du texte de Josèphe, dont le discours sur le Christ n’apparaît
plus nécessairement déplacé ni indûment apologétique. Mais on appréciera
également la prudence de la conclusion, dans laquelle Serge Bardet recon-
naît avec lucidité et honnêteté qu’une part de doute demeure.
longue et une brève, qui ont été éditées et traduites en français par Francis
Schmidt (Le Testament grec d’Abraham : Introduction, édition critique des
deux recensions grecques, traduction, Mohr Siebeck, Tübingen, 1986).
D’après Allison, l’une ne dépend pas de l’autre, chacune d’entre elles
remontant à un original grec par le biais de deux versions intermédiaires
distinctes. Si la version courte a pu circuler assez tôt (entre le premier et le
2e siècle ap. J.-C.), la version longue, dans sa forme actuelle, serait quasi-
médiévale. Cependant elle remonte elle aussi à un original juif, et elle a
conservé une version plus cohérente de celui-ci, alors que la version courte,
qui abrège le texte original, a supprimé des éléments importants pour la
cohérence narrative du Testament. Allison considère comme probable une
origine égyptienne.
Le commentaire de chaque chapitre comporte successivement quelques
indications bibliographiques, une traduction anglaise de la version longue et
de la version courte (quand elle existe), des notes de critique textuelle, une
analyse générale de la structure du chapitre et (le cas échéant) des rapports
entre les deux versions, et enfin un commentaire détaillé de chaque verset.
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Une attention particulière est accordée au vocabulaire, qui est au cœur du
débat sur la datation et sur l’attribution juive ou chrétienne de l’œuvre. De
surcroît, le commentaire propose pour la plupart des expressions ou des
éléments narratifs significatifs une foule de parallèles avec la littérature juive
du second temple, la littérature rabbinique et la littérature chrétienne, en
particulier byzantine. Il est toutefois dommage qu’ils ne soient pas davantage
analysés. Il est utile de fournir au lecteur des listes de passages pouvant être
comparés à celui que l’on étudie, mais le rapport est parfois lointain, et il
aurait été plus intéressant de ne retenir que les parallèles les plus significa-
tifs, révélant la proximité du Testament avec d’autres textes ou au contraire
sa spécificité.
Tout comme Eric Gruen (voir supra), Dale Allison insiste à juste titre sur la
dimension humoristique du Testament d’Abraham (cf. pp. 42, 51-52, 77, 131,
174, 259). Le refus d’Abraham de suivre Michaël, alors que le patriarche
apparaît dans la tradition biblique comme un modèle de foi et d’obéissance à
Dieu, comporte un effet comique, qui est redoublé lorsqu’Abraham refuse une
seconde fois d’obtempérer, en dépit du délai qui lui a été accordé. L’auteur du
Testament exploite d’ailleurs fréquemment le comique de répétition.
Le Testament d’Abraham est un livre méconnu, qui mérite d’être lu pour
son originalité, et en particulier son approche désacralisante et humoristique
des personnages bibliques. Le commentaire de Dale Allison permettra à ceux
qui veulent l’étudier d’en saisir toute la richesse et l’intérêt.
(À suivre)