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FÉVRIER 2015 NUMÉRO 7
’:HIKLTH=ZU^UUV:?a@k@a@h@p"
comprendre
L’ÉCONOMIE
Problèmes économiques invite les spécialistes à faire le point
1. Concepts et mécanismes
problèmes économiques
HORS-SÉRIE
4 REVUES POUR ÊTRE BIEN
INFORMÉ
problèmes économiques c a h i eç r s c a h i eç r s
HORS-SÉRIE
SEPTEMBRE 2014 NUMÉRO 6
L A FRANCE
FRRANCE
PEUTTELLE RESTER
PEUTELLE
comprendre COMPÉTITIVE
OMP ? ÉCONOMIE ET POLITIQUES
DOM : 9,40 € - MAROC : 100 MAD - TUN 19 DT - CFA 5900 - LIBAN 17500 LBP
L’ÉCONOMIE MONDIALE
DE LA CULTURE
Septembre-octobre 2014
Mai-ajuin 2014
’:HIKLTH=ZU]UUY:?a@a@k@g@p"
M 01975 - 6H - F: 8,00 E - RD
’:HIKPKG=]VUUUW:?k@d@s@a@a"
’:HIKPKG=]VUUUW:?a@d@s@c@k"
M 05068 - 380 - F: 10,00 E - RD
4,90 € 9€ 10 €
Questions
Le modèle suédois à l’épreuve
Questions
Norvège : fin de la social-démocratie ?
internationales
internationales
internationales internationales
L’influence iranienne en Irak Villes scientifiques russes vs Poutine ?
LE PATRIMOINE
Les canaux de Suez et Panama Le Nigeria au défi de Boko Haram
Histoire des capitales ivoiriennes À propos d’Incendies de Denis Villeneuve
Questions
Questions
du Sud
Les grands Une émergence en question
ports
N° 70 Novtembre-décembre 2014
N° 71 Janvier-février 2015
mondiaux
’:HIKTSJ=YVUUUX:?a@a@q@j@k"
’:HIKTSJ=YVUUUX:?k@a@r@a@a"
M 09894 - 69 - F: 10,00 E - RD
M 09894 - 70 - F: 10,00 E - RD
CANADA : 14.50 $ CAN
10 €
11,80 €
« EN VENTE EN KIOSQUE
Rédaction Nous vivons dans un monde où l’économie est omniprésente : pas un jour sans que
de Problèmes économiques les prévisions de croissance, les chiffres du chômage ou du déficit public ne fassent
Patrice Merlot (rédacteur en chef)
Olivia Montel
l’objet d’un traitement dans les médias. Ces dernières années ont été particulièrement
(rédactrice en chef des hors-série) riches en événements, puisque l’économie mondiale, et particulièrement la zone euro,
Markus Gabel (rédacteur) traverse depuis 2008 une ère de turbulences. Clef d’analyse de nombreux problèmes
Stéphanie Gaudron (rédactrice) de société, la compréhension des rouages de l’économie constitue un impératif majeur
Secrétariat de rédaction pour tous les citoyens. Il n’est donc pas surprenant que la question de la diffusion des
Anne Biet-Coltelloni connaissances économiques prenne une place aussi importante dans le débat public.
Promotion
Anne-Sophie Château
Avec cette série « Comprendre l’économie », Problèmes économiques participe une
nouvelle fois à ce projet ambitieux de vulgarisation des savoirs. Le découpage retenu
Secrétariat
Paul Oury offre une première entrée par les concepts et mécanismes fondamentaux (volume 1) et
29, quai Voltaire
une seconde par les grands problèmes économiques de notre temps (volume 2).
75344 Paris cedex 07 La réflexion des grands auteurs sur les phénomènes économiques a suscité depuis
Tél. : 01 40 15 70 00 plusieurs siècles de vives controverses, qui ont progressivement construit la
pe@ladocumentationfrancaise.fr
http://www.
science économique, et dont on retrouve l’héritage dans les savoirs contemporains.
ladocumentationfrancaise.fr/revues- C’est pourquoi ce dossier commence par un tour d’horizon des grands courants
collections/ économiques, en insistant sur les évolutions marquantes de la discipline au cours des
problemes-economiques/ trente dernières années. Les trois sous-ensembles qui suivent quittent l’histoire des
index.shtml
idées pour se concentrer sur les savoirs fondamentaux : sont ainsi analysés les outils
Abonnez-vous à la newsletter
de base des économistes d’aujourd’hui – externalités, imperfections d’information,
Avertissement théorie des jeux, instruments économétriques… –, le comportement – aux niveaux
Les opinions exprimées
individuel et agrégé – des principaux agents – entreprises, banques, ménages, État –,
dans les articles reproduits
n’engagent que les auteurs leurs interdépendances, mais également la dynamique et les mécanismes de régulation
de l’économie de marché. Pour finir, l’accent est mis sur le fonctionnement et les
Crédit photo :
Couverture : Corbis
dysfonctionnements de certains marchés – marchés financiers, marché du travail.
© Direction de l’information légale Les thèmes retenus ne couvrent pas tout le spectre de l’analyse économique. Outre
et administrative. Paris, 2015 l’impossibilité d’être exhaustif et le manque de place, nous avons fait le choix de
Conception graphique nous en tenir aux outils fondamentaux, avec l’ambition que ce numéro ne profite pas
Célia Petry seulement aux initiés, mais également aux néophytes. Nombre d’outils classiques mais
Nicolas Bessemoulin techniques, tels que le schéma IS-LM-BK, ne sont donc pas abordés ici en tant que
En vente en kiosque et en librairie tels. Les livraisons récentes de notre revue permettent, pour ceux qui le souhaitent,
(Adresses accessibles en ligne)
d’approfondir de nombreux points.
# Retrouvez-nous sur
Facebook et sur Twitter Olivia Montel
@ ProbEcoPE
IMPACT-ÉCOLOGIQUE
www.dila.premier-ministre.gouv.fr
sujets, il faut prendre en compte des ques- Ollion, et Yann Algan : « The Superiority of
[3]
Voir le document tions morales quand on traite de problèmes Economists3 ».
de travail 14/3 sur
matériels. C’est vrai pour l’économie comme
http://www.maxpo.eu/
publications_DP.asp.
[4]
pour les autres sciences sociales.
Il reste que la crainte non fondée de voir les
L’économie est-elle une science ?
Stiglitz J. (2014),
Principes d’économie économistes justifier la marchandisation du Le manuel de Joseph Stiglitz commence
moderne, 4e édition par cette affirmation : « L’économie est une
française, De Boeck,
monde révèle peut-être une autre inquiétude,
p. 17. celle d’une position dominante des repré- science sociale. Elle étudie le problème des
sentants de cette discipline qui conseillent choix dans une société d’un point de vue
les dirigeants politiques et économiques, scientifique, c’est-à-dire à partir d’une explo-
produisent des expertises pour les grandes ration systématique qui passe aussi bien par
organisations nationales et internationales et la formulation de théories que par l’examen
enfin s’expriment largement dans les médias. des données empiriques4. »
Ce sujet est aussi étudié comme le montre L’économiste construit des raisonnements
l’article récent de Marion Fourcade, Étienne logiques qui s’appuient sur des hypothèses
prometteuse, inspirée des sciences naturelles lement à développer les instruments statis- [4]
Cf. Rutherford M.
de l’époque, mettant l’accent sur l’empirisme, tiques compatibles avec cette approche : la (2000), « Institutionalism
comptabilité nationale émerge. Between the Wars »,
la collecte d’observations et les tests statis- Journal of Economic
tiques. Ils y insèrent également les apports Force est de constater que la Seconde Guerre Issues, vol. 24.
de la psychologie, du droit, de la philosophie mondiale apporte son lot de bouleversements
et de l’histoire. En rupture avec l’abstraction majeurs. En effet, la plupart des économistes
des néoclassiques, ils étudient l’économie et sont réquisitionnés pour l’effort de guerre, en
le comportement des firmes, non pas comme particulier aux États-Unis. Ils développent
la résultante d’un ordre naturel dont il fau- alors leurs compétences théoriques et statis-
drait dégager les lois, mais comme l’aboutis- tiques pour rationaliser la production mili-
sement d’une construction institutionnelle. taire, l’efficacité de l’armement, la gestion
Cette approche leur permettra d’aborder des de la demande globale et des prix. La nou-
sujets que la théorie néoclassique peine à velle orthodoxie d’après-guerre émerge de
étudier avec les hypothèses de l’agent ration- ces changements. Les économistes, à l’image
nel maximisateur, tels que les défaillances de des physiciens, construisent désormais des
Tâtonnement ou marchandage ?
LA CONCURRENCE
CONCURRENCE Le modèle précédent pose un problème de
IMPARF
IMP ARFAITE
AITE ET LES fond. Si les hypothèses de la concurrence
« FAISEURS DE PRIX » pure et parfaite sont respectées, tous les
acteurs sont « preneurs de prix », ce qui
L’irr
’irréalisme
éalisme de l’hypothèse
l’hypothèse des « pr preneur
eneurss signifie qu’aucun d’entre eux ne peut agir
de prix » (qui suppose un proc proces
essus
sus hyper- sur ces prix : comment expliquer alors que
centr
entralisé)
alisé) a conduit
conduit au dév dével
eloppement
oppement ceux-ci fluctuent ? L’analyse économique
des modèles
modèles de concurr concurrenc encee imparfait
imparfaite e recourt à une solution coûteuse pour son réa-
qui se rappr
rapprochent
ochent de l’é l’évidenc
vidence e lisme mais indispensable pour sa cohérence.
empirique : ce ce sont lesles entreprises
entreprises qui font font Elle suppose en effet que le tâtonnement qui
les prix. Dans ces ces situations modélisées, conduit à l’équilibre est le fait d’un agent fic-
les agents, du fait fait de leur
leur faibl
faible
e nombre
nombre
tif qui se charge d’annoncer les prix en fonc-
ou de leur
leurss inter
interactions
actions strstrat
atégiques,
égiques, ont
tion des écarts qu’il constate entre les offres
un pouvoir
pouvoir sur le le marché
marché qui s’e s’exprime
xprime
et les demandes pour chaque bien. Ce « secré-
dans leur
leur capacit
capacité é à fixer
fixer ou à influer les les
prix ; ils sont « pric price e maker
makerss ». Le cas cas le
le
taire de marché » ou « commissaire-priseur »,
plus extr
extrême
ême est est celui
celui du monopol
monopole e dans seul agent non intéressé du modèle, doit agir
lequel un seul productproducteur eur satisfait
satisfait à tout
toute e d’une façon bien spécifique : si la demande
la demande du marché. marché. Il peut alor alorss fixer
fixer nette (demande-offre) est positive, il aug-
le prix qui détermine
détermine la quantitéquantité vendue
vendue mente le prix ; si elle est négative, il le baisse
maximisant son profit. profit. Cette
Cette situation jusqu’à arriver au prix qui l’annule (offre =
peut être
être approchée
approchée par des entreprises
entreprises demande). Dans l’attente, les agents ne pro-
qui, par l’inno
l’innovvation ou le le marquage
marquage cèdent pas aux échanges et ne les mettent en
publicitair
publicit aire,
e, réduisent
réduisent la substituabilit
substituabilité é œuvre qu’une fois le prix d’équilibre établi.
des produits
produits pour le le consommat
consommateur eur et Ce processus implique donc une organisation
peuvent
peuv ent alor
alorss fixer
fixer un prix plus éle élevé pour très centralisée peu congruente avec l’idée
leur produit
produit ainsi différ différencié
encié (c(concurr
oncurrenc
ence e que l’on se fait spontanément de la « main
monopolistique)
monopolis tique).. Les modèles
modèles invisible » du marché.
d’oligopole
d’oligopol e montrent
montrent que la « compétition
En revanche, l’analyse d’un processus plus
entre
entr e quelques-uns » conduit conduit à une
décentralisé, comme l’échange entre deux
manipulation des prix mais ont un résult résultatat
agents en face-à-face, montre que le choix du
pluss indéterminé
plu indéterminé sur l’équilibrl’équilibre e final.
prix est indéterminé à l’intérieur d’une plage
Jean-Pierre
Jean-Pierre Biasutti et Laurent
Laurent Braquet
Braquet qui rend l’échange mutuellement avantageux.
