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Introduction
Les pressions constantes des marchés qu’elles soient de nature financière, concurrentielle
ou autre forcent l’entreprise d’aujourd’hui à demeurer performante ne serait-ce que pour lui
permettre de demeurer en affaires. La performance se doit d'être effective dans toutes les
fonctions de l'entreprise incluant les fonctions logistiques. Le recours à l’analyse comparative
joue dans ce contexte un rôle essentiel puisqu’elle permet l’identification ainsi que l’acquisition
de pratiques dont les conditions de mise en œuvre et les résultats sont déjà connus et reconnus.
L’utilisation de l'analyse comparative doit cependant se faire, selon Bhutta et Huq (1999), en
focalisant sur les façons d'améliorer un processus d’affaires à l'aide des meilleures pratiques
plutôt que de seulement mesurer les meilleures performances. Yasin (2002) fait ressortir le
caractère continu et systématique de l'analyse comparative pour évaluer des produits, des
services, des procédures de travail et des philosophies de gestion.
Hélas, trop souvent les organisations ne recherchent de nouvelles pratiques que pour
répondre à des problématiques ponctuelles sans vision réelle et sans souci d’intégration avec les
procédures de fonctionnement déjà en place. D’ailleurs, de sa revue de la littérature, Yasin (2002)
tire deux constats auxquels cet article s'attaque :
• La communauté académique est en retard pour fournir et développer des modèles et des
cadres de référence qui intègrent toutes les facettes de l'analyse comparative pour une
organisation. Il apparaît qu'une grande partie de la connaissance sur l'analyse comparative est
le résultat de praticiens.
• Les recherches et les applications d'analyse comparative manquent d'une approche
systémique qui couvrirait de façon globale l'organisation.
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Nous tenons à remercier l'entreprise demandeuse de ce projet de recherche qui désire garder
l'anonymat mais qui saura se reconnaître et plus particulièrement l'équipe d'ingénierie.
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En se basant sur un cadre de référence simple, tel celui inspiré de Dixon (1990) reposant
sur une triptyque Stratégie, Actions, Mesures, de nombreux auteurs font ressortir les
interconnections entre les composants d’un système de gestion de la performance que doivent
avoir les pratiques d’analyse comparative. Ces interconnections s'appliquent évidemment aussi
aux fonctions logistiques. Carpinetti et De Melo (2002) présentent l’importance d’avoir des
pratiques d’analyse comparative reliées à la demande du marché et, plus spécifiquement aux
objectifs stratégiques de l’organisation alors que Bhutta et Huq (1999) soulignent l’importance de
l’identification des mesures de performance critiques et de leur comparaison avec des mesures de
performance similaires utilisées dans les organisations jugées les meilleures.
Cet article propose un modèle de gestion de la performance des fonctions logistiques dont
chacune des composantes : la stratégie – les moyens d’actions – les indices de performance, est
individuellement examinée avant d’être de nouveau présentée sous la forme d’un modèle
intégrateur de la gestion de la performance. L'article est conclu à la lumière, entre autre, de
certains résultats obtenus d'une expérimentation en entreprise.
La stratégie
Deux écoles de pensée servent généralement de référence en stratégie. Dans les années
80, l’approche dite de l’analyse stratégique de l’industrie et de la concurrence, popularisée par
Michael Porter, prônait l’ajustement des compétences de l’organisation en fonction des produits
et marchés. Constatant toutefois que les compétences de l’organisation ne sont pas facilement
modelables selon les besoins, ne serait-ce qu’à cause de la culture en place qui joue un rôle
essentiel dans l’acceptation du changement (Schein, 1988 et Christensen et Shu, 1999), une autre
approche a connu un engouement dans les années 90. Cette approche, dite des ressources et
compétences stratégiques, considère qu'une organisation doit couvrir les produits et marchés
auxquels ses compétences lui permettent d’accéder.
