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Bernard Sesboüé
2005/1 - Tome 93
pages 107 à 160
ISSN 0034-1258
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Pour citer cet article :
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Sesboüé Bernard, « Bulletin de théologie patristique grecque »,
Recherches de Science Religieuse, 2005/1 Tome 93, p. 107-160.
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BULLETIN
BULLETIN DE THÉOLOGIE
PATRISTIQUE GRECQUE
par Bernard SESBOÜÉ
Faculté de théologie, Centre Sèvres — Facultés Jésuites de Paris
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le Confesseur (38-46)
V. Théologie des Pères (47-57)
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de la mise en œuvre des grands principes de la rhétorique dite « délibéra-
tive » (sumbouleutikon), selon Aristote, Quintilien et d’auteurs plus proches
de Clément, comme Dion Chrysostome et Aelius Aristide. Cette rhétorique
délibérative ou démonstrative est celle qui essaie à la fois de persuader,
d’exhorter et de dissuader. En l’occurrence, Clément urge par de pressants
appels et de multiples exemples le retour à la concorde dans la communauté.
Cette perspective rhétorique permet d’établir avec plus de précision le genre
littéraire, la fonction et la composition de la lettre. Son thème central est en
effet celui de la concorde (homonoia) qui doit faire cesser la sédition (stasis).
Deux grands chapitres forment le corps de l’ouvrage. L’un analyse le
vocabulaire de l’unité et de la discorde dans l’épître et repère les principaux
topoi utilisés. La référence au domaine politique est dominante. Le terme
cardinal de concorde (homonoia, 14 fois), celui de paix (eirènè, 21 fois) et
leurs nombreux synonymes sont des mots conventionnels de la vie politique.
Il en va de même pour l’ensemble des antonymes exprimant le conflit :
sédition, querelle, jalousie, haine, persécution, guerre, schisme, etc. Les
autres topoi sont l’ordre et l’harmonie de l’univers, la hiérarchie militaire,
l’unité du corps humain en ses divers membres, la charité au service du bien
commun. Tel est bien le thème principal de la lettre.
L’autre chapitre étudie la composition de la Lettre à la lumière des principes
de la rhétorique. Le texte s’inscrit clairement entre une adresse et une
salutation finale avec bénédiction (65,1-2). Son corpus se distribue en un
exorde (1,1-2,8) qui comporte une captatio benevolentiae ; une narratio
(3,1-4) évoquant la situation présente de révolte ; une longue probatio
(4,1-61,3) et enfin une peroratio qui résume et conclut l’ensemble avec une
prière (62,1-64,1). La probatio est elle-même répartie en deux temps :
d’abord la quaestio infinita ou thesis (4,1-39,9), c’est-à-dire le traitement
général de la question à partir d’exemples opposés tirés du passé (Ancien
Testament en particulier) et du présent, montrant l’enjeu respectif de la
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nauté de Corinthe. Le découpage proposé par l’auteur est sensiblement
différent de celui donné en 1971 par Annie Jaubert dans l’édition des Sources
chrétiennes (n. 167). Le point de vue rhétorique fait saillir avec plus de relief
l’intention et la dynamique propre au texte que le découpage apporté a
posteriori à partir des contenus successivement traités.
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diverses occurrences ne permettent pas d’opposer avec certitude une
christologie du Serviteur à une christologie du Fils. La bibliographie ancienne
et moderne est impressionnante et l’ouvrage d’une scientificité parfaite. Mais
son caractère extrêmement analytique laisse peu de place au bilan des
résultats et ne permet pas de dégager les grandes conclusions que doit
permettre une telle étude.
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Aristide, « philosophe » athénien contemporain d’Adrien, nous est connu
par divers témoignages anciens, en particulier ceux d’Eusèbe et de Jérôme.
B. Pouderon estime devoir garder la datation de l’Apologie fournie par
Eusèbe, soit 124-125 : il s’agit d’un discours adressé à Hadrien, même si
l’hypothèse de R. Grant d’une seconde édition au temps d’Antonin ne peut
pas être totalement exclue. Le genre littéraire est-il déjà celui d’une apolo-
gie ? Ce serait plutôt un discours fictif ou une lettre ouverte qui s’adresse en
fait aux trois « races » barbare, grecque et juive, pour leur montrer la
supériorité religieuse de la « race » chrétienne. Le texte passe en revue le
culte des barbares ou des Chaldéens, caractérisé par l’adoration des
éléments cosmiques, le culte des Grecs, avec ses nombreuses généalogies
de dieux divers au mœurs fort humaines, des Égyptiens et de leur zoolâtrie,
des juifs croyants au Dieu unique et à la morale élevée, mais responsables
de la condamnation du Christ, enfin les chrétiens qui représentent la voie de
la vérité. Aristide est le témoin d’une rupture consommée entre chrétiens et
juifs.
Le contenu de la foi est exprimé de manière très brève. La doctrine
d’Aristide se ramène d’une part à un monothéisme vigoureux, exprimé en
termes philosophiques, et à un exposé bref de l’événement de Jésus, qui
évoque le kérygme apostolique. L’éloge de la vie morale des chrétiens
annonce le ton de l’Épitre à Diognète. La perspective eschatologique est très
présente.
Dans cette excellente étude nous nous permettrons de faire instance sur
deux points. La reconstitution d’un Symbole primitif à partir de l’Apologie
d’Aristide nous paraît aller trop loin et ne pas garder les prudences de Hahn
et de Harris. Le nombre de crochets et de parenthèses (p. 66) nécessaires
souligne le souci de ramener les affirmations d’Aristide à un modèle littéraire
de Symbole trinitaire qui ne pouvait exister à cette époque. Car celui-ci
suppose que le mariage entre les formules trinitaires et christologiques est
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sur les autres religions ne lui permettaient guère de citations. Il est vrai qu’il
est très bref sur la religion juive : mais il mentionne Abraham, Isaac et Jacob
et reconnaît le Décalogue. Ce qui est vrai, c’est qu’Aristide ne met jamais en
œuvre la grande argumentation du rapport entre les deux Testaments, qui
sera privilégiée par ses successeurs. Il est également très bref sur la doctrine
chrétienne, préférant s’étendre sur la moralité exemplaire des chrétiens. Son
apologie, archaïque encore une fois, n’entre pas dans un débat argumenté
entre chrétiens et païens ou chrétiens et juifs. Aristide recommande la lecture
des écrits chrétiens, ce qui suppose qu’il en existe bien à son époque. « Ce
sont les livrets évangéliques ou les manuels chrétiens » (p. 64), nous dit
l’éditeur. Il faut sans doute être ici plus circonspect. Qu’Aristide connaisse
une littérature chrétienne est une chose, qu’il connaisse « les livrets évan-
géliques » en est une autre. Il parle bien de « l’Écriture sainte de l’Évangile »
(Barl. XV,1), mais il ne cite aucun verset des récits évangéliques, il se
contente d’une évocation très globale de leur contenu, la vie, la mort et la
résurrection de Jésus. Sous ces expressions il faut entendre la globalité du
NT encore en genèse, dont les éléments les plus fermes sont les épîtres
pauliniennes et dont B. Pouderon reconnaît qu’elles ont exercé une influence
déterminante sur Aristide.
L’étude des sources et de la postérité de l’Apologie d’Aristide est très
documentée et permet de s’orienter dans l’horizon de la littérature juive et
chrétienne du temps. L’ouvrage s’achève par un long commentaire historique
et doctrinal du texte qui tient compte des diverses versions. Il faut remercier
les quatre auteurs de cet instrument de travail qui est au plan philologique un
modèle.
seconde partie est faite de quatre longues contributions qui font le point des
connaissances sur Marcion depuis Harnack et réfléchissent sur l’« actualité »
de celui-ci dans le débat chrétien. Distinguons l’ouvrage, déjà daté, de
Harnack des réflexions plus contemporaines.
Marcion. L’évangile du Dieu étranger est-il un livre qui a bien vieilli ? Mais
tout n’a-t-il pas a été dit sur un ouvrage qui a fait époque et demeure
aujourd’hui une référence incontournable des études sur Marcion ? Sa
lecture reste passionnante, même si le lecteur est gêné par la trop large
inconditionnalité de l’auteur à l’égard de « son » Marcion. On ne peut
qu’admirer l’acribie scientifique avec laquelle Harnack a décodé les rensei-
gnements fournis par les grands adversaires chrétiens de Marcion (Tertullien
et Hippolyte en particulier) en vue de reconstituer un curriculum vitae de
l’homme, son activité critique à l’égard des documents du NT, le nouveau
canon qu’il oppose à l’AT, le contenu de ses Antithèses, les points-clés de sa
doctrine autour de l’opposition du Dieu juste et du Dieu bon — à bien
distinguer de celle de ses successeurs —, l’histoire de son « Église » qui
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s’est largement répandue dans le bassin méditerranéen avec une éthique
particulièrement austère, la secte de son disciple Apelle, son rôle historique
et enfin sa signification pour la genèse de l’Église « catholique ». Harnack a
définitivement montré que Marcion n’était pas un « gnostique » et a bien
dégagé l’originalité de sa pensée, même s’il est généralement reconnu qu’il
a exagéré son rôle dans la constitution du canon du NT. Il y a là une étude
d’une grande probité et qui soulève l’admiration pour sa scientificité.
Mais l’ouvrage n’a pas seulement une prétention historique : il est aussi un
livre d’engagement chrétien déterminé sous la bannière de Marcion. L’en-
thousiasme de l’auteur pour son héros le pousse à boucher avec témérité les
trous de sa documentation pour reconstituer le portrait psychologique et
religieux de Marcion. Sa thèse, à portée théologique, voit en Marcion un
premier protestant (p. 223) et un premier Luther, l’auteur d’une « réforma-
tion » (p. 232). Ce point est trop régulièrement affirmé dans des formules
parlantes pour ne pas avoir habité lourdement la pré-conception qui a présidé
à toute l’enquête du savant : l’opposition de la Loi et de l’Évangile, Marcion
devant les prêtres de Rome comme Luther devant ses juges, le Dieu étranger
et le Deus absconditus, Marcion vrai disciple de Paul mais qui n’en reste pas
à ses demi-mesures, la dialectique d’opposition entre AT et NT, et aussi entre
un christianisme pur et le syncrétisme catholique. Marcion est vraiment le
« chaînon manquant » entre Paul et Luther. Il est aussi l’homme de la Bible,
c’est-à-dire du seul et unique NT, avec ses deux piliers, l’Évangile et Paul. Il
a été un initiateur prodigieux et a influencé l’Église de manière décisive, ne
serait-ce que par réaction. Marcion a voulu libérer celle-ci de l’AT, mais
l’Église l’a conservé à titre prudentiel. Tout cela aboutit à une thèse célèbre :
« Rejeter l’AT au IIe siècle était une faute que la Grande Église a rejetée avec
raison ; le conserver au XVIe siècle était une fatalité à laquelle la Réformation
n’a pas encore été capable de se soustraire ; mais, depuis le XIXe siècle, le
conserver encore dans le protestantisme comme document canonique est la
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typologie — qui est plus qu’une simple allégorie — et qui permet de
comprendre chrétiennement l’AT. Il a du mal à admettre que la « falsification »
du message évangélique ait pu remonter vraiment à ces origines. Reste
toujours la manière de comprendre et d’articuler cette corrélation fondamen-
tale. Harnack met le doigt sur ce point sensible et souvent douloureux, car il
est inévitablement solidaire de la relation historique entre juifs et chrétiens.
B. Lauret se pose, avec d’autres chercheurs contemporains, la question de
l’actualité de Marcion. Dans une étude très fouillée, il reprend l’analyse du
thème d’un « christianisme pur » avant et après Harnack. Il reconnaît
volontiers que le schéma Loi-Évangile chez Harnack est outrageusement
simplifié et retrace l’itinéraire dégagé par le savant allemand de ce rapport :
subordination (Église ancienne), contraste (la Réforme), sélection/exclusion
(la tâche actuelle de l’Église). B. Lauret est aussi préoccupé par le rôle
historique que l’« antijudaïsme » de Harnack, radicalement proposé en 1924,
a pu jouer sur l’antisémitisme qui se développait déjà et alimenter les thèses
nazies. Il est vrai que des théologiens appartenant au groupe des « chrétiens
allemands », utiliseront son œuvre.
Émile Poulat fait un point détaillé de la réception de Harnack et de Marcion
dans la science française, de Duchesne à nos jours. Guy Monnot situe les
marcionites dans le cadre de l’hérésiologie musulmane. Enfin Michel Tardieu,
spécialiste de la gnose, remarque qu’aucune découverte du type de celle de
Nag-Hammadi n’a pu nous permettre de revenir aux textes originaux de
Marcion. Nous en sommes toujours réduits à le connaître à travers ce qu’en
disent ses adversaires. Tardieu note le ton passionné et lyrique du livre de
Harnack, qui tranche avec celui de ses œuvres précédentes et le conduit à
contredire certaines affirmations de son Manuel d’histoire des dogmes. Il
apporte enfin un certain nombre de compléments venus du progrès des
études marcionites depuis Harnack. L’ouvrage se termine par un impression-
nant répertoire bibliographique raisonné de tout ce qui a été écrit sur Marcion
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ouvrages. Les positions sont donc très contrastées : L. W. Barnard et en
particulier B. Pouderon sont les grands champions de l’authenticité (cf. notre
recension de l’étude de ce dernier sur Athénagore d’Athènes dans RSR 80
[1992], p. 103-104, et de son édition et traduction du texte dans S.C. 379,
RSR 82 [1994], p. 423-424). M. Grant y est opposé, situe le texte à la fin du
IIIe ou au début du IVe siècle et le voit dirigé contre Origène. W.R. Schoedel
est du même avis, mais situe ce traité dans les discussions post-origéniennes
sur la résurrection. H. E. Lona place même le traité à la fin du IVe siècle.