Domine alors un marchandage dont le résul-
tat dépend de variables étrangères à l’écono-
mie (rapport de forces, us et coutumes).
dis que les producteurs maximisent leur pro-
fit. Les gaspillages sont éliminés. Dans la pratique, force est de constater que
les prix ne sont pas déterminés ainsi. Ils
Cependant, un certain nombre de conditions sont dans l’ensemble très rigides, ce qui
doivent être respectées pour que les méca- rend les mécanismes d’ajustement suppo-
nismes du marché fonctionnent ainsi. Il est sés entre l’offre et la demande très lents et
d’abord nécessaire que la concurrence joue générateurs de déséquilibres importants
normalement sur ce marché ; en particulier, dans l’entre-deux. Beaucoup sont fixés par
aucun intervenant ne doit pouvoir imposer ses le producteur et déterminés par application
Y2 Y1 Y1 Y2
LE PIB : APPROCHES
APPROCHES Troisième cascas : l’appr
l’approche
oche par les
les re
revenus
ET MODES DE CALCUL
CALCUL PIB = rémunér
rémunération
revenus mixtes
ation des salariés + EBE +
mixtes + impôts sur la production
production et
Il exis
existte trois
trois modes de cal calcul
cul du PIB aux les importations
importations – subventions.
subventions. On additionne
« prix du marché
marché » d’un pays ou d’une région. région. ici les
les re
revenus primaires
primaires (du trav
travail
ail et du
Premier
Pr emier cascas : l’appr
l’approche
oche par la production
production capit
apital).
al). Puis, pour obtenir
obtenir le
le PIB au « prix
PIB = somme des val valeur
eurs s ajoutées
ajoutées + du marché
marché », on ajoute
ajoute le
le supplément
supplément payépayé
impôts sur les les produits
produits – subventions
subventions sur du fait
fait des impôts (nets des subventions)
subventions)
les produits.
produits. En sommant des « val aleur
eurss sur la production
production et les
les importations.
importations.
ajoutées
ajout ées », on fournit
fournit une estimation
estimation des
On obtient le le PIB « réel » (ou PIB « en
flux de production
production annuels. Les val valeur
eurss
volume ») en retr retranchant
anchant du PIB à prix
ajoutées
ajout ées étant
étant évévaluées sans les les impôts sur
cour
ourants
ants (ou PIB « en val
valeur
eur ») les
les effets
effets
les produits
produits comme
comme la TVA, TVA, on ajoute
ajoute ces
ces
dernierss pour obtenir
dernier obtenir lele PIB aux « prix du de l’inflation.
l’inflation. Si un PIB en val
valeur
eur croît
croît de
marché
mar ché », puis on soustr
soustraitait les
les subventions
subventions 3 % et que l’inflation
l’inflation est
est de 3 %, la quantité
quantité
sur les
les produits
produits (dont le le but est
est d’influencer
d’influencer supplément
suppl émentairaire
e de marchandises
marchandises produit
produites
es
les niveaux
niveaux de production,
production, les les prix ou la estt global
es globalement
ement nulle
nulle : on dit alor
alorss que
rémunér
émunérationation des fact
facteur
eurss de production).
production). le PIB réel
réel st
stagne.
Deuxième cas cas : l’appr
l’approche
oche par la demande Pour mesurer
mesurer le
le niveau
niveau de vie moy
moyen de
PIB = dépenses de consommation
consommation finale finale + la population, on utilise le
le PIB par habitant
habitant
FBCF + export
exportations
ations – importations.
importations. qui, par définition, ne croît
croît que si la
On considèr
considère e ici le
le PIB sous l’angl
l’anglee de crois
croissanc
sance
e du PIB est
est supérieure
supérieure à cell
celle
e
la « demande globalglobale e », c’est-à-dir
c’est-à-dire e de de la population.
la consommation
consommation et de l’inv l’inves
estis
tissement
sement Thomas Fabr
Fabre
e
2. Compte de capital Remises de dettes (des non- Remises de dettes (des résidents
résidents vers les résidents), vers les non-résidents), achats S2
ventes de brevets, marques... de brevets, marques...
Toute inscription au crédit dans les comptes au plan des services, la France dégage un
des transactions courantes et de capital doit excédent et continue de posséder un point fort.
entraîner une inscription égale au débit du Concernant le compte financier, on constate
compte financier. en 2012 et 2013 un excédent pour les
Si la balance des paiements est équilibrée investissements de portefeuille et les produits
par construction, les différents comptes qui la financiers dérivés, traduisant des entrées
composent peuvent révéler des déséquilibres nettes d’épargne de la part des non-résidents
donnant des indications sur certaines forces en contrepartie du besoin de financement déjà
ou faiblesses d’une économie nationale, et évoqué. Les « autres investissements » voient
orienter les choix de politiques économiques. leur solde devenir nettement négatif en 2013 :
La somme des soldes de transactions les prêts et crédits commerciaux accordés par
courantes et de capital, si elle est positive, des résidents à des non-résidents ont nettement
révèle une capacité de financement de dépassé ceux réalisés en sens inverse.
la nation : l’épargne intérieure excède Enfin, on appelle « solde de la balance
l’investissement et permet de couvrir le déficit globale » la somme de tous les soldes,
d’épargne des non-résidents et/ou d’accroître moins les avoirs de réserve : lorsqu’il est
les réserves de changes (opérations qui se excédentaire (comme en 2012), cela signifie
traduisent par un déficit du compte financier) ; que la banque centrale a accumulé des
inversement, une somme négative révèle un réserves de change durant l’année, ce qui se
besoin de financement de la nation. traduit par une augmentation de la masse
En France, en 2012 et 2013, les résidents monétaire ; et inversement, lorsqu’il est
ont globalement un besoin de financement, déficitaire (comme en 2013). Attention : un
le solde des transactions courantes étant solde excédentaire se traduit par un signe
nettement déficitaire : c’est là une faiblesse négatif sur la ligne « avoirs de réserves » ;
récurrente de l’économie française. On un solde déficitaire, par un signe positif.
remarque néanmoins que cette faiblesse est
d’abord imputable au déficit de la balance Thomas Fabre
commerciale (ligne « biens »), lui-même lié (1) Pour une présentation plus détaillée, voir Chamblay D.
aux problèmes de compétitivité rencontrés (2008)., « La balance des paiements », Cahiers français
par l’industrie nationale. Et que, au contraire, no 345, Paris, La Documentation française, juillet-août.
LA TRAGÉDIE
TRAGÉDIE DES BIENS alor
al orss d’observer
d’observer la disparition de cert certaines
aines
COMMUNS res
essour
sourcces, c’est
appelle
appell
c’est ce
e la tragédie
ce que Garrett Hardin(1)
Garrett Hardin
tragédie des biens communs.
communs.
Les biens communs
communs sont des biens non L’int
’interv
ervention
ention de l’Ét
l’État
at est
est souvent
souvent néces
nécessair
saire
e
excluabl
cluables
es mais rivaux.
rivaux. De nombreuses
nombreuses pour limiter
limiter les
les prél
prélèèvements (ex (exempl
emple e des
res
essour
sourcces naturell
naturelles
es sont des biens quotas
quot as de pêche) mais les les trav
travaux
aux d’Elinor
communs comme
comme c’est
c’est le
le cas
cas par ex
exempl
emplee des Ostr
Os om(2) ont montré
trom montré que les les acteur
acteurss privés
privés
res
essour
sourcces halieutiques. Le fonctionnement
fonctionnement pouvaient
pouv aient évit
éviter
er cett
cettee tragédie
tragédie en mettant
mettant
du marché
marché sans interv
intervention
ention de l’Ét
l’État
at conduit
conduit en œuvre
œuvre des strstrat
atégies
égies coopér
coopérativ
atives,
es, ce
ce qui
à une sure
surexpl
xploit
oitation
ation de ses res
ressour
sourcces néces
néc essit
site
e un capit
capital
al social et institutionnel
institutionnel
car elles
elles sont acc
acces
essibl
sibles
es à faibl
faible
e coût
coût (un important.
import ant.
pêcheur n’a qu’à acheter
acheter son équipement, il Marion Navarr
Navarro
o
peut ensuite
ensuite pêcher autant
autant de poissons
poissons qu’il
(1) Hardin
Hardin G. (1968), « The TrTragedy of the Commons »,
veut gratuit
gratuitement)
ement) alor
alorss même qu’elles
qu’elles ont
Science
Scienc vol. 162, no 3 859.
e, vol.
une val
valeur
eur marchande
marchande (particulièrement
(particulièrement (2) Ostrom E. (1990) Go
Ostrom Govverning the Commons:
une fois
fois transf
transformées).
ormées). Les individus ont The Evolution
Evolution of Institutions
Institutions for
for Collectiv
Collective
e Actions,
donc tendanc
tendancee à surc
surconsommer ce ce type de Cambridge Univer
University
sity Pres
Press.
s.
dans le temps (exemple : les garanties sup- dépendent à la fois de la conjoncture écono-
plémentaires proposées pour certains biens mique et des actions commerciales.
durables permettent d’autosélectionner ceux Lorsque le principal n’observe pas l’effort –
qui anticipent un usage plus intense du bien, qui est coûteux pour l’agent –, celui-ci peut
alors que les autres se contenteront de la
être influencé par la forme du contrat. Dans
garantie de base du fabricant) et ils peuvent
le cas de l’agent commercial, un salaire
être améliorés par le recours à des dispositifs
fixe l’assure complètement contre les aléas
complémentaires (exemple : en assurance, le
conjoncturels et n’encourage pas les efforts.
bonus-malus tire parti de l’expérience obser-
Le contrat optimal passe alors par un arbi-
vée – survenue ou non de sinistres –, ce qui
trage entre partage de risque (lié au caractère
permet d’ajuster les termes contractuels en
aléatoire du résultat) et incitation à l’effort.
fonction du risque de l’assuré).
