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Délégatio n départementale des Bouches-du-Rhône A l'attention de M.

Servi ce Santé Environn ement

S/C de
Affaire suivie par : . ,

Courriel : @ars.sante.fr

Téléphone: 04.

- - ~ --t1 ate-: 26-septembre-20113

Cette note a pour objet d'établir une analyse critiq ue du bilan d'activité du SCHS de MARSEILLE en
matière de lutte contre l' habitat indigne pour l'année 2017 qui vous a été commu niqué par M.
Padovani, élu à la santé de la Ville de Marseill e (cf. PJ) .

1. Contexte

Si la police spéc iale de l'insalubrité est dévolue au préfet du département, le maire de Marseille a
toutefois co mpétence pou r agir sur son territoire par déroga tion à la loi de décent ralisation de 1983 qui
stipule que l'hygiène est une com pétence de l'Etat.
Ainsi, le directeur du SCHS peut saisir le préfet en lui ad ressant des rapports motivés sur l'insalubrité
des immeub les, en vue de l'examen de ces dos siers par la commission spécialisée en insalub rité au
sein du CODERST.
L'AR S instruit les procédures, se porte garant auprès du préfet de la comp létude des dossiers et de
leur recevabilité et propose leur enrôlemen t à l'ordre du jou r des commi ssions .

Le nombre de logeme nts potentiellement indignes à Marseille représente une forte proportion du parc
immobilier dans certains arron dissements et a été estimé à plus de 40 000.

Aucune évolution à la baisse de ce nombre n'étan t visible depuis des années, la ministre chargée du
logement a demandé une inspe ction minist érielle qui a fait l'objet d'un rapport en mai 2015, dit
« rapport Nicol ».

2. Suites du « rapport NICOL »

La mission d' inspection Nicol a évalué la mise en oeuvre de l'action publique en la mat ière et a concl u
à l'insuffisance de l'engagement des procédures d'insa lubrité en évoqua nt une réponse institutionnelle
qui « n 'est pas à la hauteur des objectifs qui devaient être p artagés en matière de lutte contre l'habitat
indigne».

Pour améliore r cette réponse , elle précon ise notamment le renforcement des moyens du SCHS et de
l'ARS Cette mesure a fait l'obje t d'un bleu de Matigno n.

Il est déso rma is possible de dresser un prem ier bilan des suites qui ont été données par la ville au
rapport Nicol, en le mettan t en perspective avec la note interne confid entielle « ville de Mar seille » de
la Division Hygiène Publique qui a èté remise au DGARS au cours d'une entrevue avec le Docteur

Le maire de Marseille a effectivement renforcé l'équipe du SCHS courant 2016 en affectant 6 agents
contractuels à ce service. ce qui porterait l"effectif de l'équipe en charge de l'habitat dégradè à une

Il faut noter que ces agents ne possèdent pas de qualification particulière les rendant aptes à
apprécier les aspects techniques et juridiques nécessaires à la mise en œuvre des procédures
complexes en matière d'insalubrité .
Une seule journée de formation assurée par !'ARS a pu leur être dispensée fin 2016, le programme de
formation envisagé n'ayant pu être poursuivi par manque de volonté des équipes du SCHS.
La nomination d'un adjoint au chef de service du SCHS , chargé de superviser celte équipe renforcé e,
a également étè perçue dans un premier temps par l'ARS comme un signal positif.
Cependant. lors de leur prise de fonctions, l'ingénieure d'études sanitaires et la technicienne sanitaire
affectées à !'ARS pour apporter un appui au SCHS de Marseille se sont vu opposer un refus
lorsqu'elles ont demandé à rencontrer cette équipe élargie, dont finalement elles ne peuvent apprécier
l'activité.
De façon paradoxale, après ces recrutements, l'activité du SC HS en matiè re d'engagement des
procédures d'insalubrité s'est effondrée : aucun arrêté d'insalubrité en 2016 .

