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L 2 DE PSYCHOLOGIE

UE OPTIONNELLE

L’APPRENTISSAGE DE LA LECTURE

(E.LOUVET)
PLAN DU COURS

1. Qu’est-ce que la lecture ?

1.1. La lecture implique-t-elle un passage par l’oral ?


1.2. Prise de conscience des stratégies du lecteur
confirmé
1.3. La construction directe de significations à partir de
l’écrit
1.4. Les processus mentaux impliqués dans la
construction du sens

2. L’enseignement de la lecture : aspects pédagogiques

2.1. Les méthodes « traditionnelles »

2.1.1. Comparaison des méthodes de lecture :


méthode syllabique, globale et mixte
2.1.2. Critique de l’approche traditionnelle

2.2. L’approche fonctionnelle

3. Les processus d’apprentissage de la lecture-écriture

3.1. L’hypothèse constructiviste (Ferreiro)

3.2. Les travaux de Ferreiro : aspects méthodologiques

3.3. Les travaux de Ferreiro : résultats

3.3.1. Correspondance sonore et valeurs sonores


conventionnelles
3.3.2. Les niveaux de conceptualisation de l’écrit

3.4. Conceptualisation de l’écrit et réussite scolaire


4. Le rôle du contexte socio-familial dans l’apprentissage
de la lecture

4.1. Acquisition de l’écrit et rapport social au langage :


une analyse sociologique des difficultés scolaires

4.2. Milieu socio-familial, pratiques langagières et


apprentissage de la lecture

4.2.1. Milieu social et compétences en lecture-


écriture
4.2.2. Pratiques familiales dans le domaine du
langage écrit et compétences en lecture-
écriture

5. Les difficultés à l’écrit chez l’adulte : la problématique


de l’illettrisme

5.1. Définir l’illettrisme


5.2. Mesurer et chiffrer l’illettrisme
5.3. Qui sont les illettrés ?
5.4. Les représentations sociales de l’illettrisme et la
perception sociale des illettrés
5.5. L’illettrisme à l’université
DEFINITIONS DE LA LECTURE

A) LA CONCEPTION « TRADITIONNELLE »

Ecrit Oral Sens


(ouïe)

(vue)

Transformation
Graphèmes-phonèmes
= vocalisation

lecture à voix haute

lecture silencieuse (compréhension par sub-vocalisation)

B) LA CONCEPTION ACTUELLE

Ecrit Sens Oral

« Activité mentale » Vocalisation


(décodage) (codage)

Lecture silencieuse

Lecture à haute voix


LES ACTIVITES MENTALES IMPLIQUEES DANS LA CONSTRUCTION DE SENS A PARTIR DE L’ECRIT

connaissances contexte texte écrit


préalables
du lecteur

Information information sens


Non-visuelle visuelle

anticipation prélèvement vérification


d’indices
ENSEIGNEMENT DE LA LECTURE :
METHODES TRADITIONNELLES ET APPROCHE FONCTIONNELLE

Méthodes traditionnelles Approche fonctionnelle

Activités Enseignement formel et systématique Elaboration des stratégies du


proposées de la combinatoire lecteur confirmé

Supports utilisés Manuels de lecture spécialement Supports variés (livres, affiches,


conçus pour la phase d’apprentissage …) qui fonctionnent en dehors de
la situation scolaire

Démarches Transmission successive d’éléments Construction active de savoirs et


didactiques de connaissance selon le principe savoir-faire par l’apprenant à
« du plus simple vers le plus travers des interactions sociales
complexe ; suscitant des conflits socio-
Séquences du type : expliquer, cognitifs
s’entraîner, réviser, évaluer

⇒ conception empiriste et ⇒ conception socio-constructiviste


associationniste

Relation Relation asymétrique : l’enseignant Relation symétrique : l’enseignant


pédagogique explique et corrige aide l’apprenant à construire ses
connaissances

Modalités Evaluation normative : Evaluation formative :


d’évaluation
L’erreur est une déviation par rapport L’erreur témoigne de la démarche
à la norme, elle reflète les de réflexion de l’apprenant.
insuffisances de la pensée de
l’apprenant.
Elle doit être évitée le plus possible Elle est nécessaire à l’apprentissage
et corrigée immédiatement si elle se et doit être exploitée pour favoriser
produit le progrès
LES NIVEAUX DE CONCEPTUALISATION (FERREIRO, 1988)

Ferreiro a défini 4 grands niveaux de conceptualisation de l’écriture : le niveau pré syllabique,


la niveau syllabique, le niveau syllabico-alphabétique et le niveau alphabétique. Ces niveaux
de conceptualisation correspondent à la compréhension que l’enfant a du principe de
correspondance sonore, c’est à dire de la relation entre quantité de graphies et quantité
d’unités orales.
Il est important de noter que c’est uniquement la correspondance sonore qui détermine le
niveau de conceptualisation, indépendamment de l’utilisation des valeurs sonores
conventionnelles des lettres (valeurs sonores attribuées par convention aux différents
graphèmes de notre système d’écriture : la lettre A se prononce (a)), même indépendamment
de l’utilisation de lettres conventionnelles.

