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GEORGES ARABATZIS

Introduction

La philosophie byzantine est une affaire de modernité

1. Présentation du problème

Traditionnellement, le champ d’étude de la philosophie byzantine se


résume dans une lutte pour son auto-affirmation contre les critiques
amères du monde byzantin en général et, plus particulièrement,
contre les partisans de sa théologisation totale. Ce n’est qu’en 1949
que Basile Tatakis présente son livre sur la philosophie byzantine1,
qui fait partie de la série d’histoire de philosophie d’Émile Bréhier,
après une décennie presque de retard dû aux guerres de l’Europe.
Depuis cet acte fondateur, l’étude de la philosophie byzantine tend à
former une discipline à part, mais son succès reste plutôt modeste.
Alain de Libera dans son livre sur la philosophie médiévale note que
la philosophie byzantine est ignorée2, donc mal comprise par rapport
à la philosophie du moyen âge occidental ou la philosophie arabe.
Les raisons de ce retard sont multiples : l’héritage de l’esprit
byzantin se heurta à l’évolution des autres mondes européens;
l’étude de la philosophie byzantine se limite souvent à la recherche
de ses sources antiques, surtout chez Aristote, les Néoplatoniciens et,
dans un moindre degré, Platon; il y a, également, la difficulté
épistémologique que pose la compréhension de la pensée chrétienne
de l’Orient par l’esprit moderniste occidental. On pourrait davantage

1
B. N. Tatakis, La philosophie byzantine, in E. Bréhier, Histoire de la
philosophie, fasc. 2, Paris, 1949.
2
Alain de Libera, La philosophie médiévale, Paris, 1995, p. 9.
XII G. ARABATZIS

rajouter et raffiner les raisons qui font obstacle à l’établissement


institutionnel des études sur la pensée du monde byzantin.
Dans la discussion qui se fait autour du problème de la
philosophie byzantine, la date de la publication de l’œuvre
inaugurale de Tatakis est ignorée. Or, la philosophie byzantine
comme travail savant n’est pas une affaire pérenne, mais un produit
historique qui coïncide avec l’après-guerre, la décolonisation, les
mouvements de libération, l’avènement de la société de
consommation et, au niveau purement philosophique, la
décomposition galopante de la métaphysique opérée par
l’existentialisme, la déconstruction, le structuralisme et, plus tard, à
nos jours, la postmodernité. Il n’est nullement productif de
considérer la philosophie byzantine en dehors du cadre de sa
(re)naissance moderne. Un travail d’analyse de la philosophie
d’histoire (hégélienne) serait déterminant pour comprendre le destin
de la philosophie byzantine. Plutôt qu’une redécouverte humaniste,
l’étude de la philosophie byzantine sera considérée, alors, comme
une conséquence des aventures de la pensée moderne. La
philosophie byzantine est une affaire de modernité3.

2. Hegel et l’histoire byzantine

Le philosophe allemand Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-


1831), considéré comme un des plus grands philosophes de la
modernité et, faisant partie de l’idéalisme allemand avec Fichte et
Schelling, a essayé de décrire toutes les phases de l’évolution de
l’esprit et son effort a produit bien des retentissements. Ernst Bloch a
écrit: « Hegel a démenti l’avenir, l’avenir ne démentira pas Hegel »4.
Ortega y Gasset a souligné qu’en la personne de Hegel se
combinaient un philosophe et un homme politique. Hegel, dit-il, n’a

3
Sur la philosophie byzantine comme aventure moderne cf. Katerina
Ierodiakonou, « Byzantine philosophy revisited (a decade after) », The Many
Faces of Byzantine Philosophy, éds. K. Ierodiakonou et B. Bydén, Athènes, The
Norwegian Institute at Athens, 2012, p. 1-21; Michele Trizio, « Byzantine
Philosophy as a Contemporary Historiographical Project », Recherche de théologie
et philosophie médiévales, 74/1, 2007, p. 247-294.
4
Ernst Bloch, Subjekt-Objekt. Erläuterungen zu Hegel, Francfort, 1971, p. 12.
INTRODUCTION XIII

rien de la personnalité d’un Descartes, d’un Spinoza ou d’un Kant.