E. Gallicet refuse lui-aussi l’authenticité, mais situe l’œuvre dans le cadre de
la littérature apologétique à la fin du IIe siècle. N. Zeegers-Vander Vorst
estime qu’il appartient à la littérature apologétique du IIe siècle et s’adresse
aux païens. La position finale de Marcovich, exprimée avec prudence, est
que l’opuscule n’est pas d’Athénagore, qu’il a été composé à la fin du
IIe siècle et qu’il est adressé avant tout aux païens.
Quoiqu’il en soit de l’authenticité, le texte est naïf et médiocre. Son
argumentation, peu consistante, est plus le fait d’un rhétoricien habile que
d’un vrai philosophe et manque d’unité et de cohérence. Ce n’est pas faire
injure à Athénagore que de lui dénier cette paternité. Disons en terminant que
Marcovich ne tient pas non plus l’authenticité de l’opuscule attribué à Justin
sur le même sujet.
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d’Olympe (18 mots) ne peut constituer un argument en faveur de l’authenti-
cité, car elle se situe dans le cadre de la discussion autour de la théologie
d’Origène. L’identification avec une partie du Syntagma perdu de Justin reste
une pure hypothèse. 2. Ensuite le texte édité sur la base d’une tradition plus
large que celle de Holl, la meilleure jusqu’à présent. L’auteur donne le
stemma des différents manuscrits, puis le texte et la traduction allemande des
divers fragments. Son travail apporte bien des éclaircissements et des
précisions sur la transmission, mais le texte de Holl demeure substantielle-
ment. 3. Vient alors l’étude du contenu et du contexte. Puisque l’authenticité
ne peut être décidée à partir de l’attestation, il est nécessaire d’analyser en
détail le contenu de l’opuscule sur la base du texte réédité. Le résultat de
cette enquête montre que les adversaires visés sont, d’une part, les
Encratites de l’entourage de Jules Cassien et, d’autre part, les arguments
anti-chrétiens de Celse. Dans l’horizon se trouve aussi la Lettre de Rhegi-
nos : cette lettre et le Discours vrai de Celse sont présupposés dans l’écrit,
dont l’auteur connaît également les ouvrages authentiques de Justin. 4. En
terminant, Heimgartner situe l’opuscule à la fin du IIe siècle, entre 153 et 185
à Alexandrie. Quant à l’auteur il propose l’hypothèse d’Athénagore. Les
arguments qui contestent l’authenticité justinienne sont à ses yeux décisifs :
ils sont tirés de la différence de style, de langue, de citations bibliques et de
nombreuses particularités de contenu. Au contraire, si la comparaison entre
la Supplique d’Athénagore et le texte Sur la résurrection qui lui était attribué
se révélait négative, elle donne ici des résultats très positifs et révèle une
parenté bien plus proche qu’avec les vrais écrits de Justin. Cette nouvelle
attribution a pour conséquence de confirmer l’inauthenticité de l’autre traité
Sur la résurrection attribué à Athénagore. L’auteur reconnaît qu’il est plus
difficile d’affirmer une authenticité que de la nier. Il conclut à une grande
vraisemblance de sa thèse. Mais il se fait aussi l’objection inévitable :
pourquoi l’opuscule ne serait-il pas d’un auteur inconnu, puisqu’il a vécu
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révélation chez Justin, Allert fait appel à l’itinéraire philosophique et religieux
de l’apologiste, tel que celui-ci le décrit au début du Dialogue, dans sa
rencontre avec le vieillard. Justin recherchait la vérité dans le contexte du
moyen platonisme. Formé à l’idée platonicienne de la connaissance de Dieu,
il s’ouvre à celle de la parole entendue ou vue. Car le Logos se révèle. Le but
de la révélation est la venue du Logos en son incarnation. Justin a donc
changé sa conception de la connaissance de Dieu : Dieu s’est fait connaître
par les prophètes. C’est pourquoi il utilisera les prophètes et les mémoires
des Apôtres comme sources de la connaissance de Dieu. Ce que les
premiers avaient annoncé, les seconds en ont décrit l’accomplissement. Le
mouvement platonicien partait de la quête de l’homme, le mouvement
chrétien, révélé par le vieillard, vient de l’initiative de Dieu qui se donne à
connaître. Justin entend bien rester toujours un philosophe, car la révélation
appartient à son épistémologie. — Le Dialogue est aussi une longue recher-
che de la vérité, dont les conceptions sont différentes chez les hébreux, les
grecs et dans le NT. Si le début du Dialogue (1-9) est proche des dialogues
platoniciens, la suite (10-142) est une explication de la vérité trouvée : le texte
se fait alors apologie et l’argument prophétique devient la preuve de la vérité.
Parce que Justin a trouvé la vérité, il éprouve le besoin de l’exposer. La vérité
ne peut être connue directement que par quelqu’un qui a entendu ou vu Dieu,
comme ce fut le cas des prophètes. Le centre de cette présentation de la
vérité est l’événement de Jésus Christ, Verbe incarné. Dans ce concept de
vérité l’histoire est centrale, puisque tout culmine dans la vérité-salut pour
tous les hommes en Jésus Christ. (L’auteur reconnaît qu’il n’existe pas de
parallèle entre la théologie justinienne du Logos et l’évangile de Jean. Justin
ne cite jamais le prologue, p. 177-178). — La question qui se pose d’une
référence au canon du Nouveau Testament dans le Dialogue conduit à
celle des « harmonies » des quatre évangiles réalisées dès avant Tatien.
L’auteur estime que la source citée par Justin est une harmonie. Il entend
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9. R. MINNERATH et M. BOURLET introduisent et traduisent deux documents
anonymes mais importants de l’apologétique des IIe et IIIe siècles, que le
P. Hamman considérait comme jumeaux en même temps que différents,
L’Apologie à Diognète et l’Exhortation aux Grecs, longtemps mise sous le
nom de Justin. L’introduction présente le développement du genre apologé-
tique et décrit les caractéristiques thématiques des deux opuscules. La
publication du premier texte se dit justifiée par les progrès de la recherche
depuis la belle édition d’H.I. Marrou. Mais, si l’annotation est assez riche,
l’introducteur, qui fait le point des questions toujours en suspens (unité du
texte, auteur, date et lieu), n’apporte pas d’éléments nouveaux par rapport
aux positions de Marrou. Pour L’exhortation aux Grecs, il reste très prudent
sur les mêmes questions (en particulier pour l’attribution à Jules l’Africain) et
situe l’œuvre dans la deuxième moitié du IIIe siècle où elle aurait été placée
sous le patronage de Justin. Les traductions sont agréables à lire et l’ouvrage
comporte les éléments pédagogiques habituels à la collection des Pères
dans la foi.
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11. V. MINET est préoccupée par la question du corps pour des raisons
médicales et culturelles. Elle a essayé de l’éclairer théologiquement en
étudiant la théologie du corps chez saint Irénée sous le titre L’empreinte
divine. Son étude approche le problème du corps d’un triple point de vue :
l’anthropologie (l’homme comme corps, âme et esprit/Esprit ; l’homme créé à
l’image et à la ressemblance de Dieu ; l’image manifestée dans l’ouvrage
modelé lui-même) ; la christologie (le rôle médiateur de la chair et du corps
dans la personne du Verbe incarné) ; et l’eschatologie (la résurrection de la
chair, de la chair à l’Esprit, l’eucharistie, et la capacité de la chair à recevoir
l’incorruptibilité). Cela nous vaut une série d’analyses minutieuses et très
bien informées des grands textes de l’évêque de Lyon sur le thème du corps.
L’auteur manifeste un réel jugement dans l’interprétation et reste au plus près
des textes. À ce titre son travail rendra grand service. Mais il manque d’une
synthèse correspondant au sérieux de ses analyses et dégageant quelques
grandes avenues doctrinales. L’auteur reste très dépendante des auteurs
récents qu’elle cite avec presque trop de respect. La conclusion revient avec
justesse à l’apport de la pensée d’Irénée pour notre monde de culture.
12. Clément d’ALEXANDRIE, Les Stromates, Stromate IV, Intr., texte critique et
notes par Annewies Van Den Hoek, trad. de Claude Mondésert, « Sources
chrétiennes » 463, Cerf, Paris, 2001, 368 p.
13. Clément d’ALEXANDRIE, Paedagogus, ed. M. Marcovich, avec J.C.M. Van
Winden, “Supplements to Vigiliae Christianae”, vol. LXI, Brill, Leiden-Boston,
2002, p. 240 p.
120 B. SESBOÜÉ
14. ORIGÈNE, Homélies sur les Nombres III, Homélies XX-XXVIII, Texte latin de
W.A. Baehrens (G.C.S). Nelle éd. par Louis Doutreleau, « Sources chrétien-
nes » 461, Paris, Cerf, 2001, 396 p.
15. ORIGENES, Contra Celsum. Libri VIII, edidit M. Marcovich, « Supplements to
Vigiliae Christianae », vol. LIV, Brill, Leiden-Boston-Köln, 2001, 638 p.
16-17. Pamphile et Eusèbe de CÉSARÉE, Apologie pour Origène, suivi de Rufin
d’Aquilée, Sur la falsification des livres d’Origène, texte crit., trad. et notes
par René Amacker et Éric Junod, t. 1-2, « Sources chrétiennes » no 464
et 465, Cerf, Paris, 2002, 338 et 316 p.
18. Daniel HOMBERGEN, The second Origenist Controversy. A New Perspective
on Cyril of Scythopolis’Monastic Biographies as Historical Sources for
Sixth-Century Origenism, “Studia Anselmiana” 132, Pontificio Ateneo S. An-
selmo, Roma, 2001, 448 p.
19. F. LEDEGANG, Mysterium Ecclesiae. Images of the Church and its members in
Origen. « Bibliotheca Ephemeridum theologicarum lovaniensium » CLVI,
University Press, Uitgeverij Peeters, Leuven, 2001, 848 p.
20. Henri de LUBAC, Histoire et Esprit. L’intelligence de l’Écriture d’après Origène,
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Œuvres complètes XVI, Cerf, Paris, 2002, 650 p.
21. Origene maestro di vita spirituale, a cura di Luigi F. Pizzolato e Marco Rizzi,
“Studia patristica Mediolanensia” 22, Vita e Pensiero, Milano 2001, 316 p.
22. Attila JAKAB, Ecclesia alexandrina. Évolution sociale et institutionnelle du
christianisme alexandrin (IIe et IIIe siècles), « Christianismes anciens » vol. 1,
Peter Lang, Bern-Berlin etc., 2001, 376 p.
23. Patricia Andrea CINER, Plotino y Origenes. El Amor y la Unión Mistica,
Ediciones del Instituto de Filosofia, UNCuyo, Republica Argentina, 2001,
226 p.
12. Nous avons déjà fait le point de l’état de la traduction aux Sources
Chrétiennes des Stromates de Clément d’ALEXANDRIE (RSR 88, [2000],
p. 281-282) et présenté la parution du Stromate VI (RSR 90, [2002],
p. 258-259). Voici maintenant le Stromate IV, dont le P. Mondésert, grand
spécialiste de Clément, avait pu achever la traduction avant sa mort en 1990.
A. van den Hoek a repris pour base de l’établissement du texte l’édition de
Stählin-Früchtel-Treu (GCS 52/2, Berlin 1972/3) qu’elle a corrigée sur un
certain nombre de points dont la liste intégrale est fournie. Elle a restitué le
mouvement de l’œuvre dans son introduction et a abondamment annoté le
texte. Une bonne bibliographie et une série d’index complètent cette excel-
lente édition. Ne restent donc à éditer et à traduire que le Stromate III, et les
fragments du VIII.
Ce Stromate porte sur le martyre et la perfection du gnostique. Mais il est
bien difficile d’en dégager un plan, tant les méandres de cette « tapisserie »
sont variés. Clément y fait un large usage de sa grande culture en citant les
poètes, les philosophes grecs et les textes de l’Écriture. Le moraliste y
trouvera nombre de réflexions judicieuses sur les différentes vertus, en
particulier la foi, l’espérance et la charité, et la conduite d’une vie vraiment
gnostique, c’est-à-dire contemplative. L’évocation du martyre, auquel il ne
faut pas s’offrir spontanément, donne lieu à des pensées sur la souffrance, la
BULLETIN DE THÉOLOGIE PATRISTIQUE GRECQUE 121
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réduit à un seul manuscrit, le Parisinus, et à deux apographes de ce
manuscrit pour les parties manquantes ou défectueuses. Marcovich a
cherché à améliorer l’édition de Stählin là où le texte transmis ne donnait pas
de sens, en se référant aux sources de Clément et à son propre lexique. Le
volume ne donne que le texte grec et son apparat critique, sans aucune
annotation et ajoute en appendice au texte un certain nombre de scholia.
14. Avec ce troisième volume de la nouvelle édition des Homélies sur les
Nombres d’Origène, L. DOUTRELEAU achève l’œuvre entreprise de rénover
l’ancienne édition de 1951 (no 29 des « Sources chrétiennes ») selon les
normes scientifiques de la collection en présentant les homélies XX-XXVIII.
Ce bulletin a recensé les deux volumes précédents (RSR 85, [1997], p. 633
— sous la plume de M. Fédou — et 90, [2002], p. 259). Le troisième est de
la même qualité et l’on ne saurait trop remercier L. Doutreleau de son travail
patient et fécond.