¾ Au niveau pré syllabique, l’enfant n’établit pas de correspondance sonore. Cela veut
dire que la quantité de graphies qu’il produit ne correspond pas à la quantité d’unités
orales (en termes de phonèmes ou de syllabes). Soit la quantité de graphies est fixe ou
varie aléatoirement, soit elle varie en fonction des caractéristiques de l’objet
représenté (pour ours, il faut beaucoup de lettres parce qu’un ours est grand).
A l’intérieur du niveau pré-syllabique, il convient néanmoins de distinguer au moins
trois sous-niveaux :

™ Les écritures indifférenciées (gribouillages) ou fixes (même graphie ou suite de


graphies utilisée pour des mots différents)

™ Les écritures différenciées : les différences de signification sont réalisées


objectivement dans la production écrite de l’enfant ; cette différenciation se fait
à travers le type de graphies, l’ordre des graphies et la quantité des graphies

™ Les écritures différenciées avec un début de correspondance sonore : la


quantité de graphies varie en fonction de la longueur de l’émission orale, mais
sans qu’il y ait une correspondance stricte entre unités orales (syllabes ou
phonèmes) et graphies
¾ Au niveau syllabique, l’enfant établit une correspondance sonore basée sur les
syllabes. Il écrit une graphie par syllabe. Ce principe de correspondance syllabique
n’est parfois pas respecté lorsqu’on demande à l’enfant d’écrire un mot
monosyllabique ou même bi-syllabique. En effet, dans cette situation, l’hypothèse
syllabique entre en conflit avec une autre hypothèse (élaborée précédemment) selon
laquelle il faudrait un nombre minimal de graphies (deux ou trois) pour qu’une
écriture puisse être porteuse de sens. Ce conflit amène soit un abandon de la
correspondance sonore avec parfois un effet de sur-compensation (l’enfant n’écrit pas
deux ou trois graphies, mais 10), soit il constitue la source pour un progrès vers le
niveau suivant, le niveau syllabico-alphabétique, qui permet de concilier les deux
hypothèses.

¾ Au niveau syllabico-alphabétique, la correspondance sonore s’établit tantôt sur la


base des syllabes, tantôt sur la base des phonèmes. Autrement dit, parfois l’enfant écrit
une graphie par syllabe (hypothèse syllabique), parfois il écrit une graphie par
phonème (hypothèse alphabétique).

¾ Au niveau alphabétique, la correspondance sonore est systématiquement basée sur les


phonèmes : l’enfant écrit une graphie par phonème. On peut noter qu’à ce stade,
l’enfant n’écrit pas « juste », puisqu’il n’a pas intégré les règles d’orthographe, ni
(dans bien des cas) la notion de segmentation des mots.
Evolution des niveaux de conceptualisation au cours préparatoire
(résultats des travaux de Ferreiro)

Séance 1 Séance 2 Séance 3 Séance 4


présyllabique indifférencié 17.2 % 7.4 % 1.2 % 0.8 %
présyllabique différencié 68.9 % 53.2 % 33.2 % 17.3 %
syllabique 9.2 % 13.8 % 11.7 % 7.2 %
syllabico-alphabétique 2.7 % 14.4 % 12.5 % 12.5 %
alphabétique 1.3 % 11.1 % 44.1 % 62.2 %

Résultats obtenus auprès d’un échantillon d’enfants français

Maternelle Début CP CP Séance 3


(France) (Mexique) (France) (Mexique)
présyllabique indifférencié 25 % 17.2 % 5% 1.2 %
présyllabique différencié 64 % 68.9 % 19 % 33.2 %
syllabique 6% 9.2 % 5.5 % 11.7 %
syllabico-alphabétique 2.5 % 2.7 % 28.5 % 12.5 %
alphabétique 2.5 % 1.3 % 42 % 44.1 %

Utilisation des valeurs sonores conventionnelles en fonction du niveau de conceptualisation et


du moment dans l’année de CP :