La stratégie mise en œuvre par l'équipe affectée à !'ARS (complétée par une secrétaire
administrative) a consisté à faire évoluer les pratiques au sein du SCHS , d'aider les agents à fixer des
priorités d'intervention partagées et de les accompagner dans la mise en œuvre des procédures.
Il semble à première vue qu'une légère évolution se profile dans la mesure où lors des commissions
insalubrité du CODERST:
- en 2017, 6 doss iers ont été examinés
- en 2018, 9 dossiers ont été examinés,
- une amé lioration de la qualité des rapports d'insa lubrité mérite d'être relevée.

3. Analyse critique de l'activité SCHS en matière de LHI

• Un problème de méthode

S'il est possible de faire le constat d'une reprise apparente d'act ivité, il faut toutefois regretter une
différence d'appréciation en ce qui concerne l'évaluation de l'insalubrité dans les habitations. Il
apparaît que les agents du SCHS de Marseille ont tendance systématiquement à sous-évaluer la
gravité des dysfonctionnements qu'ils relèvent et minimisent leur impact sur la santé des occupants.
Les immeubles qui mériten t d'être qualifiés d'insalubres selon les agents de la DO13,- ne le sont pas
pour les agents du SCHS. De plus, il est souvent soutenu par les agents du SCHS que les
dégradations constatées sont clues essentiellemen t aux modes d'occupation.

A cette vision partiale de la situation, s'ajoute un manque de technicité évident de la part des
inspecteur s de salubrité de la ville. Les tentatives consistant à partager les acquis techniques des
techniciens de l'ARS , la pratique des méthodes de métrologie, la pratique de la méthode d'évaluation
des immeub les susceptibles d'être déclarès insalubres se sont soldées par un échec . Il est
rapidement apparu que cet appui n'est pas souhaité, cornme cela a été clairement exprimé en mars
2017 lors de l'unique visite conjointe qui a pu être organisée dans un immeuble marseillais .
Ainsi, si les rapports du SCHS comportent une description détaillée des lieux, leur consistance
technique reste encore insuffisante.

Le nombre de dossiers étudiés lors du CODERST demeure négligeable au regard d'une ville de
800 000 habitants, dotée d'un parc privé potentiellement indigne de 40 000 logements. En effet, il a
été statué sur l'insalubrité de 18 logemen ts répartis dans 5 immeubles.
Sur les 18 logements visités, il faut noter que 7 logeme nts sont vides de tout occupant.

2
Récapitulatif cles dossiers examinés en CODER ST Année 2017

-l- ; --- -- - ·-----


. ·t · Propriétaire
IMMEUBL E Copropne e ,1 . Vacant

- •·-'r- - --- -
- -1
1
,-
4, rue Bel Air
·----- - 1
X
..~.. -·--· - ..--------· l
,. - · ·····-··---- -
3Ioge ments
-
'
1 6 logemen ts vides (occupan ts
relogés par leurs propres moyens
47,rue de la suite à un incendie) comptabilisés
Coutellerie X X comme visés par une procédure
d'insalubrité
----- --- - -
Parties corn rnunes et 4
logem ents .
1
Immeuble-signalFParl'.lmS au
SCHS en 2015 suite à plusieurs
cas de satu rnisme (1°'
7, rue de Versailles X signalements tra nsmis au SCHS
en 2 012)
Intervention en 2017 du SCHS
sur dernand e du PEDEC
- ••M•- •--- -· ---• •

! Parties communes et 4 logements


i dont 1 vide. 1mmeuble connu du
i
SCHS depuis 2011 (avec envo i
9, rue Toussain t X X 1 de mises e n demeur e
1 municipales) + procédure de
pé ril
1 - --
14a, rue Baumont

Il 1
l i

1
1 logement
Signalement f ait au SCHS en
décem bre 2015

On peut s'interroger sur les critères qui poussent le directeur du SCHS à saisir le préfet. En effet, la
problématique sanitaire est prise en compte parfois dans des délais anormalement longs : 3 ans pour
le 7 rue de Versai lles et le 14a rue Saumont, et 7 ans pour le 9 rue Toussaint.

D'autre part, dans des secteurs où une partie importante de la population vit dans des logements
indignes, il est difficile de justifier une intervention sur des immeubles vides, même si la loi le permet
depuis le mois de janvier 2016. Ainsi. le SCHS ne semble pas partager les priorités d'intervention
définies dans le cadre du protocole LHI liant l'Etat et la ville et freine ainsi la dynamique nécessaire à
une action publique efficace.