15. M. MARCOVICH donne une nouvelle édition des huit livres du texte grec
du Contre Celse d’Origène. Il rend compte dans son introduction de la
tradition manuscrite directe (surtout le Codex Vaticanus graecus 386) et
indirecte (la Philocalie composée par Basile de Césarée et Grégoire de
Nazianze), et des débats sur la valeur respective de chacune ; il fait le point
des travaux de P. Koetschau et de A. Robinson à la fin du XIXe siècle ; il
évoque la découverte du papyrus de Toura dont la valeur est inestimable ; il
loue la traduction de H. Chadwick et la « meilleure édition existante » due à
M. Borret aux Sources chrétiennes, — la première à utiliser le papyrus de
Toura. L’éditeur se pose alors la question : « Après les œuvres monumenta-
les de Koetschau et de Borret pourquoi une nouvelle édition du Contre Celse
était-elle nécessaire ? ». La réponse tient au fait que ni Koetschau ni Borret
n’ont été suffisamment attentifs aux erreurs et aux lacunes du texte transmis
par les scribes anciens. C’est à ces erreurs que s’attaque principalement
122 B. SESBOÜÉ
cette édition nouvelle. L’éditeur affirme que les corrections introduites par lui
sont légion. Il a suivi, ce faisant, les traces de Élie Bouhéreau qui, vers 1700,
avait contribué à restaurer le texte original d’Origène, plus que bien des
scholars modernes. Il affirme présenter au lecteur un texte raisonnablement
digne de confiance.
Le volume ne comporte que le texte grec avec son apparat critique, une
bibliographie sélective et les index usuels des œuvres citées et des noms
propres. Il ne propose aucune introduction à cette œuvre d’Origène et ne
donne aucune note. Son intérêt ne vient donc que de l’amélioration du texte.
Des collations que nous avons opérées par sondages dans chacun des huit
livres du Contre Celse, entre le texte édité par M. Borret et celui de
Marcovich, ne donnent que de très maigres résultats. Les deux textes sont
quasi identiques et les apparats critiques très proches. De temps à autre,
mais sur des points minimes tenant à la ponctuation, à un terme ou à une
expression mise entre crochets, à un verbe composé ou simple, à l’attribution
à Celse d’un texte annoncé par Origène en style indirect, les deux auteurs
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font un petit choix différent. Sans doute certains progrès philologiques ont-ils
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été réalisés. Quoi qu’il en soit, regrettons que Marcovitch n’ait pas lui-même
indiqué les principaux passages à propos desquels ses corrections ont une
réelle importance pour la compréhension du Contre Celse. Mais on se
tromperait à penser que « les erreurs et lacunes » mentionnées par lui
puissent concerner le sens même de l’écrit d’Origène. Ses corrections
n’invalident en rien l’œuvre magistrale que constituent l’édition, la traduction
et les abondantes notes de Marcel Borret.
portrait de l’hérétique. Chacun des points sur lesquels Origène était attaqué
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au début du IVe siècle sera éclairci par des citations de l’Alexandrin.
La traduction est excellente dans son ensemble et l’annotation très riche.
Quelques remarques cependant : pourquoi avoir traduit presbyterii dignitate,
par dignité sacerdotale et non par dignité presbytérale ? Les deux termes
n’étaient pas synonymes pour Rufin. Pourquoi avoir traduit subsistentia, par
principe existentiel et non pas tout simplement par « subsistence » (avec un
e comme l’habitude s’est prise pour les textes patristiques), puisque le terme
grec hypostasis est gardé en référence dans la traduction de Rufin ?
Les éditeurs s’étaient contentés dans le premier tome d’une présentation
brève. Leur second volume donne une longue étude circonstanciée de la
composition et du contenu du dossier, situé dans son contexte. Ils se livrent
à une évaluation de la vérité historique propre aux deux témoins-adversaires
que sont Jérôme et Rufin. Le premier est obsédé par le Peri Archôn et réfute
de façon mordante les thèses de Rufin. Il prétend que l’auteur de l’Apologie
est Eusèbe et non Pamphile. Mais sa bonne foi est parfois prise en défaut. De
son côté, Rufin se montre trop crédule. Sa théorie des interpolations
hérétiques dans l’œuvre d’Origène est une construction de son esprit. Son
opuscule demeure cependant fort intéressant sur l’histoire des fraudes
littéraires dans l’antiquité chrétienne. D’autres chapitres de cette étude
présentent des témoignages anciens intéressant le dossier, analysent le
genre littéraire de ce premier livre (discours rhétorique de forme judiciaire), la
langue de Rufin et enfin la tradition manuscrite. On trouve en annexe un
commentaire philologique et de nombreux index. Cette édition constitue une
petite somme d’érudition sur l’Apologie pour Origène.
décennies qui ont précédé 553. Car notre documentation provient exclusive-
ment de sources hostiles. La principale est constituée par les biographies
monastiques écrites par Cyrille de Scythopolis. La précision des correspon-
dances historiques et des détails chronologiques donnés par cet auteur a
amené les historiens des temps modernes jusqu’à aujourd’hui (B. Flusin) à le
considérer comme un véritable historien et à lui faire confiance. C’est ce
préjugé trop favorable que l’auteur soumet à critique, au nom d’une fréquen-
tation des textes qui a accumulé ses doutes. Cyrille a décrit la seconde
controverse origéniste à la lumière de la « victoire » remportée sur les
origénistes ; son information était de seconde main et s’inscrit dans un
schème d’interprétation qu’on est en droit de soupçonner de partialité.
L’auteur présente donc en détail le corpus cyrillianum, plus particulièrement
la Vie de Sabas et la description qu’il donne de l’origénisme. Il analyse le
genre littéraire de ces biographies, celui de l’hagiographie issue de la
tradition initiée par la Vie d’Antoine d’Athanase. Il utilise le terme de
« discours hagiographique », proposé par M. de Certeau et repris par Van
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Uytfanghe, caractérisé par la stylisation de certains thèmes et archétypes.
On peut aussi parler de « biographie spirituelle ». L’hagiographie ne va pas
sans faire un certain angle avec la vérité historique ; or, c’est dans ce cadre
de biographies monastiques que l’histoire de l’origénisme se trouve incluse.
Cyrille accuse en particulier d’avoir été un leader du parti origéniste un
certain Léonce de Byzance que la critique identifie couramment avec le
théologien connu sous ce nom. Or ce que nous connaissons des œuvres du
théologien ne correspond nullement à cette accusation. Si l’on ne veut pas
remettre en cause l’identité des deux personnages, le témoignage de Cyrille
est alors sujet à caution. En fait, le portrait de Léonce de Byzance dépeint par
Cyrille apparaît comme une caricature, surtout quand celui-ci accuse Léonce
d’avoir été un crypto-origéniste prétendant défendre le concile de Chalcé-
doine. Hombergen en arrive ainsi à réhabiliter la thèse de Loofs en 1887.
Cyrille a écrit un récit partisan en faveur d’anti-origénistes qui défendaient en
même temps Théodore de Mopsueste dans l’affaire des Trois chapitres.
Cependant, la thèse de Loofs doit être conciliée avec la dénonciation
modérée de Théodore par Cyrille. Cela conduit à penser à une conversion du
camp anti-origéniste à l’orthodoxie impériale, qui prit ses distances avec
Théodore autour de 553. Il convient aussi de distinguer chez Léonce les
plans dogmatique et spirituel. Léonce n’est nullement origéniste au sens
doctrinal, position qui est aussi celle de B. Daley. Mais certains passages de
ses écrits révèlent une familiarité avec la spiritualité d’Evagre et l’environne-
ment inspiré par le mysticisme évagrien. La question devient donc celle du
conflit entre deux visions de la vie spirituelle. Le récit de Cyrille est erroné sur
les points les plus essentiels et reflète davantage les opinions postérieures
à 553 que les événements relatés. Cette conclusion ouvre la voie à de
nouvelles recherches, si l’on veut avoir une idée plus exacte du monde
monastique de la première moitié du VIe siècle, et prêter une plus grande
attention à la dimension spirituelle et cachée de cette crise. En définitive,
BULLETIN DE THÉOLOGIE PATRISTIQUE GRECQUE 125
nous ne savons pas qui étaient les origénistes de Palestine au VIe siècle. Le
conflit central se joua sans doute entre deux conceptions de la vie monasti-
que. Tout ceci ne doit pas conduire à une réhabilitation complète des
origénistes, mais demande de reprendre sur des bases nouvelles la nature
du conflit. Ce gros travail fait fonctionner à bon escient le soupçon qui doit
habiter tout historien.
19. C’est une véritable somme origénienne que livre F. LEDEGANG avec la
traduction anglaise de sa thèse parue en hollandais en 1992 et intitulée
Mysterium ecclesiae. Images de l’Église et de ses membres chez Origène.
L’auteur regrette l’oubli de l’ecclésiologie de l’Alexandrin dans les manuels, et
introduit son travail par la recension des recherches sur ce point depuis 1950
(en particulier les études de J. Chênevert en 1965 et de J. Losada en 1969).
Après une brève réflexion sur le problème naguère discuté entre allégorie et
typologie chez Origène, il justifie son propos d’étudier les images en tant
qu’images, c’est-à-dire un langage figuratif qu’il est difficile de systématiser
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tue un monde en lui-même qui a sa propre organicité et enveloppe l’Église
dans son ensemble, mais aussi chacun des croyants selon leurs différentes
fonctions.
Les images majeures retenues et analysées, chacune comme un tout qui
peut être lu séparément, sont au nombre de cinq : l’Église corps du Christ,
l’épouse du Christ, la famille du Christ, la maison et le sanctuaire, le peuple
de Dieu. Un sixième chapitre rassemble les images secondaires tirées « du
mystère sacramentel de la nature ». Chaque chapitre est une véritable
monographie, étudiant sous tous ses aspects l’image considérée. — Celle du
corps a une portée évidemment anthropologique, puisqu’elle essaie de
rendre compte des relations d’intériorité et d’inhabitation nouées entre le
Christ et les chrétiens. Toutes les fonctions du corps (yeux, bouche, langue,
lèvre, oreilles, chevelure, mains, pieds, etc.) sont inventoriées ; l’âme n’est
pas oubliée. Enfin le Christ est la tête de ce corps et de tout le cosmos. —
L’Église épouse du Christ nous ouvre un nouveau monde et plonge dans le
commentaire du Cantique des cantiques, du Psaume 45, de Mt 22,1-14 et
25,1-13, et d’Ep 5. Origène donne une place importante à l’Église des
gentils. Mais l’épouse sainte et pure est aussi la prostituée menacée de
divorce. Chaque âme connaît des vicissitudes dans son itinéraire entre péché
et sainteté. — La famille du Christ détaille ce qui revient à la mère, aux fils,
aux filles (avec la légère misogynie reprochée à Origène), aux enfants et aux
adultes, aux frères et aux sœurs, et enfin aux serviteurs. Cette image a des
racines scripturaires mais elle n’intervient pas comme telle dans le NT. En fait
l’image de l’Église-mère est subordonnée à celle de l’épouse. — L’image de
la maison « bâtie de pierres vivantes » (1 Pi 2,5), et du sanctuaire ou du
temple, permet de détailler le rôle des constructeurs et celui de chaque
pierre. Le Christ est à la fois le bâtisseur, l’architecte et le rocher sur lequel
l’édifice repose. Tous les éléments de la construction (piliers, poutres, etc.)
prennent sens. Le sanctuaire et le temple, lieux de l’habitation de Dieu, ainsi
126 B. SESBOÜÉ
que les objets du culte, sont des images du futur culte christocentrique. — Le
chapitre sur le peuple de Dieu reprend toute l’histoire du salut depuis la
création. Les grands personnages de l’AT (Noé, les patriarches, les Ju-
ges, ...), de même que les événements fondateurs (le passage de la mer
rouge, l’exode, la conquête de la terre promise) sont des images de l’Église
en train de se construire, jusqu’au passage au second peuple de Dieu,
l’Église proprement dite. Un trait intéressant, parmi tant d’autres, est la place
donnée par Origène au rôle respectif des Juifs et des gentils, car ce sont des
croyants venant des deux univers qui constituent l’Église. Cette perspective,
fondée sur Ep 2, a été trop oubliée dans l’ecclésiologie classique. — Le
chapitre 6 recueille tout ce qui sur la terre multiplie les symboles des réalités
spirituelles : le cosmos, la terre habitée, les arbres et les plantes, les
animaux, la montagne et la lumière, les nuées, la mer et le sel. Le bestiaire
spirituel d’Origène est prodigieusement riche, avec le bœuf et l’âne, le cheval
et le chien, le cochon, la gazelle et le lion, le renard et le serpent, le chameau,
sans parler des oiseaux et des poissons.
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L’auteur s’est interdit toute systématisation de l’ecclésiologie d’Origène. En
conclusion, il livre pourtant une esquisse descriptive de celle-ci. L’Église est
toujours visée selon l’histoire du salut : elle est préexistante à sa réalisation
historique, présente dès le commencement et même dans le dessein éternel
de Dieu. Le peuple de Dieu de l’AT, le peuple de l’alliance en constitue la
première réalisation. La venue du Christ fait de lui le fondateur du nouveau
peuple de Dieu, celui qui rassemble désormais aussi les païens. Cette Église
qui croit au Père, au Fils et au Saint-Esprit devient son corps et son épouse.
L’auteur poursuit sa présentation en suivant le schème des quatre marques
de l’Église : unité (dans la pluralité des offices et des fonctions), sainteté
(mais aussi péché, hérésie, discipline de la pénitence), catholicité (« Hors de
l’Église pas de salut ») et apostolicité.
Cet ouvrage est le type parfait d’une étude de thèmes. À propos de
chacune des images, démultipliées presque à l’infini, l’auteur enquête dans
l’œuvre d’Origène et analyse avec minutie les textes afférents. L’ampleur de
l’enquête dépasse même le domaine de l’ecclésiologie et s’étend à toute la
théologie d’Origène. Car l’auteur sait le lien entre l’ecclésiologie et l’anthro-
pologie, la christologie et la pneumatologie. Il rend ainsi le service de mettre
à la disposition de son lecteur la richesse particulièrement inventive des
métaphores multiples développées par l’Alexandrin. Il fait également l’inven-
taire des commentateurs modernes. Cet ensemble de monographies cons-
titue un instrument de travail qui sera très utile à tout connaisseur d’Origène.