Séance 1 Séance 2 Séance 3 Séance 4 Moyenne (quel que


soit la séance)
présyllabique 3.4 % 9.5 % 10 % 17.5 % 7.2 %
Syllabique 51 % 66.5 % 81 % 69 % 67.6 %
Syll.-alph. 42 % 33 % 58 % 76.5 % 53.8 %
Alphabétique 85 % 73 % 96 % 98.5 % 95 %
moyenne (quel que soit le 13 % 33 % 68 % 82 %
niveau de concept.)
Rapport social au langage
et difficulté dans l’apprentissage de la lecture
(B.Lahire, 1993)

Rapport oral-pratique au langage Rapport scriptural (-scolaire) au langage

= rapport pragmatique = rapport réflexif

Langage lié au contexte, à la situation Langage comme un objet autonome


immédiate, à l’expérience, à l’action, avec un fonctionnement interne,
indissociable de la réalité, du monde des règles propres

Le langage fonctionne Le langage est un objet étudiable en soi,


dans des situations concrètes un objet de conscience, de réflexion
où il n’apparaît pas en tant que tel et de manipulation

Maîtrise pratique du langage Maîtrise consciente et réflexive du langage


dans des situations d’interaction concrètes hors contexte

Les difficultés qu’éprouvent certains élèves à l’école face à l’écrit s’expliqueraient par leur
incapacité de passer d’un rapport oral-pratique à un rapport scriptural-scolaire au langage,
c’est à dire leur difficulté à développer une attitude réflexive face au langage, à considérer ce
dernier comme un objet étudiable en lui-même et pour lui-même.
Réussite à diverses épreuves écrites selon le milieu social (Lahire, 1993)

Pourcentage d’élèves par milieu social n’ayant commis aucune erreur relevant de l’analyse de
la chaîne sonore lors d’un test d’expression écrite (CM 1)

Cadres, professions 100


intellectuelles (N=33)
Professions intermédiaires 88
(N=25)
Employés (N=17) 85
Artisans, commerçants (N=8) 67
Ouvriers (N=62) 61

Pourcentage d’élèves par milieu social n’ayant commis aucune erreur de découpage (CM 1) :

Cadres, professions 81
intellectuelles
Professions 72
intermédiaires
Employés 62
Artisans, commerçants 58
Ouvriers 51

Nombre moyen de fautes d’orthographe sur 100 mots écrits par milieu social (CM 1) :

Fautes Fautes de
d’usage gramm.
Cadres, professions 3.52 5.13
intellectuelles
Professions 3.06 4.93
intermédiaires
Employés 1.34 4.28
Artisans, commerçants 4.70 8.87
Ouvriers 4.30 10.99

Pourcentages de confusions dans les formes verbales (E) par milieu social:

Cadres, professions 17
intellectuelles
Professions 14
intermédiaires
Employés 15
Artisans, commerçants 25
Ouvriers 28
MILIEU SOCIAL, EDUCATION FAMILIALE
ET COMPETENCES DES ENFANTS EN LECTURE-ECRITURE

Pourcentages de familles « traditionnelles » et « fonctionnelles » par milieu social


Orientation Orientation
traditionnelle fonctionnelle
défavorisé 65 % 35%
intermédiaire 42 % 58 %
favorisé 20 % 80 %

Répartition des enfants sur les niveaux de conceptualisation de l’écriture pour les familles
« traditionnelles » et « fonctionnelles » :

présyllabique syllabique alphabétique


ou syll.-
alphabétique
traditionnelle 24 % 31 % 45 %
fonctionnelle 4 % 21 % 75 %

Compétences moyennes des enfants dans les épreuves du livre, du closure et de copie pour les
familles « traditionnelles » et « fonctionnelles » :

Approche Approche
traditionnelle fonctionnelle
Manipulation du livre x = 9.96 x = 12.81 p<.001
(score global sur 18) s = 2.58 s = 2.86
Récit x = 3.61 x = 5.77 p<.001
(nbre d’événements sur 12) s = 2.38 s = 2.82
Lecture à haute voix x = 2.22 x = 3.33 p<.001
(note sur 4) s = 1.06 s = 0.99
Closure x = 3.72 x = 6.42 p<.001
(nbre de mots corrects sur 10) s = 2.58 s = 2.47
Copie (phrase de 50 signes) x = 32.71 x = 22.08 p<.001
(nbre de regards au modèle) s = 8.42 s = 9.00
L’illettrisme

A n a l p h a b é t i s m e Non-maîtrise du système d’écriture alphabétique liée généralement


à une absence de scolarisation
Illettrisme Difficultés importantes pour utiliser l’écrit de façon efficace dans la
vie professionnelle, sociale ou personnelle, malgré une certaine
maîtrise de la combinatoire
A n a l p h a b é t i s m e Analphabétisme « de retour » : Perte de la maîtrise du système
fonctionnel d’écriture alphabétique suite à une absence d’usage de l’écrit au-
delà de la période scolaire

