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Revue des sociétés

Revue des sociétés 2003 p.823

La création de l'autorité des marchés (1)

Jean-Jacques Daigre, Professeur à l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

L'idée de la fusion de la Commission des opérations de bourse (COB) et du Conseil des marchés
financiers (CMF) en une seule grande autorité de régulation des marchés financiers est née en 2000 à
l'instigation du ministre de l'Economie de l'époque et a été reprise par son successeur, qui l'a mise en
forme de projet au début de (2). Le texte est devenu caduc à l'expiration de la précédent
législature, mais a été repris presque à l'identique par le nouveau gouvernement, qui l'a porté sur les
er
fonts baptismaux par la loi de sécurité financière du 1 août 2003 (3). L'Autorité des marchés
financiers (AMF) se substitue donc à la COB et au CMF, mais également au Conseil de la discipline de
gestion financière.

La COB avait été créée en 1967 pour restaurer la confiance des investisseurs en leur assurant une
meilleure information et mettre ainsi un terme à la crise de la Bourse de ces années-là. Le modèle en
était la « Securities and Exchange Commission » (4). La mission qui lui avait été
assignée était de rendre le marché boursier plus transparent. Dès l'origine perçue comme un organisme
très particulier, une administration de mission a dit l'un de ses (5), elle a très vite été
qualifiée d'autorité administrative (6). Le CMF était, quant à lui, issu de la fusion du
Conseil des bourses de valeurs et du Conseil des marchés à terme réalisée par la loi de modernisation
des activités financières du 2 juillet 1996. Lointain descendant, malgré la proximité chronologique, de la
Chambre syndicale des agents de change supprimée en 1988, il avait hérité des missions de ces
organismes et avait pour attribution principale d'assurer l'organisation et le fonctionnement des marchés
réglementés, de prononcer l'agrément et la radiation des prestataires de services d'investissement
(autres que les sociétés de gestion), de veiller au respect des règles de bonne conduite professionnelle
et sanctionner disciplinairement leur violation, enfin de réglementer et contrôler les offres
publiques (7). Son origine colorait sa nature, la loi l'ayant qualifié d'autorité (8).
En simplifiant beaucoup, on peut dire que la COB était chargée de la transparence des marchés
réglementés et le CMF de leur sécurité. Quant au Conseil de discipline de la gestion financière, il avait
été créé par la loi du 2 août 1989 pour prononcer des sanctions contre les personnes ayant commis une
infraction aux règles des OPCVM ou un manquement de nature à nuire aux intérêts des actionnaires et
des porteurs de (9). Autorité disciplinaire (10), il avait plus que tout autre vocation à
être absorbé par la nouvelle Autorité des marchés financiers.

Les raisons de regrouper les deux autorités étaient nombreuses, les principales étant identifiées par le
projet de février 2001. Il s'agissait d'abord de réaliser la simplification du paysage institutionnel, en
offrant aux émetteurs, aux investisseurs et aux professionnels un interlocuteur unique. Les réformes
récentes de nombreux pays allaient en ce (11). Il est vrai que la répartition des attributions entre
la COB et le CMF était loin d'être claire. Ainsi, veiller à la transparence des marchés avait évidemment à
voir avec leur sécurité et avait conduit la COB à s'intéresser aux conséquences des comportements des
intermédiaires, donc indirectement à les surveiller. De même, la réglementation des offres publiques par
le CMF avait été logiquement complétée par une réglementation de la COB relative à leurs aspects
informationnels, s'agissant par nature d'opérations d'appel public à l'épargne. Que dire, enfin, de la
répartition fort peu rationnelle entre la compétence de principe du CMF à l'égard des PSI et la
compétence d'exception de la COB à l'égard des sociétés de gestion ? A cela s'ajoutait la différence de
nature et de composition des deux autorités et la différence de pouvoir, le CMF n'ayant évidemment pas
celui de prononcer des sanctions administratives. Il s'agissait également d'unifier les autorités de
régulation françaises pour leur permettre de parler d'une seule voix dans les enceintes européennes et
internationales, en particulier au sein du nouveau Comité européen des régulateurs des marchés de
valeurs mobilières (CESR) créé par la Commission européenne. Accessoirement, il s'agissait de régler
définitivement les difficultés procédurales nées de l'exercice du pouvoir de sanction administrative de la
COB. A cela, s'ajoutait le fait que la récente directive relative aux abus de marché postulait la création
d'une « autorité administrative unique (12).

