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Le secteur du bâtiment face aux enjeux du
Résumé

développement durable : logiques d’innovation et/ou


Plan de l'article
problématiques du changement
Citer cet article

par Philippe DESHAYES [1] Sommaire du numéro

Laboratoire de Modélisation et de Management des

Organisations (LM O),


2
Cité par...
École Centrale de Lille, France Articles de revues [1]

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Sur un sujet proche

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2012/1 (n°37)

Pages : 268

1
e secteur du bâtiment et de la construction est l’un des secteurs les plus
ISBN : 9782804169664

DOI : 10.3917/inno.037.0219 L concerné par les enjeux du développement durable. Les chiffres français sur

Éditeur : De Boeck Supérieur


lesquels entreprises, institutions et experts s’accordent sont en effet

À propos de cette revue impressionnants : le bâtiment (la construction) représente environ 40 % des

Site de la revue émissions de CO des pays développés, 37 % de la consommation d’énergie et


2

40 % des déchets produits.

Alertes e-mail En termes macro-économiques, le secteur correspond à 10 % du produit 2

Sommaire des nouveaux


intérieur brut français et représente, à l’échelle mondiale, près de 100 millions
numéros

d’emplois. En France, tout type confondu (Grandes entreprises, PME, TPE,

Votre e-mail
Artisans) il représente plus de 300 000 entreprises dont 92 % ont moins de 20

Voir un exemple S'inscrire ➜ salariés. Ces entreprises correspondent à environ 1,2 million d’actifs dont plus de

900 000 salariés et près de 290 000 artisans (SESSI, 2007 ; Action BTP, 2011). Ces

quelques chiffres illustrent l’importance économique du secteur ainsi que son

importance sous l’angle des enjeux du développement durable. Ils pointent

également la priorité qui est le plus souvent accordée aux enjeux de maîtrise

énergétique et de gestion des ressources naturelles ainsi qu’à la lutte contre les

différentes pollutions qu’il peut générer (CO , déchets de matériaux, etc.).


2

3
Le Grenelle de l’environnement avait très précisément pointé les objectifs du

secteur pour les décennies à venir. On peut les résumer à quatre enjeux

principaux :

L’énergie dans la construction : construction de logements neufs, de bureaux, de

bâtiments et d’équipements publics à très haute performance énergétique –

2
au seuil de 50kw/m – puis à énergie passive ou positive, rénovation

thermique des bâtiments existants avec des programmes en faveur des

énergies renouvelables, des politiques d’incitations financières et une

intégration généralisée de bilans carbone…

L’aménagement d’éco-quartiers : lutte contre l’étalement urbain, contre la

pollution de l’air et la pollution sonore, études d’impact environnemental

pour les nouvelles zones d’urbanisation en relation d’ailleurs à l’enjeu de

reconquête de centres-villes en déclin, …

La dynamisation de la filière bois : mise en place de normes de construction

adaptées au matériau bois, utilisation du bois certifié dans la construction

publique…

La réorganisation de l’ingénierie, notamment publique : intégration de clauses

environnementales dans les marchés publics, intégration des coûts carbone

dans les décisions et projets publics, reconnaissance des partenaires

environnementaux selon des « critères objectifs de représentativité »…

Les crises de 2009 (subprimes) et de 2011 (« crises de la dette et de l’euro ») ont

certes déplacé ces enjeux. Malgré de nouvelles échéances, la question reste, qui

s’inscrit dans un clivage d’ailleurs renforcé entre partisans d’une intensité

accentuée ou d’un ralentissement des transformations à mener.

4
Tous ces objectifs s’inscrivent dans les paradoxes et contradictions de l’idéal du

développement durable tels qu’ils ont été énoncés dès 1987 dans le rapport

Bruntland (Bruntland, 1987) : « le développement durable est un développement qui

répond aux besoins du présent sans compromettre les droits des générations futures ». Ils

doivent s’envisager dans un contexte de tensions entre des enjeux sociaux (équité

sociale), des enjeux économiques (maintien de la compétitivité) et des enjeux

proprement environnementaux (l’action humaine sur l’environnement).

5
Et cette perspective doit s’inscrire dans le contexte d’évolution et de

transformations des différents secteurs d’activité, à commencer par le secteur

du bâtiment lui-même : les actions environnementales ne doivent pas diminuer

pour autant la compétitivité.

6
Ce dernier point est d’autant plus important à souligner qu’il s’illustre par la

priorité généralement affichée aux performances des matériaux, des produits,

des bâtiments eux-mêmes et de leurs chantiers – et, de ce fait, par la priorité

accordée à l’innovation comme facteur de croissance. Or, vis-à-vis des enjeux

relatifs au développement durable, le secteur du bâtiment témoigne d’une

situation qui ne peut se satisfaire d’une réponse fondée sur la seule innovation

produit.

Innovation produit et compétitivité dans le secteur du


bâtiment

7
L’approche dominante vis-à-vis de l’innovation reste celle de la logique

schumpétérienne qui considère que la concurrence est consubstantielle à la société

capitaliste (Dannequin, 2006) et que cette concurrence passe par l’entrepreneur

au sens de celui qui transforme une idée en un produit : l’innovateur est celui (ou

ceux) qui conçoivent une idée ou un concept nouveau (technologie ou système)

tandis que l’entrepreneur est celui (ou ceux) qui transforment ce nouveau

concept en un produit susceptible de créer de la richesse (Schumpeter, 1911 ;

Sollow, 2008). Cette approche de l’innovation est omniprésente quel que soit le

secteur d’activité considéré : « It can be defined as the successful exploitation of new

ideas, which can mean new to a company, organisation industry or sector. It applies to

products, services, business processes and models, marketing and enabling technologies »

(Porter, Ketels, 2003).