Son caractère est bien plus proche d’un César, d’un Dioclétien, d’un
Gengis Khan, d’un Barberousse5. Dans sa plus grande œuvre, la
Phénoménologie de l’esprit, Hegel décrit justement la procession de
l’esprit vers sa prédominance finale et dans ses Leçons sur la
philosophie de l’histoire6, en fait une série de cours, publiés à titre
posthume sur la base de ses propres manuscrits et des notes de ses
élèves, consacre quelques pages à l’histoire byzantine. Le chapitre
sur Byzance fut enseigné durant l’année académique 1830-31, c’est-
à-dire juste avant que Hegel ne meure de choléra.
Compte tenu de la mauvaise réputation de Byzance parmi les
intellectuels européens, on ne sera pas surpris de voir ici Hegel
critique envers l’empire byzantin. Il commence par énumérer les
faits historiques : le déclin de Rome, le transfert de la capitale, la
prédominance du christianisme; également, le perfectionnement du
droit romain, la mission civilisatrice et politique du christianisme.
Toutefois, la religion chrétienne, dit Hegel, qui est si pure, est aussi
si abstraite qu’elle a été suivie par un millénaire de crimes, de
bassesses et de faiblesses humaines. Le christianisme à Byzance,
abstrait et dépourvu de rationalisme spirituel, fut abaissé au niveau
du populus, aux oppositions dogmatiques, aux antagonismes haineux
pour les hautes charges ecclésiastiques. La préoccupation populaire
pour les questions dogmatiques a fini par devenir une affaire
politique; les ambitions et les envies à propos de l’ascension sociale
et, en particulier, l’élevation au trône patriarcal, fut aussi le signe de
la perversion byzantine du sens profond de la religion chrétienne. La
guerre des Icônes fut le signe de la superstition byzantine
généralisée. Hegel clôt le chapitre avec de très dures expressions à
propos de l’état byzantin mourant.
L’image de Byzance que Hegel peint ici n’est pas
substantiellement différente de celle qu’on en avait à l’époque des
Lumières, telle qui se dégage des œuvres de Voltaire ou de

5
José Ortega y Gasset, Hegel y América, El espectador VII (1930), in Obras
completas, Madrid, Revista de Occidente, 1963, vol. II, pp. 563-570.
6
G. W. F. Hegel, Leçons sur la philosophie de l’histoire, trad. par J. Gibelin,
Paris, 1987, p. 259-262.
XIV G. ARABATZIS

Montesquieu7, et, surtout, de la synthèse de Gibbon, qui, comme on


sait, a souligné l’élément de décadence dans l’histoire byzantine en
termes de « triomphe de la religion et de la barbarie »8. Cependant,
même en abordant Byzance de manière négative, tous ces penseurs
ont apporté leur contribution à l’étude de son histoire. S’ils ont parlé
d’une manière négative, cette négativité fait partie de l’activité
critique des Lumières contre l’Ancien Régime et contre l’Église qui
était un des piliers de ce régime. Peut-on dire que Hegel appartient à
cette tradition critique, à cette philosophie de combat qui attaque sur
tous les fronts le négatif? On ne saurait avancer une telle affirmation
sans tomber dans l’erreur à propos de la philosophie hégélienne et du
climat culturel qui l’a vue naître. Le romantisme allemand, et Hegel
lui-même, sur la base des expériences de la Révolution Française et
des guerres napoléoniennes, a entrepris une réforme des Lumières,
ou même une restructuration ou une déconstruction des Lumières, en
insistant sur l’irrationnel, l’imaginaire ou l’univers des rêves, et ainsi
réhabilitant le Moyen Âge, et le monde chrétien en général,
notamment en sublimant la figure du chevalier chrétien9.
Hegel, l’ami d’enfance de Hölderlin, sans être un romantique,
entreprend une valorisation du négatif, à travers une nouvelle
approche de la différence. Il adopte sans réserve l’idée de
Spinoza que « la détermination est négation »10, c’est-à-dire, qu’en
définissant une chose, on nie une série de définitions alternatives.
Chez Hegel, cela conduit à une théorie de transformation du contenu
d’une définition et de l’essence d’une chose dans les limites d’un
historicisme de l’esprit. Ainsi, paradoxalement, le contenu et
l’essence d’une chose comme le pouvoir de l’État, est la liberté. En

7
Hegel avait lu les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et
de leur décadence (Amsterdam, 1776); cf. Dominique Janicaud, Hegel et le destin
de la Grèce, Paris, 1975, p. 231.
8
Edward Gibbon, The History of the Decline and Fall of the Roman Empire, 3
vols., éd. D. Womersley, Londres, 1994, p. 1068.
9
D. Zakythinos, « Le monde de Byzance dans la pensée historique de l’Europe à
partir du XVIIe siècle, 1. Du romantisme au nationalisme », Byzance: État-
Société-Économie, Londres, Variorum Reprints, 1973, p. 41-47 et 89-96.
10
Hegel, Leçons sur l'Histoire de la Philosophie, t. 6, La philosophie moderne,
trad. P. Garniron, Paris, 1985, p. 1453; la formulation un peu différente dans la
lettre 50 de Spinoza à Jelles datée du 2 juin 1674 (cf. Spinoza, Oeuvres complètes,
Paris, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1954, p. 1231).
INTRODUCTION XV