Au résultat, la loi de sécurité financière fusionne la COB et le CMF en une nouvelle autorité publique
indépendante, l'Autorité des marchés financiers, dont la composition est un compromis qui se veut le
reflet de la composition des deux autorités précédentes et dont les missions et les pouvoirs sont les
mêmes. La fusion est donc indéniable d'un point de vue structurel. Mais elle s'accompagne de la
création, au sein de l'AMF, d'une Commission des sanctions, qui forme l'autre aspect original de la
réforme. En effet, ni la COB ni le CMF n'avaient pu créer d'organe autonome de ce type, même si le CMF
pouvait constituer des formations disciplinaires en son (13). Aussi, cet autre aspect de la réforme
prend-il une importance particulière car, en opérant une fusion structurelle des deux autorités
précédentes, il organise une scission fonctionnelle de la nouvelle autorité.

LA FUSION STRUCTURELLE DE LA COB ET DU CMF AU SEIN DE L'AMF

er
C'est le point le plus apparent de la réforme du 1 août 2003. A la COB et au CMF succède une seule
autorité, qui hérite de leurs missions et pouvoirs. On peut dire, par transposition, que l'AMF est le
successeur de la COB et du CMF du point de vue institutionnel et leur héritière du point de vue
opérationnel.

L'AMF, successeur de la COB et du CMF

L'AMF est qualifié d'autorité publique (14) là où la COB l'était d'autorité administrative
indépendante et le CMF d'autorité professionnelle. Quelle est la signification de ce changement ? Quelle
première appréciation peut-on porter à son égard ?

1. L'AMF est une « autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale » (art. L. 621-1
nouveau C.mon.fi.). Sa filiation la plus profonde est donc avec la COB, qui était une autorité
administrative indépendante, le CMF n'étant qualifié que d'autorité professionnelle, ce qui en faisait,
selon la cour d'appel de Paris, une entité (15), même si certains la classaient malgré tout parmi
les autorités administratives indépendantes en raison de la mission qu'il accomplissait et des
prérogatives qu'il avait (16). Mais il faut aussitôt noter que l'AMF obtient la personnalité
juridique, ce que n'avait pas la COB mais ce dont était doté le CMF. Elle rejoint la Banque de France
dans la catégorie des personnes morales de droit public sui generis (17).

L'AMF est donc une autorité indépendante, comme ses prédécesseurs, mais est qualifiée d'autorité
publique et non administrative. Ce changement est semble-t-il simplement destiné à manifester le
renforcement de l'indépendance de cette autorité qui, doté de la personnalité morale, coupe tout cordon
ombilical avec l'Administration. Elle pourra désormais arrêter son budget et lever l'impôt et décider
librement de sa politique de l'emploi ; elle pourra passer les contrats nécessaires à son activité et agir
en justice ; elle pourra conclure tout accord international avec ses homologues étrangères ; elle pourra
enfin être condamnée à dommages et intérêts, là où la commission d'une faute par la COB entraînait la
responsabilité de (18).

2. Quelle appréciation peut-on porter sur ce premier aspect de la fusion des autorités ? Si beaucoup se
satisfont de l'unification et de la simplification qui en résultent, d'autres sont plus réservés. Certains
avaient par avance dégagé les risques de la fusion, en évoquant le risque de lourdeur de l'AMF et le
risque de conflit entre l'intérêt général et les intérêts particuliers si cette autorité ne fait pas
suffisamment preuve d'indépendance par rapport au milieu (19). Ils avaient également, à
la suite d'un économiste, regretté la disparition de l'émulation qui existait, semble-t-il, entre la COB et le
CMF, chacune de ces autorités formant une sorte de contre-pouvoir de (20), regret partagé par
d'autres, qui évoquent le risque hégémonique de la protection de l'épargne et qui craint, à l'inverse des
précédents, que la sécurité des marchés ne prenne le pas sur leur efficacité, qu'une forme de
dogmatisme protecteur ne (21).
Le risque ne peut être écarté. Seul l'avenir dira si l'entité totalement indépendante qu'est l'AMF saura
additionner les sensibilités des deux autorités auxquelles elle succède. Cela dépendra évidemment des
personnes, comme toujours. Si la nouvelle autorité sait conjuguer en son sein, à tous les niveaux,
compétence administrative et compétence professionnelle, elle y parviendra certainement, ce qu'il faut
espérer, car l'AMF reçoit les missions et des pouvoirs de la COB et du CMF, ce qui en fait leur héritière.