8
Dans ce soubassement économiste, les innovations introduites dans le bâtiment

face aux enjeux du développement durable concernent avant tout les produits et

systèmes permettant la réduction de la consommation énergétique et l’impact

sur l’environnement (GES, CO , etc.), les modèles d’organisation, les


2

technologies et procédés constructifs, les matériels (notamment dans la visée

d’une meilleure intégration projet / chantier / matériaux) et les matériaux eux-

mêmes. Il y devient alors habituel de considérer que la compétitivité est conduite

par l’innovation : soit que les coûts supportés par l’innovation (et la R&D)

génèrent in fine des profits au bout de la chaîne de valeur (Porter, 1986) soit que

l’innovation permette d’offrir des avantages stratégiques au sein d’un marché.

L’innovation (dans les implications schumpétériennes du terme) apparaît ainsi

prioritaire pour répondre aux enjeux de performance dans nos économies

fondées sur la concurrence par la différenciation et ceci, même si, toujours selon

[2] Cet
[2]
Schumpeter, une ambiguïté demeure entre entrepreneur et innovateur .
entrepreneur ne

doit pas, non plus,

être confondu... 9
Les transformations du secteur du bâtiment face aux enjeux du développement

durable sont ainsi essentiellement appréhendées autour de la capacité d’offre

compétitive d’innovations produits. La recherche de performances (notamment

en matière énergétique) et le souci de gestion des ressources naturelles

renforcent non seulement une politique d’innovation sur les matériaux, les

[3] Sans parler de
[3]
produits et les solutions constructives mais, également, des démarches de
la conjugaison de

conception centrées sur la question du choix des (bons) matériaux, produits et

[4] Ainsi, par
[4]
systèmes constructifs . L’ingénierie bâtiment qui en procède présente alors
exemple, de

démarches de type tous les traits de l’ingénierie industrielle, intégrant les outils et méthodes de

HQE, de bases...
l’ingénierie système (voire ceux d’un pilotage par des modèles), les outils

d’optimisation de la production issus, notamment, du lean management, voire

l’objectif (subliminal ?) d’une rationalisation des usages assimilée à une

[5] La notion de
[5]
rationalisation (« intelligente ») des actions …
domotique puis de

« bâtiment

intelligent »... 10
Le poids des industries de matériaux, composants, produits et autres systèmes

s’en trouve alors accentué, tandis que ces mêmes parties prenantes s’inscrivent

dans les logiques d’innovation qui sont au cœur de notre économie de l’offre et

de notre modèle de croissance. La fonction marketing, pour ces industries et

leurs distributeurs, s’en trouve également d’autant plus renforcée.

Les freins structurels à la pénétration de l’innovation


dans le secteur du bâtiment

11
Dans la logique de croissance liée à l’innovation, nous l’avons dit plus haut, les

coûts supportés par l’innovation (et la R&D) doivent générer in fine des profits au

bout de la chaîne de valeur et l’innovation doit permettre d’offrir des avantages

stratégiques au sein d’un marché. Or, avec le secteur du bâtiment, deux

situations structurelles apparaissent qui le différencient du modèle de

développement industriel sous-jacent à cette logique de croissance.

12
La première de ces situations tient à la nature particulièrement fragmentée du

tissu d’entreprises du secteur : plus de 300 000 entreprises aux statuts très

variés, dont 92 % ont moins de 20 salariés. Pour ces 92 % de petites ou très petites

entreprises, le coût supporté par une politique de R&D est tout simplement

inenvisageable. Seules les 8 % de plus grandes entreprises parties prenantes du

secteur peuvent être en mesure de supporter ces coûts et de faciliter cette

pénétration, ce que certaines font d’ailleurs. Néanmoins, au sein de ce tissu de

« majors », la majorité d’entre elles est du côté des entreprises de matériaux et de

fournisseurs de produits du bâtiment et non du côté des entreprises de

[6] Le « e-lab » de
[6]
construction proprement dites . Pour celles-ci, la réticence face à l’innovation
l’entreprise

Bouygues est une correspond in fine à un certain « attentisme » : pourquoi se créer un surcoût lié à

situation...
de tels investissements alors qu’elles peuvent, plus prosaïquement, attendre que

l’innovation soit diffusée (à moindre coût et admise par les clients) pour

« l’acheter » et se l’approprier ? Les facteurs déterminants de la pénétration de

l’innovation, dans le domaine du bâtiment, restent ainsi essentiellement liés à la

taille (et au statut des entreprises), au type de bâtiment et aux contextes

régionaux (Blackley, Shepard, 1996).

13
La seconde de ces situations est liée aux difficultés, toutes aussi structurelles

dans le secteur du bâtiment, du transfert de la recherche (universitaire) vers la

mise sur le marché des innovations associées. Très peu d’entreprises du secteur

sont, de fait, concernées par cette question, soit que cela remette en questions

des pratiques professionnelles établies, des modes de gestion ou, tout

simplement, que cela suppose un investissement en temps qu’elles n’ont pas les

moyens d’accepter. Force est d’ailleurs de constater que très peu d’entre elles

sont parties prenantes de pôles de compétitivité (dont l’une des ambitions

premières est d’effectuer ce rapprochement) et que peu d’entre ces pôles sont

directement liés au secteur du bâtiment (hormis autour de problématiques plus

[7] Sur les 71 pôles


[7]
globales comme l’énergie ou les NTIC) . Il est d’ailleurs frappant de constater
de compétitivité

français, aucun que la plupart des start up issues d’une innovation envisagée pour le secteur du

des...
bâtiment s’inscrit dans le registre du facility management et non dans le champ

des produits, des systèmes constructifs ou, plus largement de la technologie.

