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3, avenue de Lowendal
75007 PARIS
Etude
effectuée dans le cadre des travaux de la Commission
« Lutte contre la pauvreté, les inégalités et l’exclusion »
Décembre 2004
« Une nouvelle idée qui remplit d’enthousiasme certains
économistes du Nord est apparue, celle d’éliminer la pauvreté -
phénomène qu’ils viennent apparemment de découvrir. Qui
pourrait refuser de combattre la pauvreté ?… Mais est-ce possible
en dehors du cadre du développement et de celui d’une politique de
coopération internationale éclairée ? »
Ra? l PREBISCH,
Premier Secrétaire général de la CNUCED, 1979
Proverbe africain
INTRODUCTION
Sur une population mondiale de 6 milliards d’êtres humains, plus de 1,2 milliard, soit un
habitant de la planète sur cinq, survivent avec moins d’un dollar par jour1 et près de
3 milliards d’individus avec moins de deux dollars par jour. 115 millions d’enfants ne
fréquentent pas l’école primaire et les trois cinquièmes de ces enfants sont des filles.
30 000 enfants par jour meurent de maladies qui auraient pu être évitées, soit plus de
10 millions d’enfants par an. Un individu sur cinq n’a pas accès à l’eau potable, un sur
trois vit dans un pays subissant un stress hydrique. 42 millions de personnes dans le
monde sont atteintes du sida, dont 39 millions dans les pays en développement. En 1997,
les dépenses publiques de santé s’élevaient en moyenne à 6 dollars par habitant dans les
pays les moins avancés, alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé à
35-40 dollars par habitant le strict minimum nécessaire pour des services de santé
élémentaires. La même année, les pays à revenu élevé ont dépensé pour la santé
1356 dollars par habitant. L’aide publique au développement des pays riches se monte à
environ 55 milliards de dollars par an, alors qu’ils dépensent au moins 100 milliards de
dollars par an pour les subventions agricoles et 600 milliards de dollars pour leur secteur
militaire.
Pour réagir à cette crise de légitimité justifiée, les institutions financières internationales
(IFIs3) ont cherché à se réhabiliter en annonçant une modification de leurs objectifs et de
leur mode de fonctionnement. Depuis 1997-1998, elles ont travaillé à reformuler leurs
stratégies pour placer la lutte contre la pauvreté au rang d’objectif prioritaire de toutes
leurs actions. Quelques années plus tard, il semble bien que la lutte contre la pauvreté soit
devenue l’axe principal de la coopération internationale, dans les déclarations tout au
moins. Elle fait désormais l’objet d’un large consensus, notamment au niveau des
institutions internationales, du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation
de coopération et de développement économiques, de l’Union européenne et des bailleurs
bilatéraux.
1
Toutes les données chiffrées sont extraites du Rapport mondial sur le développement humain 2003 du
Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD). Ce texte présente un état des lieux complet
de la situation actuelle des pays en développement dans de nombreux domaines (pauvreté monétaire, santé,
éducation, égalité entre les sexes, protection de l’environnement, etc.).
2
Interview donnée au journal Le Monde du 6 novembre 2001.
3
Ce terme regroupe le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale (BM) et les banques
régionales de développement. Cette étude emploiera également l’appellation d’Institutions de Bretton
Woods (IBW) pour désigner le FMI et la BM.
3
Définitions
Il est nécessaire, avant d’aller plus loin, de définir précisément ce que l’on entend par
pauvreté. Le sens donné au mot va en effet conditionner les stratégies visant à la réduire.
Dans sa définition courante, la pauvreté désigne l’état, la condition d'une personne qui
manque de ressources, de moyens matériels pour mener une vie décente. On perçoit que
si la notion d’argent est primordiale dans cette définition, ce n’est que pour se rapporter à
un standard de niveau de vie. Cela entraîne nécessairement des différences entre les pays
en fonction de leur situation économique générale. Ces considérations ont conduit les
institutions internationales à donner différentes définitions de la pauvreté :
- la pauvreté relative évoque un niveau de vie variable en fonction de l'époque et de
la société. Elle correspond à la moitié du revenu médian d’une société ;
- le seuil de pauvreté correspond à deux dollars par jour et par habitant ;
- la pauvreté absolue ou extrême pauvreté correspond à moins de un dollar par jour
et par habitant.
Ces définitions classiques s’appuient exclusivement sur des mesures du revenu par
habitant. Cependant, un consensus existe aujourd’hui autour de la dimension
pluridimensionnelle de la pauvreté : elle ne se limite pas à une simple insuffisance de
revenu mais englobe également des aspects plus qualitatifs de la vie. La pauvreté n’est
plus seulement économique, mais devient en même temps sociale, politique et culturelle.
Cette approche est légitimée par les travaux d’Amartya Sen, prix Nobel d’économie en
1998, qui montrent que la pauvreté ne se réduit pas au revenu mais apparaît plus
justement comme une « privation de capacités »4. Les analyses récentes considèrent alors
trois formes principales de pauvreté :
- la pauvreté monétaire prend en compte les ressources des individus. Elle est
évaluée en fonction du revenu des individus ou de leur consommation (de biens
alimentaires et non alimentaires) ;
- la pauvreté des conditions de vie résulte de l’incapacité de l’individu à satisfaire
ses besoins essentiels. C’est une vision plus qualitative qui met en lumière
l’exclusion par rapport à un certain mode de vie matériel et culturel. La pauvreté est
ici perçue comme un manque5 ;
- la pauvreté de « capacités » traduit le fait que l’on ne dispose pas des moyens qui
permettraient de se soustraire à la pauvreté par la mise en valeur de ses capacités
individuelles ;
Ces différentes formes de pauvreté interagissent entre elles, de sorte que tout individu
pauvre est confronté à un cercle vicieux, un « processus cumulatif dans lequel déficits
éducatifs et matériels se traduisent par un engrenage infernal »6. La pauvreté n’est plus
perçue comme un état mais s’assimile de plus en plus à un processus pluridimensionnel et
4
La richesse est alors pressentie comme pouvoir et la pauvreté comme altération des conditions dans
lesquelles les individus décident ; cela justifie de fait une intervention des gouvernements et des institutions
internationales.
5
Cette non-satisfaction des besoins peut avoir des causes multiples : coût, problème d’accès au service ou
de disponibilité, service jugé non nécessaire, etc.
6
Totté Marc (sous la direction de), La pauvreté en « références », Hors Série n° 6, COTA - GRESEA -
Monde selon les femmes, Editions COTA, avril 2003.
4
protéiforme dans le cadre duquel richesse, savoir et pouvoir sont intimement liés. Elle est
davantage abordée à la source et considérée comme la conséquence d’une inaptitude à
saisir les opportunités qui se présentent en raison d’un manque de capacités.
Dès lors, il est possible de formuler une définition unique de la pauvreté comme étant un
processus cumulatif dans lequel les déficits matériels, sociaux, éducatifs et culturels
figent un individu dans une situation de manque qui entrave son épanouissement.
Cette définition ne doit pas occulter la place de la perception par les populations de leur
situation. Un individu qui ne se perçoit pas comme pauvre, quels que soient ses
conditions de vie et son niveau de revenu, n’exprimera pas le besoin d’améliorer sa
situation. Ce principe reflète l’importance de l’environnement culturel qui structure les
populations. Dans les sociétés africaines qui conçoivent le groupe comme vecteur naturel
de solidarité, les notions de revenus ou même de niveau de vie ne sont pas pertinentes.
Peu importe ce que l’individu possède pourvu qu’il soit intégré au groupe ou au village.
La pauvreté n’est pas perçue comme une absence de richesse ou de capacités mais comme
un déficit de socialisation.
Parallèlement aux trois formes de pauvreté définies auparavant, il existe trois formes
d’inégalités :
- l’inégalité monétaire correspond à la répartition des richesses nationales ;
- l’inégalité des conditions de vie renvoie aux différences dans les possibilités
d’accès à la satisfaction des besoins essentiels ;
- l’inégalité de « capacités », ou « inégalité des chances », correspond aux
différences de probabilités de pouvoir mettre en valeur ses capacités, les individus
n’ayant pas alors au départ les mêmes chances de réussite.
La Banque mondiale, dans son rapport de 20008, a défini la lutte contre la pauvreté dans
une approche élargie et pluridimensionnelle qui comporte quatre critères :
- l’augmentation des revenus ;
7
Cling Jean-Pierre, De Vreyer Philippe, Razafindrakoto Mireille, Roubaud François, La croissance ne suffit
pas pour réduire la pauvreté : le rôle des inégalités, Document de travail DIAL, mai 2003.
8
Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde 2000 : Combattre la pauvreté, Editions
ESKA, Paris, 2000.
5
- l’accès aux biens publics (eau, éducation, santé, etc.) ;
- la réduction des risques ;
- l’amélioration des rapports de forces en faveur des « sans pouvoirs » et des « sans
voix » (ce qu’on désigne généralement sous le terme d’« empowerment »).
Fort de cette approche, le rapport de la Banque mondiale propose une stratégie visant à
combattre la pauvreté sur trois fronts :
- le développement des opportunités, c’est-à-dire des opportunités matérielles et
financières (emploi, crédit, routes, électricité, écoles, eau, services de santé, etc.) et
des qualifications (éducation et formation professionnelle) ;
- l’insertion : l’insertion des pauvres dans la société est déterminée en grande partie par
les institutions publiques et sociales qui doivent être attentives à leurs besoins. Cette
démarche est politique : elle implique un ensemble de réformes devant améliorer la
responsabilité et l’efficacité de l’administration, des institutions juridiques et des
services publics, ainsi que le renforcement de la participation des pauvres aux
processus politiques et aux décisions locales ;
- la sécurité matérielle : il est nécessaire, afin d’améliorer le bien-être et d’encourager
les investissements dans le capital humain, d’atténuer la vulnérabilité aux chocs
économiques, aux catastrophes naturelles, à la mauvaise santé, à la violence, etc.
L’Etat doit tout mettre en œuvre pour diminuer ces risques auxquels sont confrontés
les pauvres.
La définition d’une telle stratégie implique deux observations. Il faut tout d’abord
souligner que la prise en compte du thème de la lutte contre la pauvreté conduit
indéniablement à redéfinir le rôle de l’Etat. Faciliter le développement humain,
développer les investissements et mettre en place des « filets de protection » pour les
pauvres font maintenant partie des prérogatives naturelles des Etats. Alors que les
politiques d’ajustement structurel s’attachaient à réduire au minimum la sphère des
interventions étatiques, les nouvelles stratégies rendent à l’Etat sa place de moteur du
développement. Une deuxième observation amène à préciser qu’une stratégie de
réduction de la pauvreté ne peut être que globale, c’est-à-dire axée sur plusieurs
domaines (éducation, santé, pouvoir politique, etc.), opérant à plusieurs échelons
(international, régional, local) et avec plusieurs instruments (aide macro-économique,
aide programme, aide projet, etc.). Affirmer la nature pluridimensionnelle de la pauvreté
implique de formuler une stratégie de développement qui soit elle-même
pluridimensionnelle et protéiforme, capable de lutter contre toutes les formes de pauvreté
et à tous les niveaux.
Une stratégie de lutte contre la pauvreté ne peut être définie comme telle que si elle est
globale. C’est donc à travers le prisme de ce constat que seront étudiées les stratégies des
différents acteurs du développement : institutions internationales et européennes, Etat
français, acteurs non-institutionnels. Nous analyserons la politique de chaque acteur (à la
fois son discours et le fonctionnement de ses instruments) afin de savoir si son action peut
s’assimiler à de la lutte contre la pauvreté.
6
CHAPITRE I
7
Les institutions internationales sont probablement les acteurs qui pèsent le plus sur les
stratégies de développement. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont
acquis au cours des années un rôle majeur dans le développement des pays pauvres. Ces
institutions, très largement remises en cause par la « décennie perdue du développement »
des années 1980, ont cherché à reconquérir une légitimité en formulant de nouveaux
programmes plus en adéquation avec les attentes des populations. Au-delà d’une vision
manichéenne, il est nécessaire de se demander en quoi les nouvelles stratégies adoptées
par ces institutions peuvent aider à lutter contre la pauvreté.
9
PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 2003, op. cit.
8
OBJECTIF 5 : Améliorer la santé maternelle
- Cible 6 : Réduire de trois quarts, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité maternelle.
9
Les OMD représentent une avancée considérable dans l’histoire de l’aide au
développement : pour la première fois est énoncé un ensemble d’objectifs, relativement
clairs et précis, qui s’attaquent aux différents aspects de la pauvreté. Argent, santé,
éducation, environnement : la situation des pays pauvres est perçue dans sa globalité,
comme la résultante d’un déficit de capacités. L’imbrication de ces différents domaines
rend impossible une sortie de la pauvreté par le seul apport de fonds supplémentaires. Il
est donc nécessaire de s’attaquer à tous ces domaines simultanément.
Ces OMD disposent d’un certain nombre d’atouts par rapport aux anciens pactes
mondiaux :
- ils reconnaissent explicitement que l’élimination de la pauvreté ne peut être obtenue
que par un renforcement du partenariat entre les différents acteurs du développement
et par une action plus résolue des pays riches. Il existe une responsabilité collective à
se battre pour l’amélioration des conditions de vie dans les pays pauvres. C’est du
succès du huitième objectif, c’est-à-dire de l’implication des pays développés, que
dépend explicitement la réalisation des sept premiers. Il est clairement affiché que les
Objectifs ne pourront pas être atteints sans l’engagement des pays du Nord à
transformer leurs promesses en actions ;
- le développement mondial n’est plus seulement axé sur la croissance économique
mais aussi sur l’être humain. La réduction de la pauvreté devient une conditionnalité
du bien-être des personnes. Le but du développement consiste à offrir aux
populations plus de choix, de liberté et de dignité. La pauvreté n’est officiellement
plus perçue par le seul critère économique, mais par une « absence de » : absence de
richesses bien évidemment, mais également de savoir et de pouvoir. L’Homme est
replacé au centre du processus de développement, à la fois comme sujet et comme
objet. Il est perçu comme le principal acteur des améliorations envisagées, mais
également comme le bénéficiaire de ces améliorations. Les OMD visent beaucoup
plus le développement humain que le développement économique.
- Ils reflètent une véritable force politique : ils constituent la première vision globale
du développement qui, tout en bénéficiant de l’aval politique de la planète entière, se
concentre clairement sur les plus pauvres des êtres humains. Plus qu’un catalogue de
bonnes intentions, les OMD représentent le point de mire à moyen terme de la
majorité des stratégies internationales, régionales et nationales de développement. Ils
se sont très rapidement imposés comme le cadre exclusif de structuration des
politiques internationales de développement, et forment dorénavant la pierre
angulaire, le pivot autour duquel s’organise une grande partie du système actuel
d’aide.
Ils ont donc des implications importantes pour tous les acteurs du développement, publics
ou privés : ils déterminent de plus en plus les préférences des gouvernements et bailleurs
de fonds en matière de priorités et de politiques ; ils définissent les priorités que les
gouvernements des pays en développement doivent adopter s’ils veulent obtenir des
fonds, supplémentaires, pour le développement ; toute organisation non gouvernementale
souhaitant recevoir des fonds du système officiel d’aide devra expliquer en quoi son
travail peut contribuer à atteindre les OMD.
10
1.1.2. Les défis à relever pour la réalisation des Objectifs
La moitié du chemin vers 2015 est aujourd’hui parcourue. Les résultats sont de moins en
moins optimistes quant à l’accomplissement des OMD en 2015. Au niveau mondial, la
première cible (réduire de moitié la population vivant avec moins de un dollar par jour)
devrait être atteinte en 2015, mais ce ne sera pas le cas dans toutes les régions10. Alors
que l’Asie de l’Est est déjà parvenue à cet objectif, seul 15 % des pays africains,
représentant seulement huit pays, devrait réussir d’ici 2015. La faim dans le monde
devrait également être divisée par deux d’ici 2015, mais pas pour tous les pays. La
situation est encore plus pessimiste en ce qui concerne l’éducation et la santé : les
objectifs de réduction de la mortalité maternelle et des enfants ne devraient être atteints
que pour 15 à 20 % des pays, et l’égalité d’accès entre les sexes à l’enseignement
primaire et secondaire ne sera toujours pas une réalité en 2015, alors même qu’elle était
prévue pour 2005.