L'AMF, héritière de la COB et du CMF

L'AMF hérite des missions et pouvoirs de la COB et du CMF. Il est vrai qu'ils se recoupaient en grande
partie.

1. Du point de vue des missions, le plus évident est dans la continuité avec la COB. L'article L. 621-1 du
code monétaire et financier, qui définissait celles de la COB et enferme désormais celles de l'AMF, est
rédigé à l'identique et reprend le triptyque classique : l'AMF est chargée de veiller à la protection de
l'épargne investie dans les instruments financiers et tous autres placements donnant lieu à appel public
à l'épargne, à l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d'instruments
financiers. La loi nouvelle ajoute simplement que l'AMF apporte son concours à la régulation des
marchés à l'échelon européen et international, ce qui ne fait que consacrer la pratique antérieure.

L'AMF paraît donc ne pas avoir hérité des missions du CMF. Mais, le CMF avait non pas reçu une ou des
missions, qui n'étaient définies nulle part en forme générale, mais des attributions, réglementaires et
individuelles (22). Pour autant, ces attributions, malgré leur diversité, entraient dans le champ
des missions de la COB, tant celles-ci étaient générales. Aussi, le législateur a-t-il eu raison de couper
au plus court et de se contenter de donner à l'AMF les missions de la COB, celles-ci englobant celles du
CMF.

En cours de débat parlementaire, il avait été envisagé d'étendre le champ d'intervention de l'AMF à
l'information délivrée aux souscripteurs d'assurance-vie, car ce produit d'assurance est devenu
essentiellement un produit financier par sa composition, mais les parlementaires s'y sont finalement
refusés. De même, il avait été envisagé de réglementer l'activité des agences de notation, mais
l'impuissance de toute réglementation nationale à encadrer l'activité transfrontalière de sociétés de droit
américain a très vite conduit à l'abandon du projet, l'AMF n'étant plus chargée que d'établir un rapport
annuel sur leur rôle, leurs règles déontologiques, la transparence de leurs méthodes et l'impact de leur
activité sur les émetteurs et les marchés (23).

2. S'agissant des pouvoirs de l'AMF, la loi lui octroie ceux de la COB et du CMF confondus, ce qui n'était
pas difficile compte tenu de leur quasi-identité.

L'AMF hérite du pouvoir réglementaire des deux ex-autorités. Tout au plus peut-on noter qu'il devra
s'exprimer par l'édiction d'un règlement général unique, comme l'avait fait le CMF, et non par plusieurs
règlements, comme pratiquait la COB. L'AMF devra donc faire un effort de codification, ce qui assure
toujours une meilleure prise de connaissance de la réglementation. Le Règlement général du CMF pourra
à cet égard servir de modèle. Il faut simplement signaler que le futur Règlement général de l'AMF devra,
pour la première fois, réglementer les conseillers en investissements financiers et l'activité des analystes
financiers (24).

Un point mérite qu'on s'y arrête. Alors que l'énumération des questions relevant du pouvoir
réglementaire du CMF était (25), celle du nouvel article L. 621-7 du code monétaire et
financier est simplement indicative, ce qu'exprime l'adverbe « notamment ». Un auteur, qui s'en est
aperçu le premier, a considéré que ce changement était logique puisque les missions de l'AMF impliquent
une compétence réglementaire (26). Mais un autre a fait remarquer que la compétence
ouverte reconnue à l'AMF était contraire à la hiérarchie constitutionnelle des sources du (27). Il est
de fait que le Conseil constitutionnel a jugé que la loi ne pouvait déléguer à une autorité publique ou
administrative que le pouvoir de prendre des « mesures de portée limitée tant par leur champ
d'application que par leur contenu (28).
L'AMF hérite également des compétences de la COB et du CMF en matière d'autorisation à portée
individuelle (agrément, visa, décision de recevabilité en matière d'offre publique, etc.).