Le principal va inciter l’agent à l’effort (inob-
servable), en conditionnant ses paiements
Aléa moral et incitation aux résultats (observables). De nouveau,
Les situations économiques dans lesquelles l’équilibre entre les deux parties relève d’une
les résultats obtenus sont aléatoires, mais optimalité de second rang plutôt que de pre-
dépendent également des actions choisies mier rang. Cela tient au fait que l’agent qui
par les agents économiques relèvent de l’aléa tire au flanc bénéficie d’une rente liée au fait
moral. C’est typiquement le cas de l’agent que l’effort est inobservable et que le résultat
commercial dont les résultats de ventes ne le révèle pas parfaitement.
partie informée : la théorie du signal cerne pas, a priori, les capacités de son futur
employé, il peut s’avérer pertinent d’investir
Nous avons vu que certains agents pouvaient dans un signal de qualité : le diplôme. En
tirer parti de l’imperfection de l’information inventant les modèles de signaux, dans les-
et qu’ils n’avaient alors aucun intérêt à ce quels c’est la partie informée qui exhibe sa
que leurs caractéristiques soient publique- caractéristique, Spence a produit une justi-
ment dévoilées. Nous portons maintenant fication convaincante de l’éducation, inves-
notre attention sur des situations pour les- tissement en capital humain qui représente
quelles la divulgation d’une information aussi le coût que subissent les travailleurs
privée peut être dans l’intérêt des personnes efficaces pour informer l’employeur sur leur
informées (qu’elles soient en position de aptitude au travail. Cette théorie montre
principal ou agent). notamment qu’un travailleur efficace peut
En présence d’asymétrie d’information sur être amené à surinvestir en éducation afin de
la qualité d’un bien, le vendeur d’un article signaler ses compétences.
de bonne qualité peut être lésé alors même Ces modèles débouchent principalement
que l’acheteur serait prêt à payer davantage sur deux catégories d’équilibres : l’équilibre
s’il avait la certitude d’être en présence d’un mélangeant dans lequel chaque individu
des joueurs
joueurs conc
concernant
ernant les
les résult
résultats
ats du jeu.
Joueur 2
Dans l’e
l’ex
xempl
emple e du jeu 1, il y a deux joueurs
joueurs
C D
(1 et 2), chacun ayant
ayant à sa disposition deux
Joueur 1 C 3,3 0,5 str
trat égies (C et D). Les deux joueurs
atégies joueurs jouent
D 5,0 1,1 simultanément
simult anément (jeu st statique) et connais
connaissent
sent
parfait
parf aitement
ement la structur
structure e du jeu (jeu à
Par conv
convention,
ention, dans chaque case
case du tabl
tableau,
eau, information
information compl
complèt ète).
e). Le tabl
tableau
eau qui
le premier
premier chiffre
chiffre corr
correspond
espond à l’utilit
l’utilité
é du repr
eprésent
ésente e le
le jeu est
est appelé
appelé « matric
matricee des
joueur 1 (en ligne) et le
le second
second à l’utilit
l’utilité
é du gains » : il donne le le gain de chaque joueur
joueur 2 (en col
colonne).
onne). dans les
les quatre
quatre configur
configurations
ations possibl
possibles.
es.
Cette situation corr
Cette correspond
espond à un « jeu », au Enfin, les
les « gains » corr
correspondant
espondant ici à des
sens d’une inter
interaction
action strstrat
atégique
égique entre
entre niveaux
niv eaux d’utilité,
d’utilité, les
les préf
préfér
érenc
ences
es des joueurs
joueurs
plusieurss individus (les
plusieur (les joueur
joueurs s) libres
libres de sont reflét
reflétéesées direct
directement
ement par la val
valeur
eur de ces
ces
leur
eurss choix (leur
(leurss str trat
atégies
égies).). Puisque les
les gains, chaque joueur recher recherchant
chant le
le niveau
niveau
deux joueurs
joueurs jouent simultanément,
simultanément, on d’utilité
d’utilit é le
le plus éle
élevé.
parle
parle de jeu simultané
simultané ou encor encore e de « jeu
statique ». Par
Par ailleur
ailleurs, s, les
les deux joueurs
joueurs
(1) Une branche
branche de la théorie des jeux, initiée par von
von
ne pouvant
pouvant pas s’engager
s’engager préalabl
préalablement
ement à Neumann et Morgens
Morgensttern et qualifiée de « coopér
oopérativ
ative
e »,
prendr
prendre e cert
certaines
aines décisions, il s’agits’agit d’un « jeu s’int
’intér
éres
esse
se au contr
contrair
aire
e aux cas
cas où les
les joueurs
joueurs cherchent
cherchent
non coopér atif (1) ».
coopératif à former
former des coalitions
coalitions pour coor
coordonner
donner leur
leurss décisions.
corr
entre 0 et 10 euros
probabilit
probabilité).
orrespond
é). La val
euros avec
valeur
espond à la mo
avec la même
eur réell
éelle
e de l’objet
l’objet
moyyenne des deux signaux.
signaux.
JEU NO 6 : ENCHÈRE Chaque joueur doit fair fairee une offre
offre sous pli
À VALEUR
VALEUR COMMUNE
COMMUNE cachet
acheté é (sans savoir
savoir quelle
quelle est
est l’offr
l’offre
e de
l’autr
’autree joueur). Celui qui faitfait l’offr
l’offree la plus
Le jeu conc
concerne
erne deux joueurs,
joueurs, le
le joueur 1
éle
él evée emporte
emporte l’enchèr
l’enchère e et reç
reçoit
oit donc
(« vous ») et le
le joueur 2. Les deux joueurs
joueurs
reç
eçoiv
oivent
ent un signal priv
privéé conc
oncernant
ernant la l’objet. Par
Par conséquent,
conséquent, le le gain du vainqueur
vainqueur
val
aleur
eur d’un objet mis aux enchères.
enchères. Ce signal de l’enchèr
l’enchère e sera
sera égal à la valvaleur
eur réell
réellee de
corr
orrespond
espond à une valvaleur
eur comprise
comprise entre
entre 0 et l’objet diminuée du montant
montant de son offre, offre,
10 euros.
euros. Même s’ils’il ignore
ignore la val
valeur
eur du signal alor
al orss que le
le perdant
perdant gagne 0 euro. euro. (En cas
cas
de son partenair
partenaire,e, chaque joueur sait que la d’égalité
d’égalit é des offres,
offres, il y a tirage
tirage au sort pour
val
aleur
eur de ce
ce signal est
est distribuée
distribuée de manière
manière déterminer
dét erminer le le vainqueur
vainqueur.) .)
uniforme
unif orme (ce
(ce qui signifie que lesles signaux des Votr
otre
e signal indique une val
valeur
eur de 8 euros.
8 euros.
joueurss peuvent
joueur peuvent prendr
prendre e n’importe
n’importe quelle
quelle Quelle
Quell e offre
offre fait
faites-v
es-vous
ous ?
sissent une offre correspondant exactement à qué au sujet des enchères visant à attribuer les
la moitié de la valeur de leur signal, c’est-à- licences de téléphonie mobile ou encore lors de
dire bi = si/2 (cf. Zoom). On notera que, puisque l’attribution des droits de retransmission télé-
la valeur réelle de l’objet est (s1 + s2)/2, le vain- visuelle sur les grands événements sportifs.
queur de l’enchère fait toujours, à l’équilibre Un point important est que ce problème est lié
de Nash, un gain positif 9. à la rationalité limitée des acteurs. En effet, si
[9]
Dans le cas où s1 > s2 ,
on a : b1 = s1/2 > b2 = s2 /2 ;
Les résultats expérimentaux montrent que tout le monde joue l’équilibre de Nash, per- c’est donc le joueur 1 qui
les joueurs font des offres trop élevées par sonne ne peut être victime de la malédiction ! remporte l’enchère et il
rapport à la solution de Nash. Ce constat est Il s’agit donc d’un cas où la solution théo- réalise un gain égal à
(s1 + s2 )/2 – s1/2 = s2 /2.
important car il explique pourquoi le vain- rique n’est pas évidente et pourrait servir de
queur de ce type d’enchère fait bien souvent repère normatif puisque les joueurs perdent
des pertes, un phénomène connu sous le nom de l’argent lorsqu’ils s’en éloignent.
de « malédiction du vainqueur » (winner’s
curse). Prenons un exemple simple pour l’il- ***
lustrer. Supposons que les signaux des deux Une des évolutions majeures de la théorie des
joueurs soient s1 = 8 euros et s2 = 1 euro. La jeux moderne réside dans le développement
valeur réelle de l’objet est donc 4,50 euros. Si de la théorie des jeux comportementale qui,
le joueur 1 pense jouer la prudence en faisant sur la base d’observations expérimentales,
une offre de 5 euros bien en dessous de la cherche à intégrer des facteurs psycholo-
valeur de son signal (mais au-dessus de l’offre giques dans l’analyse du comportement des
de Nash), il gagne l’enchère, avec un gain final joueurs. Comme nous l’avons vu, les observa-
de 4,50 euros – 5 euros = – 0,50 euro < 0. Il a tions expérimentales n’invalident pas néces-
gagné l’enchère, mais a perdu de l’argent : il sairement les concepts d’équilibre, mais
est victime de la malédiction du vainqueur ! invitent plutôt à enrichir le modèle comporte-
mental des joueurs, et le cadre conceptuel de
Ce phénomène a été mis en évidence pour
la théorie des jeux est suffisamment flexible
la première fois dans le cas de la vente aux
pour intégrer ces nouveaux paramètres.
enchères des droits d’exploitation de gise-
ments de pétrole et il est fréquemment invo-
Par conséquent,
avec l’offr e b1])/2 =
l’offre
(s1 + E[s2|s2 < 2b1])/2 = (s1 + 2b1 /2)/2 =
(s1 + b1)/2. Par conséquent, la fonction
fonction de gain
RÉSOLUTION DU JEU espéré
espér s’écrit : G1 = (2b1 /10)[(s1
é du joueur 1 s’écrit
D’ENCHÈRE À VALEUR
VALEUR + b1)/2 – b1] = b1s1 /10 – b1²/10. Le gain espéré
G1 es
estt maximum lor sque dG1/db1 = s1 /10 –
lorsque
espéré
Mais elle crée aussi une variation au niveau l’estimateur de b1 s’interprète directement [3]
Mathématiquement,
des patients : les patients de médecins qui comme l’effet causal moyen de x sur y, sous l’espérance de u sachant
x est nulle :
ont été informés sur le traitement ont plus de une hypothèse clé : l’hypothèse de moyenne E (u|x) = 0
chances de recevoir ce traitement, et ce pour conditionnelle nulle du terme d’erreur3,
[4]
une raison qui n’a rien à voir avec leur état de c’est-à-dire que l’effet moyen des variables On vérifie alors
que l’effet moyen sur
santé initial (puisque la campagne de promo- omises est le même pour les différentes y d’une augmentation
tion a ciblé les médecins de façon aléatoire). valeurs de x4. Cette hypothèse est vraie par d’une unité de x vaut :
S’il s’ensuit une amélioration de leur état de construction dans le cas d’une expérimen- E (y|x = x0 + 1) –
E (y|x = x0) =
santé par rapport à ceux des patients des tation contrôlée : en vertu du tirage au sort, b1 + E (u|x = x0 + 1) –
médecins qui n’ont pas été invités à la ses- les variables omises du modèle prennent E (u|x = x0) = b1
accor
order
oche en termes
édit, on considèr
considère
termes de diviseur de
e que la banque commenc
der des crédits
crédits en sélectionnant
commence
sélectionnant
e
MULTIPLICATEUR
MULTIPLICA TEUR DE CRÉDIT des clients solv solvabl
ables.