Par exemple, l’ecclésiologie africaine est en train de redécouvrir la théologie
de l’Église-famille : les théologiens intéressés par cette perspective seront
heureux de trouver ce thème largement mis en œuvre par Origène. Mais trop
attaché à l’analyse et à la description, l’auteur est resté prisonnier de son
désir de ne pas systématiser. La conclusion finale, quelque peu formelle, ne
constitue pas une synthèse à la hauteur des analyses. Le lecteur a du mal à
dégager de grandes avenues dans cette épaisse forêt.
BULLETIN DE THÉOLOGIE PATRISTIQUE GRECQUE 127
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par huit pages d’errata recensés dans le texte primitif par G. Chantraine et
M. Fédou, et un précieux index des noms de personnes, qui manquait à
l’édition primitive.
On ne peut que remercier les deux éditeurs du sérieux de leur travail. Mais
il est difficile de ne pas exprimer aussi un regret qui vaut pour la totalité de
l’édition des Œuvres complètes de H. de Lubac. Des contraintes financières
ont conduit à la réimpression anastatique du texte primitif gardé tel quel avec
sa pagination originelle. De ce fait, les errata n’ont pu être corrigés dans le
texte lui-même et donnent lieu à une liste difficilement utilisable ; la traduction
des textes grecs et latins n’a pu être insérée en note à la page où les citations
ont été faites. Le lecteur qui veut en profiter doit sans cesse quitter la page
qu’il lit pour se reporter à la fin du volume. Il est vraiment dommage qu’une
entreprise si importante pâtisse ainsi d’un manque d’argent et ne puisse
donner le texte vraiment amélioré que méritait l’œuvre du P. de Lubac.
Espérons que des mécènes permettront de pallier cette lacune pour la suite
de l’édition.
Histoire et Esprit, recensé aussitôt dans cette revue par Jean Daniélou
dans son « Bulletin des origines chrétiennes » (RSR 37, [1950], p. 605-
606 1), est un ouvrage qui n’a pas vieilli. À cinquante années de distance il
ouvre encore aujourd’hui une voie royale à la compréhension de l’exégèse
origénienne. Sans doute certaines vues ont pu être complétées, voire
corrigées par des recherches plus récentes comme celles de Jean Pépin, de
Pier Cesare Bori (Cf. RSR 80, [1992], p. 139-142) ou d’autres. Mais l’essen-
tiel demeure intact : c’est la mise au jour des trois grilles différentes qui
rendent compte, avec souplesse et selon des harmoniques subtiles, des trois
nous a laissé une notice (HE II,16,A) qui les présente comme les premiers
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hérauts de l’Évangile à Alexandrie, hérauts restés en lien avec le judaïsme de
la ville. On pourrait peut-être parler ici de frères en un premier temps
« jumeaux », selon l’expression mise en avant par André Paul. Peut-être
avec Origène nous trouvons-nous devant la « troisième fondation » du
christianisme à Alexandrie. — M. Rizzi traite du fondement épistémologique
de la mystique de Clément d’Alexandrie. Il montre qu’elle part du modèle
exprimé en 1 Co 13 : la foi correspond à la logique, l’espérance à la gnose ;
la nouvelle archè promise, qui ouvre le discours sur Dieu, correspond à
l’agapè. La philosophie chrétienne chez Clément se résout dans le silence
mystique de l’assimilation à Dieu. — 2. En ce qui concerne la doctrine
spirituelle d’Origène, L. Perrone commente le De oratione en s’appuyant sur
quelques passages du Contre Celse : la prière est une ascèse qui conduit à
la connaissance de Dieu, par le colloque qu’elle institue. — G. Lettieri traite
d’Origène interprète du Cantique des cantiques, à partir des deux homélies
qui livrent le secret de sa mystique. La visée est anti-gnostique, mais
l’Alexandrin reste passionné par le mythe valentinien et en tire des analogies
pour l’interprétation du personnage de l’épouse. — G. Bendinelli présente le
« maître » origénien situé entre l’amour des lettres et la recherche du Logos.
Le didaskalos représente un ministère distinct de celui du prêtre et de
l’évêque ; il est le chercheur en Écritures celui qui interroge le texte biblique
dans un climat de gratuité. — G.Lozza propose une comparaison rapide
entre les exégèses d’Origène et de Grégoire de Nysse sur le Pater noster.
3. L’influence de la spiritualité origénienne a été peu étudiée jusqu’à présent.
G. Visona fait une place importante à l’influence d’Origène sur la spiritualité
d’Ambroise dans une étude qui montre l’étroitesse de la dépendance du
milanais par rapport à l’Alexandrin. — N. Pace évalue l’exactitude de Rufin et
de Jérôme dans la présentation des idées d’Origène sur l’exégèse d’Ephé-
siens, à partir du commentaire de Jérôme et de l’Apologie de Rufin, thème
important dans la première querelle origénienne. L’exactitude de Rufin est
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sources dont nous disposons pour retracer l’émergence de la communauté
chrétienne dans la ville. Pour le Ie siècle, nous ne disposons d’aucun
document. Nous ne savons pas quand ni comment le christianisme est arrivé
à Alexandrie. Les Actes des Apôtres ne parlent jamais de cette ville, si ce
n’est pour dire qu’Apollos en était originaire (Ac 18,24-25). Aussi paraît-il
difficile de se fier au témoignage d’Eusèbe sur l’évangélisation de la cité par
Marc, alors que cette donnée est ignorée par Irénée, Clément et Origène. Il
s’agirait d’un « mythe fondateur ». Pour le IIe siècle la recherche est d’autant
plus méritoire que le jugement admis était que « nous ne savons rien » de
l’implantation du christianisme à Alexandrie. L’auteur estime cependant
pouvoir rassembler quelques informations relativement nombreuses, mais
fragmentaires et éparpillées, et donner « un tableau exact des incertitudes ».
Dans cette communauté « plurielle » il resitue l’importance respective des
courants « gnostique » (Basilide et Valentin, les écrits de Nag Hammadi) et
« non gnostique » (avec l’utilisation d’un passage de Justin, Apol. I,29,2-3).
Mais rien ne permet de trancher la question de savoir si le premier
christianisme alexandrin fut d’origine gnostique ou non. Il serait d’ailleurs
prématuré de parler déjà ici d’« orthodoxes » et d’« hétérodoxes ».
« L’École d’Alexandrie » est décrite et définie à partir des témoignages
anciens et de prises de position modernes très contrastées : « École caté-
chétique » (E. de Faye) et « Institution ecclésiastique » (A. Méhat), pour en
revenir finalement à la position de G. Bardy. L’origine de l’École fut le fait, vers
180, de l’initiative privée de Pantène dont on ne sait pratiquement rien.
Clément vient après lui, — ce qui ne veut pas dire formellement qu’il « lui
succède » selon la formule d’Eusèbe — entre 195 et 202, mais sans plus de
mandat. On ne le connaît qu’à travers ses œuvres et ses auditeurs semblent
appartenir à la classe aisée de la ville. Le terme d’inculturation est bien trouvé
pour exprimer certains aspects de sa pensée. L’École ne devient école
officiellement reconnue et constituée qu’avec Origène. Quant au curriculum
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communauté chrétienne aisée de la ville ; un second, plus dépendant
d’Origène, s’attache à la vie ecclésiastique et sacramentaire, en particulier en
ce qui concerne la pénitence et le mariage. Pour le premier de ces
sacrements, il est étonnant que l’auteur ignore les études approfondies de
K. Rahner, parues dans cette revue, concernant « La doctrine d’Origène sur
la pénitence » (RSR 37 [1950], p. 47-97 ; 252-286 ; 422-456).
Ce livre comble avec richesse et talent une lacune importante dans notre
connaissance des débuts de l’Église d’Alexandrie. On doit louer l’auteur de
sa grande prudence devant les incertitudes de notre documentation (à une
exception près peut-être, par son insistance sur la situation dite « embryon-
naire » de la communauté d’Alexandrie à la fin du IIe et au début du
IIIe siècle). Certaines études récentes pèchent par le prurit de vouloir décider
de ce qui est indécidable au regard de nos sources. La modestie de certains
jugements est au service de la vérité.
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e il monachesimo orientale », Collectif, Edizioni Qiqajon, Comunità di Bose,
2001, 288 p.
28. Origene e l’Alessandrinismo Cappadoce (III-IV secolo), Quaderni di “Vetera
Christianorum” 28, Atti del V. Convegno del Gruppo Italiano di ricerca su
« Origene e la tradizione alessandrina », a cura di Mario Girardi e Marcello
Marin, Epiduglia, Bari, 2002, 390 p.
29.30.31.Lexicon Gregorianum. Wörterbuch zu den Schriften Gregors von Nyssa,
hrggb. von der Forschungsstelle Gregor von Nyssa an der Westfälischen
Wilhems-Universität. Leitung : Wolf-Dieter Hauschild. Band III, ear-
heôsphoros, bearbeitet von Friedhelm Mann, Brill, Leiden-Boston, 2001,
850 p. ; Band IV, zalè-iôta, bearbeitet von Friedhelm Mann, 2002, 510 p. ;
Band V, kagkasmos-kôphoô, bearbeitet von Friedhelm Mann, Brill, 2003,
560 p.
32. Anne Richard, Cosmologie et théologie chez Grégoire de Nazianze, « Col-
lection des Études Augustiniennes. Série Antiquité » 169, Institut d’Études
Augustiniennes, Paris, 2003, 552 p.
33. Francesco PILLONI, Teologia come sapienza della fede. Teologia e filosofia
nella crisi ariana del IV secolo, “Nuovi saggi teologici” 56, Edizioni Deho-
niane, Bologna, 2003, 200 p.
34. Andrew CARRIKER, The Library of Eusebius of Caesarea, “Supplements to
Vigiliae Christiane, vol. LXVII”, Brill, Leiden-Boston, 2003, 358 p.
35. Ephrem de NISIBE, Hymnes sur la nativité. Intr. par François Graffin, trad. du
syriaque et notes par François Cassingena-Trévedy, « Sources chrétien-
nes », no 459, Cerf, Paris, 2001, 344 p.
36. Les apophtegmes des Pères 2, Collection systématique. ch. X-XVI, intr.,
texte crit., trad. et notes par Jean-Claude Guy, « Sources chrétiennes » 474,
Cerf, Paris, 2003, 420 p.
37. I Padri DEL DESERTO, Detti editi e inediti. Intr., scelta e trad. a cura di Sabino
Chialà e Lisa Cremaschi, monaci di Bose, Ed. Qiqajon, Comunità di Bose,
2002, 318 p.
132 B. SESBOÜÉ
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duction des expressions ek tès ousias et homoousion dans le Symbole de
Nicée. A. von Stockhausen n’oublie pas la langue, la stylistique et la forme de
l’argumentation.
La seconde partie de l’ouvrage s’intitule Commentaire. On y trouve le texte
intégral de la lettre, selon le texte établi dans l’édition des Œuvres d’Atha-
nase, initiée par Opitz et récemment reprise (cf. RSR 85, [1997], p. 639-640),
ainsi que sa traduction allemande. Le tout est divisé en paragraphes assez
courts, faisant place à un abondant commentaire historique, théologique et
grammatical. De nombreuses indications historiques permettent de mieux
comprendre la conjoncture exacte de la lettre et sa visée. Les expressions
principales et les mots-clés au plan doctrinal sont passés au crible. Cette
somme d’érudition constitue un instrument de travail désormais nécessaire
pour la compréhension du rôle d’Athanase dans l’apologie du Symbole de
Nicée. On regrettera seulement que l’ouvrage ne comporte aucune conclu-
sion, permettant de faire un bilan un peu synthétique des enjeux théologiques
et historiques de cette lettre.
l’écriture des Homélies entre 395 et 410, c’est-à-dire sensiblement plus tard
que dans l’hypothèse de l’attribution au Sophiste. Asterius devait être prêtre,
mais certainement pas évêque. Il doit avoir vécu en Palestine ou en Syrie de
l’Ouest, vraisemblablement à Antioche (où il y avait encore à cette époque
une forte communauté néo-arienne), et dépend de Jean Chrysostome. Il a
fait de bonnes études en droit et l’on peut penser qu’il est passé par les
écoles juridiques de Beyrouth.
Le genre littéraire est celui d’homélies destinées à la prédication publique
et non d’un ouvrage d’exégèse, comme Richard l’avait montré. La Bible
d’Astérius comprend les deutérocanoniques, et elle est proche de celle de la
tradition antiochienne. Astérius semble avoir eu à sa disposition un recueil de
testimonia renvoyant à une recension très ancienne, mais chrétienne, des
Psaumes. L’auteur est un témoin de leur interprétation « prosopologique »,
mise en relief par Marie-Josèphe Rondeau, qui est à la recherche de celui qui
parle dans le Psaume et de celui à qui le locuteur s’adresse. Son exégèse se
situe dans une position moyenne entre le sens littéral et le sens allégorique
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distinguant par la pratique de la prosopologie). Quatre critères dominent ses
interprétations : un sens aigu de l’inspiration biblique, l’attention donnée au
titre et au genre littéraire du Psaume, afin d’en dégager le but (telos), la
référence au NT pour l’interprétation christologique, et enfin l’ordre de leur
succession qui a aussi valeur pour l’interprétation. Kinzig donne également
une analyse précise de sa langue et de son vocabulaire, comme de son style
assez typique et dit « asiatique » pour son usage de l’arsenal rhétorique et
son maniérisme. Astérius est animé par un réel antijudaïsme, il polémique
souvent avec les hérétiques tels qu’il les conçoit ; il est mesquin à l’égard des
païens. Mais le jugement de Kinzig sur Astérius est plus bienveillant que celui
de Skard. Ce n’est pas un exégète du rang d’Origène, de Didyme ou de
Diodore, mais il reste un bon témoin de l’homilétique chrétienne. Kinzig
donne la traduction allemande des 31 Homélies, sur la base du texte établi
par Richard, avec une abondante annotation. Son excellent travail jette une
lumière nouvelle sur la situation de ce corpus dans le cadre de l’exégèse
pastorale des Psaumes à la fin du IVe siècle.
d’Athanase, thème qui permet de mettre en regard ses actions et ses paroles.
