Professional Documents
Culture Documents
Ëffi
ffi
Ëi$
Ë*$
Ëf$
E
Ë+$
Ë#
Ë+5 ffi
Ë# ffi
ffi$ Ë#
ffi Ëffi
ffi ffi
Ë*H
EDITIONS TRADITIONNEIIEE
ffi$ 32, t.u.e des Fossés Scrint-Bernqrd
lntroduction générale
l,es Etats multiples de I'Etre
à l'étude des doctrin s hindoues
METAPHYSIOUE
Le symbolisme de la Croix
Autorité Spirituelle et Pouvoir Temporel
Orient et Occident
De Paul CHACORNAC :
La Vie simple de René GuéBoD
De Eddy BATACHE:
Surréalisme et Tradition
La Pensée d'André Breton jugéæ selon I'cuvre de René Guéooo
De Jear TOUIi.NIAC :
Propos sur R.ené Guénon
De Jean-Pierre LAURANT :
EDITIONS TRADITIONNELLES
11, Quai Saint-Michel, PARIS V.
LA IrÉTAPHYSTQUE ORTENTALE
t-
- 16- -77-
Nous ne voyons donc aucune difliculté à reconnâilre linalement ce but suprême ; mais, s'il est des moyens qui
qu'il n'y a pas de commune mesure entre Ia réalisation rendent I'elfort moins pénible, pourquoi les négligel volon-
métaphysique et les moyens qui y conduisent ou, si I'on tairement ? Est-ce confondre le contingent et I'absolu que
préfère, qui la préparent. C'est.d'ailleurs pourquoi nul de de tenir compte des conditions de l'état humain, puisque
ces moyens n'est strictement nécessaire, d'une nécessité c'est de cet état, contingent lui-même, que nous sommes
absolue : ou du moins il n'est gu'nne seule préparation âctrellement obligés de parlir pour la conquête des états
vraimenl indispensâble, et c'est la connaissance théoligue. supérieurs, puis de l'état suprême et inconditionné ?
Celle-ci, d'autle pârt, ne sâurâit aller bien loin sans un Indiquons mâintenant, d'après les enseignements qui
moycn que nous devons ainsi considérel comme celni sont co.mmuns à toutes les doctrines traditionnelles de
gui jouela Ie rôle le plus important et le plus constânt : ce I'Orient, les principales étapes de lâ réalisation métaphy-
moyen, C'est Ia concentmtion ; et c'est là quelque chose sique. La première, qui n'est que prélinrinaire en quelque
d'absolument étranger, de contraire même aux hâbitudes sorte, s'opère dans le dornaine humain et ne s'étend pas
mentales de I'Occident moderne, oir. tout ne tend qu'à la €ncore au delà des limites ile I'individualité. Elle consisle
dispersion et âu charrgement incessanl. Tous les autres dans une extension indéfinie de cette individualilé, dont
nroyens ne scrt que secondaires pat rapport ri celuilà : la modâlité corporelle, la seule qui soit développée chez
ils scryent surtout à faYoriser la concentration, et aussi li I'homme ordinaire, tre représente qu'une portion tles mi-
harmoniser entre eux les divers éléments de I'inditidua- nirne ; c'est de cette modalité corporclle qu'il faut partir
lité humaine, afin de préparer la communication elfective en fait, d'oir I'usage, pour colnmenccr, de moyens cmprun-
entre cette individualité et les états supérieurs de l'être. tés à I'ordre sensible, mais gui deyront d'ailleurs avoir
Ccs moyens pourront d'ailleurs, au point de dépâr't, être une répercussion dans les autres modalités de l'être
valiés plesque indéfiniment, car, pour chaque individu, humain. La phase dont nous parlons est en somme la
ils dcyront être appropriés à sâ nature spéciale, conformes réalisation ou le développement de toutes les possibilités
à ses aptitudes et à ses dispositions parliçulières. Ensuite, qui sont virtuellement contenues dans l'individualité
les dillérences iront en diminuant, car il s'âgit de voics humaine, qui €n constituent 'comrne des prolongements
multiples qui tendent toutes vets un rnênre but ; et, à par- multiplqs s'étendant en divers sens au delà du domaine