Ces échecs ne doivent pas faire oublier que de nombreuses avancées, parfois
spectaculaires, ont eu lieu : entre 1990 et 2002, le Vietnam a fait passer sa population
pauvre de 51 % à 14 % ; le Botswana a doublé la proportion d’enfants en école primaire
en quinze ans, atteignant de peu l’objectif d’éducation primaire universelle. Au niveau
mondial, l’espérance de vie a gagné 20 ans dans les quarante dernières années. Ces
avancées attestent que des progrès rapides sont possibles grâce à de bonnes politiques et
au soutien sans faille des différents partenaires.
10
Toutes ces données chiffrées sont extraites du rapport du Comité de développement de la Banque
mondiale et du Fonds monétaire international, Global monitoring Report 2004, Policies and Actions for
achieving the MDGs and Related Outcomes, Banque mondiale et Fonds monétaire international, avril 2004.
11
Cependant, ces critiques ne sont pas cohérentes. Il n’est pas possible d’affirmer que la
communauté internationale n’est pas en mesure d’atteindre les Objectifs tout en
demandant à ce qu’elle intègre de nouvelles cibles. Les OMD sont-ils trop restrictifs ? Ils
le seraient s’ils constituaient le stade ultime à atteindre. Mais tel n’est pas le cas. Ils ne
représentent qu’une étape vers l’élimination durable de la pauvreté. Sont-ils irréalistes ?
Les Objectifs sont ambitieux et il est probable que tous les pays ne parviendront pas à les
atteindre. Mais ces pays ne seront en aucun cas mis en accusation. Comme le rappelle le
PNUD, « leur intention n’est pas de mettre au pilori les pays en difficultés, mais plutôt de
mobiliser les énergies »11. De nombreuses études ont démontré que les OMD peuvent être
atteints dans les temps à la seule condition que la communauté internationale débloque les
fonds nécessaires.
Quel que soit le montant supplémentaire nécessaire à la réalisation des OMD, il est
essentiel d’accentuer l’effort de financement, en renforçant les initiatives actuelles et en
exploitant de nouvelles ressources :
Ø L’initiative d’annulation de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE) doit
être confirmée et améliorée. Il n’est pas acceptable que les critères économiques
passent avant les objectifs de développement humain pour juger de la soutenabilité de
la dette des pays débiteurs. De même, il convient de réaffirmer l’additionnalité des
annulations de dette aux sources « traditionnelles » de financement du
développement. Il est peu pertinent d’annuler les dettes d’un côté pour diminuer
11
PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 2003, op. cit.
12
Voir Annexe I : Perspective de réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement.
13
Les pays du CAD ont consacré, en 2002, 0,23 % de leur revenu national brut (RNB) à l’aide publique au
développement. Cf. Charasse Michel, Projet de loi de Finances pour 2004, tome 3, annexe 2 : Aide au
développement, Rapport général au Sénat n°73 (2003-2004) du 20 novembre 2003.
12
l’aide publique au développement (APD) de l’autre14. Dans les pays endettés,
« l’annulation de la dette est la priorité initiale, à laquelle succède un apport
supplémentaire d’aide »15.
Ø Le rapport Landau16 rappelle la nécessité et l’urgence de trouver de nouvelles
sources de financement qui puissent répondre aux besoins des pays en
développement. De nombreuses ressources originales sont aujourd’hui envisagées,
émanant principalement de taxations nouvelles : taxation sur les transactions
financières (plus connue sous le nom de « taxe Tobin »), sur les émissions de
carbone, sur les ventes d’armes, sur le transport aérien, etc. Un mécanisme semble
jouir de plus de considérations : la Facilité de Financement Internationale (FFI).
Lancée par les Britanniques et bénéficiant du soutien de la France, la FFI consiste à
« emprunter sur les marchés financiers internationaux des ressources qui seront
remboursées grâce aux engagements financiers, à long terme, des bailleurs »17. Cela
permettrait de mettre rapidement à la disposition des pays en développement les
ressources nécessaires à leur développement, sans nécessiter un effort financier
supplémentaire de la part des pays bailleurs de fonds. Le montant avancé à l’heure
actuelle est celui évoqué dans la dernière étude de la Banque mondiale, soit 16
milliards de dollars par an.
1.1.3. Conclusion
Les Objectifs du Millénaire pour le développement constituent aujourd’hui le cadre
commun de référence pour les stratégies de développement. Certains leur reprochent de
ne pas constituer une doctrine de développement qui puisse guider, sur le long terme, les
14
L’analyse de l’initiative PPTE fait l’objet d’un développement plus approfondi dans la troisième partie de
ce chapitre.
15
Northover Henry, Ladd Paul, Lemoine Francis, Greenhill Romilly, Debt and the Millenium Development
Goals. A new deal for low-income countries : financing development through debt cancellation and aid,
Document de travail CAFOD, Christian Aid, Eurodad, Jubilee Research, septembre 2003.
16
Jean-Pierre Landau, Les nouvelles contributions financières internationales, La documentation française,
collection des rapports officiels, 2004.
17
Jacquin Rebecca, La Facilité de financement internationale, avril 2004, http://www.hcci.gouv.fr/lecture/
fiches/fi07.html. Ce document constitue une synthèse claire des avantages et inconvénients de ce
mécanisme.
18
Caritas Internationalis et CIDSE, Campagne internationale sur les Objectifs du Millénaire pour le
développement, Caritas Internationalis, octobre 2003.
13
politiques à mettre en œuvre, tant par les pays riches que par les pays en développement,
pour éradiquer la pauvreté. Cela n’est pas totalement vrai. Les OMD présentent en effet
une approche originale du développement, qui, pour la première fois, place l’être
humain avant les considérations économiques. C’est en cela une avancée non
négligeable. Faut-il par ailleurs chercher par tous les moyens à élaborer une doctrine qui,
comme souvent, ne sera pas mise en pratique ? Les OMD ont le mérite de fournir des
objectifs clairs et précis, en soulignant que, face à l’urgence de la situation, ce ne sont
plus les paroles mais les actions qui sont importantes, et qu’elles seules seront jugées.
19
En anglais, Poverty Reduction Strategy Paper (PRSP). Ils sont également appelés Cadres stratégiques de
lutte contre la pauvreté (CSLP) mais nous n’utiliserons pas ici cette appellation.
20
Voir Annexe II : Calendrier de validation des Documents stratégiques de Réduction de la Pauvreté.
21
Ces conditions sont : un produit national brut (PNB) par habitant inférieur à 865 dollars par an ; une
absence d’accès au crédit malgré un besoin de ressources pour financer les programmes de développement
14
détenant pas de capacité à emprunter sur le marché et présentant de bonnes performances
politiques.
Il est important de comprendre que les DSRP attestent d’un changement total de point de
vue en faisant passer l’objectif « humain » (la lutte contre la pauvreté) avant l’objectif
« économique » (favoriser la croissance). Ces documents « sont d’abord conçus comme
un outil au profit des populations, et particulièrement des populations pauvres »22.
Cinq grands principes se dégagent de ce postulat de base. Les DSRP doivent être :
- pilotés par les pays et prendre en compte la société civile ;
- axés sur les résultats, et notamment sur celui de la réduction de la pauvreté ;
- globaux, c’est-à-dire s’intéresser à l’aspect multidimensionnel de la pauvreté ;
- orientés sur le partenariat entre les différents acteurs du développement
(gouvernement, acteurs non étatiques, bailleurs de fonds, etc.) ;
- et s’inscrire dans une perspective de long terme.
Chaque pays est libre de la rédaction et du contenu de son document, mais les Documents
stratégiques de Réduction de la Pauvreté contiennent en principe les mêmes
orientations principales :
- une description du processus participatif : modalité, fréquence et lieu des
consultations, principales questions évoquées et prise en compte de ces observations
dans la conception et le suivi de la stratégie de lutte contre la pauvreté ;
- un diagnostic général de la pauvreté du pays : description des pauvres et des
obstacles qui s’opposent à leur sortie de la pauvreté ;
- la stratégie mise en œuvre, aux niveaux macro-économique, structurel et social ;
- les objectifs visés en terme de réduction de la pauvreté et les méthodes de suivi et
d’évaluation des progrès ;
- les besoins de financement nécessaires pour atteindre ces objectifs.
Les pays éligibles à l’initiative PPTE ont la possibilité de rédiger un DSRP intérimaire
qui présente les grandes lignes de la future stratégie de lutte contre la pauvreté du pays
afin d’obtenir plus rapidement une annulation de dette.
Les retombées attendues des DSRP vont bien au-delà des seules considérations
économiques. A travers ces documents, ce sont toutes les dimensions de la pauvreté
(économique, mais aussi politique, sociale, etc.) qui sont visées. Les DSRP permettent
ainsi de consolider :
- l’« accountability » ou responsabilité politique : les Etats sont obligés de rendre
compte de leurs actes à leurs citoyens ;
du pays ; des politiques performantes, notamment dans les domaines économiques et sociaux, afin de
promouvoir la croissance et de réduire la pauvreté.
22
Cling Jean-Pierre, Razafindrakoto Mireille, Roubaud François (sous la direction de), Les nouvelles
stratégies internationales de lutte contre la pauvreté, Synthèse DIAL / Economica, Paris, 2002.
15
- l’« ownership » ou appropriation : tous les acteurs nationaux, gouvernement et société
civile, sont en mesure d’adhérer et de participer à la mise en place des nouvelles
politiques ;
- l’« empowerment » : les populations prennent conscience de leur capacité à influer sur
les politiques qui affectent leurs conditions de vie.
Avec cette participation, les IFIs donnent pour la première fois aux gouvernements et aux
populations des pays pauvres la possibilité de formuler leur propre stratégie de
développement, alors que dans le contexte du « Consensus de Washington », cela n’était
pas les politiques locales qui prévalaient, mais les positions des experts des institutions
internationales. Le « Consensus de Washington » désigne l’accord implicite qui s’est
constitué au début des années 1980 entre le gouvernement américain, la Banque mondiale
et le Fonds monétaire international (tous trois résidant à Washington) en faveur de
l’ajustement structurel. Ce « consensus » a marqué le début de l’orientation néo-libérale
de l’économie mondiale en s’articulant autour de la stabilisation à court terme de
l’économie par un désengagement de l’Etat et par des mesures monétaristes de contrôle
de la masse monétaire et de libéralisation financière. Avec les DSRP, les universitaires,
chercheurs ou politiciens nationaux ont enfin l’opportunité de construire leurs initiatives
selon les priorités qu’ils estiment être les plus urgentes.
23
Cling Jean-Pierre, Razafindrakoto Mireille, Roubaud François, La Banque mondiale et la lutte contre la
pauvreté : tout changer pour que tout reste pareil ?, Document de travail DIAL, mai 2002.
16
Il semble cependant que cette « opportunité » n’ait pour l’instant pas été saisie. Si la
participation de la société civile à la rédaction et au suivi des Documents stratégiques de
Réduction de la Pauvreté représente une vraie nouveauté dans la formulation des
politiques de développement, elle est encore loin d’être effective. Pour de nombreux
observateurs, cette politique n’aurait été rajoutée que pour répondre aux critiques, mais
sans qu’elle soit réellement prise en considération par les IFIs. Selon AFRODAD
(African Forum and Network on Debt and Development), « les DSRP ont échoué à
impliquer de manière effective la société civile dans les discussions de politique
économique. […] Ils ne sont qu’une façade servant à améliorer la légitimité déclinante
du FMI et de la Banque mondiale »24. De nombreuses voix s’élèvent contre ce qui peut
s’assimiler de la part des IFIs à un simple « lifting » de leurs anciennes politiques afin
d’atténuer les critiques et de donner une illusion de changement. La Commission des
Nations unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED) partage cet avis en
soulignant qu’« on pourrait considérer que l’accent mis sur la maîtrise et la participation
nationale a davantage pour objectif d’obtenir l’adhésion de la population et du pouvoir
politique aux politiques traditionnelles d’ajustement et de stabilisation que d’accorder
une plus grande autonomie aux pays bénéficiaires dans la conception de leurs politiques
de stabilisation et de leurs stratégies de développement »25. Le rapport de force inégal
entre les pays pauvres et les Institutions financières internationales vient dès le départ
biaiser les opportunités d’implication des pays pauvres au processus DSRP.
Quelle que soit la volonté, affichée ou non, des IFIs, il est important de savoir comment
peut s’organiser la participation dans les faits. Le constat n’est guère positif.
L’élaboration d’une stratégie de développement demeure difficile, tant pour les
gouvernements que pour la société civile, dans la mesure où c’est la première fois que
cette opportunité leur est accordée. Il serait donc très utile de définir des critères
minimums de participation qui puissent s’appliquer à la situation de chaque pays et
faciliter la concertation avec la société civile.
Cette participation n’est de toute façon bien souvent qu’un leurre dissimulant la vive
implication des IFIs dans l’élaboration des documents. Preuve en est du processus
d’approbation des DSRP par les institutions de Bretton Woods qui leur accorde un « droit
de veto de facto »26. L’autonomie des pays pauvres dans la rédaction de leur DSRP est
conditionnée par le droit de regard, et surtout d’acceptation, des IFIs. Chaque document
est en effet validé en dernier lieu par les Conseils d’administration des IFIs qui peuvent
ainsi repousser tout ce qui ne correspond pas à leurs priorités. Quel que soit le
comportement des Etats, la solution est la même. Soit un pays va rédiger son DSRP de
lui-même, en suivant sa propre stratégie de développement et sans prendre en compte les
recommandations de la Banque mondiale et du FMI. Il s’expose alors à ce que son DSRP
soit tout simplement rejeté par les IFIs. Soit ce pays va ouvertement présenter une
stratégie de développement qui répond aux attentes des IFIs afin de faire accepter son
DSRP sans délai et de pouvoir bénéficier rapidement de nouveaux prêts ou d’un
allègement de dette. Dans chaque cas, ce sont les institutions de Bretton Woods qui
imposent, plus ou moins explicitement, leurs préférences en matière de priorités de
développement. De fait, les DSRP sont « avant tout une condition imposée par la
24
Kalima Barbara, PRSPs : SAPs in Disguise ?, AFRODAD, 23 octobre 2001.
25
CNUCED, Le développement économique en Afrique. De l’ajustement à la réduction de la pauvreté :
qu’y a-t-il de nouveau ? - Rapport 2002, CNUCED, septembre 2002.
26
Plate-forme Dette et Développement, Rapport 2003. La dette des pays pauvres face à la démocratie,
Dette & Développement, mars 2004.
17
Banque mondiale et le FMI pour l’obtention d’une aide financière, ce qui biaise dès
l’origine le processus d’appropriation »27. Il est difficile de concevoir que les pays
pauvres puissent jouir d’une grande liberté dans la formulation de leurs politiques dès lors
qu’elles sont agréées en dernier lieu par les IFIs.
En obligeant les pays en développement à appliquer vainement des politiques qui ne leur
sont pas adaptées, les pays du Nord s’enlisent un peu plus chaque jour dans un excès
d’« occidentalocentrisme » qui condamne le Sud à rester dans sa situation d’extrême
indigence. Les nouvelles stratégies de développement offrent aux différents acteurs
nationaux une consultation plus qu’une participation, tout en oubliant que seule
l’appropriation reste viable, c’est-à-dire la formulation de ces politiques et leur mise en
place par ces pays eux-mêmes, sans ingérence de la communauté internationale dans le
choix des stratégies. Il n’est certes pas aisé d’accorder cette liberté d’action lorsque l’on
est le principal soutien financier des pays en développement. Permettre à ces pays
d’utiliser comme ils le souhaitent l’argent des bailleurs de fonds équivaut, pour bon
nombre d’entre eux, à leur permettre de « mal » utiliser ces fonds, c’est-à-dire de les
consacrer à des domaines qui n’ont pas d’impact sur la pauvreté. Les stratégies de
développement, telles quelles sont formulées à l’heure actuelle, ne sont pas en mesure de
répondre à cette attente d’« autonomisation » des pays en développement.
C’est donc le défi majeur à relever dans l’avenir : accorder aux pays en
développement la confiance des pays bailleurs de fonds en acceptant qu’ils
s’approprient ces politiques. Cela va sans nul doute nécessiter une refondation complète
des pratiques actuelles de l’aide au développement, organisée autour d’une acceptation
par la communauté internationale des pays du Sud comme constituant des pays originaux,
instituant un « mode de vie » à part, différent du modèle occidental traditionnel. Les pays
en développement ont également un rôle à jouer pour relever ce défi. Il ne faut pas oublier
que de nombreux chefs d’Etat ont bien souvent dilapidé les fonds des bailleurs pour des
27
Cling Jean-Pierre, Razafindrakoto Mireille, Roubaud François (sous la direction de), Les nouvelles
stratégies internationales de lutte contre la pauvreté, op. cit.