Par spiritualité il faut entendre sa conviction religieuse exprimée par sa vie
intérieure et son comportement extérieur.
Une triple analyse des écrits d’Athanase est alors proposée : d’abord, celle
de ses écrits théologiques, car la séparation entre théologie et spiritualité
n’existait pas à l’époque. L’anthropologie et la sotériologie d’Athanase nous
présentent la création de l’homme dans le bien, son statut d’image de Dieu,
sa vocation à contempler Dieu, mais aussi sa chute, et enfin son salut par le
Verbe incarné qui lui permet de reprendre sa route vers la contemplation
divine grâce à une vie vertueuse. Cette vision dégage le chemin d’un progrès
spirituel qui conduit l’homme à Dieu. Il y a ensuite l’ensemble des enseigne-
ments ascétiques et monastiques qui s’inscrivent dans la tradition ecclésiale
et trouvent leurs racines dans les Écritures et les anciens Pères. Athanase
invite les vierges et les moines à la vie ascétique et les achemine à la
contemplation, sans qu’il s’agisse pour lui d’un programme de politique
ecclésiastique. Certaines interprétations données à ce sujet sont inaccepta-
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bles. Enfin, la Vie d’Antoine, œuvre centrale étant donné l’influence qu’elle a
exercée, montre que la voie vers Dieu a été rendue accessible par Jésus-
Christ. On y retrouve l’influence de la tradition biblique et patristique, et
spécialement celle d’Origène. Les chrétiens doivent cheminer sur la voie de
Dieu en cherchant à contempler Dieu avec une âme pure et dans une vie
vertueuse. L’ascèse est un moyen de l’avancement spirituel. Ces trois
enquêtes manifestent une grande cohérence entre ces divers témoignages.
Le point décisif sera donc de vérifier si la même cohérence existe entre ces
différents écrits et la « pratique » personnelle d’Athanase. L’auteur revient
alors aux débats du XXe siècle. Le « London papyrus 1914 », publié en 1924
et daté de 335, serait une nouvelle preuve de l’inconduite d’Athanase et est
venu alimenter une reconstruction de l’histoire de la crise arienne hostile à
l’évêque. Mais un jugement tout à fait autre est exprimé par Ch. Kannengies-
ser qui, en 1988, s’est insurgé contre le formidable préjugé de soupçon qui
semble s’être imposé aux études athanasiennes. D. W.-H. Arnold va dans le
même sens et propose une réinterprétation du témoignage de l’auteur arien
Philostorge et du fameux « London papyrus 1914 ». L’histoire de la vie
d’Athanase, suivie étape par étape, montre comment sa spiritualité a été
mise en œuvre dans sa propre vie et dans sa gestion de la controverse avec
les Ariens. C’est par une longue patience qu’il a pu obtenir la victoire finale.
Il a recherché toujours son réconfort en Dieu, orienté vers la récompense
céleste et porté par sa foi religieuse. En définitive, Athanase s’est inscrit dans
la tradition de la foi chrétienne telle qu’Alexandre la lui avait transmise. Les
deux sources antagonistes sont tellement contradictoires qu’elles sont irré-
conciliables. Constantin ne disait-il pas lui-même qu’il ne restait personne
que l’on put croire en l’affaire ? L’ensemble des accusations portées contre
Athanase est donc injustifié. À la limite elles lui font déjà le reproche de la
religion opium du peuple au profit des nantis et des puissants. L’évêque
d’Alexandrie était un homme de son temps et, à l’exemple de ses maîtres
BULLETIN DE THÉOLOGIE PATRISTIQUE GRECQUE 135
27. Sous le titre très adapté de Basile entre l’Orient et l’Occident, plusieurs
groupes de chercheurs italiens présentent les actes d’une rencontre tenue en
Cappadoce sur le rôle de Basile dans le développement du monachisme.
Une première partie étudie Basile en son temps. Les contributions se réfèrent
inévitablement à la recherche de J. GRIBOMONT, quitte à apporter quelques
nuances ou tempéraments aux jugements parfois excessifs du bénédictin. Il
s’agit en particulier du cas douloureux d’Eustathe de Sébaste, grand témoin
de la vie ascétique en Cappadoce dans la première moitié du IVe siècle —
non sans un radicalisme exagéré —, qui tomba ensuite dans l’hérésie au
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maître. La réhabilitation qu’en a donné Gribomont ne permet cependant pas
d’ignorer un caractère à la fois instable et entêté dans les questions
doctrinales. Le dossier de cette histoire depuis le concile de Gangres (vers
341) est ici repris (J. Driscoll) avec ses conséquences pour les orientations
du mouvement ascétique. L’action de Basile va dans le sens d’un meilleur
équilibre, plus social et plus ecclésial. J.-R. Pouchet revient sur la personna-
lité exceptionnelle de « l’homme-orchestre » que fut Basile à partir de sa
correspondance. Comment, dans une vie relativement brève, a-t-il pu être
présent sur tant de théâtres d’opérations ? À propos du rigorisme de Basile,
E. Baudry analyse sa conception du péché ; L. Cremaschi met en relief
certains traits de la vie commune dans les communautés basiliennes. Une
seconde partie aborde l’influence de Basile sur la tradition monastique
ultérieure, non seulement en Orient (monachisme byzantin, russe, Syrien et
Arménien), mais aussi en Occident (A. de Vogüé). Nous ne donnons ici qu’un
bref aperçu d’un ouvrage riche d’un large contenu.
Comme toujours dans les ouvrages collectifs, la variété des centres d’intérêt
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défie quelque peu le compte-rendu.
29.30.31. Nous saluons avec joie la parution des IIIe, IVe et Ve tomes du
Lexicon Gregorianum consacré aux œuvres de Grégoire de Nysse (cf. RSR
90 [2002], p. 268-269). L’œuvre progresse à un rythme rapide. Le réalisateur
en est toujours F. Mann. Le tome III parcourt de bout en bout la lettre epsilon.
On y trouvera des termes importants comme eikôn et ecclèsia. La forme
eipon du verbe legô et l’adjectif numéral eis donnent lieu à de véritables petits
traités grammaticaux et linguistiques. Quatre appendices viennent compléter
ce tome : le premier, dû au principal réalisateur de l’ouvrage F. Mann, est
consacré au verbe eimi selon ses différentes formes et ses multiples
significations, de la plus métaphysique à la simple copule, analysées en sept
chapitres, et comporte une centaine de pages. Il constitue une œuvre
exemplaire de philologie. L’appendice II, œuvre de V. Henning Drecoll,
regroupe en un ensemble très signifiant des mots fort importants de la
théologie trinitaire, comme energeia, energeô, ennoia, ennoéô, epinoia,
epinoeô, ergon, ergazomai, et de la christologie comme ensarkos, ensôma-
tos, enupostatos. L’appendice III, réalisé par R. Mariss est consacré au verbe
ekhô. Un quatrième appendice apporte enfin des compléments et des
corrections aux deux premiers tomes. Le tout constitue un volume assez
énorme de 850 pages.
Pour le tome IV, qui parcourt les lettres zèta et iôta, les auteurs ont renoncé
à intégrer la lettre kappa, car le volume aurait dépassé les mille pages ce qui
l’aurait rendu peu maniable. L’ensemble de l’instrument de travail dépassera
donc les sept tomes primitivement annoncés. Celui-ci traite de termes clés de
la pensée de Grégoire : vivre et vie (zaô, zôè, etc.), le vocabulaire de la
divinité (theios et theos, ce dernier article est un véritable livre de 90 pages et
de 270 colonnes), celui de la vision (en particulier theôria), celui des
propriétés (idios, idiotès, idioma), si important en théologie trinitaire. À travers
BULLETIN DE THÉOLOGIE PATRISTIQUE GRECQUE 137
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son rapport au monde qu’il a créé, donc sa transcendance absolue qui
dépasse toute connaissance. Les créatures se distinguent en créatures
spirituelles et créatures visibles et matérielles. Le symbole de tout ceci est
exprimé à travers l’image du Temple où le Saint des Saints, sphère divine, est
séparé par deux voiles des autres enceintes : une première tenture, devant
cinq colonnes, le sépare des créatures invisibles ; une seconde, devant
quatre colonnes, des créatures visibles. La césure la plus radicale reste celle
qui sépare Dieu du monde créé. L’homme, autre ange sur la terre, apparaît
comme un paradoxe dans cet univers bien ordonné, mais il permet de
dépasser cette dualité de base ; car il montre que l’esprit peut pénétrer la
matière et lui imprimer ses lois. De son côté, il révèle la vocation du monde
sensible à être transfiguré en Dieu, puisqu’il est à la fois spirituel et matériel.
Cette anthropologie se retrouve en christologie, où le Christ apparaît comme
l’union des extrêmes, puisque le Verbe de Dieu, en vue de sauver l’humanité,
s’anéantit pour habiter dans le créé sensible. Ces chapitres de la première
partie nous donnent de véritables monographies sur la transcendance de
Dieu et la création ; la providence et le problème du mal (traité comme chez
les autres Cappadociens dans des perspectives trop platoniciennes) ; le
monde intelligible (avec la difficile question de savoir si les anges ne
participeraient pas au cinquième élément d’Aristote, en ayant un corps
éthéré ; mais le vocabulaire de l’éther n’est sans doute qu’une métaphore
exprimant en même temps la nature spirituelle des anges et leur condition de
créatures) ; et la connaissance que les anges ont de Dieu. Le traité du ciel
pose le problème de son rapport au divin, mais Grégoire est très ferme dans
la distinction entre l’un et l’autre (le ciel lui-même appartient au monde
sensible et n’a qu’une analogie avec le monde intelligible) et s’inscrit dans la
tradition de la polémique contre l’astrologie. Le monde sensible est traité en
fonction de l’homme, puisqu’il a été fait pour lui. Son statut ontologique le met
dans une altérité radicale avec le monde intelligible, malgré le lien d’analogie
138 B. SESBOÜÉ
monde créé est soulignée. L’histoire du salut, telle que la comprend Grégoire,
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s’articule autour du Verbe de Dieu comme médiateur, à la fois en tant que
Dieu et en tant qu’homme. Il est dommage que l’auteur se justifie un peu vite
de ne pas parler de l’Esprit, alors que c’est un lieu où Grégoire apporte une
véritable nouveauté à la pensée de Basile. Le paradoxe de l’ouvrage est de
s’appesantir avec près de quatre cents pages sur la cosmologie de Grégoire,
dont l’auteur reconnaît qu’elle est d’un intérêt second pour le Théologien, et
de ne concéder que cent pages à l’étude de la Trinité dont elle affirme à juste
titre que là se trouve son apport doctrinal majeur. Le centre de gravité et
l’originalité du livre se trouvent effectivement dans le premier thème.
langage et des catégories, sur la portée des noms relatifs de Père et de Fils
— réflexion qui inspirera plus tard Augustin —, en vue de répondre à Eunome
sur le plan des raisons, plan « philosophique » annoncé par l’auteur 2. La
même critique pourrait être faite à son étude de Grégoire de Nazianze, qui
oublie que ce dernier a complété la réflexion basilienne sur les noms relatifs
en cherchant à caractériser l’origine du Saint-Esprit par une opposition
relative, celle de la procession. Ceci n’enlève rien à la valeur du Contre
Eunome de Grégoire de Nysse, dont l’auteur parle comme d’un chef-
d’œuvre, mais permet de mieux voir comment le « scholar » de la famille a
développé et systématisé les intuitions de son aîné.
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collections. Au cours du IVe siècle la bibliothèque fut fréquentée par plusieurs
Pères de l’Église, comme Grégoire de Nazianze et Hilaire de Poitiers. Elle
continua à exercer une grande influence au cours des Ve et VIe siècles. La
prise de la ville par les Perses Sassanides en 614 ne semble pas lui avoir
causé de dommages. Mais elle fut pratiquement détruite au temps de
l’occupation arabe à partir de 640. L’auteur estime que la bibliothèque
comportait 5 000 rouleaux de papyrus (et aussi un certain nombre de
codices), ce qui reste assez modeste au regard de la bibliothèque d’Alexan-
drie, dont les anciens disaient qu’elle en comportait 500 000, sans doute avec
une part d’exagération.
La méthode d’investigation consistait à partir des nombreuses citations et
références données par Eusèbe qui aimait citer les œuvres originales, à les
comparer aux autres témoins de la tradition manuscrite, et à interroger les
diverses formules d’introduction des citations. Cela permettait d’identifier les
citations qui sont de première main et de conclure qu’Eusèbe avait les textes
à sa disposition. Mais celui-ci a utilisé aussi d’autres bibliothèques comme
celle de Jérusalem. L’auteur passe ainsi en revue les différentes sections de
la bibliothèque, pour établir le degré de certitude auquel il est permis d’arriver,
degré plus facile à atteindre dans le cas de citations fermes que dans celui
d’allusions plus lointaines. Au terme de son enquête il feuillette en quelque
sorte le catalogue de la bibliothèque de Césarée au temps d’Eusèbe.
Philosophes : rien, semble-t-il, sur Aristote ; par contre, Platon (16 ou
17 dialogues intégraux), platoniciens et stoïciens très représentés, et Celse.