ce qui concerne notre étude, Hegel, tout en décrivant des


phénomènes négatifs, n’est pas négatif. Cela fait sa grande différence
avec les penseurs des Lumières. Comment, alors, Hegel, n’étant
nullement un penseur des Lumières, peut-il reproduire sur Byzance
le même type de jugement négatif? La réponse est que « Byzance » -
entre guillemets pour le distinguer de Byzance proprement dit - est
un moment de la marche dialectique de l’Esprit selon Hegel. Les
Leçons sur la philosophie de l’histoire ne constituent pas une
histoire, mais une histoire philosophique, comme le dit Hegel lui-
même, dans sa longue Introduction.
En réalité, dit Hegel, il y a trois sortes d’histoire : d’abord,
l’histoire telle quelle, comme la pratiquent les grands historiens,
comme Thucydide ou Hérodote; ensuite, il y a l’histoire réflexive,
celle précisément qui se penche de manière réflexive sur le
phénomène historique à la manière d’un Voltaire ou d’un
Montesquieu. L’histoire réflexive n’est jamais complète, dit Hegel,
car elle est tantôt trop abstraite, tantôt trop pragmatique ou
didactique ou moraliste ou partielle, etc. En tout cas de figure, elle
est inférieure dans sa réflexion, c’est-à-dire sur ce point qui la
différencie de l’histoire telle quelle. Enfin, il y a l’histoire
philosophique que Hegel décrit dans son Introduction. L’histoire
philosophique n’est rien d’autre que la philosophie hégélienne, c’est-
à-dire, en fin de compte, la phénoménologie de l’esprit.
Pour mieux saisir le sens de l’histoire philosophique, on doit se
référer à d’autres aspects de la philosophie hégélienne, dont la « ruse
de la raison ». L’homme, selon Hegel, est, tout d’abord, désir et lutte
pour satisfaire ses désirs. Mais, en luttant pour satisfaire ses désirs, il
ne réalise rien d’autre que les objectifs cachés de l’histoire; c’est
pour cela qu’on parle de « ruse de la raison dans l’histoire » 11.
L’histoire progresse et réalise ses dessins obscurs, en exploitant les
désirs partiaux des individus. Hegel donne l’exemple d’une maison
où tout élément est utilisé en vue d’un objectif (la construction) qui,
en tant que produit, limite l’action individuelle de tous les éléments
qui ensemble forment l’édifice12. À partir de ce schéma théorique,

11
Hegel, La raison dans l'histoire (Introduction aux Leçons sur la philosophie de
l'histoire), traduit par K. Papaioannou, Paris, 1965.
12
Leçons sur la philosophie de l’histoire, op. cit., p. 33.
XVI G. ARABATZIS

quel objectif sert, donc, « l’édifice caduc »13 de Byzance, selon les
termes propres de Hegel?
Une autre analyse de Hegel nous sera utile dans notre étude sur
Byzance, est celle qui concerne la dialectique du maître et de
l’esclave (ou serviteur), tirée de la Phénoménologie de l’esprit14.
Comme on vient de le dire, l’homme est désir, mais ce désir ne
s’identifie pas à l’instinct animal et sa satisfaction ne peut pas être
une satisfaction animale. Ce que l’homme désire, avant tout, est la
reconnaissance de son désir par l’autre, c’est-à-dire que son désir soit
désiré – donc, le désir humain est le désir du désir. L’idéal serait la
reconnaissance générale de tout désir par tout désir et cela aboutirait,
plus ou moins, à la fin de l’histoire. Entretemps, on a la guerre de
tous contre tous et le trophée de cette guerre est la plus grande
reconnaissance possible. Mais dans ce combat, nous ne sommes pas
tous égaux. La guerre signifie l’auto-dépassement de l’instinct
(même de celui de survie), c’est-à-dire que la guerre entraîne la
possibilité d’une mort violente. La guerre signifie, donc, le risque et
le danger. Certains affrontent le risque de la mort sans faire pas
arrière : ce sont les maîtres. D’autres reculent devant le danger et
deviennent des esclaves. Le maître parvient à la reconnaissance,
mais, hélas, sa reconnaissance provient d’un esclave et donc n’a pas
de valeur intrinsèque : ainsi le maître est malheureux. L’esclave est
malheureux aussi, mais il possède un avantage par rapport au maître,
qui n’est que le travail qui lui offre la possibilité de dominer la
nature et, plus tard, de dominer le maître lui-même.
À l’évolution de la réalité des désirs correspond une évolution
dans la représentation des antagonismes ou, autrement, une évolution
dans l’idéologie. Dans le monde antique, la guerre généralisée entre
maîtres règne. Dans le monde romain qui s’ensuit, on constate une
intériorisation des antagonismes dans les philosophies du stoïcisme
et du scepticisme et, par la suite, dans le christianisme. Ce dernier
marque le dépassement de la guerre grâce au commandement de
l’amour, bien qu’au seul niveau imaginaire, c’est-à-dire de manière
abstraite. La pensée germanique viendra concrétiser le caractère