Les freins catégoriels à la pénétration de l’innovation


dans le secteur du bâtiment

14
Au-delà de ces premiers freins, le secteur du bâtiment lui-même et les enjeux du

développement durable rencontrent un obstacle couramment explicité dans les

théories de l’innovation mais en leur donnant toutefois une importance

cruciale : l’obstacle lié aux contextes et comportements socio-culturels des

parties prenantes participant à la chaîne de transaction complexe du secteur.

15
Everett Rogers avait distingué cinq grandes catégories de comportements dans

la relation à la diffusion de l’innovation (Rogers, 1962) : les « techno-

enthousiastes » (ou « militants »), les early adopters, les acheteurs pragmatiques

(une majorité « précoce »), les conservateurs (la « majorité tardive ») et, enfin, les

« réfractaires »…

16
Cette approche reposait sur la problématique de diffusion de l’innovation au

sein d’une chaîne de transaction fondée sur la consommation, chacun des relais

de cette chaîne développant sa propre logique de firme au mieux de son

positionnement dans sa propre chaîne de valeur – notamment en termes

d’assujettissement de ses multiples « parties prenantes » (Coriat, Weinstein,

1995). Or, dès lors que le client, dans le champ de la construction, ne puisse pas

être réductible à un « consommateur », ces résistances comportementales sont

d’autant plus exacerbées : le client, dans le secteur du bâtiment, n’est pas

en « bout de chaîne ». Il est à la fois en aval (consommateur potentiel de produits,

matériaux et solutions constructives) et en amont, à la fois décideur et

financeur, « maître d’ouvrage ». Autrement dit, non seulement les résistances

comportementales soulignées par E. Rogers sont présentes dans le

comportement d’achat mais elles sont renforcées par ce positionnement dans la

chaine de décision liée à la commande (Deshayes et al., 2009).

17
Ici apparaît alors, avec évidence, le poids de la commande publique comme

facteur de pénétration de l’innovation et, a contrario, la réticence à cette

pénétration témoignée par la plupart des marchés locaux privés, moins soucieux

de prendre des risques tant constructifs qu’architecturaux (sur les modes de vie,

la maintenance, le financement voire la commercialisation, etc.). Ces marchés

« privés » sont en effet totalement tributaires des représentations d’un certain

possible au sein d’un « milieu », avec ce que cela comporte de tendances à des

situations convenues voire à des routines.

18
Ces cinq catégories de comportement se retrouvent donc en termes de

comportement d’achat, de choix ou de décision en matière de matériaux, de

[8] En distinguant
[8]
produits, voire d’architecture . Ainsi, de multiples réticences socioculturelles
plusieurs « types »

de clients, se rencontrent du côté de la maîtrise d’ouvrage tandis que, par exemple, les

Michel...
savoir-faire conventionnels d’une entreprise locale seront autant d’arguments

limitant la pénétration de telle ou telle innovation…

Les freins systémiques

19
Plus récemment, John Taylor et Raymond Lewitt ont pointé un obstacle

« systémique » dans la pénétration de l’innovation liée aux activités organisées

« par projet » (Taylor, Lewitt, 2004) : dès lors que plusieurs parties prenantes

sont nécessaires à la conception, à la mise en place et à la diffusion d’une

innovation, la chaîne de transaction « crée » une « structure systémique » qui

ralentit sa pénétration : pour emporter la transaction, chacune des parties

prenante s’inscrit dans un champ de compromis qui, in fine, construit un

« milieu » (sinon un système) soucieux de sa continuité voire de sa reproduction

(Lecœuvre et al., 2009).

20
Autrement dit, dans le secteur du bâtiment – qui est justement l’objet du travail

de J. Taylor et R. Lewitt – la chaîne de transaction elle-même suscite des freins à

la pénétration de l’innovation, au-delà des réticences liées aux pratiques et aux

comportements des parties prenantes.

21
Cet obstacle « systémique » est d’autant plus patent dans le champ du bâtiment

et de la construction que chaque projet de bâtiment est singulier et mobilise de

façon opportune des acteurs à chaque fois très nombreux et très différents, dont

l’irruption est parfois aléatoire et dont les logiques et intérêts sont souvent

divergents sinon contradictoires : vis-à-vis de la singularité de chaque projet,

chacune de ces parties prenantes est alors d’autant plus attentive à assurer

localement sa propre légitimité et sa capacité de continuité dans l’action.

22
Pour une autre part, cet obstacle systémique tient à la difficulté que certains

acteurs rencontrent pour changer leur comportement global, leur approche de la

situation comme leurs critères de décision : « systemic innovation refer to

innovations that reinforce the existing product but necessitate a change in the process that

requires multiple firms to change their practice » (Taylor, Lewitt, 2004). Comment, par

exemple, un banquier ou une compagnie d’assurance pourront-ils appréhender

le risque financier lié à des innovations constructives ? Leurs modèles de

référence (et de calcul) sont en effet fondés sur des solutions éprouvées qu’aucun

Avis Technique (ATEc) ou, encore moins, d’Avis Technique Expérimental (ATEx)

[9] Les Avis
[9]
ne permet de faire évoluer rapidement .
Techniques du

bâtiment, délivrés

par une 23
L’économie de la construction est donc prise en étau entre une économie de

commission...

l’offre qui implique, pour les entreprises, d’être compétitives grâce à leurs

produits (logique de firme) – situation dans laquelle se retrouvent les entreprises

de matériaux, de distribution et de service (facility management) – et une « autre

économie » qui correspond à une situation de « réponse à une demande » à

chaque fois différente et par ailleurs le plus souvent conventionnelle et locale.

