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EDITIONS TRADITIONNEIIEE
ffi$ 32, t.u.e des Fossés Scrint-Bernqrd

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MÉTAPHYSIQUE
ORIENTALE
OUVRAGES DE RENÉ GUÉNON R.ENÉ GUÉNON
L'Erreur Spirite
Aperçus sur I'lnitiâtion
Aperçus sur l'ésotérisme chrétien
L'Homme et son devenir selon le Vêdânta
Lo métaphysique orientale
Saint-Bernard
Initiation et Réalisation Spirituelle
Etudes sur la Franc-Maçonnerie (l'" volume)
Etudes sur la Franc-Maçonnerie (2' volume)
Le Théosophisme
LA
Etudes sur I'Hindou:sme
Comptes Rendus

lntroduction générale
l,es Etats multiples de I'Etre
à l'étude des doctrin s hindoues
METAPHYSIOUE
Le symbolisme de la Croix
Autorité Spirituelle et Pouvoir Temporel
Orient et Occident

Le RègDe de la Quantité et les signes des TeÉps


ORIENTALE
La Crise du Monde l\{oderne
La Grande Triade a,6 ÉolrloN
L'ésotérisme de Dante
Le Roi du Monde
Les pdncipes du calcul infinitésimal
Symboles fondamentaux de la Science sacrée
Formes Traditionnelles et Cycles Cosmiques
Symbolisme de la Croix (en l0 x 18)
Aperçus sur l'ésotérisme islâmique et le Taoisme
Mélânges

AYANT TRAIT A RENÉ GUENON


Le N' spécial des Etudes Traditionnetlcs paru cn l95l à I'occasioo
de la mort de René Guénon reédité en fac-similé (19E2).

De Paul CHACORNAC :
La Vie simple de René GuéBoD
De Eddy BATACHE:
Surréalisme et Tradition
La Pensée d'André Breton jugéæ selon I'cuvre de René Guéooo
De Jear TOUIi.NIAC :
Propos sur R.ené Guénon

De Jean-Pierre LAURANT :

Le senr caché dans I'ceuvre de René Guénon

EDITIONS TRADITIONNELLES
11, Quai Saint-Michel, PARIS V.
LA IrÉTAPHYSTQUE ORTENTALE

f '^r pris comme sujet de cet exposé la. rnétaphvsique


U orientale; peut-être aurait-il mieux ralu dire simple-
ment la métaphysique sans épithète, câr, en rérité, lâ méta-
physique pure, étant par essence en dehors et au delà de
toutes les formes et de toutes les contingences, n'est ni
orientale ni occidentale, elle est unirerselle. Ce sont seu-
lement les formes extérieures dont elle est rerêtue pour les
nécessités d'une exposition, pour en exprimer ce qui est
exprimable, ce sont ces formes qui peuvent être soit orien-
tales, soit occidentales ; mais, sous leur diïersité, c'est ulr
fond identique qui se retrouve parlout et toujorrrs, pârlout
du moins oir il y a de la métaphysique vraie, et ccla pour
la simple raison que la vérité est une.
S'il en est ainsi, pourquoi paller plup_spécialemen t de
rnétaphysique orientale? C'est que, dans les conditions
iutellectuelles oir se trouve actuellement le monde occiden_
tal, la métaphysique y est chose oubliée, ignorée en géné_
ral, perdue à peu près entièrement, tandis que, en Or.ient,
elle est toujours I'objet d'une connaissance ellectiïe. Si I'ou
veut savoir ce qu'est la métaphysique, c'est donc à I'Orient