tir d'un celtain stadc, toute multiplicité aurâ dispâr'u ; corporel et sensible; et c'est par cei prolongements que
nrais alors les moyens continBents et individuels auront pourra ensuite s'élablir Ia communication avec les autres
achevé de temirlir leul rôle. Ce lole, pour montrer qu'il états,
n'est nullement nécessaire, certâins lextes hindous le Cette réalisation de I'indiridualité intégrale est désignée
comparent à celui d'un cheval à I'aide duquel un homme par toutes les tradiiions cornme la restauration de ce
parviendra plus vite et plus facilement âu terme de son qu'elles appellent l'< état plirnordial )' état qiri est regardé
royage, mais sans lequel il pourrait aussi y parvenir. Les comme celui de I'homme vérilâble, et qui échappe déjà à
rites, les procédés dilers indiqués en vrre de la réalisation cedâines des limitations carâctéristiques de l'état ordi-
métaphysique, on pourrait les uégligel et rréânmoins, par naire, nolamment à celle qui est due à la condition tem-
la seule fixation conslante de I'esprit et de toutes les puis- porelle, Uêtre qui a âtteint cet ( état primordial > n'est
sances de l'ôtre sur le but de cetle réâlisation, âtteindre €ncore qu'un individu humain, il n'est en possession effec-.
ft
-19-
live d'aucun élat supra-individuel ; êt pourtant il est dès lois naturelles ne sont que des conséquences, dans un
lors afirqnchi du temps, la succession apparente des domaine rclatif et contingent, des principes universels et
choses s'est transmuée pour lui en simultanéité ; il pos- nécessaires.
sède consciemmenl nne faculté qui est inconnue à I homme Revenons à la réalisation métaphysique : sa seconde
ordinaire et que I'on peut appeler le < sens de l'éternité ). phase se rÊpporte aux é!âts supra-individuels, mais encore
Ceci est d'une extrôme importance, car celui qui ne peut conditionnés, bien que leurs conditions soient tout âutres
sortir du pointde rue de la succession lemporelle et envi- que celles de t'état hulnain. Ici, le monde de I'homme, oir
sager toules choses en rnode simultané est incapable de nous étions encore au stade précédent, est entièrement
la moindre conception de l'ordlc métaphysique. La pre- et détinitivement dépassé. Il faut dire plus: ce qui est
mière ehose à Iaire pour qui veut parvenir vérilablement dépassé, Cest le mondc des formes dans son acception la
à la connaissance nrétaphysique, c'est de se placer hors plus générale, comprenant tous les états individuels quels
du teDrps, nous dirions voloDlicrs dans le < non.temps > qu'ils soient, car la forme est la condition commune à
si une telle expression ne derail pas parâitre trop singu- tous ces états, celle par laquelle se définit I'individualité
lière et inusitée. Cette conscience de I'intemporel peut comm€ telle. L'être, gui rie peut p'tus être dit humain, est
d'aille[rs être âtteinte d'une ce aine façon, sans doute désormais sorti du < courant des formcs ), suivant l'gx-
très incomplète, nrais déjà réelle poul'iânt, bien avant que pression extrême-orientale. Il y aurait d'ailleurs encore
soit obtenu dans sa plérritude cet ( état primordial > dont d'autres distinctions à faire, câr cette phase peut se sutr
nons venous de paller. diviser : elle comporte en réalité plusier.rrs étapes, dcpuis
On demaudera peut-être : pourquoi cette dénomination l'obtention d'états qui, bien qu'infomrels, appartienhent
d' c état primordiâl ) ? C'est que toules les traditions, y encore à I'existence manifestée, jusqu'au degré d'univer-
compris celle de I'Occident (car la Bible elle-même ne dit salité qui est celui de l'être pur.