Globalement, la prise en compte des réclamations de la population marseillaise en matière


d'insalubrité est génératrice d'inégalités de droit. En effet, le faible recours à la police spéciale du
préfet génère une situation de déni par rapport aux mesures protectrices auxquelles les occupants
d'immeubles insalubres ont droit. D'autre part, la ville se prive des possîbilités de contraindre les
bailleurs indélicats à faire les travaux demandés par l'arrêté préfectoral. Elle se refuse aussi la
possibilité d'engager une action pénale forte, le non-respect des injonctions du préfet est constitutive
de délits et passive de sanctions financières lourdes , voire de peines de prison.
• Analyse critique des chiffres avancés par le SCHS pour l'a nnée 2017

Le SCHS met en avant « 2210 dossiers traités concernant des logements privés. dont 1342 nouvelles
plaintes Z63 powsirites d'actioos erJgagées suc ctes plaint@s existar:itQa,, Il prèGiii8 qu8 Ghaqu8
logement aurait fait <<l'objet d'une visite ».

➔ La prise en compte d'un nombre aussi élevé cle dossiers suppose une capacité d'intervention
élevée qu i ne peut s'expliquer , compte tenu de l'effectif connu évoqué plus haut que par une
dégradation de la qualité du travail fourni. Ainsi , les constats établis par les agents du SCHS
ne donnent pas lieu à la rédaction de rapports. sauf lorsque leur rédaction est rendue
obligatoire pour un passage en CODERST . L'intervention se solde par une lettre de mise en
demeure adressée aux bailleurs, ne donnant pas de qualification à la situation , faisant état de
non-conformité par rapport aux règles éditées par le règlement sanitaire départemental. Le
caractère contradictoire rendu obligatoire par la loi de juille t 2000 n'est pas respecté. Un
courrier succint est en même temps adressé à l'occupant. Il est informé du fait que le bailleur
est mis en demeure, sans qu'aucun détail sur le contenu des travaux demandés ne soit
donné. Il est précisé dans ce courrier que si l'occupant n'informe pas le SCHS des suites
données par le bailleLir. le dossier sera classé. Pour juger de la réalité des travaux demandés .
les agents du SCHS se basent sur les documents envoyés par le bailleur (factures, devis ... )
et s'exonèrent ainsi d'un contrôle sur place. Un dossier classé est compté parmi les dossiers
traités .

➔ En 2017. le PDLHI (Pôle Départemental de Lutte contre l'Habitat Indigne) piloté par la PDEC,
qui centralise en tant que guichet départemental les signalements habitat, recense 564 f iches
pour la ville de Marseille. Cela représente 42% des « 1342 » nouvelles réclamations
évoquées plus haut . Il faut se garder de comparer ces chiffres car les circuits de prise en
compte des situations de mal logements ne sont pas clairs du côté de la ville de Marseille. Le
SCHS privilégie une autonomie de fonctionnement par rapport aux règles que le PDLHI
essaie de foire partager. Ce service revendique le fait d'être saisi directement par la
population et n'en fait pas de retour aux instances préfectorales. Ains i, l'idée de mettre en
place une traçabilité des signalements sur la ville de Marseille est vouée à l'échec.

➔ Parmi ces,< 1342 plaintes» figurent« 105 dossiers LHI ». Pour rappel, la lutte contre l'habitat
indigne est définie comme suit : <<toutes les situations repérées dans lesquelles l'état des
locaux. installations ou logements . exposent leurs occupants à des risques pour leur santé ou
leur sécurité, et dont le traitement relève donc des pouvoirs de police exercés par les maires
et les préfets selon la nature des désordres constatés.>)
Cette référence au risque manifeste pour la santé et la sécurité concerne, du point de vue du
SCHS, à priori plus de (<105 dossiers en 2017 » alors que seules 5 situations ont été
présentées en CODERST. Ce contraste flagrant ne peut qu'interroger quant à la gestion par la
ville des situations à risque pour la santé et la sécurité des habitants.
Il faut tenir compte de la situation particulière de Marseille dont la population est très
paupérisée dans certains arrondissements o(J l'offre de logements est insuffisante et fait
basculer le rapport de force en faveur des bailleurs et où l'action publique n'est pas
suffisamment visible pour rétablir un équilibre. Dans ces conditions , affirmer que la mise en
œuvre de la police générale du maire, dont les effets sont limités permet de résoudre ces cas,
n'est pas réaliste.