18
dépenses inutiles, sans se préoccuper du bien-être de leur population. Il a donc été
nécessaire d’introduire une conditionnalité qui oblige à affecter les sommes attribuées à la
lutte contre la pauvreté. C’est la mauvaise utilisation des fonds par les pays en
développement qui a induit cette méfiance des pays du Nord et ce souhait d’affectation à
la lutte contre la pauvreté.
Il faut cependant insister sur le fait que ce changement d’objectif ne constitue en rien une
refonte du dispositif international de coopération. Comme le souligne la CNUCED, la
« nouvelle importance accordée au problème de la pauvreté et aux autres problèmes
sociaux ne remplace pas les stratégies de développement mises en œuvre dans le cadre
des programmes d’ajustement structurel, mais les complète »29. La nouvelle approche
continue d’insister fortement sur le rôle essentiel de la croissance, des politiques de
stabilisation et des réformes structurelles pour lutter contre la pauvreté. Dans la pratique,
les politiques engagées sont peu originales, se contentant pour la plupart de reformuler les
anciens plans de développement nationaux élaborés avant l’émergence des DSRP.
Plusieurs années après l’adoption de la priorité en faveur de la lutte contre la pauvreté, les
résultats restent en deçà des espérances. Malgré tous les espoirs soulevés, le nouveau
système d’aide internationale a révélé de nombreux problèmes, en premier lieu desquels
28
Selvaggio Kathleen, De la dette à l’éradication de la pauvreté : quel rôle pour les cadres stratégiques de
réduction de la pauvreté ? Document de Caritas Internationalis et CIDSE, http://www.cidse.org/pubs/
tg3prsp2001fre.pdf, juin 2001.
29
CNUCED, op. cit.
19
le lien de conditionnalité trop décisif entre l’adoption des DSRP et les annulations de
dette dans le cadre de l’initiative PPTE. Le souhait de nombreux pays de bénéficier d’une
annulation de dette PPTE les incite donc à rédiger très rapidement un DSRP alors que
l’élaboration d’une politique de développement nécessite une réflexion sur le long terme.
Cela est d’autant plus vrai que les Documents stratégiques de Réduction de la Pauvreté
insistent sur la participation de la société civile. Cette implication de la société civile
réclame un processus lent et rigoureux qui se marie guère à l’urgence des besoins
financiers des pays pauvres. Il est donc « impératif de délier les annulations de dette du
processus DSRP afin que des ressources puissent être allouées sans délai aux
programmes de réduction de la pauvreté »30. Cela permettrait de donner aux pays en
développement le temps de préparer leur DSRP sans avoir la pression de devoir plaire aux
IBW pour bénéficier des annulations de dette, tout en favorisant du même coup la
participation de la société civile dans la formulation des nouvelles stratégies de lutte
contre la pauvreté (Cf. infra).
Cette priorité accordée aux résultats peut cependant devenir problématique pour des pays
en développement qui ne sont pas toujours capables d’atteindre les résultats escomptés,
d’autant plus qu’il n’est pas évident de définir des critères pour mesurer les bénéfices de
telle ou telle action sur la pauvreté. Il existe un risque que la lutte contre la pauvreté
devienne une nouvelle conditionnalité d’attribution de l’aide qui ne correspond pas à
la réalité du mode de vie des pays du Sud. Là encore, l’« occidentalocentrisme » est à
l’œuvre. S. Latouche définit avec précision en quoi cette vision du monde n’est pas
pertinente pour l’Afrique : « la pauvreté fait partie de ces lunettes économiques avec
lesquelles l’Occident, du haut de son complexe de supériorité, regarde le Tiers Monde, en
particulier l’Afrique Noire. Vouloir transposer nos batteries de critères économiques sur
une réalité sociale totalement différente, c’est passer à côté de la question… Le mot
pauvreté, dans la plupart des langues africaines, s’apparente à l’orphelin ou renvoie à un
individu isolé et coupé du reste de la société. Or, quand on est inséré dans des liens qui
comprennent entre 50 et 300 personnes, on n’est pas du tout pauvre »31. Le risque
demeure donc de faire de la lutte contre la pauvreté, telle qu’elle est perçue actuellement,
un nouveau préalable qui ne corresponde pas aux priorités des pays en développement.
Etablir un seuil de pauvreté à deux dollars par jour ne signifie rien pour l’éleveur nomade
burkinabè qui vit dans une solidarité de groupe au sein de laquelle la richesse collective
30
Kalima Barbara, op. cit.
31
S. Latouche, Marchés Tropicaux, 5 novembre 1999, cité in Gentil Dominique (sous la direction de), Lutte
contre la pauvreté et les inégalités : Synthèse de l’étude bilan sur les actions de la Coopération française,
Etude MAE/DGCID et IRAM, juin 2000.
20
est supérieure à la somme des richesses individuelles. Il serait alors intéressant d’établir
des indicateurs statistiques qui reflètent les réalités culturelles des pays en développement
en prenant en compte les liens de sociabilité particulièrement développés qui peuvent
nuancer la perception de la pauvreté par les populations.
Cette cohérence peut toutefois être considérée comme excessive. Donner aux institutions
de Bretton Woods la capacité d’approuver ou non chaque DSRP les a érigées en régentes
de l’ensemble des politiques de développement. Phénomène assez rare dans l’histoire de
l’économie du développement, les nouvelles stratégies se sont très rapidement imposées
comme un cadre de référence autour duquel tous les pays donateurs ont organisé leur
politique d’aide. L’alignement de l’ensemble des pratiques de la communauté
internationale vers les seules directions impulsées par les IFIs peut contribuer à négliger
les expériences des autres bailleurs de fonds, pour autant non dénuées d’intérêt. Ces
nouvelles stratégies de développement comportent certaines insuffisances qui risquent de
limiter leurs effets en terme de lutte contre la pauvreté. Il apparaît de plus en plus évident
que les Objectifs du Millénaire pour le développement ne seront pas atteints en 2015,
consignant de fait une nouvelle décennie perdue pour le développement des pays pauvres.
Il est donc urgent que les bailleurs de fonds régionaux (Union européenne, Banque
africaine de développement, Banque asiatique de développement, etc.), voire nationaux,
prennent conscience des faiblesses des DSRP. Deux choix complémentaires se posent
alors à eux : faire pression sur les IFIs pour leur faire admettre les insuffisances de leurs
instruments de lutte contre la pauvreté et y remédier, et constituer, par eux-mêmes, de
nouvelles stratégies de développement plus en adéquation avec les attentes des pays
pauvres.
32
Cling Jean-Pierre, Razafindrakoto Mireille, Roubaud François, La Banque mondiale et la lutte contre la
pauvreté : tout changer pour que tout reste pareil ?, op. cit.
21
Nous avons exposé les nombreuses critiques qui peuvent être formulées à l’encontre des
DSRP. Toutefois, ceci ont une novation, notamment par la mise en place de la
participation de la société civile, du Nord comme du Sud. Plus généralement, les pays en
développement ont la possibilité de profiter des potentialités offertes par les DSRP pour
créer leur propre modèle de développement, pertinent, viable et cohérent. Comme le
souligne OXFAM dans un document récent, il serait utile que chaque pays dresse un bilan
de la première série des DSRP afin d’en tirer les leçons pour améliorer la deuxième phase
et profiter des opportunités offertes par le nouveau processus33.
Trois défis majeurs sont maintenant à relever pour accentuer les bénéfices liés aux
DSRP :
- il convient tout d’abord d’accentuer la participation de la société civile et
l’appropriation par les Etats. En permettant à toute la population de s’exprimer et
d’être acteur de son propre développement, les DSRP s’attaquent à la dimension
« politique » de la pauvreté ("empowerment") tout en s’érigeant en facteur de
renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit ("accountability"). L’appropriation
par les Etats est également nécessaire, mais elle sera inexistante tant que les pays
riches n’accorderont pas une plus grande confiance aux pays en développement,
notamment dans leur utilisation des fonds résultants de l’aide. Il est possible de
s’assurer de la bonne attribution de l’aide vers les pauvres sans restreindre la liberté
des gouvernements locaux à être les acteurs de leurs propres politiques.
- le deuxième défi consiste à ne plus lier si fortement l’initiative PPTE à la
rédaction des DSRP. L’élaboration d’une stratégie de développement endogène et la
concertation avec la société civile sont des processus longs et complexes difficiles à
concilier avec les impératifs de l’initiative PPTE. La nouvelle mécanique incite, par sa
nature même, les pays pauvres à produire des documents en adéquation avec les
attentes des institutions de Bretton Woods afin de bénéficier plus rapidement de l’aide
internationale. Délier les deux mécanismes ne les rendra que plus efficaces.
- ces deux défis sont très liés et en impliquent un troisième encore plus essentiel mais
bien plus complexe : refonder entièrement l’économie du développement et la
pensée occidentale afin de formuler des politiques en adéquation avec la culture des
pays en développement. Il est en effet urgent d’établir des politiques alternatives qui
s’écartent des stratégies antérieures et qui affirment que se développer ne consiste en
rien à imiter le modèle occidental. Cette notion de « culture » est primordiale dans la
formulation des politiques de développement si l’on ne veut pas répéter les erreurs du
passé. Si elle est assimilée et que de nouvelles orientations sont données aux
politiques internationales, il existe alors une chance d’améliorer la situation de la
moitié des habitants de la planète.
33
OXFAM, From “Downership” to Ownership ? Moving Towards PRSP Round Two, Oxfam Briefing
Paper 51, janvier 2004.
22
toute la communauté financière internationale : créanciers multilatéraux (Institutions
financières internationales, banques régionales de développement), créanciers publics
bilatéraux (membres ou non du Club de Paris) et créanciers privés sont associés pour
réduire la charge supportée par les pays en développement. L’Initiative PPTE a été
« renforcée » lors du sommet de Cologne de 1999. Son champ d’application s’est élargi
tant du point de vue du nombre de pays éligibles que du montant global de l’allègement.
Ainsi que cela vient d’être évoqué, un lien direct entre allègement de dette et lutte
contre la pauvreté a été établi, façonnant ainsi de manière évidente la nouvelle stratégie
de développement adoptée par le Nord : pour bénéficier de l’Initiative, les pays pauvres
très endettés doivent établir un Document stratégique de Réduction de la Pauvreté. Les
ressources qu’il est prévu de réaliser au titre du service de la dette sont dorénavant
directement destinées à la lutte contre la pauvreté (elles sont ciblées sur les dépenses des
secteurs sociaux) en fonction des priorités établies dans le DSRP. Sur les 38 pays
potentiellement concernés, 27 pays bénéficient pour l’instant de l’initiative (13 pays ont
atteint le point d’achèvement et 14 le point de décision) 34.
34
Voir Annexe III : Annulations de dette engagées et à venir.
23
• Les étapes
Un pays déclaré éligible doit passer par deux étapes :
- le point de décision est atteint lorsque le Fonds monétaire international et la Banque
mondiale reconnaissent que le pays répond aux critères précédemment évoqués. Le
pays peut alors bénéficier d’un allègement « intérimaire » du service de sa dette et
doit élaborer un DSRP complet ;
- le point d’achèvement est déclaré atteint par les IFIs lorsque le pays a prouvé qu’il a
adopté et appliqué, pendant au moins un an, la stratégie de lutte contre la pauvreté
présentée dans son DSRP.
La partie « non soutenable » du stock de la dette visée par l’Initiative PPTE renforcée est
alors supprimée et d’éventuels allègements complémentaires peuvent être accordés par les
créanciers bilatéraux35.
• Le financement
Le coût total de l’initiative est estimé selon les dernières estimations à 53,4 milliards de
dollars en valeur actualisée nette (VAN)36. Un peu plus de la moitié de cette somme sera
supportée par les créanciers bilatéraux, le reste par les créanciers multilatéraux (IFIs,
banques et fonds régionaux de développement).
Selon le gouvernement français 37, les 26 pays qui avaient atteint le point de décision en
mai 2003 ont vu leur stock de dette passer à 2,3 milliards de dollars en 2002, contre 3,7
milliards en 1998. Sur cette même période, les dépenses sociales de ces pays seraient
passées en moyenne de 5,9 % à 9,1 % de leur PIB, augmentant de près de 3 milliards de
dollars. Il semble donc que les ressources dégagées par les annulations de dettes servent
efficacement à la lutte contre la pauvreté.
1.3.2. Critiques
• Une initiative lente et limitée
Selon de nombreuses ONG38, les critères mis en œuvre par les IFIs pour pouvoir intégrer
l’Initiative PPTE sont beaucoup trop restrictifs. De nombreux pays, qui ne sont pas assez
endettés ou qui disposent d’un PIB trop élevé, sont de facto exclus de cette initiative alors
que leur situation économique globale et leur niveau de pauvreté sont très proches de
ceux des PPTE. Sur les 152 pays en développement, seuls 37 pays vont pouvoir
bénéficier de l’Initiative, alors même que leur dette ne représente que 7,7 % de la dette
totale des pays en développement.
En plus d’être limitée, l’Initiative PPTE montre depuis quelques temps des signes
d’essoufflement. Seuls 10 des 22 pays ayant atteint le point de décision fin 2000 en sont
maintenant à leur point d’achèvement. De même, ils n’ont été que cinq à parvenir à leur
point de décision depuis 2000, dont un seul (la République démocratique du Congo)
35
Lire sur ce point « La France et la réduction de la dette » au Chapitre II de cette étude.
36
Fonds monétaire international et Banque mondiale, Heavily Indebted Poor Countries (HIPC) Initiative -
Statistical Update, http://www.imf.org/external/np/hipc/2004/033104.pdf, 31 mars 2004.
37
Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, Rapport présenté au Parlement sur les activités
du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale : juillet 2002 / juin 2003, MINEFI, Paris.
38
Voir à ce sujet Plate-forme Dette & Développement, Rapport 2003. La dette des pays pauvres face à la
Démocratie, op. cit.
24
depuis plus de deux ans. L’élaboration d’un DSRP comme condition d’accès au
traitement PPTE pose ici un problème majeur. Pour concilier le temps nécessaire à la
rédaction d’un DSRP, en partenariat avec la société civile, avec l’urgence des allègements
de dette, il est nécessaire de ne plus soumettre l’attribution de ces allègements à la
rédaction du DSRP afin de dégager au plus vite les ressources destinées au
développement des pays pauvres très endettés (Cf. supra).
A ce constat, s’ajoute la question de l’« endettement post PPTE ». Les pays ayant
bénéficié de l’Initiative ne sont pas pour autant sortis définitivement du cycle de la dette.
Le gouvernement français reconnaît lui-même les faiblesses du processus : « si l'Initiative
contribue à restaurer la soutenabilité de la dette, les allègements de dette ne constituent
pas en soi une garantie du maintien de cette soutenabilité dans le temps »39. Les recettes
publiques disponibles dans les pays à faible revenu, à la fois limitées et fluctuantes,
rendent ces pays hautement dépendants des flux d’aide extérieure. Selon les projections
du FMI, les 27 pays ayant à l’heure actuelle atteint le point de décision continueront à
consacrer en moyenne 11 % de leur budget au remboursement de la dette en 2006. Ce
chiffre atteindrait même 21,7 % pour la Bolivie et 22,2 % pour la Gambie. Si les dépenses
consacrées à la réduction de la pauvreté devraient atteindre en moyenne 49 % du budget
de l’Etat en 2006, elles resteront inférieures à 20 % pour la Zambie et la Guinée-Bissau40.
• L’additionnalité en question
L’Initiative PPTE consiste à dégager des ressources supplémentaires pour accroître les
dépenses sociales des pays concernés. Cela suppose de maintenir les montants d’aide
antérieurs afin que les allègements résultants de l’Initiative viennent réellement gonfler le
volume total d’aide apporté aux pays pauvres très endettés. Si l’on ne tient pas à diminuer
l’aide destinée aux autres pays pauvres non PPTE, il faut augmenter le montant global de
l’aide au développement. Or, l’Initiative ne prévoit aucun principe pour répondre à cette
exigence. La mise en place de l’Initiative PPTE a ainsi eu pour fâcheuse conséquence de
réorganiser la structure de la répartition de l’aide, et cela à deux niveaux : d’une part,
les PPTE ont profité des allègements de dette prévus dans le cadre de l’Initiative mais
n’ont plus reçu les fonds d’aide au développement qui leur étaient attribués avant 1996,
date de lancement de l’Initiative ; d’autre part, le montant traditionnellement engagé en
faveur des autres pays en développement non éligibles à l’Initiative PPTE s’est vu divisé
par deux entre 1996 et 200041.