pas autre chose), sorrl d'accord pour enseigner que cet état Pourtant, si élevés que soient ces états par râpport à
est celui qui était normal aux origines de I'hurnanité, l'état humain, si éloignés qu'ils soient ile celui-ci, ils ne
tandis que l'étât présent n'est que le résultat d'une dé- sont encore que relatifs, et cela est vrai même du Plus
chéance. l'efiet d'une sorte de matérialisation progressi ve haut d'entre eux, celui qui correspond au principe de
qui s'est produite au cours des âges, pcndant la durée toute manifestation. Leur possession n'est donc qu'un
d'un certain cycle. Nous ne croyons pas à l' ( é\iolution ), résultat transitoire, qui ne doit pas être confondu alec le
eu seus que les modernes donnent à ce mot; les hypo- but dernier de la réalisation mélâphysique; Cest au delà
thèses soi-disant scientiliques qu'ils ont imaginées ne de l'être que réside ce but, par rapport auquel tout le reste
correspOnd€nt nullement à la réalité. Il n'est d'ailleurs n'est qu'acheminement et préparation. Ce but suprême,
pas possible de faire ici plus qu'une simple allusion à la Cest l'état absolument inconditionné' afrrânchi de toute
théorie des cycles cosmiques, qui est particulièrement limitation ;.pour cette raison même, il est enlièrement
développée dans les doclrines bindoues; cc serait sortir inexprimable, et tout ce qu'on en peut dire ne se lrâduit
de notre sujet, car Ia cosmologie n'est pas la métaphy- que par des termes de forme négative: négation des
sique, bien qu'elle en dépende assez étroitement ; elle n'en limites qui déterminent etdéffnissent toute existeDce dahs
cst qu'une application à I'ordre physique, et les vrpies sa relativité, L'obtention d€ cet état, c'est ce que la
t -+-
_20_ _ 2l_
doclrine hindoue appelle Ia <Délivrance>r, quand elle
Ia toute limitâtidn, ne saurait [a faire évanouir: seule la
considôre pat rapport aux états conditionnés. et
aussi connaissance dissipe l'ignorance comme la lumière du
l'< Union >, quand elle lenvisage par.rapport au'pfincipe
soleil dissipe les ténèbres, et c'est alors que le cSoi>,
supréme.
I'immuable et éternel principe de tous les états manifes-
Dans cet état inconditionné, tous les au tres
étals de l,être tés et non-manifejstés, appamit dans sa suprême réalité.
se relrouvent d'ailleurs en pr.incipe, mais
lrînsformés, Après cette esquisse lrès impar.faite et qui ne donne
dégagés des conditions spéciales qui tes aCtern.,inaieni
en essurément qu'une bien faible idée de ce que peut être la
lant qu'états partictiliers. Ce gui subsiste, c,est tout ce
qu.i a.une
réalisation métaphysique, il faut faire une remarque qui
réâlilé positiïê, puisque c'est là que tout a son cst tout à .làit essentielle pour éviter de graves erreurs
principe ; I'étr.e < délivré D est vl.âiment etr posscssion
de la d'interpréta lion : c'€st que tout ce dont il s'agit ici n'a
plénitude de scs possibilités. Ce qui a disparu,
ce sont seu_ aucun rapport avec des phénomènes quelconques, plus
lement les conditions linritatives, dont la réalité est
toute ou rnoins extraordinaires. Tout ce qui esl phénomène est
négative, puisqu'elles ne représcntcnt qu'une < priÏation
> d'ordre plrysique; la métaphysique est au delà des phé-
au sens où Aristote enteudait cc mot. Aussi, bien loin
nomènes; et nous prenons ce mot dans sa plus grande
d'être une sorte d'anéantissemeut comme le croient généralité. Il résulte de là,entre sutres conséquences, que
quelgues Occidentaux, cet état linal est au contmire
les étals dont il vient d'êtr-e parlé n'out absolument rien
I'absolue plénitude, la rdalité suprêrne vis_à-vis
de laquelle de < psycbo{ogiquc ); il fatt le dirc nettenrent, parce qu'il
loul Ie reste n'cst qu'iilusion.
s'est parfois produit à cel égard de singulières confusions.
