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Taylor Anne-Christine. A. Hornborg, Dualism and Hierarchy in Lowland South America. Trajectories of Indigenous Social
Organization. In: L'Homme, 1990, tome 30 n°113. pp. 175-177;
http://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1990_num_30_113_369224
du mal à déceler. Ainsi, dans les communautés mexicaines, la consommation d'alcool tend-
elle paradoxalement à renforcer le contrôle social en conférant à l'ivrogne un statut spécial
qui lui permet de condamner à voix haute certaines déviances. S. Brandes choisit de décrire
une autre institution paradoxale de contrôle, la fête, qui, tout en semblant rompre l'ordre
quotidien, contribue en fait à le réaffirmer.
C'est à Tzintzuntzan, communauté de l'État de Michoacan, que l'auteur a mené son
enquête, bénéficiant du soutien et des connaissances de George Foster, dont les observations
dans la localité ont débuté en 1945. Une description minutieuse de fêtes relevant bien plus
d'un catholicisme « folk » que de traditions indigènes débouche sur la question suivante : à
quoi servent aujourd'hui les festivités de la Toussaint, des posadas de Noël, de la Vierge de
Guadalupe et du Carême ?
L'une de ses plus belles analyses concerne une « danse » exécutée à l'occasion de la fête
du Señor del Rescate qui précède Pâques. Elle consiste en une procession de toutes jeunes
filles figurant des anges et d'hommes masqués incarnant des diables et la Mort. Ces derniers
se livrent à de multiples facéties, simulant en particulier des agressions sexuelles. S. Brandes
montre que, contrairement aux apparences, ce jeu réaffirme les règles morales en présentant
un comportement inadéquat qui provoque la gêne, la peur et le rire. Il n'est pas surprenant
d'apprendre que les hommes qui jouent le rôle des diables et font mine de perturber le
déroulement de la cérémonie sont les véritables chefs d'orchestre du spectacle : en agressant
les spectateurs et les anges, ils s'assurent en effet que chacun reste bien à la place qui lui est
assignée. Jusqu'ici, donc, tout dans l'analyse contribue bien au « contrôle social ».
Cependant l'auteur va plus loin lorsqu'il explique que les hommes sont choisis pour incarner
les diables parce que dans le village on les considère comme incapables de contrôler leurs
pulsions sexuelles. On songe ici à Romanucci-Ross pour qui plusieurs codes moraux
s'affrontent dans le monde rural mexicain1. Si une même fête est perçue différemment par
diverses catégories de villageois, le recours à la simple notion de « contrôle social » ne
risque-t-il pas de gommer les tensions qui s'y expriment, et, finalement, de faire apparaître
comme banale la riche et fine analyse que nous propose S. Brandes des fêtes de
Tzintzuntzan ?
Daniele Dehouve
Laboratoire d'Ethnologie et de Sociologie comparative
Université de Paris X — Nan terre
Lola Romanucci-Ross, Conflict, Violence, and Morality in a Mexican Village, Chicago & London,
The University of Chicago Press, 1986 ; cf. notre compte rendu dans L'Homme 106-107 : 349.
Il faut sans doute des gènes de Viking pour entreprendre un travail aussi ambitieux que
celui-ci, qui traite en général du rapport entre classifications et comportements, et en
particulier de la relation entre alliance, organisation dualiste, systèmes terminologiques et
hiérarchie sociale, le tout dans le cadre d'un tableau global et évolutif de la parenté sud-
amérindienne. Voici donc cet essai de synthèse que tous les chercheurs américanistes
attendaient sans oser eux-mêmes l'entreprendre, tant les décourageait l'accumulation de
données ethnographiques nouvelles, d'interprétations contradictoires et de débats confus.
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variantes structurales ; d'autre part l'échange complexe, inconnu, nous dit rondement
l'auteur, en Amérique du Sud indigène. Quant aux systèmes semi-complexes, Hornborg n'en
a apparemment jamais entendu parler, et il n'envisage à aucun moment la possibilité,
pourtant largement débattue par les spécialistes, que les systèmes gê du Brésil central
puissent appartenir à ce type de structures. Même chose pour le type dravidien qu'il
considère, à la suite de Trautmann, comme un simple principe classificatoire originellement
lié au mariage des cousins, et jamais comme un système de parenté sui generis fondé sur la
relation d'alliance. Cette position théorique bâtarde, à mi-chemin de Needham et du
structuralisme, est d'autant plus inconfortable qu'elle ne permet en aucun cas de justifier la
distinction d'une aire de parenté spécifiquement « amazonienne » ; si l'on peut
raisonnablement admettre une certaine unité sud-amérindienne en ce qui concerne les formes
d'organisation sociale et notamment politique, et même légitimement reconnaître l'existence
d'une structure de parenté (au vrai sens du terme) caractéristique d'une majorité de sociétés
selvatiques tropicales, au plan analytique où se situe Hornborg — celui des « principes
classificatoires » — tout ce qui peut être spécifiquement américain est nécessairement
dissous, et il n'y a plus aucune raison dès lors de s'arrêter aux frontières du sous-continent !
Ce livre admirablement édité, attachant par son ambition théorique, son allant et la
modestie de l'auteur, soulève donc bien des problèmes. Ce n'en est pas moins un ouvrage de
référence indispensable pour les américanistes, plus généralement pour tous ceux qui
s'intéressent à la parenté, et un inestimable condensé des nombreux débats relatifs à la
parenté sud-amérindienne.
Anne-Christine Taylor
CNRS, Paris
Harald O. Skar & Frank Salomon, eds., Natives and Neighbors in South America.
Anthropological Essays. Göteborg, Göteborg Etnografiska Museum, 1987, rv + 488 p.,
fig., tabl., cartes (« Etnologiska Studier » 38).
Ce volume réunit des contributions présentées lors d'un séminaire organisé en 1985 par
l'Institut d'Anthropologie sociale de l'Université de Göteborg. Son objectif est d'honorer la
mémoire d'Erland Nordenskiöld, d'illustrer la continuité de la tradition américaniste dont ce
savant est à l'origine, enfin d'offrir aux étudiants Scandinaves un panorama des recherches
actuelles dans ce domaine. Comme la très grande majorité des readers de ce genre, celui-ci
doit le jour à des considérations institutionnelles et à des stratégies de carrière plutôt qu'à
des raisons véritablement scientifiques. De fait, cette publication collective ne se justifie
guère : le seul point commun de l'ensemble, outre un certain optimisme historique, est
d'exposer clairement le contexte de domination coloniale et néo-coloniale dans lequel
s'inscrivent les groupes indigènes étudiés. C'est bien ; mais est-ce assez ? Cela dit, le volume
n'est pas plus mauvais que d'autres si ce n'est qu'il est truffé de coquilles, et il serait sans
doute injuste de lui faire porter le chapeau des aberrations editoriales liées à l'industrie
académique. D'autant que la plupart des contributions sont de bonne qualité, au moins
informatives, parfois neuves et stimulantes.
Après une utile notice biographique et bibliographique consacrée à Nordenskiöld et à
l'Institut de Göteborg, suivie d'une introduction générale, pédagogique sinon originale, de
M. Mörner, le livre se divise en quatre parties. La première, qui porte sur le nord du sous-
continent, comprend un intéressant article de S. E. Isacsson relatif à la manipulation des