Plus précisément, les difficultés qui caractérisent l’illettrisme sont :

ƒ Des stratégies de lecture peu efficaces qui impliquent un passage par la (sub)-
vocalisation

⇒ difficultés de compréhension, lecture lente et laborieuse

ƒ Un manque de goût pour la lecture

ƒ Un recours à l’écrit uniquement en cas de stricte nécessité sous forme de lectures


imposées

ƒ Une conception de l’écrit en tant que moyen de communication orale à distance


(aucune spécificité dans les fonctions de l’écrit par rapport à celles de l’oral)
ƒ Un rapport infériorisé au monde de l’écrit (le livre en tant qu’objet sacré)
Mesurer l’illettrisme

Résultats des enquêtes nationales à l’entrée en sixième :

20 % des élèves ne comprennent pas ce qu’ils lisent et 65 % ont une vitesse de lecture
inférieure à la vitesse de parole, c’est à dire utilisent plus ou moins bien des stratégies de
déchiffrage (résultats des enquêtes nationales)

Bentolila (1996) : performances en lecture de jeunes gens de nationalité française âgés de 18


à 23 ans (population : plus de 350 000 personnes) :

Analphabètes (incapacité à déchiffrer des mots) 1%


Identification de mots 3% Difficultés
Compréhension de phrases simples 4% à l’écrit
Compréhension partielle et superficielle d’un texte court 12 % = 20 %
Compréhension complète d’un texte court 80 %

Foucambert (1989) : différents critères pour mesurer l’illettrisme :

Analphabètes fonctionnels : personnes qui ont perdu la


technique du déchiffrage malgré une scolarisation jusqu’à 10-15 % Difficultés
l’âge de 16 ans) à l’écrit
Illettrés ou alphabétisés : personnes capables de comprendre = 70 %
l’écrit, mais dont les stratégies de lecture sont si lentes et 55-60 %
laborieuses (stratégies de sub-vocalisation) qu’ils n’ont
recours à l’écrit qu’en cas de stricte nécessité
Lecteurs : personnes capables de comprendre directement 30 %
l’écrit, sans passer par l’oral, et qui s’engagent dans des
pratiques de lecture fréquentes et diversifiées
Illettrisme et exclusion sociale

Jeunes Détenus Allocataires


adultes RMI
Analphabètes 1% 9% 12,5 %
Identification de mots 3% 12 % 12 %
Compréhension de phrases simples 4% 8% 11 %
Compréhension partielle et superficielle d’un 12 % 20 % 21 %
texte
Compréhension complète d’un texte court 80 % 51 % 53,5 %

Résultats des travaux de Bentolila (1996)


BIBLIOGRAPHIE

Bentolila A. (1996). De l’illettrisme en général et de l’école en particulier, Paris : Plon

Besse J.M. et al (1992). L’illettrisme en question, Lyon : PUL

Chartier R. (1985). Pratiques de la lecture, Marseille : Editions Rivages

Cohen I. & Mauffrey A. (1983). Vers une nouvelle pédagogie de la lecture, Paris : Armand
Colin / Bourrelier

Ferreiro E. & Gomez-Palacio M. (1988).Lire-écrire à l’école, comment s’y apprennent-ils ?


CRDP de Lyon

Foucambert J. (1989). Question de lecture, Paris : Retz / AFL

Foucambert, J. (1994). L’enfant, le maître et la lecture, Paris : Nathan

Lahire, B. (1993). Culture écrite et inégalités scolaires, Lyon : PUL

Smith F. (1986). Devenir lecteur, Paris : Armand Colin / Bourrelier

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Louvet-Schmauss E. (1994). Le rôle du contexte familial dans l’apprentissage de la lecture.


Les actes de lecture, 47, 54-61.

Louvet-Schmauss E. & Prêteur Y. (1998). Lire-écrire pour étudier à l’université : une


approche comparative franco-allemande. L’orientation scolaire et professionnelle, 27(4), 505-
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Louvet E. & Prêteur Y. (2003). L’illettrisme : un facteur explicatif de l’échec universitaire.


Revue Française de Pédagogie, 142, 105-114.

Louvet-Schmauss E. & Prêteur Y. (1993). Conceptualization of the Writing System and


Knowing How to Use a Children's Book at Preschool Age as Predictors of Reading and
Writing Acquisition in the First Year of Primary School: A Comparative Study Between
France and Germany. European Journal of Psychology of Education, VIII (3), 221-234.

Prêteur Y. & Louvet-Schmauss E. (1995). Une pédagogie fonctionnelle de l’écrit à l’école


peut-elle réduire l’hétérogénéité de départ liée aux pratiques socio-familiales? Revue
française de pédagogie, 113, 83-93.

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