Atoutons encore que lout résultât, mÉme pârtiel, obtenu
La psychologie, par délinition mênrc, ne saurâit avoif
pâr l'être au cours de Ia r.éalisatiorr métaphysique l,est
de plise <1ue sur de6 états humains, et encorer telle qu'on
d'une façon dilinitive. Ce résultat consfitue pour. cet Ctre
I'enlcud aujourd'hui, clle n'atteint qu'une zonc fort rcs-
une acquisilion Pcrnlanenle, que rien ne pcut jaurais
lui treinte rlans les possibilités de l'individu, qui s'étendent
fairepeldre; le travail accornpli dans cei orjre, mê_e bien plrrs loiu que lcs spécialistes de ccttc science ne
s'il vient ir ôlre interlompu âïant le ten)re linal, est làit
peu\'ent le supposer. L'indilidu huurain, en eflct, est à la
unc fois lrour tonles, par. là rnèmc qu,il est hors du fois beaucoup plus et beâucoup moins qu'on ne le pense
tentps. Cclî esl vra i mênre de la sirn plc connaissauce théo_
d'ortlinaire cn Occirlent: il est bcatrcorrp plus, err r:rison de
rique,- car Loutc conrtaissance porte sotr fruit en
elle_nrême, ses possibilités d'e\tension inddlinic arr rlclir dc.la nlodalité
bicn diflï,rentc en cela de l,action, qui n'est qu,une modi_
corpol'ellc, ri loquelle se ra.ppoltc cn solnntc lout ce qrr'on
Iication rnonrcntanée de l'ètre et qui est toujours sépa_
réc tle ses ell'ets. Ceux.oi, dn restc, sont du rnôme dornaine
en élndic comnrtnémcnt; mais il csl lussi beaucoup
moins, pnisque, bien loin de constituer uo êtrc complet et
etrlu nrêrne ordr.e d'existence que ce qui les a produils;
se su0isanl ri lui-mêrne, il n'est qriunc rnnnilestation cxlé-
I'action trc peut avoir pour. cfl.et de libércr de làctiorr, ei
rieut'c, urrc aPparcnce [ugilivc revtllue par l ôtrc véritallle,
ses consérluences ne s'étendelrt pas au delà tles linrites
de et dont I'essence de celui-ci n'est nullelncnt âflectdc dans
l'inrlilidualilé, cnvisai;ée rl'ailleur.s rlans I,intégr.alifé de
son imnrutabilité.
I'ex tension dout elle est srrsccptible. L'aclion, queilequ,clle
I I faut insister srrr ce point, que lc domail)r métâphysique
soil, n'étnt)t pas opposde à I'ii;norance qui cst la racine de
est cntièlement cn dehors du nronde ph(inonrd'r)t\l, (!ar lcs
f
-22- -23-
r|odernes, habituellement, neconnaissent et nerecherclrent et d'âutres, basés 8énémlement str ce que nous pouvons
guère que les phénomènes; Cest à ceux-ci qu'ils stitrtércssent appeler la science du rythme, Rgurent elfectivement parrni
presque exclusivement, comme en témoigne d'ailleurs le les moyens les plus usités en vue de la réalisation métaphy-
développement qu'ils ont donné aux sciences expérimen- sique; mais qu'on ne pFenne pas Pour la fln ce qui n'cst
tales ; et leur inaptitude métaphysique procède de la même qu'un moyen contingent et accidentel, et qubn ne prenne
tendance, Sans doute, il peut arriver que certains phéno- pas non plus porlr la signification originelle d'un mot ce
mènes spéciaux se produisent dans le travail tle réalisation qui n'en est qu'une acception secondaire et plus ou
métaphysique, mais d'une façon tout accidentelle : c.est là moins détournée.