24
Ainsi, même si le secteur du bâtiment participe de l’idée générale selon laquelle

c’est l’idée de progrès technologique qui conduit la croissance et le

développement de nos sociétés depuis le Moyen Âge, la stratégie d’innovation et

de différenciation des acteurs du bâtiment reste limitée à certains projets

emblématiques d’édifices et dépend fortement des conventions, des usages, de

modes de vie… Dans tous les cas, l’innovation et la différenciation n’y sont pas

aussi essentiels que pour les secteurs de l’industrie et des services.

Trois leviers opportunistes liés au développement


durable

25
Face au développement durable, cette situation prend néanmoins un nouveau

relief. En effet, le développement durable concerne aussi – sinon plus – des

changements dans les usages, dans les représentations et dans les pratiques.

Autrement dit, dans les tensions entre enjeux écologiques, sociaux et

économiques sous-jacents au développement durable, l’approche schumpétérienne

de l’innovation viserait à tenter de recréer une situation de compétitivité dans

un contexte qui n’accorderait pas de réelle priorité à cette idée de compétitivité.

26
Trois leviers importants illustrent cette ambiguïté. Le premier tient au rôle

donné à la norme qui, par ses profonds renouvellements liés aux enjeux du

développement durable, apparaît comme un facteur éminemment contributif à

la relance d’une compétitivité tout en s’inscrivant dans la logique de firme. Plus

de 5000 normes sont en effet, sous l’effet des enjeux du développement durable,

[10] Si le
[10]
en cours de réévaluation et/ou d’écriture aux niveaux français et européen
renouvellement

des normes de (source AFNOR, 2009). Ce mouvement d’ampleur témoigne que la norme

construction est...
apparaît comme un levier majeur de transposition des enjeux sociaux et

environnementaux dans la logique économique de croissance. Néanmoins, ce

mouvement est extrêmement lent et ne se répercute qu’indirectement sur les

pratiques constructives. La plupart des PME et TPE ont dès lors besoin de se

différencier par le biais de certifications et/ou de labels dont nombre d’entre eux

ont néanmoins une crédibilité discutable (Wiel, 2011).

27
Le second levier à considérer tient au rôle de plus en plus affirmé, dans le

contexte du développement durable, des logiques locales de réseaux. Celles-ci

portent potentiellement en elles des renouvellements en profondeur des

modalités et logiques relationnelles et transactionnelles. De ce côté, toutefois,

une différence notoire doit être faite entre une approche réseau entendue

comme soutien à des « plates formes » d’échange, de veille et de coopération

respectueuse des logiques, statuts et intérêts différents des acteurs et parties

prenantes et une approche envisagée en termes de clusters ou de « pôles de

compétitivité » dans lesquels les acteurs et parties prenantes s’inscrivent, peu ou

[11] Dans ce
[11]
prou, dans la seule logique de firme . L’exemple de l’open innovation témoigne
contexte, on

soulignera bien de cette requalification : « following the logic of open innovation, new forms of

l’orientation
distributed innovative models and practices recently emerged (such as co-conception,
différente...

innovation with customers, markets for ideas, crowdsourcing, open source, co-

development, etc), which all shed new light on the nature of the economic problems and the

management challenges at stake » (Penin et al., 2011). Néanmoins, dans la réalité, ces

nouvelles perspectives se traduisent le plus souvent par une redéfinition des

frontières de la firme sans réelle remise en question de son business model

(Lecœuvre et al., 2009, Deshayes et al., 2009).

28
Reste un troisième levier à considérer, non négligeable : celui d’une évolution

des pratiques vers une coopération renforcée entre acteurs et parties prenantes dès

l’amont du projet : l’étape de « pré-conception ». La prise en compte de critères

sociaux et environnementaux au-delà des seuls critères économiques suppose en

effet une « co-conception » associant très tôt client, maîtrise d’œuvre et

entreprises, voire d’autres parties prenantes. Cette évolution, promue

indépendamment des enjeux du développement durable (Avenier, 1997 ; Terrin,

2005), devient un réel enjeu sous cet angle (Cao, 2009). Néanmoins, malgré la

très grande quantité de parties prenantes et, surtout, la présence de parties

prenantes non professionnelles ou pouvant intervenir aléatoirement au long

d’un processus de projet, cette tendance s’inspire généralement du modèle de la

« coopération horizontale » tel qu’il se développe dans l’industrie

manufacturière, tant au niveau des équipes de conception/production qu’au

niveau des entreprises elles-mêmes (Cardoso, 1996 ; Ben Mahmoud-Jouini, Calvi,

2004).

De l’enjeu de l’innovation à une problématique du


changement

29
En mettant l’accent sur l’interaction entre enjeux économiques, écologiques et

sociaux le développement durable met en jeu, plus globalement, l’hypothèse

d’une économie en mutation : outre des mesures spécifiques relevant du tissu

économique actuellement dominant, il devient de plus en plus clair que cet enjeu

s’articule à des transformations importantes invitant à penser autrement les

rapports économiques et les mécanismes de leur fonctionnement. De l’appel à de

nouveaux rapports Nord-Sud à celui en faveur de nouveaux comportements

humains au quotidien en passant par de nombreuses réflexions politico-

économiques appelant à un nouveau contrat sociétal, c’est bel et bien l’enjeu de

[12] Dans ce
[12]
nouvelles règles, contrats et régulations économiques qui est envisagé .
contexte,

apparaissent de

façon aiguë de 30
Les enjeux du développement durable ne sont donc pas seulement économiques

nombreux...

