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LIBERTES PUBLIQUES

PREMIERE PARTIE - LA THEORIE GENERALE DES LIBERTES ....... 3

TITRE 1 - LA RECONNAISSANCE DES LIBERTES .................................. 3

CHAPITRE 1 - LES TEXTES JURIDIQUES INTERNES.................................................. 4


Section 1 - Les textes historiques ....................................................................................... 4
Section 2 - Les textes actuels............................................................................................ 11

CHAPITRE 2 - LES TEXTES JURIDIQUES INTERNATIONAUX ................................................. 16


Section 1 - Les textes universels...................................................................................... 17
Section 2 - Les textes européens....................................................................................... 20

TITRE 2 - L’EXERCICE DES LIBERTES ................................................... 23

CHAPITRE 1 - LES CONDITIONS D’EXERCICE DES LIBERTES .............................. 24


Section 1 - L’encadrement des libertés ........................................................................... 24
Section 2 - Les limites des libertés ................................................................................. 28

CHAPITRE 2 - LES GARANTIES D’EXERCICE DES LIBERTES ............................... 33


Section 1 - Les garanties internes .................................................................................... 33
Section 2 - Les garanties internationales......................................................................... 45

DEUXIEME PARTIE - LE REGIME JURIDIQUE DES LIBERTES....... 51

TITRE 1 - LES LIBERTES INDIVIDUELLES ............................................ 52

CHAPITRE 1 - LES LIBERTES DE LA PERSONNE....................................................... 52


Section 1 - La liberté d’aller et venir ............................................................................... 52
Section 2 - La sûreté........................................................................................................ 60
Section 3 - Le respect de la vie privéE ............................................................................. 69

CHAPITRE 2 - LES LIBERTES CORPORELLES ............................................................ 75


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Section 1 - La vie et la mort ............................................................................................ 75


Section 2 - Le respect de la dignité humaine .................................................................. 78

CHAPITRE 3 - LES LIBERTES ECONOMIQUES .......................................................... 82


Section 1 - Le droit de propriété ...................................................................................... 82
Section 2 - La liberté d’entreprendre............................................................................... 85

TITRE 2 - LES LIBERTES COLLECTIVES ............................................... 86

CHAPITRE 1 - LES LIBERTES « CIVIQUES »................................................................ 86


Section 1 - La liberte de reunion et de manifestation ...................................................... 86
Section 2 - La liberté d’association.................................................................................. 91

CHAPITRE 2 - LES LIBERTES CULTURELLES ............................................................ 96


Section 1 - La liberté d’expression et de communication ................................................ 96
Section 2 - La liberté de l’enseignement ........................................................................ 100
Section 3 - La liberté religieuse ..................................................................................... 105

CHAPITRE 3 - LES LIBERTES SOCIALES .................................................................. 109


Section 1 - La liberté syndicale ...................................................................................... 109
Section 2 - Le droit de grève .......................................................................................... 110

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. 112

TABLE DES MATIERES ................................................................................................. 113

L’expression « Libertés publiques » est classiquement utilisée en France. Pourtant, la notion


même de libertés publiques est relativement complexe.
D’abord parce qu’il n’existe aucune définition de la liberté en droit positif, ensuite parce que
la Constitution elle-même renvoie à des notions diverses. Elle évoque en effet les « Droits de
l'homme » dans son préambule « Le peuple français proclame solennellement son
attachement aux Droits de l'homme ( .. ) tels qu'ils sont définis par la Déclaration de 1789,
confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946. ». La Déclaration de
1789 commence elle-même par rappeler que « l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de
l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements »
et entend exposer « les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme ». Enfin, selon le
Préambule de la Constitution de 1946, le peuple français proclame que tout être humain «
possède des droits inaliénables et sacrés ». Le Préambule de 1958 réaffirme quant à lui « les
droits et les libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de
1789».
Si la notion de droit de l’Homme est présente dans les différents éléments du Préambule, celle
de liberté est utilisée dans les différents articles de la Constitution.
Ainsi, selon l’article 34, la loi seule est compétente pour fixer « les droits civiques et les
garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques » .
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L’article 66 quant à lui précise que « nul ne peut être arbitrairement détenu … L’autorité
judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les
condition prévues par la loi ».
L’article 72 évoque les libertés locales : « les collectivités locales s’administrent librement ».

Libertés publiques, droits de l’Homme, les deux expressions sont proches. Cependant elles ne
se confondent pas.
La notion de « droits de l'homme », relève de la conception du Droit naturel selon laquelle
l'homme, parce qu'il est homme, possède un ensemble de droits, inhérents à sa nature. La
notion transcende donc sa reconnaissance par les textes. C’est la raison pour laquelle c’est le
Préambule de la Constitution et singulièrement la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen qui renvoie à cette notion.
De la notion de droits naturels, liés à la personne humaine, indépendamment des pouvoirs
publics, on passe à celle de libertés publiques, qui sont des droits humains reconnus et
protégés par la Constitution, par les lois mais aussi et par des conventions internationales.
Cette reconnaissance s’est faite par étape. C’est d’abord la loi qui a garanti les libertés
publiques, notamment sous la IIIe République. C’est la raison pour laquelle le préambule de
1946 renvoie aux Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
Aujourd’hui, les libertés publiques ont vu leur statut renforcé puisque leur garantie est
constitutionnelle. C’est ce qui explique que parfois l’on préfère parler de libertés
fondamentales.
Les libertés publiques se sont diversifiées avec le temps et en raison notamment de la
jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il sera donc nécessaire d’étudier le régime juridique
des différentes libertés publiques, mais avant il nous paraît utile de préciser les garanties, les
conditions, le cadre dans lesquelles les libertés s’exercent c’est à dire la théorie générale des
libertés publiques.

PREMIERE PARTIE - LA THEORIE GENERALE DES LIBERTES

Les libertés publiques ont été progressivement reconnues juridiquement. Et c’est parce
qu’elles étaient reconnues qu’elles ont pu alors s’exercer.

TITRE 1 - LA RECONNAISSANCE DES LIBERTES


La reconnaissance des libertés s’est faite tant sur le plan interne que sur le plan international.
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CHAPITRE 1 - LES TEXTES JURIDIQUES INTERNES

Les textes sont anciens pour beaucoup d’entre eux. Mais bien sûr ce sont les textes actuels qui
sont les plus nombreux.

SECTION 1 - LES TEXTES HISTORIQUES

Les textes étrangers ont largement influencé les textes français.

§ 1 - LES TEXTES ETRANGERS

A - Les textes anglais


a) La Magna Carta Libertatum du 12 juin 1215

Le Souverain anglais Jean Sans-Terre, a dû faire face à la révolte de ses barons après la
défaite de Bouvines (1214). Ces derniers, émigrés en France, rédigent à l'abbaye cistercienne
de Pontigny (dans l'Yonne) la Magna Carta
Par ce long texte en latin de soixante trois articles le Roi s'engageait ainsi que ses « héritiers,
pour toujours » d'accorder « à tous les hommes libres de notre Royaume » les droits et libertés
énoncées.
En particulier, la Charte énumère les privilèges accordés à l'Eglise d'Angleterre, à la Cité de
Londres, aux marchands, aux dignitaires féodaux du régime et les garanties précises
concernant la liberté individuelle des sujets: « Aucun homme libre ne sera arrêté ou
emprisonné si ce n'est en vertu du jugement légal de ses pairs ou en vertu de la loi du pays ».
Elle pose également le principe du consentement de l’impôt par le Parlement ou plutôt
l’ancêtre de celui-ci. « Aucun impôt ou aide ne sera imposé, dans Notre Royaume, sans le
consentement du Conseil Commun de Notre Royaume »
La Grande Charte est le premier texte établi contre l'arbitraire de la Couronne et prévoyant
des mesures de protection précises des libertés individuelles. Il sera repris et élargi par la
suite, entre autres le 5 novembre 1297 sous le règne d'Edouard Ier.

b) La Pétition des droits du 7 juin 1628

Charles Ier d'Angleterre, en lutte contre la France et l'Espagne, doit convoquer le Parlement
pour lui réclamer des subsides. Avant de les voter, les membres du Parlement (Chambre des
Lords et Chambre des Communes) lui imposent la Pétition des droits (rédigée en anglais). Ses
onze articles garantissent à la fois des principes de liberté politique (respect des droits du
Parlement) et de libertés individuelles (sécurité du peuple).
Parmi ceux-ci on peut citer, l’interdiction de lever l'impôt sans l'accord du Parlement,
l’interdiction des arrestations arbitraires et des tribunaux d'exception, le droit pour l'accusé à
une procédure régulière, le respect des droits et libertés selon les lois et les statuts du royaume
Acceptée par le roi, la pétition fut appliquée deux ans: la paix conclue, n'ayant plus besoin du
Parlement, Charles Ier régna en souverain absolu jusqu'à sa mort en 1649.

c) L’acte d’Habeas Corpus de 1679


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La procédure d'habeas corpus garantit la liberté individuelle contre les risques d'arrestations et
de répressions arbitraires. L'Acte de 1679 fut rédigé sous le règne de Charles II par les
membres du Parlement pour se protéger contre des pratiques alors courantes. Il dénonce les
abus et énumère des règles précises concernant le respect des droits des accusés et des
prisonniers.
« En vue d'éviter cet état de choses et de hâter le plus possible la libération de
toutes les personnes emprisonnées pour ces affaires criminelles ou supposées
criminelles ; qu’il soit décidé par sa Majesté le Roi, sur l’avis et le consentement
des lords spirituels et temporels et des Communes assemblées dans le présent
Parlement, et par leur autorité, que chaque fois qu'une ou des personnes, quelles
qu'elles soient, apporteront un Habeas Corpus, adressé à un sheriff (... ) geôlier,
ministre ou toute autre personne quelle qu'elle soit, en faveur de toute personne
confiée à sa, ou à leur garde, et que ledit writ sera remis audit officier, ou laissé à
la geôle ou prison entre les mains d'officiers subalternes, de gardiens ou de
représentants de ces officiers, ledit officier devra dans les trois jours après la
remise du writ (...) remettre ou faire remettre le prisonnier ou détenu en personne
au Lord-chancelier ou au Lord gardien du grand sceau d'Angleterre (...) et devra
alors également faire connaître exactement les causes véritables de la détention
ou emprisonnement (... )

d) Le Bill of Rights du 13 février 1689

Les exactions des Stuart en matière financière et leur méconnaissance des droits du Parlement
sont à l’origine des deux Révolutions d'Angleterre : celle de 1640 et celle de 1688. La
première conduisit à l’exécution de Charles 1er et à l’instauration de la République par
Cromwell, mais ses excès provoquèrent le rétablissement de la monarchie. La seconde
Révolution, devait marquer le triomphe définitif du Parlement. Jacques II est chassé du trône ;
pour l'y remplacer, le Parlement fait appel à sa fille Marie et à son gendre Guillaume
d'Orange.
Mais pour y accéder, ils doivent, accepter le Bill of Rights (Déclaration des droits) que les
Chambres ont voté et qui limite considérablement les pouvoirs du Roi.
Il s'agit donc pour la première fois, d'un véritable contrat établi entre les souverains et le
peuple, lui-même souverain, contrat qui met un terme au concept de monarchie de droit divin.
La Déclaration des droits énumère les droits reconnus au peuple depuis 1215. L'article
premier énonce un principe essentiel: l'autorité royale n'a pas force de loi; la loi est au-dessus
du roi. Les autres articles développent ce principe. Le peuple a le droit de pétition, le droit de
voter librement, des garanties judiciaires et la protection de ses libertés individuelles. Peu de
temps après, la liberté de culte sera accordée aux protestants.

B - Les textes américains

Dans les colonies anglaises d'Amérique, seront reconnus un certain nombre de droits
individuels dès le milieu du XVII siècle. Le Body of Liberties élaboré dans la colonie
puritaine du Massachusetts en 1641 énonçait quelques libertés, à l'exclusion de celle de
conscience, incompatible avec le régime théocratique mis en place par les puritains. La liberté
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de conscience est par contre reconnue, dès 1649, dans le Maryland, , et en 1663 dans le Rhode
Island. Dans le New Jersey, la Pennsylvanie et le Delaware, la liberté de conscience est
assurée à la fin du XVII siècle. En revanche, les colonies du Sud demeurent fermées à tout ce
qui peut annoncer la tolérance.

a) La déclaration des droits de Virginie

La Virginia Bill of Rights fut la première à être rédigée pour accompagner la Constitution de
l'Etat de Virginie. Adoptée le 12 juin 1776, elle fut utilisée par Jefferson pour rédiger la
première partie de la Déclaration d'indépendance et servit de base aux dix premiers
amendements de la Constitution. Ce texte, traduit en Français, eut lors de la Révolution
française une grande influence sur le comité chargé du travail sur la Constitution et de
l'élaboration de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
L'article 1er de la Déclaration de Virginie affirme que les hommes « ont des droits certains,
essentiels et naturels, dont ils ne peuvent, par aucun contrat, priver ni dépouiller leur
postérité ». Les dix sept autres articles énumèrent des droits proches de la notion moderne de
droits de l'homme : égalité de tous les hommes, séparation des pouvoirs législatif et exécutif,
pouvoir au peuple et à ses représentants, liberté de la presse, pouvoir militaire subordonné au
pouvoir civil, droit à la justice, liberté de culte. Les droits de la personne humaine sont
considérés comme des droits naturels, qu'aucun régime ne peut réduire. Certains droits sont
inaliénables. Le même mois fut élaboré la Déclaration des droits des habitants de
Pennsylvanie.

b) La Déclaration d'Indépendance américaine du 4 juillet 1776

Adoptée le 4 juillet 1776 à Philadelphie et rédigée par Thomas Jefferson, la Déclaration de


l'Indépendance « considère comme des vérités évidentes par elles-mêmes que les hommes
naissent égaux, que leur Créateur les a dotés de certains droits inaliénables parmi lesquels
sont la vie, la liberté, la recherche du bonheur, que les gouvernements humains ont été
institués pour garantir ces droits ».
La Déclaration énonce des droits qui deviennent autant de raisons de justifier l’indépendance :
« Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont
créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits
se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis
parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des
gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le
peuple a le droit de la changer ou de l'abolir et d'établir un nouveau gouvernement, en le
fondant sur les principes et en l'organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à
lui donner la sûreté et le bonheur. ….
… En conséquence, nous, les représentants des Etats-Unis d'Amérique (... ) publions et
déclarons solennellement au nom et par l'autorité du bon peuple de ces colonies, que ces
colonies unies sont et ont le droit d'être des Etats libres et indépendants (... ) ; que, comme les
Etats libres et indépendants, elles ont pleine autorité de faire la guerre, de conclure la paix,
de contracter des alliances, de réglementer le commerce et de faire tous autres actes ou
choses que les Etats indépendants ont droit de faire. »

A la suite de cette déclaration, la plupart des anciennes colonies réviseront leurs constitutions
Huit d'entre elles y incluront des déclarations de droits entre 1776 et 1783. On peut citer
notamment la déclaration du Delaware adoptée en septembre 1776, celle du Maryland rédigée
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plus tardivement en novembre 1776 ou encore la déclaration de la Caroline septentrionale qui


date de décembre 1776, enfin on peut citer la déclaration du Massachusetts adoptée en mars
1780. Seuls le Connecticut et le Rhode Island n’établiront pas de déclaration.

c) Le Bill of rights

La Constitution de 1787 fut complétée par dix amendements, formulés par James Madison,
qui entrèrent en vigueur le 15 décembre 1791. Ils sont connus sous le nom de Bill of Rights.
Aucun de ces dix premiers amendements, ne mentionne de ce que l'on désignera plus tard, par
les termes de « droits économiques et sociaux », comme le droit à l'éducation, au travail, à la
Sécurité sociale. Aucun des dix sept autres amendements adoptés ultérieurement ne les
énonceront.
C’est seulement dans les années soixante-dix et quatre-vingt du XXe siècle que les juges
américains ont entrepris de réformer la société américaine dans les domaines des relations
raciales, de l'éducation et du bien-être social : de nouveaux droits sociaux sont donc apparus
très récemment aux États-Unis d'Amérique, grâce à l'« activisme » de l'institution judiciaire.

ARTICLE PREMIER [Limitation des pouvoirs du Congrès].


Le Congrès ne fera aucune loi relativement à l'établissement d'une religion ou en interdisant le libre exercice;
ou restreignant la liberté de parole ou de la presse; ou le droit du peuple de s'assembler paisiblement, et
d'adresser des pétitions au gouvernement pour une réparation de ses torts.
ART. II [Droit de porter des armes].
Une milice bien réglée étant nécessaire à la sécurité d'un Etat libre, le droit du peuple de détenir et de porter
des armes ne sera pas transgressé.
ART. III [Logement des soldats].
Aucun soldat ne sera, en temps de paix, logé dans une maison sans le consentement du propriétaire en temps de
guerre, si ce n'est de la manière prescrite par la loi.
ART. IV [Perquisitions et saisies].
Le droit des citoyens d'être garantis dans leurs personnes, domiciles, papiers et effets, contre des perquisitions et
saisies déraisonnables ne sera pas violé, et aucun mandat ne sera délivré, si ce n'est pour un motif plausible,
soutenu par serment ou déclaration solennelle, ni sans qu'il décrive avec précision le lieu à fouiller et les
personnes ou choses a saisir.
ART. V [Accusation; propriété].
Nul ne sera tenu de répondre d'un crime capital. ou infamant si ce n'est sur une déclaration de mise en
accusation (presentment) ou un acte d'accusation (indictment) d'un grand jury, sauf dans les causes nées dans
l'armée de terre ou de mer, ou dans la milice lorsqu'elle est en service actif en temps de guerre ou de danger
public; nul ne sera exposé pour le même crime à encourir deux fois une menace pour sa vie ou son corps; nul ne
se verra forcé de témoigner contre lui-même dans aucune affaire criminelle; ni ne sera privé de vie, de liberté ou
de propriété sans procédure légale convenable (without due process of law) nulle propriété privée ne sera prise
pour usage public sans juste indemnité.
ART. VI [Jugements criminels].
Dans toutes les poursuites criminelles, l'accusé aura droit à un jugement rapide et public par un jury impartial
de l'Etat et du district où le crime aura été commis, ce district ayant été préalablement déterminé par la loi, et
d'être instruit de la nature et du motif de l'accusation; d'être confronté avec les témoins à charge; de bénéficier
d'une procédure obligatoire de citation de témoins à décharge, et d'être assisté d'un conseil pour sa défense.
ART. VII [Jugement par jury].
Dans les procès de common law où la valeur en litige excédera vingt dollars, le droit au jugement par jury sera
respecté et aucun fait jugé par un jury ne sera examiné de nouveau dans une Cour des Etats-Unis autrement que
selon les règles de common law.
ART. VIII [Cautions ; amendes peines].
Des cautions excessives ne seront pas exigées, ni des amendes excessives imposées, ni des châtiments cruels et
inhabituels infligés.
ART. IX [Droits retenus par le peuple].
L'énumération, dans la constitution, de certains droits ne sera pas interprétée de façon a dénier ou diminuer
(disparage) d'autres droits retenus par le peuple.
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ART. X [Droits réservés aux Etats].


Les pouvoirs non délégués aux Etats-Unis par la constitution, ni refusés par elle aux Etats, sont réservés aux
Etats respectivement, ou au peuple.

§ 2 - LES TEXTES FRANÇAIS

Le premier des textes est bien sûr la Déclaration des droits de l’homme de 1789, mais, elle a
été suivie d’autres déclarations des droits qui n’ont pas eu le même sort.

A - La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789


La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 présente un double
intérêt. Non seulement elle est le premier texte de ce genre en France et donc historiquement
mais aussi symboliquement elle représente en matière de reconnaissance des droits de
l’homme un apport fondamental, mais de plus, elle est aujourd’hui consacrée par le droit
positif, puisque depuis la décision du Conseil constitutionnel, « Liberté d’association » du 16
juillet 1971 elle a valeur constitutionnelle. On est donc passé de la simple reconnaissance des
droits à la garantie des droits.

a) L’élaboration du texte

1. L’élaboration matérielle
Après six semaines de réunion des Etats Généraux à Versailles sans grands résultats, le Tiers-
état réagit le 17 juin 1789, en constatant qu’il représente 98 % de la population il se proclame
Assemblée Nationale avec l’appui d’une faible majorité du clergé et de quelques nobles.
Le 20 juin 1789, les membres de la nouvelle Assemblée Nationale se rendent en vain dans la
salle qui abrite ordinairement les Etats Généraux, mais la porte est close. Les députés,
présidés par Bailly, se rendent alors au Jeu de paume. C’est dans cette salle que les membres
de l’Assemblée Nationale prêtent le serment de ne jamais se séparer jusqu’à ce que la
Constitution soit parachevée.
Après la prise de la Bastille (14 juillet 1789), l'Assemblée constituante, vote dans la nuit du 4
août l'abolition de tous les privilèges et en préambule à la future Constitution du 3 septembre
1791, elle rédigera la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le projet de Sieyès
s’intitulera d’ailleurs « préliminaire de la Constitution », celui de Mounier « projet des
premiers articles de la constitution ». La discussion commencera le 20 août et se terminera le
26 par l’adoption des dix sept articles.

2. L’élaboration intellectuelle
Les rédacteurs de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen se sont inspirés en
partie des principes énoncés par les déclarations américaines. Mais la source originale de la
Déclaration est contestée. A la fin du XVIIIème siècle, certains auteurs se sont affrontés sur le
point de savoir si la France avait été ou non la patrie des droits de l’homme. Pour Emile
Boutmy, le créateur de l’Ecole libre des sciences politique, la Déclaration est purement
française : elle serait issue de l’humanisme et du siècle des lumières, Voltaire, Rousseau ou
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encore les physiocrates. Les Américains se seraient inspirés de ces mêmes œuvres pour
rédiger leur déclaration. G. Jellinek conteste cette origine et voit dans la Réforme, le
luthéranisme allemand, le puritanisme anglo-hollandais le point de départ de la Déclaration
d’indépendance américaine qui aurait alors influencé plus tard la rédaction de la Déclaration
des Droits de l’Homme et du Citoyen.
A vrai dire, la Déclaration se situe au confluent de divers courants intellectuels Elle appartient
à ce que Julien Benda appelle l’histoire démocratique des idées.

b) Contenu

Après un préambule, la Déclaration énonce les droits de l’homme et du citoyen ainsi que les
principes d’organisation politique inhérents à ces droits.

1. Le préambule
Le préambule emploie d’emblée un ton universel et abstrait en constatant l’existence des
droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme. Ces droits sont issus de la nature humaine,
il faut donc les reconnaître et les protéger. Il rappelle également le but de la Déclaration, c’est
à dire, limiter les pouvoirs, en instaurant des normes supérieures :
« afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque
instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ;
afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et
incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous »

2. Les droits des citoyens


Après avoir énoncé le « Crédo du Nouvel Age » - selon l’expression de Michelet - dans son
premier article « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », la Déclaration
énonce les droits de l’homme dans son article 2 : « Ces droits sont la liberté, la propriété, la
sûreté et la résistance à l'oppression ». Ils seront déclinés avec plus de précision par les
articles suivants.
Ainsi, la liberté reconnue est-elle non seulement, la liberté d'opinion et de religion (art.10),
mais aussi la liberté d'expression (art. 11). La sûreté, se traduit par le principe de la légalité
des peines (art.8) et par la présomption d'innocence (art. 9). Quant au principe d’égalité, il est
énoncé sous ses différentes formes : l’égalité devant la loi et la justice (art.6), l’égalité devant
l’emploi public (art. 6), l’égalité devant l’impôt (art.13).

3. Les principes d’organisation politique


L’article 16 de la déclaration rappelle que la Constitution a pour but de garantir les droits,
mais aussi de déterminer la séparation des pouvoirs. Ainsi sont rappelés les deux volets de la
Déclaration qui est conçue comme le préambule de la future Constitution.
Certes les droits énoncés seront garantis formellement par la Constitution, ainsi, le Titre
premier de la Constitution du 3 septembre 1791 rappellera les droits qu’elle garantit. Mais
ces droits ne peuvent vraiment être assurés que dans la mesure où la société politique dans
laquelle ils s’exercent, sera organisée selon certains principes.
Ces principes fondamentaux d'ordre politique sont la souveraineté nationale (art. 3), le
système de gouvernement représentatif (art. 3), la primauté de la loi (9 articles), la séparation
des pouvoirs (art. 16). Le consentement de l’impôt (art.14) ainsi que le principe de la
responsabilités des autorités publiques (art. 15)
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B - Les autres déclarations

a) La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de l'an I ( 1793)

La déchéance du roi et la proclamation de la République annule la Constitution de 1791.


Placée en tête de la nouvelle Constitution, une nouvelle Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen est votée par la Convention le 23 juin 1793.
Ses 35 articles reprennent les principes de la Déclaration de 1789 en insistant sur l'égalité,
qu'elle place au premier rang des droits naturels et imprescriptibles. Elle insiste également sur
la notion de solidarité et énonce un certain nombre de droits nouveaux : droit à l'assistance
(art. 21), droit au travail (art. 17 et 21), droit à l'instruction (art. 22), droit à l'insurrection (art.
35). L'article 18, « Tout homme peut engager ses services, son temps, mais il ne peut se
vendre ni être vendu », est le tout premier à s'élever contre l'esclavage.

b) La Déclaration des droits et des devoirs de l'homme et du citoyen de 1795

Plus restrictive que les deux précédentes, cette Déclaration les remplace à la tête de la
nouvelle Constitution après la chute de Robespierre. Son but, après les excès de la Terreur, est
de rétablir l'équilibre entre droits et devoirs. Elle supprime entre autres tous les nouveaux
droits de la Déclaration de 1793.

c) La Constitution de la Deuxième République 1848

Après la révolution de février 1848, le gouvernement provisoire fait rédiger une nouvelle
Constitution par une Assemblée élue. Elle établit le suffrage universel.
Son préambule rappelle l’esprit de la révolution en insistant sur les droits certes mais en
soulignant l’existence de devoirs « Les citoyens doivent aimer la Patrie, servir la République,
la défendre au prix de leur vie, participer aux charges de l'État en proportion de leur fortune
; ils doivent s'assurer, par le travail, des moyens d'existence, et, par la prévoyance, des
ressources pour l'avenir ; ils doivent concourir au bien-être commun en s'entraidant
fraternellement les uns les autres, et à l'ordre général en observant les lois morales et les lois
écrites qui régissent la société, la famille et l'individu. » Mais, ces devoirs sont réciproques
« La République doit protéger le citoyen dans sa personne, sa famille, sa religion, sa
propriété, son travail, et mettre à la portée de chacun l'instruction indispensable à tous les
hommes ; elle doit, par une assistance fraternelle, assurer l'existence des citoyens
nécessiteux, soit en leur procurant du travail dans les limites de ses ressources, soit en
donnant, à défaut de la famille, des secours à ceux qui sont hors d'état de travailler ».
L’aspect social, et l’apparition de droit-créances sont développés par la Constitution elle-
même.
Le chapitre 2 de la Constitution énonce des droits des citoyens reconnus par la République
comme étant supérieurs et antérieurs aux lois positives. Les libertés de 1789 sont réaffirmées
et prolongées. Il garantit la liberté d'enseignement, la liberté du travail, donne le droit
d'association et de pétition et abolit l'esclavage sur tout le territoire français (y compris les
colonies), abolit la peine de mort en matière politique, réduit les heures de travail, prend des
mesures sociales
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L’Etat est obligé à des interventions positives envers les citoyens (obligation de protection,
d'instruction, d'assistance, de procurer du travail), c’est l’apparition des droits de créances de
l'homme sur la société. L'individualisme est atténué et on reconnaît des droits à la famille,
ainsi que des libertés collectives aux individus.
Le caractère abstrait et l'universalisme des déclarations précédentes s'atténue : on prend en
considération l’infirme, le vieillard … L'énoncé des droits est souvent accompagné de
l'indication des moyens nécessaires pour les exercer pleinement : la liberté des cultes est
assurée par le versement d'un salaire au ministre des cultes ; le développement du travail est
assuré par l'enseignement gratuit, l'éducation professionnelle.

Les lois constitutionnelles de la IIIème République ne font aucune place aux droits et libertés,
mais la loi en consacrera beaucoup, notamment les libertés de réunion et de la presse (1881),
la liberté syndicale (1885), la loi sur les associations (1901). Le Conseil d’Etat favorisera
aussi leur essor en augmentant les pouvoirs du juge, en restreignant le domaine des actes de
gouvernement, et en élargissant l'accueil des recours pour excès de pouvoir. Des zones
d'ombre persistent : la liberté religieuse n'est pas reconnue.

d) Le préambule de 1946

Le préambule de la Constitution de 1946 réaffirme les droits de 1789 mais il tient compte des
apports de la IIIe République en ce domaine en faisant allusion aux « principes fondamentaux
reconnus par les lois de la République » (PFRLR) sans énoncer explicitement ceux-ci. Mais
surtout ce préambule «proclame,(…)comme particulièrement nécessaires à notre temps, les
principes politiques, économiques et sociaux » comme le droit de se syndiquer, de faire grève,
le droit au travail, etc…bref, des droits qui ne s’exercent que collectivement et dans le cadre
des rapports économiques et/ou sociaux. On peut donc considérer ce préambule comme le
volet économique et social des droits qui complète ainsi le volet civil et politique des droits
que constitue la Déclaration des droits de l’homme de 1789. C’est pourquoi le préambule
actuel de la Constitution renvoie à ces deux textes.

SECTION 2 - LES TEXTES ACTUELS

La Constitution ainsi que les lois et règlements reconnaissent les principales libertés
publiques.

§ 1 - LA CONSTITUTION

En élargissant la notion même de Constitution, le Conseil constitutionnel a permis


d’augmenter dans de larges proportions, le nombre et l’importance des normes protégeant les
libertés publiques.