13
Ibid., p. 262.
14
G.W.F. Hegel, La phénoménologie de l’esprit (1806-1807), vol.1, trad.
J. Hyppolite, Paris, 1941, p. 161-162.
INTRODUCTION XVII

abstrait de la religion chrétienne (et cela à travers le travail, surtout le


travail de la science ou de la philosophie hégélienne).
Quel est le sens de cet exposé sommaire de la philosophie de
Hegel en ce qui concerne notre sujet? À quelle phase de l’histoire
correspondent les « misérables et absurdes passions » de Byzance15?
Quelle est la positivité de la négativité de l’histoire byzantine? Deux
issues semblent possibles :

(1) La guerre des passions n’est pas la barbarie instinctuelle


comme on l’a dit plus haut – ceci n’est pas possible chez
Hegel; le monde naturel n’est pas celui du désir du désir,
mais, simplement, du désir, qui est défini surtout comme
consommation (consommation de l’alimentation). La guerre
des passions caractérise le monde antique, ce qui corrobore
la thèse selon laquelle le monde byzantin est dans la
continuité du monde antique. Cela correspond à un aspect
de la positivité de Byzance, c’est-à-dire la conservation de
l’esprit grec ancien – l’esprit byzantin, donc, est valorisé
comme esprit conservateur. Cette positivité peut s’exprimer,
selon Hegel, seulement dans quelque chose de différent et
hors Byzance, ce qui se passe, en effet, avec le transfert des
lettrés grecs via Byzance dans l’Italie de la Renaissance.

Notons, toutefois, l’insistance de Hegel sur le fait que le


monde byzantin représente le déclin de la culture grecque. Il écrit :
«tout ce qui était méprisé, est élevé, et tout ce qui autrefois était
hautement considéré, est foulé aux pieds dans la poussière » 16. Et
plus loin : « l’intérêt pour leurs gladiateurs et leurs combats, pour les
partis de couleur bleue ou verte qui amenait aussi les luttes les plus
sanglantes [est] le signe de la plus terrible dégradation, parce qu’il
est démontré par là qu’on a perdu entièrement le sens de ce qui est
important et supérieur »17. La perte du sens de la sagesse antique
rejoint ainsi la non appropriation de ce qui est supérieur dans la

15
Leçons sur la philosophie de l’histoire, op. cit., p. 262.
16
Leçons sur la philosophie de l’histoire, ibid., p. 259.
17
Leçons sur la philosophie de l’histoire, ibid., p. 261.
XVIII G. ARABATZIS

religion chrétienne et, ceci, à travers un certain mélange des


caractéristiques du monde romain avec le monde byzantin. D’où le
deuxième point à propos de ce qui est positif dans l’histoire
byzantine :

(2) L’autre positivité du monde byzantin est la


prédominance du christianisme; tout en étant abstrait, dans
la mesure même où il est abstrait, c’est-à-dire inachevé,
celui-ci permet ou, même, provoque, sa concrétisation, sa
plénitude dans quelque chose d’autre, particulièrement dans
la philosophie européenne, plus particulièrement dans la
philosophie allemande et, finalement, plus particulièrement,
dans la philosophie hégélienne. C’est pourquoi la partie qui
suit le chapitre de Hegel sur l’empire byzantin est, donc,
intitulée « Le monde germanique ».

Par ailleurs, on sait que Hegel considérait la pensée des Pères


grecs de l’Église dans la continuité de la philosophie du monde
antique. Deux possibilités s’ouvrent, donc, en ce qui concerne la
« dignité » propre à la pensée du monde byzantin. Récapitulons :
(a) Byzance conserve l’esprit de l’Antiquité;
(b) La religion chrétienne à son stade byzantin appelle la
concrétisation du christianisme par la modernité
(germanique).

3. Problèmes philosophiques de la positivité hégélienne

L’aperçu de la place de Byzance dans la pensée « historiciste » de


Hegel s’est largement inspiré de l’interprétation d’Alexandre
Kojève. Kojève (1902-1968), d’origine russe, donna des conférences
sur la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel à l’École Pratique de
Hautes Études à Paris, de 1933 à 1939. Parmi les auditeurs de son
séminaire figurent des noms éminents : Raymond Queneau, Georges
Bataille, Raymond Aron, Roger Caillois, Michel Leiris, Henry
Corbin, Maurice Merleau-Ponty, Jacques Lacan, Jean Hippolyte,
Eric Weil. Ses Conférences seront publiées en 1947 par Raymond
Queneau sous le titre Introduction à la Lecture de Hegel, sur la base
INTRODUCTION XIX