39
Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, op. cit. p 52.
40
Fonds monétaire international et Banque mondiale, op. cit.
41
Banque mondiale/Département de l’Evaluation des opérations (OED), « Initiative PPTE :
accomplissements et perspectives », Précis n° 230, hiver 2003.
42
Plate-forme Dette et Développement, op. cit.
25
• Quelle soutenabilité ?
Rendre la dette des pays pauvres « soutenable », c’est, selon le FMI, donner à un pays la
« capacité de satisfaire à ses obligations présentes et futures concernant le service de la
dette, sans qu’un changement important dans sa balance des paiements ne soit
nécessaire »43. Cette définition n’est pas satisfaisante, car elle ne prend pas en compte les
réalités économiques des pays en développement. Dans une étude de mai 200344, le FMI
reconnaît que le niveau des exportations ne suffit pas à lui seul pour juger de la
soutenabilité de la dette des pays pauvres. Les revenus d’exportation dépendent, pour la
majorité de ces pays, d’un petit nombre de produits, souvent agricoles et peu élaborés,
dont les prix varient considérablement sur le marché international. A cela s’ajoute la
surestimation des recettes d’exportations des pays pauvres très endettés : les IFIs ont
prévu une hausse de près de 9 % entre 2000 et 2010 de leurs exportations alors qu’elle ne
dépassait pas 4,2 % dans les années 199045.
Le critère de développement humain semble ici bien plus prégnant que toute autre
variable macro-économique. Les pays créanciers considèrent la dette soutenable en
fonction d’une perception faussée de l’économie, résultant de leur propre situation de
pays développés, alors qu’il leur faudrait s’adapter à la situation des pays en
développement, et principalement à leurs attentes en terme de développement.
Cependant, un certain nombre de critiques peuvent lui être opposées. Ses critères
d’éligibilité sont trop restrictifs et peu pertinents face à la situation particulière des
pays en développement. Il faut ajouter à cela la lenteur du processus et les moyens
limités, bien insuffisants à la restauration de l’équilibre des économies des pays en
développement, d’autant plus que les allègements de dette ne sont pas additionnés aux
volumes d’aide antérieurement attribués à ces pays. Plus globalement, l’Initiative risque
43
Traduction de la Plate-forme Dette et développement, op. cit.
44
Fonds monétaire international, Debt Sustainability in Low - Income Countries - Toward a Forward -
Looking Strategy, http://www.imf.org/external/np/pdr/sustain/2003/052303.pdf, mai 2003.
45
Plate-forme Dette et développement, op. cit., p. 27.
26
d’introduire un déséquilibre de la structure de répartition internationale de l’aide et
ce, au détriment des pays pauvres non éligibles.
L’Initiative PPTE, malgré des avancées notoires qu’il est important de souligner, semble
constituer, au final, un répit plus qu’une solution miracle capable d’améliorer
durablement la situation financière des pays en développement tout en les aidant à lutter
contre la pauvreté.
27
CHAPITRE II
LA POLITIQUE EUROPEENNE DE
COOPERATION INTERNATIONALE ET
LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE
28
L’Union européenne est un des principaux partenaires commerciaux et investisseurs des
pays en développement et octroie son aide à plus de 160 pays, territoires ou organisations
dans le monde contre 137 pays en 1990. Dans ce chapitre, il s’agira de se demander si
l’Union européenne est bien aujourd’hui l’acteur majeur qu’elle entend être pour les pays
en développement et sur la scène mondiale dans les domaines de la coopération
internationale et de la lutte contre la pauvreté.
*
Texte de Claire Brodin.
46
Conseil des ministres du Développement, Résolution sur La lutte contre la pauvreté dans les pays en
développement, 2 décembre 1993.
47
Commission européenne, Communication au Conseil et au Parlement européen sur La politique de
développement de la Communauté européenne, COM (2000) 212 final, Bruxelles, 26 avril 2000 et Conseil
et Commission européenne, Déclaration conjointe sur La politique de développement de la Communauté
européenne, Bruxelles, 10 novembre 2000.
48
COM (2000) 212 final précitée.
29
Titre XX « Coopération au développement » TUE). Les objectifs économiques et sociaux
et l’objectif politique de cette politique de développement ont alors été définis (article
177) :
- encourager le développement économique et social durable des pays en
développement, et plus particulièrement des plus défavorisés d’entre eux, pour
restaurer les bases économiques de la croissance ;
- encourager l’insertion harmonieuse et progressive des pays en développement
dans l’économie mondiale ;
- lutter contre la pauvreté dans les pays en développement ;
- contribuer à l’objectif général de développement et de consolidation de la
démocratie et de l’Etat de droit, ainsi qu’à l’objectif du respect des droits de
l’homme et des libertés fondamentales.
Dès décembre 1993, la lutte contre la pauvreté est considérée par le Conseil
« Développement » comme l’objectif devant « occuper une place centrale dans
l’élaboration des politiques et des programmes de coopération au développement » de la
Communauté européenne49. Dans son Livre vert de 1996 sur les relations entre l’Union
européenne et les pays ACP à l’aube du XXIe siècle, la Commission propose de réorienter
la coopération européenne avec le groupe des pays ACP, particulièrement affectés par la
pauvreté, vers cet objectif, et de lui redonner sa pertinence et son originalité. En 2000,
l’Accord de Cotonou recentre les relations avec les pays ACP sur la lutte contre la
pauvreté en instaurant une nouvelle approche du partenariat UE-ACP pour les vingt
années à venir (Cf. infra). La Communauté entend « accorder une attention accrue à la
réduction de la pauvreté dans toutes ses activités liées au développement » : la lutte et
l’élimination de la pauvreté dans l’ensemble des pays en développement est
désormais l’objectif principal de la nouvelle politique communautaire de
développement50.
La politique européenne s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle réflexion internationale sur
le développement menée au milieu des années 1990 et visant à permettre à tous les pays
en développement de bénéficier d’un « développement économique et social durable ».
Les stratégies de lutte contre la pauvreté des donateurs bilatéraux et multilatéraux sont
désormais fondées sur l’instauration d’un nouveau partenariat basé sur l’appropriation par
les pays pauvres de leur propre développement et le partage des responsabilités avec les
pays industrialisés et les institutions internationales51 : ces derniers doivent appuyer les
stratégies de lutte contre la pauvreté conçues et mises en œuvre par les gouvernements et
la société civile des pays en développement et non se substituer à eux. Cette nouvelle
approche européenne s’inscrit également dans l’engagement de l’Union européenne de
réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement pour réduire de moitié, d’ici à
2015, le nombre de personnes vivant dans une extrême pauvreté.
49
Résolution du 2 décembre 1993 précitée.
50
COM (2000) 212 final précitée.
51
Cf. Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), « Vers un partenariat pour
le développement dans le nouveau contexte mondial », Les dossiers du Comité d’aide au développement -
Coopération pour le développement - Rapport 1995, OCDE, Paris, 1996, pp. 22-24 ; « Le rôle de la
coopération pour le développement à l’aube du XXIe siècle », Les dossiers du Comité d’aide au
développement - Coopération pour le développement - Rapport 1996, OCDE, Paris, 1997, pp. 14-33.
30
2.1.2. Les acteurs de la coopération au développement : des liens à renforcer pour
une lutte contre la pauvreté plus efficace
• La complémentarité, la coordination et la cohérence : trois principes
fondamentaux de la coopération européenne
Le Traité de Maastricht fait reposer la politique européenne de coopération au
développement sur trois principes essentiels à son efficacité : la complémentarité, la
coordination et la cohérence. La complémentarité entre les politiques et les actions de la
Communauté européenne, des Etats membres, des autres bailleurs bilatéraux (Etats-Unis,
Japon, etc.) et multilatéraux (Banque mondiale, Fonds monétaire international, système
des Nations Unies, banques régionales de développement, etc.) doit permettre à chaque
acteur de concentrer son aide là où elle peut avoir la plus grande valeur ajoutée
notamment en termes de ressources humaines et financières. Pour assurer cette
complémentarité et éviter les doubles emplois ou les incohérences, la coordination
politique et opérationnelle est nécessaire à travers l’organisation régulière de réunions ou
l’échange d’informations entre la Communauté européenne et ses Etats membres mais
aussi entre l’Union européenne et les autres bailleurs de fonds. Enfin, la cohérence est
recherchée entre la politique de développement et les autres politiques communautaires
(commerce, agriculture, pêche, transport, industrie, environnement, etc.) susceptibles
d’affecter le développement économique et social ou l’insertion des pays en
développement dans l’économie mondiale ou d’augmenter la pauvreté.
La Communauté européenne doit aussi intégrer, dans ses politiques et activités qui ont
une incidence sur le développement durable et sur la réduction de la pauvreté, des thèmes
dits transversaux : la promotion des droits de l’homme, l’égalité entre les hommes et les
femmes, les droits des enfants ou la protection de l’environnement.
31
financière et technique. Dans ce cadre et pour répondre aux besoins de complémentarité,
de coordination et de cohérence, l’Union européenne a créé les documents de stratégie
nationale ou régionale (Country/Regional Strategy Papers - CSP/RSP). Ils sont établis
en concertation avec les gouvernements des pays en développement, les représentants de
la société civile et les bailleurs de fonds. Il faut toutefois remarquer que la participation
des gouvernements partenaires est encore faible, faute de moyens humains et techniques
et parfois d’intérêt. Ces documents analysent la situation et les priorités des pays et
identifient celles de la coopération communautaire en intégrant les autres instruments
(commerce, politique étrangère et de sécurité commune, etc.) de l’action extérieure de
l’Union (« policy mix »)52. Etablis à partir de ces documents, les programmes indicatifs
nationaux ou régionaux (PIN/PIR) définissent plus précisément, sur trois à cinq ans, les
mesures nécessaires pour atteindre les objectifs énoncés dans les CSP/RSP, le calendrier
de leur mise en œuvre et les moyens financiers attribués dans le pays ou la région donnée.
52
Commission européenne, Communication sur La réforme de la gestion de l’aide extérieure, Bruxelles,
16 mai 2000.
32
économiques/OCDE, Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe/OSCE,
Organisation des Nations unies/ONU, Organisation des Nations unies pour l’alimentation
et l’agriculture/FAO, Organisation mondiale du commerce/OMC). Elles interviennent
dans l’élaboration et l’utilisation des documents stratégiques dans les pays les moins
avancés, et notamment dans les pays ACP, et font office d’ambassade européenne dans
les pays plus avancés ou présentant un intérêt politique ou commercial particulier pour
l’Union.
• Les acteurs non étatiques et les collectivités locales : une participation à soutenir
L’Union européenne entend associer de plus en plus à sa politique de développement les
acteurs non étatiques. Ils regroupent notamment les organisations non
gouvernementales, le secteur privé, les syndicats, les associations de défense des droits de
l’homme et de l’enfance, les associations féminines et de jeunes, les établissements
culturels et d’enseignement et les organisations religieuses. Leurs actions pour lutter
contre la pauvreté sur le terrain visent principalement à satisfaire les besoins
fondamentaux des populations défavorisées par la production de services sociaux (santé,
éducation) et à promouvoir l’instauration de la démocratie et de la bonne gouvernance. Ils
sont aussi chargés de sensibiliser et d’informer la société civile européenne aux questions
de développement. Ils réalisent leurs projets dans le cadre des programmes de coopération
et des dialogues politiques de l’Union européenne ou mènent des actions de leur propre
initiative, éventuellement cofinancées par la Communauté. Environ 20 % de l’aide
annuelle au développement de la Communauté européenne est géré avec ou par eux53. Il
est important que l’Union renforce les capacités des acteurs non étatiques du Sud et
favorise leur coopération avec les acteurs du Nord. Les pays en développement, qui
manquent de volonté à les associer, devraient également faciliter leur participation pour
assurer une plus grande efficacité à la lutte contre la pauvreté.
Depuis la quatrième Convention de Lomé signée en 1989 avec les pays ACP et le
règlement du Conseil de 1992 sur l’aide financière et technique en faveur des pays en
développement d’Amérique latine et d’Asie, l’Union européenne reconnaît l’importance
des actions de coopération décentralisée54 en matière d’appui, au niveau local, à la
démocratisation et à la satisfaction des besoins élémentaires des populations des pays en
développement. Cependant, la place des collectivités locales dans la politique européenne
de coopération reste aujourd’hui encore floue. Si elles sont intégrées aux acteurs non
étatiques, sous le terme de « société civile », dans la ligne budgétaire « Coopération
décentralisée » (sous la référence 21 02 13, Ex B7-6002), l’article 6 de l’Accord de
Cotonou exclut des acteurs non étatiques « les autorités publiques (locales, nationales ou
régionales) » pour les rattacher à l’appareil d’Etat. Les négociations commencées au
début de 2004 pour la révision à mi-parcours de l’Accord de Cotonou seront l’occasion de
préciser plus clairement le statut et la place de la coopération décentralisée dans cet
Accord et plus généralement dans les programmes de coopération internationale de
l’Union européenne 55.
53
Les chiffres cités ici sont issus du site de l’Union européenne : http://europa.eu.int/
54
Les thématiques propres à la coopération décentralisée sont étudiées dans la première partie du Chapitre
VI.
55
Cf. Secrétariat ACP, L’Accord de Cotonou : Manuel à l’usage des acteurs non étatiques, 2003
(http://www.ecdpm.org/Web_ECDPM/Web/Fr_Content/Navigation.nsf/index.htm) et les travaux menés par
la Commission n° 2 « Coopération décentralisée » du Haut Conseil de la coopération internationale
(http://www.hcci.gouv.fr).
33
2.2. LES MOYENS D’ACTION DE LA COOPERATION AU
DEVELOPPEMENT
56
Le SPG vise à baisser ou à supprimer, sans réciprocité ni discrimination, les droits de douane sur des
produits industriels et agricoles des pays en développement pour faciliter leurs exportations. Le SPG de la
Communauté européenne, créé en 1971, est un instrument de développement mais relève de sa politique
commerciale. A côté du régime général, cinq régimes spéciaux ont été créés notamment pour lutter contre la
drogue et pour les pays les moins avancés (initiative « Tout sauf les armes »). En 2004, la Commission a
proposé de nouvelles orientations pour 2006-2015 pour simplifier les régimes du SPG et les concentrer sur
les pays qui en ont le plus besoin.
34
toutes les régions du monde et particulièrement dans les zones émergentes d’Asie et
d’Amérique latine où elle est en concurrence avec les Etats-Unis. Ambitieuse, cette
approche connaît cependant des limites : dans un agenda commercial régional et mondial
complexe, la libéralisation économique est aujourd’hui prioritaire. L’Union européenne
applique désormais, partout dans le monde, une politique de « co-régionalisme libre-
échangiste »57 consistant à négocier des accords réciproques de libre-échange sur une
base interrégionale en conformité avec les principes de l’OMC. Or, la réalisation de
l’objectif de la lutte contre la pauvreté ne doit pas être affectée par celle d’autres
impératifs de relations extérieures, qu’ils soient politiques, sécuritaires, géographiques ou
économiques, et qui peuvent entrer en contradiction avec lui.
57
Petiteville Franck, « La coopération économique de l’Union européenne entre globalisation et
politisation », Revue Française de Sciences Politiques, vol. 51, n°3, juin 2001, pp. 431-458.
58
Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne, Cellule Entreprises et
Coopération, Fenêtre sur l’Europe, n° 45 - Spécial Aide extérieure de l’Union européenne, mars 2003, p. 1.
35
avec l’Ancienne République yougoslave de Macédoine est déjà entré en vigueur en avril
2004. Depuis 2003, la Croatie est candidate à l’entrée dans l’Union et les négociations
d’adhésion devraient bientôt commencer. L’Ancienne République yougoslave de
Macédoine a officiellement présenté sa demande d’adhésion à l’Union en mars 2004. Elle
pourrait être suivie par d’autres pays des Balkans en 2005.
59
Cuba, membre du groupe ACP depuis la fin 2000, n’est pas signataire de l’Accord de Cotonou. L’Afrique
du Sud est membre du groupe ACP et partie à l’Accord de Cotonou mais bénéficie d’un partenariat
particulier avec l’Union dans le cadre de l’Accord sur le commerce, le développement et la coopération
(ACDC) signé en 1999. Voir la carte sur les pays ACP à l’Annexe IV.