A - L’élargissement de la notion de Constitution


12

Traditionnellement, la Constitution était conçue en France comme le statut de l’Etat. Or elle


est devenue également la Charte des libertés.

a) De la Constitution, « Statut de l’Etat » …

Pour de multiples raisons, notre conception de la Constitution en France a été limitée à la


fixation du seul statut de l’Etat. Aussi, la Constitution a-t-elle été pensée comme l’ensemble
des règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics. En France, ces
normes se trouvent, dans le corps même de la Constitution (les articles de la Constitution).
Cette conception se caractérise par les sujets visés. Ce sont en termes juridiques : les
institutions politiques et en termes sociologiques : les gouvernants. Cette conception se
caractérise aussi par l’objet de ces règles. Elles sont relatives à l’organisation et à la
composition des organes ainsi qu’à leur fonctionnement interne et externe. Cette conception
correspond à ce que le Doyen Hauriou appelait la Constitution politique.
Le citoyen et ses droits ne trouvent donc pas leur place dans la Constitution. Pourtant, selon
Benjamin Constant, « tout ce qui tient à la liberté est constitutionnel ». La Constitution peut
donc être un moyen de limiter le pouvoir, et donc de garantir la liberté-autonomie. C’est cette
conception qu’énonçait déjà la Déclaration des Droits de l’Homme dans son article 16 selon
lequel « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation
des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Or les constituants français ne se
soucieront que de la séparation des pouvoirs et envisageront ses différentes manières d’être.
Les droits et libertés continueront à être énoncés dans les préambules des Constitutions et
ceux-ci ne se verront pas reconnaître une valeur juridique et encore moins constitutionnelle
avant longtemps, c’est à dire avant la décision du Conseil Constitutionnel du 16 juillet 1971
«Liberté d’association ».

b) … à la Constitution, « Charte des libertés »

Pour que la Constitution devienne véritablement la « Charte des libertés » il fallait que son
préambule se vit reconnaître une valeur juridique. La doctrine et la jurisprudence eurent sur
cette question des positions différentes.

1. La valeur juridique du préambule et la doctrine


1.1. La théorie de la non valeur
La place même des préambules, en dehors des Constitutions plaidait en faveur de cette thèse.
Mais, c’est un argument de fond qui paraissait plus sérieux. Les préambules ne comportent
pas de règles de droit mais seulement des principes.
«Ce ne sont pas des articles de lois précis et exécutoires. Ce sont purement et simplement des
déclarations de principes » affirmait en son temps Adhémar Esmein, repris en cela par
Raymond Carre de Malberg :« La Déclaration des Droits de 1789 n’avait que la portée
dogmatique d’une déclaration de vérités philosophiques…, elle se ramenait à l’énoncé de
concepts du droit naturel, qui ont bien pu inspirer la Constitution de 1791…mais qui ne
sauraient être considérés comme des prescriptions juridiques ayant l’efficacité de régler le
droit positif. »
1.2. La théorie de la valeur
Pour, Maurice Hauriou, la Déclaration des Droits est une partie importante de ce qu’il appelle
la Constitution sociale, il est donc évident pour lui que le préambule fait partie de la
13

Constitution. Léon Duguit, qui pourtant partageait rarement les positions du Doyen de
Toulouse, allait dans le même sens. Pour lui en effet, la Déclaration avait une valeur
fondamentale. Elle est à la base même de notre système politique. Plus près de nous, Georges
Vedel était de ceux qui estimaient qu’il fallait se prononcer au cas par cas sur cette question.
Certaines dispositions des préambules étant suffisamment précises pour être considérées
comme des règles de droit. Le préambule avait donc une valeur relative.

2. La valeur juridique du préambule et la jurisprudence


Le Conseil Constitutionnel a reconnu au préambule de la Constitution une valeur
constitutionnelle, mais seulement en 1971. Avant et notamment sous la IVe, il n’avait qu’une
valeur inférieure à la Constitution.
1.1. La situation sous la IV ème
La Constitution de 1946 avait mis en place dans son article 91 un Comité Constitutionnel
compétent pour se prononcer sur la constitutionnalité des lois, à deux restrictions près :
- La sanction de la non-conformité d’une loi à la Constitution était …la révision de la
Constitution. C’est donc la Constitution qui était mise en conformité avec la loi.
- La conformité ne pouvait s’apprécier que par rapport aux articles de la Constitution (art 92
de la Constitution)
En d’autres termes le juge constitutionnel ne pouvait pas se prononcer sur la question.
Le juge judiciaire pourra aller plus loin. Quelques décisions ont reconnu au Préambule une
valeur juridique supérieure aux actes sous seing privés. Ainsi, la Cour de Cassation a reconnu
qu’il n’est pas mis fin au contrat de travail par l’usage du droit de grève énoncé par le
Préambule. (Chambre sociale, 27 mars 1957). De plus, un testament doit respecter la
Déclaration des droits de l’homme ( Tribunal civil de la Seine, 22 janvier 1947 )
Le juge administratif ira plus loin encore puisqu’il reconnaîtra au préambule une valeur
législative.
Le Conseil d’Etat adoptera deux positions :
- Par la technique des Principes généraux du droit il donnera indirectement valeur législative
au Préambule
- Plus tardivement, il se référera directement au Préambule : CE, 11 juillet 1956, Amicale de
Annamites de Paris ; CE, 16 avril 1957, Condamine.
Si le juge reconnaît une valeur juridique au préambule, ce n’est que rarement, mais la valeur
reconnue est au maximum celle de la loi. Avec la Ve République le préambule se verra
reconnaître une valeur constitutionnelle
1.2. La situation sous la Ve
Le préambule de la Constitution de 1958 est le même que celui de 1946, mais il existe
désormais un juge constitutionnel apte à jouer son rôle. Il faudra attendre la décision «Liberté
d’association » du Conseil Constitutionnel du 16 juillet 1971, pour voir enfin reconnue la
valeur constitutionnelle du Préambule.
Une loi soumettant les associations à l’agrément des juges est déférée au Conseil
Constitutionnel par le Président du Sénat. Elle sera déclarée non-conforme à la Constitution
et plus précisément au Préambule.
Pour la première fois de son histoire le Conseil Constitutionnel se réfère aux principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République et leur reconnaît la même valeur que la
Constitution.
Au-delà de la reconnaissance d’une valeur constitutionnelle au préambule, c'est l’utilisation
des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République qui suscitera maintes
critiques.
14

D’abord parce que la notion n’est pas très claire, ensuite et surtout parce que cette catégorie
de principes ne fait pas l’objet d’une énumération comme les « principes particulièrement
nécessaires à notre temps ». En conséquence le juge lorsqu’il «découvre » l’un de ces
principes est soupçonné de l’écrire. C'est donc le spectre du «Gouvernement des Juges » qui
est ainsi agité.
La jurisprudence ultérieure du Conseil ne fera que renforcer cette position. Ce faisant, la liste
des normes constitutionnelles relatives aux libertés s’allongera.

B - Les normes constitutionnelles relatives aux libertés


a) Les articles de la Constitution

– L’article premier précise que « La France est une république indivisible, laïque,
démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction
d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est
décentralisée. »
– L’article 2 en énonçant « La devise de la République est « Liberté, Egalité, Fraternité »,.
Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » développe ces
principes.
– L’article 3 précise les conditions de mise en œuvre du principe démocratique énoncé plus
haut en posant que « Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par
la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret
Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français
majeurs, des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques
La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions
électives ».
Ainsi est reconnu la liberté-participation ou « liberté des anciens » selon Benjamin Constant
– L’article 4 précise la place des partis politiques dans la démocratie « Les partis et
groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur
activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la
démocratie. Ils contribuent à la mise en œuvre du principe de l'égal accès des femmes et des
hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».
– L’article 34 précise le domaine de la loi, il donne en particulier compétence au législateur
pour fixer les règles concernant : « les droits civiques et les garanties fondamentales
accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques »
– L’article 66 pose le principe de la sûreté : « Nul ne peut être arbitrairement détenu » et fait
du juge judiciaire le garant du principe de la liberté individuelle qu’il énonce
également : « L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de
ce principe dans les conditions prévues par la loi »
– L’article 64 complète l’article précédent en garantissant l’indépendance de l'autorité
judiciaire : Le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité
judiciaire.
Il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature.
Une loi organique porte statut des magistrats. Les magistrats du siège sont inamovibles. »

b) Les principes de la Déclaration des droits de l’homme


15

– Le droit de propriété (article 17) (CC, 81-139 DC, 11 fév. 1982, Nationalisations II, DECC
164),
– La liberté de communication (article 11) (CC, 84-181 DC, 10 oct. 1984, Entreprises de
presse, DECC 221),
– Le principe d'égalité des citoyens (article 1) (CC, 73-51 DC, 27 déc. 1973, Taxation
d'office, DECC 73 ; CC, 82-146 DC, 18 nov. 1982, Code électoral et code des communes,
DECC 190),
– L'interdiction de la détention arbitraire (article 9) (CC, 93-326 DC, 11 août 1993, Réforme
du code de procédure pénale, DECC 628),
– Le principe de proportionnalité des peines (article 8) (CC, 93-321 DC, 20 juill. 1993, Code
de la nationalité, DECC 606).

c) Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République

– La liberté d'association (CC, 71-44 DC, 16 juill. 1991, Liberté d'association, DECC 63),
– La liberté de l'enseignement (CC, 77-87 DC, 23 nov. 1977,
– Le respect des droits de la défense (CC, 76-70 DC, 2 déc. 1976, Prévention des accidents du
travail 11, DECC 84),
– L’indépendance de la justice administrative (CC, 80119 DC, 22 juill. 1980, Validation
d'actes administratifs 1, DECC 137),
– La liberté de l'enseignement supérieur et de la recherche (CC, 83-165 DC, 20 jan. 1984,
Libertés universitaires, DECC 213),
– La compétence exclusive de la juridiction administrative pour l'annulation des actes de la
puissance publique (CC, 86-224 DC, 23 jan. 1987, Conseil de la concurrence, DECC 340),
– L’autorité judiciaire gardienne de la propriété immobilière privée (CC, 89-256 DC, 25 juill.
1989, Urbanisme et agglomérations

d) Les principes particulièrement nécessaires à notre temps

– Le droit de grève (CC, 79- 105 DC, 25 juill. 1979, Grève à la radio et à la télévision, DECC
127),
– La liberté syndicale (CC, 83-162 DC, 19 juill. 1983, Démocratisation du secteur public,
DECC 195),
– Le principe du non-recours à la force contre la liberté d'un peuple (CC, 75-59 DC, 30 déc.
1975, Autodétermination des Comores, DECC 82),
– L’organisation de l'enseignement public, gratuit et laïque (CC, 77-87 DC, 23 nov. 1977,
– La liberté d'enseignement et de conscience, DECC 106).

e) Les autres principes


– Les «principes à valeur constitutionnelle » principe de la protection de la santé et de la
sécurité des personnes (CC 80-177, DC 20 juill. 1980)
– Les «principes généraux du droit de valeur constitutionnelle » : la continuité des services
publics (CC, 79-105 DC 25 juill. 1979), la séparation des pouvoirs (CC, 79-104 DC 23 mai
1979)
– Les «objectifs à valeur constitutionnelle » : la sauvegarde de l’ordre public (CC, 82-142 DC
27 juill.1982). Ces principes et objectifs non-écrits permettent en fait au Conseil de concilier
plusieurs principes
16

§ 2 - LA LOI ET LE REGLEMENT

A - La loi
Au moment de la Révolution, la Déclaration des droits de l’homme précise la compétence du
pouvoir législatif en matière de libertés publiques. Plus exactement, elle confie à la loi le soin
de fixer les bornes à l'exercice des libertés publiques. Dans ce cadre, le pouvoir législatif n'est
compétent que pour limiter les libertés publiques, et non pas pour les garantir.
Par la suite, sous la IIIème République, le pouvoir législatif sera reconnu compétent pour
limiter et garantir les libertés publiques. Par son avis du 6 février 1953, le Conseil d’Etat a
estimé que la pratique des décrets-loi ne pouvait pas s'appliquer aux libertés publiques, le
législateur ne pouvant se dessaisir au profit de l'exécutif en cette matière.
Sous la Vème, l'article 34 de la Constitution, place au premier rang des matières dont la loi fixe
les règles, les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés
publiques. Pour le reste, le pouvoir réglementaire est compétent.
Le législateur peut également fixer le statut d'une liberté publique déjà consacrée : selon la
constitution de 1946, le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglemente. La
marge de la loi est limitée.

B - Le règlement
Par son arrêt Labonne (CE, 8 août 1919), le Conseil d’Etat a reconnu au chef de l'Etat, le
pouvoir de réglementer les libertés publiques. Plus précisément, il a déclaré légal un décret en
dépit de la limitation à la liberté de circulation qu'il impliquait.
Sous la IVème République, ce pouvoir de police est passé au Président du Conseil, et sous la
Vème , il est exercé par le Premier Ministre et le Président de la République (art. 34 et 37).
Au niveau local les autorités de police (préfet, maire…) peuvent aggraver les mesures de
police prises au niveau national.
La compétence réglementaire est subordonnée à la loi ou à défaut, aux conventions
internationales, aux règles constitutionnelles, aux principes fondamentaux reconnus par les
lois de la République et principes généraux du droit. La compétence réglementaire est
également contrôlée : le juge administratif vérifie la légalité des actes qui portent atteinte aux
libertés publiques. Les mesures de police doivent être proportionnées à l'importance du
désordre qu'elles veulent prévenir. Le juge sanctionne toute interdiction générale et absolue
des libertés publiques.

CHAPITRE 2 - LES TEXTES JURIDIQUES INTERNATIONAUX

Aux textes de portée universelle s’ajoutent les textes régionaux.


17

SECTION 1 - LES TEXTES UNIVERSELS

Longtemps, la cause des individus a été totalement étrangère au droit international. Le droit
humanitaire est le premier à rompre avec la logique classique des rapports interétatiques. Le
22 août 1864, une convention pour l'amélioration du sort des militaires blessés dans les
armées en campagne sera signée à Genève, grâce aux efforts déployés par Henri Dunant. Elle
sera suivie des quatre Conventions du 12 août 1949 et de leurs Protocoles formant ce que l'on
appelle parfois « le droit de Genève ».
Le traité de Versailles imposera à la Pologne et à la Tchécoslovaquie de respecter « les
intérêts des habitants qui diffèrent de la majorité de la population par la race, la langue ou la
religion ». La Société des Nations (SDN) devait alors s’intéresser aux minorités sans pour
autant réussir. Il fallu attendre la création de l’ONU pour voir consacré les droits de l’homme
à travers la Déclaration universelle des droits de l’homme, les deux Pactes ainsi que les
différents textes particuliers qui suivirent.

§ 1 - LA DECLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L’HOMME

A - Son élaboration
La Charte de l’ONU signée à San Francisco le 26 juin 1945 précise que parmi les buts de
l'Organisation, figure la réalisation de la coopération internationale « en développant et en
encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous sans
distinction de race, de sexe, de langue ou de religion », de plus selon l’article 55,
l’Organisation, doit avec le concours des États membres, « favoriser » le respect universel et
effectif des droits de l’homme. Sept autres articles de la Charte (13, 56, 62, 68, 76, 83, 87)
évoquent les droits de l’homme sans pourtant poser des règles suffisamment précises.
Il fallait aller au-delà de ces dispositions. Le principe d'un texte international sur les droits de
l'homme fut adopté.
Le choix entre une simple Déclaration qui n'impliquait pas d'obligations juridiques précises et
une convention fut tranché en faveur de la première solution : c'était, en effet, celle retenue
par les États-Unis et l'URSS. Cette solution a d'ailleurs permis une élaboration assez rapide
(l8 mois). Le 10 décembre 1948, l'Assemblée générale réunie à Paris (Palais de Chaillot)
adoptait la Déclaration universelle des droits de l'homme. Huit États sur les 56 participants
devaient voter en sa faveur. Aucun État ne vota contre ; les seules abstentions émanaient de
l'URSS et de cinq Etats du bloc soviétique, plus l'Arabie saoudite et l’Afrique du Sud.

B - Son contenu
C'est un texte assez bref comprenant trente articles précédés d'un préambule. Celui-ci résume
l'esprit du texte : il manifeste la foi de ses rédacteurs dans la dignité de l'homme, le progrès
social, la paix, et affirme que les Droits de l’homme doivent être protégés par un régime de
droit.
Après les deux premiers articles qui posent les principes fondamentaux sur lesquels reposent
tous les droits de l'homme, la Déclaration comprend deux parties.
18

De l'article premier à l'article 21 inclus, elle énonce l'ensemble des libertés traditionnelles,
individuelles et collectives, civiles et politiques.
Les droits civils tout d’abord (art. 3 à 14 : droit à la vie, à la sûreté, à la vie privée, liberté
d'aller et venir librement, droit à un procès équitable, droit d'asile), les droits civils ensuite
(art. 15 à 17 : droit à une nationalité, de fonder une famille, droit de propriété) les libertés
publiques intellectuelles et politiques (art. 18 à 21 : liberté d'expression, de réunion,
d'association, de participer à la direction des affaires publiques).
Les articles 22 à 27 inclus sont relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels. Proche
sur de nombreux points de la Déclaration de 1789, elle est cependant plus précise et plus
complète. Les limites aux droits reconnus ne sont pas ignorés. Mais elles ne peuvent être
prévues que par la loi et seulement « en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des
droits et libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre
public et du bien-être général dans une société démocratique.

§ 2 - LES PACTES ET LES AUTRES CONVENTIONS

La Déclaration n'ayant pas de valeur juridique obligatoire, son contenu fut repris sous une
forme conventionnelle dans deux pactes adoptés à l'unanimité par l'Assemblée générale de
l'ONU, le 16 décembre 1966.

A - Le contenu des Pactes


Il s'agit, d'une part du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (correspondant à
la première partie de la Déclaration) et, d'autre part, du Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels (seconde partie de la Déclaration).
Mais ces deux Pactes n'obéissent pas à la même conception que celle qui anime la
Déclaration. En 1966, l'ONU comptait parmi ses membres de nombreux États du Tiers
Monde. C’est pourquoi, l'individualisme qui inspirait la Déclaration a été sensiblement écarté
au profit d'un « phénomène de collectivisation des droits de l'homme »
L'article premier des deux Pactes reconnaît de manière solennelle le droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes en même temps que disparaissent de l’un et l'autre le droit de
propriété, le droit d'asile et le droit de ne pas être privé arbitrairement de sa nationalité.

a) Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Il garantit le droit à la vie (article 6), à la liberté et à la sécurité (art. 9-1) et au respect de la vie
privée (art. 17). Il interdit la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 7).
En outre, il reconnaît les libertés de pensée, de conscience et de religion (art. 18), de réunion
pacifique (art. 21), d'association, y compris le droit de constituer des syndicats (art. 22), et de
circulation. Enfin, il proclame les droits culturels des minorités (art. 27).
Le Pacte prévoit en outre des mesures spécifiques de mise en oeuvre : la création d'un Comité
des droits de l'homme (art. 28), composé de dix-huit experts indépendants [ressortissants des
Etats parties au pacte], qui a compétence à être saisi des communications émanant, d'une part
d'un Etat partie [contre un autre Etat partie]; d'autre part de particuliers prétendant être
19

victimes d'une violation des droits énoncés dans le pacte de la part d'un Etat partie(art. 41 et
Protocole facultatif).

b) Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

Il contraint les Etats qui le ratifient à favoriser le bien-être général de leurs habitants (article
4) et précise le droit de toute personne au travail et à la formation (art. 6), à participer à une
activité syndicale (art. 8), à la sécurité sociale (art. 9), à la santé (art. 12) et à l'éducation (art.
13).

c) Le protocole facultatif

Ce premier Protocole se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
a été adopté le même jour [16 décembre 1966], est entré en vigueur le 23 mars 1976. Il
prévoit un mécanisme international pour donner suite aux plaintes de particuliers qui
prétendent être victimes d'une violation des droits énoncés dans le Pacte relatif aux droits
civils et politiques. Quatre vingt quinze Etats ont, à ce jour, adhéré à ce protocole.

d) Le deuxième protocole facultatif

Il a été adopté par l'Assemblée générale le 15 décembre 1989, est entré en vigueur le 11 juillet
1991. Trente six Etats ont, à ce jour, adhéré à ce protocole qui vise « à abolir la peine de
mort ».

B - L’entrée en vigueur des Pactes


Les deux Pactes furent ouverts à la signature le 19 décembre 1966. Au 11 avril 1990, le Pacte
sur les droits civils avait été ratifié par quatre vingt dix Etats et il est en vigueur depuis le 23
mars 1976. Cent quarante quatre Etats ont, à ce jour, adhéré à ce pacte. Celui sur les droits
économiques était ratifié par quatre vingt onze États et il est en vigueur depuis le 3 janvier
1976. Cent quarante et un Etats ont, à ce jour, adhéré à ce pacte.
Les deux Pactes ont été ratifiés par la France à l'issue de deux lois du 25 juin 1980 et publiées
au Journal officiel par deux décrets du 29 janvier 1981. Ils sont entrés en vigueur à l'égard de
la France le 4 février 1981 avec un certain nombre de réserves du gouvernement français pour
le premier pacte, dont particulièrement celle concernant l'article 16 de la Constitution et celle
concernant l'application des règles relatives au régime disciplinaire dans les armées. Les
réserves faites au pacte relatif aux droits civils et politiques sont les mêmes que celles
exprimées lors de l'adhésion de la France à la Convention européenne des droits de l'homme
en 1974. Ces deux pactes ratifiés et publiés sont donc incorporés au droit français et ont, selon
l'article 55 de la Constitution, une autorité supérieure à celle des lois.
De plus, la France, a accepté de se soumettre au protocole facultatif de soumission au Comité
des droits de l'homme institué par le premier pacte (décret du 25 mai 1984).

C - Les autres conventions


Elles sont inspirées par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme : elles visent à
garantir les droits de certaines personnes (réfugiés, femmes, enfants,…), ou certaines libertés
particulières. Il faut d’abord citer la convention des Nations Unies pour la prévention et la
20

répression du crime de génocide (9 décembre 1948) ainsi que celle sur l'imprescriptibilité des
crimes de guerre et contre l'humanité (26 novembre 1968). Plus tard viendront, la Convention
contre la torture et autres peines, traitements inhumains ou dégradants (10 décembre 1984),
les conventions sur les droits politiques de la femme (1952), sur la nationalité de la femme
mariée (1957) et sur l'élimination des formes de discrimination à l'égard des femmes (1965 et
1980) ; la déclaration universelle sur le génome humain (11 décembre 1997).

SECTION 2 - LES TEXTES EUROPEENS

C’est dans le cadre du Conseil de l’Europe d’abord que des textes importants ont été adoptés
en vue de la protection des libertés publiques. Le relais a été pris ensuite par l’Union
européenne.

§ 1 - DANS LE CADRE DU CONSEIL DE L’EUROPE

Deux textes d’importance ont été élaborés dans le cadre : la Convention européenne des droits
de l’homme et la Charte sociale.

A - La Convention européenne des droits de l’homme


La Convention a été complétée par plusieurs protocoles

a) La Convention elle-même

En réalité sa véritable dénomination est Convention européenne de sauvegarde des droits de


l'homme et des libertés fondamentales. Elle a été signée le 4 novembre 1950 à Rome par
douze ministres européens.
Elaborée au sein du Conseil de l'Europe, elle définissait un certain nombre de droits
fondamentaux et instituait un mécanisme de contrôle et de sanction propres à assurer le
respect de ces droits par les dix Etats signataires. La Convention protège des droits aussi
divers que le droit à la vie (art.2), le droit à la liberté et à la sûreté (art.5), le droit à un procès
équitable (art.6), le droit au respect de la vie privée et familiale (art.6), le droit au mariage
(art.12), le droit à un recours effectif (art.13). D’autre part, la Convention garantit la liberté
de pensée, de conscience et de religion (art. 9), la liberté d’expression (art 10), la liberté de
réunion et d’association (art. 11). Elle pose également le principe selon lequel aucune peine
ne peut être établie sans loi (art. 7). Enfin, elle interdit l’esclavage et le travail forcé (art. 4)
ainsi que la discrimination (art. 14).

b) Les Protocoles

Depuis l’entrée en vigueur de la Convention, douze Protocoles additionnels ont été adoptés.
Les Protocoles nos 1, 4, 6, 7 et 12 ont ajouté des droits et libertés à ceux consacrés par la
Convention. Ainsi, le Protocole n° 1 garantit le droit de propriété (art.1), le droit à
l’instruction (art. 2), le droit à des élections libres (art.3). Le Protocole n° 4 interdit
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l’emprisonnement pour dette (art.1), l’expulsion de nationaux (art. 3) et les expulsions


collectives d’étrangers (art. 4). La liberté de circulation est enfin proclamée (art. 2).
Le Protocole n° 6 abolit la peine de mort. Quant au Protocole n° 7, il donne des garanties
procédurales en cas d’expulsion d’étrangers (art.1), établit le droit à un double degré de
juridiction en matière pénale (art. 2), le droit d’indemnisation en cas d’erreur judiciaire (art.
3), le droit à ne pas être jugé ou puni deux fois (art. 4) ainsi que l’égalité entre époux.
Enfin, le Protocole n° 12 interdit de manière générale toute discrimination.
Le Protocole n° 2 a donné à la Cour le pouvoir de rendre des avis consultatifs. Le Protocole n°
9 a ouvert aux requérants individuels la possibilité de porter leur cause devant la Cour, sous
réserve de la ratification dudit instrument par l’Etat défendeur et de l’acceptation de la saisine
par un comité de filtrage. Le Protocole n° 11 a restructuré le mécanisme de contrôle. Les
autres Protocoles concernaient l’organisation des institutions mises en place par la
Convention et la procédure devant être suivie devant eux.
A ce jour, les 44 Etats membres du Conseil de l’Europe ont ratifié la Convention européenne
des droits de l’homme. Les nouveaux Etats membres sont tenus de la signer lors de leur
adhésion et de la ratifier dans un délai d'un an.

B - La Charte sociale européenne


Adoptée en 1961, la Charte sociale européenne est le pendant de la Convention européenne
des droits de l'homme : elle ajoute aux droits civils et politiques contenus dans la Convention
une protection des droits sociaux et économiques. La Charte garantit aux citoyens des Etats
parties la jouissance de 23 droits fondamentaux.
Les droits garantis par la Charte concernent tous les individus dans leur vie quotidienne :
– Logement
- construction de logements en fonction des besoins des familles ;
- réduction du nombre de personnes sans-abri ; accès à des logements salubres et d'un coût
abordable garanti à chacun ;
- égalité d'accès des étrangers aux logements sociaux ;
– Santé
- structure de soins accessible et efficace pour l'ensemble de la population ;
- politique de prévention des maladies, y compris garantie d'un environnement sain ;
- élimination des risques en milieu professionnel pour assurer en droit et en pratique la santé
et la sécurité au travail ;
- protection de la maternité ;
– Education
- interdiction du travail des enfants de moins de 15 ans ;
- enseignement primaire et secondaire gratuit ;
- gratuité et efficacité des services d'orientation professionnelle ;
- formation professionnelle initiale et continue ;
- mesures particulières en faveur des étrangers résidents ;
– Emploi
- droit de gagner sa vie par un travail librement entrepris ;
- politique sociale et économique pour assurer le plein emploi ;
- conditions de travail équitables en matière de rémunération et de durée du travail ;
- lutte contre le harcèlement sexuel et moral ;
- interdiction du travail forcé ;
- liberté de constituer des syndicats et des organisations d'employeurs pour défendre leurs
22

intérêts économiques et sociaux ; liberté individuelle d'y adhérer ou non ;


- promotion de la consultation paritaire, de la négociation collective, de la conciliation et de
l'arbitrage volontaire ;
- protection en cas de licenciement ;
- droit de grève ;
– Protection sociale
- droit à la sécurité sociale, à l'assistance sociale et à des services sociaux ;
- droit à la protection contre la pauvreté et l'exclusion sociale ;
- mesures particulières en faveur des personnes âgées, des familles, des personnes
handicapées et des jeunes ;
– Circulation des personnes
- droit au regroupement familial ;
- droit de sortie des nationaux ;
- garanties procédurales en cas d'expulsion ;
- simplification des formalités d'immigration pour les travailleurs européens ;
– Non-discrimination
- droit des femmes et des hommes à l'égalité de traitement et des chances en matière
d'emploi ;
- garantie aux nationaux et aux étrangers résidant et/ou travaillant légalement, sans distinction
fondée sur la race, le sexe, l'âge, la couleur, la langue, la religion, les opinions, l'ascendance
nationale ou l'origine sociale, l'état de santé ou encore l'appartenance ou non à une minorité
nationale, des droits énoncés dans la Charte.
La Charte est en vigueur dans les 44 Etats-membres du Conseil de l’Europe
Elle a fait l'objet d'une révision récente. La Charte sociale européenne révisée de 1996, entrée
en vigueur en 1999, remplace progressivement le traité initial de 1961. Elle est ratifiée par 15
Etats-membres du Conseil.
Elle pose de nouveaux droits : droit à la protection contre la pauvreté et l'exclusion sociale ;
droit au logement ; protection en cas de licenciement ; droit à la protection contre le
harcèlement sexuel et les autres formes de harcèlement ; droits des travailleurs ayant des
responsabilités familiales à l'égalité des chances et de traitement ; droits des représentants des
travailleurs.
La nouvelle Charte amende un certain nombre de dispositions de la Charte initiale. Elle
renforce le principe de non-discrimination ; elle améliore le principe de l'égalité
femmes/hommes dans tous les domaines couverts par le traité ; elle assure une meilleure
protection de la maternité et protection sociale des mères, une meilleure protection sociale,
juridique et économique des enfants au travail et en dehors du travail et des personnes
handicapées.