Elle reçoit les mêmes pouvoirs de contrôle et d'enquête. Seuls les pouvoirs d'injonction et de sanction
sont aménagés, même si, pour l'essentiel, ils sont les comparables. L'AMF reçoit le pouvoir d'injonction
administratif de la COB, que n'avait pas le CMF. Il reçoit également le pouvoir de demander une
injonction judiciaire au président du Tribunal de grande instance de Paris, qu'avaient la COB et le CMF.
Cependant, là où le pouvoir d'injonction administratif de la COB était limité à la violation de ses
règlements, celui de l'AMF s'étend à la violation des « dispositions législatives ou réglementaires
» (29). Là est la véritable nouveauté, tant l'élargissement est notable. D'une part, le pouvoir
d'injonction propre de l'AMF est aligné sur celui du président du tribunal de grande (30).
D'autre part, il a pour coeur, comme naguère, la violation du règlement de l'AMF, mais s'étend à celle de
la loi ou des textes réglementaires, ce qui a pu inquiéter (31). Il ne faut cependant pas en
exagérer la portée, car une injonction administrative ne pourra être prononcée par la COB que lorsque
les pratiques contraires aux dispositions législatives ou réglementaires « sont de nature à porter atteinte
aux droits des épargnants ou ont pour effet de fausser le fonctionnement du marché, de procurer aux
intéressés un avantage injustifié qu'ils n'auraient pas obtenu dans le cadre normal du marché, de porter
atteinte à l'égalité d'information ou de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts ou de faire
bénéficier les émetteurs ou les investisseurs des agissements d'intermédiaires contraires à leurs
obligations professionnelles » (art. L. 621-14-I nouveau, C.mon.fi.). Autrement dit, la violation, par
exemple, d'une règle du code de commerce ne permettra à l'AMF de réagir que si elle a porté atteinte au
marché ou aux investisseurs. Le pouvoir d'injonction administrative de l'AMF en sort cependant renforcé.

L'AMF bénéficie également du pouvoir de prononcer des sanctions, mais la réforme se fait ici originale.
En effet, en premier, elle unifie les procédures de sanction administrative et disciplinaire, qui étaient
précédemment distinctes. Il s'agit désormais d'une seule et même procédure, qui respecte les principes
fondamentaux de la Convention européenne des droits de l'homme et, en particulier, le principe
d'impartialité et celui du contradictoire. La distinction se fait par les sanctions. Les sanctions
disciplinaires restent de nature professionnelle, même si l'AMF peut y substituer ou y ajouter une
sanction pécuniaire ; la sanction d'une poursuite administrative est exclusivement pécuniaire.

Enfin, l'AMF est désormais autorisée à se porter partie civile dans les poursuites pénales relatives aux
délits d'initié et à la manipulation de cours, ce que l'attribution de la personnalité morale a permis. Elle
ne le peut cependant pas si elle décide d'exercer son pouvoir de sanction administrative pour les mêmes
faits (32).

LA SCISSION FONCTIONNELLE DE L'AMF ENTRE LE COLLEGE ET LA COMMISSION DES


SANCTIONS

La COB était dotée d'un organe unique à compétence générale, le collège. Elle s'identifiait à lui et
réciproquement. C'est ce qui lui avait créé de nombreuses difficultés lorsqu'elle avait été habilitée à
prononcer des sanctions administratives par une loi de (33). Le même organe était en effet
chargé des enquêtes, de décider les poursuites, d'instruire l'affaire et de prononcer les sanctions, ce qui
était peu compatible avec les principes processuels fondamentaux de la Convention européenne des
droits de l'homme, en particulier avec les exigences d'indépendance et d'impartialité, la jurisprudence
française ayant considéré que la COB faisait fonction de juridiction au sens de la Convention quand elle
prononçait des sanctions (34). Aussi, la COB avait-elle dû modifier profondément sa
procédure de sanction administrative, en particulier pour séparer la fonction d'enquête, réservée au
directeur général, de celle de poursuite, réservée au rapporteur, et de celle de jugement, confiée au
collège statuant hors la présence du (35). Le CMF est resté à l'abri de ces difficultés, d'une
part, parce qu'il n'avait pas été habilité à imposer des sanctions administratives et ne pouvait prononcer
que des sanctions disciplinaires, d'autre part, parce que ces sanctions étaient prononcées par une
formation disciplinaire, certes constituée en son sein, donc de membres du Conseil, mais en nombre
restreint (6 sur 16), ce qui lui donnait la possibilité de séparer aisément les fonctions, enfin, parce que le
Conseil d'Etat, juridiction de recours, s'était montré moins à cheval sur l'application des principes
processuels (36).