Poètes : ici la liste est très courte : Homère, Iliade et Odyssée, Hésiode, et
2. Celui-ci fait souvent référence à l’introduction que nous avons donnée aux
textes d’Eunome et de Basile, dans les Sources chrétiennes, mais il ignore, de même
qu’Anne Richard d’ailleurs, notre dernier ouvrage Saint Basile et la Trinité (Desclée,
1998) qui propose une analyse de tout ce débat sur le plan des raisons.
140 B. SESBOÜÉ
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35. Les « Sources chrétiennes », qui avaient déjà publié deux œuvres
d’Ephrem de Nisibe, en particulier les Hymnes sur le paradis, viennent de
donner les 28 Hymnes sur la nativité. L’introduction est signée du P. François
GRAFFIN, qui a lié son nom de travailleur infatigable à la Patrologie orientale
et qui vient de nous quitter dans sa 100e année. Que cette parution soit
l’occasion d’un hommage largement mérité, tant pour la grande compétence
de l’homme que pour sa souriante et discrète disponibilité. L’édition ne donne
pas le texte syriaque. La traduction, difficile pour un corpus poétique mais
réussie malgré quelques tournures précieuses, est de F. Cassingena-
Trévedy. Le genre littéraire est celui de couplets didactiques, séparés par un
refrain. Ephrem nous introduit aux fastes d’une liturgie orientale, tout en
donnant un enseignement. Il le fait par le jeu des formules et des antithèses
où les trouvailles sont nombreuses. Son inspiration est intarissable, parfois
prolixe, car il use largement du procédé associatif à la manière de Péguy. Elle
exprime une intériorisation lyrique des mystères du salut. La conception
virginale de Jésus est ici au premier plan de la méditation. Toute la Bible est
invitée à comparaître devant l’enfant né de Marie, dans un chatoiement
d’images. L’argument prophétique n’est pas mis en œuvre à des fins
apologétiques et théologiques, mais pour la présentation gratuite de la
beauté d’un dessein de Dieu contemplé dans tous ses tours. Les rapproche-
ments et les antinomies se répondent ; nombre de versets bibliques affleurent
en filigrane. Les correspondances symboliques sont légion, ne prenons
comme exemple que celle du parallèle entre la calomnie répandue sur la
virginité de Marie et celle sur le corps de Jésus enlevé du tombeau par ses
disciples : « Ils ont calomnié la conception : ‘Semence d’homme’ que cela ; et
aussi la résurrection : ‘Larcin d’homme’ que cela. Le sceau et le cachet les
ont condamnés et convaincus que tu étais du ciel » (X,9).
BULLETIN DE THÉOLOGIE PATRISTIQUE GRECQUE 141
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37. Allons de l’édition scientifique à l’actualisation. Dans un élégant petit
livre, deux moines de Bose présentent une anthologie de paroles des Pères
du désert, choisies dans les différentes collections. Laissant l’ordre alphabé-
tique traditionnel et ne cherchant pas à imposer à ces « dits » un ordre
organique, les auteurs ont préféré procéder par thèmes antagonistes, pour
souligner leur caractère d’apophtegmes et de fragments d’une grande
mosaïque, que le lecteur a charge de recomposer dans l’équilibre de ses
desseins et de ses couleurs. Les rubriques des différents chapitres sont très
concrètes et se réfèrent à la vie quotidienne. Elle s’expriment souvent sous la
forme verbale, soulignant ainsi leur côté de sagesse éminemment pratique.
Les références des textes aux collections sont données. C’est un riche petit
manuel de vie spirituelle pour le quotidien, qui nous est ici proposé.
38. Proclus of Constantinople and the Cult of the Virgin in Late Antiquity, Homilies
1-5, Texts and Translations, by Nicholas Constas, « Supplements to Vigiliae
Christianae », vol. LXVI, Brill, Leiden-Boston, 2003, 450 p.
39. Barsanuphe et Jean de GAZA, Correspondance, vol. III : Aux laïcs et aux
évêques, Lettres 617-648., intr., texte critique, notes et index par F. Neyt,
P. de Angelis-Noah, trad. par L. Régnault, « Sources chrétiennes » 468, Cerf,
Paris, 2002, 356 p.
40. Jean-Claude LARCHET, Saint Maxime le Confesseur (580-662), « Initiation
aux Pères de l’Église », Cerf, Paris, 2003, 288 p.
41. Philipp Gabriel RENCZES, Agir de Dieu et liberté de l’homme. Recherches sur
l’anthropologie théologique de saint Maxime le confesseur, « Cogitatio
Fidei » 229, Cerf, Paris, 2003, 432 p.
142 B. SESBOÜÉ
42. Assaad Elias KATTAN, Verleiblichung und Synergie. Grundzüge der Bibelher-
meneutik bei Maximus confessor, “Supplements to Vigiliae Christianae”
vol. LXIII, Brill, Leiden-Boston, 2003, 324 p.
43. Giovanni Climaco e il Sinai, [Collectif], Atti del IX Convegno ecumenico
internazionale di spiritualità ortodossa sezione bizantina, a cura di S. Chialà
e L. Cremaschi, Edizioni Qiqajon, Comunità di Bose, 2002, 398 p.
44. Roman CHOLIJ, Theodore the Stoudite. The Ordering of Holiness, « Oxford
Theological Monographs », University Press, Oxford, 2002, 276 p.
45. Syméon LE STUDITE, Discours ascétique, Intr. texte critique et notes par
Hilarion Alfeyev, trad. par L. Neyrand, « Sources chrétiennes » 460, 154 p.
46. La tradition grecque de la Dormition et de l’Assomption de Marie, Textes
introduits, traduits et annotés par Simon Cl. Mimouni et Sever J. Voicu, Cerf,
Paris, 2003, 244 p.
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importantes homélies sur le Christ et la Vierge. Sa préoccupation est
historique, philologique et théologique. La partie historique relate l’itinéraire
de cet adversaire décidé de Nestorius qui deviendra son second successeur.
Comme nous savons peu de choses sur Proclus (né vers 390 et mort en
446), l’auteur nous présente la situation du christianisme devant l’hellénisme
à l’époque, ainsi que les successions épiscopales à Constantinople. Il est peu
probable que Proclus ait connu Jean Chrysostome, mais il a été le fidèle
secrétaire d’Atticus jusqu’à sa mort. La succession de ce dernier ouvrit un
conflit dans la ville entre deux prétendants, Philippe et Proclus qui furent
exclus au profit de Sisinnius. Proclus fut alors élevé à l’évêché de Cyzique,
mais ne put jamais prendre fonction, parce que les gens de Cyzique avaient
déjà élu un évêque. Il revint donc à Constantinople et à la mort de Sisinnius
il fut encore une fois évincé du siège de Constantinople au profit de Nestorius
(428) dont le comportement peu urbain semble avoir rapidement déplu. Dans
le climat du conflit dogmatique naissant, Proclus prit parti pour les opposants
et prononça, au moment de Noël 430, sa fameuse homélie sur le Christ et la
Vierge Theotokos. Nestorius lui répondit et, après un compliment d’usage,
affirma ses propres thèses. Proclus ne participa pas au concile d’Ephèse,
mais son homélie fut insérée par Cyrille dans les actes officiels du concile. La
déposition de Nestorius du siège de Constantinople relança les conflits
internes à la ville et Proclus fut une fois encore évincé au nom du principe
qu’un évêque ne pouvait changer de siège. La quatrième fois sera la bonne :
Proclus fut élu au siège de Constantinople par volonté de l’empereur aussitôt
après la mort de Maximien en 434. Il trouvait la situation fragile laissée par
l’Acte d’Union de 433, et intervint avec vigueur pour vaincre la grande
réticence de nombreux évêques de l’Orient à abandonner Nestorius. Jean
d’Antioche le soutint. Une pression ecclésiale et impériale fut exercée sur les
évêques syriens et en particulier Théodoret de Cyr pour obtenir le ralliement
à l’Acte d’Union. Comme la résistance à la condamnation de Nestorius se
BULLETIN DE THÉOLOGIE PATRISTIQUE GRECQUE 143
maintenait, les évêques les plus récalcitrants furent exilés. La querelle mit
alors en cause les maîtres antiochiens de Nestorius et Proclus devint l’un des
protagonistes du combat contre Théodore de Mopsueste et l’école d’Antio-
che, qui aboutira plus tard à la condamnation des Trois chapitres en 553.
Pendant les douze ans de son pontificat, qui se situe entre Ephèse et
Chalcédoine, son activité fut confisquée par la controverse christologique et
la promotion du culte de la Vierge Marie Theotokos. — L’auteur donne
ensuite l’édition critique des cinq homélies, basée sur la collation de
20 manuscrits grecs du IXe au XVIIe siècle, sauf pour l’homélie 1, reprise du
texte établi par Schwartz. La traduction anglaise accompagne le texte grec en
vis-à-vis, avec introductions et notes. La première homélie est considérée
comme une pièce maîtresse de la littérature patristique et de la théologie
mariale. Le grec de l’orateur Proclus est très rhétorique et particulièrement
orné, presque baroque, soignant le rythme et multipliant les images, les
allitérations, les assonances et les rimes.
Proclus est donc intervenu dans la théologie mariale et la christologie.
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par l’oreille, puisqu’elle a entendu et cru la parole de l’ange. La voix de
Gabriel était porteuse de la Parole de Dieu : « J’ai entendu une parole et j’ai
conçu le Verbe et donné naissance au Verbe ». Ce thème était assez
répandu au Ve siècle. Le parallèle avec Eve était repris, puisque celle-ci avait
cru à la parole du serpent pour engendrer le malheur. Le Verbe a été conçu
sans que le sein ait été ouvert, de même que Jésus ressuscité apparaîtra aux
siens toutes portes closes. Proclus aime aussi employer l’image du sein de
Marie comme « métier à tisser » du voile de la chair du Fils de Dieu avec un
fil de pourpre. Cette perspective renvoie également à la robe rouge de la
passion, à la tunique sans couture de la croix et enfin au voile du Temple qui
se déchire. La christologie de Proclus est évidemment proche de celle de
Cyrille d’Alexandrie, pour les convictions fondamentales, l’affirmation de la
Theotokos, le refus de l’homme divinisé et la confession du Dieu incarné.
Cependant, l’archevêque de Constantinople, confronté aux difficultés venues
de l’Orient antiochien, reste plus prudent dans son vocabulaire. Il reprend à
son compte la formule de l’unique hypostase du Christ, mais jamais celle de
l’unique nature. Il affirme au contraire, dans une perspective pré-
chalcédonienne que cette unique hypostase assume dans l’unité deux
natures. Il lève ainsi l’ambiguïté monophysite du vocabulaire cyrillien. Sa
christologie est celle de l’unique médiateur, Verbe devenu chair, ni seulement
Dieu ni purement homme. Proclus sut lui aussi exercer un rôle de médiateur
entre les deux christologies rivales d’Antioche et d’Alexandrie. Cette mono-
graphie rend bien compte du rôle délicat qu’il a joué entre Ephèse et
Chalcédoine.
divers des réponses des deux vieillards. Les destinataires sont le plus
souvent des laïcs et les évêques de Gaza et de Jérusalem qui ont posé des
questions à partir de leurs difficultés pastorales. Le genre littéraire reste celui
que nous avons décrit précédemment. Ces réponses témoignent de l’inser-
tion très concrète des deux moines dans l’Église et la société de leur région.
L’ouvrage se termine par un bon index thématique.
40. Jean-Claude LARCHET, qui a déjà beaucoup publié sur Maxime, donne
une présentation synthétique de Saint Maxime le Confesseur (580-662). Le
genre littéraire choisi est celui des Patrologies, qui passe en revue tout ce qui
concerne la vie, les œuvres et la doctrine de l’auteur. La liste des œuvres de
Maxime, classée ici selon l’ordre alphabétique des titres latins — certes
pratique, mais l’ordre chronologique aurait été également intéressant — est
précise et complète. Elle comporte, après la brève présentation du contenu
de chacune, l’état actuel des éditions, traductions modernes et études. La
même présentation est faite des sources anciennes concernant Maxime.
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Trinité, la cosmologie et la création, l’anthropologie, la christologie et la
sotériologie, l’Église et les mystères (= les sacrements), la doctrine spirituelle
et la pneumatologie, l’eschatologie. On sent poindre ici ou là le point de vue
proprement orthodoxe de l’auteur (surtout à propos de l’Église de Rome),
mais avec discrétion et ouverture. Celui-ci n’oublie pas que Maxime est
antérieur à la grande division entre Orient et Occident et souligne que son
influence s’est également exercée en Occident. Éminemment orthodoxe
quant à la foi, Maxime ne saurait donc être annexé au bénéfice exclusif de
l’Église Orthodoxe au sens moderne. Une dernière partie donne la traduction
de deux petites œuvres, jusque-là inédites en français. L’ouvrage est enrichi
d’une bibliographie de 54 pages. Cet excellent instrument de travail rendra
les plus grands services non seulement à tous ceux qui cherchent à s’orienter
dans l’œuvre profonde de Maxime, mais encore aux chercheurs toujours en
quête d’un renseignement particulier.
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modèle de la divinisation du cosmos. Energeia et entelecheia coïncident. La
finalité tient la même position centrale chez Aristote et chez Maxime. Quant
à l’energeia des êtres créés, le mouvement leur appartient au titre même de
leur expression ontologique, plan sur lequel Maxime ne fait pas de différence
entre philosophie et théologie. Sa pensée s’élabore toujours sous le signe du
finalisme. Il met en œuvre différents schémas ternaires, du type ousia-
dunamis-energeia, ou dunamis-energeia-argia, pour rendre compte du mou-
vement finalisé des êtres créés.