§ 2 - DANS LE CADRE DE L’UNION EUROPEENNE : LA CHARTE EUROPEENNE DES


DROITS FONDAMENTAUX

A - L’élaboration de la Charte
La Charte européenne des droits fondamentaux, a été signée le 7 décembre 2000 au Sommet
des chefs d'Etat et de gouvernement des 15 Etats membres réunis à Nice pour signer le traité
qui adaptera les institutions européennes pour l'élargissement de l'Union à 25 membres.
23

Elle n’a pas de valeur contraignante, mais elle pourra être ultérieurement intégrée dans les
traités ou dans la future Constitution européenne.
La décision d'élaborer une cette Charte a été prise en juin 1999 par le sommet européen de
Cologne, sur proposition du chancelier allemand Gerhard Schröder et de son ministre des
affaires étrangères, Joschka Fischer.
La rédaction du projet de Charte a été confiée à une « convention », composée de 62
membres, et présidée par l'ancien président allemand Roman Herzog: 15 représentants des
chefs d'Etat et de gouvernements, 30 représentants des Parlements nationaux (2 par Etat
membre), 16 représentants du Parlement européen et un représentant du président de la
Commission européenne. De plus, 2 représentants de la Cour de justice et du Conseil de
l'Europe ont suivi les travaux en tant qu'observateurs.

B - Le contenu de la Charte
La Charte, après un Préambule subdivisé en sept alinéas, comprend 54 articles répartis en 7
chapitres consacrés à la dignité, aux libertés, à l'égalité, à la solidarité, à la citoyenneté, à la
justice et aux dispositions générales de nature technique.
Le préambule affirme les valeurs partagées par les pays de l'Union : la dignité humaine,
l'égalité et la solidarité qui s’appuient sur deux piliers, la démocratie et l'Etat de droit.
Six grands chapitres : Dignité, Libertés, Egalité, Solidarité, Citoyenneté, Justice, détaillent les
droits et libertés qui doivent être « garantis à chacun ».
– Au chapitre « Dignité », la Charte pose le principe de l'inviolabilité de la dignité humaine,
et affirme le droit à la vie et à l'intégrité de la personne.
– Au chapitre « Libertés », elle réaffirme la « liberté de pensée, de conscience et de religion »,
la liberté de réunion et d'association et énumère d'autres droits comme le droit à l'éducation, le
droit d'asile.
– Au chapitre « Egalité », est rappelé le respect de « l'égalité (de tous) en droit », la non-
discrimination, de la diversité culturelle, religieuse et linguistique, de l'égalité entre homme et
femme, des droits de l'enfant et des personnes âgées.
– Au chapitre « Citoyenneté », est énoncé le « droit à une bonne administration » ainsi qu'un
« droit d'accès » aux documents du parlement européen.
– Au chapitre « Justice », la Charte réaffirme la « présomption d'innocence » et le « droit à ne
pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction ».
– Au chapitre « Solidarité », est garanti le droit à la consultation et à l'action collective des
travailleurs (y compris la grève), le droit à des « conditions de travail justes et équitables »
ainsi qu'à une « protection contre tout licenciement injustifié »; le droit « à une limitation de
la durée maximale du travail, à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu'à
une période annuelle de congés payés ».
Le droit « aux prestations de sécurité sociale (...), à une aide sociale et à une aide au
logement destinées à assurer une existence digne » est également reconnu ainsi que le droit à
une « protection et à la conservation d'un cadre de vie de qualité », de même qu’ « un niveau
élevé de protection de la santé, de la sécurité et des intérêts des consommateurs »

TITRE 2 - L’EXERCICE DES LIBERTES


24

Les libertés publiques s’exercent dans certaines conditions. Afin d’éviter de trop grandes
restrictions, il est important que leur exercice soit garanti.

CHAPITRE 1 - LES CONDITIONS D’EXERCICE DES LIBERTES

Les libertés peuvent être simplement encadrées, plus rarement elles sont limitées.

SECTION 1 - L’ENCADREMENT DES LIBERTES

§ 1 - LE REGIME REPRESSIF

A - Identification
C'est le régime le plus favorable aux libertés puisque l'individu use à son gré de la liberté qui
lui est reconnue, mais il s'expose éventuellement à des sanctions en cas d'abus dans l'exercice
de cette liberté. Les sanctions étant en principe infligées par le juge pénal.
Il faut chercher le fondement de ce régime dans la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen et plus précisément dans ses articles 4 et 5 :

Art. 4. - La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi,
l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui
assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces
bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.
Art. 5. - La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout
ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être
contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

B - Evaluation

L’efficacité du système dépend de l’existence de sanctions ainsi que de leur application par le
juge.

a) L’existence de sanctions

C’est l’existence de sanctions qui vient dans cette hypothèse limiter les libertés. C’est la
raison pour laquelle la Déclaration des droits de l’homme pose dans ses articles 7 et 8 le
principe de la légalité des peines :
25

« Art. 7. - Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas
déterminés par la Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent,
expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ;
mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant : il se
rend coupable par la résistance.
Art. 8. - La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment
nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée
antérieurement au délit, et légalement appliquée. »

C’est en vertu de ce principe, que le Conseil constitutionnel, a limité la compétence


réglementaire aux seules contraventions dont les peines ne comportent pas de peines
privatives de libertés.

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées du préambule, des alinéas 3


et 5 de l'article 34 et de l'article 66 de la Constitution, que la détermination des
contraventions et des peines qui leur sont applicables est du domaine
réglementaire lorsque lesdites peines ne comportent pas de mesure privative de
liberté (CC, Décision n° 73-80 L du 28 novembre 1973)

Le Code pénal rappelle d’ailleurs dans son article 131-12 :


« Les peines contraventionnelles encourues par les personnes physiques sont ;
1º L'amende ;
2º Les peines privatives ou restrictives de droits prévues à l'article 131-14 »
Encore faut-il que les peines encourues ne soient pas disproportionnées par rapport aux faits
reprochés, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 février 1960.

b) L’application des sanctions

Il est capital que la sanction soit appliquée par un juge qui par définition est indépendant.
Quand la sanction n’est pas infligée par un juge, il importe que des garanties d’indépendance
existent, c’est le cas des autorités administratives indépendantes. Quand il s’agit de sanctions
administratives, d’autres garanties peuvent exister, comme l’accès au dossier, le caractère
contradictoire etc…
Un risque d'atteinte aux libertés publiques subsiste si l'infraction est formulée en termes
vagues par la loi ou le règlement, car le juge a alors un large pouvoir d'interprétation, et le
justiciable ne sait plus si l'acte qu'il envisage de faire est ou non autorisé. Le système répressif
est donc d'autant plus libéral qu'il limite la part de subjectivité de celui qui inflige la sanction
(juge, autorité administrative…)

§ 2 - LE REGIME PREVENTIF

Ce régime est le contraire du précédent puisque n'est permis que ce qui est autorisé ou n'est
pas interdit : il s'agit donc de contrôler a priori l'exercice des libertés.
26

Le régime préventif subordonne l’exercice des libertés à une intervention a priori de


l’Administration, aux moyens de procédés qui vont, dans un ordre de sévérité décroissant, de
l’autorisation préalable à l’interdiction puis à la déclaration préalable.

A - L’autorisation préalable
L’exercice de la liberté est conditionné par l’obtention d’une autorisation. C’est le cas de la
liberté cinématographique. Un visa délivré par le ministre de la Culture conditionne
l'exploitation commerciale d'un film. C’est le cas également en matière de construction où
l’obtention d’un permis est nécessaire pour édifier un immeuble. De multiples autres
exemples pourraient être donnés tant le procédé est courant. Ils révèlent tous l’existence de
différents types de décision, de plus, ils montrent que la mise en place d’un tel système doit
respecter certaines conditions.

a) Les types d’autorisation

1. L’autorisation peut être explicite ou implicite


Le plus souvent l’autorisation est écrite et expresse. Ainsi, le permis de construire est-il
délivré par un arrêté du maire voir du préfet et même parfois du ministre. Mais, depuis
quelques années déjà, le plus souvent, le permis peut être délivré de manière implicite. La
décision tacite est induite par le silence de l’administration au-delà d’un délai de deux mois
ou, s’il est supérieur, au délai d’instruction notifié. L’article R.421-19 du Code de l’urbanisme
énumère les cas dans lesquels le permis ne peut être obtenu de façon tacite.

2. L’autorisation peut être pure et simple ou conditionnelle


Dans le premier cas, l’autorisation est donnée ou refusée. Si elle est accordée, l’action pourra
être librement menée. Mais si l’autorisation est conditionnelle, alors les prescriptions qui
mentionnées devront être respectées. Ainsi, l’octroi de permis de construire peut être assorti
de conditions particulières. Il peut s’agir de prescriptions techniques (sécurité, salubrité…) ou
de contributions financières (pour réaliser l’équipement des terrains…).

3. L’autorisation peut être discrétionnaire ou conditionnée


L’autorité qui est compétente pour accorder l’autorisation peut avoir une compétence liée.
Dans cette hypothèse la loi précise les cas dans lesquels elle doit accorder ou refuser
l’autorisation. L’autorité ne peut pas apprécier elle-même, c’est en quelque sorte la loi qui le
fait à sa place. Bien sûr, dans cette hypothèse la liberté est la mieux sauvegardée. Il n’en va
pas de même lorsque la compétence de l’autorité est discrétionnaire.

b) Les conditions de mise en place du système

1. Le législateur est seul compétent pour soumettre à autorisation une activité


Ainsi, en l'absence de loi dans ce domaine, l'Administration ne peut pas, de sa propre autorité,
édicter un régime d'autorisation préalable. C’est ce que le Conseil d’Etat a précisé dans l’un
de ses grands arrêts. (CE, 22 juin 1951, Daudignac)
27

2. Mais il cesse d’être compétent lorsqu’il s’agit d’une liberté fondamentale


Dans sa célèbre décision « liberté d’association », le Conseil constitutionnel a rappelé :
« qu'ainsi, à l'exception des mesures susceptibles d'être prises à l'égard de
catégories particulières d'associations, la constitution d'associations, alors même
qu'elles paraîtraient entachées de nullité ou auraient un objet illicite, ne peut être
soumise pour sa validité à l'intervention préalable de l'autorité administrative ou
même de l'autorité judiciaire »
(CC, Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971)

B - L’interdiction préalable

a) Le système

Le citoyen qui désire exercer une liberté n'a pas à solliciter l'autorisation de l'administration,
la liberté reste donc le principe, mais l'administration peut intervenir préventivement pour
empêcher l'exercice de cette liberté, si elle pense qu'il y a risque d'atteinte à l'ordre public.
L'interdiction peut être discrétionnaire ou assortie de conditions.

b) Les conditions de mise en place du système

1. Ce pouvoir est reconnu à l'administration par certains textes


On peut citer comme exemple le décret-loi du 23 octobre1935 relatif aux manifestations sur la
voie publique, le décret-loi du 6 mai 1939 qui permet au ministre de l'intérieur d'interdire la
diffusion en France d'une publication étrangère.

2. Ce pouvoir est reconnu à l'administration par la jurisprudence


Le juge administratif reconnaît le droit à l'administration d'interdire l'exercice des libertés en
vertu de son pouvoir de police en cas de risque de trouble à l'ordre public, et à condition
qu'elle n'ait pas d'autres moyens pour assurer le maintien de l'ordre que d'interdire l'exercice
de la liberté.
Ainsi, dans un arrêt du 18 décembre 1959 (Société « Les Films Lutétia »), le Conseil d’État
a-t-il jugé « qu’un maire, responsable du maintien de l’ordre dans sa commune, peut interdire
sur le territoire de celle-ci la représentation d’un film auquel le visa ministériel d’exploitation
a été accordé, mais dont la projection est susceptible d’entraîner des troubles sérieux ou
d’être, à raison du caractère immoral dudit film et de circonstances locales, préjudiciable à
l’ordre public. ». Il confirmait en cela son arrêt Benjamin du 18 mai 1933.

C - La déclaration préalable
L'exercice de la liberté est parfois subordonné à une déclaration auprès de l'autorité publique.
Dans ce cas l'administration n'a qu'un rôle passif : elle ne fait qu’enregistrer la déclaration de
celui qui doit l'avertir pour pouvoir exercer la liberté. Le but de ce régime est d'informer
l'administration et les tiers. Il est donc plus libéral que celui de l'autorisation préalable.
28

a) Le destinataire de la déclaration

Le plus souvent le destinataire de la déclaration est une autorité administrative. C'est ainsi
qu'avant toute manifestation sur la voie publique, il faut la déclarer auprès du Préfet, la
création d'association doit être déclarée auprès du préfet, quant à la grève dans les services
publics une déclaration auprès du directeur de l'établissement public est requise.
Dans d’autres hypothèses, la déclaration sera faite auprès d’une Autorité administrative
indépendante. C’est le cas de la création de fichiers informatisés où une déclaration auprès de
la Commission nationale Informatique et Liberté ( CNIL ) est nécessaire.
Mais la déclaration peut également être faite auprès de l’autorité judiciaire. C'est le cas de la
déclaration d'un périodique qui doit être faite devant le procureur de la République. La
publication du périodique, sans déclaration judiciaire préalable, expose son auteur à des
poursuites pénales.

b) Le contenu de la déclaration

Le contenu de la déclaration est fixé par la loi : pour une manifestation, le nom et le domicile
de l'organisateur sont nécessaires, le but du rassemblement, le lieu, la date, l'heure et
l'itinéraire projeté doivent également y figurer.
Un délai peut être imposé entre le moment du dépôt et celui de l'exercice de la liberté ainsi la
grève dans les services publics est ainsi soumise à un préavis de 5 jours.

c) La sanction de la déclaration

Si la formalité n'est pas respectée, l'auteur de la déclaration peut être sanctionné sur le plan
administratif, voire pénal. La publication du périodique, sans déclaration judiciaire préalable,
expose son auteur à des poursuites pénales. Dans certains cas, la déclaration préalable ne
conditionne pas la légalité de la liberté assujettie : une association non déclarée est légale,
mais elle n'a pas la personnalité morale.
Bien sûr, l’administration peut réagir au vu de la déclaration. Dans le cas d’une manifestation
qui troublerait l'ordre public, le préfet peut l’interdire.

SECTION 2 - LES LIMITES DES LIBERTES

Dans plusieurs hypothèses exceptionnelles les libertés publiques peuvent être limitées Soit
c’est la Constitution qui pose les limites, soit c’est la loi, soit enfin, c’est la jurisprudence.

§ 1 - LES LIMITES CONSTITUTIONNELLES : L’ARTICLE 16

L'idée qui est à la base de l’article 16 est la suivante : à période de crise, pouvoirs de crise. En
d'autres termes le Président de la République doit pour sauver le régime pouvoir exercer une
véritable dictature légale.
29

A - Les conditions du recours à l’article 16

a) Les conditions de fond

Deux conditions cumulatives sont nécessaires. Il s’agit d’abord d’une menace grave et
immédiate sur les institutions de la République ou sur l’indépendance de la Nation ou sur
l’intégrité du territoire ou enfin sur l’exécution des engagements internationaux.
On le voit, c’est l’Etat, dans son existence même qui est en cause. Mais cette menace ne
suffit pas. Encore faut-il qu’elle provoque « l’interruption du fonctionnement régulier des
pouvoirs publics constitutionnels ».
La situation est grave c’est le moins que l’on puisse dire, mais tout est question
d’appréciation. Or c’est le Président de la République qui seul apprécie.

b) Les conditions de forme

Le chef de l’Etat doit dans une telle situation et préalablement à sa décision procéder à une
triple consultation officielle : celles du Premier ministre, des Présidents des assemblées, du
Conseil Constitutionnel. L’avis du Conseil étant motivé et publié, ce qui lui donne une
autorité de fait qui ne doit pas être négligée. Enfin le Président de la République doit
s’adresser à la Nation.

B - Les pouvoirs de l’article 16

Ces pouvoirs sont relativement étendus ce qui pose la question du contrôle exercé sur eux.

a) L’étendue des pouvoirs

Elle apparaît à travers la description du domaine des pouvoirs ainsi que de leurs limites.

1. Le domaine
L'article 16 précise que le Président de la République peut prendre « les mesures exigées par
ces circonstances »
Il dispose donc des pouvoirs de l'exécutif et des pouvoirs du Parlement. Les actes juridiques
qui expriment ces pouvoirs sont des « décisions ».

2. Les limites
2.1. Limites quant à la finalité des pouvoirs
Les mesures prises "doivent être inspirées par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics
constitutionnels … les moyens d'accomplir leurs missions"
2.2. Limites quant à l’objet des pouvoirs
30

- Le Président de la République ne peut dissoudre l'Assemblée nationale. C'est ce


qu’énonce explicitement l'article 16 lui-même dans son dernier alinéa.
- Le Président de la République ne peut réviser la Constitution. C'est ce qui ressort de
l'expression " pouvoirs publics constitutionnels"

2.3. Limites quant à leur durée


Il n’y a pas de limites précises mais le texte dit que les mesures doivent être prises "dans les
meilleurs délais"
Quelques dates relatives à l'unique mise en œuvre de l'article 16 montrent que cette limite est
des plus extensibles.

21 avril 1961 Putsch des Généraux


23 avril 1961 Décision de recourir à l'article 16
25 avril 1961 Fin du putsch
30 septembre 1961 Fin des pouvoirs de l'article 16

b) Le contrôle des pouvoirs

1. Le contrôle du Parlement
Rien de précis n’est prévu par la Constitution si ce n'est que "Le Parlement se réunit de plein
droit". Quant à la pratique elle est diverse:
- le Président de la République dans une lettre au Premier ministre dénie à l'Assemblée
nationale le droit de discuter des problèmes étrangers à ce qui a provoqué le recours à l'article
16
- le président de l’Assemblée nationale distingue deux périodes:
- pendant la « réunion de plein droit »: pas de mise en jeu de la responsabilité du
Gouvernement car il n'y a pas de dissolution possible
- pendant la session ordinaire: le Parlement recouvre ses attributions à condition qu'elles
n'interfèrent pas avec celles du Président de la République

2. Le contrôle du Conseil Constitutionnel


Il donne des avis:
- sur la décision de recourir à l'article 16
Cet avis est consultatif, il est publié et motivé
- sur chaque décision prise dans le cadre de l'article 16
Cet avis est consultatif et n’est pas publié

3. Le contrôle du Conseil d’Etat

Dans l’arrêt Rubin de Servens du 2 mars 1962, le Conseil d’Etat précise les conditions dans
lesquelles il peut exercer son contrôle juridictionnel :
- la décision de recourir à l'article 16 échappe au contrôle du haut Conseil car c'est un « acte
de Gouvernement »
- les décisions de mise en œuvre de l'article 16:
- celles qui en période normale relève du domaine de la loi ne peuvent être contrôlées
- celles qui en période normale relève de l'exécutif peuvent être contrôlées et donc
éventuellement annulées.
31

§ 2 - LES LIMITES LEGISLATIVES

A - L’état de siège
Prévu par l'article 36 de la Constitution du 4 octobre 1958, l’état de siège ne peut être décidé
que par décret en Conseil des ministres et pour une durée maximum de 12 jours. Passé ce
délai, son prolongement doit être décidé par le Parlement.
Institué pour faire face à «un péril imminent résultant d'une guerre étrangère ou d'une
insurrection à main armée », l’état de siège débouche sur un transfert des pouvoirs de police à
l’autorité militaire. Cette substitution de l’autorité militaire à l’autorité civile ne vaut que pour
la police générale, et non pour les polices spéciales. Elle n'est pas non plus automatique : elle
ne se produit que dans la mesure où les responsables militaires l’estime nécessaire ; ceux-ci
peuvent en outre autoriser, par voie de délégation, les autorités civiles à agir.
Elle se traduit aussi par des restrictions aux libertés publiques allant au-delà de ce qu’autorise
le droit commun. Il en est ainsi du droit de perquisition de jour et de nuit, du droit d'éloigner
les repris de justice et les personnes non domiciliées dans le ressort du territoire mis en Etat
de siège, du droit de réquisition des armes et munitions, et du droit d'interdire les réunions de
nature à entraîner des risques de désordre.

B - L’état d’urgence
L’état d'urgence, organisé par une loi du 3 avril 1955 et par un décret du 15 avril 1960 ne peut
être décidé que par les mêmes autorités et pour les mêmes durées que l'état de siège. Des
pouvoirs de police accrus sont, dans ce cadre, confiés au gouvernement et au préfet, pour faire
face à un « péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » ou « d'événements
présentant par leur nature et leur gravité le caractère de calamités publiques »

a) Début et fin

La loi de 1955 prévoyait que l'état d'urgence devait être décidé par une loi qui en fixait la
durée. L'ordonnance du 15 avril 1960 dispose, au contraire, qu'il est décrété en Conseil des
ministres, mais que sa prorogation au-delà de douze jours implique l'autorisation du
Parlement.
L’état d'urgence peut être proclamé sur tout ou partie du territoire français.

b) Pouvoirs

Certaines conséquences sont automatiques, d'autres facultatives peuvent être ajoutées aux
précédentes par le texte institutif.
Ainsi, le préfet peut-il interdire la circulation des personnes et des véhicules et instituer des
zones de protection où le séjour des personnes est réglementé.
32

D’autres limitations aux libertés sont possibles : fermeture provisoire des salles de spectacle,
débits de boissons ou lieux de réunion de toute nature, – interdiction des réunions dangereuses
pour la sécurité publique, – remise des armes et munitions.
Le ministre de l'intérieur ou le haut-commissaire sont compétent pour assigner à résidence
tout suspect.
D'autres mesures, peuvent être prises : des perquisitions de jour et de nuit, le contrôle de la
presse, des délégations de compétences aux autorités militaires. Cette extension facultative
doit être mentionnée dans le texte qui proclame l'État d'urgence.

§ 3 - LES LIMITES JURISPRUDENTIELLES : LA THEORIE DES CIRCONSTANCES


EXCEPTIONNELLES

Dans certaines hypothèses qui sont tout à fait exceptionnelles, comme une grève ou la guerre,
l’administration est tout de même obligée d'agir, mais le juge tolère que dans ces
circonstances, l’administration se dispense du respect de certaines règles. Il s’agit d’un
assouplissement de la légalité qui ne la fait pas disparaître pour autant.
Trois arrêts importants ont consacré cette théorie : CE, 28 juin 1918, Heyriès ; CE, 28
février 1919, Dames Dol et Laurent et enfin TC, 27 mars 1952, Dame de la Murette.

A - La notion
Dans certaines situations l’administration peut prendre certaines mesures.

a) Les situations

Trois conditions doivent être réunies pour qu’il y ait circonstances exceptionnelles.
0 D’abord une situation de fait extrêmement grave sur tout ou partie du territoire de la
république.
0 En second lieu, cette situation doit rendre impossible l’observation stricte de la légalité
ordinaire.
0 Enfin, ces circonstances doivent être largement indépendantes de la volonté des pouvoirs
publics.

b) Les mesures

0 Les mesures prises doivent être strictement limitées à ce qui est nécessaire à la sauvegarde
de l’ordre public et de l’intérêt national.
0 D’autre part, elles doivent être limitées dans le temps à la période durant laquelle les
circonstances les justifient.

B - Les conséquences

a) L’administration peut aller au-delà des règles de forme


33

1. Le dépassement des règles de compétence


Ainsi, en 1944 à la suite du débarquement, des mesures de la compétence du législateur ont
été prises par circulaire. (CE Ass, 16 avril 1948, Laugier)

2. Le dépassement des règles de procédure


Pendant de la période de guerre la règle de la communication du dossier avant toute mesure
disciplinaire peut être écartée. (CE, 28 juin 1918, Heyriès)

b) L’administration peut aller au-delà des règles de fond

0 Des décisions de police restreignant les libertés individuelles au-delà des limitations que
peut ordinairement édicter la police administrative sont légales (CE, 6 août 1915, Delmotte et
Senmartin ;, CE, 28 février 1919, Dol et Laurent)
– Les atteintes qualifiées habituellement de «voies de fait» et soumises à ce titre à un régime
juridique spécial deviennent des actes administratifs ordinaires soumis au contrôle de légalité
normal (TC, 27 mars 1952, Dame de la Murette)
0 Des décisions administratives refusant d’exécuter un jugement en raison des risques de
désordres graves que pourrait entraîner cette exécution sont légales (CE, 30 novembre 1923,
Couitéas)

CHAPITRE 2 - LES GARANTIES D’EXERCICE DES LIBERTES

Ces garanties sont prévues par des dispositions de droit interne. Elles sont renforcées par des
garanties internationales.

SECTION 1 - LES GARANTIES INTERNES

§ 1 - LES GARANTIES JURIDICTIONNELLES

A - Le juge constitutionnel
Le Conseil constitutionnel est chargé par la Constitution de contrôler la constitutionnalité des
lois. Ce faisant, il garantit les libertés puisqu’il sanctionne leur non-respect des libertés par le
législateur. Le contrôle de constitutionnalité débouche aujourd’hui sur ce que l’on peut
appeler à l’instar du contentieux administratif, le contrôle de la constitutionnalité « externe »
et le contrôle de la constitutionnalité « interne ».
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a) Le contrôle de la constitutionnalité « externe »

Les règles de forme qu’il s’agisse des règles de procédure ou de compétence sont en elles-
même des garanties pour les libertés publiques. Leur respect peut être sanctionné par le
Conseil constitutionnel.

1. Le vice de procédure
Le Conseil ne contrôle dans la procédure législative que ce qui relève des règles de procédure
fixées par la Constitution et elle seule et non celles qui figurent dans les règlements des
assemblées. Cependant, il faut souligner le caractère nouveau de ce contrôle des actes
parlementaires par une autorité extérieure. C’est sans doute ce qui explique que le Conseil
exerce là un contrôle souple, sanctionnant le Parlement seulement lorsque la violation de la
procédure est « substantielle ».

2. L’incompétence
2.1. L’incompétence positive
Il s'agit des cas où le législateur ordinaire intervient dans le domaine du législateur organique.
Par contre les cas dans lesquels le législateur est allé au-delà de la compétence qui lui est
donnée par l’article 34 de la Constitution ne sont pas des inconstitutionnalités depuis que la
décision n° 82-143 DC du 30 juillet 1982. En d’autres termes, le législateur peut élargir le
domaine de la loi vers le domaine réglementaire sans pour cela violer la Constitution

2.2. L’incompétence négative


Le Conseil constitutionnel sanctionne les « incompétences négatives » c'est-à-dire le fait pour
le législateur de ne pas exercer pleinement la compétence qui lui est donnée par l'article 34 de
la Constitution pour s'en décharger au profit du pouvoir réglementaire ou d'autorités
administratives. Le Conseil empêche ainsi le législateur d’abandonner ou de négliger son
propre domaine et ce de deux manières différentes.
- En considérant d’abord, qu’il ne peut pas priver de garantie légale une règle, un
principe ou un objectif à valeur constitutionnel ( Décision 85-185 DC du 18 janvier 1985).
- En considérant ensuite que le législateur ne peut se reposer sur le règlement pour
préciser certaines dispositions dans des matières « nobles » comme les libertés publiques
justement. Le Conseil Constitutionnel a ainsi créé une incompétence négative. ( Décision 82-
132 DC du 16 janvier 1982, Nationalisations)

« Considérant que, si les articles 4, 16 et 30 de loi ont pour objet de fixer, dans le
cas particulier qu'ils visent, les règles selon lesquelles peuvent intervenir certains
transferts, leurs dispositions attribuent aux seuls organes des sociétés nationales
un pouvoir discrétionnaire d'appréciation et de décision soustrait à tout contrôle
et d'une telle étendue que les dispositions critiquées ne sauraient être regardées
comme satisfaisant aux exigences de l'article 34 de la Constitution »

De même, pour déterminer le bénéfice des allocations familiales, les dispositions


réglementaires prévues par la loi ne sauraient fixer les plafonds de ressources, compte tenu
des autres formes d'aides aux familles, de telle sorte que seraient remises en cause les
exigences du Préambule (Décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997).
35

b) Le contrôle de la constitutionnalité « interne »

C’est bien sûr par ce contrôle que les libertés sont les mieux garanties.
1. Le détournement de pouvoir ou le contrôle du but poursuivi
En l’état actuel de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, on ne peut pas dire qu’il
contrôle le but poursuivi par le législateur lorsqu'il vote une loi. Le Conseil a pris d’ailleurs la
précaution de rappeler « qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur l'opportunité de
dispositions législatives » (CC, décision n° 89-261 DC, 28 juillet 1989). Mais certains
raisonnements suivis par le Conseil peuvent être assimilés au contrôle du détournement de
pouvoir. Le juge constitutionnel impose en effet un « effet de cliquet » au législateur en lui
interdisant, s'agissant de situation existante intéressant une liberté publique, de les remettre en
cause que dans deux hypothèses : celle où ces situations auraient été illégalement acquises ;
celle où leur remise en cause serait réellement nécessaire pour assurer la réalisation de
l'objectif constitutionnel poursuivi (Décision. n° 84-181 DC des 10 et 11 octobre 1984, et
Décision n° 86-210 DC du 29 juill. 1986). Surtout, si elle peut modifier un régime existant,
s'agissant d'une liberté fondamentale, la loi ne peut en réglementer l'exercice qu'en vue de le
rendre plus effectif.
Quant au détournement de procédure, bien qu’il n’ait jamais été sanctionné par le juge
constitutionnel a été évoqué. Ainsi, lorsque le Conseil contrôle l'utilisation faite par le
Gouvernement de la procédure de l'article 38 de la Constitution afin de légiférer par
ordonnances (CC, décision n° 86-208 DC, 1er et 2 juillet 1986), il conclut à l'absence du
détournement de procédure.