I'est aujourd'hui, c'est surtout à I'aide des doctrines orien_


Tous droils dc traduction, d'edâptrtion at dê acp.oductiotr tales et par comparaison avec cclles-ci que l,on pour.ra y
résarvaa pour tout Pays- parvenir, parce que ces doctrines sont les seules qui, tlans
-6-
cc donraine nélaphysique, puissent encore être étudiées -7 -
directenrent. Seulement, pour cela, il est bien évident qu'il
trine à deux faces, €\otérique et ésotérigue; il ne peut ètre
guestion que d'un ésotérisme Daturel, en ce sens que cha-
faut les étudier comme le font les Orientaux eux-nêmes,
cun approlontlira plus ou moins la doclrine et i ra plus ou
et llon point en se livrant à des interprétations plus ou
troins hypothétiques et parfois tout à fait fantaisistcs; on moius loin selon la tnesur.e de ses propres possibilités
in tel lectuel les, car il v â, porrr certaitres individualilés
onblie lrop souvent que les civilisations orientales existent
humaines, des linril.ations qui sont inhérentes à leur nafure
Loujours et qu'elles ont encore des représentants qualiliés,
auprès desquels il su(ffrait de s'informer pour savoir véri-
mêtne et qu'il lerrr cst irnpossible de l'ranchir.
Naturcllemcnt, lcs forrnes changent d'une citilisation à
tablernent de quoi il s'agit.
J'ai dit métnphysique orientale, et non uniquement une autrè, puisqu'clles doiYeut être adapteel à des
conditions difli!r.entes ; mais, tout en étalrt plus habitué
métaphysique hiudole, car les doctrines de cet ordre, avec
aux formes hindoues, jc n'éprouve aucuu scrupule à en
tout ce qu'elles impliquent, ne se r€ucontrent pas que dans
€mployer d'autres au besoin, s'il se trouvequ'elles puissent
l Inde, contrairemenl à ce que semblent croire certâins,
qui d'ailleurs ne se rendent guère conrpte de leur véritable aider la compréhension sur certains poirrts : il n'y a à cela
nature. Le cas de I'Inde n'est nullement exceplionnel sous
ce râpnort; il est exactcureut celui de toutes les cililisa-
tious qui possèdeut ce qu'on peut âppeler une base tradi-
tioDnelle. Ce qui est exceplionDel et anolmal, ce sont âu
sance.
conlraire des civilisations dépourvues d'une lelle base; et
à rlai dire, nons n'en connaissons qu'une, la civilisation
occidentalc moderne. Pour ne considérer gue les prin-
cipales civilisâtions de I'Orient, l'équiralent de la méta-
physiquc hindoue se trouve, en Chine, dans le TaoTsme;
il se ll'ouve aussi, d'un âutre côté, dans cerlairres écoles
ésotériques de I'Islam (il doit être bien entendu, d'ailleurs,
que cet ésotérisme islamique n'a rien de commun avec la
philosopltie extérieure des Arabes, d'inspiration grecque
physique ) signifie li .éralement ( au delà de la physique >,
poul la plns grande partie). La serrle différence, c'est que,
en prcnânt < ph1'sique > dans I'acceptiol quc ce terme
pîrtout âilleurs que daas I'Inde, ces doctrines sont réser-
avait toujonr.s pour lcs anciens, cellq rle < science de ln
vées ir une élite plus restreinte et plus ferurée ; c'est ce qui
natrrre ) dans toute sa géDéralité. La physique esl l'étude
cut lieu aussi en Occident âu moyen âge, pour un éso1é- de tout ce qui apparlient au dornaine àc ia riaturc ce qui
t isure assez cornparable à celui de I'lslam à bien des égards, ;
con€erne la métrphysique, c'est ce qui est au delà dc la
et aussi purement métaphysique que celui-ci, mais dont nature. Comtrrent donc certâins pcut,cnl.-ils prétendre que
les tnodernes, pourla plupart, ne soupçonnent mêmeplus la connaissance métaphysique est une contraissance natu-
l'exislence. Dans I'Inde, on ne peut parler d'ésotérisme âu relle, soit quaut à son objet, soit quaut aux facultés par
selrs pl'opre de ce mot, parce qu'ol! n'y trouve pas une doc- tesquelles elle est obtenue ? Il y a lù un vér.itable contre-
. -8- -9-
sens, une contradiction dens les termes Eêlnes ; et pour- lpgiquement la conclusion que celte métaphysique ne peut
tant, ce gui est le plus étonnant,il arrive que cette con- conduire réellement à tels ou tels résultats. Pourtant, elle
fusion esi commise même par ceux qui devraient aroir y conduit effectivement, mais parce gu'elle est lout autre
gardé quelque idée de la vraie mélaphysique et savoir lÊ chose que ce qu'ils supposent; tout ce qu'ils envisagent
ài"tingitur plus netlement de la pseudo-métaphysique des n'a véritablemcnt rien de métaphysique, dès lors que ce
phikisophes modernes. n'est qu'une connaissance d'ordre naturel, un savoir
Mais, dira-t-on peut-être, si c€ mot c métaphysique u profane et extérieur ; ce n'est nullement de cela que nous
donne lieu à de telles confusions, ne vaudrait-il pas mieux voulons parler. Faisons-nous donc ( métaphysique ) syno-
renoncer à son emploi et lui en substituer un autre qui nyme de < surnaturel > ? Nous accepterions très volon-
aurait moins d'inconvénlents? A la védté, ce serait fâcheux' tiers uue telle assimilalion, puisque, tant qu'on ne
pârce que, par sa formatlon, ce mot convielrt parfaitement dépasse pas la nature, c'est-à-dire le monde manitesté
à ce dontil s'aBit; et ce n'est guère possible' Parce qne dans toute son extension (et non pas le seul monde sen-
Ies langues occidenlales ne possèdent aucun' autre terme sible qui n'en est qu'un élément in{initésimal), on est
qui s cet encore dans le domaine de la physique; ce gui est nréla-
ment onn physique, c'est, comme nous I'avons déjà dit, ce qui est
fait d ten arr delà et au-dessus de la nâture, Cest donc proprement
excellence, la seule qui soit absolument dignc de ce nom' le ( surnaturel )).
il n'y faut guère songer, car ce seralt encore bcaucoup Mais on fera sans doute ici une objection : est-il donc
moins clair pour des Occidentaux' qui, en fait de connais- possible de dépasser ainsi la nalure ? Nous n'hésiterons
sance, sont habitués à ne rien envisager en dehors du pas à répondre lrès ncttement : non seulement cela est
domaine scientilique et râtionnel. Et puis est-il nécessaire possible, mais cela est. Ce n'est là qu'une affirmation,
de tant se préoccuper de I'abus qui a été fait d\rn mot ? dira-t-on encore ; quelles preuves peut-on en donner ? Il est
Si I'on devait rejetel'tous ceuxqui sontdans cecas,combien vrâiment étrange qu'on demande de prouver la possibi-
en aurail-on encore à sa disposition ? Ne sullit-il pas de lité d'une conrraissance au lieu de chercher à s'en rendre
prendre les précautions voulues pour écatter lcs méprises cornpte par soi-rnême en faisant le tmvail nécessairepour
et les nralentendus ? Nous nê tenons pas plus au mot l'acquérir. Pour celui qui possède cette connaissânce,
< mélaphysigue ) qu'à n'importe quel âutre ; mais, tant quel intér'ét et quelle ïaleur penvent avoir toutes ccs (lis-
qu'on ne nous aurâ pas proposé un meilleut telmc pout le cussions ? Le fait de substituer Ia < théorie de la connais-
rem$ltccr, nous continuerons à nous en sert'il comme' sance > à la connaissance elle-même est peut-être le plns
nous I'avons fait jusqu'ici' bel aveu tl'impuissance de la philosophie moderne.
Il est mâlheureûsement des geus qui ont la prétention Il y a d'ailleurs dans toute certitn<le quelqtre chose dTn-
de < juger > ce qu'ils ignorent, et qui, parce qu'ils donnent communicable ; nul ne peut atteindre rèellement une con-
le nom de << métâphysique n à une connaissance Pulement naissance quelconque aulrement que pâr un elTort stricte-
humaine et rationnelle (ce gui n'est pour nous quc science ment personnel, et tout ce qu'uh autre peut faire, c'est de
ou philosophie), s'imaginent que la métaphysique orien- donner I'occasion ct d'inrliquer les moyens dl parvenir.
tale n'est rien de plus ni d'autre qne cela, d'oir ils tirent C'est pourquoi il ser€it rain tle pÉtendre, tlans l'ordre
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purement intellectuel, imposer une conviétion qirelconque; d'avoir un autre terme à notre disposition pour nous faire
la meilleure argumentalion ne saurait, à cet égard' tenir comprendre ; mais qu'on n'aille pas croire pour cela qu'il
lieu de la connaissance directe et efrective. y ait là rien d'assimilable à des conceptions scienliliques
Maintenant, peut-on déIinir la métâphysique telle que ou philosophiques ; il ne s'agit pas d'opérer des ( âbstrac-
nous I'entendons ? Non, car définir, c'est touiours limiter' tions >> quelconques, mais de prendre une connaissance
et ce dont il s'agit est, en soi, véritablement etabsolument directe de la vérité telle qu'elle est. La science est la con-
illirnité, donc ne saurait se laisser enfermer dans aucune naissance rationnelle, discursive, lonjours indirecte, une
formule ni dans aucun système. On peut caractériser la connaissance par reflet; la métaphysique est la connais-
métaphysique d'une certaine façon, par exemple en diSant sance supm-rationnelle, intuitive et immédiâte. Cette
qu'elle est la connaissance des principes universels ; mais intuitios intellectuelle prre, sâns lnquelle il n'y a pas de
ce n'est pas là une délinition à proprement parler, et cela rnétaphysique vraie, ne doit d'aillerrrs aucrrnernent être
ne peut du reste en donner gu'une idée assez r''ague' assimilée à I'intuition dont pârlent ccrtains philosoirhes
Nous y ajouterons quelque chose si nous disons que ce contempolains, car celle-ci est, âu conlraire, infra-r'ation-
domaine des principes s'étend beaucoup plus loin que ne nelle. Il ya nne intuition iutellectuelle et une intuition
I'ont pensé certains Occidentaux qui cependant on fait de sensible; I'une est au rleià de la ra"ison, mâis l'âutre est en
la métaptrysique, mais d'utle manière partielle et incom- deçà; cette dernière ne perrt saisir qrre le monde du chan-
plèle. Ainsi, quand Aristote envisageait la métaphysique gement et du deÏenir, c'est-à-dire lr nature, ou plutôt une
comme la connaissance de l'être en tânt qu être, il l'iden- inlime partie de Ia nalure. Le domaine de I'inluition intel-
tiliait à I'ontologie, c'est-à-dire qu'il prenait la partie pour lecluelle, au contraire, c'est le donraine des principes
le tout. Pour la métaphysique orientale, l'être pur n'est élernels et immuablcs, c'est le domaine mélaphysique.
pasle premierni le plus uuirersel des principes, car il L'inlellect transcendânt, pour saisir dircctement les