un résultat plutôt fâcheux, car les choses de ce genre ne En parlant de ce qu'est primitivement le ( Yoga )), et en
peuvent être qu'un obstacle pour celui qui serait tenté d'y disant que ce mot a toujours désigné essentiellement la
attacher quelque importance. Celui qui se laisse arrêter et même chose, on peut songer à poser une question dont
détourner de sa roie par leS phénomènes, celui surtout tlui nous n'avons rien dit jusqu'ici: ces doctrines métaphysiques
se laisse aller à rechercher des <<pouvoirs I exceptionnels, traditionnelles auxquelles nous empruntons toutes les don-
a bien peu de chances de pousser ls réalisation plus loin nées que nous exposons, quelle en est I'origine? La réponse
que le degré auquel il est déjà arrivé lorsgue survient cette est très simple, encore gu'elle risque de soulever les pro-
déviation. testations de ccux qui voudraient tout envisager au point
Cette remarque amène naturellemenl à rectiffer quelques de vue hislorique : Cest qu'il n'y a pas d'origine ; nous vou-
interprétations erronées qui ont cours au sujet du terme lons dire par là qu'il n'y a pas d'origine humaine, suscep-
de Yoga > ; n'a-t-on pas prétendu parfois, en effet, que ce
<< tible d'être déterminée dans le temps. En d'autres termes'
que les Hindous désignent par ce mot est le développe- I'origine de la tradition, si tant est que ce mot d'origine
ment de certains pouroirs latenls de l'être humain? Ce ait encore une raison d'être en pareil cas, est(non-bu-
que nous venons de dire suflit pour montrer qu'uoe telle maine > comme la métapbysique elle-rnême. Les doclrines
délinition doit être r.ejetée. En réalité, ce mot ( yoga ) est de cet ordre n'ont pâs apparu à un moment quelconque de
celui que nous avons traduit aussi littéralemenl que pos- I'histoire de l'humanité : I'allusion que nous avons faite.à
sible par < Union ) ; ce qu'il désigne proprement, c'est donc l'( état primordial >, et aussi, d'autre part, ce que nous
le but suprêmede la réalisation métaphvsique; et le<yogi > avons dit du caractère intemporel de tout ce qui est méta'
si I'on veut I'entendre au sens le plus str.ict, est unique- physique, devraient permettre de le comprendre sans trop
ment celui qui a atteint ce but. Toutefois, il est ïrai que; de difliculté, à la condition qu'on se résigne à adnrettre,
par cxtension, ces mêmes termes sont, dans certains cas, contrairement à certains préjugés, qu'il y a des choses aux-
appliqués aussi ii des stades prépâratoires à l'< Union > ou quelles le pointdevue historique n'est nullementapplicable'
mêmc à tle simples movens préliminaires, et à l'être qui est La vérité métaphysique est éternelle; par là môme, il y a
parvenu aux états correspondanls à ces stades ou qui em- toujours eu des êtres qui ont pu la connaître réellement et
ploie ces rnoyens pour y parvenir. I\lais comment pourrait- totalement. Ce qui peut changer, ce ne sont que des formes
on soutcnil qu'uu mot dont le seus premier est < Union > extérieures, des moyens contingents ; et ce changement
désigne proplement et primitivement des exercices respi- même n'a rien de ce que les modernes appellent ( évolu-
ratoires ou quelque antrc chose de ce genre ? Ces exercices tion >, il n'est qu'une simple âdaptation à telles ou telles
t
_24 _ -25 -
circonslances particulières, auxconditions spéciales d'une Pour nous, la grande différence entr€ l'OÉent et I'Occi'
race ou d'une époque déterminée, De là résulte la multipl! dent (et ll s'agit ici exèlusivement de I'Occident moderne)'
cité des formes ; mais le fond de la doctrine n'en est aucu- la seule différence même qui soit vrâiment essenlielle' car
nement modifté ou affecté, pas plus que I'unité et I'identité toutes les autres en sont dérivées, c'est cêlle-ci : d'une part'
essentielles de l'êlre ne sont altérees par la multiplicité de conservation de la tradition avec tout ce qu'ellc implique ;
ses états de manifestalion. de I'autrei oubli et perte de cette meme lradition; d'un
La connaissance métaphysique, et la réalisation qu'elle côté, maintien de la connaissance métaplrysique ; del'autre'
implique pour étre vraiment tout ce qu'elle doit être, sont ignorance complète de tout ce qui se rapporle à ce domaine.