2. La violation de la Constitution ou le contrôle des motifs


Le terme de violation de la Constitution désigne l'ensemble des inconstitutionnalités
sanctionnées au regard des libertés et droits fondamentaux protégés par l'ensemble du bloc de
constitutionnalité. C'est donc surtout dans les éléments du bloc de constitutionnalité qui
contiennent ces droits et libertés que l'on trouve les normes de référence de ce contrôle au
fond : Déclaration de 1789, Préambule de 1946, mais bien évidemment aussi dans le texte
même de la Constitution.
Le Conseil constitutionnel s’assure que le législateur n’a commis aucune erreur de droit ou de
fait. Mais en ce domaine le juge constitutionnel est prudent. Il a lui-même précisé que l'article
61 de la Constitution « ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général
d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement » ( CC, décision n° 74-54 DC,
du 15 janvier 1975) et donc que l'étendue de son contrôle doit trouver en lui-même ses
propres limites.
Le plus souvent, c’est un contrôle restreint qu’il pratique. C’est ainsi, qu’il opère seulement, à
l’instar du juge administratif, un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation :
« l'appréciation portée par le législateur sur la nécessité des nationalisations (...) ne saurait,
en l'absence d'erreur manifeste, être récusée... » (CC, décision n° 81-132 DC, 16 janvier
1982
Ce contrôle de l'erreur manifeste, évolue vers un contrôle de proportionnalité. Le Conseil
constitutionnel dénonçant les atteintes « excessives » à un droit constitutionnellement protégé,
ou encore des « disproportions manifestes » entre une règle législative et un principe
constitutionnel ou encore des « dispositions qui dépassent manifestement les limites que le
respect de la Constitution impose au législateur »
Mais chaque fois qu'une liberté essentielle est mise en cause par la loi (égalité, liberté d'aller
et venir, sûreté,...), le contrôle du Conseil s'exercer de façon approfondie.
36

B - Le juge administratif et le juge judiciaire

a) Le contrôle de conventionnalité

L’article 55 de la Constitution prévoit que « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou


approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve,
pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ». Toutefois dans sa
Décision 54-DC du 15 janvier 1975 « Interruption volontaire de grossesse » le Conseil
déniera sa compétence en la matière :
« Considérant que, si ces dispositions confèrent aux traités, dans les conditions
qu'elles définissent, une autorité supérieure à celle des lois, elles ne prescrivent ni
n'impliquent que le respect de ce principe doive être assuré dans le cadre du
contrôle de la conformité des lois à la Constitution prévu à l'article de celle-ci »
Dans ces conditions les juges judiciaire et administratif ont exercé ce contrôle de
conventionnalité.

1. Le contrôle par le juge judiciaire


C’est la Cour de Cassation qui la première a imposé le respect d’un traité par une loi
postérieure, dans son arrêt du 24 mai 1975, Sté « Cafés Jacques Vabre » :

« Mais attendu que le traité du 25 mars 1957, qui, en vertu de l'article susvisé
de la constitution, a une autorité supérieure a celle des lois, institue un ordre
juridique propre intégré à celui des états membres ; qu'en raison de cette
spécificité, l'ordre juridique qu'il a crée est directement applicable aux
ressortissants de ces états et s'impose a leurs juridictions; que, des lors, c'est à
bon droit, et sans excéder ses pouvoirs, que la cour d'appel a décide que
l'article 95 du traite devait être applique en l’espèce, a l'exclusion de l'article
265 du code des douanes, bien que ce dernier texte fut postérieur; »

2. Le contrôle par le juge administratif


Le Conseil d’Etat suivra, mais avec retard, dans son arrêt du 20 octobre 1989, « Nicolo » :
« Considérant qu'aux termes de l'article 227-1 du traité en date du 25 mars 1957
instituant la Communauté Economique Européenne : "Le présent traité s'applique
à la République française" ; que les règles ci-dessus rappelées, définies par la loi
du 7 juillet 1977, ne sont pas incompatibles avec les stipulations claires de
l'article 227-1 précité du traité de Rome »

b) Le contrôle de l’exécutif et de l’administration

L’exécutif et son administration sont traditionnellement ceux que l’on soupçonne de porter
atteintes aux libertés publiques. La loi des 16 et 24 août 1790, interdisait aux juges « à peine
de forfaiture,(de) troubler d’une quelconque manière que ce soit les opérations des corps
administratifs ». Dans ces conditions, le Conseil d’Etat est progressivement devenu le censeur
de l’administration. Si aujourd’hui, le juge administratif est en principe compétent pour
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contrôler l’administration, le juge judiciaire est cependant compétent lorsque sont en jeu, la
liberté ou le droit de propriété.

1. La compétence du juge judiciaire


1.1. La théorie de l’emprise
C’est la prise de possession irrégulière par l’administration d’une propriété immobilière.
Toutes les conditions de la définition doivent être réunies, dans ce cas, l’effet de l’emprise
sera de donner compétence au juge judiciaire. Mais sera exactement l’étendue de la
compétence du juge judiciaire ?
1.1.1. Les conditions de l’emprise
■ L’existence d’une dépossession
0 L’administration doit porter atteinte à la propriété en y pénétrant.
Toute atteinte extérieure ne constitue pas une emprise. Ainsi, la privation d’eau du fait de la
construction d’un barrage n’est pas une emprise. (TC, 21 mai 1966, Commune de Soultz).
Les formes peuvent être variées on peut citer quelques exemples :
- Une dépossession à la suite d’une délimitation irrégulière du domaine public. (CE, 5
juin 1956, Epoux Matrat)
- Une dépossession à la suite d’une expropriation (CE, 4 janvier 1956, Société Stella
immobilière)
- Une dépossession à la suite d’une réquisition de logement (CE, 19 novembre 1969,
Dame Haltedevaux)
- Le captage d’une source (TC, 9 juillet, Muletier)
- L’abattage d’arbres (CE, 10 juillet 1957, Clertaux)
- La pose de canalisations dans le sous-sol d’une voie privé (TC, 17 octobre 1966,
Epoux Lebas-Quéru)

0 La dépossession peut être partielle


L’incorporation au domaine public d’une partie des terrains de particuliers à la suite de la
délimitation d’un chemin vicinal a été reconnue comme constituant une emprise. (CE, 5 juin
1956, Epoux Matrat)

0 La dépossession peut être temporaire


La circulation de camions de l’administration dans une propriété privée est une emprise,
même si ce passage n’est que momentané. (CE, 8 février 1956, Ministre des travaux
publics/ Chenerilles)
■ Le caractère immobilier du bien dépossédé
La théorie de l’emprise ne s’applique que s’il y a atteinte à la propriété immobilière et non pas
à la propriété mobiliaire. De plus la dépossession de simples droits immobiliers, comme la
servitude de passage, ne constitue pas une emprise. (TC, 26 octobre 1981, Syndicat des
copropriétaires de l’immeuble Armenonvielle)

■ Le caractère irrégulier de la dépossession


Deux types d’irrégularité peuvent être distingués.
0Le titre à l’origine de l’emprise est irrégulier
0Les conditions matérielles de la dépossession sont irrégulières

1.1.2. Les effets de l’emprise


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L’existence de l’emprise entraîne la compétence du juge judiciaire. Mais cette compétence est
limitée.
■ La compétence du juge judiciaire
Le juge judiciaire est compétent pour se prononcer sur la réparation des dommages. Il fixe
une indemnité de dépossession, mais il se prononce aussi sur les dommages accessoires
■ Ses limites
Est exclu de la compétence du juge judiciaire :
- toute conclusion visant à prononcer l’expulsion des occupants (TC, 17 juin 1948,
Manufacture de velours et peluches Velvetia) et (TC, 17 mars 1949, Société Rivoli –
Sébastopol)
- l’appréciation du caractère irrégulier de l’emprise. Le juge judiciaire doit renvoyer la
question au juge administratif (TC, 14 novembre 1938, Baudéan)

1.2. La théorie de la voie de fait

En vertu de l'article 66 de la Constitution, le juge judiciaire est le gardien de la liberté


individuelle. Les juges ont sur ce fondement élaboré la théorie de la voie de fait.
1.2.1. Les conditions de la voie de fait
C’est une action matérielle de l’administration entachée d’une grave irrégularité, portant
atteinte à la propriété ou aux libertés publiques. Plusieurs conditions doivent être réunies
■ Une action matérielle de l’administration
Un acte juridique seul ne suffit pas, il faut absolument qu’une action matérielle ait lieu.
■ Une action irrégulière de l’administration
L’irrégularité de l’action doit être particulièrement grave. L’irrégularité peut être celle de
l’acte lui-même ou celle de l’exécution de l’acte.
– Irrégularité de l’acte exécuté : la voie de fait par manque de droit
Il s’agit d’une décision grossièrement illégale. Ces cas sont relativement rares en raison de la
réduction qu’opère le juge. Soit, il ramène l’acte vers l’illégalité soit vers l’acte inexistant. Il
peut s’agir soit de l’acte d’un usurpateur de fonction, soit de l’acte émanant d’un agent de
l’Etat mais qui est « insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir appartenant à
l’administration » ( CE, 18 novembre 1949, Carlier)
– Irrégularité de l’exécution de l’acte : voie de fait par manque de procédure
- C’est le cas lorsqu’il y n’a pas d’acte juridique préalable : la prise de possession de meubles
sans titre de réquisition. (TC, 12 février 1953, Garcia)
- C’est le cas également, lorsqu’il y a discordance entre le titre juridique et l’exécution du
titre. Ainsi, quand l’administration réquisitionne un bien ne figurant pas sur l’ordre de
réquisition, il y a voie de fait. (TC, 17 juillet 1952, Dusuzeau). Si la réquisition est couverte
par un titre rétroactif il y a emprise irrégulière.
– Irrégularité des modalités de l’exécution : c’est l’hypothèse de l’exécution forcée.
L’administration dispose du privilège d’exécuter elle-même, par la force une de ses décisions.
Toutefois, cela n’est possible que dans si certaines conditions sont réunies. Sans quoi il y a
voie de fait.
- L’exécution forcée n’est possible que s’il y a urgence
- L’exécution forcée n’est possible que si la loi l’autorise expressément
En dehors de ces deux hypothèses
- l’opération doit avoir sa source dans un texte de loi très précis
- aucune sanction pénale ne doit avoir été prévue
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- il y a résistance à l’action de l’administration


- les mesures d’exécution forcée doivent uniquement tendre à la réalisation de l’opération
prévue par la loi
(TC, 2 décembre 1902, Société immobilière de Saint Just)
■ Une atteinte au droit de propriété ou à une liberté
La théorie de la voie de fait protège les atteintes aux libertés, à la différence de l’emprise. La
théorie de la voie de fait protège les atteintes à la propriété mobilière et immobilière alors que
l’emprise ne protège que la propriété immobilière

1.2.2. Les effets de la voie de fait


■ La compétence du juge judiciaire
La voie de fait entraîne la compétence du juge judiciaire, mais cette compétence est
relativement large, plus large qu’en matière d’emprise. Ainsi, le juge judiciaire est-il
compétent non seulement pour une action en indemnité (comme pour l’emprise), mais aussi
pour constater l’irrégularité de l’acte donc pour constater la voie de fait. Toutefois, lorsqu’il
s’agit d’un acte inexistant il y a compétence concurrente (TC, 27 juin 1966, Guigon)
■ Les pouvoirs du juge judiciaire
Le juge judiciaire peut faire cesser l’occupation par injonction (TC, 17 mars 1949, Société
immobilière Rivoli-Sébastopol), il peut également ordonner l’arrêt des travaux.

2. La compétence du juge administratif

En dehors des cas précédant, c’est le juge administratif qui est compétent pour contrôler
l’administration. Selon que l’administration dispose d’une compétence liée ou d’un pouvoir
discrétionnaire le contrôle qu’exercera le juge sera normal ou restreint.

2.1. Le contrôle normal

Il porte sur tous les éléments de la légalité.


2.1.1 . La légalité externe
Deux cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir, correspondent à cette situation.
■ L’incompétence ou l’illégalité relative à l’auteur de l’acte
Il peut s’agir d’une incompétence quant à l’auteur de l’acte lui-même ( compétence ratione
personae), quant au délai durant lequel l’autorité agit (compétence ratione temporis), quant à
lieu dans lequel l’autorité agit (compétence ratione loci)
■ Le vice de forme ou l’illégalité relative à la forme de l’acte
C’est l’omission ou l’irrégularité des formalités auxquelles est soumis l’édiction de l’acte
administratif. Le juge distingue entre les formalités substantielles et les formalités non-
substancielles. Les premières doivent absolument être respectées contrairement aux secondes.
2.1.2. La légalité interne
Si la légalité externe concerne l’auteur et les formes de l’acte, la légalité interne est relative au
but et aux motifs de l’acte.
■ Le détournement de pouvoir ou l’illégalité relative au but de l’acte
Deux types de détournement de pouvoir peuvent être distingués.
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- Il y a détournement de pouvoir lorsque l'administration détourne sa compétence à des


fins autres que l'intérêt public ou à des fins d'intérêt public qui ne sont pas celles prévues par
les règles en vigueur.
- Il y a détournement de procédure lorsque l'administration fait usage d'une procédure
administrative à des fins qui ne sont pas celles qui étaient assignées par la loi
■ La violation de la loi ou l’illégalité relative aux motifs de l’acte
Il s’agit du contrôle des raisons justifiant que l’administration ait pris la décision en question.
Certains de ces motifs sont des motifs de fait, d’autres sont des motifs de droit
- La première erreur, c’est l’erreur de fait. Plus précisément, c’est la violation directe
de la loi, c'est-à-dire la violation de l’une des règles qui s’imposait à l’administration au
moment de la prise de décision.
- L’autre erreur, c’est l’erreur de droit. Il s’agit d’une mauvaise interprétation de la
règle. Non pas de sa violation directe, mais d’une incompréhension de cette règle ou bien, du
choix d’une mauvaise règle. Elles constituent une erreur sur les motifs de droit, donc une
violation de la loi au sens des ouvertures des recours pour excès de pouvoir.

2.2. Le contrôle minimum

Lorsque l’administration dispose d’un pouvoir discrétionnaire le juge procède à un contrôle


plus réduit. Il ne contrôle pas les motifs. Il laisse donc l’administration bénéficier d’un entier
pouvoir d’appréciation. Toutefois, le juge a développé deux théories qui viennent limiter dans
certains cas les pouvoirs de l’administration.

2.2.1. L’erreur manifeste d’appréciation


C’est une dérogation à la règle selon laquelle, en matière de pouvoir discrétionnaire,
l'appréciation de la valeur justificative des motifs est laissée à l'administration et échappe au
contrôle du juge.
La disproportion entre les faits et les motifs de la décision est telle que le juge se reconnaît le
droit de substituer son appréciation à celle de l’administration. Cette théorie de l’erreur
manifeste d’appréciation s’est notamment développée dans le cadre de la fonction publique :
avancement (CE, Sect, 22 février 1963, Maurel), notation (CE Sect, 23 octobre 1979,
Leca), sanctions disciplinaires (CE Sect, 9 juin 1978, Sieur Lebon). L’erreur manifeste
d’appréciation s’est aussi développée en matière police des étrangers : (CE Ass , 2 novembre
1973, Sté Librairie Maspéro) ou encore (CE, 3 février 1975, Ministère de l’intérieur/
Pardov). Enfin, le domaine de l’urbanisme est également devenu un terrain d ‘élection de la
théorie : (CE Ass, 29 mars 1968, Société du lotissement de la plage de Pampelonne )

2.2.2. La théorie du bilan


Le juge de l'excès de pouvoir apprécie dans certains cas de pouvoir discrétionnaire si la
mesure attaquée n’est pas disproportionnée, excessive, par rapport aux motifs de fait qui l’ont
inspirée. C’est ce que l’on appelle le contrôle du « bilan coût-avantages ».
Cette jurisprudence a pris naissance en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique.
Elle permet au juge de l’excès de pouvoir d'apprécier si, dans l'expropriation projetée, « les
atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d’ordre
social que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu’elle présente »
(CE, 28 mai 1971, Ville nouvelle Est ; 20 octobre 1972, Sté civile Sainte Marie de
l’Assomption)
41

§ 2 - LES GARANTIES NON - JURIDICTIONNELLES

A - Le médiateur
Inspirée par l'Ombudsman suédois, institué dès 1809, et par le mode de fonctionnement des
Ombudsmän apparus en Europe au milieu du XXe siècle, comme le « Commissaire
parlementaire pour l'administration » créé au Royaume-Uni en 1967, le médiateur a été créé
par la loi du 3 janvier 1973. L'institution s'est trouvée renforcée par les lois de 1976, donnant
au médiateur davantage de pouvoirs, et notamment un pouvoir d'injonction qui lui avait été
refusé en 1973. Le mouvement a été poursuivi par la loi du 3 janvier 1989, puis par la loi
d'orientation du 6 février 1992 qui a élargi la saisine du médiateur et enfin par la loi du 12
avril 2000 relative aux Droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations
(DCRA) qui renforce l'autorité du Médiateur de la République

a) L’institution

1. Le médiateur
Nommé par décret en Conseil des ministres pour une durée de six ans non renouvelable, le
médiateur de la République est une personnalité indépendante et irrévocable. Au surplus, le
mandat est unique, non renouvelable.
L’indépendance du médiateur est également assurée par son inéligibilité sur le plan national,
dans toutes les circonscriptions et sur le plan local.
De plus le médiateur bénéficie d'une immunité. Il ne peut être poursuivi, recherché, arrêté,
détenu ou jugé à l'occasion des opinions qu'il émet ou des actes qu'il accomplit dans l'exercice
de ses fonctions. Enfin il ne reçoit d'instruction d'aucune autorité.
Cette fonction est, depuis avril 1998, exercée par Bernard Stasi, ancien ministre, qui a succédé
à Jacques Pelletier.

2. Ses collaborateurs

2.1. Les collaborateurs directs


Le médiateur peut choisir ses collaborateurs parmi :
- les fonctionnaires civils de l'État, magistrats inclus. Les intéressés sont alors placés en
position de détachement
- les militaires de carrière
- les agents titulaires d'un emploi permanent à temps complet des collectivités territoriales
Ils sont nommés pour la durée de la mission. Leur détachement expiré, ils sont réintégrés
immédiatement – au besoin en surnombre – dans leur corps d'origine.

2.1. Les délégués départementaux


Ils sont nommés par le médiateur et siègent dans les préfectures ou dans des structures de
proximité (maisons de la justice et du droit, maisons des quartiers, maisons des services
publics, bureaux de poste, points d'accueil multi-services…)
Leur mandat dure un an, il est renouvelable. Ils ont pour tâche d'informer les plaignants et de
traiter les réclamations qui ne nécessitent pas l'examen du médiateur en personne. Lorsque le
délégué n'a pas la possibilité de régler le problème, il aide le réclamant à constituer son
42

dossier pour le transmettre au médiateur de la République. Il peut également mettre en


relation le réclamant avec un parlementaire.

b) Ses missions

1. Domaine
Le médiateur traite des différends qui opposent l'administration aux administrés. Les litiges
entre particuliers sont donc exclus.
Par administration il faut entendre les services de l'État, mais aussi les collectivités publiques
territoriales, les établissements publics, « et tout autre organisme investi d'une mission de
service public ». De ce fait, le médiateur est compétent pour examiner les réclamations
relatives aux entreprises nationales comme la SNCF ou EDF, comme celles qui concernent les
organismes de sécurité sociale, les caisses d'épargne, etc. Peu importe que l'organisme soit
une personne publique ou privée dès lors qu'il exerce une mission de service public.
Mais le médiateur ne peut pas accepter une réclamation relative à un différend entre une
administration ou un organisme investi d'une mission de service public et un de leurs agents.
De même, il ne peut s'immiscer dans une procédure engagée devant une juridiction, ni
remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle.

2. Pouvoirs
Le médiateur est saisi par une personne physique ou morale, par l'intermédiaire d'un
parlementaire, après que des démarches ont été effectuées par le réclamant auprès des
administrations concernées. Il pourra alors user d’un certain nombre de pouvoirs.
2.1. Des pouvoirs d’investigation
Le médiateur dispose de deux grands pouvoirs d’investigation. Il peut entendre les agents de
toutes les administrations. A cette fin, les ministres ou les autorités publiques « sont tenus
d'autoriser les agents placés sous leur autorité à répondre aux questions et éventuellement
aux convocations du Médiateur de la République ».
Le Médiateur peut également demander « communication de tout document ou dossier
concernant l'affaire à propos de laquelle il fait son enquête ».
Le caractère secret ou confidentiel des documents ne peut lui être opposé, à la seule exception
de secrets concernant la défense nationale, la sûreté de l'État ou la politique extérieure.
Le médiateur peut également disposer de certains moyens plus précis, puisque les ministres
sont « tenus d'autoriser(...) les corps de contrôle à accomplir, dans le cadre de leur
compétence, les vérifications et enquêtes demandées par le Médiateur de la République ».
Par ailleurs, « Le vice-président du Conseil d'État et le premier président de la Cour des
comptes font, sur la demande du Médiateur de la République, procéder à toutes études ».
2.2. Des pouvoirs d’action
Le médiateur peut agir par la contrainte. Un pouvoir de substitution est effet reconnu au
Médiateur si l'autorité compétente se refuse à sanctionner un agent fautif, il peut, « au lieu et
place de celle-ci, engager contre tout agent responsable une procédure disciplinaire ou, le
cas échéant, saisir d'une plainte la juridiction répressive ».
Le Médiateur dispose également d'un pouvoir d'injonction puisqu’il il peut « en cas
d'inexécution d'une décision de justice passée en force de chose jugée, enjoindre à
l'organisme mis en cause de s'y conformer dans un délai qu'il fixe. Si cette injonction n'est pas
suivie d'effet, l'inexécution de la décision de justice fait l'objet d'un rapport spécial (...) publié
au Journal officiel ». L’injonction débouche alors sur le recours à l’opinion publique. C’est le
43

cas également lorsque l'administration n'apporte pas de réponse satisfaisante au Médiateur


dans un délai qu'il a fixé. Le médiateur peut alors rendre publiques ses recommandations.
L'organisme mis en cause peut à son tour rendre publique la réponse faite et, le cas échéant,
la décision prise à la suite de la démarche faite par le médiateur. En outre, le Médiateur de la
République peut également rendre publiques ses propositions de réformes.
Enfin, le médiateur présente au Président de la République et au Parlement un rapport annuel
dans lequel il établit le bilan de son activité. Ce rapport est publié et fait l'objet d'une
communication du médiateur devant chacune des deux assemblées. Des indications précises y
sont données sur la les réclamations traitées et sur les propositions de réforme les plus
significatives.
Le médiateur a été créé avant que la notion d’Autorité administrative indépendante ne soit
mise en avant. Depuis, le médiateur a été reconnu en tant que tel.

B - Les Autorités administratives indépendantes (AAI)

a) La notion d’Autorités administrative indépendante

On peut préciser la notion d’autorité administrative indépendante en partant des trois termes
qui servent à la dénommer.

1. Des autorités
Le rôle d’une autorité administrative indépendante (AAI) est d'assurer la régulation, c’est-à-
dire le fonctionnement harmonieux, d’un secteur précis dans lequel le gouvernement ne veut
pas intervenir trop directement, ce qui implique une autorité morale reconnue, une certaine
souplesse dans les formes de décision ainsi qu’un appui sur l’opinion.

2. Des autorités administratives


Si les autorités administratives indépendantes sont des autorités administratives c’est parce
que leurs actes sont soumis au contrôle du juge administratif. Le Conseil d’Etat l’a constaté à
propos des décisions que peut prendre le Médiateur (CE, 10 juillet 1981, Retail). Le Conseil
constitutionnel a rappelé que le droit au recours contre les actes des autorités administratives
indépendantes était, comme à l'égard de toute décision administrative, un impératif
constitutionnel (CC, Décision n° 86-217 DC, 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de
communication et CC, Décision n° 88-247 DC, 17 janvier 1989, Loi autorisant la
ratification de la convention internationale du travail n° 159 (concernant la réadaptation
professionnelle et l'emploi des personnes handicapées). Souvent la loi prévoit un recours de
pleine juridiction, qui permet au juge non seulement d’annuler mais aussi de réformer la
décision qui lui est déférée.
La juridiction compétente est normalement la juridiction administrative. Pourtant, pour les
autorités qui interviennent en matière de régulation de l’économie, le législateur a étendu la
compétence de l’autorité judiciaire, en plaçant sous le contrôle de la cour d'appel de Paris les
décisions du Conseil de la concurrence, les sanctions - mais non les mesures réglementaires -
arrêtées par la Commission des opérations de Bourse, les décisions prises par l’Autorité de
régulation des télécommunications à l’occasion des litiges entre opérateurs. Le Conseil
constitutionnel a admis de tels transferts de compétence, dès lors qu’ils avaient un objet précis
44

et limité et étaient décidés dans le souci d’unifier un contentieux, de nature commerciale, au


profit de l'ordre de juridiction « principalement intéressé ».

3. Des autorités administratives indépendantes


Contrairement à la tradition administrative française, les autorités administratives
indépendantes ne sont pas soumises à l'autorité hiérarchique d’un ministre. Elles sont donc en
contradiction avec l’article 20 de la Constitution, aux termes duquel « le Gouvernement
dispose de l'administration ». A travers plusieurs décisions rendues au sujet de la Commission
nationale de la communication et des libertés (Décision précitée du 18 septembre 1986), du
Conseil de la concurrence (CC, Décision n° 86-224 DC, 23 janvier 1987, Loi transférant à
la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du conseil de la concurrence), du
Conseil supérieur de l’audiovisuel (Décision précité du 17 janvier 1989) et de l’Autorité de
régulation des télécommunications (CC, Décision n° 96-380 DC, 23 juillet 1996, Loi relative
à l'entreprise nationale France télécom), le Conseil constitutionnel n’en a pas moins jugé
qu’il n’y avait pas d’obstacle constitutionnel à la création de telles autorités.
En dehors du Médiateur de la République, du Médiateur du cinéma et du Défenseur des
enfants, les autorités administratives indépendantes sont des institutions collégiales. Elles
sont dotées d’un Président qui exerce l’autorité sur les services de l’autorité administrative
indépendante, fixe l’ordre du jour des débats et peut disposer de pouvoirs propres.
Leurs membres sont nommés selon des modalités assez variées (nomination par le pouvoir
exécutif ou d'autres autorités, élection) dont l’objectif est d’éviter une emprise politique trop
importante. La durée et les conditions d'exercice de leur mandat ne sont pas non plus
uniformes. Bien qu’« indépendantes », les autorités administratives indépendantes sont liées
budgétairement à un ministère. Leur budget est inscrit au budget général du ministère ayant la
compétence la plus proche de leur domaine d'intervention.

b) Les pouvoirs des Autorités administratives indépendantes

Certaines sont dépourvues de tout pouvoir de décision contrairement à d’autres.


1. Les autorités administratives indépendantes dépourvues de pouvoir de décision
Certaines autorités ne sont compétentes que pour émettre des recommandations, des
propositions ou bien encore des avis. Dans de tels cas, l’autorité a un pouvoir d'influence, ou
d’incitation.
C’est le cas de la commission de sécurité des consommateurs (loi du 21 juillet 1983) qui
exerce droit types de missions :
- recenser les accidents et les risques de la vie courante.
- remettre des avis destinés aux pouvoirs publics, aux professionnels, et aux consommateurs
intéressés, sur tous types de produits et de services présentant des risques
- informer le public

2. Les autorités administratives indépendantes disposant d'un pouvoir de décision


Ces autorités administratives indépendantes sont d’abord compétentes pour prendre les
décisions individuelles qui concernent leur champ d’action. Dans certains cas, elles sont
également dotées d’un pouvoir réglementaire, c’est à dire du pouvoir de prendre des mesures
générales et impersonnelles contraignantes.
45

2.1. Le pouvoir de prendre des mesures individuelles


Les autorités administratives indépendantes disposent généralement de pouvoirs de
nomination et d’autorisation. Le CSA nomme les présidents des chaînes publiques. L’autorité
de régulation des télécommunications créée par la loi du 26 juillet 1996 délivre les
autorisations d’ouverture et d’exploitation des réseaux de télécommunications réservés à des
groupes fermés d’utilisateurs, la COB délivre des agréments pour certains types d’opération :
création de FCP ou des sociétés d’investissement à capital variable.

2.2. Le pouvoir réglementaire des autorités administratives indépendantes


Ce pouvoir est assez rarement reconnu aux autorités administratives indépendantes, ce qui
tient essentiellement aux limites prévues par la Constitution de 1958. Ses articles 13 et 21
prévoient en effet un partage du pouvoir réglementaire entre le Premier ministre et le
Président de la république. Toutefois, une partie de ce pouvoir peut être déléguée à d’autres
autorités, et notamment aux ministres.
La question de savoir si les AAI pouvait disposer d’un tel pouvoir, a été longtemps débattue
par la doctrine, le Conseil constitutionnel a tranché favorablement (CC, Décision n° 86-217
DC, 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication).Selon cette décision,
l’article 21 ne fait pas obstacle à ce que la loi confie à une autorité de l’Etat autre que le
Premier ministre « le soin de fixer, dans un domaine déterminé et dans le cadre défini par les
lois et règlements des normes permettant de mettre en oeuvre la loi ».
Par conséquent, si le pouvoir réglementaire des AAI est reconnu c’est à la condition qu'il ait
une portée limitée et soit subordonné au respect tant des lois que des décrets.
Cette jurisprudence a été confirmée et précisée quelques années plus tard (CC, Décision n°
88-248 DC, 17 janvier 1989, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative
à la liberté de communication CSA du 17 janvier 1989). Dans cette décision, le Conseil
précise que les autorités administratives indépendantes ne peuvent prendre que «des mesures
réglementaires de portée limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu ».
Dans ces limites, qui débouchent sur un pouvoir réglementaire spécialisé et subordonné, la loi
a pu conférer une compétence réglementaire à la Commission nationale de l’informatique et
des libertés, à la Commission des opérations de Bourse, avec d’ailleurs l’agrément du ministre
des Finances, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, de façon toutefois réduite par rapport à la
Commission nationale de la communication et des libertés, à l’Autorité de régulation des
télécommunications et à la Commission de régulation de l’électricité.

SECTION 2 - LES GARANTIES INTERNATIONALES

C’est au niveau mondial qu’elles existent, mais aussi au niveau européen.