(en termes d’effets sur la compétitivité) et notre approche de l’innovation ne

peut, par conséquent, se réduire à celle d’une course à « l’innovation-produit ».

31
On sait que, derrière le terme d’innovation, d’autres déclinaisons existent qui

vont au-delà de la question de nouveaux produits susceptibles d’être mis sur le

marché : la question de l’innovation déborde vers les pratiques

organisationnelles, les formes de coopérations entre parties prenantes de

l’action, les rapports interindividuels… L’innovation y est de plus en plus conçue

« comme un facteur d’accélération de la dynamique économique et sociale, produisant des

capacités d’adaptation et de mobilisation, mais aussi des conflits entre acteurs, institutions

et individus » (Alter, 2002). Autrement dit, la question de l’innovation ne semble

pas pouvoir être réduite, comme nous l’avons introduite, en seuls termes de

produits.

32
Et c’est un fait que, face aux enjeux interactifs entre économie, environnement

et société au sein des problématiques du développement durable, tout un champ

de questions sont sous-jacents à celle de l’innovation : comment appréhender le

caractère multidirectionnel des transformations professionnelles qui s’amorcent

dans le contexte du développement durable, affectant structurellement aussi

bien les entreprises et les métiers que les relations entre protagonistes ?

Comment ces changements rencontrent des obstacles dans le quotidien de la

[13] Il conviendrait
[13]
construction ?, Dans la conduite d’un projet, dans les chantiers  ?, Dans les
notamment

d’envisager comportements d’achat ou la distribution des matériaux ?, Dans les stratégies

comment le
commerciales ?, Dans la fixation de critères de valeur et de performance des
développement...

matériaux ?, Dans leur expérimentation technologique préalable à leur diffusion

dans un marché ?, Dans la conscience publique des différentes parties

prenantes ?

33
Cette extension de la notion d’innovation reste toutefois insuffisante. Elle

permet d’appréhender des transformations dans les pratiques métiers, voire

dans les pratiques sociales, mais en les maintenant dans le modèle canonique de

la croissance compétitive hérité de Schumpeter. Et ceci alors que l’enjeu du

développement durable affecte l’ensemble des catégories caractérisant nos

« formes institutionnelles » : les croyances, les signes, les coutumes, les contrats,

les règles, le marché, les ménages, les groupes d’intérêt, les organisations, les

collectivités publiques (Lesourne, 1999, pp. 136-137). Au-delà encore, cet enjeu

affecte nos représentations, nos « matrices de pensée » et nos « matrices de

[14] A. Koestler
[14]
comportement » .
introduisit la

notion de

« matrice de 34
Prenons ici un exemple, issu de regards croisés que nous avons pu développer

pensée »...

sur ces enjeux, entre France et Brésil (Deshayes, Medina, 2011). En l’occurrence,

il s’agit de la notion de service qui est à la fois stratégique dans les politiques de

croissance et particulièrement importante à réfléchir en regard des enjeux du

développement durable.

35
Elle renvoie d’abord au secteur de l’économie relationnelle qui, sous cette

désignation, associe le plus souvent l’économie solidaire, les systèmes

d’échanges locaux (SEL), les communautés et, bien évidemment, les ONG et,

plus largement, le secteur associatif. Mais cette même notion renvoie tout aussi

bien à l’ensemble de nouvelles activités de service suscitées ou accélérées par les

problématiques du développement durable (activités de conseil, d’expertise,

d’assistance à la maîtrise d’ouvrage, de facility management). C’est d’ailleurs ce

champ d’activités qui est principalement recouvert par la notion d’économie des

services.

36
Or, si cette dualité entre économie relationnelle et économie des services se

retrouve aussi bien en France qu’au Brésil, elle se caractérise, au Brésil, par une

grande fluidité entre les deux secteurs, ce qui n’est pas le cas en France. La

situation française se caractérise en effet par une forte étanchéité entre

économie relationnelle et économie des services (Debonneuil, 2009).

37
La fluidité de la réalité brésilienne permet d’appréhender la part relationnelle

importante résidant au cœur de la notion de service alors que la situation

française semble privilégier la perspective d’industrialisation des services au

[15] Bien que
[15]
détriment de cette dimension relationnelle entre parties prenantes . Ainsi, en
souvent envisagé

comme un rapport France, en référence à la définition que l’INSEE retient, un service est moins

social particulier...
appréhendé comme un rapport social (voire relationnel) qu’en tant que

production économique qui « se caractérise essentiellement par la mise à disposition

d’une capacité technique ou intellectuelle ». Avec cette approche, l’économie des

services – dont il est par ailleurs unanimement reconnu qu’elle est au cœur des

enjeux de croissance des pays industrialisés – est alors avant tout envisagée sous

l’angle des supports (notamment techniques) permettant une telle mise à

disposition (Debonneuil, 2010). Ceci accompagne et supporte, le plus souvent, le

concept d’industrialisation des services.