Le SCHS indique être <<intervenu sur une centaine d'immeuble dans le dispositif LHI au titre d'étude.
de visite de diagnostic, de mise en demeure. d·action coercitive, de prise et suivi c1·arrêtés
préfectoraux dinsalubrité ».

➔ Nous ignorons à ce jour à quoi correspond le « dispositif LH/ » auquel il est fait allusion.
Par définition, le traitement de l'habitat indigne dont l'existence constitue un manquement
à des dispositions d'ordre public suppose la mise en œuvre des polices spéciales
exercées par les différentes autorités (arrêtés préfectoraux d'insalubr ité).

-1
Le SCHS précise que. dans le cas de mises en demeure du maire non suivies d'effets, « 71 procés-
verbaux ont été dressés».

-+ Pour rappel, les infractions au rè9lement sanitaire départemental son t qualifiées de


cont raventions de 3è classe allant jusqu'à 450 euros d'amende et relèvent
, 1 r , es <1 IcI emen ven iable puisqu'on ne sait pas combien de
transm issions au juge d'ins tance ont été suivies d'effet.

4. Proposition

Au vu des difficultés énoncées ci-dessus. qui perdurent depuis plusieurs années. force est de
constater qu e la question de la lutte contre l'habita t indigne n'est pas prise en compte de manière
satisfaisante par le SCHS de Marseille. Les enjeux sanitaires en lien avec cette situation sont
insuffisamment pris en considération et les populations les plus précarisées sont trop souven t
maintenues dans des immeubles dangereux pour leur santé el leur séc urité .

Il nous semble qu'une difficulté supplémen taire à un niveau plus politique interfère avec le parc
potentiellement indignes de grande importance et le défaut de mise en œuvre des procédu res
d'insa lubrité de la ville dP..Jvlai:seil~n e#e\,Aous-savons-qv'trne-fot te prnpe5rttmnleta populal1on est
mainte nue dans son logement via l'al loca tion au logement (CAF) garante de stabilité sociale dans un
territoire aussi fragile. L'action publique garantissant en partie les revenus locatifs, le mauvais état des
immeubles marseillais ne se j ustifie pas. Ce système entre tient une déresponsabi lisation des bailleurs
indélicats qu i n'ont aucun intérêt à entretenir leur patrimoine. L'insalubrité n'est pas forcèment le
corolaire de la pauvreté. Seule une mise en œuvre fo rte de l'act ion publique pourrait mettre un frein à
cette tend ance .

Les limites de l'action de !'ARS ont été très rapidement été atteintes. du fait que les services travaillant
pour l'Etat n'ont pas autorité sur les services municipaux, même si le maire de Marseille perçoit une
dotat ion globale de décentralisation.
Par conséquent, nous soumettons à votre arbitrage le désengagement de !'ARS de
l'accompagnement des équipes du SCHS de Marseille de manière officielle et donc des dispositions
prévues dans le rapport Nicol.
Pour utiliser au mieux les ressources qui nous ont étè donn ées, les moye ns dédiés à la DO 13 sont
affectés à la LHI sur le territoire de compétence de l'ARS comme le prévoit le rapport Nicol, les
équ ipes o nt revu les priorités d'accompagnement du SCHS de Marse ille au profit d'un
accompagnement renforcé du SC HS d'Arles pour lequel aucun arrêté préfectoral n'a été pris en 20 17
mais qui démontr e une volonté de se faire accompagner par !'ARS.

La nouvelle organisation en ma tière de LHI qui suppose la mise en œuvre des transferts de
compétences évoqués dans la loi ALUR (du SCHS vers un serv ice métropo litain) et réaffirmés par la
loi ELAN paraît la seule issue envisageab le à ce jour . La qualité du service métropo litain qui sera sans
doute créé sera la condition préalable à satisfai re pour qu'une action publique efficace soit mise en
œuvre en ma tière d'insalubrité.

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