§ 1 - AU NIVEAU MONDIAL

Il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la création de l’ONU pour parler
d’une universalisation des droits de l'homme.
La première tentative de précision du domaine des droits de l'homme fut la Déclaration
universelle des droits de l'homme en 1948 votée par l’Assemblée générale des Nations Unies.
Elle ne revêt donc aucun caractère obligatoire. Il faut attendre 1966 pour que l’Assemblée
46

générale adopte le Pacte international des droits civils et politiques ainsi que le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Ces deux Pactes constituent, la « Charte internationale des droits de l'homme » par laquelle
l'Assemblée générale a codifié la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.
Plusieurs organes permettent de veiller à l’application de ces textes.

A - La Commission des droits de l'homme


C’est le principal organe du système des Nations unies dans le domaine des droits de
l'homme. Créée en 1946 par le Conseil économique et social des Nations unies, elle est
composée de 53 Etats membres qui y envoient une délégation.
Elle mène des études, prépare des recommandations et élabore des projets d'instruments
internationaux concernant les droits de l'homme. Elle peut également enquêter sur des
allégations concernant des violations des droits de l'homme.
Depuis 1967, la Commission a mis sur pied des mécanismes et des procédures pour s'assurer
que les Etats observent le droit international relatif aux droits de l'homme et enquêter sur leurs
violations présumées.
Les mandats relatifs à ces procédures et mécanismes consistent à examiner et à surveiller la
situation des droits de l'homme dans un pays ou un territoire donné (mécanismes ou mandats
par pays) ou les violations majeures des droits de l'homme à l'échelle mondiale (mécanismes
ou mandats par thèmes) et à en rendre compte publiquement. L'ensemble de ces procédures et
mécanismes forme les procédures spéciales de la Commission des droits de l'homme.

B - Le Comité des droits de l'homme


Il a été institué par le Pacte international des droits civils et politiques, pour surveiller son
application ainsi que celle de ses deux protocoles facultatifs.
Il est composé de dix-huit experts « de haute moralité et possédant une compétence reconnue
dans le domaine des droits de l'homme » siégeant à titre individuel, ils sont élus pour quatre
ans par les Etats parties.
Deux procédures lui permettent de contrôler l’application du Pacte.

a) La procédure de l’article 40

En premier lieu, aux termes de l’article 40, les États parties s’engagent à présenter des
rapports sur les mesures qu’ils auront arrêtées pour donner effet aux droits reconnus. Ces
rapports sont examinés de manière contradictoire par le Comité. Les représentants de l’État
concerné, siégeant et pouvant répondre aux questions qui leur sont posées. Le Comité adresse
ensuite aux Etats parties ses propres rapports ainsi que toutes les observations générales qu’il
juge appropriées.

b) La procédure du premier Protocole facultatif

La deuxième procédure a été instituée par le premier Protocole facultatif. Il habilite le Comité
à recevoir et à examiner des « communications » émanant de particuliers qui estiment être
victimes d'une violation, par un Etat partie, d'un des droits énoncés dans le Pacte. Il est
nécessaire que tous les recours internes disponibles aient été épuisés.
47

Si la communication est jugée recevable, le Comité, peut communiquer ses « constatations »


sur le fond à l’État défendeur et au particulier après avoir recueilli toutes les informations
nécessaires auprès des parties.

C - Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Il a été créé par le Conseil économique et social des Nations unies, en 1985 pour surveiller
l'application, par les Etats parties, des dispositions du Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels. Il est composé de dix-huit experts siégeant à titre
individuel, élus par le Conseil économique et social sur une liste de candidats proposés par les
Etats parties.

Le Comité est chargé d'examiner les rapports des Etats parties au Pacte rendant compte des
mesures qu'ils ont prises et des progrès qu'ils ont accomplis en vue de la réalisation des droits
reconnus dans le Pacte. Les délégations des gouvernements dont le rapport est examiné au
cours d’une session répondent aux demandes de renseignements complémentaires des experts
du Comité. Des « observations finales » sur l'examen des rapports des Etats parties et sur
l'application du Pacte par ces Etats sont adoptées au cours de séances privées par le Comité
avant d'être rendues publiques à la fin de la session.

§ 2 - AU NIVEAU EUROPEEN

A - Dans le cadre du Conseil de l’Europe

a) Le système de la Convention européenne des droits de l’homme

Le Protocole n° 11 à la Convention européenne des Droits de l’Homme ouvert à la signature


le 11 mai 1994 a réformé le mécanisme de contrôle. Désormais la Cour européenne est le
seul organisme à garantir les droits inscrits dans la Convention et ce de manière plus efficace
encore.

1. L’organisation de la Cour européenne des droits de l’Homme


La Cour européenne des Droits de l’Homme se compose d’un nombre de juges égal à celui
des Etats contractants. Il n’y a aucune restriction quant au nombre de juges possédant la
même nationalité.
1.1. Les juges
Les juges sont élus, pour six ans, par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Le
renouvellement se faisant tous les trois ans. Ils siègent à la Cour à titre individuel et ne
représentent aucun Etat. Ils ne peuvent exercer aucune activité incompatible avec leurs
devoirs d’indépendance et d’impartialité ou avec la disponibilité requise par une activité
exercée à temps plein. Le mandat des juges s’achève dès qu’ils atteignent l’âge de soixante-
dix ans.
48

1.2. Les structures


La Cour plénière élit son président, deux vice-présidents et deux présidents de section pour
une période de trois ans.
– Les sections
La Cour se divise en quatre sections, dont la composition, fixée pour trois ans, doit être
équilibrée tant du point de vue géographique que du point de vue de la représentation des
sexes et tenir compte des différents systèmes juridiques existant dans les Parties contractantes.
Chaque section est présidée par un président, deux des présidents de section étant en même
temps vice-présidents de la Cour. Les présidents de section sont assistés et, le cas échéant,
remplacés par les vice-présidents de section.
Des comités de trois juges sont constitués pour une période de douze mois au sein de chaque
section.
– Les chambres
Des chambres de sept membres sont constituées au sein de chaque section, selon un système
de rotation, le président de section et le juge élu au titre de l’Etat concerné y siégeant de droit.
Lorsque ce dernier n’est pas membre de la section, il siège en qualité de membre de droit de la
chambre. Les membres de la section qui ne sont pas membres titulaires de la chambre siègent
en qualité de suppléants.
– La Grande Chambre
Elle se compose de dix-sept juges. Le président et les vice-présidents de la Cour, les
présidents des sections ainsi que le juge élu au titre de l’Etat concerné en font partie d’office.
Les autres juges sont désignés au moyen d’un tirage au sort. Dans les affaires qui lui sont
déférées en vertu de l’article 30 de la Convention (dessaisissement d’une chambre en faveur
de la Grande Chambre), la Grande Chambre comprend également les membres de la chambre
s’étant dessaisie, alors que pour les affaires qui lui sont déférées en vertu de l’article 43 de la
Convention, la Grande Chambre ne comprend aucun juge ayant participé aux délibérations de
la chambre originaire sur la recevabilité ou le fond de l’affaire, à l’exception du président de
cette chambre et du juge y ayant siégé au titre de l’Etat partie.

2. La procédure devant la Cour


La procédure devant la Cour européenne des Droits de l’Homme est contradictoire et
publique. Les audiences sont publiques, à moins que la chambre ou la Grande Chambre n’en
décide autrement en raison de circonstances exceptionnelles. Les mémoires et autres
documents déposés au greffe de la Cour par les parties sont accessibles au public.
2.1. La saisine
Tout Etat contractant (requête étatique) ou particulier s’estimant victime d’une violation de la
Convention (requête individuelle) peut adresser directement à la Cour de Strasbourg une
requête alléguant une violation par un Etat contractant de l’un des droits garantis par la
Convention.
2.2. La recevabilité
Chaque requête individuelle est attribuée à une section, dont le président désigne un
rapporteur qui décide si elle doit être examinée par un comité de trois membres ou par une
chambre.
Un comité peut, à l’unanimité, déclarer une requête irrecevable ou la rayer du rôle de la Cour
lorsque pareille décision peut être prise sans autre examen.
Les chambres connaissent des requêtes individuelles qui n’ont pas été déclarées irrecevables
par un comité ainsi que des requêtes étatiques. Elles se prononcent sur la recevabilité comme
49

sur le fond des requêtes, en général par des décisions distinctes mais le cas échéant par des
décisions uniques.
Les chambres peuvent à tout moment se dessaisir en faveur de la Grande Chambre lorsqu’une
affaire soulève une question grave relative à l’interprétation de la Convention ou lorsque la
solution d’une question peut conduire à une contradiction avec un arrêt rendu ultérieurement
par la Cour, à moins que l’une des parties ne s’y oppose dans le délai d’un mois à compter de
la notification de l’intention de la chambre de se dessaisir.

2.3. Le jugement

Les chambres statuent à la majorité. Tout juge ayant pris part à l’examen de l’affaire a le droit
de joindre à l’arrêt soit l’exposé de son opinion séparée - concordante ou dissidente - soit une
simple déclaration de dissentiment.
Dans le délai de trois mois à compter de la date du prononcé de l’arrêt rendu par une chambre,
toute partie peut demander que l’affaire soit renvoyée à la Grande Chambre si elle soulève
une question grave relative à l’interprétation ou à l’application de la Convention ou de ses
Protocoles, ou une question grave de caractère général.
Ces demandes sont examinées par un collège de cinq juges de la Grande Chambre,. Si le
collège accueille la demande, la Grande Chambre statue sur l’affaire à la majorité, par la voie
d’un arrêt qui est définitif.
Un jugement de chambre devient définitif à l’expiration d’un délai de trois mois, ou avant si
les parties déclarent ne pas avoir l’intention de demander le renvoi à la Grande Chambre ou si
le collège de cinq juges a rejeté la demande de renvoi.
Tous les arrêts définitifs de la Cour sont contraignants pour les Etats défendeurs concernés.
Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe vérifie si les Etats qui ont été jugés avoir
violé la Convention ont pris les mesures nécessaires pour s’acquitter des obligations
spécifiques ou générales résultant des arrêts de la Cour.

b) Le système de la Charte sociale

Le respect des engagements énoncés dans la Charte est soumis au contrôle du Comité
européen des Droits sociaux. Le Comité comprend douze membres indépendants et
impartiaux, élus par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe pour un mandat de six
ans, renouvelable une fois. Il statue en droit sur la conformité ou non à la Charte des
situations nationales des Etats parties.

1. La procédure des rapports nationaux


Les Etats parties doivent soumettre chaque année un rapport, dans lequel ils indiquent
comment ils mettent en oeuvre la Charte. Chaque rapport porte sur une partie des dispositions
acceptées de la Charte.
Le Comité examine les rapports et décide de la conformité ou non des situations nationales à
la Charte. Ses décisions appelées « conclusions » sont publiées chaque année.
Si un Etat ne donne pas suite à une décision de non-conformité du Comité, le Comité des
Ministres adresse une recommandation à cet Etat, lui demandant de modifier la situation en
droit ou en pratique. Le travail du Comité des Ministres est préparé par un Comité
gouvernemental composé de représentants des gouvernements des Etats parties à la Charte,
assistés d'observateurs représentant les partenaires sociaux européens
50

2. La procédure des réclamations collectives


Un Protocole, entré en vigueur en 1998, permet de saisir le Comité européen des Droits
sociaux de recours alléguant de violations de la Charte.
La Confédération européenne des syndicats (CES), l’Union des Confédérations de l'industrie
et des employeurs d'Europe (UNICE), l’Organisation internationale des employeurs (OIE)
ainsi que les organisations non gouvernementales dotées du statut consultatif auprès du
Conseil de l'Europe sont habilitées à saisir le Comité.
La réclamation est examinée par le Comité qui, si les conditions de forme sont remplies,
décide de sa recevabilité. Une fois la réclamation déclarée recevable, une procédure écrite se
déroule avec échange de mémoires entre les parties. Une audition publique peut même être
décidée.
Le Comité adopte ensuite une décision sur le bien-fondé de la réclamation. Il la transmet aux
parties et au Comité des Ministres dans un rapport, rendu public au plus tard quatre mois
après sa transmission.
Finalement, le Comité des Ministres adopte une résolution. Le cas échéant, il peut
recommander à l'Etat de prendre des mesures spécifiques pour mettre la situation en
conformité avec la Charte.

B - Dans le cadre de l’Union Européenne

Dans son article 6 § 2 le traité de Maastricht de 1992 précise que : « L'Union respecte les
droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et
tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, en tant
que principes généraux du droit communautaire ».
C'est la Cour de justice des communautés (CJCE), qui détermine, par sa jurisprudence, quels
sont ces principes généraux. On peut en distinguer deux catégories : les principes généraux
communs aux droits des Etats membres proprement dits et les principes généraux spécifiques
à l'Union.

a) Les principes généraux communs aux droits des Etats membres

On peut citer parmi ceux-ci le principe d'égalité devant la réglementation économique


(CJCE, 21 juin 1958, Hauts fourneaux et aciéries belges, 8/57, p. 223), le principe de
distinction des impôts et des taxes ou redevances (CJCE, 8 février 1968, IGF van Leuwen,
32/67, p. 63), le principe d'enrichissement sans cause (CJCE, 11 juillet 1968, Danvin, 26/67,
p.463), le principe de la hiérarchie des normes en tant qu'il fonde la distinction entre règles et
mesures d'exécution (CJCE, 17 décembre 1970, Köster, 25/70, p.1161), les principes
régissant la responsabilité extra-contractuelle pour dommages causés par des actes normatifs
(CJCE, 25 mai 1978, Bayerische HNL, 83/76, p. 1209), le principe de confidentialité des
correspondances entre les avocats et leurs clients (CJCE, 18 mai 1982, AM & S., 155/79, p.
1575), le principe du droit au juge (CJCE, 15 mai 1986, Johnson, 222/84, p. 1663), le
principe du droit des entreprises sur leurs secrets d'affaires (CJCE, 24 juin 1986, Akso,
53/85, p. 1985).

b) Les principes spécifiques à l’Union européenne


51

1. Les principes communautaires essentiels


Ce sont des principes qui sont directement issus de la nature fondamentale de l'Union. Il s’agit
d’abord de principes institutionnels comme par exemple, le principe de solidarité entre les
Etats membres (CJCE, 7 février 1973, Commission c/ Italie,) ou encore le principe
d'équilibre institutionnel (CJCE, 13 juin 1958, Meroni, 9/56),
Sont également des principes essentiels: la non-discrimination et l'égalité de traitement tant en
raison de la nationalité (CJCE, 17 juillet 1981, Oebel, 155/80, p. 1993) que du sexe (CJCE,
15 juin 1978, Defrenne, 149/77, p. 1365) ; et la proportionnalité (CJCE, 18 mars 1980,
Valsabbia, 154/78, p. 907).

2. Les principes communautaires fonctionnels


Il s'agit des principes que l’on retrouve dans tout système juridique moderne, et qui sont
destinés à permettre un fonctionnement régulier des institutions. On peut les classer selon
deux axes.
1.1. La sécurité juridique
Dans cette rubrique on peut ranger, le principe de la non rétroactivité des actes administratifs
(CJCE, 29 janvier 1985, Gesamthochschule Duisburg, 234/83, p. 333), le principe du
respect des droits acquis et de l'immutabilité des situations juridiques subjectives (CJCE, 22
septembre 1983, Verli Wallace, 159/82, p. 2711), le principe de la bonne foi qui s'impose
aux institutions « dans le domaine administratif comme dans le domaine contractuel »
(CJCE, 15 juillet 1960, Van Lackmüller, 43/59, p. 933), le principe de sauvegarde de la
confiance légitime, (CJCE, 16 mai 1979, Tomadini, 84/78, p. 1801).
1.2. L'Etat de droit
Les principes reconnus par la CJCE en ce domaine sont le principe de légalité et le principe
de contrôle juridictionnel destiné à en assurer le respect (CJCE, 31 mars 1971, Commission
c/ Conseil, 22/70, p. 263), le principe de respect des droits de la défense (CJCE, 10 mars
1970, Commission c/ Italie, 7/69, p. 117), le principe d'une bonne administration de la justice
(CJCE, 13 novembre 1973, Werhahn Hansamühle, 63/72, p. 1229).

DEUXIEME PARTIE - LE REGIME JURIDIQUE DES LIBERTES

On oppose traditionnellement les libertés individuelles qui sont mises en œuvre par les
individus aux libertés collectives qui elles ne peuvent être mises en œuvre que collectivement.
52

TITRE 1 - LES LIBERTES INDIVIDUELLES

Ce sont les libertés de la personne mais aussi les libertés corporelles.

CHAPITRE 1 - LES LIBERTES DE LA PERSONNE

Les personnes disposent de la liberté d’aller et venir, de la sûreté et du respect de la vie


privée.

SECTION 1 - LA LIBERTE D’ALLER ET VENIR

Il faut distinguer la liberté d’aller et venir pour les citoyens français de la liberté d’aller et
venir pour les étrangers, les régimes étant différents.

§ 1 - LA LIBERTE D’ALLER ET VENIR POUR LES CITOYENS FRANÇAIS

A - Le droit de circuler sur le territoire


a) Le principe

1. Son affirmation
« La liberté d'aller et venir est un principe de valeur constitutionnelle », affirme le Conseil
constitutionnel dans sa décision du 12 juillet 1979 dite « Ponts à péage ». Il n’y a donc pas de
références explicites à cette liberté dans les textes constitutionnels. Les textes internationaux
sont eux plus explicites. Ainsi l’article 2 du Protocole n° 4 à la Convention de sauvegarde des
Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales précise-t-il :
« Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d'un Etat a le droit d'y circuler
librement et d'y choisir librement sa résidence »

2. Son interprétation
Par la suite cette liberté a été interprétée comme faisant partie de la liberté individuelle, celle-
ci comprenant en outre ce que classiquement on appelle la sûreté et que l’on étudiera un peu
plus loin.

b) Ses limites

1. Les personnes itinérantes


53

Les « personnes exerçant une activité ambulante » c’est à dire les marchands ambulants, les
forains), les « caravaniers » et des « nomades » sont soumises en vertu de la loi du 3 janvier
1969 à un régime particulier. Selon les catégories on exigera d’eux une déclaration
renouvelable ou un carnet de circulation.

2. Les interdictions de séjour


Les interdictions de séjour prononcées par le juge limitent évidemment, à l'encontre des
intéressés, leur liberté d'aller et de venir puisque cette peine emporte défense de paraître dans
les lieux déterminés le juge. L'interdiction de séjour ne peut excéder une durée de dix ans en
cas de condamnation pour crime et une durée de cinq ans en cas de condamnation pour délit.

3. Les malades mentaux


Depuis la loi du 27 juin 1990, relative aux droits, à la protection et aux conditions
d'hospitalisation des personnes atteintes de troubles mentaux, « l'aliéné » est désormais
considéré comme un malade. Son hospitalisation peut être décidée d’office par le préfet quand
l'ordre public ou la sécurité des personnes est en cause. Un psychiatre doit délivrer un
certificat médical circonstancié, et l'arrêté de l'autorité administrative doit être motivé. Le juge
administratif sera compétent pour contrôler la régularité externe de l'acte et le juge judiciaire
pour vérifier qu'il y a un risque de trouble à l'ordre public.
L'internement sur demande d'un tiers (membre de la famille, personne agissant dans l'intérêt
du malade) n'est possible que si le consentement du malade est impossible à recueillir et que
son état nécessite des soins constants en milieu hospitalier. Deux certificats médicaux
émanant de médecins différents doivent être présentés, dont celui de l'établissement qui
accueillera le malade. Le directeur de l'établissement vérifie la régularité des formalités, mais
a une compétence liée pour prononcer l'admission.

c) Ses atténuations

1. Les contrôles d’identité


C’est le Code de procédure pénale qui fixe les conditions dans lesquelles de tels contrôles
peuvent être pratiqués. De nombreuses lois sont venues successivement les modifier : loi nº
83-466 du 10 juin 1983, loi nº 86-1004 du 3 septembre 1986, loi nº 93-992 du 10 août
1993,loi nº 93-1027 du 24 août 1993, loi nº 97-396 du 24 avril 1999 et enfin la loi nº 2003-
239 du 18 mars 2003. Il faut distinguer entre les contrôles de police judiciaire et les contrôles
de police administrative.
1.1. Contrôle de police judiciaire
Les officiers de police judiciaire peuvent inviter toute personne à justifier, de son identité, dès
lors qu’il à existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :
- qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;
- ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;
- ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime
ou de délit ;
- ou enfin, qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.
En dehors de ces circonstances, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, sur
réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite
d'infractions qu'il précise, et dans les lieux et pour une période qu’il détermine
1.2. Contrôle de police administrative
54

Dans sa décision du 5 août 1993, le Conseil constitutionnel a précisé que « la pratique de


contrôles d'identité généralisés et discrétionnaires serait incompatible avec le respect de la
liberté individuelle » (décision n° 93-323 DC). Dans ces conditions, l'identité de toute
personne, peut être contrôlée, quel que soit son comportement pour prévenir une atteinte à
l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens.
D’autre part, des contrôles peuvent être pratiqués sans qu’il ait risque d’atteinte à l’ordre
public, dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à
la convention signée à Schengen et une ligne tracée à 20 kilomètres, de même que dans les
zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au
trafic international.

2. La vérification d’identité
Si une personne refuse ou est dans l'impossibilité de justifier de son identité, elle peut être
retenue sur place ou dans le local de police en vue de la vérification de son identité. Elle est
présentée immédiatement à un officier de police judiciaire qui l’informe de son droit de faire
aviser le procureur de la République de la vérification dont il fait l'objet et de prévenir sa
famille ou toute personne de son choix.
Lorsqu'il s'agit d'un mineur de dix-huit ans, le procureur de la République doit être informé
dès le début de la rétention. Sauf impossibilité, le mineur doit être assisté de son représentant
légal.
La rétention ne peut excéder quatre heures. Si la personne interpellée maintient son refus de
justifier de son identité ou fournit des éléments d'identité manifestement inexacts, les
opérations de vérification peuvent donner lieu, après autorisation du procureur de la
République ou du juge d'instruction, à la prise d'empreintes digitales ou de photographies
lorsque celle-ci constitue l'unique moyen d'établir l'identité de l'intéressé.

B - Le droit d’entrer et de sortir du territoire

a) Le droit d’entrer sur le territoire

Il fut un temps où certains français étaient bannis du territoire national. L’article 373 de la
Constitution de l’an III disposait en effet : « La Nation française déclare qu'en aucun cas elle
ne souffrira le retour des Français qui, ayant abandonné leur patrie depuis le 15 juillet 1789,
ne sont pas compris dans les exceptions portées aux lois rendues contre les émigrés »
Aujourd’hui, cette question ne pose plus aucun problème. Le Protocole n° 4 à la Convention
de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales précise d’ailleurs dans
son article 2 que « Nul ne peut être privé du droit d'entrer sur le territoire de l'Etat dont il est
le ressortissant », le Pacte de New York relatifs aux droits civils et politiques reprenant
quasiment les mêmes termes : « Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d'entrer dans
son propre pays ».

b) Le droit de sortir du territoire

Le droit de quitter le territoire national a longtemps été une simple tolérance, avant d'être
reconnu par le pacte de New York et l’article 2 § 2 du protocole n°4 de la Convention
européenne des droits de l’homme dans des termes identiques : « Toute personne est libre de
quitter n'importe quel pays, y compris le sien »
55

Aussi le refus de renouveler un passeport a-t-il été considéré comme une voie de fait par le
Conseil d’Etat (CE, 4 mai 1988, Jacques Plante). Le Conseil constitutionnel a quant à lui
précisé un peu plus tard (22 avril 1997 DC) que la liberté d’aller et de venir « n’est pas limitée
au territoire national mais comporte également le droit de le quitter ».
Pourtant si ce droit a une valeur constitutionnelle il peut faire l’objet de certaines exceptions.
En premier lieu, le juge peut prononcer l'interdiction de quitter le territoire de la République,
pour une durée de cinq ans au plus à titre de peine complémentaire. C'est le cas en matière de
proxénétisme (art. 225-20, Nouveau code pénal ) ou d'infractions liées au trafic de stupéfiants
(art. 222-47, Nouveau code pénal).
En second lieu, le juge d'instruction peut ordonner dans le cadre du contrôle judiciaire, la
remise par l'intéressé de tous documents justificatifs de l'identité et notamment du passeport
(art. 138, 7°, Code de procédure pénale).

§ 2 - LA LIBERTE D’ALLER ET VENIR POUR LES ETRANGERS

Le texte fondamental en la matière demeure l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée par


plusieurs lois (24 août 1993, 30 décembre 1993, 27 décembre 1994, 24 avril 1997). Il régit
tant l’entrée des étrangers sur le territoire national que son séjour et son départ.

A - L’entrée des étrangers en France


a) Les conditions

Pour les ressortissants des pays membres de l’Union européenne, les conditions d’entée sur le
territoire national sont allégées, il suffit en effet d’une carte d’identité ou d’un passeport en
cours de validité. Pour les autres, les conditions sont plus restrictives.

1. Le passeport et le visa
Un passeport régulier et un visa d’entrée sont exigés. Le visa est accordé discrétionnairement
par les autorités administratives et diplomatiques, son refus n’a pas à être motivé. Seule
l’erreur manifeste peut être invoquée. (CE, 28 février 1986, Ngako Jeuga). Cependant, la loi
Chevènement du 12 mai 1998 exige que ce refus soit motivé pour un étudiant venant suivre
des études supérieures en France ou pour un étranger venant en France au nom du
regroupement familial.

2. Les documents relatifs à l’objet et aux conditions du séjour


Pour obtenir son visa l’étranger doit présenter les « documents relatifs à l’objet et aux
conditions du séjour » : un séjour touristique de moins de trois mois ou professionnel, peut
être prouvé par tout moyen ; une visite privée nécessite une attestation d’accueil précisant les
conditions d’accueil et d’hébergement.
Il doit également prouver qu'il dispose de moyens d'existence en France et de garanties de
rapatriement. Enfin, l'étranger n'est accepté qu'à la condition de ne pas être « indésirable » (en
raison de la menace qu'il représente pour l'ordre public, ou s'il fait l'objet d'une mesure
d'expulsion ou d'interdiction du territoire).
56

b) Les sanctions

1. Sanction pour l’étranger


Si les conditions d’entrée ne sont pas remplies, l’étranger sera refoulé. En attendant, il peut
être maintenu dans les « zones d’attente » en rétention administrative, par décision motivée du
chef des services de contrôle aux frontières : la durée maximale est de quarante huit heures,
renouvelable pour le même temps.
Au-delà de quatre jours, le juge des libertés et de la détention peut prolonger cette rétention de
huit jours. L'étranger peut demander l’assistance d’un interprète, d’un médecin, et a le droit de
communiquer avec toute personne de son choix. La procédure est applicable au demandeur
d’asile pendant le temps nécessaire à l’examen de sa demande. Au bout du délai, elle peut être
renouveler « à titre exceptionnel » ce qui porte à vingt jours la durée maximum de la
rétention. Le projet de loi présenté par Nicolas Sarkozy devrait porter le délai maximum à
soixante jours.
Si sa situation de l’étranger est régularisée, il pourra rester ; à défaut, il devra quitter le
territoire. En cas d’entrée clandestine, l'étranger encourt une amende et une peine de prison.

2. Sanction pour le transporteur


La loi du 28 février 1992 fait encourir une amende à toute entreprise de transport débarquant
en France tout passager clandestin. De plus, le transporteur devra ramener à ses frais les
l’étranger en question à son point de départ.

B - Le séjour des étrangers en France


Les étrangers qui souhaitent demeurer en France plus de trois mois doivent disposer d'un titre
de séjour.

a) Les titres de séjour

1. Les ressortissants d'un État membre de l’Union européenne


Aucun titre n'est exigé pour un séjour inférieur à trois mois. Au-delà, une carte de séjour
valable dix ans est délivrée à ceux qui exerçant en France une activité économique salariée ou
indépendante, souhaitent établir en France leur résidence habituelle. Les membres de leur
famille peuvent également en bénéficier. Si la carte est renouvelée et sous réserve de
réciprocité, elle devient permanente (ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée par la loi du
11 mai 1998). Le juge exerce un contrôle normal sur le refus de délivrance d'une carte de
séjour.
Le décret du 11 mars 1994 accorde le droit à la carte de séjour à ceux qui n'ayant pas
d'emploi, disposent néanmoins d'une couverture sociale et de certaines ressources. Pour les
étudiants, la durée de la carte de séjour, renouvelable, est de cinq ans.

2. Les ressortissants des États non-membres de l’Union européenne


Au-delà de trois mois l’une des deux cartes de séjour suivantes est exigée.
2.1. La carte de séjour temporaire
57

Cette carte est valable un an. Elle est délivrée par le préfet à l'étranger entré régulièrement en
France et qui dispose de moyens d'existence et d'un logement. En cas de refus d’attribution ou
de renouvellement, la « commission du titre de séjour », instituée dans chaque département
(loi du 11 mai 1998), est saisie. Un pourvoi en cassation peut être présenté au Conseil d’Etat.
L’étranger concerné reçoit une « autorisation provisoire de séjour » jusqu'à ce que le préfet ait
statué.
La loi du 24 août 1993 prévoit que, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre
public, la carte de séjour temporaire est délivrée de plein droit à l'étranger mineur ou dans
l'année qui suit son dix-huitième anniversaire si l’un de ses parents au moins est titulaire de la
carte de séjour temporaire ou s'il a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement
familial et qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a
atteint au plus l'âge de six ans.
La carte est également délivrée de plein droit à l'étranger ayant obtenu l'asile territorial.