est déjà une déterminalion ; il faut donc aller au delà principes univcrsels, doit être lui-môme d'ordre univer-
de l'être, et c'est mêtne là ce qui importe le plus. C'est sel; ce n'est plus une facrrllé individuelle, ct lg considérer
pourquoi, en toute conception vraiment métaphysique, il cornme tel serait conlradictoire, car il ne peut êtredans les
faut toujours réserver la part de l'inexprimable ; et même possibilités de I'individu de dépasser ses propres limites,
loutce qu'on peut exprimer n'est littérâlement rien au de sortir des conditions qui le définissent en tant qu'indi-
regard de ce qui dépasse toute expression, comme le fini, vidu. La râison est ùne feculté proprelnent et spécifique-
quelle quc soit sa grandeur, est nul vis-à-vis de I'Infini. ment humaine; mais ce qui est au delà de la raison est
On peut suggércr beaucoup plus qu'on n'exprime, et c'est véritâblement ( non-humain ); Cest ce qui rend possible
là, en somme, le rôle quejouent ici les formes extérieures ; la connaissance mélaph1'sique, et cclle-ci, il faut le redire
toutes ces formes, qu'il s'agisse de mots ou tle symboles encore, n'est pas une connaissance humaine. En d'autres
quelconques, ne constituent qu'uIr supPort, un point d'ap- termes" ce n'est pas en lant qu'homme que I'homme peut
pui pour s'élever à des possibilités de conception qui les v parvenir; mais c'est en tant que cet être, qui est humain
dépassent incomparabletnent ; nous revicndrons là-dessus dans un de ses étâts, est en même temps autre chose et
lout à I'heure. plus qu'un être humain; et c'est la prise de conscience effec-
Nous parlons de conceptions rrétaphysiques, faute tive des états supra-individuels qui est I'objet réel de la
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métaphysique, ou, mienx encore' qui est Ia connaissance préparation, d'aillerrrs indispensable, de la véritable con-
métaphysique elle-même. Nous arrivons donc ici à un naissance. Elle est du reste lâ seule qui soit communicable
des points les plus essentiels, et il est nécessaire d'y insis- d'une certaine façon, et encore ne I'est-elle pas complô-
ter: si I'individu étàit un être complet, s'il constituait un tement ; c'est pourquoi loute expositiotr n'est qu'un mo1'en
système clos à la façon de la mouade de Leibnitz, il n'y d'approcher de Ia connaissancc, et celte connaissttrce,
aur'âit pas de lnétaphysique possible; irrémédiablement qui n'est tout d'abord que rirtuelle, doil. ensuite être réa-
enfermé cn lui-nrêrne, cet être n'âurait aucun moyen de liséc efTectivcment. Nous trourons ici une nouvelle diffé-
connâitre ce qui n'est pas de I'ordre d'existence atrquel il reuce atec cettc rnét:rphysique parlielle à Iaquelle trons
âppâl'tient. Mais il n'en est pas ainsi : I'individu ne rept'é- âvons làit allusion précédemurent, cclle d'Aristole par
sente en réalité qu'une manifestation transiloire et contin- exernple, déjà théoliquement inconrplète en ce qu'elle se
gentc de l'être veritâble; il n'est qu'un état spécial parmi limite à l'êtle, ct où, de plus, la thiolic scruble bien étre
une multitude inrléhnie d'autres élats dr.t même être ; et présentée cornme se sumsalrt ir ellc-rnôtne, âu lieu d'être
cct être est, etr soi, absolument indépendant de toutes ses ortlonnée expressérnent eu vuc tl'une rri:rlisaliou cotlcspon-
mânifestations, de mème que, pour employer une colnpa- dantc, ainsi qu'ellc I'cst touiouls tlans toutes lcs doctritlcs
laison qui levient à chaquc instant dans les textes hin- olieutales. Poultînt, urôrnc tlnus cettc urétnl)h)'sique im-
dous, le solcil est absolument indépendant des multiples ptlfaite, nous scrions lenté dc dite ccttc derni-métâphy-
inrages dans lesquelles il se rélléchit, Telle est Iâ distinc- sique, on rcncontrc parfois de5 alfirrnalions qui,si ellcs
tion fondamentale d.i ( Soi > et du << moi >, de la person- â\,aient été bien cornpl.iscs, aul'aicDI dù corrduilc ir dc
nalité ct de I'iudividualité ; et, de même que les images lout autrcs couséquenccs : ailrsi, Alistote ne rlit-il pas net-
sont reliées par les layous Iumincux à la source solaile tcnrcnt qu'uh être est tont ce 11u'il connait? Cettc aflirma-
sans laquelle elles n'âul'aient aucune existence et aucune tion de I'identilication par la connaissance, c'est le pliu-
réalité, de rnôme I'individualité, qu'it s'asisse d'ailleurs cipe mêmc de la réalisation rnétaphysique; mais ici ce
de I'individuatité humaine ou de tout autre état analogue principe reste isolé, il n'a que la valcur d une déclaration
de manifestation, est reliée à la personnalité, au centre toute théorique, on n'en tire ancun palti, et il semble que,
principiel de l'être, par cel intellect transcendant dont il apt'ès I'avoir posé, ou n'y pcnse môrne plus : commcnt se
vient d'être question. Il n'est pas possible, dalrs lcs limites fait-il qrr'AIistote Iui-même €t ses continuâteurs n'aient
de cet exposé, de développer plus complètement ccs con- pas mieux vu lout cc (lui y dtait irnpliqué? It est vrai qu'il
sidérations, ni de donner une idée plus précise de la théo- €n cst dc nrême eu bien (l'rull'es cas, et qu'ils paraissent
rie des états rnulti.ples de l'étre ; mâisje pense cependant oublicr parlois des choses aussi cssentielles que la distinc-
en avoir dit âssez pour en faitc tout âu môins pressentir tion tle I'intellcct pur et dc la raison, après les avoil cepen-
I'irnportance capitale dans toute doctrine véritablement dant fornrulécs non moins explicitement; ce sont là
métaphysique. d'étranges lacuncs. I.'aut-il y voir I'eflet dc ccrtaines limi-
Théolie, ai-jc dit, mais ce n'est pas seulement de théo- tâtions qui seraicnt inhirentcs à I'esprit occidental, sauf
rie qu'il s'agit, et c'est là encore uu point qui demande à dcs crccptions plus orr moins rares, mais toujoul's pos-
être expliqué. La connaissance théol'ique, qui n'est encore siblcs? Cela peu[ ôtrc vrai dans une cerlaitre mesure,
qu'indirecte et en quelque sorte symboliquc, n'est qu'une mais poullant il ne Ihul. pas croirc <1ue I'ilItellcctualité
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occidentâle ait été, en général, aussi étroitement limitée savons bien quelle objection peuvent faire, en ce qui les
autrefois qu'elle I'est à l'époque moderne. Seulement, des concerne, ceux qui croit devoir contester la possibilité de
dostrines comme celles-là ne sont après tout que des doc- cette réalisâtion. Ces movens, en effetr doivent être à la
trines extérieures, bien supérieures à beaucoup d autres, portée de l'homme; ils doivent, pour les premiers stades
puisqu'elles renferment malgré tout une part de métaphy- tout au moius, ètre adâptés aux conditiorrs de l'étât hu-
sique vraie, mais toujours mélangée à des considérations I main, puisque c'est daus cct état que se trouve actuelle-
d'un autre ordrc, qui, elles, n'ont rien de métaphysique,.. mcnt l'ètre qui, partant tlc là, devra prerrdre possession
Nous avons, pour notre paùt, la certitude qu'il y a eu autre des états snpérieurs. C'est donc dans rles formes âppâr'le-
chose que cela en Occident, dans I'antiquité et au moyen nant à cc monde oir se situc sa manil'estation pr(rsente que
âge, qu'il y a eu, à I'usage d'une élite, des doctrines pure- l'êlre prenth'a un point d'appui pour s'élever arr-dessus de
ment métaphysiques et que nous pouvons dilc complètes, ce tnonde même; mots, signes s1'rnl-roliqur's, riles ou pro-
y compris cette réalisation qui, pour'la plupart des mo- cédés préparatoires quclconques, n'out pas tl'nutre raison
dernes, est sans doute une chose à peine concelable ; si d'ôtre ni d'arrtre fonctiou : cornrne nous l'lvous ddrià dit,
I'Occident en a aussi totalement perrlu le souïenir', c'est ce sont L\ des supports et rien rle plus. r\Îais, dirout cer-
qu'il a rompu avec ses propres traditions, et c'cst pourquoi tâins, coDrment se Peut-il que ccs moycls purelnent con-
la civilisation moderne est une civilisation anormale et tiugents ploduisent uu e{Tet qui les drlpasse irrrnrcnsénrent,
dér'iée. qui est d'un tout autre ordrc <1ue celui arrqlreI ils appat'-
Si la connaissance purement théoriqué dtait à elle-même tienlrent eux-mêmes ? Nous [erons d'aborrl t:ctrlilrquer' (lue
sa propre lin, si la métephysique devâit en rester là, ce ce ne sonten réalité que des moyeus accideutcls, ct que
serait déjà quelque chose, assurénrent, mâis co semit tout le résultât qu'ils aident à obtenirn'est nullenent lcnr effct;
à fait insullisant, Iin dépit de la certitude réritable, plus ils mettent l'être dans les dispositions toulues ponr y
forte encore qu'une certitude mathématique, qui est alta- parvenir plus âisément, et c'est lout. Si I'objection que
chée déjà à une telle connaissance, ce ne serait en somme, nous enrisageons élait vrlable dans cc cas, elle vaudrait
dans un ordre incomparablement supérieur, que I'analogue également pour les lites religieux, pour les sactenents,
de ce qu'est dans son ordre inférieur, terrestre et humain, par exemple, oir la disploportion n'cst pas :noiudt'e entre
la spéculâtion scientifique et philosophique. Ce n'est pas le moyen et la liu; certains tle ceux qui ll lot'rnuleut n'y
là ce que doit être la métaphysique; que d'autres s'inté- ont peut.ôtre pas assez sougé. Qlant à nous, llous ne cott-
ressent à un < jeu de I'esprit ) ou à ce qui peut sembler tel, fondous pas uu simplc rnoyen âvcc rtnc clusc arr vrai
c'est leur âlïaile; pour nous, les choses de ce genre nous sens de ce mot, et nous ne rcgardotts pas la rd'alisrtion
sont plutôt indifférentes, et nous pensons que les cur.iosi- métaphysique comme un eflct dt: quoi quc ce soit, parce
tés du psychologue doivent être parfailement étrârgères qu'elle n'est pas la production de quelr; uc chosc tlui n'existe
au métaphysicien. Ce dont il s'agit pour celui-ci, c'est de pas encore, mais l:r prise de conscience tle ce tJui cst, d'une
connaitre ce qui est, et de le connaitre de telle façon qu'on façon permanente et immuâble, en dehot's de toute succes-
est soi-même, réellemen et effectisement, tout ce que I'on sion temporelle ou autre, câr tous les étâts (le l'être, envi-
connâit. sagés dans leur principe, sont eu parfai[e simul tanéité
Quant aur moyens de la Éalisation métaphysique, nou3 dans l'éternel préseut.