De par la vision qu’ils adoptent dans leur approche, qualifiée de globalisme, les auteurs
Allaire et Firsirotu (1993) tentent de réconcilier ces deux approches en développant le concept de
champ stratégique pour faire référence aux aspects économiques et techniques qui définissent une
entreprise, à savoir l’ampleur de son offre de produits, sa pénétration des marchés, l’étendue des
compétences, ressources, technologies et savoir-faire dont elle a besoin ou qui s’y sont accumulés
au cours des années. Le choix plus ou moins explicite d’une gamme de produits et de marchés
couplé à l’ensemble des compétences définit le système stratégique. La rivalité économique se
joue entre des systèmes stratégiques aux compétences et aux capacités très variables, affirmation
que reprend d’ailleurs Christopher (1992) au niveau de la chaîne d’approvisionnement d’une
entreprise.
Le recours aux pratiques d'analyse comparative à caractère logistique doit être appliqué
avec discernement puisque ce qui fonctionne pour une entreprise n’est peut-être pas applicable
pour une autre, d’où l’importance de bien connaître les fondements de la stratégie de
l’organisation que sont son champ et son système stratégique. Bhutta et Huq (1999) font ressortir
que l’on ne peut imposer une meilleure pratique et qu’il faut l’adapter au style propre d’une
organisation. Une bonne compréhension du contexte stratégique de l’entreprise permet de :
• mieux saisir les différences entre son entreprise et celle avec laquelle l’analyse comparative
sera effectuée, un cadre commun d’analyse de référence pouvant être utilisé;
• formuler une proposition qui implique la configuration d’une chaîne de valeur personnalisée
pour permettre à une entreprise de créer une valeur unique.
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Les moyens d’actions
D’une étude menée à la fin des années 90 auprès de 100 entreprises dominantes dans leur
marché par le Boston Consulting Group, il ressort que seules 33 % des initiatives étudiées ont été
reconnues comme ayant été réussies en terme de création de valeur, de rentabilité des coûts
engagés et d’atteinte des objectifs fixés. Fait intéressant, les moyens d’actions basés sur une
stratégie claire et détaillée ont connu un taux de réussite de 53 % comparativement à un taux de
22 % pour ceux qui ne l’étaient pas. De plus, les moyens d’actions basés sur une bonne analyse
des aptitudes de l’entreprise (prenant en considération les pratiques d’affaires existantes, ce que
fait la compétition et les meilleures pratiques d’affaires identifiées par une étude d'analyse
comparative) ont connu un taux de réussite de 56 % comparativement à un taux de 8 % pour
celles qui n'avaient pas procédé à cette analyse.
Le choix des moyens d’action, une fois l’orientation stratégique définie, est crucial
puisque non seulement des ressources importantes seront consacrées à leur mise en place mais le
taux de réussite comporte également un degré d’incertitude significatif. En fait, les difficultés
débutent dès la formulation des moyens d’actions. On tente de passer trop rapidement à la
recherche de solutions, puisqu’il peut alors y avoir autant de propositions qu’il y a de participants
impliqués dans leur développement et que l’adoption de solutions reconnues, sans autre forme de
questionnement quant à son applicabilité au contexte de son organisation, est souvent la voie
retenue. De là l’importance de démarrer toute étude visant un changement par une analyse de la
situation. Bien qu’il existe à cet effet de nombreux outils permettant une représentation
standardisée du détail des opérations analysées, notamment par des études d’ingénierie, le recours
à des modèles génériques d’activités semble intéressant. Ils permettent, d'utiliser un langage plus
standardisé qui facilite la comparaison des pratiques actuelles avec celles d’autres entreprises.
Couplé aux modèles génériques se développent des modèles de maturité qui permettent
de préciser dans quel ordre les moyens d’actions devraient être implantés. Deux modèles de
maturité méritent d'être mentionnés. Lefebvre et Lefebvre (1999) présentent un modèle de
transition de l’entreprise traditionnelle à l’entreprise virtuelle dans sa forme la plus complexe. Le
Performance Measurement Group introduit un modèle en 4 étapes pour permettre à une
organisation la mise en place de véritables partenariats clients-fournisseurs.