2.2. La carte de résident


Elle est attribuée pour une durée de dix ans ; elle est renouvelable de plein droit, sauf en cas
de polygamie ou de perte de la qualité de réfugié dans les trois premières années de
l'obtention de la carte. Le renouvellement de plein droit est subordonné à la condition que
l'étranger ait sa résidence habituelle en France au moment de la demande.
L’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée distingue deux catégories d'étrangers (art. 15)
2.2. 1. Les étrangers obtenant la carte de séjour de plein droit
- L’étranger marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, à
condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait
conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été
transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ;
- L'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant a moins de vingt et
un ans ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de
son conjoint qui sont à sa charge
- L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il
exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne
effectivement à ses besoins ;
- L'étranger titulaire d'une rente d'accident de travail ou de maladie professionnelle versée par
un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 p.
100 ainsi que les ayants droit d'un étranger, bénéficiaires d'une rente de décès pour accident
de travail ou maladie professionnelle versée par un organisme français ;
- Le conjoint et les enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire
d'un étranger titulaire de la carte de résident, qui ont été autorisés à séjourner en France au
titre du regroupement familial ;
- L'étranger ayant servi dans une unité combattante de l'armée française ;
- L'étranger ayant effectivement combattu dans les rangs des forces françaises de l'intérieur,
titulaire du certificat de démobilisation délivré par la commission d'incorporation de ces
formations dans l'armée régulière ou qui, quelle que soit la durée de son service dans ces
mêmes formations, a été blessé en combattant l'ennemi ;
- L’étranger qui a servi en France dans une unité combattante d'une armée alliée ou qui,
résidant antérieurement en territoire français, a également combattu dans les rangs d'une
armée alliée ;
- L’étranger ayant servi dans la Légion étrangère, comptant au moins trois ans de services
dans l'armée française, titulaire du certificat de bonne conduite ;
- L’étranger qui a obtenu le statut de réfugié ainsi que son conjoint et ses enfants mineurs ;
58

- L’apatride justifiant de trois années de résidence régulière en France ainsi que son conjoint
et ses enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ;
- L’étranger qui est en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute
cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" ;
2.2. 1. Les étrangers obtenant la carte de séjour à certaines conditions
Tous les autres étrangers obtiennent la carte de séjour s’ils font la preuve d’une résidence non
interrompue d’au moins trois ans en France. L’attribution reste discrétionnaire.

b) Les conditions du séjour

1. L’asile
La loi Chevènement (1998), distingue entre l’asile politique et l’asile territorial
1.1. L'asile politique
Il est reconnu par le préambule de 1946. Les personnes admises à ce titre sur le territoire
français demandent à bénéficier du statut de réfugié qui leur donne droit à une carte de
résident. C’est l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) qui
accorde ou refuse ce statut. La décision peut être contestée devant la Commission de recours,
et en dernier lieu devant le Conseil d’Etat par la voie de la cassation.
L’Office vérifie que la personne est effectivement persécutée en raison de son action en
faveur des libertés.
Depuis la révision constitutionnelle de 1993, le droit de demander l'asile politique en France
connaît une limite : si un étranger s'est vu refuser le droit d'asile politique sur le territoire d'un
Etat lié par les accords de Schengen, il ne peut pas renouveler sa demande auprès de la
France.
1.2. L'asile territorial
C’est le ministre de l'intérieur qui accorde ou refuse l’asile territorial aux étrangers qui dans
leur pays, sont menacés dans leur vie ou leur liberté ou qui y sont menacés de traitements
inhumains ou dégradants. Une simple menace suffit, elle peut porter sur un domaine plus
large, et peut venir des pouvoirs publics ou de tout autre particulier.
L'asile territorial n'ouvre pas le droit au statut de réfugié mais permet de bénéficier de plein
droit d'une carte de séjour mention « vie privée et familiale ».

2. Les droits et libertés


2.1. Le droit de mener une vie familiale normale
Ce droit a été consacré d'abord par le Conseil d'État (8 décembre 1978, GISTI) puis par le
Conseil constitutionnel (décision n° 93-325 DC du 13 août 1993), la Cour européenne des
droits de l'homme condamnant parallèlement, sur le fondement de l'article 8 de la CEDH, les
ingérences excessives dans la vie privée et familiale ( 26 mars 1992, Beldjoudi c/ France).
La loi du 11 mai 1998 a définitivement reconnu à l'étranger séjournant régulièrement en
France depuis au moins un an, le droit d'être rejoint, au titre du regroupement familial, par son
conjoint et les enfants du couple mineurs de moins de dix-huit ans.

2.2. La liberté du travail


2.2.1. Pour les ressortissants de l’Union européenne
La liberté du travail est la règle dans le secteur privé. Dans le secteur public des
discriminations fondées sur la nationalité sont possibles uniquement dans les emplois qui
59

comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de la puissance publique. Ainsi,


la loi du 26 juillet 1991 exclut les ressortissants communautaires des emplois de la défense, de
la police, de la magistrature, de l'administration fiscale et de la diplomatie.
2.2.2. Pour les non-ressortissants de l’Union européenne
Leurs droits sont beaucoup plus limités : la carte de séjour ne permet pas de travailler (sauf,
depuis 1998, pour l'étranger ayant obtenu l'asile territorial). Une autorisation de travail est
donc nécessaire. Elle est demandée au préfet qui peut la refuser.
La fonction publique est fermée aux étrangers n'ayant pas la nationalité d'un pays de l’Union.

2.3. Les droits politiques


Ils ne sont accordés qu’aux citoyens de l’Union résidant en France. Ils peuvent disposer du
droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et européennes.

C - Le départ des étrangers de France

a) La reconduite à la frontière

Elle est décidée par le préfet à travers un « arrêté de reconduite à la frontière ».

1. Les personnes concernées


Sont visés par cette mesure les étrangers non-ressortissants d’un des Etats de l’Union
européenne qui séjournent irrégulièrement en France (visa périmé, absence d'un premier titre
de séjour après trois mois de séjour) ou dont le titre de séjour n’a pas été renouvelé.
Toutefois, certaines catégories d'étrangers échappent à cette mesure. Les mineurs de 18 ans,
les étrangers résidants en France depuis plus de 10 ans ne peuvent pas en effet être reconduits
à la frontière.

2. La procédure
L'arrêté ne peut être exécuté avant l'expiration d'un délai de quarante huit heures. Le préfet
dispose d'un pouvoir discrétionnaire lui permettant de renvoyer l'étranger dans n'importe quel
pays pourvu que sa vie et sa liberté n'y soient pas menacées.
Un recours en annulation devant le tribunal administratif peut être formé, dans les quarante
huit heures suivant. Le tribunal rend sa décision dans les quarante huit heures en audience
publique. Un appel peut être interjeté devant le Conseil d'Etat.

3. L’exécution de la mesure
S'il n'y a ni contestation ni annulation de la mesure, elle peut être exécutée par la force.
Si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire, l'administration peut le maintenir en
rétention pour une durée maximale de 12 jours. Si l'étranger se soustrait à un arrêté de
reconduite ou s'il communique des renseignements inexacts sur son identité, il peut être
condamné à une peine de trois ans de prison.

b) L’expulsion
60

1. La mesure
C'est le préfet qui prononce un arrêté d'expulsion à l'encontre d'un étranger dont la présence
constitue une menace grave à l'ordre public. En cas d'urgence absolue ou si la présence de
l'étranger constitue une menace pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, c'est le
ministre de l'Intérieur qui prononce la décision d'expulsion.
L'étranger est avisé de la mise en oeuvre de la procédure d'expulsion quinze jours au moins
avant la date de la réunion de la commission départementale d'expulsion. L'avis de la
commission est consultatif.
Ne peuvent pas être expulsés, les mineurs de 18 ans et les étrangers mariés depuis plus d'un an
avec un conjoint français sans que la communauté de vie ai cessé.
En cas de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, l'expulsion peut
être prononcée sans consultation de la commission d'expulsion et l'étranger n'a pas à être avisé
préalablement qu'une décision d'expulsion est envisagée à son encontre.

2. Sa contestation
L’étranger peut demander l’abrogation de la mesure. En cas de silence de l'administration au-
delà de quatre mois, la demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion est considérée comme
rejeté. Si la demande d'abrogation est présentée après un délai de cinq ans, elle ne peut être
rejetée qu'après avis de la commission d'expulsion.
Un recours peut être intenté contre l’arrêté devant le juge administratif. Le contrôle du juge
est restreint : il vérifie qu'il n'y a pas d'erreur manifeste d'appréciation, et veille au respect de
l'article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (respect de la vie familiale).

c) L’extradition

C’est le mécanisme juridique par lequel un Etat remet aux autorités de l’Etat dont il est
ressortissant, l'étranger présumé être auteur d'un crime ou délit commis sur son territoire, pour
qu'il y soit poursuivi et jugé.
L’extradition est régie par la loi du 10 mars 1927. La décision est prise par le Premier
Ministre après avis favorable de la chambre d'accusation de la Cour d’appel compétente.
L'avis de la chambre d'accusation peut être déféré à la Cour de cassation.
Le décret du Premier ministre peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le
Conseil d’Etat.
Depuis 1993, en effet il accepte d'exercer un contrôle sur tout décret d'extradition. Il estime
que l'extradition est impossible quand elle est demandée à destination d'un pays dont le droit
pénal n'est pas conforme aux valeurs fondamentales du droit français. « l'application de la
peine de mort à une personne ayant fait l'objet d'une extradition accordée par le
gouvernement français serait contraire à l'ordre public français » (CE, Sect, 27 févr. 1987,
Fidan)
L’extradition est également impossible lorsqu'elle est contraire au « principe fondamental
reconnu par les lois de la République selon lequel l’Etat doit refuse l’extradition d’un
étranger lorsqu’elle est demandée dans un but politique » demandée dans un but politique
(CE Ass, 3 juillet 1996, Koné)

SECTION 2 - LA SURETE
61

Elle est garantie par certains principes. Cependant des mesures privatives de liberté peuvent
être prises. Il importe dans ces conditions de les encadrer le plus possible.

§ 1 - LES PRINCIPES GARANTISSANT LA SURETE

A - Le principe du droit au juge


Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans
un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, c’est ce qu’affirme la
Déclaration universelle des droits de l’homme dans son article 10 ainsi que la Convention
européenne des droits de l’homme dans son article 6.
Sur le plan interne, ce droit d'agir en justice a vu sa valeur constitutionnelle être reconnue par
le Conseil constitutionnel (CC, Décision L 80-119 du 2 décembre 1980). Ce droit est
reconnu à tous ceux qui résident sur le territoire de la République ; par conséquent, les
étrangers « doivent bénéficier de l'exercice de recours assurant la garantie de ces droits et
libertés » (CC, Décision DC 93-325 des 12-13 août 1993).
Si le justiciable doit pouvoir accéder au juge, encore faut-il qu’il soit indépendant et équitable.

a) Un juge indépendant

1. L’indépendance des juges judiciaires


Selon l’article 64 de la Constitution, le président de la République est « garant de
l’indépendance de l’autorité judiciaire ».
A ce titre il préside Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui gère la carrière des
magistrats et les sanctionne en cas de faute.
A la suite de la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993 et des deux lois organiques du 5
février 1994,il comprend, le président de la République, le garde des Sceaux, un conseiller
d'État et trois personnalités n'appartenant ni au Parlement ni aux juridictions judiciaires
(désignées respectivement par le président de la République, le président de l'Assemblée
nationale et le président du Sénat). Les six autres membres sont : cinq magistrats du siège et
un magistrat du parquet pour la formation compétente à l'égard des magistrats du siège, cinq
magistrats du parquet et un magistrat du siège pour la formation compétente à l'égard des
magistrats du parquet. Les magistrats et le conseiller d'État ne sont plus nommés mais élus par
leurs pairs.
Depuis 1993, il est organisé en deux formations, compétentes l'une pour les magistrats du
Siège, l'autre pour les magistrats du Parquet. Le CSM rend un avis conforme pour la
nomination des magistrats du Siège, et un avis simple pour ceux du Parquet. Les deux
formations (qui siègent séparément) ont six membres en commun

2. L’indépendance des juges administratifs


En 1980, le Conseil constitutionnel (CC 80-119, 22 juillet 1980, Validation d’actes
administratifs) a estimé que la loi du 24 mai 1872 relative au Conseil d'Etat lui a conféré une
indépendance constitutive d'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la
République et de ce fait cette indépendance est constitutionnellement garantie. Pourtant la
qualité de magistrat n’est pas formellement reconnue aux membres du Conseil d’Etat. Ils ne
sont donc pas inamovibles, même si une véritable coutume administrative consacre leur
62

indépendance. Il faut souligner que sur le plan disciplinaire et de l’avancement il n’existe pas
s’agissant du Conseil d’Etat, l’équivalent du conseil supérieur de la magistrature. C’est le
Président de la République qui après avis d’une commission consultative, peut prendre des
mesures disciplinaires à l’encontre des membres du Conseil. Enfin, leur avancement, se fait
exclusivement à l’ancienneté par coutume sans qu’un tableau d’avancement ne soit établi.
Quant aux membres des Tribunaux administratifs et Cours administratives d’appel, la loi du
11 janvier 1984 précise qu’ils disposent de l'indépendance, la loi du 6 janvier 1986 ajoutera
l'inamovibilité par la périphrase suivante : « Lorsqu’ils exercent leurs fonctions de magistrat
dans les juridictions administratives, ils ne peuvent recevoir, sans leur consentement, une
affectation nouvelle, même en avancement ». Enfin, le terme de magistrat est substitué à celui
de conseiller. Cette évolution s’explique par la consécration de l’indépendance de la
juridiction administrative par le Conseil constitutionnel, dans une décision du 22 juillet 1980
(CC 80-119, 22 juillet1980, Validation d’actes administratifs).
Enfin, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel
(CSTAC) est chargé de veiller à l'indépendance des membres de ces juridictions. Ce conseil
est compétent pour les questions relatives à la carrière des membres des tribunaux
administratifs et des cours administratives d'appel. Il ne dispose, en matière disciplinaire, que
d'un pouvoir de proposition, mais ses avis sont, en pratique, suivis.

b) Un juge équitable

1. L’impartialité du juge

Ce principe est assuré par le secret des délibérations. L'impartialité est présumée jusqu'à
preuve contraire. La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme
en 1996 à la suite de propos racistes tenus à la veille d'un procès, par un des jurés devant
statuer sur une affaire impliquant un français d'origine algérienne.

2. Le respect des droits de la défense


Selon le Conseil constitutionnel, ce respect constitue un des principes fondamentaux reconnus
par les lois de la République (DC 81-127 des 19 et 20 janvier 1981 et Décision DC 89-260
du 28 juillet 1989). De plus, le respect des droits de la défense doit être assuré aux
justiciables de manière égale (CC, Décision DC 93-326 du 11 août 1993). Au niveau
européen on parle plutôt de procès équitable (article 6 de la Convention européenne des droits
de l’homme ).

Concrètement, les droits de la défense comprendraient :


– le droit de se défendre soi même ou avec l'assistance du défenseur de son choix. Ce
droit est garanti par l’assistance juridique. Les personnes ne disposant pas de moyens
financiers suffisants doivent pouvoir bénéficier gratuitement d'un avocat commis d'office. En
France, la loi du 10 juillet 1991 remplace l'« aide judiciaire » par l'« aide juridictionnelle ».
Au plan européen, les Etats ont l’obligation d’instaurer un tel système et de veiller à
l'effectivité de cette défense. L'Italie a été condamnée par la Cour européenne des droits de
l’homme en 1990 pour manquement à cette obligation.
– le droit d'être informé dans un délai court et dans une langue comprise par l'intéressé
de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui. Ce droit pour être effectif
débouche sur la possibilité d'interroger ou de faire interroger des témoins. Ainsi, la France a-t-
elle été condamnée en 1993 par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire
63

Saïdi pour manquement à cette obligation. De plus le droit à l’information implique le droit
d'accès aux dossiers d'instruction. C’est ce qui découle de l'article 6 de la Convention
européenne des droits de l’homme : « tout accusé a le droit de disposer du temps et des
facilités nécessaires à la préparation de sa défense ». La Cour de cassation, par un arrêt du 30
juin 1995 a estimé que l'avocat d'une personne mise en examen pouvait accéder à ce dossier,
mais ne pouvait pas le communiquer à son client. La loi du 30 décembre 1996 permet
désormais à un avocat de se faire délivrer une copie de tout ou partie du dossier, et de la
transmettre à son client.

B - Les principes du droit pénal

a) Le principe de la légalité des délits et des peines

Ce principe est souvent considéré comme la clé de voûte du droit pénal. Il est exprimé sous la
forme d’un adage : « Nullum crimen, nulla poena sine lege ». La Révolution a consacré le
principe de la légalité des délits et des peines que l’on fait volontiers remonter au XVIIIe
siècle. L’article 7 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose en
effet que : « nul homme ne peut être arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi et
dans les formes qu’elle a prescrites » et l’article 8 ajoute que : « la loi ne peut établir que des
peines strictement et évidemment nécessaires et que nul ne peut être puni qu’en vertu d’une
loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée. » Ce principe a
donc une valeur constitutionnelle.
La Convention européenne des droits de l’homme affirme, elle aussi le principe de la légalité
dans son article 7-7. Aujourd’hui, il est notamment inscrit dans le Code pénal. Ce principe
entraîne trois conséquences.
1. La loi est la principale source du droit pénal
Pendant longtemps, on a pensé que seule la loi pouvait constituer la source du droit pénal. On
pensait qu’il s’agissait là d’une importante garantie contre l’arbitraire. Mais progressivement,
le processus législatif étant trop lourd, une place de plus en plus importante a été laissée au
pouvoir réglementaire, qui est devenu une autre source du droit pénal. Il intervient en
particulier en matière de contravention et de procédure pénale.
La loi reste toutefois la source exclusive en matière de crimes et de délits. Ainsi, l’article
111-2 du Code pénal précise: « La loi détermine les crimes et les délits (…) le règlement
détermine les contraventions. »

2. Aucune poursuite n’est possible sans texte


Selon l’article 111-3 du Code pénal : « Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit
dont les éléments ne sont pas définis par la loi ou pour une contravention dont les éléments ne
sont pas définis par le règlement. Nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par
la loi, si l’infraction est un crime ou un délit ou par un règlement, si l’infraction est une
contravention. »
L’art. 112-1 du Code pénal reprend le principe : « Sont seuls punissables les faits constitutifs
d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ».
En l’absence de texte punissant le comportement moralement condamnable et socialement
nuisible, la seule solution est la relaxe ou l’acquittement. Souvent, le législateur intervient
64

ensuite en créant une nouvelle infraction qui ne pourra entraîner la condamnation que des
comportements postérieurs à son entrée en vigueur.

3. La loi pénale est d’interprétation stricte


Le principe de la légalité a notamment pour conséquence d’imposer une interprétation
restrictive de la loi pénale : « La loi pénale est d’interprétation stricte » (art. 111-4 du Code
pénal).
Toute interprétation par analogie est contraire au principe de légalité. Néanmoins, cela ne
signifie pas que le texte pénal doit être interprété restrictivement : le juge doit tirer toutes les
conséquences du texte que le législateur a voulu lui attacher.
Le juge ne saurait prononcer une autre peine que celle prévue par le texte, ni dépasser le
maximum de la peine encourue. Le nouveau Code pénal ne prévoit plus de minimum. Sous
cette réserve, le juge dispose donc d’une latitude assez grande, il a notamment très souvent le
choix entre plusieurs types de peines, le prononcé ou non de peines complémentaires. Cette
liberté est encore plus renforcée au stade de l’exécution de la peine.

b) Le principe de la non rétroactivité des lois pénales

Ce principe, consacré par l'article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, par
l'article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, et par l'article 11 de la
Déclaration universelle des droits de l’homme, a été repris par le Code pénal, et de façon plus
générale par le Code civil (art. 2).
Cette règle est essentielle car il n'y a pas de liberté quand un acte, licite au moment où il a été
accompli, peut exposer son auteur à une sanction quelque temps plus tard.
Le Conseil constitutionnel reconnaît au législateur le droit de prendre des dispositions
rétroactives dans certains domaines, mais l'exclut en matière pénale sauf pour les lois plus
douces et en matière de procédure.

c) Le principe de la présomption d'innocence

Il est consacré par les articles 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, et 11
de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Mais historiquement, c’est la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui l’a
énoncé le premier dans son article 9 qui dispose « tout homme est présumé innocent jusqu’à
ce qu’il ait été déclaré coupable... ».
Le Code civil énonce également le principe dans son article 9-1 modifié lors de la réforme du
4 janvier 1993, et plus récemment par la loi du 15 juin 2000. Aujourd'hui, l’article 9-1 du
Code civil dispose : « Chacun a droit au respect de la présomption d'innocence »
Ce principe emporte deux conséquences :
- l'accusation doit prouver la culpabilité de l'intéressé. Le doute doit profiter au suspect.
- tant qu'un jugement de condamnation n'est pas intervenu, l'inculpé doit être considéré
comme innocent, même s'il existe contre lui des indices graves et concordants de culpabilité.

L’atteinte à la présomption d'innocence visée à l’article 9-1 du Code civil consiste à présenter
publiquement comme coupable, avant condamnation, une personne poursuivie pénalement
(Civ.1ère, 6 mars 1996, Bull. civ. I n° 123). Elle est sanctionnée dans les conditions prévue par
ce même article : « le juge peut même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage
subi, prescrire toutes mesures, telles que l`insertion dune rectification ou de la diffusion d’un
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communiqué, aux fins de faire ce cesser l'atteinte à la présomption d’innocence et ce aux frais
de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte».
Seule une condamnation pénale devenue irrévocable fait disparaître, relativement aux faits
sanctionnés, la présomption d'innocence dont l’article 9-1 assure le respect (Civ. 1re, 12 nov.
1998, Bull. civ. I n° 313).
Ce principe est pourtant parfois méconnu. D’une part, certains textes conduisent l'inculpé à
apporter la preuve de son innocence (code des douanes, code général des impôts,
harcèlement…). D’autre part, le secret de l'instruction n'est pas toujours bien respecté : le
public est informé des soupçons du magistrat instructeur, de l'évolution de l'instruction…

§ 2 - L’ENCADREMENT DES MESURES PRIVATIVES DE LIBERTE

A - La garde à vue
La garde à vue est la mesure par laquelle « l'officier de police judiciaire peut, pour les
nécessités de l'enquête, garder à sa disposition (une) personne » dans le cadre de l’enquête.
(Article 77 du Code de procédure pénale).
La garde à vue était dépourvue de base légale jusqu’en 1958, date à laquelle elle a été
régularisée par le Code de procédure pénale. Son régime a été modifié à plusieurs reprises en
1960, en 1993 et en 1994. Plus récemment, la loi du 15 juin 2000 est venue apporter de
nouvelles modifications qui à leur tour ont été revues par la loi du 4 mars 2002 et par la loi nº
2003-239 du 18 mars 2003.

a) Les limites de la garde à vue

La garde à vue est limitée par son champ d’application et par sa durée.

1. Le champ d’application de la garde à vue


Le Code de procédure pénale dans sa rédaction initiale prévoyait que pouvait être gardé à
vue « toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer qu'elle a
commis ou tenté de commettre une infraction ».
La nouvelle rédaction de cet article 77 telle qu’elle résulte de la loi du 4 mars 2002 permet le
placement en garde à vue, dès lors qu'existent « une ou plusieurs raisons plausibles de
soupçonner la personne d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction ».

2. La durée de la garde à vue


En la matière il faut distinguer le régime normal et les régimes exceptionnels.
2.1. Le régime normal
La garde à vue ne peut excéder vingt-quatre heures. Mais elle peut être prolongée de vingt-
quatre heures par le procureur de la République sur présentation préalable de la personne à ce
magistrat. Toutefois, elle peut, à titre exceptionnel, être accordée par décision écrite et
motivée sans présentation préalable de la personne.
2.2. Les régimes exceptionnels
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En cas de terrorisme ou de trafic de stupéfiants, la garde à vue d'une personne majeure peut
faire l'objet d'une prolongation supplémentaire de quarante-huit heures. Cette prolongation est
autorisée soit, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la
détention. Si la prolongation est décidée, un examen médical est de droit. (Articles 706-23 et
706-29 du Code de procédure pénale.
Un mineur de 13 ans ne peut pas être gardé à vue (sauf crime passible de sept ans de prison)

Sur instructions du procureur de la République saisi des faits, les personnes à l'encontre
desquelles les éléments recueillis sont de nature à motiver l'exercice de poursuites sont, à
l'issue de la garde à vue, soit remises en liberté, soit déférées devant ce magistrat.

b) Les garanties du gardé à vue

Le gardé à vue dispose de quatre types de droit.

1. Le droit d’être informé


La personne placée en garde à vue doit être immédiatement informée de la nature de
l'infraction sur laquelle porte l'enquête. Elle doit également être informée des droits dont elle
dispose dans un délai de trois heures ainsi que des dispositions relatives à la durée de la garde.
Ces différentes informations doivent être communiquées à la personne gardée à vue dans une
langue qu'elle comprend et figurer au procès-verbal émargé par elle.

2. Le droit de prévenir une personne


Le gardé à vue peut, dans un délai de trois heures, faire prévenir, par téléphone, une personne
avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et
sœurs ou son employeur de la mesure dont elle est l'objet.
Si cette possibilité est refusée en raison des nécessités de l'enquête, le procureur de la
République est immédiatement informé en vue de statuer définitivement.
S'il s’agit d’un mineur, l'officier de police judiciaire doit prévenir les parents, tuteur ou
représentant légal du mineur.

3. Le droit de se faire examiner par un médecin


L’examen peut être demandé par la personne placée en garde à vue. Un deuxième examen
peut également être demandé en cas de prolongation de la garde à vue.
Le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire peut à tout moment demander
cet examen.
En l'absence de demande de la personne gardée à vue, du procureur de la République ou de
l'officier de police judiciaire, un examen médical est de droit si un membre de sa famille le
demande.
Le médecin est désigné par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire.
Le médecin examine sans délai la personne gardée à vue. Le certificat médical par lequel il
doit notamment se prononcer sur l'aptitude au maintien en garde à vue est versé au dossier.

4. Le droit de s'entretenir avec un avocat


Depuis la loi du 4 janvier 1993, la personne gardée à vue peut demander à s'entretenir avec un
avocat. Ce droit a vu ses conditions d’application modifiées quelques mois plus tard par la loi
du 23 août 1993. Il a fallu attendre la loi du 15 juin 2000, dite loi Guigou pour revenir
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pratiquement au régime précédent. Toutes ces dispositions figurent à l’article 63-4 du Code de
procédure pénale.
4.1. Le moment de l’entretien avec un avocat
L’entretien peut intervenir dès le début de la garde à vue ainsi qu'à l'issue de la vingtième
heure. Lorsque la garde à vue fait l'objet d'une prolongation, la personne peut également
demander à s'entretenir avec un avocat à l'issue de la douzième heure de cette prolongation.
Quand l'enquête a pour objet la participation à une association de malfaiteurs ou les
infractions de proxénétisme ou d'extorsion de fonds aggravés ou encore une infraction
commise en bande organisée, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un
délai de trente-six heures.
Enfin, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de soixante-douze
heures lorsque la garde à vue est soumise à des règles particulières de prolongation c’est à
dire en cas de terrorisme ou de trafic de drogue.
4.2. Les conditions de l’entretien avec un avocat
L’avocat choisi par le gardé à vue ou commis d'office par le bâtonnier peut communiquer
avec lui pendant une durée maximum de trente minutes, dans des conditions qui garantissent
la confidentialité de l'entretien. Il est informé par l'officier de police judiciaire de la nature et
de la date présumée de l'infraction sur laquelle porte l'enquête.
L'avocat présente, éventuellement, des observations écrites qui sont jointes à la procédure.
Enfin, pendant la durée de la garde à vue, il ne peut faire état de cet entretien auprès de
quiconque.

B - La détention provisoire
La détention provisoire, était appelé détention préventive jusqu’à la loi du 17 juillet 1970. Elle
est décidée depuis de la loi du 15 juin 2000 par un magistrat du siège, le juge des libertés et de
la détention, distinct du juge d'instruction.
L’ensemble des dispositions régissant la détention provisoire est réuni dans les articles 143-1
à 148-8 du Code de procédure pénale.

a) Les conditions

Après avoir rappelé qu’une personne mise en examen, est présumée innocente et donc qu’elle
reste libre, le Code de procédure pénale précise dans son article 137 que le placement en
détention provisoire ne pouvait être décidé à titre exceptionnel qu’en en raison des nécessités
de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté.
Les articles suivants apportent des précisions quant aux conditions qui doivent alors être
respectées.
La détention provisoire ne peut en effet être ordonnée ou prolongée que dans la mesure où la
personne mise en examen encourt une peine criminelle ou une peine correctionnelle d'une
durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement.
Encore faut-il qu’elle constitue l'unique moyen :
- de conserver les preuves ou les indices matériels ou d'empêcher une pression sur les
témoins ou les victimes ou une concertation frauduleuse entre personnes mises en examen et
complices
- de protéger la personne mise en examen, de garantir son maintien à la disposition de
la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement
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- de mettre fin à un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la


gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle
a causé.

b) La procédure

Le juge des libertés et de la détention fait comparaître la personne mise en examen devant lui,
assistée de son avocat. Il lui fait connaître s'il envisage de la placer en détention provisoire.
S'il envisage d'ordonner la détention provisoire de la personne, il l'informe que sa décision ne
pourra intervenir qu'à l'issue d'un débat contradictoire et qu'elle a le droit de demander un
délai pour préparer sa défense.
Le juge des libertés et de la détention statue en audience de cabinet, après un débat
contradictoire au cours duquel il entend le ministère public puis les observations de la
personne mise en examen et, le cas échéant, celles de son avocat. S'il n'ordonne pas le
placement de la personne en détention provisoire, celle-ci est mise en liberté d'office.

c) La durée

La loi du 30 décembre 1996 a posé le principe selon lequel « La détention provisoire ne peut
excéder une durée raisonnable, au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise
en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ».
Des dispositions plus précises concernant la durée de la détention provisoire sont énoncées
dans le Code de procédure pénale.

1. En matière correctionnelle

- En principe, c’est à dire si la personne mise en examen n'a pas déjà été condamnée à
une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée supérieure à un an et lorsqu'elle encourt
une peine inférieure ou égale à cinq ans, la détention provisoire ne peut excéder quatre mois.