t-
- 16- -77-
Nous ne voyons donc aucune difliculté à reconnâilre linalement ce but suprême ; mais, s'il est des moyens qui
qu'il n'y a pas de commune mesure entre Ia réalisation rendent I'elfort moins pénible, pourquoi les négligel volon-
métaphysique et les moyens qui y conduisent ou, si I'on tairement ? Est-ce confondre le contingent et I'absolu que
préfère, qui la préparent. C'est.d'ailleurs pourquoi nul de de tenir compte des conditions de l'état humain, puisque
ces moyens n'est strictement nécessaire, d'une nécessité c'est de cet état, contingent lui-même, que nous sommes
absolue : ou du moins il n'est gu'nne seule préparation âctrellement obligés de parlir pour la conquête des états
vraimenl indispensâble, et c'est la connaissance théoligue. supérieurs, puis de l'état suprême et inconditionné ?
Celle-ci, d'autle pârt, ne sâurâit aller bien loin sans un Indiquons mâintenant, d'après les enseignements qui
moycn que nous devons ainsi considérel comme celni sont co.mmuns à toutes les doctrines traditionnelles de
gui jouela Ie rôle le plus important et le plus constânt : ce I'Orient, les principales étapes de lâ réalisation métaphy-
moyen, C'est Ia concentmtion ; et c'est là quelque chose sique. La première, qui n'est que prélinrinaire en quelque
d'absolument étranger, de contraire même aux hâbitudes sorte, s'opère dans le dornaine humain et ne s'étend pas
mentales de I'Occident moderne, oir. tout ne tend qu'à la €ncore au delà des limites ile I'individualité. Elle consisle
dispersion et âu charrgement incessanl. Tous les autres dans une extension indéfinie de cette individualilé, dont
nroyens ne scrt que secondaires pat rapport ri celuilà : la modâlité corporelle, la seule qui soit développée chez
ils scryent surtout à faYoriser la concentration, et aussi li I'homme ordinaire, tre représente qu'une portion tles mi-
harmoniser entre eux les divers éléments de I'inditidua- nirne ; c'est de cette modalité corporclle qu'il faut partir
lité humaine, afin de préparer la communication elfective en fait, d'oir I'usage, pour colnmenccr, de moyens cmprun-
entre cette individualité et les états supérieurs de l'être. tés à I'ordre sensible, mais gui deyront d'ailleurs avoir
Ccs moyens pourront d'ailleurs, au point de dépâr't, être une répercussion dans les autres modalités de l'être
valiés plesque indéfiniment, car, pour chaque individu, humain. La phase dont nous parlons est en somme la
ils dcyront être appropriés à sâ nature spéciale, conformes réalisation ou le développement de toutes les possibilités
à ses aptitudes et à ses dispositions parliçulières. Ensuite, qui sont virtuellement contenues dans l'individualité
les dillérences iront en diminuant, car il s'âgit de voics humaine, qui €n constituent 'comrne des prolongements
multiples qui tendent toutes vets un rnênre but ; et, à par- multiplqs s'étendant en divers sens au delà du domaine
tir d'un celtain stadc, toute multiplicité aurâ dispâr'u ; corporel et sensible; et c'est par cei prolongements que
nrais alors les moyens continBents et individuels auront pourra ensuite s'élablir Ia communication avec les autres
achevé de temirlir leul rôle. Ce lole, pour montrer qu'il états,
n'est nullement nécessaire, certâins lextes hindous le Cette réalisation de I'indiridualité intégrale est désignée
comparent à celui d'un cheval à I'aide duquel un homme par toutes les tradiiions cornme la restauration de ce
parviendra plus vite et plus facilement âu terme de son qu'elles appellent l'< état plirnordial )' état qiri est regardé
royage, mais sans lequel il pourrait aussi y parvenir. Les comme celui de I'homme vérilâble, et qui échappe déjà à
rites, les procédés dilers indiqués en vrre de la réalisation cedâines des limitations carâctéristiques de l'état ordi-
métaphysique, on pourrait les uégligel et rréânmoins, par naire, nolamment à celle qui est due à la condition tem-
la seule fixation conslante de I'esprit et de toutes les puis- porelle, Uêtre qui a âtteint cet ( état primordial > n'est
sances de l'ôtre sur le but de cetle réâlisation, âtteindre €ncore qu'un individu humain, il n'est en possession effec-.