Un long et parfois vif débat s'était engagé sur l'opportunité de maintenir un pouvoir de sanction
administrative à la future Autorité des marchés (37). Après quelques hésitations, en particulier
lors de l'établissement du premier projet de février 2001, le Gouvernement et le Parlement ont tranché
en faveur du maintien d'un pouvoir de sanction administrative à l'AMF. Mais, pour le mettre à l'abri de
toute critique, la loi a scindé l'Autorité en deux organes distincts, le Collège et la Commission des
sanctions. A priori, il ne s'agit-là que d'une spécialisation des fonctions, la Commission des sanctions
étant chargée de prononcer les sanctions disciplinaires et administratives, le Collège ayant tous les
autres (38). Cependant, la nouveauté est que la Commission des sanctions est totalement
indépendante du Collège par sa composition, ce qui en fait un organe autonome et non pas un simple
démembrement de l'organe plénier. Il s'agit d'une véritable scission fonctionnelle interne de l'AMF.

Le Collège

Le collège est l'organe plénier, ce qui se manifeste par sa composition et ses pouvoirs.

1. Du point de vue de sa composition, sans entrer dans les détails, le Collège est constitué de seize
membres, comme le CMF, là où la COB n'en comportait que dix, président inclus. Le choix du plus grand
nombre a été fait pour permettre de constituer un collège équilibré entre la filière administrative et la
filière professionnelle. Autrement dit, la loi a voulu conjuguer les compétence et sensibilité
administratives héritées de la COB et les compétence et sensibilité professionnelles héritées du CMF. Au
résultat, neuf des membres du collège sont désigné comme à la COB, dont le (39), et six
comme l'était le gros de la troupe du CMF, à quoi s'ajoute un représentant des salariés actionnaires
désigné par le Ministre de l'économie. Si l'on regarde les choses de manière transversale, on remarque
que neuf membres sur seize doivent avoir une compétence professionnelle.

A la différence du CMF, où il était élu en leur sein par les membres du conseil, le président de l'AMF
sera, comme la COB, nommé par décret, ce qui conduira certainement à le choisir parmi le haut
personnel administratif de l'Etat, selon l'habitude française pour ce genre de poste, ce que confirme le
choix du premier (40).

Le collège de l'AMF peut constituer des commissions spécialisées en son sein et leur donner des
délégations. Elles sont présidées par le président et ne peuvent prendre que des décisions de portée
individuelle. On imagine, par exemple, la possible création d'une commission des agréments ou d'une
commission des offres publiques. Il peut également constituer des commissions consultatives,
auxquelles il peut adjoindre des experts, leur mission ne pouvant être que de préparer ses décisions.

Un commissaire du gouvernement siègera auprès de toutes les formations de l'AMF, mais sans voix
délibérative. Il pourra demander une deuxième délibération.

Le collège sera aidé dans sa tâche par des services dirigés par un secrétaire général. Le processus de
désignation de ce dernier a fait l'objet d'un compromis un peu compliqué : le président propose un
candidat, le collège donne un avis, le président prend la décision (41). Autrement dit, le
secrétaire général sera le collaborateur direct du président, de sorte que l'on peut parier que ce tandem
dominera le Collège comme il dominait hier celui de la COB.

2. Du point de vue de ses pouvoirs, le Collège de l'AMF hérite des pouvoirs généraux : pouvoir d'édicter
un règlement général, de prendre des décisions individuelles, de prononcer des injonctions et d'ouvrir
des procédures de sanction. Il est seulement privé, par souci de respect des principes processuels
européens, du pouvoir de lancer des enquêtes, qui est réservé au secrétaire général, et de celui de
prononcer les sanctions, qui est réservé à la Commission des sanctions.

Les recours contre ses décisions réglementaires sont de la compétence du Conseil d'Etat, de même que
ceux contre ses décisions individuelles d'agrément ou de refus d'agrément des professionnels.

La Commission des sanctions


L'institution d'une Commission des sanctions est la vraie nouveauté.

1. S'agissant de sa composition et de son organisation, la Commission des sanctions est un organe


pleinement indépendant. En effet, les fonctions de membres sont incompatibles avec celles de membre
du (42). Au surplus, sa composition est déterminée en fonction de sa mission : quatre
magistrats (du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation), six personnes désignées en raison de leur
compétence financière et juridique, deux représentants des salariés des professionnels. Enfin, le
président est élu par les membres et ne peut être qu'un magistrat. Le souci est évident de constituer
une quasi-juridiction à l'abri des critiques antérieures. La Commission peut constituer en son sein des
sections internes de six membres, nécessairement présidées par un magistrat. Deux sections ont ainsi
été créées.