- Dans les autres cas, à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut
décider de prolonger la détention provisoire pour une durée qui ne peut excéder quatre mois
par une ordonnance motivée rendue après un débat contradictoire. Cette décision peut être
renouvelée selon la même procédure, mais la durée totale de la détention ne peut dépasser un
an.
- Quand la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, association
de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande
organisée et qu'elle encourt une peine égale à dix ans d'emprisonnement, la durée maximum
de la détention est portée à deux ans.

2. En matière criminelle

En ce domaine, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà d'un
an. Mais, le juge des libertés et de la détention peut, au terme de cette année, prolonger la
détention de six mois. Cette décision peut être renouvelée.
En tout état de cause, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention
provisoire au-delà de deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de
réclusion ou de détention criminelles et au-delà de trois ans dans les autres cas.
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Les délais sont portés quatre ans lorsque la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants,
terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande organisée.
A tout moment, la personne placée en détention provisoire ou son avocat peut demander sa
mise en liberté. Ce magistrat statue dans un délai de trois jours ouvrables. En cas de non
respect de ce délai, la personne peut saisir directement de sa demande la chambre de
l'instruction qui, se prononce dans les vingt jours de sa saisine faute de quoi la personne est
mise d'office en liberté.

SECTION 3 - LE RESPECT DE LA VIE PRIVEE

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme précise que : « Toute


personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa
correspondance ». En droit interne, la loi du 17 juillet 1970 a inséré dans l’article 9 du Code
civil un principe déjà consacré par la jurisprudence : «Chacun a droit au respect de sa vie
privée». Ce principe du respect de la vie privée conduit à garantir le sanctuaire de la vie
privée, ses éléments ainsi que son expression.

§ 1 - LE SANCTUAIRE DE LA VIE PRIVEE : LE DOMICILE

A - La liberté du domicile
a) La liberté de choix du domicile

Toute personne peut en toute liberté, choisir son domicile, en changer ou ne pas en avoir.
Toutefois, certains fonctionnaires sont tenus à une obligation de résidence, et certaines
personnes peuvent être interdites de domicile à certains endroits par la justice ou au contraire
être assignés à résidence.

b) La liberté d’usage du domicile

Chacun fait de son domicile l'usage qu'il souhaite. Encore faut-il qu'il n'y ait pas de
répercussions pour les tiers en termes d’hygiène, de sécurité ou de tranquillité). Un
propriétaire peut ainsi donner congé à son locataire s'il n'exploite pas l'habitation selon les
règles normales.

B - L’inviolabilité du domicile

a) L’affirmation du principe

La Constitution de l'an VIII affirmait déjà, dans son article 76 le principe en ces termes : « La
maison de toute personne habitant le territoire français est un asile inviolable. »
Plus près de nous, le Conseil constitutionnel, a indiqué, dans sa décision du 29 décembre 1983
relative à la loi de Finances pour 1984 que l'article 66 de la Constitution « confie à l'autorité
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judiciaire la sauvegarde de la liberté individuelle sous tous ses aspects et notamment celui de
l'inviolabilité du domicile ».
Le principe est également consacré à l'article 8 de la Convention européenne des droits de
l’homme et à l'article 17 du Pacte relatif aux droits civils et politiques.
Ainsi, selon ce principe, est-il interdit à quiconque de pénétrer dans un domicile sans le
consentement de celui qui l'occupe.

b) Les exceptions au principe : les perquisitions

1. Les conditions générales

Les perquisitions doivent permettre de rassembler des informations nécessaires à la révélation


de la vérité dans le cadre d’une enquête judiciaire.
1.1. Personnes habilités
Seul un officier de police judiciaire peut effectuer une perquisition, en présence de l'intéressé
et de témoins, sur autorisation du juge d'instruction. Certains agents des douanes et des impôts
dispose également de ce pouvoir, mais sur autorisation du président du Tribunal de grande
instance.
1.2. Périodes
L'article 59 du Code de procédure pénale précise : « Sauf réclamation faite de l'intérieur de la
maison ou exceptions prévues par la loi, les perquisitions et les visites domiciliaires ne
peuvent être commencées avant 6 heures et après 21 heures. »

2. Les régimes particuliers


Les perquisitions de nuit sont possibles dans plusieurs cas.
2.1. Lorsqu’il s’agit de certains délits
- En vue de la seule recherche et constatation d’infractions liées au trafic de stupéfiants,
des perquisitions peuvent être réalisées la nuit dans des locaux où l’on use en société de
stupéfiants ou dans lesquels sont fabriqués, transformés ou entreposés illicitement des
stupéfiants. Une autorisation du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction est
nécessaire (art. 706-28, Code de procédure pénale )
- En vue de la seule recherche et constatation d'infractions en matière de proxénétisme des
perquisitions peuvent être réalisées la nuit dans des lieux ouverts au public ou utilisés par le
public (hôtel, club, cercle etc... ) lorsqu'il est constaté que des personnes se livrant à la
prostitution y sont reçues habituellement, (art. 706-35, Code de procédure pénale). Dans ce
cas, contrairement au précédent, l’autorisation du juge d’instruction n’est pas nécessaire du
fait qu'il s'agit seulement de lieux ouverts au public.
2.2. Lorsqu’il s’agit d'enquêtes de flagrance
En ce domaine, la loi du 22 juillet 1996 permet, lorsque les nécessités de l'enquête de
flagrance l'exigent, les visites, perquisitions et saisies de nuit, après autorisation écrite
circonstanciée du juge des libertés et de la détention (art. 706-24, Code de procédure pénale).

§ 2 - LES ELEMENTS DE LA VIE PRIVEE


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A - L’image
a) Le droit à l’image

Toute personne a un droit exclusif sur son image qui lui permet de s'opposer à sa captation ou
à sa reproduction sans son autorisation, quel que soit le mode de diffusion: photographie,
dessin, cinéma, télévision...
La réalisation et la diffusion de l’image d’une personne, connue ou inconnue, se trouvant dans
un lieu privé sont subordonnées à son consentement. L’atteinte est également réalisée lorsque
la photographie, bien que prise dans un lieu public, fait apparaître la personne isolément grâce
au cadrage réalisé par le photographe.
L’autorisation doit être certaine, même si elle peut être tacite. C’est notamment le cas
lorsqu'une personne connue se trouve dans un lieu public ou lorsque la photo est effectuée
sans son opposition. Son consentement est présumé mais une manifestation préalable de
volonté contraire est toujours possible.
L’autorisation est toujours spéciale. C'est à celui qui reproduit l’image qu'il appartient de
prouver l’autorisation. L’agence de photographie qui ne s’est pas assurée du consentement de
la personne photographiée à la publication du cliché commet une faute en vendant ce cliché et
doit être tenue de garantir l’entreprise de presse des condamnations prononcées contre elle
(Civ. 1ère, 15 déc. 1981, J.C.P. 1983-11-20023, note P. Jourdain).

b) Ses limites

1. Le droit d’informer
Le droit à limage trouve ses limites dans le droit à l’information du public. C’est le cas quand
il s'agit de rendre compte de débats judiciaires. Ainsi, la publication d'une photographie
représentant une victime d’un attentat ne porte pas atteinte au droit à l’image dans la mesure
où elle est dépourvue de toute recherche de sensationnel et que, dès tors, elle ne portait pas
atteinte à la dignité de la personne représentée. (Cass. Civ. Ille, 20 février 200I)

2. La vidéo-surveillance
La loi du 21 janvier 1995 a légalisé la vidéo-surveillance en posant quelques limites.
2.1. Les lieux concernés
L’installation de systèmes de vidéo-surveillance n'est possible que dans des lieux situés sur la
voie publique, celle-ci étant définie assez largement. Entrent ainsi, dans cette catégorie, des
bâtiments et installations publiques et à leurs abords, des bâtiments utiles à la défense
nationale, la voirie routière, des lieux particulièrement exposés à des risques d'agression et de
vol.
2.2. Le régime juridique
L’installation de systèmes de vidéo-surveillance est soumise à autorisation du préfet du
département, donnée après avis consultatif d'une commission présidée par un magistrat. Le
public doit être informé de façon claire et permanente de la présence de ce système.
Les enregistrements doivent être détruits au bout d'un mois : sauf pour des motifs de sécurité.
Toute personne peut prendre connaissance des enregistrements qui la concerne, et vérifier leur
destruction.
72

B - L’intimité
a) En général

Par ce terme on désigne des éléments constituant la sphère secrète de l'individu : sa santé, ses
mœurs, sa vie amoureuse, sentimentale, ses origines raciales, etc. La jurisprudence a même
décidé que l’identité et l’adresse d’une personne relevait de sa vie privée sauf si l’intéressé
poursuit le but illégitime d’échapper à ses créanciers (Cass. Civ. 1ere, 19 mars 1991).
Longtemps, le patrimoine en faisait partie. Mais, dans un arrêt du 20 novembre 1990, la Cour
de cassation estime que la divulgation par voie de presse d’informations concernant te
patrimoine individuel n'est pas en elle-même de nature à porter atteinte à l’intimité de la vie
privée (Cass. Civ. 1ère, 20 novembre 1990).
Toutefois, la Cour estime que la demande de renseignement d'une caisse de retraite portant
sur la situation patrimoniale et professionnelle d'un adhérent est une atteinte à la vie privée.
(Cass. civ. 1ere 19 décembre 1995 )
En revanche, ne relève pas de la vie privée les renseignements d'ordre purement patrimonial.
Ainsi la divulgation par voie de presse d’informations concernant le patrimoine individuel
n'est en elle-même de nature à porter atteinte à l’intimité de la vie privée (Cass. civ. 1ère, 20
novembre 1990).

b) Les données informatiques

Le développement et le stockage des données informatiques fait peser sur la protection de


l’intimité des menaces importantes. La loi du 6 janvier 1978 est venue réglementer la
question. Elle pose le principe selon lequel : « Toute personne a le droit de connaître et de
contester les informations et les raisonnements utilisés dans les traitements automatisés dont
les résultats lui sont opposés. » (art. 3)
Pour garantir ce droit la Commission nationale de l’informatique et des libertés a été mise en
place de plus des dispositions pénales ont été prévues.

1. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)


1.1. La composition de la CNIL
Elle est composée par 17 membres : 4 parlementaires (2 députés et 2 sénateurs), 2 membres
du Conseil économique et social, 6 représentants des hautes juridictions (2 conseillers d’Etat,
2 conseillers à la Cour de cassation, 2 conseillers à la Cour des comptes), 5 personnalités
qualifiées désignées par le Président de l’Assemblée nationale (1 personnalité), par le
Président du Sénat (1 personnalité), par le conseil des ministres (3 personnalités). Leur
mandat est de 5 ans ou, pour les parlementaires, d’une durée égale à leur mandat électif.
La CNIL est une autorité administrative indépendante. Elle élit son Président parmi ses
membres ; elle ne reçoit d’instruction d’aucune autorité (article 13 de la loi) ; les ministres,
autorités publiques, dirigeants d’entreprises, publiques ou privées, ne peuvent s’opposer à
l’action de la Commission pour quelque motif que ce soit et doivent prendre toutes mesures
utiles afin de faciliter sa tâche (article 21 de la loi).

1.2. Le rôle de la CNIL


73

Son rôle est multiple. Elle recense les différents fichiers, en enregistrant les demandes d'avis
du secteur public et les déclarations du secteur privé et tenant à jour et en mettant à la
disposition du public le « fichier des fichiers ». Toutes ces informations peuvent être
vérifiées sur place.
Elle exerce, pour le compte des citoyens qui le souhaitent, l'accès aux fichiers intéressant la
sûreté de l'Etat, la défense et la sécurité publique, notamment ceux des Renseignements
généraux. La CNIL reçoit et instruit les plaintes, réclamations et pétitions dont peut la saisir,
par simple lettre, tout citoyen (art. 21, 6°). Elle apprécie la suite à leur réserver : classement,
avertissement, saisine du Parquet. Bien sûr elle informe les personnes de leurs droits et
obligations.

2. Les sanctions pénales


Le Nouveau code pénal réprime le fait de collecter des données par des moyens frauduleux,
de les détourner de leur finalité, de les divulguer. Les sanctions prévues sont des peines de
prison ( 5 ans) ainsi que ses amendes ( 300.000 € )
Est également puni des mêmes peines le fait, de mettre ou de conserver en mémoire
informatisée, sans l'accord exprès de l'intéressé, des données nominatives qui, font apparaître
les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou les
appartenances syndicales ou les mœurs des personnes. (art. 226-18 à 226-24 Nouveau code
pénal).

§ 3 - L’EXPRESSION DE LA VIE PRIVEE

A - La correspondance
a) Le principe du secret de la correspondance

Ce principe découle de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du


citoyen : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus
précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à
répondre à l'abus de cette liberté».
L’article 8, déjà cité, de la Convention européenne des droits de l’homme énonce plus
explicitement ce droit : « Toute personne a droit au respect …de sa correspondance ». La
Cour a eu l’occasion, dans l'arrêt du 25 mars 1992, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni
d’appliquer ces dispositions.
En droit français, c’est le Nouveau code pénal qui sanctionne le non-respect du principe du
secret de la correspondance.
C’est d’abord l'article 432-9 qui envisage sa violation par « une personne dépositaire de
l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission » et ce de différentes manières, que
ce soit en ordonnant, en commettent, voire en facilitant « le détournement, la suppression ou
l'ouverture de correspondances ou la révélation du contenu de ces correspondances »
C’est ensuite l’article 226-15 qui sanctionne la violation de ce principe par un particulier.
Cette violation consistant dans le « fait, commis de mauvaise foi, d'ouvrir, de supprimer, de
retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à
des tiers, ou d'en prendre frauduleusement connaissance ». Les peines prévues étant d'un an
d'emprisonnement et de 45000 € d'amende.
74

b) Les exceptions prévues

Le Code de procédure pénale autorise les officiers de police judiciaire en cas d'enquête de
flagrance (art. 56 et 57) et le juge d'instruction (art. 81 et 97) à procéder à la saisie et à la prise
de connaissance de tous documents, sous la réserve du respect du secret professionnel et des
droits de la défense.
D’autre part, un contrôle de la correspondance des détenus est possible, l'article D. 415 du
Code de procédure pénale précise en effet que « les lettres adressées aux détenus ou envoyées
par eux doivent être écrites en clair et ne comporter aucun signe ou caractère conventionnel
», l'article D. 416 du même code prévoit même que « les lettres de tous les détenus, tant à
l'arrivée qu'au départ, peuvent être lues aux fins de contrôle », à l'exception de la
correspondance avec leur défenseur, l'aumônier de l'établissement et certaines autorités
administratives et judiciaires françaises. Les correspondances sont retenues lorsqu'elles
contiennent des menaces précises contre la sécurité des personnes ou celle des établissements
pénitentiaires.

B - Les conversations téléphoniques


Par ses arrêts Huvig et Kruslin du 24 avril1990, la Cour européenne des droits de l’homme a
condamné la France parce que sa législation ne posait pas en matière d’écoutes téléphoniques
« des règles claires et détaillées »
Dans ces conditions une nouvelle loi a été adoptée le 10 juillet 1991. Cette loi relative « au
secret des correspondances émises par la voie des télécommunications », précise en son
article 1er que ce secret est garanti par la loi. Les autorités publiques peuvent y porter atteinte
en cas de nécessité publique, dans les cas prévus par la loi. Une Commission Nationale de
Contrôle des Interceptions de Sécurité chargée de veiller au respect de ces principes a été mise
en place. Le code pénal sanctionne le non-respect de ces règles.

a) Les écoutes autorisées

1. Les écoutes judiciaires ou « interception judiciaire »


Seul le juge d'instruction peut décider une telle mesure, en matière criminelle et en matière
correctionnelle quand la peine encourue est supérieure de deux ans de prison. Sa décision est
écrite, elle n'est ni motivée, ni susceptible de recours. La mise sur écoute peut viser toute
personne utile à la recherche de la vérité : elle est limitée à quatre mois. Elle ne peut être
renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée.

2. Les écoutes administratives ou « interception de sécurité »


Le Premier Ministre ou deux personnes spécialement désignées par lui peuvent décider de
telles écoutes sur une proposition écrite et motivée du ministre de la défense, de l'intérieur ou
chargé des douanes. Leur nombre est limité. Leur durée maximum est de quatre mois
(reconductible).
L'écoute doit reposer sur des motifs légaux d'interception : la recherche d'un renseignement
pour motif de sécurité nationale, la prévention de la criminalité ou de la délinquance
75

organisée, la lutte contre le terrorisme, la protection des intérêts économiques et scientifiques


de la France ou la prévention du maintien ou de la reconstruction de groupes dissous.

b) La Commission Nationale de Contrôle des Interceptions de Sécurité

La loi de 1991 a institué cette Commission et l’a chargée de veiller au respect des principes
posés par la loi. Il s’agit d’une Autorité administrative indépendante qui comprend trois
membres : un député, un sénateur, et son président, qui est nommé par le Président de la
République sur proposition du vice-président du Conseil d’Etat et du premier président de la
Cour de cassation. Il est informé dans les 48 heures de la décision du Premier ministre
d'autoriser la mise sur écoutes. S'il a des doutes, il réunit sa Commission qui statue sur la
légalité de l'écoute : si elle l'estime illégale, elle peut recommander au Premier ministre d'y
mettre fin. Toute personne qui aura un intérêt direct et personnel peut saisir cette commission.

c) La sanction des écoutes sauvages

L’article 226-1 du Nouveau code pénal punit d’un an d’emprisonnement et 45000 €


d’amende, le fait de porter volontairement atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui en
captant, enregistrant ou transmettant sans le consentement de leur auteur des paroles
prononcées à titre privé ou confidentiel.

CHAPITRE 2 - LES LIBERTES CORPORELLES

L’individu est un être physique, si les libertés de l’individu ont été d’abord des libertés de la
personne comme nous venons de le voir, elles sont aussi et de plus en plus des libertés du
corps humain. Ces libertés peuvent être regroupées en deux grandes catégories. Il y a d’abord
les libertés qui concernent ce qui est à l’origine et qui met fin au corps : la vie et la mort. Il y a
aussi les droits qui garantissent le respect de la dignité humaine.

SECTION 1 - LA VIE ET LA MORT

§ 1 - LA VIE

Ce sont les textes internationaux qui garantissent le droit de vivre. La Déclaration universelle
des droits de l’homme précise dans son article 3 : « Tout individu a droit à la vie ». Quelques
années plus tard, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, proclamera à son
tour : « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine ». Enfin, au niveau régional, la
Convention européenne des droits de l’homme affirme dans son article 2 : « Le droit de toute
personne à la vie est protégé par la loi ». Mais si le droit de vivre est ainsi établi, c’est aussi
76

le droit de donner la vie et celui de refuser de donner la vie qui est consacré dans le droit
interne.

A - Le droit de donner la vie : la procréation médicalement assistée

La loi du 29 juillet de 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps
humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal définit la procréation
médicalement assistée comme l'ensemble des pratiques permettant la conception in vitro, le
transfert d'embryon et l'insémination artificielle.

a) L’insémination artificielle

1. L’insémination artificielle intraconjugale ( IAC)


Dans ce cas, elle est réalisée à l'aide du sperme du conjoint ou du concubin. L’IAC doit avoir
pour but de remédier à l'infertilité pathologique d'un couple constatée médicalement ou
d'éviter la transmission à l'enfant d'une maladie particulièrement grave.
Le couple qui y a recours doit être formé d'un homme et d'une femme vivants, en age de
procréer, mariés ou vivants en commun depuis au moins deux ans, et qui ont préalablement
consentis à l'insémination. L'enfant ainsi conçu est considéré comme ayant pour parents le
couple qui a eu recours à cette technique.

2. L’insémination artificielle avec donneur (IAD)


Elle est pratiquée avec les spermatozoïdes d'un tiers donneur. Les conditions sont les mêmes
que pour l'insémination intraconjugale, mais il faut de plus que le consentement soit donné
par les époux ou concubins au président du Tribunal de grande instance ou à un notaire. Le
recours à cette technique est interdit aux célibataires et aux couples homosexuels.
Quant aux établissements qui recueillent les dons de sperme, le législateur, exige que ces
« banques du sperme » soient agréées. Les donneurs devant intervenir de manière anonyme,
gratuite et limitée.

b) La fécondation in vitro (FIVETE)

Elle est pratiquée, hors de l'utérus, par transfert d'embryons. La loi du 29 juillet 1994, précise
qu'un embryon ne peut être conçu in vitro que dans le cadre et selon les finalités d'une
assistance médicale à la procréation. Cela signifie qu'un embryon humain ne peut être conçu
ni utilisé à des fins commerciales ou industrielles. Ainsi, la conception in vitro d'embryons
humains à des fins d'étude, de recherche ou d'expérimentation est interdite. Toutefois, le
décret du 1er juin 1997 autorise des études sur l'embryon à titre exceptionnel lorsqu'elles
présentent un avantage direct pour l'embryon ou si elles contribuent à l'amélioration des
techniques de la procréation médicalement assistée. Enfin, l’embryon en question ne peut être
conçu avec des gamètes ne provenant pas d'un au moins des deux membres du couple.

B - Le droit de refuser de donner la vie : l’interruption volontaire de


grossesse (IVG)
77

a) Les sources de l’IVG

L'IVG est autorisée par la loi du 17 janvier 1975 dite « loi Veil ». Ses dispositions sont
devenues définitives avec la loi du 31 décembre 1979. La loi du 31 décembre 1982 prévoit le
remboursement de l’IVG par la Sécurité sociale. La loi du 27 janvier 1993 (loi Neiertz) crée
quant à elle le délit d'entrave à l'IVG. Enfin, la loi du 4 juillet 2001 est venue élargir les
conditions de l’IVG.
Le Conseil constitutionnel, saisi de la loi de 1975, a déclaré que celle-ci « respecte la liberté
des personnes appelées à recourir ou à participer à une interruption volontaire de
grossesse » et que, dès lors, « elle ne porte pas atteinte au principe de liberté posé à l'article 2
de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ».
Le Conseil d’Etat, dans un arrêt d’Assemblée du 21 décembre 1990, Confédération
Nationale des associations familiales catholiques a considéré que le décret mettant en vente
la pilule du lendemain (RU 90) n'était pas contraire à l'article 2 de la Convention européenne
des droits de l’homme selon lequel le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi.
Dans une décision plus récente, le Conseil constitutionnel se réfère à « l'équilibre que la
Constitution impose entre, d'une part, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine
contre toute forme de dégradation et, d'autre part, la liberté de la femme qui découle de
l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ». (CC, 27 juin 2001 -
Décision n° 2001-446 DC, Loi relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la
contraception) Ainsi est reconnu à l’embryon non pas un droit à la vie, mais un droit au
respect de la dignité humaine, ce qui peut paraître pour le moins énigmatique.

b) Les conditions de l’IVG

La loi prévoit deux hypothèses.


1. L'interruption volontaire de grossesse pour motif médical
Deux motifs médicaux peuvent être pris en compte.
– Le premier concerne la femme. Il faut que la poursuite de la grossesse mette en péril grave
sa santé. Ici, le droit à la vie et à la santé de la mère l'emporte sur le droit d'une personne
seulement virtuelle.
– Le second motif médical concerne l’enfant à naître. Lorsqu'il existe « une forte probabilité
que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme
incurable au moment du diagnostic » (art. L. 2213-1, Code de la santé publique) l’IVG pourra
être pratiquée.
2. L'interruption volontaire de grossesse pour motif non médical
Là encore, plusieurs conditions doivent être respectées.
– L'avortement ne peut être demandé qu'en cas de « situation de détresse » (art. L. 2212-1,
Code de la santé publique).
– L’IVG doit être pratiquée avant la fin de la douzième semaine (depuis la loi du 4 juillet
2001, le législateur ayant assoupli l'ancien terme fixé auparavant à la fin de la dixième
semaine), par un médecin, dans un établissement d'hospitalisation.
Les médecins et le personnel hospitalier ont le droit, par conviction, de ne pas procéder ou
participer à une IVG.
78

c) Les conséquences de l’IVG

Saisi d'une action en réparation intentée par une femme dont l'interruption volontaire de
grossesse avait échoué, le Conseil d'État a jugé que la naissance d'un enfant, même dans cette
circonstance, « n'est pas génératrice d'un préjudice de nature à ouvrir à la mère un droit à
réparation » (CE Ass. 2 juillet 1982, Mlle R....)
La question s’est posé de savoir si à la suite d’une erreur médicale privant une patiente de son
droit à l’IVG la responsabilité de l’Etablissement hospitalier était engagée.
Dans un arrêt de Section du 14 février 1997, Centre hospitalier régional de Nice, le Conseil
d'État a admis l’indemnisation des parents à raison des préjudices que leur cause la naissance
d'un enfant atteint d'une grave infirmité, mais refuse à l’enfant toute indemnisation, au motif
que la cause directe de son handicap se trouve dans son patrimoine génétique et non dans
l'information erronée donnée par l'hôpital public.
Par son arrêt Perruche (Ass. plén. 17 novembre 2000 ), la Cour de cassation a, accepté, dans
des circonstances proches, d'indemniser l'enfant. Cette solution a soulevé une vive
controverse à laquelle, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé, a mis fin. L'article 1er de cette loi précise en effet : « Nul ne peut se
prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance. La personne née avec un handicap dû à
une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a
provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures
susceptibles de l'atténuer ».

§ 2 - LA MORT

A - Le suicide
Ce n'est pas une infraction punissable. La tentative de suicide n’est donc pas punissable. Mais,
les personnes susceptibles de l'empêcher et qui ne l'ont pas fait peuvent être poursuivies pour
non-assistance à personne en danger (art. 63-2 du code pénal). Par ailleurs, la loi du
31décembre 1987 punit ceux qui auront fait de la propagande ou de la publicité en faveur de
produits, objets ou méthodes préconisés comme moyens de donner la mort.

B - L’euthanasie
L'euthanasie passive consiste à refuser l'acharnement thérapeutique et à écourter la vie des
malades. L'euthanasie active consiste à donner délibérément la mort à quelqu'un qui y a
consenti. Cet acte est juridiquement considéré comme un homicide, mais il est peu sanctionné
par les tribunaux.

SECTION 2 - LE RESPECT DE LA DIGNITE HUMAINE


79

Dans sa décision relative aux lois bioéthique, le Conseil constitutionnel a reconnu en ces
termes le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine :
« Considérant que lesdites lois énoncent un ensemble de principes au nombre desquels
figurent la primauté de la personne humaine, le respect de l'être humain dès le
commencement de sa vie, l'inviolabilité, l'intégrité et l'absence de caractère patrimonial du
corps humain ainsi que l'intégrité de l'espèce humaine ; que les principes ainsi affirmés
tendent à assurer le respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la
personne humaine » (CC, décision n° 94-343-344 DC du 27 juillet 1994, Loi relative au
respect du corps humain et loi relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du
corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal).
Ce principe permet d’assurer la protection du corps humain, mais dans certain cas, il est
possible de prendre quelques libertés avec lui.

§ 1 - LA PROTECTION DU CORPS HUMAIN

Elle est assurée par l’interdiction d’un certain nombre de traitements.

A - L’interdiction de la torture et de l’esclavage


a) La torture

Selon l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme : « Nul ne peut être
soumis à la torture». Des conventions internationales spécifiques ont été conclues pour
interdire la torture. Ainsi, la convention adoptée par l'ONU le 3 décembre 1984, la convention
du Conseil de l'Europe du 26 novembre 1987. Ces deux textes ayant été ratifiés par la France.
C’est pourquoi le nouveau code pénal punit de quinze ans de réclusion criminelle le fait de «
soumettre une personne à des tortures ou à des actes de barbarie », la réclusion pouvant être
portée à vingt ou trente ans lorsque l'infraction est commise, par exemple, sur une personne
vulnérable.
La France (seule dans ce cas avec la Turquie) a été condamnée par la Cour européenne des
droits de l’homme pour torture à raison de sévices subis par un trafiquant de drogue pendant
sa garde à vue (CEDH, 28 juillet 1999, Ahmed Seimouni c/ France).

b) L’esclavage

La Convention européenne des droits de l’homme interdit l’esclavage dans son article 4 en
ces termes : « Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude. Nul ne peut être astreint à
accomplir un travail forcé ou obligatoire ».
De nombreuses conventions ont été conclues en vue de proscrire l’esclavage : la Convention
relative à l'esclavage de la Société des Nations signée le 25 septembre 1926, le Protocole
amendant la Convention relative à l'esclavage signé le cadre de l’ONU en 1953, la
Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des
institutions et pratiques analogues à l'esclavage (Nations unies, 1956), la Convention sur le
travail forcé dans le cadre de l’Organisation Internationale du Travail (1930), la Convention
sur l'abolition du travail forcé dans le cadre de l’Organisation Internationale du Travail (1957)
Enfin, la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la
prostitution d'autrui dans le cadre des Nations unies (1949).
80

Le nombre important de ces conventions souligne le caractère multiforme de ce que l’on


appelle de manière générique l’esclavage. C’est pourquoi il est important de dessiner avec
précision les contours de cette notion. La convention de Genève de 1956 précise que
l’esclavage « est l'état ou la condition d'un individu sur lequel s'exercent les attributs du droit
de propriété ». La Convention européenne des droits de l’homme fixe cependant des limites.
Selon ce texte,
« N'est pas considéré comme "travail forcé ou obligatoire" au sens du présent article:
a / tout travail requis normalement d'une personne soumise à la détention dans les conditions
prévues par l'article 5 de la présente Convention, ou durant sa mise en liberté conditionnelle;
b / tout service de caractère militaire ou, dans le cas d'objecteurs de conscience dans les pays
où l'objection de conscience est reconnue comme légitime, à un autre service à la place du
service militaire obligatoire;
c / tout service requis dans le cas de crises ou de calamités qui menacent la vie ou le bien-être
de la communauté; »
La France a officiellement aboli l’esclavage par le décret du 27 avril 1848. Le principe
constitutionnel de « sauvegarde de la dignité de la personne humaine » proscrit évidemment
l'esclavage mais aussi les traitements inhumains et dégradants.