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live d'aucun élat supra-individuel ; êt pourtant il est dès lois naturelles ne sont que des conséquences, dans un
lors afirqnchi du temps, la succession apparente des domaine rclatif et contingent, des principes universels et
choses s'est transmuée pour lui en simultanéité ; il pos- nécessaires.
sède consciemmenl nne faculté qui est inconnue à I homme Revenons à la réalisation métaphysique : sa seconde
ordinaire et que I'on peut appeler le < sens de l'éternité ). phase se rÊpporte aux é!âts supra-individuels, mais encore
Ceci est d'une extrôme importance, car celui qui ne peut conditionnés, bien que leurs conditions soient tout âutres
sortir du pointde rue de la succession lemporelle et envi- que celles de t'état hulnain. Ici, le monde de I'homme, oir
sager toules choses en rnode simultané est incapable de nous étions encore au stade précédent, est entièrement
la moindre conception de l'ordlc métaphysique. La pre- et détinitivement dépassé. Il faut dire plus: ce qui est
mière ehose à Iaire pour qui veut parvenir vérilablement dépassé, Cest le mondc des formes dans son acception la
à la connaissance nrétaphysique, c'est de se placer hors plus générale, comprenant tous les états individuels quels
du teDrps, nous dirions voloDlicrs dans le < non.temps > qu'ils soient, car la forme est la condition commune à
si une telle expression ne derail pas parâitre trop singu- tous ces états, celle par laquelle se définit I'individualité
lière et inusitée. Cette conscience de I'intemporel peut comm€ telle. L'être, gui rie peut p'tus être dit humain, est
d'aille[rs être âtteinte d'une ce aine façon, sans doute désormais sorti du < courant des formcs ), suivant l'gx-
très incomplète, nrais déjà réelle poul'iânt, bien avant que pression extrême-orientale. Il y aurait d'ailleurs encore
soit obtenu dans sa plérritude cet ( état primordial > dont d'autres distinctions à faire, câr cette phase peut se sutr
nons venous de paller. diviser : elle comporte en réalité plusier.rrs étapes, dcpuis
On demaudera peut-être : pourquoi cette dénomination l'obtention d'états qui, bien qu'infomrels, appartienhent
d' c état primordiâl ) ? C'est que toules les traditions, y encore à I'existence manifestée, jusqu'au degré d'univer-
compris celle de I'Occident (car la Bible elle-même ne dit salité qui est celui de l'être pur.
pas autre chose), sorrl d'accord pour enseigner que cet état Pourtant, si élevés que soient ces états par râpport à
est celui qui était normal aux origines de I'hurnanité, l'état humain, si éloignés qu'ils soient ile celui-ci, ils ne
tandis que l'étât présent n'est que le résultat d'une dé- sont encore que relatifs, et cela est vrai même du Plus
chéance. l'efiet d'une sorte de matérialisation progressi ve haut d'entre eux, celui qui correspond au principe de
qui s'est produite au cours des âges, pcndant la durée toute manifestation. Leur possession n'est donc qu'un
d'un certain cycle. Nous ne croyons pas à l' ( é\iolution ), résultat transitoire, qui ne doit pas être confondu alec le
eu seus que les modernes donnent à ce mot; les hypo- but dernier de la réalisation mélâphysique; Cest au delà
thèses soi-disant scientiliques qu'ils ont imaginées ne de l'être que réside ce but, par rapport auquel tout le reste
correspOnd€nt nullement à la réalité. Il n'est d'ailleurs n'est qu'acheminement et préparation. Ce but suprême,
pas possible de faire ici plus qu'une simple allusion à la Cest l'état absolument inconditionné' afrrânchi de toute
théorie des cycles cosmiques, qui est particulièrement limitation ;.pour cette raison même, il est enlièrement
développée dans les doclrines bindoues; cc serait sortir inexprimable, et tout ce qu'on en peut dire ne se lrâduit
de notre sujet, car Ia cosmologie n'est pas la métaphy- que par des termes de forme négative: négation des
sique, bien qu'elle en dépende assez étroitement ; elle n'en limites qui déterminent etdéffnissent toute existeDce dahs
cst qu'une application à I'ordre physique, et les vrpies sa relativité, L'obtention d€ cet état, c'est ce que la