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Le recours à ce genre de modèles, dont l’utilité est de plus en plus reconnue, doit
cependant être faite avec prudence puisque le seul répertoire détaillé des processus n’est pas
suffisant pour comprendre l’état de réceptivité au changement d’une organisation. Ce n’est
qu’une fois avoir bien maîtrisé le contexte stratégique de l’organisation, la connaissance de ses
opérations et son niveau de maturité que peuvent être conduites des analyses comparatives pour
rechercher les meilleures pratiques.
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Les indicateurs de performance
La mise en place d’un système d’indicateurs est d’autant plus pertinente qu’elle permet
de suivre l’impact de l’implantation des moyens d’actions. Toutefois, l’implantation d’un tel
système n’est pas facile. Un sondage effectué en 2000 (Adams et Neely, 2002) a fait ressortir que
96 % des entreprises approchées étaient insatisfaites de leur système de mesure de la performance
et désiraient l’améliorer ! Une revue de littérature a permis de cerner plusieurs raisons qui
peuvent expliquer cette situation :
• Performance définie selon une perspective purement financière. Kaplan et Norton (1992) ont
été parmi les premiers à promouvoir, avec leur tableau de bord équilibré (balanced score
card) l’existence d’autres dimensions (clients – processus internes – innovation et
apprentissage – financier) qui permettent de réellement juger de la performance d’une
entreprise.
• Manque d’intégration dans le choix des indicateurs. Alber et Walker (1997) affirment que la
mesure de la performance locale au détriment de la performance globale coûte cher. Le choix
d’un indice de performance doit prendre en compte la portée de ce choix et les biais que cela
peut entraîner dans l’interprétation des résultats.
• Incrémentation incontrôlée du nombre d’indicateurs. Menlnyk et Stewart (2002) soulignent
que l’ajout d’indices de performance pour répondre à des besoins ponctuels voire même
permanents peut faire en sorte que le gestionnaire se retrouve avec un nombre important
d’indices de performance, perdant ainsi l’objectif du système original.
• Mauvaise compréhension des indices de mesure. Newbanks et Srinivasan (1992) mentionnent
que les mesures de performance servent à communiquer les attentes de l’organisation envers
ses employés et par le fait même à les motiver en présentant les comportements désirés.
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pourcentage de tâches complétées. Ces mesures sont conçues pour fournir des rétroactions
fréquentes et sont typiquement gérées sur une base quotidienne ou hebdomadaire.
Un tel découpage ne permet toutefois pas une complète imbrication des indicateurs d’un
niveau opérationnel à tactique et à stratégique, chaque niveau ayant des réalités particulières, ce
qui peut rapidement dégénérer en un nombre important d’indicateurs de performance différents à
gérer. Il ne faudrait par ailleurs pas penser que de limiter le nombre d’indicateurs de performance
différents n’engendre pas une quantité importante d’information à traiter.
Le design d’un tel système comporte également un autre niveau de difficulté : non
seulement doit-il être compréhensible de tous les intervenants mais il doit également représenter
les activités sous un angle global pour éviter que la performance ne soit stimulée que d’un point
de vue purement local. L’intégration recherchée des indicateurs de performance n’offre donc
d’autres choix que de forcer, dès le début de la construction d’un tableau de bord, l’identification
des processus et activités globaux qui sont en accord avec les objectifs stratégiques de
l’entreprise.
Le modèle intégrateur
Le modèle, qui a été développé et qui est schématisé à la figure 1, présente comment sont
liés et utilisés les différents composants du système de gestion de la performance selon quatre
grandes étapes, inspirées d’un cycle « stratégique - tactique - opérationnel » à savoir, la définition
du cadre stratégique, la formulation des actions, le développement et la mise à jour du système
d’indices de performance et, afin de permettre une boucle de rétroaction, le suivi de la
performance et réactions afférentes. Ce cadre fait également référence à la nécessité d’avoir un
contexte favorable au changement (la culture), et présente la désignation d’un responsable et
d'une fréquence de suivi de chaque composant pour illustrer l’application d’un tel modèle dans
une entreprise.