36
Le partenariat avec les pays méditerranéens et du Moyen-Orient
La coopération européenne avec les pays méditerranéens et du Moyen-Orient 60 a été
régie, depuis les années 1960-1970, par un ensemble d’accords bilatéraux non réciproques
de coopération organisant l’aide financière pour la formation professionnelle ou le
développement rural et les échanges de biens industriels et agricoles. En 1995, la
Déclaration de Barcelone initie une nouvelle orientation très ambitieuse et qui semble
difficile à atteindre : créer un partenariat euro-méditerranéen prévoyant la promotion
d’une zone de paix et de stabilité dans la région, le rapprochement entre les peuples sur le
plan social, culturel et humain et la création d’une zone de libre-échange entre l’Union
européenne et ses douze partenaires méditerranéens d’ici 2010. A cette fin, des accords
d’association euro-méditerranéens ont été conclus avec onze d’entre eux et bientôt avec la
Syrie. Principal instrument financier de cette coopération avec 5,35 milliards d’euros pour
la période 2000-2006, le programme MEDA II permet de soutenir le renforcement de la
démocratie pluraliste, le développement économique et social durable et la coopération
régionale et transfrontalière.
60
Algérie, Maroc et Tunisie ; Egypte, Jordanie, Liban et Syrie ; Israël (au titre de la coopération régionale) ;
les Territoires palestiniens. Chypre et Malte sont aujourd’hui membres de l’Union européenne et la Turquie
bénéficie du Partenariat pour l’adhésion depuis 2001.
61
Règlement (CEE) n°443/92 du Conseil précité, en cours d’actualisation.
62
Cf. Brodin Claire, « Union européenne et Amérique latine : entre libre-échange et "partenariat
stratégique" », Questions Internationales n° 9 - septembre - octobre 2004, La Documentation française,
Paris, pp. 85-93.
37
relations avec l’ensemble de la zone asiatique doivent aujourd’hui être renforcées si
l’Union veut accroître sa présence dans la région63.
63
Cf. Commission européenne, Communication sur Un cadre stratégique pour renforcer les relations de
partenariat Europe-Asie, COM (2001) 469 final, Bruxelles, 4 septembre 2001.
64
Commission européenne, Communication au Conseil et au Parlement européen, Vers une pleine
intégration de la coopération avec les ACP dans le budget de l’Union européenne, Com (2003) 590 final,
Bruxelles, 8 octobre 2003.
38
budget de 3,9 milliards d’euros pour la période du 9e FED dont 2,2 milliards d’euros
financés par les Etats membres dans le cadre de la Facilité d’investissement et 1,7 milliard
d’euros sur ses ressources propres pour financer des prêts à long terme.
65
Source : Tableau de l’OCDE d’avril 2004 à l’Annexe V.
66
http://www.elysee.fr/magazine/deplacement_etranger/sommaire.php?doc=/documents/discours/2003/0310
NI05.html
39
Afin de renforcer son rôle dans le nouvel ordre économique international, l’Union
européenne doit considérer ses Etats membres comme des intermédiaires privilégiés dans
ses relations avec les pays en développement et utiliser pleinement les liens historiques
et culturels qu’ils entretiennent avec certaines régions, comme ceux qui existent entre la
France et l’Afrique subsaharienne ou entre l’Espagne et le Portugal et l’Amérique latine.
La politique agricole commune (PAC) est l’exemple le plus flagrant des cas
d’incohérence des politiques communautaires : malgré les efforts entrepris pour
réformer la PAC, les intérêts de certains Etats membres, comme ceux de la France par
exemple, divergent par rapport aux objectifs de l’Union européenne en matière de
développement. Dès 1999, lors de la Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale
du commerce à Seattle, l’Union européenne a été accusée par les pays en développement
et les principaux pays exportateurs de produits agricoles du Groupe de Cairns, de
« protectionnisme déguisé » parce qu’elle accordait à ses agriculteurs des subventions
empêchant l’accès de leurs exportations à son marché. Dans le cadre du Programme de
Doha pour le Développement de 2001, l’Union s’est alors engagée, avec les autres pays
développés, à réduire toutes les formes de subventions à l’exportation « en vue de leur
retrait progressif ». Elle a réformé sa politique agricole commune en juin 2003 et a
proposé avec les Etats-Unis, à la Conférence de l’OMC de Cancun en septembre 2003,
d’éliminer progressivement les subventions à l’exportation sur des produits sensibles pour
les pays pauvres. Ces pays, réclamant le respect des règles commerciales multilatérales
pour sortir de la pauvreté et pour assurer leur développement, ont rejeté cette proposition.
Au début du mois d’août 2004, un compromis, remportant l’adhésion de la France, a enfin
été trouvé quant à l’élimination à terme, probablement vers 2015-2017, des aides
67
Commission européenne, Communication sur La politique de coopération au développement à l’horizon
2000, SEC (92) 915 final, Bruxelles, 15 mai 1992.
40
européennes et américaines aux exportations agricoles en contrepartie de l’abaissement
des barrières tarifaires sur les produits industriels des pays émergents (Brésil, Inde et
Afrique du Sud notamment). A partir de la « nouvelle stratégie pour le développement de
l’agriculture africaine » de la France inscrite dans le cadre du cycle de Doha et du
Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD), l’Union européenne
a engagé, en 2004, un partenariat avec les pays africains producteurs de coton en faveur
du développement de cette filière. Avec cette initiative, l’Union européenne cherche à se
replacer sur la scène mondiale sur la question des produits de base revenue à l’ordre du
jour de l’agenda commercial international.
Une coordination des politiques et une harmonisation des procédures plus étroites entre
les donateurs de l’Union européenne devait aussi améliorer l’efficacité de l’aide
européenne. Cependant, soucieux de préserver leur souveraineté nationale, les Etats
membres sont loin d’avoir transféré, au niveau communautaire, leurs compétences
en la matière (Grande-Bretagne, Pays-Bas, pays nordiques) 68. Partie intégrante de leur
politique étrangère, leur politique de coopération au développement est marquée par leurs
propres priorités et intérêts politiques et économiques. La majorité d’entre eux appliquent
également leurs propres procédures de gestion de l’aide au développement. Principal
contributeur aux budgets européens, la France a été pendant longtemps un des promoteurs
de la construction et de la coopération européennes avec l’Allemagne. Cependant, la
politique française de coopération au développement, si elle demeure un outil de
solidarité à l’égard des pays en développement, reste aussi perçue, en particulier par le
ministère des Affaires étrangères (MAE), comme un des instruments d’influence politique
et économique et de rayonnement culturel de la France. De ce fait, se pose avec acuité la
question de l’effectivité de la cohérence entre les documents stratégiques établis par
l’Union d’un côté et ceux élaborés par ses Etats membres de l’autre. Premier actionnaire
de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international et premier bailleur de fonds
des Nations unies, l’Union européenne est le principal contributeur à l’initiative
d’allégement de la dette pour les pays pauvres très endettés et fait de la défense du
déliement de l’aide aux pays les moins avancés une de ses priorités. L’absence de
coordination et d’entente réelle des Etats membres pour parvenir à des positions
communes empêchent toutefois l’Union européenne de participer pleinement aux
débats sur la lutte contre la pauvreté dans les enceintes multilatérales compétentes et
de peser dans les institutions financières internationales : si elle parlait d’une seule voix
au sein du FMI, elle aurait 30 % des droits de vote et un pouvoir supérieur à celui des
Etats-Unis (17 %) qui ont aujourd’hui la possibilité de bloquer les décisions
importantes69. La Commission a pris conscience que la Communauté européenne ne doit
pas être un donateur de plus. « La mise en place d’un cadre politique unique et d’une
programmation unique par pays partenaire et par politique thématique, débouchant sur
une mise en oeuvre coordonnée et cofinancée, devrait rendre possibles des actions
complémentaires efficaces entre l’Union et les Etats membres : une politique commune
de développement fournirait le cadre approprié »70.
68
Cf. Hessel Stéphane, Dix pas dans le nouveau siècle, Editions du Seuil, Paris, 2002, pp. 190-194.
69
Koelher Martin, L’Europe et la redistribution du pouvoir dans les institutions financières internationales,
Document de travail, Bruxelles, mars 2004, p. 2.
70
Commission européenne, Communication au Conseil et au Parlement européen, Construire notre avenir
commun, défis politiques et moyens budgétaires de l’Union élargie - 2007-2013, COM (2004) 101 final,
Bruxelles, 10 février 2004. Cf. aussi Commission européenne, Communication au Conseil et au Parlement
européen, Traduire le consensus de Monterrey dans la pratique : la contribution de l’Union européenne
(SEC(2004)246), COM (2004) 150 final, Bruxelles, 5 mars 2004.
41
2.5. CONCLUSION
Les grandes évolutions qui ont eu lieu en 2004 dans l’Union européenne élargie, avec
l’élection d’un nouveau Parlement, la signature du traité constitutionnel - qui doit doter
l’Union d’une personnalité juridique unique, d’un président du Conseil européen et d’un
ministre des Affaires étrangères -, la mise en place d’une nouvelle Commission
européenne 71 et le débat à venir sur les nouvelles perspectives budgétaires qui définiront
les objectifs et les moyens financiers de l’Union européenne pour 2007-2013, auront des
incidences sur la formulation de la politique de coopération au développement des
prochaines années.
71
La Commission Barroso, entrée en fonction le 22 novembre, comprend dorénavant une Direction
générale Relations extérieures et Politique européenne de voisinage, placée sous la direction de Mme Benita
Ferrero-Waldner, une Direction générale Développement et Aide humanitaire, dirigée par le Commissaire
Louis Michel, et toujours les Directions générales Commerce et Elargissement, désormais sous les
directions respectives de Peter Mandelson et Olli Rehn. Pour connaître les orientations politiques de chacun
des nouveaux commissaires, voir le site Internet http://www.europarl.eu.int/hearings/commission/
2004_comm/default_fr.htm
72
Commission européenne, Direction Générale du Budget, Avant-projet de budget général de la
Commission européenne pour l’exercice 2005, mai 2004.
73
Parlement européen, Rapport sur le budget 2005 : communication de la Commission au Parlement
européen et au Conseil sur la stratégie politique annuelle, 13 avril 2004.
74
Avis du 16 mars 2004 de la Commission du développement et de la coopération du Parlement européen
in Parlement européen, Rapport sur le budget 2005, ibid.
42
CHAPITRE III
43
Les acteurs bilatéraux représentent la deuxième grande catégorie d’acteurs du
développement. Leurs interventions reposent souvent sur des critères historiques ou
géopolitiques et la solidarité envers les populations pauvres n’est pas leur seule
motivation. La France est un important contributeur en matière d’aide publique au
développement et a mis en place un ensemble complexe d’instruments pour gérer la
distribution de son aide. Il convient d’analyser en quoi ces instruments sont en adéquation
avec les axes de la politique française en matière de lutte contre la pauvreté.
Les instruments et dispositifs de coopération de la France sont nombreux mais leur utilité
en matière de lutte contre la pauvreté n’est pas toujours clairement affichée. Il est possible
de séparer ces instruments en plusieurs catégories : les fonds d’aide au développement ;
l’assistance technique ; les instruments sectoriels, comprenant, outre la francophonie, des
aides à l’investissement et plusieurs actions de coopération non gouvernementale ;
l’Agence française de développement (AFD). Avant d’étudier la place de la lutte contre la
pauvreté au sein de ces instruments, il convient de présenter brièvement l’organisation
opérationnelle du dispositif de coopération français.
Les structures administratives ont été rationalisées autour de deux grands pôles
ministériels :
- le ministère des Affaires étrangères a intégré l’ancien ministère de la Coopération afin
de constituer un pôle diplomatique unique pour l’ensemble de la politique
internationale de la France, et la Direction générale de la Coopération internationale et
75
in La politique française d’aide au développement aujourd’hui : pour une mondialisation plus solidaire,
document présenté lors de la Conférence de Monterrey sur le financement du développement en mars 2002.
44
du Développement (DGCID) est devenue, au sein de ce ministère, le cœur du dispositif
français de coopération ;
- le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie (MINEFI) a conservé son
rôle de pôle économique et financier, tout en réformant son organisation et ses
instruments.
L’orientation politique globale de la coopération française est élaborée par une instance
interministérielle, le Comité interministériel de la Coopération internationale et du
Développement (CICID), et les orientations par pays sont façonnées dans le cadre des
Documents stratégiques pays (DSP).
Cependant, cet organe est apparu lourd et peu maniable. La présence de douze
ministres, sous la présidence du Premier ministre, a rendu complexe l’organisation des
réunions. Les questions de développement ne sont généralement une priorité nationale
que lorsque la situation intérieure française est stable. Il a été courant, en période
d’élections, de « reporter » une réunion du CICID parce que les douze ministres
concernés étaient déjà fort occupés par ailleurs : créé en février 1998, il ne s’est réuni que
45
cinq fois. C’est pour tenter d’inverser ce constat que le CICID du 20 juillet 2004 a
complété son dispositif de fonctionnement : le co-secrétariat du CICID (qui regroupe
deux co-secrétaires désignés respectivement par le ministre de l’Economie, des Finances
et de l’Industrie et par le ministre des Affaires étrangères) doit organiser, chaque année,
« une conférence d’orientation stratégique et de programmation qui réunira, sous la
présidence du ministre chargé de la coopération, les acteurs publics de l'aide française.
Le co-secrétariat se réunit une fois par mois pour veiller à la mise en oeuvre des
décisions du CICID et suivre les prévisions d’évolution de l’aide au développement de la
France, pour l’année en cours et les années à venir. Une fois par trimestre, le co-
secrétariat rend compte de ses travaux au ministre délégué chargé de la Coopération et
du Développement et aux responsables des deux programmes de la mission APD. 76».
Ces documents, validés par le CICID pour une période de trois ans, étaient préparés sous
l’autorité des ambassadeurs en concertation avec les intervenants publics et privés de la
coopération internationale et du développement français : tous les services des
ambassades, l’AFD, les entreprises françaises, l’Alliance française, les Organisations de
Solidarité internationale (OSI), les acteurs de la coopération décentralisée, etc. Les DSP
se situaient en aval des évaluations des actions passées de la coopération française et
inscrivaient leurs orientations dans la stratégie de développement énoncée par chaque
pays au sein de son Document stratégique de Réduction de la Pauvreté. 14 DSP ont été
validés 78 et 19 autres étaient en cours ou en prévision de réalisation.
76
CICID du 20 juillet 2004 – relevé de conclusions
77
Ministère des Affaires étrangères/Direction générale de la Coopération internationale et du
Développement, Vade-mecum. Les instruments de coopération, MAE, Paris, juillet 2002, p.43.
78
L’Afrique du Sud, le Burkina Faso, le Congo, la Colombie, le Kenya, le Laos, le Liban, Madagascar, la
Mauritanie, le Mozambique, le Niger, le Sénégal, la Tanzanie et le Vietnam.
46
dresser un plan stratégique de renforcement, voire de propagation, de son influence.
En témoigne l’absence de concertation avec les autorités du pays lors de la rédaction des
Documents stratégiques pays.
Le CICID du 20 juillet 2004 a quelque peu modifié cet outil de la coopération française,
afin notamment de permettre une meilleure collaboration avec les pays concernés. Les
Documents stratégiques pays ont été remplacés par les Documents-cadres de partenariat
(DCP), qui associent l’ensemble des acteurs de l’aide française et sont discutés avec les
autorités locales. Il est prévu que les trente premiers pays bénéficiaires de l’aide dans la
Zone de solidarité prioritaire disposent d’un DCP à l’été 2005.
L’aide de la France dans la ZSP est mise en œuvre selon cinq préceptes : adaptation et
partenariat ; efficacité ; spécialisation des instruments de coopération ; cohérence
régionale (notamment avec les DOM-TOM) ; complémentarité et subsidiarité entre les
instruments multilatéraux, communautaires et bilatéraux de coopération internationale et
d’aide au développement. Les contours de la Zone de solidarité prioritaire sont fixés et
examinés par le CICID selon trois principes : le principe de « respiration » (intégration
de nouveaux pays) ; le principe de « suspension » (exclusion des pays qui ne respectent
pas certains principes démocratiques, de droit de l’homme, etc.) ; le principe
d’intervention de l’AFD au titre de la coopération régionale DOM-TOM.
Le CICID de juillet 2004 a tenté de clarifier un peu plus la politique française d’aide au
développement. Un « recentrage géographique »81 devrait s’effectuer vers l’Afrique, les
pays les moins avancés et les pays émergents, accompagné d’une « adaptation [des]
méthodes de [la] coopération [française] en fonction de la capacité des Etats à gérer
79
Voir Annexe VI : Pays de la Zone de solidarité prioritaire.