t -+-
_20_ _ 2l_
doclrine hindoue appelle Ia <Délivrance>r, quand elle
Ia toute limitâtidn, ne saurait [a faire évanouir: seule la
considôre pat rapport aux états conditionnés. et
aussi connaissance dissipe l'ignorance comme la lumière du
l'< Union >, quand elle lenvisage par.rapport au'pfincipe
soleil dissipe les ténèbres, et c'est alors que le cSoi>,
supréme.
I'immuable et éternel principe de tous les états manifes-
Dans cet état inconditionné, tous les au tres
étals de l,être tés et non-manifejstés, appamit dans sa suprême réalité.
se relrouvent d'ailleurs en pr.incipe, mais
lrînsformés, Après cette esquisse lrès impar.faite et qui ne donne
dégagés des conditions spéciales qui tes aCtern.,inaieni
en essurément qu'une bien faible idée de ce que peut être la
lant qu'états partictiliers. Ce gui subsiste, c,est tout ce
qu.i a.une
réalisation métaphysique, il faut faire une remarque qui
réâlilé positiïê, puisque c'est là que tout a son cst tout à .làit essentielle pour éviter de graves erreurs
principe ; I'étr.e < délivré D est vl.âiment etr posscssion
de la d'interpréta lion : c'€st que tout ce dont il s'agit ici n'a
plénitude de scs possibilités. Ce qui a disparu,
ce sont seu_ aucun rapport avec des phénomènes quelconques, plus
lement les conditions linritatives, dont la réalité est
toute ou rnoins extraordinaires. Tout ce qui esl phénomène est
négative, puisqu'elles ne représcntcnt qu'une < priÏation
> d'ordre plrysique; la métaphysique est au delà des phé-
au sens où Aristote enteudait cc mot. Aussi, bien loin
nomènes; et nous prenons ce mot dans sa plus grande
d'être une sorte d'anéantissemeut comme le croient généralité. Il résulte de là,entre sutres conséquences, que
quelgues Occidentaux, cet état linal est au contmire
les étals dont il vient d'êtr-e parlé n'out absolument rien
I'absolue plénitude, la rdalité suprêrne vis_à-vis
de laquelle de < psycbo{ogiquc ); il fatt le dirc nettenrent, parce qu'il
loul Ie reste n'cst qu'iilusion.
s'est parfois produit à cel égard de singulières confusions.
Atoutons encore que lout résultât, mÉme pârtiel, obtenu
La psychologie, par délinition mênrc, ne saurâit avoif
pâr l'être au cours de Ia r.éalisatiorr métaphysique l,est
de plise <1ue sur de6 états humains, et encorer telle qu'on
d'une façon dilinitive. Ce résultat consfitue pour. cet Ctre
I'enlcud aujourd'hui, clle n'atteint qu'une zonc fort rcs-
une acquisilion Pcrnlanenle, que rien ne pcut jaurais
lui treinte rlans les possibilités de l'individu, qui s'étendent
fairepeldre; le travail accornpli dans cei orjre, mê_e bien plrrs loiu que lcs spécialistes de ccttc science ne
s'il vient ir ôlre interlompu âïant le ten)re linal, est làit
peu\'ent le supposer. L'indilidu huurain, en eflct, est à la
unc fois lrour tonles, par. là rnèmc qu,il est hors du fois beaucoup plus et beâucoup moins qu'on ne le pense
tentps. Cclî esl vra i mênre de la sirn plc connaissauce théo_
d'ortlinaire cn Occirlent: il est bcatrcorrp plus, err r:rison de
rique,- car Loutc conrtaissance porte sotr fruit en
elle_nrême, ses possibilités d'e\tension inddlinic arr rlclir dc.la nlodalité
bicn diflï,rentc en cela de l,action, qui n'est qu,une modi_
corpol'ellc, ri loquelle se ra.ppoltc cn solnntc lout ce qrr'on
Iication rnonrcntanée de l'ètre et qui est toujours sépa_
réc tle ses ell'ets. Ceux.oi, dn restc, sont du rnôme dornaine
en élndic comnrtnémcnt; mais il csl lussi beaucoup
moins, pnisque, bien loin de constituer uo êtrc complet et
etrlu nrêrne ordr.e d'existence que ce qui les a produils;
se su0isanl ri lui-mêrne, il n'est qriunc rnnnilestation cxlé-
I'action trc peut avoir pour. cfl.et de libércr de làctiorr, ei
rieut'c, urrc aPparcnce [ugilivc revtllue par l ôtrc véritallle,
ses consérluences ne s'étendelrt pas au delà tles linrites
de et dont I'essence de celui-ci n'est nullelncnt âflectdc dans
l'inrlilidualilé, cnvisai;ée rl'ailleur.s rlans I,intégr.alifé de
son imnrutabilité.
I'ex tension dout elle est srrsccptible. L'aclion, queilequ,clle
I I faut insister srrr ce point, que lc domail)r métâphysique
soil, n'étnt)t pas opposde à I'ii;norance qui cst la racine de
est cntièlement cn dehors du nronde ph(inonrd'r)t\l, (!ar lcs
f