38
Cette approche existe, bien évidemment, au Brésil, et de longue date. Mais ce qui

est cependant important à souligner dans la réalité brésilienne, c’est la constante

dualité entre cette tendance et une dimension immatérielle du service

caractérisée par la « gestion relationnelle » alors que, dans le contexte français,

cette notion est le plus souvent liée aux seuls enjeux du développement durable

et, dès lors, associée à l’idée d’une économie solidaire plus que relationnelle. Une

révision des rapports entre économie solidaire, économie relationnelle et

économie des services serait alors à envisager au-delà des seuls enjeux du

développement durable et sous l’angle élargi des interfaces entre parties

prenantes, y compris acteurs sociaux et agents économiques. Autrement dit, au-

delà d’une industrialisation des services et de stratégies d’innovation dans les

services via de nouveaux produits, ou de nouveaux « services » (Dumont, 2001),

le développement durable ne nous impose-t-il pas d’envisager des changements

dans notre façon d’appréhender la notion même de service ? Ainsi, au-delà de

l’idée d’innovation, dans les produits comme dans les pratiques, la question qui

est soulevée est celle du lien entre ces innovations et notre capacité à « changer

nos représentations ». Comment penser d’éventuels changements dans les

pratiques en relation, en amont, avec des changements dans nos représentations,

dans nos « matrices de pensée » (et de comportement) tels qu’ils peuvent être

véhiculés face aux enjeux du développement durable.

39
Quelles sont les incidences des changements de ces représentations et matrices

de pensée et de comportement sur les pratiques, tant des gens de métier que des

autres parties prenantes du secteur ? Comment ces changements (nécessaires)

de représentation, de pensée et de comportement évoluent, s’adaptent ?

Développement durable, bâtiment et société civile

40
À terme, il y a donc autant un problème de changement dans les matrices de

pensée (et de comportement) de chaque intervenant du processus constructif,

qu’un enjeu relatif aux renouvellements des pratiques métier (celles-ci

s’enchevêtrant). Et de tels changements ne sont pas nécessairement à envisager

en termes « d’innovation » : il s’agirait tout aussi bien, par exemple, de penser, par

exemple, les transactions en termes de relations partenariales et d’apprentissage

mutuel entre acteurs et parties prenantes plutôt que de se limiter aux seuls

changements dans les modalités de délégations (contractuelles et/ou

hiérarchiques) des missions. Autrement dit, de comprendre, grâce à la nouvelle

omniprésence des enjeux relatifs au développement durable, la part de pratique

sociale conduisant les pratiques professionnelles, jusque dans leur dimension

« en perruque » introduisant, jusqu’au sein de la logique de firme, « un travail libre,

créatif et précisément sans profit » (De Certeau, 1990).

41
Il s’agirait peut-être aussi de donner (ou rendre) aux « clients » (maîtres

d’ouvrage, usagers, consommateurs) la (ou une certaine) conscience de leurs

possibles compétences sinon de leur capacité à exercer une certaine maîtrise des

[16] Cette question
[16]
processus de conception-réalisation . C’est également là que se situe aussi
conduirait à

réinterroger, dans l’enjeu actuel d’une éventuelle réappropriation de pratiques anciennes

le champ...
(délaissées) sinon « ancestrales » (dont, par exemple, la récupération). Moins

qu’une remise en question du progrès ou le témoignage d’une crise

technologique (une société suralimentée en technologie) ou d’une crise de la

consommation (surconsommation), cette question d’une réappropriation des

pratiques anciennes sinon ancestrales tient plutôt au fait qu’entre ces pratiques

et aujourd’hui, les acteurs non-professionnels (la société civile) n’aient plus eu

l’occasion d’exercer (ou de ressentir) une quelconque compétence de conception-

réalisation depuis des lustres.

42
La part grandissante du phénomène d’auto-construction, qu’il s’agisse de

constructions neuves ou de la réhabilitation de logements anciens est, à cet

égard révélatrice de tels phénomènes de réappropriation. Rappelons, en effet,

qu’aujourd’hui l’activité de rénovation / réhabilitation correspond à près de 50 %

de l’activité du secteur du bâtiment et de la construction et que des distributeurs

de matériaux et produits du bâtiment affichent une clientèle de 60 % de

particuliers pour, seulement, 40 % de professionnels. Certaines enseignes sont

d’ailleurs nouvellement créées autour de produits et services spécifiquement

tournés vers des pratiques d’auto-construction liées aux enjeux du

développement durable.

43
Cette question du « changement » se pose partout, aujourd’hui, tout en

poursuivant les logiques et les pratiques en cours. Au-delà d’une stricte

réactivation des pratiques anciennes, la question est donc surtout celle de leur

possible renouvellement dans un contexte de compatibilité acceptable en regard

de la sophistication (économique, organisationnelle, technique, etc.) de plus en

[17] Dès la fin des


[17]
plus marquée de l’ingénierie. Cet enjeu, qui n’est pas vraiment nouveau ,
années 1960,

Christopher s’accentue néanmoins et se révèle avec encore plus de force sous la pression des

Alexander
parties prenantes actives en faveur du développement durable. Ici, néanmoins,
soulignait...

des temporalités différentes doivent être nécessairement prises en compte et

examinées, entre production et mise sur le marché des innovations, évolution

des pratiques professionnelles et changements dans les pratiques sociales et les

représentations.

Conclusions

44
Dans le secteur du bâtiment et de la construction, les enjeux du développement

durable ne peuvent se réduire à la seule maîtrise technique des performances

des produits, systèmes et services et de leurs composants (matériaux, sous-

produits, méthodologies, etc.). Ils ne peuvent pas, non plus, se focaliser

exclusivement sur la capacité à concevoir, fabriquer et diffuser des innovations

technologiques pourtant, à l’évidence, nécessaires.

45
D’ailleurs, même si, dans le champ du développement durable, le marché de

l’innovation apparaît florissant, la pénétration de l’innovation dans la réalité

quotidienne et professionnelle reste faible, comparativement aux secteurs de

l’industrie et des services.