es. Ce faisant,
faisant, elle
elle crée
crée de
L’appr
’approche
oche en termes
termes de multiplic
multiplicat ateur
eur centr
entral
ale.
e. Ce n’est
n’est que dans un secondsecond temps
temps
de crédit
crédit esestt cell
cellee qui, dit-on, a conv
convaincu
aincu qu’elle
qu’ell e cherche,
cherche, s’ils’il y a lieu, à se procur
procurer er
les banquiers
banquiers qu’ils créaient
créaient bien de la les liquidités
liquidités qui lui sont néces nécessair
saires.
es.
monnaie. Dans cett cettee approche,
approche, on suppose Dans cett
cette e seconde
seconde reprreprésent
ésentation
ation de la
que lesles banquiers
banquiers disposent de réserv réserveses création
cr éation monétair
monétaire e par lesles banques, la
excédent
édentairaires,
es, en monnaie banque centr centralale,
e, banque centrcentral ale
e n’a pas la maîtrise de la
c’est-à-dir
c’es t-à-dire e d’une quantité
quantité de monnaie création
cr éation monétair
monétaire. e. En effet,
effet, lor
lorsque
sque les
les
centr
entralalee ex
excesessiv
sivee par rapport
rapport à cece qui est
est banques manquent de liquidité liquidité et qu’elles
qu’elles
néces
néc essair
sairee pour fair
fairee fac
facee aux retr
retraits
aits des ne parviennent pas à se la procur procurer er sur lele
clients et aux règl règlements
ements interbanc
interbancair
aires.
es. marché
mar ché interbanc
interbancair aire,e, la banque centr
centralalee est
est
On montre
montre aloralorss que l’octr
l’octroi
oi d’un prêt
prêt placée
plac ée dev
devant le le fait
fait acc
accompli. La monnaie
corr
orrespondant
espondant à cett cettee réserv
réserve e ex
excédent
édentair
airee de banque a déjà été été créée.
créée. Refuser de
va déclencher
déclencher un effet effet en chaîne au sein du fournir des liquidités
liquidités conduir
conduiraitait à un risque
systtème bancair
sys bancaire, e, de tell
telle
e sorte
sorte que, en fin d’illiquidité
d’illiquidit é pour une banque particulière,
particulière,
de compt
compte, e, la quantité
quantité tottotal
alee de monnaie voir
oire
e pour le le syst
système bancair
bancaire e dans son
créée
cr éée est
est un multiple
multiple du crédit
crédit initial. Le ensemble.
ensembl e. Dans cett
cettee approche,
approche, ce ce qui est
est
multiplicat
multiplic ateur
eur est
est égal à l’inv
l’inver
erse
se du taux
taux premier
pr emier est est l’octr
l’octroi
oi de crédit
crédit par les
les banques
de réserv
réserve e que lesles banques respect
respectent
ent pour de second
second rang,
rang, donc la contr contraint
ainte e de liquidité
liquidité
disposer en permanence
permanence d’une quantité quantité qui pèse sur ces ces banques est est une contr
contraint
aintee
suffisante
suffisant e de liquidités.
liquidités. Dans cett cette
e conc
conception,
eption, souple.
soupl e. Réciproquement,
Réciproquement, comme comme le le montre
montre
l’e
’exis
xisttenc
ence e d’avoir
d’avoirss en monnaie banque l’e
’expérienc
xpérience e réc
récent
ente e de la politique monétair
monétaire, e,
centr
entralalee (base monétair
monétaire) e) est
est une condition
condition si la banque centr central
alee fournit
fournit en abondance
abondance des
néces
néc essair
sairee pour que les les banques de second
second liquidités
liquidit és aux banques de second second rang,
rang, cela
cela ne
rang créent
créent de la monnaie. La banque centr centralale
e garantit
gar antit pas que ces ces dernières
dernières vontvont acc
accororder
der
a donc dans ce ce cas
cas la maîtrise de la création
création des crédits
crédits aux agents non bancair bancaires.es.
monétair
monét aire,
e, puisqu’elle
puisqu’elle décide de la création
création
de la base monétair
monétaire. e. Alain Beitone
Beitone
donc, c’est la qualité de la monnaie (plutôt « circuitistes » français (A. Parguez, F. Pou-
que sa quantité), c’est-à-dire la solvabilité lon, etc.), les régulationnistes (M. Aglietta,
des agents auxquels les banques accordent R. Boyer, etc.) et les conventionnalistes (A.
des crédits. De plus, on considère que les Orléan, etc.).
banques commencent par accorder des cré-
dits et se préoccupent ensuite d’assurer
leur liquidité en se procurant la monnaie La neutralité de la monnaie
banque centrale nécessaire aux règlements
interbancaires. La création de monnaie doit
et la théorie quantitative
[3]
Le Bourva J. (1962), être pensée en termes de diviseur de crédit3. Les versions successives
« Création de monnaie La conception endogène de la monnaie est
et diviseur de crédit »,
Revue économique, défendue par les post-keynésiens (N. Kaldor, Une longue tradition de l’analyse économique
vol. 13, no 1. J. Robinson, M. Lavoie, H. Minsky, etc.), les considère que la monnaie est neutre. Les for-
conc
oncept
ser ni le
de Minsky conduit
le principal ni la dette.
conduit à démontrer
ept de « par
parado
adox
dette. L’anal
L’analyse
démontrer,, à partir du
xe de la tranquillit
tranquillité
yse
é », que
MONNAIE ENDOGÈNE ET dans une situation d’endettement
avec
av ec de faibl
faibles
es taux
d’endettement prudent
taux d’intér
d’intérêt,
êt, cert
certains
ains agents
HYPOTHÈSE
HYPOTHÈSE D’INST
D’INSTABILITÉ au profil
profil plus risqué vont vont emprunter
emprunter pour
FINANCIÈRE bénéficier de ces
vont acc
accept
epter
ces taux
taux faibl
er de leur
faibles.
leur prêt
prêter
es. Les banques
er pour bénéficier
C’est à partir de la conc
C’est conception
eption endogène de de rendements
rendements un peu plus éle élevés. Au tot
total,
al,
la monnaie que Hyman Minsky a formul formulé é son le taux
taux moy
moyen d’endettement
d’endettement augmente
augmente et
« hypothèse d’inst
d’instabilit
abilité é financière
financière ». avec
av ec lui le
le niveau
niveau de risque. Au bout d’un
En effet,
effet, si la création
création de monnaie résult résultee cert
ertain
ain temps,
temps, lesles niveaux
niveaux d’endettement
d’endettement
d’une demande de crédit crédit des agents et de risque sont dev devenus trop
trop forts,
forts, les
les
économiques
éc onomiques et d’une offre offre de cr
crédit
édit des banques contr
contract
actent
ent leur
leurss crédits.
crédits. Certains
Certains
banques, il importe
importe de ss’int ’interr
erroger
oger sur le le agents font
font défaut
défaut parc
parce qu’ils ne peuvent
peuvent pas
comport
omportement
ement des uns et des autres. autres. se réendett
réendetterer pour rembour
rembourserser les
les crédits
crédits
Minsky montre
montre que trois trois types de financement
financement antérieur
ant érieurs.s. La période de boom marquée
marquée
sont conc
conceevabl
ables
es : lle
e financement
financement prudent par la hausse
hausse du prix des actifs s’int s’interr
errompt,
ompt,
estt le
es le financement
financement où les les flux de re revenu de cert
ertains
ains agents vendent
vendent leur
leurss actifs pour
l’emprunt
’emprunteur eur peuvent
peuvent rembour
rembourser ser lele principal se désendetter
désendetter (c’est
(c’est le
le « moment Minsky »),
et l’int
l’intér
érêt
êt de la dette
dette ; le le financement
financement ils précipit
précipitent
ent la baisse
baisse des prix, cece qui aggrav
aggravee
spéculatif estest lle
e financement
financement où le le flux de la situation, etc.
etc.
revenu de l’emprunt
l’emprunteur eur peut rembour
rembourser ser L’anal
’analyse
yse de Minsky met donc en évidenc
évidence
e
l’int
’intér
érêt
êt mais pas lele principal (l’emprunt
(l’emprunteur eur l’ins
’insttabilit
abilité
é endogène des économies
économies de
doit alor
alorss s’endett
s’endetterer à nouveau
nouveau à l’échéanc
l’échéance e marché
mar ché et lele lien entre
entre marché,
marché, financement
financement
pour rembour
rembourser ser sa dette)
dette) ; enfin le le
et spéculation.
spéculation.
financement
financ ement Ponzi
Ponzi estest un financement
financement
où les
les flux de re revenus ne permettent
permettent de Alain Beitone
Beitone
légitimit
égitimité
(l’inflation) est
la crise de l’ins
é du pouvoir
est la manifes
l’institution
manifesttation de
titution monétair
monétaire. e. La faibl
pouvoir politique conduit
faible
conduit à
e
LA THÉORIE QUANTIT
QUANTITAATIVE des difficultés
difficultés crois
l’impôt. La fuite
croissant
santes
fuite en avant
es de coll
collect
ecte
e de
avant dans l’inflation
l’inflation
À L’ÉPREUVE
L’ÉPREUVE DE L’HIS
L’HISTTOIRE estt la manifes
es manifesttation d’une prof
du lien social.
profonde
onde crise
La théorie quantitativ
quantitative
e de la monnaie dispose
de solides fondements
fondements académiques,
académiques, mais Le second
second ex exempl
emple, e, c’est
c’est la situation de
elle
elle est
est dev
devenue aussi
aussi une sorte
sorte de poncif, l’éc
’économie
onomie mondiale
mondiale depuis 2008. En effet, effet,
de discour
discourss du sens commun,
commun, qui conduit
conduit à les banques centr central ales,
es, surtout
surtout dans les les pays
penser que tout
toute
e augmentation
augmentation de la quantité
quantité industrialisés,
indus trialisés, ont trèstrès fort
fortement
ement accru
accru la
de monnaie pro provoque de l’inflation.