Du point de vue de sa mission et de ses pouvoirs, cette commission est chargée de prononcer les
sanctions que peut prendre l'AMF, c'est-à-dire tant les sanctions disciplinaires que les sanctions
administratives. La procédure est réglée dans ses grandes lignes par la loi et précisé par le décret du 21
novembre (43). Les enquêtes sont diligentées par le secrétaire général ; l'ouverture d'une
procédure de sanction est décidée par le collège ; l'instruction est réalisée par un rapporteur pris parmi
les membres de la Commission ; la Commission se prononce, après une procédure contradictoire, hors la
présence du rapporteur. La loi met donc en place une séparation des diverses fonctions : fonction
d'enquête (réservée au secrétaire général), fonction de poursuites (réservée au collège), fonction
d'instruction (réservée au rapporteur) et fonction de jugement (réservée à la Commission des sanctions
et à laquelle ne peut pas participer le rapporteur).

Notons que la loi se prononce pour la première fois sur le délai dans lequel l'autorité de régulation peut
er
agir par rapport à la date des faits. Là où naguère il n'y avait pas de prescription, la loi du 1 août 2003
dispose que la Commission ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait
durant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur (44). La
mesure est bienvenue et doit être saluée.

La loi ne se prononce pas sur la publicité des débats, mais le décret d'application le fait. Son article 20
précise que la séance est publique à la demande de l'une des personnes mises en cause. Cela signifie
que les séances sont en principe fermées au public, mais qu'il suffit que l'une des parties le demande
pour que la publicité des débats soit de droit. Le décret prend soin, cependant, de réserver le pouvoir de
police du président de la formation et lui permet d'interdire au public l'accès de la salle, pendant tout ou
partie de la séance, dans l'intérêt de l'ordre public ou si la publicité est susceptible de porter atteinte au
secret des affaires ou à tout autre secret protégé par la loi.

Comme précédemment, la Commission des sanctions peut rendre publique sa décision en la publiant
dans les journaux ou supports qu'elle choisit, les frais étant supportés par les personnes sanctionnées.

Les recours contre les sanctions prononcées par l'AMF se divisent du point de vue de la compétence. Les
recours contre les sanctions prononcées contre des professionnels sont de la compétence du Conseil
d'Etat, ceux contre les sanctions prononcées contre des non-professionnels sont de la compétence de la
cour d'appel de Paris. Cet écartèlement, qui est nouveau, est doublement regrettable : d'une part, parce
qu'il créée un risque de contrariété de décisions lorsque des professionnels et des non-professionnels
auront participé aux mêmes faits ; d'autre part, parce qu'il ne met pas les professionnels et les non-
professionnels sur un pied d'égalité, les seconds bénéficiant de deux recours successifs (appel et
cassation) et les premiers d'un seul ; cette inégalité est d'autant plus regrettable que le recours des
professionnels devant le Conseil d'Etat est un recours de pleine juridiction, selon ce que décide
expressément le décret du 21 novembre 2003 (art. 27-I), ce qui fait courir le risque à l'intéressé
d'obtenir une cassation mais d'être à nouveau jugé au fond, en dernière instance.

2. Que penser de cette organisation dualiste ? La première remarque que l'on peut faire est qu'un risque
de conflit va exister entre le Collège et la Commission des sanctions. On peut en effet imaginer que la
Commission des sanctions fasse une application restrictive d'une règle édictée par le Collège ; on peut
également imaginer que le collège soit tenté d'y mettre un terme par l'édiction d'une nouvelle règle.
Mais c'est le risque à courir et il n'est pas propre à cette situation.

La seconde remarque est plus fondamentale. Tant qu'à rendre autonome et indépendante la Commission
des sanctions, n'aurait-il pas mieux valu en faire une juridiction ? Mieux, n'aurait-il pas été opportun de
rendre le pouvoir de sanction à son juge naturel, qu'il s'agisse des juridictions administratives ou
judiciaires ? Il n'aurait pas été difficile de spécialiser une juridiction pour faire en sorte qu'elle acquiert la
compétence nécessaire et qu'elle puisse statuer avec célérité. La cour d'appel de Paris a su montrer
qu'elle était capable de s'adapter aux besoins particuliers de contentieux spécifiques, tels que le
contentieux de la concurrence ou celui des offres publiques. Le Conseil d'Etat lui aussi sait faire preuve
de diligence chaque fois que nécessaire. Ainsi, aurait été mis fin au risque de cumul de sanctions,
administratives et pénales, qui demeure.

La question que l'on peut se poser en conclusion est de savoir ce que sera l'avenir de l'AMF dans le
paysage européen. Il est provisoirement assuré dans la mesure où la Commission européenne ne
semble pas actuellement attirée par la création d'une véritable autorité européenne de (45).