46
Cette pénétration dépend de la capacité des parties prenantes d’un secteur à

entrer dans une chaîne de transactions qui leur donnerait un effet

démultiplicateur. Elle dépend, en l’occurrence, de la fragmentation et de

l’ouverture de cette chaîne de transactions, tant par la diversité que par le grand

nombre d’acteurs impliqués. Qui plus est, la plupart des acteurs engagés dans

ces transactions se révèlent le plus souvent culturellement – et intellectuellement

– réticents à les accepter, quand ils ne sont pas tout simplement,

professionnellement, dans l’incapacité de les mettre en œuvre.

47
Des changements dans les modalités transactionnelles, dans l’offre et dans les

pratiques professionnelles sont donc tout aussi bien à envisager à partir des

enjeux propres au développement durable et non, seulement, à partir de ce que

le secteur du bâtiment permet ou, au contraire, rend, pour l’instant, peu

probable (Setbon, 1998).

48
Enfin, le changement sociétal sous-jacent au développement durable, l’évolution

des croyances et des valeurs, les changements dans les représentations

individuelles autant que collectives, les changements dans les comportements

sont, aussi, autant d’enjeux concomitants. Ils rejaillissent d’ailleurs d’autant plus

avec intensité dans le secteur du bâtiment que le client y est « maître d’ouvrage »,

que de multiples parties prenantes sont avant tout des acteurs de la société civile

et que la plupart des marchés sont tributaires d’un « milieu local ».

49
En France et, plus largement, dans notre monde occidental, nous avons, pour

reprendre la très belle expression de F. Jullien (Jullien, 1996), « les yeux fixés sur le

modèle » : définition d’objectifs, de plans d’action, d’échéances, de livrables, mise

en œuvre de méthodologies elles-mêmes mises en concurrence pour favoriser

l’optimisation des démarches. Cette approche s’appuie sur une indiscutable

exacerbation de l’ingénierie autour des modèles issus des évolutions de

l’industrie. Comment, sans nécessairement entrer dans les alternatives de

[18] Ce « travail » a
[18]
décroissance, changer notre regard, créer un « dépaysement »  ?
été tenté dans un

ouvrage collectif...

50
Le dialogue Nord-Sud met en évidence la situation d’adaptation rétroactivement

régulée des pays du Nord (mettant d’ailleurs en évidence, avec beaucoup

d’acuité, l’obstacle « systémique » évoqué plus haut) en regard de la situation des

pays du Sud qui, pour la plupart, s’inscrivent dans un contexte de choix entre le

modèle dominant des pays du Nord et d’autres (éventuels) modèles de

[19] On peut
[19]
développement… durable .
d’ailleurs observer

que, dans les

enjeux 51
En l’occurrence, il s’agirait d’accorder l’efficacité ingéniériale à une forte capacité

internationaux...

d’adaptation, à une forte inventivité opportuniste (voire à un certain bricolage), à

[20] Ce terme,
[20]
une faculté de compromis (comme le jeito brésilien, par exemple )
difficilement

traduisible, permanente, à une prise en compte de temporalités variées associant

évoque à la fois...
étroitement l’efficience à l’efficacité : créer une réelle capacité stratégique de

conduite chemin faisant. Par ce terme, on entend ici une stratégie d’acceptation

de l’émergence dans des conduites pourtant, par ailleurs, délibérées (Avenier,

1997).

52
Une nouvelle intelligence économique, sociale et professionnelles est donc, de fait,

à construire tant ce « choc » nous enjoint d’évoluer : « soit on construit une forme

modèle qu’on projette sur la situation, ce qui implique de momentanément la figer, soit on

s’appuie sur la situation comme sur une disposition dont on sait qu’elle ne cesse

d’évoluer » (Jullien, 1996, p. 221)

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Notes

[1] Je tiens à remercier ici l’ensemble des contributeurs de l’ouvrage collectif franco-

brésilien (Deshayes, Medina, 2011) qui est à la base du présent article : Alessandra

Ramos Caiado, Alex Wignacourt, Carlos Formoso, Eduardo L. Isatto, Fabrice

Poiteaux, Geílma L. Vieira, Gérard Engrand, Heloisa V. de Medina, Laurence

Lecœuvre-Soudain, Vanderley M. John, Zoubeir Lafhaj.

[2] Cet entrepreneur ne doit pas, non plus, être confondu avec « l’industriel » lui-même,

au sens du « manager »…

[3] Sans parler de la conjugaison de ces politiques avec la position économique

dominante des fournisseurs de matériaux et produits vis-à-vis de la plupart des

entreprises de construction, voire de la maîtrise d’œuvre elle-même.

[4] Ainsi, par exemple, de démarches de type HQE, de bases de données

environnementales liées aux produits du bâtiment (i.e. base française INIES) ou de

multiples grilles d’aide à la décision d’achat « vert » (green purchasing).

[5] La notion de domotique puis de « bâtiment intelligent » nous apparaît, ici, beaucoup

plus liée à une telle visée de rationalisation des usages qu’à l’idée d’une pratique

« intelligente » de l’espace fondée sur l’aptitude, la compréhension finalisée, la ruse…

[6] Le « e-lab » de l’entreprise Bouygues est une situation tout à fait exceptionnelle pour

le secteur.

[7] Sur les 71 pôles de compétitivité français, aucun des « pôles mondiaux » n’est lié au

secteur du bâtiment. Ceux qui affichent cette orientation sont, soit des pôles ayant de

fait, pour objet, « la ville » soit « la communication entre parties prenantes ». Les

projets spécifiques au bâtiment et à la construction sont généralement issus de pôles

relatifs aux matériaux ou à l’énergétique.

[8] En distinguant plusieurs « types » de clients, Michel Conan (Conan, 1990) a pu

montrer ces différents types de comportement dès l’amont d’un projet de bâtiment.