des notes prises par ce dernier et de quelques textes épars de


Kojève 18 . L’interprétation de Hegel par Kojève est plutôt
anthropologique, fondée sur une lecture personnelle de la dialectique
du Maître et de l’Esclave. Cette lecture a été récemment contestée
par des spécialistes de Hegel (comme Gwendoline Jarczyk et Pierre-
Jean Labarrière19). Kojève lui-même, dans une lettre adressée au
philosophe franco-vietnamien Tran Duc Thao, affirmait l’importance
de l’élément subjectif dans sa lecture20.
Cependant, pour notre approche historique, hors
l’anthropologie kojévienne, d’autres preuves de cette positivité de la
négativité dont on a parlé s’avéreront nécessaires. Dans un bref
extrait de ses Leçons sur l’histoire de la philosophie, Hegel fait
référence à Bessarion, savant byzantin et cardinal de l’église
catholique, le considérant comme pionnier de la transmission et de la
renaissance du platonisme en Italie21. Hegel semble tout ignorer de
Pléthon qui plus tard fut appelé l’acteur principal de la revivification
du platonisme en Italie, notamment grâce à son idée d’établir une
Académie platonique à Florence des Medicis22. Il semble que pour
Hegel, les Byzantins étaient en charge de la conservation du
platonisme, ou d’un certain platonisme, jusqu’à sa transmission dans
l’Italie de la Renaissance. La source de Hegel à propos de Bessarion
est l’œuvre de l’historien allemand de la philosophie Johann Jakob
Brucker (1696-1770) Historia Critica Philosophiae (1742-1744). Or,
Hegel est très critique envers Brucker et les raisons de son attitude
sont très éclairantes pour notre sujet car il décrit l’histoire de la

18
Alexandre Kojève, Introduction à la lecture de Hegel, Paris, 1947.
19
Gwendoline Jarczyk et Pierre-Jean Labarrière, « The Conceptualizing
Thought », The Philosophical Forum, 31/3-4, 2000, p. 203-215.
20
Cf. Dominique Aufret, Alexandre Kojève. La philosophie, l’état, la fin de
l’histoire, Paris, 1990, p. 249.
21
Leçons sur l'Histoire de la Philosophie, vol. 5, La philosophie du Moyen Âge,
trad. P. Garniron, Paris, 1978, p. 1139.
22
L’idée de cet établissement avec l’aide de Pléthon est née d’une remarque de
Marsil Ficin (cf. Ficin, Opera Omnia, II, Bâle, 1576, p. 1537) ; la réalité de cette
contribution pléthonienne a été récemment contestée; cf. J. Hankins, « The Myth
of the Platonic Academy of Florence », Renaissance Quarterly, 44/3, 1991, p. 429-
475.
XX G. ARABATZIS

philosophie de Brucker comme une immense compilation23. Ce qui


manque véritablement à son exposition, selon Hegel, est la réflexion
historique et la désignation des conséquences ultimes des doctrines
philosophiques; nulle part ailleurs, dit Hegel, on ne devrait être
historien que dans l’histoire de la philosophie. Donc, si on suit Hegel
selon ses propres termes, la transmission du platonisme par
Bessarion doit être un fait historique dans le sens que le ‘fait
historique’ acquiert dans l’histoire de la philosophie, c’est-à-dire un
fait grave de conséquences historico-philosophiques.
Mais, de quelle forme de platonisme parlons-nous au juste?
Car, il y en a plusieurs : le platonisme moyen, le néo-platonisme, le
platonisme de la Renaissance, le platonisme de Cambridge, etc.
Nous serions tentés de parler de platonisme médiéval, mais il y a
deux raisons pour ne pas le faire. Tout d’abord, on ne sait pas ce
qu’est en réalité le platonisme médiéval, et l’aspiration d’un
historien de la philosophie médiévale comme Raymond Klibansky à
une étude relative approfondie de la période byzantine en particulier,
n’a pas eu le résultat espéré 24 . Deuxièmement, pour suivre la
problématique hégélienne, on doit mesurer un mouvement de pensée
au moyen de ses ultimes conséquences. En effet, pour Hegel, ignorer
les conséquences historiques d’une philosophie signifie ignorer le
mouvement propre de la dialectique. Pour lui, le procès dialectique
et la dialectique elle-même ne sont pas une méthode de la
connaissance de l’être mais le mouvement de l’être même. Le
système hégélien est possible car, ici, la philosophie est une
philosophie de l’histoire.
Si on lit les Leçons sur la philosophie de l’histoire à la
lumière de la Phénoménologie de l’Esprit, on constate que l’empire
pieux, c’est-à-dire l’empire chrétien, n’est pas précédé du platonisme
mais du scepticisme. À propos du scepticisme, Hegel dit que nulle
part ailleurs on ne trouvera de scepticisme plus authentique que dans