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r|odernes, habituellement, neconnaissent et nerecherclrent et d'âutres, basés 8énémlement str ce que nous pouvons
guère que les phénomènes; Cest à ceux-ci qu'ils stitrtércssent appeler la science du rythme, Rgurent elfectivement parrni
presque exclusivement, comme en témoigne d'ailleurs le les moyens les plus usités en vue de la réalisation métaphy-
développement qu'ils ont donné aux sciences expérimen- sique; mais qu'on ne pFenne pas Pour la fln ce qui n'cst
tales ; et leur inaptitude métaphysique procède de la même qu'un moyen contingent et accidentel, et qubn ne prenne
tendance, Sans doute, il peut arriver que certains phéno- pas non plus porlr la signification originelle d'un mot ce
mènes spéciaux se produisent dans le travail tle réalisation qui n'en est qu'une acception secondaire et plus ou
métaphysique, mais d'une façon tout accidentelle : c.est là moins détournée.
un résultat plutôt fâcheux, car les choses de ce genre ne En parlant de ce qu'est primitivement le ( Yoga )), et en
peuvent être qu'un obstacle pour celui qui serait tenté d'y disant que ce mot a toujours désigné essentiellement la
attacher quelque importance. Celui qui se laisse arrêter et même chose, on peut songer à poser une question dont
détourner de sa roie par leS phénomènes, celui surtout tlui nous n'avons rien dit jusqu'ici: ces doctrines métaphysiques
se laisse aller à rechercher des <<pouvoirs I exceptionnels, traditionnelles auxquelles nous empruntons toutes les don-
a bien peu de chances de pousser ls réalisation plus loin nées que nous exposons, quelle en est I'origine? La réponse
que le degré auquel il est déjà arrivé lorsgue survient cette est très simple, encore gu'elle risque de soulever les pro-
déviation. testations de ccux qui voudraient tout envisager au point
Cette remarque amène naturellemenl à rectiffer quelques de vue hislorique : Cest qu'il n'y a pas d'origine ; nous vou-
interprétations erronées qui ont cours au sujet du terme lons dire par là qu'il n'y a pas d'origine humaine, suscep-
de Yoga > ; n'a-t-on pas prétendu parfois, en effet, que ce
<< tible d'être déterminée dans le temps. En d'autres termes'
que les Hindous désignent par ce mot est le développe- I'origine de la tradition, si tant est que ce mot d'origine
ment de certains pouroirs latenls de l'être humain? Ce ait encore une raison d'être en pareil cas, est(non-bu-
que nous venons de dire suflit pour montrer qu'uoe telle maine > comme la métapbysique elle-rnême. Les doclrines
délinition doit être r.ejetée. En réalité, ce mot ( yoga ) est de cet ordre n'ont pâs apparu à un moment quelconque de
celui que nous avons traduit aussi littéralemenl que pos- I'histoire de l'humanité : I'allusion que nous avons faite.à
sible par < Union ) ; ce qu'il désigne proprement, c'est donc l'( état primordial >, et aussi, d'autre part, ce que nous
le but suprêmede la réalisation métaphvsique; et le<yogi > avons dit du caractère intemporel de tout ce qui est méta'
si I'on veut I'entendre au sens le plus str.ict, est unique- physique, devraient permettre de le comprendre sans trop
ment celui qui a atteint ce but. Toutefois, il est ïrai que; de difliculté, à la condition qu'on se résigne à adnrettre,
par cxtension, ces mêmes termes sont, dans certains cas, contrairement à certains préjugés, qu'il y a des choses aux-
appliqués aussi ii des stades prépâratoires à l'< Union > ou quelles le pointdevue historique n'est nullementapplicable'
mêmc à tle simples movens préliminaires, et à l'être qui est La vérité métaphysique est éternelle; par là môme, il y a
parvenu aux états correspondanls à ces stades ou qui em- toujours eu des êtres qui ont pu la connaître réellement et
ploie ces rnoyens pour y parvenir. I\lais comment pourrait- totalement. Ce qui peut changer, ce ne sont que des formes
on soutcnil qu'uu mot dont le seus premier est < Union > extérieures, des moyens contingents ; et ce changement
désigne proplement et primitivement des exercices respi- même n'a rien de ce que les modernes appellent ( évolu-
ratoires ou quelque antrc chose de ce genre ? Ces exercices tion >, il n'est qu'une simple âdaptation à telles ou telles