l’inflation. taill
aillee de leur
leur bilan. Afin d’évit
d’éviter
er une crise de
liquidité
liquidit é et de soutenir
soutenir l’activit
l’activitéé économique,
économique,
Pourt
ourtant,
ant, quelques épisodes hist historiques
elles
ell es ont monétisé des créanc créances es (qui se
marquants
mar quants conduisent
conduisent à relativiser
relativiser
retr
etrouv
ouvent
ent à l’actif
l’actif de leur
leur bilan) et émis en
fort
ortement
ement cett
cette e idée reçue.
reçue. Le premier
premier
contr
ontrepartie
epartie de la monnaie centr centralale
e (qui se
estt l’hyperinflation
es l’hyperinflation allemande
allemande des années
trouv
tr ouve e au passif
passif de leur
leur bilan). Elles
Elles ont, cece
1920. Le travtravail
ail fondat
fondateureur d’Albert
d’Albert Aftalion
Aftalion
faisant, refinanc
refinancé é pratiquement
pratiquement sans limitation
limitation
(Monnaie, prix et change, 1927) montrait montrait déjà
les banques de second second rang
rang et à des tauxtaux
sur la base d’un solide appareil appareil st statis
atistique
tique
d’intér
d’int érêt
êt pratiquement
pratiquement nuls. Pour Pour autant,
autant, cett
cette
e
que l’augment
l’augmentationation de la quantité
quantité de monnaie
création
cr éation abondante
abondante de monnaie n’a pas conduit conduit
était
ét ait consécutiv
consécutive e à la hausse
hausse des prix et non
à l’inflation.
l’inflation. Bien au contr contrairaire,
e, dans la zone
l’inv
’invererse.
se. C’est
C’est la dépréciation
dépréciation du mark qui
euro,
eur o, c’est
c’est la déflation qui menace.menace. Il n’y a
produit
pr oduit de l’inflation
l’inflation importée.
importée. Le mouvement
mouvement
donc pas de relation
relation mécanique
mécanique entre entre quantité
quantité
estt amplifié par les
es les anticipations des agents
de monnaie et inflation. L’e L’explic
xplication
ation est
est assez
assez
économiques,
éc onomiques, conduisant
conduisant à l’augment
l’augmentation
ation de
simple
simpl e : l’e
l’exis
xisttenc
ence e de réserv
réserves es ex
excédent
édentairaires
es
la masse
masse monétair
monétaire. e. L’anal
L’analyse
yse proposée
proposée par
en monnaie banque centr central ale
e ne suffit pas à
A. Orléan
Orléan et M. Aglietta
Aglietta met l’ac l’acccent sur le
le fait
fait
conv
onvaincr
aincre e les
les banques d’acc d’accor
order
der des crédits
crédits
que l’inflation
l’inflation doit êtreêtre comprise
comprise en liaison
lor
orsque
sque leur
leurss anticipations de crois croissanc
sance e sont
avec
av ec la conflictualit
conflictualité é sociale
sociale global
globale.
e. C’est
C’est le
le
pessimis
pes simisttes et lorlorsqu’ell
squ’elles es pensent que l’octr
l’octroi
oi
cont
onte ext
xte
e international
international (la question
question du trait
traitéé
de crédit
crédit serait
serait trop
trop risqué. Réciproquement,
Réciproquement,
de Ver
Versaill
sailles
es et des répar
réparations)
ations) et lele cont
conteext
xte
e
les ménages et les les entreprises
entreprises ne sollicitent
sollicitent
intérieur
int érieur (écrasement
(écrasement de la ré révolution
pas de crédit
crédit lor
lorsqu’ils
squ’ils pensent que la
spartakis
spart akistte, agitation
agitation d’extr
d’extrême
ême droit
droite,
e, grè
grèves
demande va va continuer
continuer à st stagner et que
insurrectionnell
insurr ectionnelles,es, attent
attentats
ats politiques) qui
le chômag
hômage e va
va res
restter éle
élevé.
sape la légitimit
légitimité é de la république
république de Weimar
Weimar..
Si la monnaie est est une institution
institution qui exexor
orcise
cise
la violenc
violence e sociale,
sociale, la perte
perte de la val
valeur
eur de la Alain Beitone
Beitone
pour les économistes autrichiens, des effets économie marchande. C’est ce que souligne
réels : la monnaie n’est pas neutre. On le voit, M. Aglietta : « Concevoir la monnaie comme
le clivage entre les économistes libéraux et les le médiateur de la socialisation des sujets
autres n’est pas pertinent à propos du quan- économiques, c’est affirmer que l’analyse
titativisme et de la neutralité de la monnaie. de la monnaie et celle de l’économie mar-
chande sont un seul et même problème. On
Monnaie, marché et institutions est aux antipodes des théories naturalistes
de l’économie qui ne voient dans la monnaie
Pour comprendre la nature de la monnaie et qu’un intermédiaire technique commode des
son rôle dans le système économique, il faut échanges, ou même une marchandise particu-
partir de la compréhension de ce qu’est une lière. » (Aglietta, 1988, p. 98).
[1]
Ce texte développe
1970, qu’une place très marginale dans la
tradition dominante des enseignements En marge de la théorie économique
standard : trois approches de la firme
et actualise l’article :
« Comment la
économiques. Qu’il s’agisse de la théorie de
théorie économique l’équilibre général, des théories des marchés
tente d’apprivoiser ou de la plus grande partie de l’économie
l’entreprise »,
industrielle, la firme est réduite à peu de Berle et Means : la « révolution
Alternatives
économiques, hors- choses : une « firme point », c’est-à-dire assi- managériale »
série no 43, 1er trimestre milée à un agent individuel, sans prise en
2000. Il a été publié Une première analyse majeure de l’entre-
dans Cahiers français considération de son organisation interne, et
o
n 345, Découverte de une « firme automate » qui, supposée parfai- prise se trouve chez Adolf Berle et Gardiner
l’économie. Concepts, tement rationnelle comme tout agent écono- Means. Leur ouvrage publié en 1932, L’Entre-
mécanismes et théories
économiques, Paris, mique, ne fait que transformer, de manière prise moderne et la propriété privée2, point
La Documentation efficiente, des facteurs de production en de départ de ce que l’on a appelé la « révolu-
française, juillet- tion managériale », a eu une influence consi-
produits et s’adapter mécaniquement à des
août 2008. dérable. La thèse centrale qui a été retenue
contraintes techniques et des environne-
[2]
Berle A. A. et ments donnés. Cette vision de la firme se du livre est que le développement de la
Means G. C. (1932), comprend relativement à ce qu’a été pen- grande société par actions et la dispersion
The Modern Corporation
and Private Property, dant longtemps l’objet central de la micro- de la propriété entre un grand nombre d’ac-
New York, Macmillan. économie : l’étude des marchés et des méca- tionnaires tend à entraîner la séparation de
Comment (dys)fonctionnent
les banques ? 1
elle se procure des ressources nécessaires à pour la moitié des grandes banques euro-
son refinancement et rémunère l’épargne de péennes). Au sein des activités de détail, qui
ses clients. Ces services de banque de détail représentent elles-mêmes environ 70 % du
sont très rémunérateurs en commissions : la PNB total de l’ensemble des banques fran-
banque facture ainsi notamment ses services çaises, les commissions clients représentent
de gestion de compte et de mise à disposition entre 40 % et 50 % du PNB.
des moyens de paiement. Dans ses activités Si l’essor des activités de marché a largement
d’investissement et de financement, la banque contribué à l’essor des commissions, il faut
perçoit aussi des commissions (conseils aux souligner que les activités de détail ne sont
entreprises pour s’introduire en bourse, réa- pas en reste en la matière. Les services factu-
liser des fusions-acquisitions…) et des inté- rés à la clientèle de détail concernent princi-
rêts (crédits, achats de titres…). Le produit palement la gestion de compte (mise à dispo-
net bancaire (PNB) mesure l’ensemble de ces sition de moyens de paiement : chéquier, carte
revenus, nets des charges de refinancement bancaire, virement…) et l’octroi de crédits.
associées aux activités de la banque : c’est le La part des commissions dans les revenus
chiffre d’affaires d’une banque. d’activité des banques a fortement augmenté
Le PNB se répartit ainsi entre une marge depuis les années 1990, en particulier celles
d’intérêts et des commissions. Que sait-on qui se rapportent à la gestion de comptes et
de cette répartition ? Comparés aux autres aux moyens de paiement. Alors même que
grandes banques européennes, les revenus l’activité de détail a vu sa part diminuer dans
des grandes banques françaises proviennent les bilans bancaires jusqu’à la crise, les reve-
relativement moins de la marge d’intérêt nus qui en sont issus ont continué de croître,
(environ 50 % du PNB des banques françaises du fait de l’augmentation des frais bancaires.
contre 60 à 65 % pour près de la moitié des Cette hausse ne s’est sensiblement ralentie
grandes banques européennes), et relative- que depuis la crise.
ment plus des commissions (environ 30 % du Toutes ces activités et les revenus qui s’y rap-
PNB des banques françaises contre 20 à 25 % portent sont, pour une part qui a significati-
nk
BC
er
en
PE
ING
se
ca
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ley
rp.
ba
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ch
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llo
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JP
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Ba
yd
ed
Llo
Cr
Note : ce graphique mesure l’actif total des groupes bancaires en pourcentage du PIB national. En France par exemple, le total de bilan
de BNP-Paribas pèse l’équivalent de 100 % du PIB. Source : rapport Liikanen (2012).
Tout cela s’est opéré dans un contexte très En prenant du poids, de nombreux groupes
permissif. D’abord au niveau de la politique bancaires sont devenus systémiques. L’Europe
monétaire, très accommodante à partir du compte à peu près la moitié des 29 banques
début des années 2000 (suite au krach Internet systémiques listées par le Conseil de stabilité
de 2000, puis aux attentats du 11 septembre financière (Financial Stability Board). Concrè-
2001) : les banques ont bénéficié du niveau tement, même si la taille n’est pas l’unique
bas des taux d’intérêt. Ensuite, au niveau de critère de systémicité (cf. Zoom), plus le bilan
la régulation financière. Les activités de mar- d’une banque pèse lourd, plus les dommages
ché des banques ont été jusqu’à la crise trop collatéraux en cas de faillite sont impor-
peu exigeantes en fonds propres (et sans aucun tants : beaucoup d’entreprises se retrouveront
garde-fou en matière de liquidité). Les activités à court de financement, beaucoup de dépo-
de crédit l’étaient davantage mais la titrisation sants à court de moyens de paiement, d’autres
d’un côté, les modèles internes de l’autre ont banques seront touchées à leur tour sur le
permis aux banques de desserrer la contrainte, marché interbancaire, etc. C’est pourquoi les
tout en nourrissant un formidable excès de pouvoirs publics se refusent à laisser tomber
confiance. Cette prise de risque accrue est bien une banque si elle est trop importante. Le prin-
entendu l’un des facteurs de la crise actuelle. cipe « too big to fail » (TBTF) part d’une bonne
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Pays-Bas 198
89
États-Unis 193
97
Royaume-Uni 188
27
Suisse 176
106
Japon 170
129
Suède 136
74
Canada 128
72
Italie 122
55
France 116
101
93 1980
Belgique 29
0 100 200
Consommation/épargne :
les choix des ménages
C’est au début du XXe siècle que l’économiste NICOLAS DROUHIN
américain Irving Fisher a donné le premier
une modélisation rigoureuse de la décision École normale supérieure de Cachan,
d’épargne. La version la plus aboutie de sa Centre d’économie de la Sorbonne (UMR CNRS 8174)
théorie a été publiée en 1930, sous le titre
The Theory of Interest1. Cet ouvrage a eu un
tion respectives de chaque période. Le couple
retentissement important à l’époque, mais,
(c1, c2) sera appelé profil intertemporel de
sans doute trop novateur, il a ensuite été un consommation. Il est choisi par les ménages
peu oublié. Ce n’est que dans les années 1950, et c’est ce choix qui va déterminer la quan-
avec les travaux de Modigliani et Brumberg tité de revenu épargnée à chaque période.