[9] Les Avis Techniques du bâtiment, délivrés par une commission d’experts, sont

destinés à fournir à tous les participants de l’acte de construire, une opinion autorisée

sur les produits, procédés et équipements nouveaux, pour un emploi défini. Ils n’ont

cependant aucun caractère obligatoire ou réglementaire. L’ATEx, avis technique

expérimental, est une procédure rapide d’évaluation technique destinée à faciliter la

prise en compte d’une innovation dans la construction.

[10] Si le renouvellement des normes de construction est effectivement en cours (tant

pour la France que dans le contexte européen), celui des codes (de la construction

sinon de l’urbanisme) reste toutefois à l’état de projet.

[11] Dans ce contexte, on soulignera l’orientation différente du pôle ATEN, en Basse-

Normandie, qui s’est orienté vers une approche de « réseau local » en se focalisant sur

des modes d’échange et de communication numériques adaptés aux tissu des petites

entreprises et des artisans du bâtiment.

[12] Dans ce contexte, apparaissent de façon aiguë de nombreux traits que J. Lesourne

introduit pour, justement, caractériser l’émergence d’un nouveau marché (au sein

d’une approche évolutionniste de l’économie) : phénomènes de croyance, mimétisme

entre agents, mécanismes d’apprentissage, hystérésis évitant des basculements

définitifs de comportements, apparition de nouvelles formes institutionnelles, etc.

(Lesourne, 1999).

[13] Il conviendrait notamment d’envisager comment le développement durable impacte

les trois réseaux de pratiques (et de logiques de raisonnement) sous-jacentes à la

chaîne de transaction liée au secteur du bâtiment : le réseau de pratiques normatives,

le réseau de pratiques prescriptives et le réseau de pratiques conventionnelles (Dupire et

al., 1981).

[14] A. Koestler introduisit la notion de « matrice de pensée » en l’associant à celle de

« matrice de comportement » (Koestler, 1960). Par matrice, il entendait « toute aptitude

ou habitude, tout système de comportement ordonné, gouverné par un “code” de règles fixes » (p.

24). Plus récemment, D. Martuccelli évoque le caractère collectif de telles matrices de

pensée au sens de « représentations confuses ou informelles » constituant autant d’images

ou de modèles prétendant à une grande cohérence. Ces matrices de pensées sont

« moins qu’un paradigme, plus qu’une idée de base, autre chose qu’une école… » (Martuccelli,

1999).

[15] Bien que souvent envisagé comme un rapport social particulier entre production et

usage, la plupart des auteurs, en France, insistent sur le fait que la relation de service

ne doit pas se réduire à la dimension interpersonnelle (Delaunay, Gadrey, 1987).

[16] Cette question conduirait à réinterroger, dans le champ de la construction (et pas,

seulement, de l’aménagement), les problématiques de la « participation » qui ont pris

leur source dans les années 1960 aussi bien aux États-Unis qu’en Europe.

[17] Dès la fin des années 1960, Christopher Alexander soulignait cette question des

ajustements d’une société vernaculaire et mettait également en lumière l’incapacité

d’un seul et même acteur à intégrer la complexité des questions soulevées par la

conception et la production de l’architecture (Chermayeff, Alexander, 1972).

[18] Ce « travail » a été tenté dans un ouvrage collectif franco-brésilien (Deshayes, Medina,

2011) autour de trois champs de questionnement principaux : (a) l’intelligence des

matériaux dans la conception et la réalisation des bâtiments ; (b) l’intelligence du

contexte et des conditions de production du bâti ; (c) l’intelligence stratégique : quels

environnements pour quelles sociétés ?

[19] On peut d’ailleurs observer que, dans les enjeux internationaux sur le sujet, l’une des

pierres d’achoppement des discussions provient, le plus souvent, de tensions entre

pays dits développés (dont la France) et de pays dits “émergents” (comme, par

exemple, le Brésil) plus que de tensions Nord-Sud.

[20] Ce terme, difficilement traduisible, évoque à la fois l’idée de compromis, de capacité

d’entente, d’adaptation aux circonstances…

Résumé

Français Le « choc » du développement durable sur le secteur du bâtiment témoigne

exemplairement de l’imbrication étroite entre les innovations elles-mêmes, les

pratiques professionnelles et les représentations des parties prenantes. La

question soulevée par cet article est celle de savoir s’il convient d’inscrire les

transformations en cours du secteur du bâtiment dans les seules problématiques

de l’innovation qui sont issues de notre modèle industriel de croissance. Le

secteur du bâtiment ne peut-il pas apparaître comme une opportunité de

questionnement vis-à-vis de ce modèle industriel et, plus largement, du lien

entre pratiques professionnelles et pratiques sociales ? Au-delà, le secteur du

bâtiment et de la construction n’apparaîtrait-il pas comme exemplaire pour

penser les renouvellements des pratiques de l’industrie face aux enjeux en cours

et à venir du développement durable ?

Codes JEL : L14, L22, L74, O33, Q01

Mots-clés bâtiment développement durable compétitivité innovation parties prenantes

pratiques professionnelles pratiques sociales

English abstract on Cairn International Edition

Plan de l'article

Innovation produit et compétitivité dans le secteur du bâtiment

Les freins structurels à la pénétration de l’innovation dans le secteur du

bâtiment

Les freins catégoriels à la pénétration de l’innovation dans le secteur du

bâtiment

Les freins systémiques

Trois leviers opportunistes liés au développement durable

De l’enjeu de l’innovation à une problématique du changement

Développement durable, bâtiment et société civile

Conclusions

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