donc possibles parlout et toujours, en principe tout au Entre des civilisations qui ouvrent à leur élite les possi-
moins, et si cette possibilité est envisagée d'une façon bilités que nous avons €ssayé de faire entlevoir, qui lui
absolue en quelque sorte; mais en fait, pratiquement si donnent les moyens les plus appropriés pour réaliser efrec-
l'on peut dire, et en un sens relatif. sont-elles égâlement tivement ces possibilités, et qui, à quelq[es-uns tout au
possibles dans n'imporle quel milieu et sans tenir le moins, permettent ainsi de les réaliser dans leur plénltude'
moindre compte des contingences ? Là-dessus, nous sefons entre ces civilisations traditionnclles et une clvilisation
beaucoup moins alnrmatif, du moins en ce qui concerne qui s'est développée dans un sens purement matériel, com-
la réalisation ; et cela s'explique par le fait que celle-ci, à ment pourmit-on irouver une commtlne mesure ? Et qni
son commencement, doit prendre son point d appui dans donc, à moins d'être aveuglé parje ne sais quel parti pris;
I'ordre des contingences,Il peut y al'oir des conditions par- osera prétendre que la supériorilé rnatérielle compense
ticuliérement défavorables, comme celles qu'offre le monde I'infériorité intellcctuelle ? Intellectirelle, disons-nous;
occidental moderne, si défavorables qu'un tel travail y est mais en entendant par là la véritablé intellecttlalité, cellé
à peu près impossible, et qu'il pourfait même être dan- qui ne se limite pas à I'ordre humain ni à I'ordre naturel;
gereux tle I'entreprendre, en l'absence de tout appui fourni cel)e qui rend possible la connaissance métaphysique pure
par le milieu, et dâns uue ambiance qui ne peut que con- dans son absolue transcendance. Il me semblé qu'il sufllt
trarier ct même annihiler les efforts de celui qui s'y livre- de réfléchir un instant à ces questions pour n'avoir aucun
rait, Pâr contre, les civilisations que nous appelons tradi- doute ni aucune hésitation sur la répdnse qu'il convient
tionnelles sont organisées de telle façon qu'On peut y d'y âpporter.
rensontrer une aide efiicace, qui sans doute n'est pas La supériorité matérielle de I'Occident moderne n'est
rigouleusemcnt indispensable, pas plus que tout ce qui est pas contestable ; personne ne la lui contestè non plus,
extérieur, mais sans laquelle il estcependant bien diflicile mais personne ne la lui envie, Il faut aller plus loin : ce
d'obtenir des résultats ellectifs. Il y a là quelque chose qui développemett matériel excessif, I'Occident risque d'en
dépasse les forces d'un individu humain isolé, même si périr tôt ou tards'il ne seressaisit àtemps, et s'il n'en vient
cet individu possède par ailleurs lcs qualifications requi- à envisager sérieusement le < retour aut orl8ines )i srli'
ses; aussi ne voudrions-nous encourager personne, dans vânt une elpression qui est en usa6e dans certaines écoles
les conditions présentes, à s'engager inconsidérément d'ésotérisme islamigue. De divers côtés' on parlè beau:
dans une telle entleprise ; el ceci va nous conduire direc- coup aujourd'bui de < défense de I'Occident D ; rnÈis,tflâl.
tement à notre conclusion. heureusement, on ne seûtble pss aomprendre que c'est
-26-
contre lui-Eême surtout que I'Occident a besoin d'étre
défendu, que c'est de ses propres tendeDces actuetl€s que
Tienlent les principaux et les plus redoutables de tous
les dangera qui le menacent réellement. ll serait bo! de
méditer lÀ-dessus un peu profondément, et lbn tre saumit
trop y intiter tous ceux qui sont encore capables de réflé-
chir. Aussi est-ce par là que je terminerai tnon exposé,
henreur sij'ai pu fairc, ainon comprendrc pleinement, du
moins pressentir quelque choss de cette irrtellestualité
orientele dont l'équivalent ne se trouve plus en Occident,
ct donner uE ap€rçu, si imparfait soit-il, de ce qubst la
métaphysique vraie. la connaissance per ercellence, qui
est, conne le digent les tertes sacrés de I'Inde, seule
eltièrenent vériteble, absolue, in0Die etEuprême.