Mots clés :
MARCHE FINANCIER * Autorité des marchés financiers * Création

(1) La deuxième journée Christian Gavalda, colloque organisé par le Centre de recherches de droit des
affaires de l'université Panthéon-Sorbonne (Paris I), s'est déroulée le 2 octobre 2003 sur le thème
suivant : « Sécurité et droit des affaires après la loi sur la sécurité financière. Outre le présent article,
les actes de ce colloque ont été publiés dans le numéro 4/2003 de cette Revue de la façon suivante :

Le démarchage bancaire et financier, par Claude Lucas de Leyssac et Gilbert Parléani, p.

Les analystes financiers, Par Jean-Pierre Zimmermann, p.

Les agences de notation : observations sur un angle mort de la réglementation, par Alain Couret, p.
767

Les nouvelles obligations d'information des dirigeants envers les actionnaires, par Isabelle Urbain-
Parléani, p. 779

Les nouvelles obligations d'information des dirigeants envers le marché, par Martine Boizard, p.

Le renforcement de l'efficacité des contrôles effectués par les commissaires aux comptes, par Bernard
Bouloc, p.

Le renforcement de l'indépendance des commissaires aux comptes, par Haritini Matsopoulou, p. 813

L'influence de la loi Sarbanes-Oxley en France, par Pierre-Henri Conac, p.

(2) P.-H. Conac, La fusion de la COB et du CMF : Mélanges AEBDF-France III, Banque éditeur, 2001, p.
er
59 et s. ; du même auteur : Commentaire de la loi du 1 août 2003 de sécurité financière, in Chronique
Titres et Marchés : RDBF sept.-oct. 2003, p. 299.

(3) Décret n° 2003-1109 du 21 nov. 2003 : JO n° 271 du 23 nov. 2003, p. 19904.

(4) P.-H. Conac, La régulation des marchés boursiers par la Commission des opérations de bourse
(COB) et la Securities and Exchange Commission (SEC), Bibl. de droit privé, t. 386, LGDJ 2002.
(5) J. Donnedieu de Vabre, La COB : une administration de mission, Revue administrative 1980, p. 237.

(6) Art. L. 621-1, C. mon. et fin.

(7) Article 622-7 et s., C. mon. et fin.

(8) Art. L. 622-1, C. mon. et fin.

(9) Art. L. 623-2, C. mon. et fin. V. I. Riassetto et M. Storck, OPCVM, Joly Editions 2002, n° 13 et 14, p.
8.

(10) J.-P. Delville, Conseil de discipline de la gestion financière, n° 1, in Dictionnaire Joly Bourse,
Dictionnaire Permanent Epargne et produits financiers, éd. Législatives, OPCVM, n° 87 et s.

(11) J.-J. Daigre, De l'Autorité des marchés financiers à une autorité unique de régulation du secteur
financier ? : RDBF nov.-déc. 2003, p. 347 ; V. Le Monde du 25 nov. 2003, p. 18.

(12) Art. 11 de la Directive 2003-6 CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janv. 2003 sur les
opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché) : JO n° L. 096 du 12 avr. 2003, p.
0016.

(13) Art. L. 622-4, C. mon. et fin. Art. 7-2-1 du Règlement général du CMF.

er
(14) Art. L. 621-1 nouveau, C. mon. et fin. ; art. 2 de la loi du 1 août 2003.

(15) CA Paris, 11 juin 1997 : Bull. Joly Bourse 1997, p. 750, note N. Rontchevski : le CMF est une
autorité de tutelle professionnelle de droit privé auquel la mission de service public dont il est investi ne
saurait conférer la nature de service de l'Etat ni d'établissement public.

(16) Rapport du Conseil d'Etat 2001, Les autorités administratives indépendantes, Etudes et Documents
n° 52, La documentation française 2001, p. 305.

e
(17) Th. Bonneau, Droit bancaire, 5 éd., Montchrestien, n° 168.

e
(18) H. de Vauplane et J.-P. Bornet, Droit des marchés financiers, 3 éd., Litec 2001, n° 169, p. 181.

(19) P.-H. Conac, La fusion de la COB et du CMF, art. préc., p. 67 et s., n° 16 et s.

(20) Art. préc., p. 68, n° 18.


(21) F. Peltier, Le risque hégémonique de la protection de l'épargne dans la fusion COB-CMF : RDBF
mai-juin 2003, p. 184.