80
Ministère des Affaires étrangères, Fonds de solidarité prioritaire, Fiche disponible sur
http://www.cooperation.gouv.fr/solidarite/fsp/zone.html
81
CICID, Relevé des conclusions de la réunion du 20 juillet 2004.
47
l’aide internationale »82. Cette introduction de critères de performance pour l’allocation
de l’aide est une tendance lourde des institutions internationales et des pays donateurs,
mais il est nécessaire de veiller à ne pas marginaliser encore plus des pays qui ne seraient
pas en mesure de maximiser leurs performances.
Les projets financés doivent être pluriannuels, disposer d’objectifs précis et mesurables et
suivre un calendrier établi. Ils sont de trois types :
- des « projets pays », bilatéraux, répondant à une requête nationale du pays partenaire
et contribuant à son développement ;
- des « projets inter-Etats », bénéficiant à un groupe d’Etats (généralement réunis dans
une organisation inter-gouvernementale) ;
- des « programmes mobilisateurs », mettant en œuvre des politiques sectorielles de
développement (lutte contre le sida, sport, femme et développement…).
82
CICID, op. cit.
48
français ; coopération culturelle et scientifique ; formation et enseignement supérieur ;
recherche.
- AfD : agriculture et développement rural ; santé et éducation de base ; formation
professionnelle ; environnement ; secteur privé ; infrastructures et développement
urbain.
49
de l’assistance technique (1 473 postes en 2002 sur un total de 2 279 postes83), au premier
rang desquels les Etats francophones du continent africain.
En février 2002, le CICID a décidé « la mise en place d’un groupement d’intérêt public
rattaché au MAE (GIP « France coopération internationale ») avec mission de gérer de
manière active, dynamique et interministérielle, des viviers d’expertise et d’inciter à
l’acquisition d’une expertise dans le domaine de la coopération internationale »84. Le
GIP « France coopération internationale » est constitué en partenariat entre le ministère
des Affaires étrangères et le ministère de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat,
avec l’Agence française de Développement, l’Ecole nationale d’administration et
l’EGIDE (Centre français pour l’accueil et les échanges internationaux). Ses missions
principales consistent à faciliter le recrutement des experts publics et à apporter un appui
aux opérateurs publics et privés en vue d’exécuter des missions de coopération
internationale et de développement, de courte et de moyenne durée, pour le compte des
autorités françaises et des bailleurs de fonds internationaux.
« La vraie réforme de cette politique des ressources humaines, celle qui reste attendue
par de nombreux acteurs, sera :
- celle qui rompra définitivement avec la forte et toujours actuelle confusion de fait
entre les fonctions de bailleurs de fonds, de maître d’ouvrage et de maître d’œuvre
opérationnel. Il s’agit pour tout dire de mettre en pratique le principe politique de
subsidiarité.
- celle qui portera une vision globale et cohérente de notre politique de coopération
technique, sans cloisonnements entre zones géographiques (ZSP et reste du monde),
formes d’intervention, ou acteurs impliqués.
- celle qui assurera enfin l’amont et l’aval de la coopération technique par un dispositif
concernant les fonctions conjointes de formation, de capitalisation, de recherche et
d’évaluation.
Il convient enfin que toute réforme en ce domaine ne perde pas de vue deux objectifs
essentiels : permettre aux institutions choisies comme partenaires (et qui ne sont pas
nécessairement les seuls Etats) d’exprimer en toute liberté leurs besoins et leurs points de
83
Ministère des Affaires étrangères/Direction générale de la Coopération internationale et du
Développement, La coopération internationale du ministère des Affaires étrangères - DGCID Bilan 2002 et
perspectives, Rapport d’activité de la DGCID, MAE, Paris, mars 2003.
84
Ministère des Affaires étrangères/Direction générale de la Coopération internationale et du
Développement, Vademecum, op. cit.
50
vue sur la manière de les satisfaire ; favoriser l’émergence de capacités locales, de
conception des politiques et de leur mise en œuvre. »
Le CICID de juillet 2004 a confié une mission d’étude à MM. Christian Connan et
Edouard Wattez afin de définir les axes d’une réforme dans ce domaine, en vue de son
renforcement.
51
• La coopération non gouvernementale
Le MAE cofinance de nombreux projets de développement conduits par les Organisations
de solidarité internationale (OSI) ou les collectivités locales (coopération décentralisée).
Bien que financés en partie sur des fonds publics, ces projets ne sont pas considérés
comme faisant partie de la coopération gouvernementale.
• La coopération décentralisée
Les lois de décentralisation ont accordé aux collectivités locales une véritable autonomie
en matière de coopération, activité désignée sous le terme de « coopération
décentralisée ». Le gouvernement accorde des cofinancements à des actions de
coopération menées par les collectivités locales. Ces cofinancements représentent moins
de 10 % du coût total des opérations menées, mais ils peuvent avoir un effet de levier non
négligeable.
85
La question de la prise en compte par les collectivités locales et les OSI de la problématique de lutte
contre la pauvreté au sein de leurs interventions fait l’objet du Chapitre IV.
52
déliement complet de ses concours, favorisant la concurrence internationale et renforçant
l’efficacité de l’aide.
Plusieurs secteurs sont donc retenus comme prioritaires : eau, finance, aménagement du
territoire et accès aux services sociaux. Ce sont ces secteurs qui concentrent les grands
domaines d’interventions : en 2002, 43 % des engagements ont été attribués à
l’aménagement du territoire, aux infrastructures et au développement urbain, 23 % au
développement rural et à l’environnement, 20 % au secteur bancaire et financier et 11 %
au développement humain dans les secteurs sociaux (éducation et santé)86.
Aux termes des décisions du CICID de juillet 2004, une convention-cadre doit définir les
relations entre l’Etat (ministères des affaires étrangères, des finances et de l’outre-mer) et
l’AfD. Les statuts de l’AfD doivent également être révisés, avec notamment un recentrage
des activités du Conseil de surveillance vers les questions stratégiques et l’examen des
projets les plus importants, et par conséquent la délégation de ses compétences à des
« comités d’engagements des projets » pour l’approbation des projets de plus faible
montant. Le CICID a également précisé les relations entre les Ambassadeurs et l’AfD et a
redéfini les secteurs respectifs d’intervention de l’AfD et du MAE en ce qui concerne les
projets FSP gérés jusqu’à lors par le MAE. (cf. supra).
86
Agence française de développement, Rapport annuel 2002, Groupe AFD, Paris, juin 2003.
53
international peut être intégré aux concours de l’AfD 87. Il est évident que les interventions
de l’AfD n’ont pas attendu ce nouveau paradigme des institutions multilatérales pour
contribuer à la réduction de la pauvreté (que l’on parle ici de pauvreté monétaire, de
pauvreté des conditions de vie ou de pauvreté des capacités). Mais ces contributions ont
bien souvent été implicites, sans que leur apport en terme de lutte contre la pauvreté ait
été évalué, et encore moins planifié. La note de doctrine le reconnaît : « C’est là, la
principale faiblesse du portefeuille de l’AfD, qui est sectoriellement dans le cœur de cible
de la réduction de la pauvreté, mais dont les points d’application des financements et les
modalités de mise en œuvre des projets sont arrêtés de manière implicite, sans une
analyse explicite des bénéficiaires et des objectifs poursuivis par les projets ».
87
Agence française de développement, L’AFD et la réduction de la pauvreté et des inégalités, Note de
doctrine, Groupe AFD, Paris, janvier 2001.
88
Politique africaine, « La lutte contre la pauvreté, nouveau paradigme de l’Agence française de
développement. Entretien avec Antoine Pouillieute », n° 81, mars 2001, p.174.
89
Une synthèse récente de cette problématique a été effectuée lors de la conférence AfD / EUDN du 13
novembre 2003 : Agence française de développement, Pauvreté, inégalités, croissance : quels enjeux pour
l’aide au développement ?, Groupe AfD, Paris.
54
France préfère adopter une approche inclusive qui se soucie des populations pauvres et
marginalisées en les intégrant dans des interventions plus globales. Ces opérations
« cherchent à profiter à tous par une logique d’entraînement qui postule que les
catégories défavorisées bénéficieront de ce profit général »90.
La mise en œuvre de la loi organique pour les lois de Finances devrait considérablement
clarifier la situation actuelle. Il est en effet créé une mission interministérielle « Aide
publique au développement » qui regroupera les crédits des deux programmes gérés par le
MINEFI et le MAE. Chaque projet de loi de Finances sera accompagné d’un document de
politique transversale qui « retracera la politique du Gouvernement dans ce domaine et
les prévisions d’aide au développement, en couvrant l’ensemble des dépenses : crédits
inscrits au budget général, dans les comptes spéciaux du Trésor, dépenses extra-
budgétaires (annulation de dettes, par exemples) »93.
La France doit ensuite augmenter les moyens financiers engagés en faveur de l’APD.
Le président de la République Jacques Chirac a ainsi annoncé une augmentation
programmée de l’APD française à 0,5 % du PIB en 2007, avant d’arriver à l’objectif de
0,7 % du PIB en 2012. Cette initiative saura-t-elle dépasser le simple effet d’annonce ?
L’objectif d’une APD à 0,50 % du PIB en 2007 a été réaffirmé lors du CICID de juillet
2004, et le plan d’augmentation de l’APD française est aujourd’hui respecté (il est prévu
pour 2004 un taux d’APD de 0,42 % du PIB), mais il ne fait pas l’objet d’une
programmation pluri-annuelle précise qui puisse garantir son exécution sur le long terme.
Il est de coutume que l’aide française, dans un contexte économique tendu et face à
l’impératif de maîtrise des dépenses publiques, fasse les frais de restrictions budgétaires et
de gels ou annulations de crédits, comme ce fut le cas en 200394. Si la France veut se
donner les moyens de ses ambitions, elle doit absolument respecter ses engagements et
augmenter rapidement son APD.
90
Réseau IMPACT, La priorité en faveur de la réduction de la pauvreté et des inégalités : qu’en est-il au
sein de DCT et de la DGCID ?, juillet-août 2003.
91
Voir Annexe VII : L’APD française en 2004.
92
Examen par les pairs – La France. Comité d’aide au développement – OCDE 2004
93
CICID, Relevé des conclusions de la réunion du 20 juillet 2004, op. cit.
94
Le Premier ministre a annoncé que le MAE ne fera l’objet d’aucun gel budgétaire pour l’année 2005.
55
• La stratégie française de lutte contre la pauvreté : entre discours et réalités
La politique française de coopération transite par de nombreux acteurs et instruments
L’aide publique au développement de la France est mise en œuvre par pas moins de douze
ministères95. Certes, les montants attribués sont parfois dérisoires (30 000 euros pour le
ministère de la Défense) mais ce foisonnement d’acteurs ne facilite pas, loin de là,
l’élaboration d’une stratégie de développement efficace et cohérente.
95
Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, Projet de loi de Finances pour 2004. Etat
récapitulatif des crédits concourant à la coopération avec les Etats en voie de développement, MINEFI,
Paris.
96
Ministère des Affaires étrangères/Direction générale de la Coopération internationale et du
Développement, La coopération internationale du ministère des Affaires étrangères - DGCID Bilan 2002 et
perspectives, op. cit.
97
Réseau IMPACT, op. cit.
98
Organisation de coopération et de développement économiques/Comité d’aide au développement, La
France : examen du CAD par les pairs 2004. Principales conclusions et recommandations, OCDE, Paris,
juin 2004.
99
Organisation de coopération et de développement économiques/Comité d’aide au développement,
France : examen d’aide, résumé et conclusions, OCDE, Paris, avril 2000.
56
un axe explicite de la coopération » son lien avec les priorités sectorielles de l’approche
française « n’est pas toujours établi »100.
Au-delà de cette analyse, la France semble toujours partagée entre deux logiques qui ne
sont pas forcément compatibles : l’aide doit-elle être perçue comme un vecteur de
solidarité ou comme un vecteur d’influence ? Il est évident que l’aide au
développement participe de la solidarité internationale, mais la France veut trop souvent
en faire un vecteur d’influence, capable de contribuer à son rayonnement politique,
économique et culturel. Dans son rapport au Sénat sur le Projet de loi de Finances pour
2004, Michel Charasse définit l’aide comme un « investissement, dès lors qu’une part
active prise dans le développement d’un pays permet d’escompter de futurs marchés et
une relation commerciale privilégiée »101. Cette notion d’investissement est pertinente
mais ne doit pas devenir la finalité de l’aide française. Le développement des pays
pauvres offrira des opportunités économiques et commerciales pour tous les pays : l’aide
devrait alors être perçue comme un investissement mondial et pas seulement national.
La politique d’annulation de la dette des pays pauvres très endettés constitue un axe
majeur de la coopération française. L’importance des montants en jeu ainsi que la
création d’un mécanisme de désendettement original mais contraignant justifient
l’importance des analyses qui vont suivre.
Il est utile de noter que la France s’est engagée à Cologne en faveur du principe
d’additionnalité des allègements de dette. Cet engagement ayant été réaffirmé par le
100
CAD, 2004, op. cit.
101
Charasse Michel, Projet de loi de Finances pour 2004, tome 3, annexe 2 : aide au développement,
Rapport général au Sénat n°73, op. cit.
102
Jacques Chirac, Discours au Sommet France Afrique de Yaoundé, janvier 2001,
http://www.elysee.fr/cgi-bin/auracom/aurweb/search/file?aur_file=discours/2001/FRAF0106.html
57
gouvernement Jospin et n’ayant pas été démenti par les gouvernements Raffarin, le
traitement de la dette ne devrait théoriquement pas se substituer aux versements d’APD
mais s’y ajouter.
Ce dispositif répond à trois objectifs. D’une part, il permet de sécuriser l’affectation des
marges budgétaires dégagées au profit de programmes de lutte contre la pauvreté et pour
le développement durable. D’autre part, il vise à associer la population, notamment les
acteurs de la société civile, à la conception et à la mise en œuvre des projets et
programmes adoptés. Il vise enfin à s’inscrire dans un schéma partenarial avec le pays
bénéficiaire103. Les C2D viennent ainsi se positionner dans le cadre général des nouvelles
stratégies de développement prônées par la communauté internationale. Ils sont en
adéquation avec les Documents stratégiques de Réduction de la Pauvreté établis par les
pays bénéficiaires de même qu’avec les Documents de stratégie pays rédigés par la
France, tous deux axés sur des programmes prioritaires de lutte contre la pauvreté.
Les C2D sont pluriannuels (trois ans dans la plupart des cas). Ils sont signés entre le
gouvernement français, représenté par l’Ambassadeur français résident, et le
gouvernement du pays bénéficiaire et définissent les modalités d’utilisation des sommes
budgétaires dégagées par ce mécanisme. Leur champ d’intervention doit être en
adéquation avec les orientations du DSRP du pays et la stratégie définie par la France
dans le cadre de son DSP.
103
Notons qu’il permet également à la France d’étaler dans le temps le coût financier de ses allègements de
dette.
104
Le Cameroun et la Côte d’Ivoire bénéficieront par ailleurs d’une approche plus pragmatique du fait de
l’importance considérable des montants en question (supérieurs à 1 milliard d’euros).
105
La Bolivie, le Honduras, le Malawi, le Nicaragua, le Myanmar, la Somalie et le Soudan.
58
Quatre grands domaines d’affectation sont retenus :
1) l’éducation de base et la formation professionnelle ;
2) les soins de santé primaires et la lutte contre les grandes endémies ;
3) les équipements et infrastructures des collectivités locales ;
4) l’aménagement du territoire et la gestion des ressources naturelles .
Parallèlement, les interventions concernent trois types de dépenses : les dépenses liées
au fonctionnement des administrations, les dépenses de transfert du budget de l’Etat aux
collectivités locales ainsi que les subventions accordées par l’Etat à des associations ou
organisations professionnelles ;
Ces structures sont complétées par des missions d’orientation et/ou de négociation dans le
pays, ainsi que par des réunions transversales ou par pays visant à informer la société
civile. Les organisations de la société civile et les collectivités locales sont donc
pleinement associées au processus, au niveau de la préparation, du suivi, et parfois de
l’exécution de certains projets.
Les C2D doivent enfin concentrer les interventions tout en favorisant les programmes
sectoriels développés par le pays 106, afin d’augmenter la coordination entre les bailleurs
de fonds et le gouvernement, de structurer les stratégies de développement et de clarifier
la mise en place des programmes107. De même, ils doivent privilégier « le canal de l’aide
budgétaire affectée, à des lignes budgétaires de programmes sectoriels, à des fonds
spéciaux de programmes sectoriels ou à des fonds d’investissement »108, canal qui
représente un bon compromis entre les critères de rapidité, d’efficacité, d’appropriation,
de traçabilité, de visibilité et d’harmonisation entre les bailleurs.