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Figure 1
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Ce cadre est généralement sous la responsabilité de la haute direction qui définit annuellement les
stratégies, idéalement en tenant compte de la rétroaction fournie par les gestionnaires
responsables de la formulation des moyens d’actions.
La formulation des actions est une étape cruciale puisque non seulement elle assure la
matérialisation des stratégies présentées précédemment mais elle permet aussi de raffiner, voire
même de changer, ces stratégies au besoin. La pertinence des choix des moyens d’actions est
l’élément clé et pour y arriver différentes approches sont proposées, issues du développement de
plusieurs alternatives, depuis la référence à un modèle de maturité (ou tout autre modèle qui
permettrait d’identifier les conditions requises pour que le changement prévu se fasse), à un
modèle générique tel celui de SCOR (pour comprendre l’impact des moyens d’actions sur les
autres activités), à des consultants externes ou des intervenants internes et à des pratiques
d’analyse comparative orientée processus. Des études supplémentaires pourront être conduites
pour clarifier les zones d’incertitudes. On pense ici à une analyse d’opportunité (une évaluation
de faisabilité) et à une analyse préliminaire (c'est-à-dire un plan détaillé d’implantation pouvant
servir de document de support pour approbations avant une implantation). Les responsables de
cette étape sont les gestionnaires ou un groupe spécialisé (par ex. l’ingénierie), entourés d’une
équipe multidisciplinaire dont les membres et leur niveau de participation varieront au fil de
l’évolution des phases de développement des moyens d’actions (c'est-à-dire la formulation, la
conception de l’implantation, l’installation, l’utilisation et le suivi).
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─ Au niveau stratégique, l’information présentée est limitée aux indicateurs stratégiques. Il
revient au groupe support de préparer (mensuellement) un rapport présentant, en plus des
indicateurs stratégiques, l’origine des principaux écarts, et, proactivement, les actions
entreprises pour corriger les écarts de façon à ce que seules les correctifs de nature
stratégiques soient discutés. Il est aussi une bonne pratique de conduire ces rencontres
avec, en plus de la haute direction, les gestionnaires et le groupe support concerné par la
gestion de la performance afin de démontrer l’importance attachée par la haute direction
à la réalisation des objectifs stratégiques.
Expérimentation
C’est sur ces bases que le choix des indices de performance s'est fait, en choisissant
prioritairement des indices de performance associés à l’équilibrage de la capacité avec la
demande.
Le recours au modèle SCOR a fait ressortir plusieurs constats intéressants qui permettent
désormais d’en préciser l’utilisation et d’en évaluer les incidences sur les pratiques d’analyse
comparative. Il s'est avéré que les indicateurs de performance étaient limités en nombre et qu'ils
étaient peu adaptés à la réalité de l'entreposage (au moment des travaux seuls trois entreprises
étaient membres). SCOR présente des activités dont certaines sont définies trop large voire même
un peu flou (ce qui ne rend pas pour autant facile les comparaisons avec d’autres entreprises mais
qui reste néanmoins nécessaire pour standardiser la chaîne logistique). Son utilité repose sur
l’établissement d’un langage commun - utile pour la comparaison avec d’autres entreprises -, sur
l’identification d’une liste d’indices de performance - lesquels, même s’ils ne s’imbriquent pas
facilement, n’en demeurent pas moins intéressants-, sur la présentation d’une liste de meilleures
pratiques pour certaines activités, et sur des relations devant exister entre chaque activité.
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L'utilisation de l’analyse comparative, compte tenu de la difficulté d’accéder à des
banques d’indices de performance cibles pour le secteur de l’entreprise demandeuse et de l’effort
requis à chaque fois pour utiliser cette démarche, se limite essentiellement à un rôle de recherche
de la façon d’implanter les meilleures pratiques.
Conclusion
Références
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and Cases” Benchmarking, An International Journal, 9(3), 244-255, 2002.
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1992.
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Yasin, Mahmoud, M., “The Theory and Practice of Benchmarking: Then and Now”,
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