23
Hegel, Leçons sur l'Histoire de la Philosophie, « Introduction : système et
histoire de la philosophie », t. II, trad. J. Gibelin, Paris, 1954, p. 56-58.
24
R. Klibansky, The Continuity of the Platonic Tradition during the Middle Ages –
Plato’s Parmenides in the Middle Ages and the Renaissance, Millwood NY, 1981,
p. 13-81, spécialement p. 19-21.
INTRODUCTION XXI

le Parménide de Platon25. Dans la Phénoménologie de l’Esprit, le


scepticisme associé au stoïcisme (voire, le doute associé au
dogmatisme) conduit au subjectivisme pieux, c’est-à-dire à l’esprit
chrétien. Ce qui est positif dans le christianisme, ce n’est pas
l’organisation des premiers Chrétiens en sectes (sur ce point, par
exemple, Max Weber est d’un avis contraire26) mais l’affirmation
d’une religion comme religion d’État 27 (on sait que Hegel est
souvent considéré comme un penseur étatiste). En outre, le
scepticisme décrit dans la Phénoménologie de l’Esprit est
l’expérience du négatif négativement compris (le contraire, donc, de
ce que fait l’esprit dans son évolution, déployant le négatif
positivement). La prévalence du subjectivisme pieux va-t-elle abolir
le scepticisme qui le précède, la passion chrétienne va-t-elle abolir le
désir d’ataraxie qui est l’objectif des Sceptiques avant que l’arrivée
de la raison et de la certitude, c’est-à-dire de la philosophie
européenne moderne, n’abolisse la passion chrétienne? Dans la
perspective hégélienne, ceci n’est pas le cas; il n’y a pas de ruptures,
il n’y a que des transformations. Le platonisme sceptique serait alors,
selon les lignes directrices de Hegel, le contenu latent du platonisme
byzantin et c’est ce que les Byzantins lègueront à la Renaissance. On
a bien compris que le ‘scepticisme’ de la Phénoménologie de
l’Esprit n’est pas le scepticisme historique; il a plutôt à voir avec la
liberté de la conscience et l’expérience de la conscience de soi.
Notons, par ailleurs, le fait que ce que Hegel dit à propos des
Sceptiques dans la Phénoménologie de l’Esprit, qu’ils sont comme
des enfants têtus qui se battent pour s’auto-affirmer aux dépens des
autres 28 , s’accorde bien avec l’attitude sociale des savants ou
littérateurs byzantins29. En outre, le Parménide sceptique peut être
lié à la philosophie byzantine d’une autre manière, à savoir par la
25
Cf. J.-L. Vieillard-Baron, « Platonisme et aristotélisme chez Hegel », Platonisme
et interprétation de Platon à l’époque moderne, Paris, 1988, p. 175.
26
Cf. M. Weber, « Die Protestantischen Sekten und der Geist des Kapitalismus »,
Gesammelte Aufsatze zur Religionssoziologie, 1, 1906, p. 207-36.
27
L. Sichirollo, « Sur Hegel et le monde grec », Hegel et la pensée grecque, J.
d’Hondt éd., Paris, 1974, p. 170.
28
Hegel, La phénoménologie de l’esprit, vol. I, trad. J. Hyppolite, Paris, 1987, p.
145-192.
29
Des remarques que fait souvent K. Krumbacher à propos des savants byzantins
dans son ouvrage sur la littérature byzantine.
XXII G. ARABATZIS

théologie négative. Ainsi, Bessarion finit par résumer la théologie


byzantine en termes platoniques 30.
La théologie négative n’est pas à confondre avec le
scepticisme mais l’élément platonique en elle peut être très proche
du ‘scepticisme’ de la Phénoménologie de l’Esprit. En tout cas, les
deux issues possibles de la pensée de Hegel, selon son schématisme
historico-philosophique, restent valides en ce qui concerne notre
étude de la philosophie byzantine : (a) la préservation des valeurs
classiques, et (b) la prévalence du christianisme abstrait.
Depuis le XIXe siècle, la notion de positivité n’a pas cessé de
jouer un rôle central dans la science qui a repoussé les autres
interprétations comme des ‘phantasies’. Or, progressivement, la
positivité fut rejetée comme étant basée sur les facteurs de quantité et
de causalité, comme déterministe, fonctionnaliste, objectiviste,
pragmatiste. La critique concerne des cas où il n’y a pas de ‘faits
observables’ pour la recherche. On peut remarquer une forme de
positivité dans la phrase célèbre de Hegel de sa Philosophie du
droit : was vernünftig ist, das ist wirklich; und was wirklich ist, das
ist vernünftig – ce qui est réel est logique et vice versa, une phrase
connue sous l’appellation de Doppelsatz ou double énoncé. Elle peut
être interprétée comme une apologie des faits accomplis – de l’état
prussien à l’époque de Hegel – ce qui en fait une lecture
conservatrice. En outre, elle peut être soit normative soit rationnelle.
Les interprétations non-conservatrices insistent sur le fait que Hegel
ne pouvait pas être si naïf pour prétendre que ce qui existe est
rationnel. Hegel essaie d’échapper au subjectivisme qui délierait le
logique du réel et ne ferait du monde qu’accident et phénomène31.
Au niveau du droit, Hegel, tout comme l’école positive, veut libérer
l’idée du droit coutumier de la moralité autonome kantienne.
Savigny, qui entretenait des relations conflictuelles avec Hegel,
soutenait que le droit coutumier vient de la positivité de l’union