(1954) et de Milton Friedman (1957)2 que le L’épargne de la période 1 va alors être égale, [1]
modèle de choix intertemporel s’est large- Fisher I. (1930), The
par définition, à la différence (w1– c1). Theory of Interest, as
ment diffusé dans la communauté des écono- Determined by Impatience
On suppose que le ménage a accès au marché
mistes au point de devenir l’une des clés de to Spend Income and
des fonds prêtables. S’il souhaite consom- Opportunity to Invest it,
voûte de l’analyse économique moderne. New York, Macmillan.
mer plus que son revenu en première période
(épargne négative), il doit emprunter, emprunt [2]
Modigliani F. et
Un modèle à deux périodes qu’il remboursera, majoré des intérêts, en
période 2. Au contraire, un ménage qui sou-
Brumberg R. (1954),
« Utility Analysis and the
Consumption Function:
Nous étudions le cas d’un ménage qui vit deux haite consommer moins que son revenu en An Interpretation of Cross
périodes, la période 1 et la période 2, au cours période 1 aura une épargne positive qu’il Section Data », in Post
desquelles il perçoit des revenus monétaires Keynesian Economics,
prêtera en période 1 à d’autres agents qui Rutgers University Press.
notés respectivement w1 et w2. Le couple lui rembourseront en période 2 le montant Friedman M. (1957),
constitue ce que les économistes appellent emprunté majoré des intérêts. Le contrat de A Theory of the
Consumption Function,
le profil intertemporel de revenu, mais aussi prêt définit le taux d’intérêt qui va jouer un Princeton (New Jersey),
la dotation initiale. De la même manière, nous rôle important dans la décision de consom- Princeton University
noterons c1 et c2, les dépenses de consomma- mation et d’épargne. Press.
Pour un ménage ayant accès au marché des initial des ménages. On remarque que la
fonds prêtables, quelle est la quantité maxi- définition économique de la richesse est plus
male de dépense de consommation qui peut générale que celle du sens commun. L’agent
être réalisée en période 1 ? En fait, le ménage est riche non seulement de son revenu pré-
pourrait consommer la totalité de son sent et de son patrimoine, mais également
revenu de première période, majoré du mon- de tous ses revenus futurs. Ainsi, toutes les
tant maximum qu’il peut emprunter, c’est aptitudes, capacités et connaissances qui
à dire w1+w2 / (1 + r) puisque, dans ce cas, le permettront dans l’avenir de recevoir un
ménage devra rembourser w1, soit la totalité revenu font partie intégrante de la richesse.
de son revenu de seconde période. Le mon- On remarquera également que la richesse
tant w1 / (1 + r) correspond au pouvoir d’achat dépend du taux d’intérêt.
présent d’un revenu futur, ce que les écono- En présence d’un marché des fonds prêtables,
mistes et les actuaires dénomment valeur les ménages peuvent avoir, à chaque période,
actualisée. Le montant W = w1+w2 / (1 + r) une dépense de consommation différente de
définit ce que les économistes appellent la leur revenu. Ils peuvent emprunter ou prêter
richesse. C’est la somme des valeurs actuali- de l’argent. Mais, au bout du compte, tous les
sées des revenus présent et futurs, à laquelle montants empruntés ou prêtés devront être
il faut éventuellement ajouter le patrimoine remboursés et, in fine, seront consommés. Les
Ressources
futures
çues au cours de leur existence, c’est-à-dire
leur richesse. Le graphique 1 représente l’en-
semble des paniers de consommation pos-
c2b Cb
sibles pour les ménages (cf. Zoom p. 103).
Préférence croissante
Les préférences des ménages C
Ca
c2c
Comme dans le modèle microéconomique
de base des choix de consommation entre
deux biens, on suppose que les ménages sont
45°
capables de classer l’ensemble des profils c1b c1c Ressources présentes
intertemporels de consommation par ordre
de préférence. Pour connaître cet ordre de
préférence, on peut demander à un ménage de dépense de consommation présente, de
d’exprimer son choix entre deux profils C combien dois-je augmenter ma dépense de
et C’. En fonction de leurs goûts, il pourrait consommation future pour que ma satis-
répondre qu’ils préfère C à C’ ou au contraire faction reste la même ? » Cette notion a une
C’ à C, ou enfin, troisième possibilité, qu’ils interprétation graphique simple, il s’agit de
sont indifférents entre C et C’. la valeur absolue de pente de la tangente
Le graphique 2 est un exemple de carte des à la courbe d’indifférence en C. Sur le gra-
préférences. Chaque point du graphique est phique 2, on voit que le taux marginal de
un profil de consommation intertemporel. substitution tend à décroître lorsque l’on se
Chaque ligne courbe du graphique est une déplace de la gauche vers la droite, le long
courbe d’indifférence. Par exemple, Cb et Cc d’une courbe d’indifférence.
appartiennent à la même courbe d’indiffé- L’inverse de la vitesse à laquelle le TMS
rence : le ménage est indifférent entre les pro- décroît définit la deuxième notion impor-
fils de consommation Cb et Cc. Évidemment, tante, celle d’élasticité de substitution
cette « carte » est spécifique à un ménage par- intertemporelle, qui caractérise l’inten-
ticulier. sité de la réponse des agents à une varia-
La carte d’indifférence représentée au gra- tion du taux d’intérêt : si le taux d’intérêt
phique 2 possède un certain nombre de pro- augmente de 1 %, quelle est la variation de
priétés : la consommation présente du ménage ? Si
– les courbes d’indifférence ne se coupent l’élasticité de substitution intertemporelle
pas ; est très forte, cela signifie que les courbes
d’indifférences sont presque plates (le TMS
– elles sont ordonnées entre elles ;
décroît très lentement). Au contraire, si
– elles sont convexes. l’élasticité de substitution intertemporelle
Les préférences d’un ménage peuvent être est faible (proche de zéro) cela signifiera que
caractérisées par trois paramètres : le taux les courbes d’indifférence sont très coudées.
marginal de substitution, l’élasticité de subs- En pratique, cette élasticité va caractériser
titution intertemporelle et le taux de préfé- l’intensité de la réponse des agents à une
rence pour le présent. variation du taux d’intérêt.
Le taux marginal de substitution (TMS) On peut calculer le taux marginal de subs-
répond à la question suivante : « à la titution, le long de la première bissectrice,
marge, si je renonce à une petite quantité c’est-à-dire pour tous les profils correspon-
Ressources présentes
Ressources présentes
Z Z
w′2 D′
c2 C c2 C
w2 D
δ γ 1+r δ′ γ 1+r
c1 w1 W Ressources présentes
w′1 c1 W Ressources présentes
Épargne Épargne
négative
dant à une même dépense de consomma- sur la courbe d’indifférence la plus « en haut
tion aux deux périodes. En général, ce taux à droite » parmi celles qui ont au moins un
est supérieur à 1. Cela signifie que, pour ces point commun avec la contrainte. On com-
profils de consommation, si les ménages prend que c’est le profil de consommation C
renoncent à une unité de dépense de consom- qui va être choisi par le ménage. En effet, les
mation courante, il faut leur donner plus autres points de la contrainte sont situés sur
d’une unité de consommation future en plus, des courbes d’indifférence situées en dessous
pour qu’ils restent indifférents. Le pourcen- de celle qui passe par C et sont donc moins
tage de consommation qu’il faut leur donner satisfaisants pour le ménage. Les courbes
en plus définit le taux de préférence pour le d’indifférence située au-dessus de celle qui
présent. Un ménage souhaitera d’autant plus passe par C vont quant à elles au-delà de
consommer en première période que sa préfé- la contrainte budgétaire intertemporelle :
rence pour le présent est forte. elles sont donc inaccessibles compte tenu des
ressources.
Ressources futures
et sur l’épargne Z
5. Effet d’une hausse du taux d’intérêt sur la consommation et sur l’épargne de ménages
initialement épargnant
a) Cas intuitif b) Cas contre-intuitif
Ressources futures
Ressources futures
C
c2 C c2
w2
D
γ γ′ w2 γ γ′ D
c′1 c1 w1 W Ressources présentes c1 c′1 W=w1 Ressources présentes
L’intervention publique
L’État au sens large regroupe l’État central, LAURENT SIMULA
les collectivités territoriales et les admi-
nistrations de sécurité sociale. Il constitue Université d’Uppsala, Suède
aujourd’hui un acteur économique majeur
– les dépenses d’investissement visent à
dans l’ensemble des pays développés. Pour-
renouveler ou à accroître le capital public
tant, cela n’a pas toujours été le cas, jusqu’à
(achat de matériels et de mobiliers, construc-
récemment. S’il appartient aux historiens
tions de bâtiments et d’infrastructures) ;
et aux sociologues d’expliquer cette évo-
lution, la science économique permet de – les dépenses de transfert modifient la répar-
comprendre pourquoi la main invisible du tition primaire des revenus par le marché.
marché ne peut se passer de la main visible On peut distinguer les transferts en nature
de l’État. (prise en charge des dépenses de médica-
ments ou de soins, enseignement gratuit…)
et les transferts en numéraire, subventions
Une intervention multidimensionnelle aux entreprises et revenus sociaux versés
aux ménages (retraite, allocations familiales,
L’intervention publique est un phénomène minima sociaux…).
pluriel. Il est en effet possible de distinguer
En 2012, la dépense publique représentait
six domaines principaux d’action (cf. Zoom
entre 35 % et 57 % du PIB parmi les États
p. 111).
membres de l’Union européenne. La carte 1
En fonction de l’importance relative de chacun permet de distinguer divers modèles d’inter-
de ces domaines, on obtient différents modèles vention et souligne la position particulière
d’intervention publique, allant de l’État mini- occupée par la France.
mal centré sur les fonctions régaliennes à De façon plus générale, l’importance de la
l’interventionnisme le plus poussé. Il est inté- dépense publique constitue un phénomène
ressant à ce titre de considérer le volume et récent, comme en témoigne son évolution
la structure des dépenses publiques. Celles-ci sur plus d’un siècle (voir graphique). Avant
peuvent être classées en trois catégories : la Première Guerre mondiale, la dépense de
– les dépenses de fonctionnement servent l’État représentait, en France comme dans les
à la bonne marche des services publics, à autres pays occidentaux, entre 10 % et 15 % du
l’exemple des dépenses courantes de person- PIB. L’intervention publique se limitait alors
nel et d’entretien ; essentiellement aux fonctions régaliennes
que sont la loi, la justice, la police, la défense de la concurrence afin d’éviter les pratiques
et la monnaie. C’est avec la crise des années déloyales contraires à l’intérêt public. Au-
1930 puis au cours des Trente Glorieuses que delà des missions régaliennes, l’intervention
l’intervention publique dans l’économie a publique dans les pays développés est donc
connu une progression marquée. Jusqu’à la loin de se limiter à la dépense. Cette évolu-
fin des années 1970, de nombreux États inter- tion correspond à la fois à une redéfinition
venaient directement dans l’économie, dans des objectifs et des instruments d’action des
le secteur de l’énergie, des transports ou des pouvoirs publics.
banques. Ce modèle n’était pas très propice
à la recherche de l’efficacité et à l’innovation.