106
Les programmes sectoriels comportent une stratégie sectorielle ainsi qu’une programmation budgétaire
pluriannuelle cohérente avec le cadre macroéconomique et une coordination des bailleurs de fonds.
107
Cela s’inscrit également dans les travaux du CAD et de la France sur l’harmonisation de l’aide.
108
Agence française de développement, Volet bilatéral de l’initiative PPTE renforcée, modalités de mise en
œuvre, Note au Conseil de surveillance, Groupe AFD, Paris, mai 2002. Ce document fournit une bonne
analyse critique des programmes sectoriels et des canaux de recyclage de la dette.
59
L’un des principaux avantages des C2D est de s’intégrer aux autres instruments de la
coopération internationale ou française. L’articulation DSRP - PPTE - C2D peut
constituer le moteur d’une coordination effective entre les bailleurs de fonds, tout en
contribuant à harmoniser leurs conditionnalités d’attribution de l’aide. Au niveau français,
l’inscription des C2D dans les Documents de Stratégie Pays doit faciliter la cohérence et
la complémentarité entre les différentes formes d’appuis français (interventions de l’AfD,
FSP, assistance technique, etc.).
3.2.3. Critiques
• La politique d’annulation de dette ainsi que les montants en jeu et leur
répartition sont très opaques
Il est très difficile d’avoir une lecture claire et rapide de l’effort de la France au processus
PPTE. Seule une partie de ses annulations de dette est imputée sur des chapitres
budgétaires. Le reste dépend directement des découverts du Trésor ou de la COFACE. En
2003, à peine plus de 15 % seulement des annulations de dettes ont été imputées sur des
chapitres budgétaires et donc portés à la connaissance du Parlement lors de la discussion
des lois de finances109. Les annulations portant sur des prêts du Trésor ne sont approuvées
par le Parlement qu’a posteriori lors du vote de la loi de règlement.
109
Emmanuelli Henri, Projet de loi de Finances pour 2004, annexe 3 : coopération et développement,
Rapport spécial à l’Assemblée nationale n°1110 du 9 octobre 2003.
110
Tous les chiffres qui suivent sont issus du Projet de loi de Finances 2004.
60
française ? Il ne faut pas que l’achèvement de l’initiative PPTE devienne le prétexte à une
diminution importante de l’APD française. Le gouvernement doit réfléchir dès maintenant
à des moyens de compenser la diminution progressive du traitement de la dette afin de
maintenir le volume global de l’APD et sa progression régulière vers l’objectif des 0,7%
du PIB.
Les C2D vont nécessairement avoir aussi une incidence sur la répartition géographique
de l’aide. L’AfD reconnaît qu’« il existe un risque potentiel d’une mobilisation excessive
des ressources financières et humaines de la coopération française en faveur des pays
éligibles aux C2D, au détriment des pays non bénéficiaires de cet instrument »113. Malgré
la création d’un mécanisme de préfinancement des études C2D, il existe des contraintes
liées aux capacités techniques et humaines dont l’AfD dispose pour élaborer un ensemble
111
Agence française de développement, Volet bilatéral de l’initiative PPTE renforcée, Bilan d’un an et
demi de mise en œuvre des C2D, Note au conseil de surveillance, Groupe AFD, Paris, octobre 2003.
112
Agence française de développement, ibid.
113
Agence française de développement, ibid.
61
de projets/programmes qui, rappelons-le, est supposé s’ajouter aux financements habituels
de l’AfD.
3.2.4. Conclusion
L’idée de départ des C2D est louable : il s’agit de sécuriser des apports financiers pour
la lutte contre la pauvreté. Ce processus permet de s’assurer que les fonds dégagés par
les allègements de dette seront effectivement destinés aux pauvres à travers des politiques
de lutte contre la pauvreté et les inégalités. Cela témoigne d’un certain manque de
confiance envers les gouvernements des pays du Sud et principalement envers des chefs
d’Etats africains. A travers les Contrats de désendettement et de développement, la France
tente de s’assurer de la « bonne » utilisation des fonds dégagés par les annulations de
114
Agence française de développement, ibid.
62
dette en participant à leur affectation afin de limiter leur captation par les gouvernements
locaux et, par la même, les possibilités de dérive, de mauvaise utilisation vers des
dépenses moins valorisantes en terme de développement, voire totalement différentes.
Cette dérive témoigne d’un malaise récurrent dans les processus de coopération entre
pays riches et pays pauvres qui n’est pas complètement infondé. A l’heure où les
populations du Nord examinent de plus en plus minutieusement les dépenses engagées
grâce à leurs impôts, il devient nécessaire pour leurs gouvernements de s’assurer de la
bonne utilisation de ces fonds. Les dernières décennies ont été marquées par de nombreux
détournements qui sont restés ancrés dans les mémoires et incitent de fait à la méfiance. Il
est cependant nécessaire d’établir un juste-milieu entre ingérence et laisser-faire. Si
l’objectif intrinsèque du processus est pertinent, il révèle l’un des dysfonctionnements
majeurs du système d’attribution de l’aide d’aujourd’hui : les pays riches ne font pas
confiance aux pays en développement.
Ce constat doit évoluer. Il est nécessaire de trouver un équilibre qui permette aux bailleurs
de fonds de s’assurer de la bonne utilisation de leur argent tout en accordant aux pays
débiteurs la possibilité de définir librement et par eux-mêmes l’utilisation de ces fonds.
63
CHAPITRE IV
64
Institutions internationales et bailleurs de fonds bilatéraux ont montré leurs limites en
matière d’aide au développement. L’impact de leurs actions est parfois limité par la
lourdeur des démarches administratives et la lenteur des processus. Les associations de
solidarité internationale, les syndicats, les collectivités locales ont pris un poids croissant
au cours de la dernière décennie et jouent un rôle majeur en matière d’aide au
développement.
4.1. INTRODUCTION
« La coopération internationale fut longtemps l’affaire exclusive des Etats qui traitaient
avec un Etat partenaire, lui apportant des moyens humains et financiers pour organiser,
programmer, aménager. Mais la montée en puissance des ONG et des collectivités
territoriales, ainsi que le rôle important des entreprises, ont accompagné une prise de
conscience de plus en plus claire que l’Etat ne pouvait être – à lui seul – le moteur du
développement d’un pays ». C’est sur ce constat que Jacques Pelletier a ouvert les assises
de la coopération et de la solidarité internationale le 17 octobre 1997. Ces nouveaux
acteurs, dont le rôle dans la coopération internationale est de plus en plus reconnu, sont
nombreux : collectivités locales, organisations non gouvernementales, entreprises privées
ou publiques, organisations syndicales, associations professionnelles et syndicales,
acteurs de l’économie sociale et mutualiste, etc. Ils sont souvent regroupés sous
l’appellation de « société civile ».
Qu’est-ce que la « société civile » ? L’idée de société civile se réfère à celle de civilité
(dans les relations sociales). Elle renvoie donc à une vision éthique de l’ordre social
articulée autour de l’harmonisation entre intérêts particuliers et bien commun. La société
civile peut être identifiée comme l’espace intermédiaire devant exister entre la sphère de
l’Etat et la sphère privée (notamment la famille). Elle est constituée d’une variété
d’institutions (groupements associatifs traditionnels et modernes, syndicats, mouvements
religieux, organisations socioprofessionnelles, etc.) qui se donnent des objectifs d’intérêt
collectif, fonctionnent eux-mêmes sur un mode démocratique et interviennent dans
l’espace public où leur mobilisation assure l’interface avec la société politique et
contribue à l’articulation des demandes sociétales et des intérêts particuliers115.
Les acteurs de la société civile sont nombreux et variés tant dans leur forme que dans
leurs motivations. Si les organisations humanitaires existent depuis plusieurs décennies
déjà, de nouveaux acteurs ont gagné en importance dans les dernières années. Cependant,
tous ne participent pas à la lutte contre la pauvreté. Il est difficile pour un acteur non
étatique, disposant de peu de moyens humains, financiers et techniques, de construire une
stratégie globale de développement qui soit axée sur la lutte contre la pauvreté. Il faut
donc prêter attention à la nature des programmes et des aides mis en place par ces
différents types d’acteurs en se demandant quelle place ils accordent à la lutte contre la
pauvreté dans leur stratégie de développement. Deux formes de coopérations vont être
étudiées : la coopération décentralisée des collectivités locales et la coopération non
gouvernementale des Associations de Solidarité Internationale.
115
Otayek René (sous la coordination de), Les sociétés civiles du Sud. Un état des lieux dans trois pays de
la ZSP : Cameroun, Ghana, Maroc, Etude CEAN, 2003.
65
4.2. LES COLLECTIVITES LOCALES
116
Le ministère des Affaires étrangères a publié en 2000 un Guide de la coopération décentralisé, édité à la
Documentation française, à destination des collectivités territoriales et de leurs partenaires afin de les aider
dans leurs démarches. Une deuxième édition est en cours.
117
Loi d'orientation 92-125 relative à l'Administration territoriale de la République, Titre IV "De la
coopération décentralisée", 6 février 1992, Journal Officiel, Paris, 8 février 1992.
66
Le dispositif législatif vient d'ailleurs d'être récemment complété avec l'adoption, le
9 février 2005 de la "loi Oudin"118 : elle lève les obstacles juridiques rencontrés par des
collectivités ou des agences de bassin qui affectaient des ressources et, le cas échéant, du
personnel à des actions de coopération en matière d'accès à l'eau et à l'assainissement.
Selon les chiffres établis par la CNCD, sur les 6000 liens impliquant 3250 collectivités ou
groupements, 860 concernent des partenaires de pays en développement, dont plus des
deux tiers répartis sur le continent africain. Mais la CNCD estimait en 1999 que ces
actions drainaient la moitié, soit 115 millions d'euros, de l'ensemble des budgets
consacrés annuellement par les collectivités locales à leurs actions de coopération
internationale toutes zones confondues. L'enquête lancée par le ministère des Finances en
2004 devrait permettre de cerner ces chiffres de plus près, et permettre ainsi intégrer la
contribution des collectivités locales au développement dans le montant de l'APD (aide
publique au développement) de la France, ce qui n'était pas le cas jusque-là.
L’un des plus grands intérêts de la coopération décentralisée, qui correspond à la fois à un
moyen et à un objectif, est sa capacité à mobiliser la société civile. Tous les acteurs de la
vie institutionnelle et politique, mais également économique, culturelle ou scientifique,
sont susceptibles de prendre part à la construction d’un lien entre deux collectivités.
Comme l’a rappelé Charles Josselin lorsqu’il était ministre délégué à la Coopération et à
la Francophonie : « la coopération décentralisée, en ayant des liens de terrain proches,
permet, mieux que la coopération d’Etat à Etat, de mettre en mouvement la société, de
118
Loi 2005-95 du 9 février 2005 relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des
agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement, Paris, Journal Officiel du
10 février 2005.
119
Sur les partenaires des collectivités locales, voir notamment L'Analyse des pratiques de la coopération
décentralisée pour le développement et la solidarité internationale réalisée en 2003 dans la cadre de la
commission "Coopération décentralisée" du HCCI (voir site Internet www.hcci.gouv.fr).
120
Cités Unies France, L'intervention des collectivités territoriales françaises à l'international, Etude CUF,
2003.
67
mobiliser les acteurs économiques, syndicaux, sociaux, culturels, éducatifs,
associatifs… »121.
Peut-on alors parler de « lutte contre la pauvreté » ? Ce n’est pas toujours évident. La
lutte contre la pauvreté repose sur une stratégie globale et non sur la simple multiplication
d’actions ou de programmes visant à améliorer tel ou tel domaine de la vie des
populations pauvres. C'est là que la liberté d'initiative dont disposent les collectivités
françaises pourrait avoir comme contre-partie un émiettement nuisible à l'efficacité
globale. Le défi à relever est donc celui de l'articulation des interventions non seulement
entre collectivités mais aussi entre celles-ci et d'autres opérateurs.
Le plus ancien d'entre eux, Cités Unies France (CUF) fut créé au niveau national en 1975
afin que les collectivités locales puissent trouver les appuis nécessaires en matière
d'information, de formation et de possibilités d'échanges dans leurs actions de coopération
internationale. CUF « assure une fonction de représentation des collectivités locales sur
les questions de coopération internationale auprès des pouvoirs publics français, des
grandes fédérations de collectivités locales, des collectifs d'ONG et des institutions
internationales »122. Aujourd'hui environ 2000 collectivités françaises sont concernées par
les 4 groupes thématiques et les 21 "groupes-pays" que CUF a mis en place; ce sont
121
Cité par Coursin François, La contribution de la France aux progrès des pays en développement,
Rapport du Conseil économique et social, n°2001-2003, 2001, p.111.
122
Site Internet de Cités Unies France, www.cites-unies-france.org/index.html
68
surtout ces derniers qui permettent de dégager une réflexion d'ensemble à propos des
interventions menées par diverses collectivités en direction d'un pays donné. Et, dans
cette ligne qui rejoint la vision d'ensemble de la lutte contre la pauvreté, CUF vient de
s'engager ouvertement en faveur des Objectifs du Millénaire.
Par ailleurs, on recherche également, sans remettre en cause la liberté d'initiative des
collectivités, une meilleure articulation entre la coopération menée par l'Etat et celle
menée par les collectivités locales. C'était déjà le but de la création de la CNCD par la loi
de 1992, mais il faut aussi mentionner les crédits de soutien à la coopération décentralisée
inscrits au budget du ministère des Affaires étrangères (soit 11,77 millions d'euros en
2002). De plus, la demande faite aux ambassadeurs de désigner parmi leurs collaborateurs
un interlocuteur spécifique pour les collectivités est une manière de reconnaître
officiellement la valeur ajoutée que celles-ci apportent à l'action de la France à
l'international, grâce à leur proximité avec les populations et à la connaissance de leurs
attentes.
Ce n'est que très récemment que les collectivités ont pu se structurer en un réseau
mondial, avec la création officielle au mois de mai 2004 de Cités et Gouvernements
Locaux Unis (CGLU), résultant de la fusion de trois organisations internationales :
Fédération mondiale des Cités Unies (FMCU), Union Internationale des Autorités
Locales (IULA) et Métropolis, association internationale de grandes métropoles. Cette
création venait à point nommé puisque dans le même temps le rapport confié à Enrique
Cardoso par le Secrétaire général de l'ONU recommandait notamment de donner aux
collectivités la place qui leur revenait dans le renforcement du système des Nations Unies
en s'appuyant sur cette nouvelle organisation.
Les collectivités du Sud sont elles aussi organisées pour renforcer leurs échanges. C'est
ainsi que depuis plusieurs années le PDM (Programme pour le développement municipal)
123
Charte d’engagement des villes et autorités locales à Villes Unies contre la Pauvreté.
69
basé à Cotonou constitue à la fois un lieu d'observation, de réflexion et de contacts pour
les municipalités des pays d'Afrique francophone. Le PDM est aussi la cheville ouvrière
d'Africités qui tous les trois ans est le grand forum des collectivités africaines –
francophones, anglophones et lusophones – leur permettant d'échanger entre elles et avec
tous les acteurs de la coopération internationale. La réunion de 2003 a notamment
débouché sur la création du CCRA (Conseil des communes et des régions d'Afrique).
Cette plate-forme, qui regroupe elle-même plusieurs réseaux, doit donc permettre à
l'Union européenne de mieux apprécier le rôle des collectivités locales dans la conception
et la mise en œuvre de sa politique en direction des pays ACP.
Par ailleurs, les modifications qui viennent d'être introduites dans l'Accord de Cotonou
répondent à une recherche d'équilibre, mais cette fois-ci entre ANE (acteurs non
étatiques) et collectivités locales, jusque-là "oubliées" dans la conception des programmes
indicatifs nationaux négociés entre l'UE et les pays ACP bénéficiaires. Cette prise en
compte des collectivités locales dans l'élaboration des programmes de coopération de
l'Union européenne va dans le sens de recommandations émises par divers organismes :
bien évidemment, la Plate-forme des pays ACP mais aussi l'ECDPM (European Center
for Development Policy Management) ou "Centre de Maastricht", qui se consacre à
l'analyse de la politique de l'Union européenne en matière de développement, ou encore la
commission "coopération décentralisée" du HCCI.
