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Comment le Maroc peut gagner le pari

du développement durable

Aujourd'hui, le développement durable au Maroc constitue un vrai projet de société


traduisant une vision royale concrétisée à travers la stratégie nationale de
développement durable (SNDD 2015-2020). Il s'agit d'un engagement du pays
affirmant les objectifs du sommet de Rio de 1992, qui incitait à la préservation des
ressources environnementales des Etats, et confirmant l'appel de Marrakech (initié
lors de la COP22) qui vise à opérationnaliser l'accord de Paris en poursuivant le
développement des secteurs d'activités moins polluants et disposant de potentialités
durables et renouvelables.

Si l'Etat a mis en place bon nombre de projets et de programmes chapeautés par le


nouveau Secrétariat d'Etat chargé du développement durable et couvrant plusieurs
aspects tels que la biodiversité, la biosécurité, la dépollution, l'assainissement
liquide, la qualité de l'air etc., de nombreux défis d'ordre stratégique, technique et
organisationnel restent à relever afin de permettre l'émergence d'une véritable
économie verte créatrice de richesse.

Le facteur humain joue un rôle prépondérant pour l'édification d'une gouvernance


environnementale à dimension écologique et en alignement avec les standards
internationaux. Mais le pilier "formation et sensibilisation" est négligé au niveau de la
SNDD dans la mesure où n'existe pratiquement pas, dans les filières accréditées de
l'enseignement supérieur académique, des matières ou des modules pédagogiques
couvrant les facteurs clés du développement durable à savoir l'environnement,
l'écologie et l'économie durable. Pourtant, la démocratisation du développement
durable à travers le système d'éducation national favorisera l'approche inclusive et
participative et ce, dans la perspective d'édifier un nouveau modèle de
développement catalyseur d'une nouvelle dynamique de croissance durable.

Par rapport à l'efficacité énergétique, constituant un facteur déterminant dans la


mesure du degré de maturité d'une économie verte, le Maroc ne réalise toujours pas
des résultats probants. La facture énergétique continue de peser sur notre balance
commerciale malgré la chute du prix du baril. A ce titre, les investissements drainés
par la société d'énergie solaire MASEN à fin 2016 dépassaient les 10 milliards,
composés essentiellement de matières et de matériaux importés de l'étranger. De ce
fait, les placements énergétiques ne génèrent pas encore une productivité suffisante
et susceptible de couvrir le besoin national en énergie.

D'autre part, le volet gouvernance ne devrait faire l'objet d'une échappatoire. Le


Maroc ne pourra réussir sa transition énergétique vers les ressources renouvelables
que par la mise en place d'une politique cohérente "interinstitutionnelle", impliquant
l'ensemble des acteurs énergétiques (ministère de tutelle, MASEN, SIE, AMEE,
ONEE...) et à dimension économique, sociale et environnementale visant
l'amélioration de la qualité de vie des citoyens et la lutte contre la précarité. Le pays
a besoin d'une coalition autour du développement et la préservation des ressources
renouvelables au sens large du terme (solaire, thermique, éolien, hydrique...) en
intégrant dans ce package les acteurs de la société civile et la CGEM, porte-parole
des entreprises privées dudit secteur.

Autre point important au niveau de la SNDD 2015-2020, la lutte contre les


changements climatiques. Celle-ci ne peut s'opérationnaliser qu'à travers des
"incentives écologiques", favorisant des actions citoyennes et la responsabilité
sociale des entreprises (RSE), au-delà des mesures stratégiques interministérielles.
Il faut penser, à titre d'exemples, à développer de nouvelles exonérations fiscales
encourageant la préservation de l'environnement et des lignes de crédit "vertes"
favorisant le financement de projets écologiques. Je cite, entre autres, l'utilisation de
l'énergie renouvelable en remplacement à l'énergie fossile dans l'agro-industrie,
l'acquisition de voitures hybrides, la réservation d'espaces verts représentant le 1/4
de la superficie globale du projet, le développement de zones urbaines hors
émissions de CO2 favorisant la circulation à vélos ou engins électriques, la plantation
d'arbres dans des régions à forte circulation automobile, l'installation solaire
photovoltaïque pour l'éclairage et le chauffage...

Cependant, la lutte contre le réchauffement climatique ne peut s'opérer qu'à travers


un consensus national nécessitant l'adhésion de toute les parties prenantes, d'une
part, pour respecter l'engagement international du Maroc en contenant les émissions
aux alentours de -4°C et en les réduisant à hauteur de 32% à l'horizon 2030, et
d'autre part, en vue de préserver le climat du pays contre les perturbations
météorologiques qui impactent négativement l'activité agricole. La préservation du
domaine forestier marocain constitue un levier écologique de l'écosystème
environnemental, permettant d'améliorer la qualité de l'air source de vie des citoyens
et de réduire les effets du dérèglement climatique qui sont responsables en partie du
retard des précipitations.

L'entretien forestier ne peut être mené uniquement par le Commissariat en charge


des forêts vu ses moyens limités. Il faut développer des partenariats locaux avec les
communes urbaines et rurales qui à leur tour inciteront les acteurs de la société civile
de leurs arrondissements pour y contribuer. Cela pourra se faire par des actions de
sensibilisation des citoyens pour une exploitation forestière responsable, par la
collecte des déchets forestiers et par des opérations d'entretien des plantes
forestières. Plusieurs ONG financent ce genre de projets, mais réclament
généralement un cadre légal et institutionnel garantissant l'emploi des fonds octroyés
pour la bonne cause climatique.

Pour ce qui est des ressources hydriques, et parallèlement à la politique de


construction des barrages initiée depuis le règne de SM feu Hassan II, il est question
aussi de rationnaliser l'utilisation des eaux domestiques et industrielles par le biais
d'une campagne de sensibilisation nationale incitant aux dangers de la nouvelle ère
(stress hydrique, rareté des ressources, problèmes de gaspillage et de pollution...), et
de développer davantage de nouvelles techniques de recyclage des eaux usées
telles que la microfiltration, la nanofiltration et l'osmose inverse. La réutilisation de
ces eaux profitera davantage à l'irrigation, d'où la nécessité d'investir dans des
stations dédiées. Le dessalement de l'eau mer reste coûteux et devra être destiné à
l'eau potable. Les utilisations agricoles et industrielles "non potables" devront être
imputées aux opérations de recyclage des eaux usées et ce, afin d'agir en amont sur
l'économie de la ressource.

Finalement, la transition durable au Maroc reste tributaire de la coopération


interinstitutionnelle et de la coordination interministérielle qui devront s'effectuer en
amont des processus. Les actions et les mesures déclinées au niveau local le plus
bas constitueront la conséquence d'un nouveau modèle de gouvernance bâti sur le
décentrement du pouvoir et ce, afin de "faire faire" les choses. Ainsi, il s'agira d'une
véritable émergence sociale favorisant le développement pour le long terme d'une
nouvelle économie verte, gisement de croissance et de dynamisme

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