30
Bessarion, In calumniatorem Platonis, cité et trad. en anglais par R. Klibansky
dans son Plato’s Parmenides in the Middle Ages and the Renaissance, op. cit., p.
310-311.
31
Cf. Robert Stern, « Hegel’s Doppelsatz: A Neutral Reading », Journal of the
History of Philosophy, 44/2, 2006, p. 235-266; cf., aussi, M.W. Jackson, « Hegel:
The Real and the Rational », in: The Hegel Myths and Legends, Jon Stewart éd.,
Evanston, 1996, p. 19-21.
INTRODUCTION XXIII

naturelle entre les hommes et il procède, ainsi, dans une


interprétation substantialiste et, donc, métaphysique. Pour Hegel, la
coutume est la vérité de l’autonomie des peuples et, contre la
position anti-théorique de Savigny, elle forme un type de médiation
entre raison et histoire 32 . Pour ce qui est de l’histoire de la
philosophie, Hegel, en étudiant les diverses écoles philosophiques,
tous siècles confondus, est fermement anti-éclectique. En abordant
une relation entre l’histoire de la philosophie et l’art, il a d’abord
perçu les courants philosophiques comme des mouvements
artistiques et, donc, toujours valides. Or, avec le temps, Hegel va
s’engager dans l’idée du progrès (de l’esprit) et, donc, il lui fallait
expliquer la pluralité philosophique autrement que par la multiplicité
d’expression. Il a ainsi entrepris l’étude de la liaison entre histoire de
la philosophie et histoire de l’esprit humain. Vu que la philosophie
n’est pas possible sans a priori et que l’histoire les rejette
radicalement, l’histoire de l’esprit est celle de l’engagement dans la
raison. La négativité – le mal de la raison – sera perçue, contre
Leibniz, comme positivité. La dialectique du progrès de l’esprit
concilie les individualités accidentelles de l’histoire avec la raison.
Tout courant philosophique est pleinement rationnel, car il fait partie
du progrès de la raison. La contradiction de la positivité avec le mal
de la raison, la négativité, est beaucoup plus noble que la sublimité
du mouvement régulier des astres, considéré comme la réalité la plus
sublime dans l’Antiquité. La conciliation est affaire de l’état au sens
cosmopolite, non pas comme expression de moralité selon Kant,
mais comme objectivité pure et simple. Les philosophies sont des
représentations successives jusqu’au principe premier. Les diverses
représentations sont des déterminants extérieurs qui posent la
distinction entre vérité philosophique et expression philosophique et
sont liées organiquement par la dialectique33.
Enfin, au niveau de la religion, Hegel fait la distinction entre
bonne et mauvaise positivité. Au début, la libération de la positivité
de la religion signifie l’engagement à la raison. À mesure qu’il
32
Cf. Christoph Kletzer, « Custom and positivity: an examination of the
philosophic ground of the Hegel-Savigny controversy », The Nature of Customary
Law, Cambridge, 2007, p. 125-148.
33
Cf. Martial Gueroult, Histoire de l’histoire de la philosophie. Vol. II: En
Allemagne, de Leibniz à nos jours, Paris, 1988.
XXIV G. ARABATZIS