70
4.3. LES ASSOCIATIONS DE SOLIDARITE INTERNATIONALE
Compte tenu de l’hétérogénéité de ce milieu, proposer une classification des ASI n’est
pas évidente. Dominique Gentil en propose une en fonction de la nature de leurs
activités126 :
- les ASI d’urgence (Médecins sans frontières/MSF, Action contre la faim/ACF, etc.)
s’adressent, par définition, à des populations en grande détresse ;
- les ASI spécialisées dans les populations pauvres (Interaide, Essor, Initiatives et
Développement, etc.) centrent systématiquement leurs actions sur les populations
défavorisées des quartiers urbains les plus pauvres ou des zones rurales reculées ;
- les ASI généralistes (Comité catholique contre la faim et pour le
développement/CCFD, etc.) financent à la fois des actions de terrain et d’éducation au
public ;
- les ASI « professionnelles » (Groupe de recherche et d’échanges technologiques/
GRET, etc.), qui sont réunies depuis 1994 dans le groupe Initiatives, regroupent
techniciens et chercheurs.
Mais cette classification reste discutable dans la mesure où, par exemple, la césure entre
l’urgence et le développement reste floue et où des ONG dites « généralistes » se sentent
aussi très engagées auprès des populations pauvres.
124
On utilise indifféremment la dénomination ASI ou OSI (organisation de solidarité internationale) pour
désigner les organisations engagées dans des activités de solidarité internationale. Celles-ci sont aussi
couramment désignées sous le vocable d’ONG (Organisation non gouvernementale).
125
Associations de solidarité internationale, « Répertoire 2004 », Commission coopération développement.
126
Gentil Dominique (sous la direction de), Lutte contre la pauvreté et les inégalités : Synthèse de l’étude
bilan sur les actions de la Coopération française, op. cit. 2000.
127
L’Etat et les ONG : pour un partenariat efficace, Rapport du Groupe présidé par Jean-Claude Faure,
Commissariat général du Plan, La Documentation française, février 2002, p.153.
71
Association française des volontaires du progrès (AFVP), créée en 1963 à l’initiative
du ministère de la Coopération (avec le concours des associations de jeunesse) ;
- à l’initiative d’institutions privées : le Secours catholique est né, en 1947, d’une
décision de l’épiscopat français ; le Comité catholique contre la faim et pour le
développement (CCFD) est né, en 1961, d’une initiative portée par les différents
mouvements d’action catholique ; Agriculteurs français et développement
international (AFDI) a été créé par les organisations professionnelles agricoles
(FNSEA...) ; la Confédération française démocratique du travail (CFDT) a créé
l’Institut Belleville ; FERT a été créé par le groupe Unigrains ; le Comité national de
solidarité laïque (CNSL) a été créé, en 1981, par des mutuelles, des syndicats, des
coopératives et des associations dont les membres font partie ou sont proches de
l’enseignement public ;
- à l’initiative d’associations qui ont décidé d’ajouter ou de développer un volet
international dans leurs activités. C’est notamment le cas des mouvements de jeunesse
et d’éducation populaire : Éclaireurs ou Éclaireuses de France, Scouts ou Guides de
France, Ligue française de l’enseignement et de l’éducation permanente, Fédération
nationale Léo Lagrange, Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active
(CEMEA), etc. ;
- à l’initiative de personnes ayant une même profession : c’est notamment le cas de la
plupart des «sans frontières» : Médecins sans frontières, Reporters sans frontières... ;
c’est aussi le cas du Groupe développement, créé par des personnels d’Air France,
Air Inter et UTA ;
- à l’initiative d’un groupe de personnes privées : c’est le cas de la plupart des ASI et
des associations en général ;
- à l’initiative de personnes privées, issues des migrations internationales, qui ont créé
des organisations de solidarité internationale pour valoriser l’apport des personnes
issues de l’immigration dans le développement de leur pays d’origine ainsi que leur
rôle dans l’intégration en France. Elles sont aujourd’hui appelées OSIM.
Cette classification peut être intéressante pour qui s’intéresse à l’histoire du mouvement
associatif français mais n’est pas nécessairement opérationnelle dans la mesure où elle ne
dit rien des moyens d’action de ces associations ni de leurs modes spécifiques
d’intervention.
72
des associations de solidarité internationale, fournissent des données régulières sur les
montants, l’origine et l’utilisation des fonds gérés par ce secteur associatif. Selon les
derniers chiffres disponibles (2001)128, les ressources des associations de solidarité
internationale françaises s’établissent à 712,68 millions d’euros, dont 62 % de fonds
privés et 38 % de ressources publiques.
Cette enquête, comme les précédentes, souligne une forte concentration des ressources
privées et publiques sur un nombre réduit d’associations. Les 20 premières associations
représentent 77,4 % du total des ressources des 157 ASI qui ont répondu au questionnaire
de la CCD.
Parmi les associations qui ont un budget annuel supérieur à 50 millions d’euros, l’AFVP,
Action contre la faim, le GRET et Pharmaciens sans frontières travaillent avant tout avec
des fonds d’origine publique (plus de 80 %) ; le CCFD et le Secours catholique ont un
niveau de cofinancement public voisin de 10 % ; les Œuvres hospitalières françaises de
l’Ordre de Malte (OHFOM) et Raoul Follereau ne travaillent qu’avec des fonds d’origine
privée. Toutes ASI françaises confondues, le niveau de financement public moyen sur les
15 dernières années est de 40 %, les financements publics d’origine internationale,
notamment européens, étant les plus importants. Il est évident que des ressources privées
conséquentes donnent aux associations une capacité de proposition et une autonomie
d’action irremplaçables.
128
Argent et organisations de solidarité internationales 1998-1999, Commission coopération
développement, décembre 2001.
73
• Modalités d’intervention dans l’appui au développement
L’appui fourni par les ASI françaises est généralement double, à la fois technique et
financier.
ü Certaines associations privilégient clairement l’appui financier à des organisations
locales partenaires. C’est notamment l’option du CCFD et du Secours catholique. Cela
ne signifie pas que ces associations s’interdisent toute forme d’appui technique mais
elles ont été parmi les premières à développer des relations de partenariat avec les
associations des pays en développement.
ü D’autres, majoritaires, se positionnent en opérateurs directs et souhaitent coupler un
conseil technique à un appui financier.
ü Certaines privilégient, enfin, une approche très professionnelle des problèmes de
développement par rapport à une logique de financement. C’est notamment le cas des
associations qui se sont regroupées au sein du Groupe Initiatives : Centre international
de coopération pour le développement agricole-Vétérinaires sans frontières (CICDA-
VSF), le Centre international pour l’Éducation permanente et l’aménagement concerté
(CIEPAC), le Groupe de recherche et de réalisations pour le développement rural
(GRDR), le GRET, l’Institut de recherches et d’application des méthodes de
développement (IRAM), le Réseau d’appui aux formations pour le développement
(RAFOD). Quelques autres associations, comme le Centre international de
développement et de recherche (CIDR) ou Agri-Sud international sont également dans
cette logique.
Toutes ces associations sont aujourd'hui fortement impliquées dans ce qui est
communément appelé l’appui institutionnel ("capacity building"), c’est-à-dire le
renforcement des capacités d’action des associations ou des organismes partenaires
locaux. Elles rejoignent ici l’effort des associations qui, dès leurs débuts, ont donné la
priorité aux relations de partenariat avec les organisations des pays en développement.
74
équitable et Agir ici se consacre exclusivement à une activité de lobby en France sur des
enjeux internationaux.
Les ASI ont ainsi un rôle de « veilleur et d’interpellateur face à des situations
inacceptables et des décisions injustes. Elles expriment leur opposition à des actes, des
régimes, des décisions politiques et économiques qui vont à l’encontre des valeurs de
solidarité, de justice et de fraternité qu’elles défendent et qui fondent leur existence. Avec
leurs partenaires internationaux, elles cherchent des alternatives au monde actuel »129.
La campagne « Jubilee 2000 » sur l’annulation de la dette est à cet égard un exemple
d’efficacité. Il est évident que la mobilisation des populations à travers la campagne
menée par les associations catholiques internationales (réseau Caritas) est l’une des
raisons qui a entraîné la révision de l’initiative PPTE et son renforcement. De même, la
mobilisation de la société civile internationale sur les questions de mondialisation a
montré son efficacité lors des différents sommets internationaux (réunions du G7, du G8,
des IFIs etc.)
Or les ASI françaises - et Coordination SUD en premier - doivent aussi asseoir leur
crédibilité sur une production intellectuelle couvrant les différents champs du
développement et les thématiques des grandes négociations internationales. Sans des
études de terrain détaillant les implications de la lutte contre la pauvreté, les inégalités et
l'exclusion, sans une réelle capitalisation de l'expérience acquise dans les pays où les ASI
françaises interviennent depuis plus de 30 ans pour améliorer la situation des plus
démunis, sans la formulation d'alternatives réalistes et argumentées sur les grands enjeux
mondiaux actuels : dégradation de l'environnement, pandémies, atteintes aux droits de
l'homme, règles commerciales inéquitables qui obèrent le développement des pays les
plus pauvres…, il n'est pas de "diplomatie non gouvernementale" qui vaille. Quelques
associations l'ont compris mais elles sont encore trop peu nombreuses.
129
Coursin François, op. cit.
130
La plupart des documents utilisés pour cette étude proviennent d’ONG anglo-saxonnes, d’OSI
internationales (Caritas Internationalis) ou d’OSI françaises « professionnelles » (Réseaux IMPACT,
GRET, etc.).
75
CONCLUSION
LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE, UN VŒU PIEUX ?
L’analyse des différentes stratégies de lutte contre la pauvreté atteste qu’il n’est pas
évident de formuler une stratégie à la fois cohérente et efficace. Au regard des nombreux
instruments étudiés, deux enjeux apparaissent fondamentaux.
Il convient, pour conclure cette analyse, de résumer les caractéristiques que devrait
présenter une stratégie de lutte contre la pauvreté pertinente :
- être globale : c’est-à-dire être axée sur plusieurs domaines (éducation, santé, pouvoir
politique, etc.) et opérer sur plusieurs échelons (international, régional, local) et avec
plusieurs instruments (aide macro-économique, programmes, projets, etc.) ;
- être inclusive : c’est-à-dire ne pas se concentrer sur une seule catégorie sociale, un
seul niveau ou un seul domaine, mais essayer d’établir des liaisons afin de se soucier
des populations pauvres et marginalisées en les intégrant dans des interventions plus
générales ;
- être partenariale : tous les acteurs du développement devraient coopérer afin de
maximiser la cohérence de leurs actions et de profiter des avantages comparatifs de
chacun - il ne faut pas oublier que les populations pauvres sont les acteurs principaux
de ces stratégies ;
76
- être concrète : le temps n’est plus aux promesses en l’air. La situation des pays en
développement est suffisamment inquiétante pour que les engagements soient suivis
de mesures concrètes.
« Une nouvelle idée […] est apparue, celle d’éliminer la pauvreté », disait Ra? l Prebisch
en 1979. Plus de 25 ans plus tard, il est temps de tout mettre en œuvre pour que ce ne soit
pas uniquement un vœu pieux.
77
ANNEXES
78
Annexe 1
PERSPECTIVE DE REALISATION DES OBJECTIFS DU MILLENAIRE
POUR LE DEVELOPPEMENT ANNEXE 1
79
ANNEXE 2
80
ANNEXE 3
Source : Fonds monétaire international et Banque mondiale, Heavily Indebted Poor Countries (HIPC)
Initiative - Statistical Update, 31 mars 2004, op.cit.
Notes :
1/ Les montants prennent en compte la participation totale des créditeurs.
2/ Trois pays ont atteint le point d’achèvement depuis l’élaboration de ce tableau : le Sénégal en mars 2004,
l’Ethiopie en avril 2004 et le Niger en juin 2004.
81
ANNEXE 4
82
ANNEXE 5
83
ANNEXE 6
Pacifique : Vanuatu.
84
ANNEXE 7
85
BIBLIOGRAPHIE131
TEXTES GENERAUX
LA NOTION DE PAUVRETE
131
Les documents sont classés en fonction de leur thème principal, mais ils font bien souvent référence à
d’autres thématiques étudiées dans ce rapport.
86
LES OBJECTIFS DU MILLENAIRE POUR LE DEVELOPPEMENT
87
- Fonds monétaire international et Association internationale de développement,
Réexamen du dispositif des Documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) :
principaux constats, http://poverty.worldbank.org/files/10991_findings_fr.pdf, 15 mars 2002.
- Gentil Dominique (sous la direction de), Lutte contre la pauvreté et les inégalités : Synthèse
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prsp/prsp-sap.htm, 23 octobre 2001.
- OXFAM, From “Downership” to Ownership ? Moving Towards PRSP Round Two, Oxfam
Briefing Paper 51, janvier 2004.
- Paul Elizabeth, « Le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) : Du neuf à
l’horizon de l’aide au développement ? », in Sy Jacques Habib, Pauvreté et hégémonismes :
les sociétés civiles africaines face aux ajustements structurels de type nouveau, Aid
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stratégiques de réduction de la pauvreté ?, Document de Caritas Internationalis et CIDSE,
http://www.cidse.org/pubs/tg3prsp2001fre.pdf, juin 2001.
L’INITIATIVE PPTE
88
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politique de développement de la Communauté européenne, COM (2000) 212 final,
Bruxelles, 26 avril 2000.
- Commission européenne, Communication sur La réforme de la gestion de l’aide extérieure,
Bruxelles, 16 mai 2000.
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relations de partenariat Europe-Asie, COM (2001) 469 final, Bruxelles, 4 septembre 2001.
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politique de développement de la Communauté européenne et la mise en œuvre de l’aide
extérieure en 2002, COM (2003) 527 final, Bruxelles, 3 septembre 2003.
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pleine intégration de la coopération avec les ACP dans le budget de l’Union européenne,
Com (2003) 590 final, Bruxelles, 8 octobre 2003.
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notre avenir commun, défis politiques et moyens budgétaires de l’Union élargie - 2007-2013,
COM (2004) 101 final, Bruxelles, 10 février 2004.
- Commission européenne, Communication au Parlement européen et au Conseil, Stratégie
politique annuelle pour 2005, COM (2004) 133 final, Bruxelles, 25 février 2004.
- Commission européenne, Communication au Conseil et au Parlement européen, Traduire le
consensus de Monterrey dans la pratique : la contribution de l’Union européenne
(SEC(2004)246), COM (2004) 150 final, Bruxelles, 5 mars 2004.
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Entreprises et Coopération, Fenêtre sur l’Europe, n° 58 - Spécial Elargissement, mai 2004.
89
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- Politique africaine, « La lutte contre la pauvreté, nouveau paradigme de l’Agence française
de développement. Entretien avec Antoine Pouilleute », n°81, mars 2001, pp.171-175.
90
- Réseau IMPACT, La priorité en faveur de la réduction de la pauvreté et des inégalités :
qu’en est-il au sein de DCT et de la DGCID ?, juillet-août 2003.
91
SIGLES ET ABREVIATIONS
ACDC Accord sur le commerce, le développement et la coopération
ACF Action contre la faim
ACP Pays d’Afrique, Caraïbes, Pacifique
AFD Agence française de développement
AFPV Association française des Volontaires du Progrès
AFRODAD African Forum and Network on Debt and Development
AID Agence internationale de développement (groupe Banque mondiale)
APD Aide publique au développement
APE Accord de partenariat économique
ASEAN Association des Nations d’Asie du Sud-Est
92
FAO Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture
FASEP Fonds d’aide au secteur privé
FED Fonds européen de développement
FFI Facilité de Financement Internationale
FMCU Fédération Mondiale des Cités Unies
FMI Fonds monétaire international
FRPC Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance
FSP Fonds de solidarité prioritaire
93
PHARE Coopération de l’Union européenne vers les pays d’Europe centrale
et orientale
PIN/PIR Programmes indicatifs nationaux / régionaux
PIB Produit intérieur brut
PMA Pays les moins avancés
PNB Produit national brut
PNU Programme des Nations unies pour le développement
POS Projet d’orientation stratégique
PPTE Pays pauvre très endetté (HIPC en anglais)
PTOM Pays et Territoires d’Outre-Mer
PVD ALA Pays en développement d’Amérique latine et d’Asie
94
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ................................................................................................. 3
95
CHAPITRE III – LA FRANCE ET LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE ... 43
ANNEXES ............................................................................................................. 78
96
Annexe 5 : Aide publique au développement nette en 2003 ........................ 83
Annexe 6 : Pays de la Zone de solidarité prioritaire ................................... 84
Annexe 7 : Effort d'aide au développement de la France ........................... 85
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................ 86
97