t
_24 _ -25 -
circonslances particulières, auxconditions spéciales d'une Pour nous, la grande différence entr€ l'OÉent et I'Occi'
race ou d'une époque déterminée, De là résulte la multipl! dent (et ll s'agit ici exèlusivement de I'Occident moderne)'
cité des formes ; mais le fond de la doctrine n'en est aucu- la seule différence même qui soit vrâiment essenlielle' car
nement modifté ou affecté, pas plus que I'unité et I'identité toutes les autres en sont dérivées, c'est cêlle-ci : d'une part'
essentielles de l'êlre ne sont altérees par la multiplicité de conservation de la tradition avec tout ce qu'ellc implique ;
ses états de manifestalion. de I'autrei oubli et perte de cette meme lradition; d'un
La connaissance métaphysique, et la réalisation qu'elle côté, maintien de la connaissance métaplrysique ; del'autre'
implique pour étre vraiment tout ce qu'elle doit être, sont ignorance complète de tout ce qui se rapporle à ce domaine.
donc possibles parlout et toujours, en principe tout au Entre des civilisations qui ouvrent à leur élite les possi-
moins, et si cette possibilité est envisagée d'une façon bilités que nous avons €ssayé de faire entlevoir, qui lui
absolue en quelque sorte; mais en fait, pratiquement si donnent les moyens les plus appropriés pour réaliser efrec-
l'on peut dire, et en un sens relatif. sont-elles égâlement tivement ces possibilités, et qui, à quelq[es-uns tout au
possibles dans n'imporle quel milieu et sans tenir le moins, permettent ainsi de les réaliser dans leur plénltude'
moindre compte des contingences ? Là-dessus, nous sefons entre ces civilisations traditionnclles et une clvilisation
beaucoup moins alnrmatif, du moins en ce qui concerne qui s'est développée dans un sens purement matériel, com-
la réalisation ; et cela s'explique par le fait que celle-ci, à ment pourmit-on irouver une commtlne mesure ? Et qni
son commencement, doit prendre son point d appui dans donc, à moins d'être aveuglé parje ne sais quel parti pris;
I'ordre des contingences,Il peut y al'oir des conditions par- osera prétendre que la supériorilé rnatérielle compense
ticuliérement défavorables, comme celles qu'offre le monde I'infériorité intellcctuelle ? Intellectirelle, disons-nous;
occidental moderne, si défavorables qu'un tel travail y est mais en entendant par là la véritablé intellecttlalité, cellé
à peu près impossible, et qu'il pourfait même être dan- qui ne se limite pas à I'ordre humain ni à I'ordre naturel;
gereux tle I'entreprendre, en l'absence de tout appui fourni cel)e qui rend possible la connaissance métaphysique pure
par le milieu, et dâns uue ambiance qui ne peut que con- dans son absolue transcendance. Il me semblé qu'il sufllt
trarier ct même annihiler les efforts de celui qui s'y livre- de réfléchir un instant à ces questions pour n'avoir aucun
rait, Pâr contre, les civilisations que nous appelons tradi- doute ni aucune hésitation sur la répdnse qu'il convient
tionnelles sont organisées de telle façon qu'On peut y d'y âpporter.
rensontrer une aide efiicace, qui sans doute n'est pas La supériorité matérielle de I'Occident moderne n'est
rigouleusemcnt indispensable, pas plus que tout ce qui est pas contestable ; personne ne la lui contestè non plus,
extérieur, mais sans laquelle il estcependant bien diflicile mais personne ne la lui envie, Il faut aller plus loin : ce
d'obtenir des résultats ellectifs. Il y a là quelque chose qui développemett matériel excessif, I'Occident risque d'en
dépasse les forces d'un individu humain isolé, même si périr tôt ou tards'il ne seressaisit àtemps, et s'il n'en vient
cet individu possède par ailleurs lcs qualifications requi- à envisager sérieusement le < retour aut orl8ines )i srli'
ses; aussi ne voudrions-nous encourager personne, dans vânt une elpression qui est en usa6e dans certaines écoles
les conditions présentes, à s'engager inconsidérément d'ésotérisme islamigue. De divers côtés' on parlè beau:
dans une telle entleprise ; el ceci va nous conduire direc- coup aujourd'bui de < défense de I'Occident D ; rnÈis,tflâl.
tement à notre conclusion. heureusement, on ne seûtble pss aomprendre que c'est
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contre lui-Eême surtout que I'Occident a besoin d'étre
défendu, que c'est de ses propres tendeDces actuetl€s que
Tienlent les principaux et les plus redoutables de tous
les dangera qui le menacent réellement. ll serait bo! de
méditer lÀ-dessus un peu profondément, et lbn tre saumit
trop y intiter tous ceux qui sont encore capables de réflé-
chir. Aussi est-ce par là que je terminerai tnon exposé,
henreur sij'ai pu fairc, ainon comprendrc pleinement, du
moins pressentir quelque choss de cette irrtellestualité
orientele dont l'équivalent ne se trouve plus en Occident,
ct donner uE ap€rçu, si imparfait soit-il, de ce qubst la
métaphysique vraie. la connaissance per ercellence, qui
est, conne le digent les tertes sacrés de I'Inde, seule
eltièrenent vériteble, absolue, in0Die etEuprême.

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