Il a progressivement cédé la place, dans les Pourquoi intervenir ?
années 1980 et 1990, à une intervention plus
indirecte, fondée sur deux volets : régulation
Les trois piliers de l’action publique
des monopoles naturels (réseau ferré, d’élec- La justification de l’intervention publique est
tricité, de distribution du gaz) et politique avant tout d’ordre normatif et s’appuie sur
50
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19
nant par exemple aux riverains d’une usine le
Source : André Ch. et Delorme R. (1991), « Deux siècles de finances droit à un air propre. Il peut également fixer
publiques : de l’État circonscrit à l’État inséré », Revue d’économie
financière, vol.1, hors-série. des quotas ou introduire une fiscalité cor-
rectrice afin d’égaliser les coûts marginaux
de limiter l’entrée de firmes concurrentes, privés et sociaux dans le cas des externalités
pourtant porteuses d’idées nouvelles et négatives. Au contraire, il peut subvention-
potentiellement sources de progrès. La poli- ner les agents en cas d’externalités positives,
tique de la concurrence a pour objectif de afin d’inciter l’agent (investisseur ou consom-
limiter les pratiques déloyales faisant obs- mateur) à augmenter son activité jusqu’au
tacle au fonctionnement sain des marchés. niveau qui maximise le bien-être social.
Il peut s’agir par exemple de l’interdiction
des ententes ou des abus de position domi-
Biens publics
nante, ou encore de l’interdiction de la vente Les biens publics soulèvent des difficultés
[2]
Pratique commerciale à perte et de l’encadrement des ventes liées2. proches des externalités. Il s’agit de biens
consistant à subordonner La politique de la concurrence est l’un des ou services consommés collectivement,
la vente d’un produit
à l’achat d’un autre. piliers de la construction européenne. Elle sans rivalité ni exclusion entre les usagers,
fait partie des compétences communes attri- à l’exemple du savoir et des techniques (à
[3]
Sur les asymétries l’issue de la période de protection par les
d’information, voir dans
buées à la Communauté économique euro-
ce même numéro l’article péenne (CEE) par le traité de Rome de 1957. brevets). Dans la mesure où de nombreux
d’Anne Corcos agents peuvent profiter de ces biens sans en
et François Pannequin, Externalités payer le prix, le marché produit spontané-
p. 58.
Par ailleurs, en présence d’externalités, les ment ces biens en quantité insuffisante par
arbitrages individuels ne tiennent pas compte rapport au niveau Pareto-optimal. Les pou-
des effets de la production ou de la consom- voirs publics peuvent financer la production
mation sur les autres agents. Les externali- de ces biens, ou bien créer des institutions
tés sont « négatives » lorsqu’elles diminuent chargées de protéger ceux qui les produisent
l’utilité de ces autres agents. On peut penser des comportements de « passagers clandes-
à une entreprise pétrochimique qui pollue tins », sans pour autant porter préjudice au
l’atmosphère. Dans ce cas, les externalités bon fonctionnement de la concurrence et à
conduisent à un niveau de pollution supé- l’innovation.
rieur à l’optimum de Pareto. En ce sens, il y
a « trop » de pollution. Mais les externalités Défauts d’information
peuvent également augmenter l’utilité des Tous les agents ne disposent pas de la même
autres agents. Elles sont alors « positives ». information3. Lorsqu’une entreprise sou-
La recherche développement génère souvent haite recruter un nouvel employé, elle ne peut
Marché et marchés :
une approche institutionnelle
des modalités de l’échange
économique
Marché et société FRANÇOIS VATIN
Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
L’approche des économistes
Pour la science économique, le marché est un « pur et parfait » pour définir les normes selon
concept, sans cesse retravaillé depuis trois lesquelles doit s’exercer la concurrence (ato-
siècles. Il vise à concevoir les modalités de micité des agents offreurs et demandeurs,
l’échange dans une situation abstraite où homogénéité des produits, liberté d’entrée et
s’ajustent autour d’une seule variable – le prix de sortie, transparence de l’information). C’est
– les intérêts opposés des vendeurs et des ache- à ces conditions exclusives, en effet, que l’on
teurs. Le plus souvent, l’économiste contem- aurait affaire à un « vrai » marché, conforme
porain, héritier de la pensée de Léon Walras, à la théorie. La formulation d’un tel concept
ajoutera au terme de « marché » les adjectifs n’empêche aucunement les économistes d’être
119 MARCHÉ ET MARCHÉS : UNE APPROCHE INSTITUTIONNELLE DES MODALITÉS DE L’ÉCHANGE ÉCONOMIQUE
à la reproduction matérielle de la société.
Cette définition couvre les champs classi- Institution historique du marché :
quement reconnus comme « économiques » :
la production, la distribution, la consomma-
la sociologie économique
tion, et ouvre la possibilité que les fonctions
économiques soient assurées par des dispo-
polanyienne
sitifs marchands ou par d’autres dispositifs Des sociétés traditionnelles
sociaux6. aux sociétés capitalistes : [6]
Polanyi K. (posthume,
1977) [2011] ,
La sociologie économique peut alors rendre le « désencastrement » du marché La Subsistance de
compte de contextes sociaux où la distri- La première question reste attachée au nom
l’homme. La place
de l’économie dans
bution des biens et des positions n’est pas de Karl Polanyi, déjà cité7. Dans ses travaux l’histoire et la société,
régie, ou pas exclusivement régie, par des d’histoire et d’anthropologie économique, il a Paris, Flammarion,
dispositifs marchands. De plus, si elle peut insisté sur l’ancienneté historique des formes
2011, et notamment le
chapitre 2 : « Les deux
admettre la conceptualisation du marché marchandes, mais, aussi, sur le statut radi- significations du terme
par les économistes comme un cas-limite, calement nouveau du marché dans les socié- économique. »
elle doit l’inscrire dans un champ de formes tés contemporaines. Depuis la plus haute [7]
Outre l’ouvrage cité
sociales possibles et ne lui donner aucune antiquité et dans des sociétés de nature très supra, voir, Polanyi K.
prééminence a priori. Il lui faut à la fois différente, les hommes ont noué des rela- (1944) [1983], La grande
comprendre l’émergence du marché comme transformation, Paris,
tions marchandes. Mais, souligne Polanyi, Gallimard, ainsi que le
forme sociale, son caractère plus ou moins celles-ci ne dominaient pas l’ensemble de la riche recueil d’articles
central dans l’organisation des sociétés vie sociale. Les marchés constituaient des
parus entre 1922 et 1964,
réunis dans ses Essais,
et la multiplicité de ses formes concrètes, « poches » au sein de sociétés, dont la repro- Paris, Le Seuil, 2008.
dans l’histoire, comme dans le présent. Cela duction reposait pour l’essentiel sur d’autres
nécessite aussi de penser l’hybridation entre institutions sociales. Il distingue à cet égard
le « marché » comme catégorie idéaltypique trois modalités fondamentales des économies
et d’autres catégories sociologiques, rele- « traditionnelles » : l’autarcie (la vie domes-
vant de l’ordre du politique, du symbolique, tique), la réciprocité (le don - contre-don) et
du technique, etc. Enfin, la sociologie ne la redistribution (par une autorité centrale
saurait accorder au marché et, a fortiori, au qui prélève des richesses). Les marchés pro-
« marché parfait », aucune valeur normative prement dits, quand ils existent, sont, selon
a priori : il y a d’autres modalités possibles sa formule qui a connu une grande postérité,
d’échange entre les hommes que le marché « encastrés » (« embedded ») dans la société ;
et un marché « parfait » ou, plutôt, un mar- leur pouvoir régulateur sur l’ensemble de la
ché qui s’en rapprocherait asymptotique- société reste faible.
ment, n’est pas forcément plus souhaitable
qu’un autre. Ce qui caractérise en revanche la société
capitaliste moderne pour Karl Polanyi, c’est
Sur cette base, il est possible de distinguer le principe du « marché autorégulateur ». Dès
deux questions emboîtées : lors, le marché devient l’institution sociale
– celle de la place historique du marché dominante, chargée d’allouer « mécanique-
parmi d’autres institutions économiques ment » (c’est-à-dire par le jeu impersonnel de
dans l’organisation des sociétés ; l’offre et de la demande) l’ensemble des res-
sources économiques aux personnes. Polanyi
– celle des formes différenciées du marché,
montre que pour que le marché soit ainsi
notamment dans les sociétés contempo-
autorégulateur, il faut élargir la catégorie de
raines où cette institution domine la repro-
« marchandise ». Dans les sociétés tradition-
duction sociale.