(22) Art. L. 622-7 et s., C. mon. et fin.

er
(23) Art. L. 544-4 nouveau C. mon. et fin. ; art. 42 de la loi du 1 août 2003.

er
(24) Art. L. 621-7 nouveau, C. mon. et fin. ; art. 8 de la loi du 1 août 2003.

(25) Art. L. 622-7, C. mon. et fin.

er
(26) Th. Bonneau, Des nouveautés bancaires et financières issues de la loi n° 2003-706 du 1 août
2003 de sécurité financière : JCP E 2003, n° 1470.

(27) Y. Paclot, Quelques remarques sur le pouvoir normatif de l'Autorité des marchés financiers :
Lexbase hebdo n° 91 du jeudi 23 oct. 2003, Edition Lettre juridique, n° Lexbase N9160AAI
(http://www4.lexbase.fr).

(28) Conseil constitutionnel, 17 janv. 1989, n° 88-248 DC. Conseil constitutionnel, 28 janv. 1989, n°
89-260 DC. Conseil constitutionnel, 15 janv. 1992, n° 91-304 DC.

er
(29) Art. L. 621-14-I nouveau, C. mon. et fin. ; art. 13 de la loi du 1 août 2003.

er
(30) Art. L. 621-14-II nouveau, C. mon. et fin. ; art. 13 de la loi du 1 août 2003.

(31) N. Rontechevsky, L'Autorité des marchés financiers, Colloque Dalloz du 16 oct. 2003, à paraître.

er
(32) Art. L. 621-16-1 nouveau, C. mon. et fin. ; art. 16 de la loi du 1 août 2003.

(33) Loi n° 89-531 du 2 août 1989 de sécurité et transparence du marché financier.

(34) Sur l'assimilation à une juridiction pénale : Cass. com. 9 avr. 1996 : RJDA 5/96, n° 645, p. 438,
concl. MC Piniot ; CA Paris, 2 juill. 1999 : Bull. Joly Bourse 1999, 494, note N. Rontchevsky ; Ass. plén.
5 févr. 1999 : Rev. sociétés 1999, 624, note H. Le . Sur la nécessité consécutive de séparer les
fonctions d'investigation du rapporteur et de jugement des faits : Ass. plén. 5 févr. 1999, précité ; sur la
nécessité également consécutive de la nécessité de séparer les fonctions de poursuites des fonctions de
jugement : CA Paris, 7 mars 2000 : Bull. Joly Bourse 2000, 244, note N. Rontchevsky.

er
(35) Décret n° 2000-721 du 1 août 2000 modifiant les articles 2 à 9 du décret n° 90-263 du 23 mars
1990 relatif à la procédure d'injonction et de sanction administrative de la COB.
(36) V. L. 622-4, C. mon. et fin. Le Conseil d'Etat a jugé que la participation du rapporteur au délibéré
de la formation disciplinaire du CMF n'est pas contraire au principe d'impartialité rappelé par l'article 6, §
1 de la Convention européenne des droits de l'homme : CE 3 déc. 1999 : JCP 2000, II, 10267, note F.
Sudre.

(37) Conseil d'Etat, Rapport public 2001, Les autorités administratives indépendantes, La
documentation française, Etudes et Documents n° 52, 2001. Les sanctions administratives, Actualité et
perspectives : AJDA, n° spécial, 20 oct. . Le contrôle démocratique des autorités administratives
indépendantes à caractère économique, sous la direction de H. de Charrette, avant-propos de M.
Domingo, Economica, 2002.

er
(38) Art. L. 621-2-I et IV ; art. 3 de la loi du 1 août 2003.

(39) Là où ils étaient dix à la COB, ils ne sont que neuf à l'AMF pour la raison logique que le collège de
la COB comprenait le président du CMF.

(40) M. Prada.

er
(41) Art. L. 621-5-I nouveau, C. mon. et fin., art. 7 de la loi du 1 août 2003.

er
(42) Art. L. 621-2-IV-4°, alinéa 4, nouveau C. mon. et fin. ; art. 3 de la loi du 1 août 2003.

(43) Décret n° 2003-1109 du 21 nov. 2003 : JO n° 271 du 23 nov. 2003, p. 19904.

er
(44) Art. L. 621-15-I, C. mon. et fin. ; art. 14 de la loi du 1 août 2003.

(45) J.-J. Daigre, Complexité institutionnelle du secteur financier en France : Droit et Patrimoine, déc.
2003.

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