L’étude du concept d’exis suit le même mouvement d’enquête (exis peut se
traduire par possession, par état ou par le terme latin d’habitus, bien différent
de celui d’habitude), à travers les mêmes références philosophiques, scriptu-
raires et patristiques. Exis joue un rôle fondamental dans la théologie
maximinienne de la divinisation. Nous sommes ici dans le domaine de
l’éthique et de la rencontre entre l’initiative de la grâce divine et la disposition
de la volonté humaine (gnômè, « faculté selon laquelle la personne dispose
sa volonté en vue de son bien final, naturel et surnaturel » p. 281). Exis et
energeia restent toujours en corrélation étroite dans l’acte du vouloir. L’exis,
qui est aussi vertu, souligne la différence ontologique entre l’homme et Dieu,
lui qui ne saurait avoir d’exis ni de propriétés, tandis que l’exis permet à
l’homme d’acquérir des caractéristiques divines et de progresser vers sa
propre divinisation.
Cette divinisation est le fait de la grâce divine pour des raisons qui tiennent
à l’ontologie (l’homme n’a pas de faculté susceptible de s’actualiser par une
divinisation) et à la réalité historique du péché d’Adam. Elle se réalise à
travers les missions du Christ et de l’Esprit, intervenant selon des modalités
complémentaires dans l’habitus réceptif de chaque divinisé. L’habitus de la
grâce intervient aussi dans les sacrements. La divinisation par la grâce
aboutit finalement à la divinisation dans la gloire. En terminant, l’auteur
évoque quelques traits de l’incidence actuelle de cette doctrine difficile et
146 B. SESBOÜÉ
A. E. KATTAN, qui nous vient d’un horizon protestant et est animée d’une
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intention oecuménique. L’auteur entend combler une lacune de la bibliogra-
phie maximinienne récente, en analysant les fondements de l’herméneutique
biblique du Confesseur. Après un aperçu sur la vie dramatique et le contenu
de l’œuvre de Maxime, l’auteur fait l’histoire de la redécouverte de ce Père
depuis les années 1940. Largement ignoré jusqu’alors et considéré comme
un compilateur, le Confesseur devient une originale figure de proue de la
théologie du VIe siècle. Après la première étude de M. Viller sur les sources
de Maxime, ce fut sa grande réhabilitation par H. Urs von Balthasar avec son
livre Liturgie cosmique. Depuis lors, de décennie en décennie les études et
les débats se renouvellent pour l’élucidation de sa pensée (H.I. Dalmais,
I. Hausherr, M. Doucet en 1972, l’« école » Le Guillou en France, en
1980 F. Heinezers et R. Brakes en Allemagne, en 1990 P.M. Blowers et les
études de J.-C. Larchet).
Comme l’exégèse scripturaire n’est pas une région isolée de l’œuvre de
Maxime, l’auteur entend la situer dans la cohérence globale de celle-ci. Il
remonte donc aux fondements ontologiques de la doctrine du Confesseur
concernant les logoi des différents êtres, ce qui l’amène à refaire l’histoire du
concept de logos depuis Héraclite jusqu’au Pseudo-Denys, en passant par le
NT, Justin, Origène et Athanase. Les logoi des êtres sont chez Maxime, ici
influencé par la tradition alexandrine et le Pseudo-Denys, la base ontologique
de la création ex nihilo. Chaque créature visible ou invisible est créée selon
un logos déterminé qui constitue le principe qui la définit, en même temps que
son modèle. Le logos est aussi le terme du mouvement de divinisation d’une
créature rationnelle vers Dieu. L’auteur évoque ici la trilogie des raisons
d’être, d’être-bien et d’être-toujours dont nous avons rencontré l’analyse chez
Renczès. Ces logoi sont en Dieu et peuvent être considérés comme une
partie de Dieu. Ils sont donc en affinité étroite avec le Logos divin, qui en est
le centre. Seul l’événement du salut et l’incarnation du Logos permettent une
représentation de ces logoi. L’incarnation apparaît comme le fil d’Ariane à
BULLETIN DE THÉOLOGIE PATRISTIQUE GRECQUE 147
partir duquel la structure des logoi ancrés dans le Logos divin peut être
articulée. L’herméneutique biblique du Confesseur a un autre fondement,
anthropologique, celui de l’ascension mystique. Celle-ci n’est possible que
par la rencontre et l’interpénétration de la nature divine et de la nature
humaine réalisées dans le Christ.
Sur cet horizon de compréhension, l’herméneutique biblique du Confes-
seur apparaît comme éminemment christologique. De même que le Confes-
seur affirme trois régimes de lois, la loi naturelle, la loi écrite et la loi de la
grâce, de même il enseigne trois modes d’incarnation du Logos, la première
par la présence du Logos dans le cosmos, la seconde par sa présence dans
l’Écriture (Maxime pose une sorte d’équivalence ou de symétrie entre
cosmos et Écriture) et la troisième par son incarnation historique. La doctrine
de ces trois lois lui permet de penser l’autocommunication de Dieu aussi bien
de manière horizontale dans l’histoire, que de manière verticale dans
l’expérience mystique. L’herméneutique biblique ne fait qu’un avec l’hermé-
neutique de la révélation. Sa conceptualité trouve dans la structure du Verbe
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incarné son principe organisateur et le modèle de son incarnation dans
l’Écriture, qui s’accomplit selon deux modes : l’un est à la surface du texte et
consiste dans les lettres, les syllabes et les voix, les textes et les histoires qui
fonctionnent comme autant de figures et symboles, et présupposent une
signification, parfois sous la forme d’énigme ; l’autre, à un niveau plus
profond, est le mouvement dans lequel le Logos abandonne son mode d’être
simple pour passer dans le multiple. Ce modèle christologique est aussi un
modèle anthropologique. Le principe de l’exégèse se modèlera donc sur la
relation entre les deux natures du Christ, telles que définies à Chalcédoine,
dans une sorte de périchorèse du divin et de l’humain et dans une dialectique
du se-dévoiler et se-cacher. Le sens littéral et le sens allégorique de l’Écriture
sont ainsi sans séparation et sans mélange. Sur tous ces points l’auteur tient,
avec Balthasar et Sherwood et contre Larchet, la dépendance de Maxime à
l’égard d’Origène, dont Maxime a lu et assimilé l’œuvre avec discrétion, afin
d’échapper aux reproches d’origénisme. L’exégèse de l’Écriture s’accomplit
dans la rencontre synergique et dynamique du logos du croyant avec le
Logos divin. L’Esprit Saint et l’effort humain y jouent aussi leur rôle. Cette
rencontre est un processus sans fin, car la parole de Dieu est inépuisable. La
distinction entre logos et tropos permet de comprendre que la multiplicité des
figures et des événements soit l’expression d’un Logos unique, puisque la
Parole de Dieu y devient chair. Quant à la pratique du Confesseur, elle met
en œuvre à la fois l’exégèse allégorique et l’exégèse théologique et dogma-
tique surtout dans ses écrits polémiques.
L’étude A. E. Kattan apporte une contribution importante sur un aspect
jusqu’ici négligé de la pensée de Maxime. Nul doute qu’elle ne doive trouver
place dans la considération totale de cette œuvre, même si elle doit
provoquer certains débats entre spécialistes. Elle apparaît sans doute bien
éloignée des préoccupations de l’exégèse contemporaine et ne se situe pas
148 B. SESBOÜÉ
43. Nous ne pouvons que signaler les actes de la IXe rencontre œcumé-
nique internationale de spiritualité orthodoxe consacrée à Jean Climaque et
le Sinaï. De nombreuses contributions situent l’higoumène dans le cadre du
monachisme sinaïtique de la fin du VIe et du VIIe siècles, ou de l’« école du
Sinaï » (I. Hausherr) ; elles étudient la spiritualité du livre l’Échelle, et
précisent les traits du portrait de ce « nouveau Moïse ».
44. R. CHOLIJ donne une étude synthétique sur Théodore Stoudite (759-
826), moine byzantin, higoumène de plusieurs communautés et réformateur
du monachisme. L’ouvrage contient sa première biographie moderne dé-
taillée, resituée dans le contexte de son temps et faite d’après les sources
originales. Sa vie fut très mouvementée en raison des conflits qui l’opposè-
rent à deux empereurs (en raison d’un mariage « adultérin » et de la reprise
de l’iconoclasme) et le contraignirent à trois exils successifs. Les œuvres de
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Théodore consistent en une Petite et une Grande Catéchèse, faites d’ins-
tructions données à ses moines, en quelques 600 lettres et autres écrits liés
à la Réforme Stoudite.
Le paradoxe de cet homme au rigorisme et à l’intransigeance légendaires
quant à l’obéissance de ses moines est qu’il s’opposa aux plus hautes
autorités de son temps, ecclésiales et séculières. Théodore était un homme
d’ordre, se référant à des structures de la société qu’il jugeait d’institution
divine. Respecter cet ordre demandait d’obéir aux autorités, qu’il s’agisse de
celles de l’empereur, de l’Église ou des responsables monastiques. Les
principes de l’autorité sont les commandements de Dieu, les ordonnances
ecclésiales, en particulier celles des conciles et les règles monastiques.
Toutes ont une égale force contraignante. La réforme monastique de
Théodore consistait en un retour au monachisme primitif, mais au mona-
chisme cénobitique et à ses grands législateurs. En disciple fervent de saint
Basile, il fut le docteur d’une obéissance monastique qui peut conduire
jusqu’au martyre. Or, ce même Théodore dut s’opposer aux autorités
impériales pour plusieurs cas graves. Mais il ne remettait nullement en cause
la doctrine traditionnelle du rôle spécial que l’empereur doit jouer dans la
société, car il est la tête d’un empire chrétien où la séparation de l’Église et
de l’État n’avait guère de sens. L’empereur est le protecteur suprême de ce
corps chrétien et de tous ses intérêts. La relation entre l’empereur et le
sacerdoce devait être une relation de concorde, où l’on attendait du premier
qu’il favorise la doctrine et la discipline de l’Église. Mais l’empereur n’est pas
au-dessus de la loi de Dieu. Il faut donc résister à tout ce qui attaque
publiquement l’intégrité de la vie chrétienne. Théodore s’opposa aux empe-
reurs seulement quand cette harmonie fut brisée et qu’ils abusèrent de leur
position pour promouvoir ce qui était contraire au bien de la foi et de la
morale. Il s’appuyait dans sa résistance sur la tradition de Chrysostome, de
Maxime le Confesseur et de Jean Damascène. Théodore s’oppose en fait au
BULLETIN DE THÉOLOGIE PATRISTIQUE GRECQUE 149
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laïc et la profession monastique est un second baptême et un mysterion.
Théodore n’est pas un penseur original, mais un bon miroir de son temps. Il
fut davantage un organisateur et un leader qu’un penseur. Par exemple ses
vues sur le pape sont une expression intéressante de la pensée byzantine du
IXe siècle sur le ministère pontifical.
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tous ces documents respectent l’ordre d’un certain scénario où le merveilleux
tient une grande place : annonce angélique de la prochaine Dormition de
Marie ; réunion des apôtres autour d’elle ; enseignement de Pierre, départ de
l’âme de Marie au ciel, à la suite d’une apparition de Jésus ; hostilité et
outrages des juifs au cours des obsèques ; déposition du corps de Marie au
tombeau, puis son transfert au ciel ; visite du paradis par les apôtres. Ces
documents distinguent nettement la mort de Marie ou sa dormition, c’est-à-
dire le départ de son âme au ciel, puis la mise au tombeau de son corps et
enfin pour certains le transfert de son corps au ciel. Ils ne parlent pas de
résurrection. Les textes, agréablement traduits, font l’objet d’une annotation
abondante et de bons index. Cette publication met à la disposition des
théologiens et des chercheurs des textes peu connus mais importants pour la
théologie mariale (non seulement sur le thème de l’assomption, mais aussi
sur le développement de la titulature de Marie), et pourra stimuler une
recherche encore nécessaire.
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57. Brian E. DALEY, The Hope of the Early Church. A Handbook of Patristic
Eschatology, Hendrickson Publishers, Peabdy, Massachussets, 2003.
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l’Écriture en vint à dominer la prophétie. L’instauration de l’épiscopat y joua
son rôle. Ce développement se constate de Paul et d’Hermas à Jean, à Justin
et à Hippolyte. Ce changement affecte aussi l’exhortation morale qui ne
s’identifie ni à la prophétie ni à l’homélie. Cette évolution (dénommée en
anglais « scholasticization ») n’alla pas sans certains conflits entre prophétie
et prédication, comme en témoigne déjà l’écrit d’Hermas. La forme prophé-
tique sera attestée encore au IIIe siècle, en particulier dans le Montanisme.
L’exégèse ou diakrisis, qui servait d’abord à vérifier la prophétie à partir de
l’Écriture, devient l’interprétation de l’Écriture elle-même.
48. A. MERKT propose, sous le titre Das Patristiche Prinzip, une monogra-
phie consacrée au théologien luthérien Georges Calixte (1586-1656), per-
sonnage original en son temps en raison de positions que l’on pourrait
appeler « œcuméniques », et qui savait débattre amicalement avec des
catholiques. Il fut même considéré comme hérétique par ses coreligionnaires,
plus aimé des calvinistes et respecté par les catholiques qui appréciaient sa
modération et l’ouverture de ses positions. L’expression « principe patristi-
que » entend correspondre à la célèbre affirmation du « principe scriptu-
raire ». L’auteur resitue Calixte en son temps dans le courant humaniste, et
pour cette raison, irénique, qui traversait les frontières confessionnelles. Ses
positions se fondaient dans son concept de l’Église : tous ceux qui confes-
sent le Symbole de foi appartiennent à l’Église universelle et doivent se
considérer comme frères dans la foi, de même que dans une conception
scientifique de la théologie et une grande attention à l’histoire.