s’éloigne de l’idée d’une religion naturelle, il perçoit la positivité de


l’historicité de la religion positive qui n’est qu’une forme de la
religion. Et la forme est le fait d’une autorité qui veut établir un
contenu34.
Sur ce point, il faudrait se référer à la critique de Schelling à
propos de la positivité35. Kant a englobé la philosophie en tant que
critique dans la faculté déterminante de la négation. La négation
demande son autre qui n’est que le positif, mais la critique enferme
le positif dans sa science négative. Le positif, d’autre part, demande
pour un ordre de la pensée et de l’existence. Le dépassement de la
critique kantienne est effectué, chez Fichte par exemple, par le
dépassement de l’Ego subjectif vers l’Ego absolu. Pour Schelling, ce
dépassement marque le déclin vers une métaphysique dogmatique
dont Kant a, très justement, fait la critique. D’autre part, ce qui est
purement critique n’est pas totalement substantiel et Kant a re-
introduit ainsi le positif à travers le pratique. Schelling n’a jamais
été convaincu par l’idée d’une science négative de la raison ni de la
philosophie négative en tant que la totalité de la philosophie comme
cela arrive avec Hegel. Poser le positif à l’intérieur du système
négatif est une erreur et la solution serait de poser le positif hors du
système négatif; Platon est l’exemple même du philosophe qui a su
placer le positif en dehors de son système. La philosophie négative
est propre à la critique, mais le positif est le propre de l’existence. La
critique est contraire à l’existentiel, à son dynamisme factice. Ainsi,
chez Kant, la raison est incapable de se prononcer sur l’existence de
ses pensées; telle est la « crise finale » de la philosophie.
Schelling critique les philosophies modernes qui réduisent
l’être positif à l’activité négative du sujet pensant. Si Kant a nié à la
raison la possibilité de déduire l’existence d’elle-même, le système
de Hegel est précisément basé sur une telle déduction. Hegel a
poussé à l’extrême la thèse spinoziste à propos de la prédication en
tant que négation pour que toute chose puisse seulement être définie
négativement comme autre que soi-même. La différence, étant
l’autre que soi, est l’identité. Le système peut, donc, rendre compte
34
Cf. G. W. F. Hegel, La positivité de la religion chrétienne, éd. Guy Planty-
Bonjour, Paris, 1983.
35
Cf. F.W.J. Schelling, Grundlegung der positiven Philosophie (1832–3), éd. H.
Fuhrmans Turin, 1972.
INTRODUCTION XXV

de la différence et de l’identité dans leur intégralité. Le monde est


dérivé du concept-dans-le-monde, mais, pour Schelling, c’est le
différé entre le monde et le concept qui soutient la création. Hegel
est accusé par Schelling d’avoir limité la cognition dans un système
et d’avoir contribué, ainsi, à la mort de la philosophie. Schelling
pense que Hegel interprète mal l’argument que l’existence suit
l’essence. Il n’identifie pas le concept à l’être mais le concept de
l’être à la possibilité de l’idée du même concept. L’universel se
réfère à soi-même (identité), tandis que le particulier se réfère à
quelque chose d’autre que soi (différence). Ainsi, « Byzance » se
réfère à quelque chose d’autre et, donc, ce n’est pas l’universel;
« Byzance » garde une position médiate et se réfère, quand même, à
soi-même. Ceci, pour Hegel, est une règle de vérité : le médiat est la
vérité de l’immédiat. Contre la correspondance qui est, selon Kant, le
fondement de la connaissance, le non-être n’est que relatif et la
négation produit le monde. Mais, en réalité, il ne s’agit que de
l’intensification du seul concept. L’Absolu est, à la fois, cause finale
et cause poétique et la nature n’est que l’agonie du concept. La
philosophie positive commence par la grandeur même de l’existence
des faits, limite de la prédication. La relation la plus problématique
est celle entre le suprême (Dieu, le transcendantal, l’Absolu) et le
nécessaire. Dans la distinction entre le régressif (le négatif) et la
progression (le positif), le positif échappe à la tautologie qui se
trouve au fondement de la régression. Le progressif est un empirisme
tourné vers l’avenir.
Dans son texte sur l’étude académique de la philosophie36,
Schelling a souligné, critiquant Hegel, que la vérité est intelligible,
mais que tout intelligible n’est pas vrai. Le platonisme est pour lui la
science royale qui n’est que métaphysique juste. Il proclame même
le retour à Kant, faisant les premiers pas du néokantisme devant ce
qu’il considère comme la « crise finale » de la philosophie. Il insiste,
ainsi, que celui qui veut faire de la philosophie le champ principal de
ses études doit toujours commencer par Kant.

36
F.W.J. Schelling, Vorlesungen uber die Methode des akademischen Studiums.
Hamburg, 1990.
XXVI G. ARABATZIS

4. Les travaux du présent volume

Dans le présent volume, nous avons pris soin d’insister sur l’idée de
la modernité de la pensée byzantine. Dans ce but, nous avons
largement écarté la part de l’histoire de philosophie qui
naturellement occupe la place hégémonique dans des éditions
similaires. En effet, nous avons donné une priorité au découpage
moderniste des sciences et au travail comparatif. Ce volume
comprend, ainsi, une série d’études centrées sur la critique de
l’actualité de la philosophie byzantine. Il y a des articles qui traitent
de la question de l’héritage néoplatonique, double (Pelegrinis) ou
ambigü (Mantzanas), de la philosophie comparative (Nicolaou-
Patraghas, Papaioannou, Steiris), du langage philosophique
(Popovic), de l’éthico-esthétique (Arabatzis, Tounta), de l’onto-
théologie (Magoulas), de la philosophie sociale (Vassilikou), de
l’épistémologie (Couvalis). Les collaborateurs de ce volume, donc,
ont l’espoir de contribuer par leurs travaux à la mise en place
supplémentaire d’une philosophie nouvelle de la pensée byzantine.

Georges Arabatzis
Université d’Athènes

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