nelles, les marchandises ne sont que les biens
produits. La production elle-même, régie par
121 MARCHÉ ET MARCHÉS : UNE APPROCHE INSTITUTIONNELLE DES MODALITÉS DE L’ÉCHANGE ÉCONOMIQUE
nature des biens susceptibles d’être « mar- faire éclater la catégorie de marché : peut-
chandisés » : extension mondiale du salariat, on en effet considérer comme relevant d’un
privatisation généralisée des terres, mais même modèle, les marchés de quartier ou de
aussi émergence de nouvelles marchandises village où l’on va acheter fruits et légumes,
« virtuelles » comme les assurances, les biens ceux des valeurs mobilières qui se déroulent
mobiliers, etc. Or, en dépit des inquiétudes dans les « salles de marché » des grandes
de Polanyi et de ses nombreux disciples, la banques et autres institutions financières,
société « tient », ce qui n’est pas dit ici pour ou le « marché du carbone » organisé entre
invalider les craintes fondées de ces auteurs États en application du protocole de Kyoto de
sur les risques liés à la marchandisation géné- 1997 ? Oui, diront les économistes, si, dans
ralisée des sociétés, mais comme un fait que chaque cas, on peut mettre en évidence un
la sociologie économique se doit de prendre en mécanisme de concurrence qui se traduit
considération. par l’établissement d’un prix et de quantités
La sociologie économique contemporaine est échangées à ce prix. Mais le sociologue ne
alors amenée à regarder la question d’une peut en rester là. Il doit observer les acteurs
autre manière. La limite de l’analyse de Pola- en présence et la nature des liens qui s’éta-
nyi est, d’une certaine manière, d’être restée blissent entre eux : ceux de la ménagère et
trop proche de la pensée des économistes, en du maraîcher sur le marché du village ne res-
posant la notion de marché comme un concept semblent guère à ceux de deux institutions
homogène au statut incertain. Le marché étatiques sur le marché du carbone. Il doit
s’oppose-t-il radicalement aux trois institu- aussi observer les formes pratiques, tech-
tions économiques traditionnelles (autarcie, niques, de l’échange : la présence ou non de
réciprocité et redistribution) ou doit-il être produits, les modalités de leur évaluation et
considéré comme une quatrième institu- certification, la temporalité des transactions
tion ? Si le marché est une institution, il est (les transactions sur le marché hebdoma-
par nature lui-même « encastré » et l’idée de daire du village ou les échanges à la vitesse
« désencastrement » devient conceptuelle- de la lumière entre les traders), etc.
ment problématique. Mais si le marché n’est C’est à l’examen de toutes ces questions,
pas une institution, quel peut-être le statut de posées sur les terrains les plus divers, que
ce concept pour la sociologie économique ? s’est attelée la sociologie des marchés. Il n’est
Les recherches récentes de sociologie écono- pas question ici de présenter de manière
mique adoptent donc plutôt la première pos- exhaustive ce courant de recherche, ni même
ture. Elles se détachent alors de la catégorie de tenter d’en faire un bilan raisonné, mais
abstraite de marché pour étudier les marchés seulement de citer quelques cas exemplaires
dans leurs formes variées, en considérant les qui permettent d’exposer la nature des ques-
[10]
capacités socialement intégratrices de ces tions en jeu et l’heuristique de la démarche10. Voir, pour une revue
riche et pédagogique de
dispositifs à la fois matériels et politiques, la littérature, Steiner Ph.
qui ne sont donc plus, selon ce schéma, consi- Quelques cas exemplaires (2011), La Sociologie
dérés comme « désocialisateurs » par nature. économique, Paris, La
Le marché aux fraises solognot Découverte, 4e éd.
[11]
Il faut d’abord citer l’étude de Marie-France Garcia-Parpet M.-F.
La diversité des marchés éclairant pour notre sujet puisqu’il porte cadran de Fontaines-
en-Sologne »,
sur le passage d’une forme de marché à une Actes de la Recherche
L’investigation empirique (l’enquête) qui autre. L’auteur montre en effet comment on en sciences sociales,
caractérise la méthode des sociologues par est passé d’un marché « de gré à gré » entre vol. 65, novembre.
rapport à celle des économistes conduit à les producteurs et des intermédiaires qui se
123 MARCHÉ ET MARCHÉS : UNE APPROCHE INSTITUTIONNELLE DES MODALITÉS DE L’ÉCHANGE ÉCONOMIQUE
s’appuient pas sur des prix. Rien n’interdit, les théories économico-financières mathé-
pourtant, la mise en place d’un marché du matisées du comportement rationnel sur un
produit éducatif, qui existe effectivement aux marché de valeurs16. Moins que nulle part [16]
McKenzie D. et Millo
marges de notre système d’enseignement (ne ailleurs, le marché n’apparaît ici comme la Y. (2003), « Construction
d’un marché et
serait-ce que pour le soutien scolaire). Mais, résultante mécanique du libre jeu spontané performation théorique.
pour le moment en tout cas, qu’on le regrette des acteurs, puisque ce jeu est étroitement Sociologie historique
ou que l’on s’en félicite, l’organisation sociale encadré par des formules résultant de la d’une bourse de produits
dérivés financiers »,
de l’espace éducatif français reste fondée sur théorie, laquelle est censée rendre compte de Réseaux, no 122.
des logiques non marchandes. la façon dont les acteurs agiraient en situa-
tion de marché pur.
Les marchés financiers
Un dernier exemple mérite d’être cité dans ***
cette brève revue, celui des marchés finan- Les marchés, même ceux qui se rapprochent
ciers modernes. On est ici au plus proche, en le plus des modèles élaborés par la théorie
apparence tout au moins, du marché walras- économique, apparaissent donc toujours, au
sien idéaltypique, puisque l’information regard de l’enquêteur sociologue, comme des
circule à la vitesse de la lumière dans les institutions sociales spécifiques appuyées sur
réseaux électroniques et que les transactions des dispositifs matériels. Le marché des éco-
s’opèrent en fonction d’une seule variable : nomistes (la rencontre mathématique d’une
le prix. Pourtant, ces marchés ont des parti- courbe d’offre et d’une courbe de demande)
cularités sociales significatives. D’une part, n’est que la formulation résumée, et après
comme on l’a vu, ils reposent, tel le marché coup, de mécanismes complexes d’apparie-
au cadran des maraîchers solognots, sur des ment entre acteurs économiques. L’établisse-
infrastructures matérielles, mais ici beau- ment du prix lui-même dépend de ces formes
coup plus complexes : ces fameuses « salles marchandes : le rapport de force entre ven-
de marché » qui sont des nœuds de réseaux deurs et acheteurs de fraises est modifié par
informatiques particulièrement denses, dotés l’introduction du cadran, comme l’établisse-
de multiples écrans et autres outils de com- ment des valeurs financières est modifié par
munication. Si les biens échangés sur ces l’introduction des formules de mathématiques
marchés apparaissent de plus en plus « vir- financières dans les ordinateurs des salles de
tuels », au sens, non pas d’une déconnexion, marché. Pensées comme des relations sociales
mais d’une médiatisation croissante par rap- comme les autres, les relations marchandes,
port aux biens économiques « tangibles », en multiples dans leur forme, ne peuvent être
revanche, les transactions ne peuvent s’opé- considérées comme désocialisatrices par
rer que grâce à la mise en œuvre d’un appa- nature. Pour autant, toutes les sociétés, même
reillage technique qu’il faut analyser comme la nôtre, mettent des bornes à l’emprise des
on le ferait d’un quelconque outil industriel. relations marchandes, qui ne constituent pas
Or, comme l’ont montré les études de Donald la seule modalité possible d’allocation des
McKenzie, cet appareillage est de plus en biens, et, a fortiori, la seule forme concevable
plus doté d’automatismes marchands incor- de relations d’échanges entre les hommes.
porés dans les logiciels qui sont fondés sur
Marchés, concurrence
et réglementation
FRÉDÉRIC MARTY Ces différentes approches s’accordent sur
le fait que le fonctionnement même du pro-
CNRS, groupe de recherche en droit, économie et gestion cessus de concurrence puisse être altéré, soit
UMR 7321 université Nice Sophia Antipolis par les comportements des acteurs, soit par
la structure même du marché. Le premier
Le marché peut être aussi bien appréhendé facteur de risque relève de la politique de
comme un ordre spontané que comme un concurrence. Il s’agit de prévenir et de sanc-
[1]
Sur ce point, voir construit social1. De la même façon, la tionner les stratégies de marché susceptibles
dans ce même numéro
concurrence peut être conçue comme un de compromettre la pérennité de l’ordre
l’article de François
Vatin, p. 118. équilibre ou comme un processus. Dans cette concurrentiel. Le second facteur relève de la
seconde hypothèse, on peut considérer soit politique de régulation au sens large. Il s’agit
que le marché conduit inexorablement à la de corriger les défaillances de marché, voire
concentration et donc à son propre blocage, de construire des marchés concurrentiels.
soit qu’il est autorégulateur. Dans le premier
cas, la politique de la concurrence est une
condition essentielle à la pérennité de l’ordre La concurrence
concurrentiel. Dans le second, elle doit prin-
cipalement veiller à la préservation de la
comme un processus instable ?
« contestabilité » des marchés. La concurrence est à la fois l’aiguillon essen-
tiel de l’efficacité économique et un proces-
Le marché du travail,
un marché en mouvement
Comme dans beaucoup de champs de l’écono-
FRANÇOIS FONTAINE
mie, l’usage des données microéconomiques
a révolutionné notre compréhension du mar- Professeur à l’université Paris-I
ché du travail. Avant les années 1980, il était membre de l’Institut universitaire de France
impossible d’observer à l’échelle d’un pays la
croissance ou la disparition des entreprises, Or, nous savons désormais que nos écono-
ou les mobilités des individus entre entre- mies sont en permanence le théâtre de réal-
prises. Le chômage était analysé soit comme locations massives, c’est-à-dire de mobilités
la résultante d’un coût du travail trop élevé, d’une entreprise à l’autre avec parfois un
soit comme la conséquence d’une demande de passage au chômage, et de destructions et de
biens et de services insuffisante. Il s’agissait créations d’emplois simultanées. Avant même
en réalité de deux visions complémentaires : la crise économique, on estimait que, chaque
les entreprises ne produisent que s’il y a une jour, environ 10 000 emplois étaient détruits
demande à satisfaire et que si la satisfaction tandis que 10 000 autres étaient créés1. Plus [1]
On pourra consulter
de cette demande leur est profitable. Du point étonnant, les firmes qui licencient ou ne avec profit l’ouvrage
de Cahuc P.
de vue du cycle des affaires, on considérait renouvellent pas certains contrats sont aussi et Zylberberg A.
qu’il y avait des périodes où les licenciements des firmes qui créent des emplois. En moyenne (2004).
constituaient la majeure partie des mouve- sur une année pour une embauche nette, une
ments sur le marché du travail et d’autres, firme se sera séparée de quatre travailleurs et
plus favorables, où les embauches étaient en aura embauché cinq. Par ailleurs, les sala-
dominantes. riés sont mobiles et certains changent d’em-
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N° 70 Novtembre-décembre 2014
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problèmes économiques
Problèmes économiques invite les spécialistes à faire le point
HORS-SÉRIE
FÉVRIER 2015 NUMÉRO 7
comprendre
L’ÉCONOMIE
1. Concepts et mécanismes
Rédigé par des enseignants et des universitaires, ce premier tome
de la série « Comprendre l’économie » présente de façon simple et
non formalisée les savoirs fondamentaux des sciences économiques.
Le numéro commence par une présentation de la discipline et de ses
grands courants de pensée pour se concentrer ensuite sur ses outils et
ses acteurs. Une dernière partie s’intéresse aux mécanismes des marchés
et à leurs dysfonctionnements éventuels, en présentant les marchés les
plus emblématiques, tels que les marchés de capitaux et du travail.
Directeur de la publication
Bertrand Munch
Direction de l’information
légale et administrative
Tél. : 01 40 15 70 00
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