C’est dans ce climat intellectuel que Calixte élabora la théorie du consen-
sus quinque saecularis, qui entendait préciser le principe de Vincent de
Lérins, « ce qui est cru partout, toujours et par tous », dont Calixte avait édité
l’opuscule. Il entend surtout limiter le « toujours », en donnant à l’antiquitas
ecclesiastica un terme temporel clair. Ne peut aucunement valoir comme
BULLETIN DE THÉOLOGIE PATRISTIQUE GRECQUE 153
ancien (antiquus) à ses yeux ce qui n’est reçu que depuis deux, trois, ou au
mieux quatre ou cinq des derniers siècles. L’antiquité chrétienne se termine
au plus tard au XIIe siècle, avec la figure du pape Grégoire VII, jugé comme
le premier exemple manifeste du caractère antéchrist du ministère papal.
Mais l’antiquité « authentique », celle qui fait foi, se termine entre les années
429 et 629. Dans un autre texte Calixte la limite même à l’an 500. Si une
doctrine a rencontré le consensus ecclésial pendant les cinq premiers siècles
de l’histoire de l’Église, elle doit donc être tenue pour authentique. Ce
consensus, qui doit se formuler « aperte, frequenter, perseveranter » s’ex-
prime par le témoignage des grands témoins de la patristique et par celui des
conciles qui ont défini les mystères de la Trinité et de l’incarnation. Il constitue
l’argument de tradition et fonde une certitude de foi qui ne permet pas de
douter de l’inerrance de l’Église. Il concerne ce qui est nécessaire au salut et
a même valeur que la règle de foi. Calixte pensait être ainsi allé à la rencontre
du principe catholique de tradition.
Cette thèse posait donc un principe de connaissance secondaire de la foi
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qui venait composer avec le principe luthérien de la sola scriptura, ce qui
relativisait fortement l’autorité des Pères. L’auteur l’expose largement, sans
oublier que les mêmes Réformateurs développèrent ensuite une compréhen-
sion de la tradition reconnaissant en celle-ci le « témoignage de la vraie
doctrine ». La théorie de Calixte provoqua une grave crise dans l’Église
luthérienne allemande du temps, avec la querelle dite du syncrétisme
(1645-1656), et le théologien fut censuré par l’orthodoxie luthérienne. Sans
doute son principe ne correspond-il pas à la position catholique, telle qu’elle
fut exposée à l’époque au concile de Trente et dans l’œuvre célèbre de
Melchior Cano sur les lieux théologiques. Les adversaires de Calixte, Véron
et Erbermann, le critiquèrent non seulement sur la césure temporelle
arbitraire mais encore sur le refus de reconnaître l’autorité pontificale en
matière de doctrine. Le principe de Calixte connut un échec historique total.
Il provoqua paradoxalement le choc en retour du confessionnalisme qui fit
ensuite place aux idées de tolérance de l’Aufklärung. Mais le problème de
l’autorité des Pères resta posé du XVIIe au XXe siècle avec la tension
grandissante entre une connaissance plus scientifique des Pères et la
doctrine ecclésiale. Au terme de son travail l’auteur prend acte du change-
ment structurel de la situation de la patristique. Non seulement les Pères ont
largement perdu leur valeur d’orientation de la théologie dans les Temps
modernes, où leur considération est dominée par la recherche historico-
critique, mais on a même perdu le sens de la normativité spéciale de l’Église
primitive. Quelle est la limite temporelle de cette normativité ? Y a-t-il
vraiment un consensus des Pères sur les points du contentieux œcuméni-
que ? Finalement, qu’est-ce qu’un « Père de l’Église » ? Ces réflexions
intéressantes restent trop solidaires de la problématique de Calixte à laquelle
l’auteur se réfère toujours.
Cette étude, qui a reçu le prix de la Kurt-Hellmich-Stiftung pour la
recherche œcuménique, est à la fois un travail scientifique de par la richesse
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Irénée, Tertullien, Cyprien, Athénagore, Clément d’Alexandrie et Origène) est
brièvement évoquée. La seconde partie constitue un véritable traité du
gnosticisme : sources, caractéristiques et types divers, les grandes thèses
gnostiques : cosmologie, théorie de la connaissance, anthropologie, escha-
tologie, systèmes divers. Mais un seul chapitre aborde l’exégèse gnostique
proprement dite. La troisième partie s’occupe de la littérature des apocryphes
du NT : lettres, traditions des paroles du Seigneur, évangiles et actes
apostoliques apocryphes, apocalypses. Ce manuel, au contenu très informé
et aux riches bibliographies, reste quelque peu composite par rapport au titre
annoncé. Il constitue trois chapitres d’une patrologie. L’auteur, très soucieux
de la précision documentaire, ne prend pas toujours le recul qui lui aurait
permis de situer cet ensemble dans son horizon culturel et religieux.
Daniel et ce sont les trois hébreux dans la fournaise, signes eux aussi du
salut éternel et de la résurrection ; c’est la chaste Suzanne, image de l’Église
persécutée mais délivrée ; c’est Noé sauvé du déluge, parabole de la mort,
de la résurrection et de la nouvelle création, où l’eau et le bois, la colombe et
le corbeau prennent tout leur sens et où l’arche symbolise l’Église ; ce sont
Adam et Eve, confrontés aux deux arbres du paradis et à l’action du serpent ;
c’est Lot et sa femme, Lot fuyant Sodome et trouvant le salut ; ce sont enfin
les combats de David contre le lion, l’ours et le géant Goliath, symboles des
combats du Christ. Chaque thème est illustré dans sa riche polysémie par un
centon de textes patristiques, puis commenté à partir de plusieurs représen-
tations, soit de fresques soit de sarcophages, dont certaines sont données en
illustration. C’est toujours le thème du salut qui court dans le chatoiement de
ses multiples résonances : baptême, eucharistie, résurrection, eschatologie.
Chaque image de cette grande bande dessinée reste souple et sait se
transformer pour se renouveler, comme il arrive dans les surimpressions
cinématographiques. Il fallait beaucoup de science pour proposer de manière
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aussi claire les grands symboles qui ont porté la catéchèse de nos pères
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dans la foi.
52. L’étude de U. VOLP porte sur La mort et son rituel dans les commu-
nautés chrétiennes de l’Antiquité et constitue la première monographie sur le
sujet depuis plus d’un demi-siècle. L’ouvrage commence par une large
enquête sur la relation avec les morts dans l’environnement du christianisme
ancien, la culture funéraire de l’Égypte, du Judaïsme, de la Grèce classique,
de la république puis de l’empire romain : rites d’enterrement, forme des
sépultures, repas et dons funèbres, musiques, rôle de la famille et de la
communauté, problèmes de l’impureté des morts... L’examen de ces sources
ne renvoie nullement à un monde de rites homogènes car les échanges
culturels dans l’empire romain laissaient la place à des traditions très
différentes. Ce contexte permet de situer les pratiques funèbres chrétiennes,
étudiées dans les sources littéraires, archéologiques et artistiques : locaux ou
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liée à la mort. La loi juive était rigoureuse sur l’impureté du cadavre. La
réponse chrétienne fut sans ambiguïté, déjà dans le NT et plus encore chez
les Pères : les prescriptions juives en la matière n’avaient plus de valeur pour
les chrétiens. Mais cette attitude ne signifiait pas que la position chrétienne
était définitivement trouvée. Le fait que le défunt n’était plus regardé comme
impur ouvrira le culte chrétien aux rites de funérailles et de commémoration.
La question de l’impureté fut à nouveau soulevée dès avant le temps de
Constantin lorsque des fonctions publiques exercées dans les cultes païens,
où la pureté était d’une extrême importance, furent subitement reprises par
les chrétiens qui incorporèrent à leurs rituels des éléments païens de pureté
rituelle. Cette hypothèse, qui serait à confirmer par d’autres recherches,
pourrait expliquer les conflits soulevés à propos de la pureté des reliques
placées dans les Églises, qui émergèrent dans la seconde moitié du
IVe siècle. Les autorités chrétiennes dénièrent tout caractère impur aux
restes humains, ce qui constituait un changement décisif par rapport aux
positions du judaïsme et du paganisme. Elles prenaient au contraire en
compte la vertu (aretè) du défunt. La théologie des reliques était liée à la
conviction de la résurrection. La relique pouvait jouer un rôle purificateur,
puisque le défunt était endormi et non pas mort. La religion nouvelle ne se
contentait pas en effet de répondre aux questions existentielles, comme les
écoles philosophiques pouvaient le faire en s’en tenant à la simple idée de la
mort. Les textes chrétiens centraux mettaient au cœur de leur réflexion la
pensée de la résurrection des morts et réclamaient une intervention ecclé-
siale en cette sphère, au nom de la revendication universelle et totalisante
que le christianisme exerçait sur ses croyants. Les deux fonctions de religion
familiale et de culte public furent reprises par le christianisme au moins à
partir du IVe siècle. Même si l’Église de ce temps n’avait pas les ressources
et le personnel qui seront ceux du Moyen Age, cependant dès avant
Constantin nous rencontrons des rites et des fêtes dans lesquels les
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53. Anne JENSEN publie, sous le titre Femmes des premiers siècles
chrétiens, un ensemble de textes patristiques concernant les femmes. Une
bonne introduction indique les grandes rubriques du volume : femmes
apôtres, prophétesses, martyres, ascètes, vierges et moniales, veuves et
diaconesses, docteurs, épouses et mères. Quelques thèmes sur la féminité,
ainsi que la présentation de figures exemplaires, achèvent le tout. Les textes
proposés reproduisent le même mouvement : ils partent du NT, n’oublient pas
les Actes apocryphes ni les informations sur les pratiques sectaires ou
hérétiques et conduisent le lecteur jusqu’à la fin du Ve siècle. Retenons
quelques traits de ce florilège. L’idéal de la « femme virile » fait que la femme
continente est regardée « comme un homme ». Étant donné la suppression
des sexes dans le Royaume de Dieu, les femmes y entreront comme
hommes. Dans les apophtegmes des Pères il y a place pour les paroles de
trois « Mères du désert » (sur 150). Le synode de Gangres (340) refuse que
les femmes ascètes aient les cheveux coupés courts, car Dieu a donné à la
femme une longue chevelure pour lui rappeler sa dépendance. Mais les
règles ascétiques sont les mêmes pour les deux sexes. Chez les ascètes il y
a place pour l’érémitisme, le cénobitisme et aussi le mariage spirituel,
c’est-à-dire le mariage continent, soit après la mise au monde des enfants,
soit dès la nuit de noces. L’idée d’une vie commune purement fraternelle
entre clercs et vierges donnera lieu à des abus, ceux des femmes « subin-
troduites », dénoncés par Jean Chrysostome. Certains textes relatent le
diaconat féminin, dont l’ordination donne lieu aujourd’hui à discussion.
Certaines femmes pouvaient enseigner en fonction de leur culture, être
didascales et devenir maîtresses spirituelles. Peu de documents nous
renseignent sur les plus nombreuses, c’est-à-dire les épouses et les mères.
La doctrine d’Augustin sur le bien du mariage mentionne non seulement la
procréation mais aussi l’affection mutuelle entre les époux. À propos d’Eve et
de Marie, Irénée ne dit rien de la soumission de la femme à l’homme ; mais
158 B. SESBOÜÉ
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patristique sur les femmes, largement tenu par des hommes ? L’Église s’est
développée à l’évidence dans une société gréco-romaine patriarcale et son
héritage juif allait dans le même sens. La hiérarchie des deux sexes était une
évidence culturelle. C’est dans ce contexte qu’il faut évaluer la pénétration
progressive du personnalisme chrétien au bénéfice de la femme et condui-
sant à la reconnaissance de l’égalité des deux partenaires humains. Les
questions en débat et les jugements de valeur exprimés sont ici tout aussi
intéressants que les faits. Une comparaison plus systématique entre mœurs
chrétiennes et mœurs païennes permettrait sans doute d’arriver à une
interprétation plus ferme de l’évolution générale.
54. Qu’est-ce qui peut pousser un croyant à souffrir avec joie le martyre
pour le Christ ? La réponse à cette question est une petite théologie du
martyre aux premiers siècles que propose M. SUSINI, Le martyre chrétien,
expérience de rencontre avec le Christ. Les principaux témoignages du NT
(Étienne, Paul, les évangiles et l’Apocalypse), les Lettres d’Ignace d’Antio-
che, le martyre de Polycarpe, quelques actes des martyrs (Lyon, Perpétue et
Félicité) et enfin l’Exhortation au martyre d’Origène, permettent de recueillir
un florilège impressionnant d’expressions exprimant non seulement la ren-
contre mais encore une sorte d’« identité » entre le martyre et le Christ. C’est
Étienne dont le martyre reproduit les traits de la passion de Jésus ; c’est Paul
qui dit : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20),
et pour lequel « vivre c’est le Christ et mourir est un gain » (Ph 1,21). C’est
Ignace qui veut être un imitateur de la passion de son Dieu (Rom 6,3), « le
froment de Dieu », et qui comprend son martyre en termes eucharistiques ;
c’est le Christ qui souffre dans le corps du martyr. Ces témoignages
(marturia) font apparaître le martyre comme une vocation, un charisme et une
récompense, la conformation suprême au Christ et une anticipation de
l’eschatologie.
BULLETIN DE THÉOLOGIE PATRISTIQUE GRECQUE 159
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raisons innombrables, théologiques, philosophiques, morales, logiques et
techniques. Ces arguments sont largement inspirés du philosophe païen
Carnéade, mais revitalisés par le souci de dénoncer l’impiété de ces
croyances. Les réalisatrices annoncent un dossier analogue d’auteurs latins.
Cet excellent instrument de travail mériterait d’être lu par les chrétiens
d’aujourd’hui tentés de se fier aux nouveaux horoscopes donnés par les
média.
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