B - L’interdiction des traitements inhumains et dégradants

Selon l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme : « Nul ne peut être
soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

a) Les traitements inhumains

Ce sont des traitements qui provoquent des souffrances graves sans atteindre un degré tel que
l'on puisse parler de torture. La Cour européenne des droits de l'homme a condamné à
plusieurs reprises le Royaume Uni pour traitement inhumain résultant des interrogatoires et
mauvais traitements infligés aux prisonniers comme la privation de nourriture ou de sommeil,
l’isolement cellulaire total.

b) Les traitements dégradants

Ce sont des agissements qui « humilient l'individu grossièrement devant autrui ou le pousse à
agir contre sa volonté ou sa conscience » (CEDH, 25 avril 1978, Tyrer c/ Royaume-Uni). Le
Conseil d'État a quant à lui déclaré légales les interdictions de l'attraction dite du « lancer de
nains », prononcées par des maires, au motif que « le respect de la dignité de la personne
humaine est une des composantes de l'ordre public ». Il appartient donc aux maires dans le
cadre de leur pouvoir de police de veiller à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à l’ordre public
et plus particulièrement à cette composante de l’ordre public. (CE, 27 octobre 1995,
Commune de Morsang-sur-Orge).
81

§ 2 - LA LIBERTE A L’EGARD DU CORPS HUMAIN : LE DON D’ORGANES

Selon la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain et modifiant le code civil :
« Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial
» (art. 16-1 du Code civil). C’est pourquoi, « Les conventions ayant pour effet de conférer une
valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles » (art. 16-5
du Code civil). C’est également la raison pour laquelle « Toute convention portant sur la
procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle » (art. 16-7 du même Code qui
interdit ce que l’on appelle couramment les « mères porteuses »).
L’indisponibilité du corps humain présente pourtant quelques limites, sous la forme des dons
d’organes. La loi du 29 juillet 1994 est venue réglementer de manière générale ces dons.
Toutes ces dispositions sont rassemblées dans le Code de la santé publique qui distingue dans
ses articles L. 1231-1 à L. 1232-6, les prélèvements sur une personne vivante et ceux sur une
personne décédée.

A - Le prélèvement d’organes et d'éléments du corps humain sur


une personne vivante

Le prélèvement d'éléments du corps humain et la collecte de ses produits ne peuvent être


pratiqués sans le consentement préalable du donneur, ce consentement étant révocable à tout
moment.
La publicité en faveur d'un don est interdite (mais l'information du public est autorisée).
Aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne peut être alloué à celui qui se prête au
prélèvement d'éléments de son corps ou à la collecte de ses produits. Le donneur ne peut
connaître l'identité du receveur, ni le receveur celle du donneur.
Le prélèvement d’organes est soumis également au consentement du donneur. Le receveur
devant avoir la qualité de père ou de mère, de fils ou de fille, de frère ou de sœur du donneur,
sauf en cas de prélèvement de moelle osseuse en vue d'une greffe.
En cas d'urgence, le donneur peut être le conjoint. Aucun prélèvement d'organes, en vue d'un
don, ne peut avoir lieu sur une personne vivante mineure ou sur une personne vivante majeure
faisant l'objet d'une mesure de protection légale.

B - Le prélèvement d’organes sur une personne décédée


Il ne peut être réalisé que dans l'intérêt thérapeutique direct du receveur. Il n’est possible que
si le donneur n'a pas fait connaître, de son vivant, son refus d'un tel prélèvement. Ce refus
peut être exprimé par l'indication de sa volonté sur un registre national automatisé prévu à cet
effet. Il est révocable à tout moment. Si le médecin n'a pas directement connaissance de la
volonté du défunt, il doit s'efforcer de recueillir le témoignage de sa famille.
S’agissant des prélèvements à des fins exclusivement scientifiques le consentement du défunt
doit être exprimé directement ou par le témoignage de sa famille.
Les médecins ayant procédé à un prélèvement sur une personne décédée sont tenus de
s'assurer de la restauration décente de son corps.
82

CHAPITRE 3 - LES LIBERTES ECONOMIQUES

Il s’agit du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre.

SECTION 1 - LE DROIT DE PROPRIETE

L’affirmation de ce droit n’a pas empêché une certaine relativisation.

§ 1 - L’AFFIRMATION DE CE DROIT

A - Dans les textes


a) La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen

La Déclaration des droits de l'homme énonce dans sont article 2 les différents droits de
l’homme. Ainsi, aux côtés de la liberté, de la sûreté, et de la résistance à l'oppression est citée
en second lieu la propriété. Ce droit ne fait pas l’objet d’autres précisions dans la déclaration
si ce n’est dans l’article 17 où il est qualifié d’« inaliénable et sacré».

b) La Convention européenne des droits de l’homme

L’article ler, du protocole additionnel n° 1 (1952) à la Convention européenne des droits de


l’homme déclare : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. »

B - Dans la jurisprudence
a) La constitutionnalisation du droit de propriété

Dans sa décision du 16 janvier 1982 (n° 81-132 DC) « Lois de nationalisation », le Conseil
constitutionnel estime que « si postérieurement à 1789 et jusqu'à nos jours, les finalités et les
conditions d'exercice du droit de propriété ont subi une évolution caractérisée à la fois par
une notable extension de son champ d'application à des domaines individuels nouveaux et par
des limitations exigées par l'intérêt général, les principes mêmes énoncés par la Déclaration
des droits de l'homme ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le caractère
fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l'un des buts de la société
politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l'oppression,
qu'en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la
puissance publique ».
Ainsi, le caractère constitutionnel du droit de propriété est-il devenu indéniable.

b) La confirmation de ce droit
83

Dans une décision plus récente, celle du 30 décembre 1982 (Décision n° 82-150 DC),
« Transports intérieurs », le Conseil constitutionnel a, une nouvelle fois, fait référence au
droit de propriété tel qu'il figure dans la Déclaration des droits de 1789. De même, dans une
décision du 27 décembre 1990, (Décision n° 90-281 DC) « Postes et Télécommunications ».
Il résulte cependant d'une décision du Conseil constitutionnel du 17 juillet 1985, que si le
droit de propriété constitue bien un principe de valeur constitutionnelle, le droit de propriété
n'est pas une liberté individuelle, au sens de l'article 66 de la Constitution qui réserve au juge
judiciaire, gardien de la liberté individuelle, le soin d'assurer le respect de celle-ci : la liberté
individuelle et la propriété sont donc distincts.
Plus tard, par sa décision du 25 juillet 1989 (Décision n° 85-189 DC), « mise en oeuvre de
principes d'aménagement », le Conseil constitutionnel a posé le principe de l'autorité
judiciaire gardienne de la propriété privée immobilière, en vertu d'un principe fondamental
reconnu par les lois de la République.

§ 2 - LA RELATIVISATION DE CE DROIT

A - La reconnaissance des limites

a) Par les textes

1. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen


L’article 17 de la Déclaration précise :
« La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque
la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment et sous la condition d'une
juste et préalable indemnité. »
2. La Convention européenne des droits de l’homme
L’article ler, du Protocole additionnel n° 1 (1952) reprend presque en écho les termes de la
Déclaration :
« Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les
conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. »

b) Par le Conseil constitutionnel

En reconnaissant valeur constitutionnelle au droit de propriété le Conseil constitutionnel,


dans sa décision du 16 janvier 1982 (n° 81-132 DC) « Lois de nationalisation »,
reconnaissait également ses limites en se fondant sur le préambule de 1946:
« Considérant que l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946 dispose : « Tout bien,
toute entreprise dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national
ou d'un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité » ; que cette disposition
n'a ni pour objet ni pour effet de rendre inapplicables aux opérations de nationalisation les
principes susrappelés de la Déclaration de 1789 »
Par la suite, le Conseil constitutionnel dans sa décision du 8 janvier 1991, (Décision n° 90-
283 DC) « Lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme », a énoncé que le droit de propriété,
reconnu par la Déclaration de 1789, a connu « une évolution caractérisée par des limitations
à son exercice exigées au nom de l'intérêt général "et notamment par" les mesures destinées
84

à garantir à tous, conformément au onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27


octobre 1946 la protection de la santé ».
Le Conseil constitutionnel considère que le, texte incriminé y parvient, en n'imposant pas une
interdiction totale de la publicité et en prévoyant une période transitoire jusqu'au ler janvier
1993. Dans une décision plus récente, du 15 janvier 1992 (Décision n° 91-303 DC)
« Protection des consommateurs », le Conseil constitutionnel, statuant sur la publicité
comparative, juge que celle-ci ne porte pas une atteinte inconstitutionnelle au droit de
propriété au regard de son évolution actuelle. Enfin, dans sa décision du 21 juillet 1994,
(Décision n° 94-346 DC, Loi complétant le code du domaine de l'état et relative à la
constitution de droits réels sur le domaine public), le Conseil constitutionnel maintient que «
l'article 17 de la Déclaration de 1789 relatif au droit de propriété et à la protection qui lui est
due ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers, mais aussi à titre égal, la
propriété de l'État et des autres personnes publiques ».

B - Le régime des limites

Les atteintes ne comportant pas privation du droit de propriété sont conformes à la


Constitution si elles ne mettent pas en cause les principes à valeur constitutionnelle. Si par
contre les atteintes comportent privation du droit de propriété, la conformité à la Constitution
de la dépossession est subordonnée à la reconnaissance de sa nécessité publique et d'une
indemnisation juste et préalable. Deux hypothèses illustrent cette situation.

a) L’expropriation

L'expropriation est une opération administrative par laquelle l'État impose à un particulier,
suivant une procédure spéciale prévue par la loi, de céder un immeuble à l'administration,
dans un but d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité.
En raison des atteintes qu'elle emporte au droit de propriété, l’expropriation relève, tant pour
le transfert de propriété que pour la fixation des indemnités, du juge judiciaire, gardien de la
propriété (CC, 25 juillet 1989, Décision n° 85-189 DC, « mise en oeuvre de principes
d'aménagement »)

b) les nationalisations

La nationalisation est une forme d'expropriation au profit de la nation. Elle présente toutefois
des particularités. D’abord elle porte principalement sur des biens meubles (les actions),
ensuite elle est décidée par l'autorité politique et non par l'autorité administrative.
L'article 34 de la Constitution prévoit que la loi fixe les règles concernant « les
nationalisations d'entreprises et les transfert de propriété du secteur public au secteur
privé ».
L'indemnisation doit être préalable et juste selon l’article 17 de la Déclaration. C'est la raison
pour laquelle en 1982, après les nouvelles nationalisations, il a fallu accorder aux actionnaires
dépossédés une indemnisation plus forte que celle initialement prévue (CC, 16 janvier 1982
Décision n° 81-132 DC Loi de nationalisation ; et CC, 11 février 1982, Décision n° 82-139
DC, Loi de nationalisation.
85

SECTION 2 - LA LIBERTE D’ENTREPRENDRE

§ 1 - SA RECONNAISSANCE

A - Valeur
Dans sa décision précité du 16 janvier 1982 (Nationalisations), le Conseil constitutionnel
déclare «que la liberté qui, aux termes de l'article 4 de la Déclaration, consiste à pouvoir
faite tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions
arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre ».
La liberté d’entreprendre est ainsi associée au droit de propriété. La décision du Conseil
constitutionnel du 20 janvier 1993, (Décision n° 92-316 DC « Prévention de la
corruption »), traite à nouveau du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre en les
associant.

B - Contenu
Si la liberté d’entreprendre est liée au droit de propriété, elle se confond parfois avec une autre
liberté, celle du commerce et de l’industrie.
Cette liberté a été érigée en principe général du droit par le Conseil d’Etat dans son arrêt du
28 octobre 1960, Martial de Laboulaye.
Toutefois cette liberté peut être comprise de deux manières différentes. D’un côté elle recoupe
la liberté d’entreprendre, c’est le principe de la libre entreprise. Sa valeur est constitutionnelle.
D’un autre côté, elle correspond au principe de la libre concurrence. Sous ce deuxième
aspect, sa valeur n’est que législative. C’est ce que le Conseil d’Etat reconnaissait dans son
arrêt précité.
Aujourd'hui, le Code général des collectivités territoriales, qui a repris sur ce point les
dispositions de la loi du 2 mars 1982, précise que les communes (art. L.2251-1), les
départements (art. L.3231-1), les régions (art. L.4253-1) peuvent intervenir en matière
économique et sociale à condition de respecter, notamment la liberté du commerce et de
l'industrie.

§ 2 - SES LIMITES

A - Limites à la liberté d’entreprendre « stricto sensu »


Dans sa décision, du 20 janvier 1993, « Prévention de la corruption », le Conseil
constitutionnel rappelle que la liberté d'entreprendre n'est ni générale, ni absolue, le législateur
pouvant y apporter des limitations exigées par l'intérêt général.

B - Limites à la liberté du commerce et de l’industrie


Dans son célèbre arrêt Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers (30 mai 1930),
le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser :
86

« Les entreprises ayant un caractère commercial restent, en règle générale, réservées à


l'initiative privée et (..) des conseils municipaux ne peuvent ériger des entreprises de cette
nature en services publics communaux que si, en raison de circonstances particulières de
temps et de lieu, un intérêt public justifie leur intervention en la matière ».

TITRE 2 - LES LIBERTES COLLECTIVES

Ces libertés concernent la sphère politique de la société, on parlera de libertés civiques. Elles
s’appliquent également au domaine culturel ainsi qu’au monde de l’économie.

CHAPITRE 1 - LES LIBERTES « CIVIQUES »

SECTION 1 - LA LIBERTE DE REUNION ET DE MANIFESTATION

§ 1 - LA LIBERTE DE REUNION

A - Sources
a) Les premiers textes

Cette liberté n’est pas énoncée par la Déclaration des droits de l’homme de 1789, mais étant
la moins incompatible avec l'individualisme, elle fut reconnue par la Constitution du 3
septembre 1791, dans son Titre premier qui rappelle les droits garantis : « La liberté aux
citoyens de s'assembler paisiblement et sans armes, en satisfaisant aux lois de police ».
C’est la loi du 30 juin 1881 qui va proclamer avec une certaine précision cette liberté: « Les
réunions publiques sont libres. Elles peuvent avoir lieu sans autorisation préalable, sous les
conditions prescrites par les articles suivants. » L'article 1er de la loi du 28 mars 1907 relative
aux réunions publiques ajoute: « Les réunions publiques, quel qu'en soit l'objet, pourront être
tenues sans déclaration préalable »

b) La jurisprudence

Le Conseil constitutionnel en a consacré le statut constitutionnel en s’appuyant non pas sur les
principes fondamentaux reconnus par les lois de la République mais sur la Déclaration des
droits de l’homme. Son article 11 proclame que « La libre communication des pensées et des
opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ». Dans sa décision n° 94-352 DC
du 18 janvier 1995, Loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité le droit
d'expression collective des idées et des opinions, le Conseil constitutionnel évoque « le droit
d'expression collective des idées et des opinions » comme le corollaire de cette liberté
d’expression.
87

c) Les conventions internationales

La liberté de réunion est affirmée par l'art. 21 du Pacte de New York en ces termes :
« Le droit de réunion pacifique est reconnu. L'exercice de ce droit ne peut faire l'objet que
des seules restrictions imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une
société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l'ordre
public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés
d'autrui ».
Elle est également consacrée à l'article 11 de la Convention européenne des droits de
l’homme :
« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y
compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la
défense de ses intérêts.
2. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par
la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité
nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la
protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui.
Le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de
ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'Etat. »

B - Régime

Les réunions privées se différencient des réunions publiques par le fait qu'elles ne concernent
que des personnes nominativement invitées. Elles bénéficient d'un régime de complète liberté.
Les réunions publiques, c'est-à-dire celles qui sont accessibles à des personnes non
nominativement désignées à l'avance, sont à un régime légèrement plus restrictif. On
distinguera le régime général et les régimes particuliers.

a) Le régime général

La loi de 1881 ne soumet le droit de réunion à aucune condition. : « Les réunions publiques
sont libres. Elles peuvent avoir lieu sans autorisation préalable. » (art 1er). De plus, l'article
1er de la loi du 28 mars 1907 précise qu’aucune déclaration n’est nécessaire : « Les réunions
publiques, quel qu'en soit l'objet, pourront être tenues sans déclaration préalable. »
Seules quelques règles encadrant ce droit sont prévues. Mais, exceptionnellement des limites
peuvent être imposées.

1. L’encadrement
Les réunions publiques sont soumises à quelques formalités : un bureau de la réunion doit être
désigné, composé au moins de trois personnes, ce bureau étant responsable du maintien de
l'ordre et de l'objet de la réunion. Il faut, de plus, accepter la présence d'un fonctionnaire
délégué (un policier) qui a le droit de dissoudre la réunion en cas de violences physiques.
Mais ces dispositions sont rarement mises en œuvre aujourd’hui, elles restent bien formelles.
88

De plus, il est interdit de prolonger la réunion après 11 heures du soir, sauf dans les localités
où la fermeture des établissements recevant le public a lieu plus tard, cette limite étant alors
reportée à l'heure fixée pour la fermeture de ces établissements
2. Les limites
Les premières limites sont prévues par des textes, les autres ont été développées par la
jurisprudence.
Les législations sur l'état d’urgence et sur l'état de siège donnent aux autorités civiles (état
d'urgence) ou aux autorités militaires (état de siège) le droit d'interdire les réunions qui
portent atteinte à l'ordre public.
En dehors de ces circonstances, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser les atteintes
possibles à la liberté de réunion.
Dans son arrêt Benjamin du 19 mai 1933, le Conseil d'État a admis l'interdiction d'une
réunion, par un maire, à condition que cette mesure soit indispensable au maintien de l'ordre
public. Encore faut-il, que l'éventualité des troubles allégués par le maire revête « un degré de
gravité tel qu'il n'ait pu, sans interdire la conférence, maintenir l'ordre en édictant les
mesures de police qu'il lui appartenait de prendre ».
D’autre part, le refus de mettre une salle municipale à la disposition d'une association, d'un
syndicat ou d'un parti politique ne peut être motivé que par les nécessités du maintien de
l'ordre public ou encore celles liées à l'administration des propriétés communales, à
l'exclusion de la nature de la formation politique en cause (CE, 15 mars 1996, Cavin,).

b) Les régimes particuliers

1. Les réunions électorales


Elles sont définies par l'article 5 de la loi du 30 juin 1881 comme celles qui ont « pour but le
choix ou l'audition de candidats à des fonctions publiques électives ». La loi prévoit que ne
peuvent y assister que « les électeurs de la circonscription, les candidats, les membres de
deux chambres et le mandataire de chacun des candidats ».
Force est de reconnaître que ces dispositions, toujours en vigueur ne sont que rarement
respectées dans toute leur rigueur.

2. Les « raves-parties »
La loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne a soumis à des dispositions
spéciales les « rave parties ». L'article 53 de cette loi les définit comme des « rassemblements
exclusivement festifs à caractère musical, organisés par des personnes privées, dans des lieux
qui ne sont pas au préalable aménagés à cette fin et répondant à certaines caractéristiques
fixées par décret en Conseil d'État tenant à leur importance, à leur mode d'organisation ainsi
qu'aux risques susceptibles d'être encourus par les participants »
Les organisateurs du rassemblement doivent faire une déclaration au préfet du département
concerné. Ils doivent également indiquer les mesures envisagées pour garantir la sécurité, la
salubrité, l'hygiène et la tranquillité publiques.
Des mesures nécessaires au bon déroulement de la manifestation peuvent être demandées,
voire imposées par le préfet, il peut même interdire le rassemblement s’il est de nature à
troubler gravement l'ordre public ou si les mesures nécessaires pour assurer son bon
déroulement sont insuffisantes, en dépit d'une mise en demeure.
Le défaut de déclaration préalable ou la méconnaissance d'une mesure d'interdiction est
sanctionnée par la saisie du matériel utilisé ainsi que par des sanctions pénales.
89

§ 2 - LA LIBERTE DE MANIFESTATION

Les réunions sur la voie publique sont interdites par la loi du 30 juin 1881 mais pas les
manifestations. L’exercice de cette liberté est réglementé par le décret-loi du 23 octobre 1935
portant réglementation des mesures relatives au renforcement du maintien de l'ordre public.
Des sanctions sont prévues par d’autres textes.

A - Exercice
La manifestation est soumise à déclaration. Elle peut être interdite.

a) La déclaration

« tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes, et, d'une façon générale, toutes
manifestations sur la voie publique », à l'exception des « sorties sur la voie publique
conformes aux usages locaux » doit faire l’objet d’une déclaration.
1. Destinataires et délai
La déclaration doit se faire à la mairie de la commune ou des différentes communes sur le
territoire desquelles la manifestation doit avoir lieu. A Paris et pour les communes des
départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, la déclaration
est faite à la préfecture de police. Elle est faite au préfet ou au sous-préfet en ce qui concerne
les villes où est instituée la police d'État.
Elle doit être déposée trois jours francs au moins et quinze jours francs au plus, avant la date
de la manifestation. L'autorité qui reçoit la déclaration délivre immédiatement un récépissé.
2. Contenu
Elle doit indiquer les noms, prénoms et domiciles des organisateurs, le but de la
manifestation, le lieu, la date et l'heure du rassemblement et l'itinéraire projeté. Elle doit être
signée par trois organisateurs. Le maire transmet, dans les vingt-quatre heures, la déclaration
au préfet

b) L’interdiction

1. Conditions
L'autorité investie de pouvoirs de police peut interdire la manifestation si elle estime qu’elle
est de nature à troubler l’ordre public. L’arrêté d’interdiction est notifié immédiatement aux
signataires de la déclaration.
2. Contrôle
Le Conseil d’Etat veille à ce que l’interdiction soit bien motivée par une atteinte réelle à
l’ordre public. Il écarte ainsi l’interdiction prononcée parce que la manifestation pourrait
«porter atteinte aux relations internationales de la République ». CE, 12 novembre 1997,
Ministre de l'Intérieur c/ Association « Communauté tibétaine en France et ses amis ». Il
aligne ainsi sa jurisprudence en matière de manifestation sur celle de qu’il a développé en
matière de réunion. Dans le même arrêt il précise que l’interdiction d’une manifestation ne
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peut être prononcée pour « un motif, qui ne fait pas référence à des risques de troubles à
l'ordre public ».
La Cour européenne des droits de l’homme est allée encore plus loin puisque dans un arrêt
Plattform « Ârztefür das Leben » du 21 juin 1988, elle a jugé que les États avaient
l'obligation de prendre des mesures positives pour permettre que puisse s'exercer « une liberté
réelle et effective de réunion pacifique ». En l'espèce, deux manifestations de médecins
hostiles à l'avortement se tinrent à Stadl-Paura et sur la place de la cathédrale à Salzbourg.
Leur annonce avait suscité l'organisation de contre-manifestations et des incidents se
produisirent, en dépit de la présence de forces de police. La Cour affirme qu'« il incombe aux
États contractants d'adopter des mesures raisonnables et appropriées afin d'assurer le
déroulement pacifique des manifestations licites », mais indique qu'il s'agit d'une simple obli-
gation de moyens, de sorte qu'aucune violation de la Convention ne pouvait être constatée en
l'espèce.

B - Sanctions

a) Pénales

1. Sanctions en vue de protéger le droit de manifester


L'article 431-1 du Nouveau Code pénal protège la liberté de réunion et de manifestation, en
punissant le fait d'entraver l'exercice de cette liberté d'une manière concertée, à l'aide soit de
menaces, soit de coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations

2. Sanctions en vue d’éviter les débordements lors de manifestations

2.1. La répression des débordements


Les articles 431-3 et suivants du Nouveau Code pénal incriminent la participation délictueuse
à un attroupement, c’est à dire « tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou
dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public ».
L'attroupement peut être dispersé par la force publique après deux sommations de se disperser
demeurées sans effet. Le fait de continuer volontairement de participer à un attroupement
après les sommations est puni, les peines encourues étant aggravées si la personne est armée.
2.2. La prévention des débordements
Le préfet peut interdire, pendant les vingt-quatre heures qui précèdent une manifestation et
jusqu'à sa dispersion, le port et le transport, sans motif légitime, d'objets pouvant constituer
une arme « si les circonstances font craindre des troubles graves à l'ordre public ».

3. Sanction du non-respect du régime des manifestations


L'organisation d'une manifestation sur la voie publique n'ayant pas fait l'objet d'une
déclaration préalable ou ayant été interdite ainsi que la rédaction d'une déclaration
mensongère tombent aussi sous le coup de la loi pénale.

b) Civiles
91

L'indemnisation des préjudices causés par les attroupements fait l'objet, depuis la loi du 10
vendémiaire an IV d'un régime particulier. Les communes étaient en effet responsables en cas
d’émeutes.
L'article 92 de la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les
communes, les départements, les régions et l'Etat, a prévu que l’Etat est responsable sans
faute des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par
violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre des
personnes, soit contre les biens. Il peut exercer une action récursoire contre la commune
lorsque la responsabilité de celle-ci se trouve engagée.
La loi du 9 janvier 1986 a reconnu la compétence des juridictions administratives alors que,
jusque-là, le contentieux de la responsabilité du fait des attroupements relevait des juridictions
judiciaires.

SECTION 2 - LA LIBERTE D’ASSOCIATION

La liberté d'association est une conquête. Proclamé de façon éphémère par la loi du 21 août
1790, « le droit de s'assembler paisiblement et de former des sociétés libres » a attendu la loi
du 1er juillet 1901 pour recevoir une consécration qui ne deviendra définitive qu’avec la
décision du Conseil constitutionnel n° 71-44 DC du 16 juillet 1971. Cette décision donnant
rang constitutionnel à cette liberté.

§ 1 - LE DROIT COMMUN DES ASSOCIATIONS

Il est essentiellement formé par des dispositions relatives à la constitution des associations
ainsi qu’à leur capacité.

A - La constitution des associations


Elle est libre à certaines exceptions prêt.

a) La liberté de constitution des associations

1. Les origines du principe


Le principe de la liberté de constitution des associations a été affirmé par la loi du 1er juillet
1901 sur le contrat d’association dans son article 2 : « Les associations de personnes pourront
se former librement ». Ce principe a été réaffirmé avec force par le Conseil constitutionnel
dans sa décision de 1971.
C’est le refus du Préfet de police de délivrer le récépissé de la déclaration d'une association,
prévu par la loi du 1er juillet 1901, qui est à l’origine de cette décision. L'association s'intitulait
« Les amis de la cause du peuple », parmi ses fondateurs se trouvait Simone de Beauvoir. Le
ministre de l'intérieur, Raymond Marcellin la soupçonnait de reconstituer une association
dissoute qui s'appelait « La cause du peuple ». Le refus préfectoral fut bien sûr annulé par le
juge.
92

Afin d’éviter à l’avenir ce genre de difficulté, un projet de loi fut déposé. Il fut délibéré par
l'Assemblée nationale et le Sénat qui le rejeta par deux fois. L'Assemblée nationale, ayant le
dernier mot, l'adopta. Cette loi complétait les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er
juillet 1901 relative au contrat d'association.
Le Conseil constitutionnel fut saisi du texte par le président du Sénat, Alain Poher,
conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution. Selon lui, cette loi avait pour
but d'instituer une procédure, d'après laquelle, l'acquisition de la capacité juridique des
associations déclarées serait subordonnée à un contrôle préalable de leur conformité à la loi,
par l'autorité judiciaire, ce qui était contraire à la Constitution.

2. Le régime de la constitution

Deux régimes de création peuvent être distingués


2.1. La création sans formalité
L’article 2 de la loi du 1er juillet 1901 précise : « Les associations de personnes pourront se
former librement sans autorisation ni déclaration préalable ». Une telle création entraîne
l’absence de capacité juridique. (Voir infra). L’intérêt d’une telle création est donc limité.
2.2. La création après déclaration préalable
La plupart des associations sont déclarées. Selon l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901, la
déclaration préalable est faite à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de
l'arrondissement où l'association aura son siège social. Est précisé dans cette déclaration, le
titre et l'objet de l'association, le siège de ses établissements et les noms, professions,
domiciles et nationalités de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son
administration ou de sa direction. De plus, deux exemplaires des statuts doivent être joints à la
déclaration.
Un récépissé de la déclaration doit être donné dans le délai de cinq jours. Le refus de
récépissé par le préfet est illégal, puisque le régime des associations n'est pas un régime
préventif (CE, 24 juillet 1970, Min. Intérieur c/ Association Alba Stella).
L'association n'est rendue publique que par une insertion au Journal officiel, sur production du
récépissé dans le délai d'un mois.
Les associations sont tenues de faire connaître, dans les trois mois, tous les changements
survenus dans leur administration ou direction, ainsi que toutes les modifications apportées à
leurs statuts.

b) Les limites à la liberté de constitution des associations

1. La dissolution de certaines associations

1.1. La dissolution administrative


Trois types d’associations, visés par trois lois différentes, peuvent faire l’objet d’une
dissolution administrative, sous contrôle du juge administratif. Dans les trois cas, c’est le
Conseil des ministres qui prononce la dissolution
1.1.1. La loi du 10 janvier 1936
Ce texte a prévu la dissolution des associations ou groupements de fait provoquant à des
manifestations armées dans la rue ou ayant pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire
ou d'attenter par la force à la forme républicaine du gouvernement.
1.1.2. La loi du 11 juillet 1972
93

Sont visés par ce texte les associations racistes, c’est à dire des groupes qui soit
provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un
groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur non-appartenance à une ethnie, une
nation, une race ou une religion déterminée, soit propageraient des idées ou théories tendant à
justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence.
1.1.3. La loi du 9 septembre 1986
Cette loi a prévu la dissolution des groupements qui se livrent ou provoquent à des actes de
terrorisme.

1.2. La dissolution judiciaire

La loi du 1er juillet 1901 a prévu par son article 1er que « toute association fondée sur une
cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour
but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du
gouvernement, est nulle et de nul effet ».
Ce sont les juridictions judiciaires qui prononcent l'annulation, en l'espèce les tribunaux de
grande instance. Celui-ci peut être saisi à la requête de tout intéressé ou à la diligence du
ministère public, qui peut assigner à jour fixe.
Cette dissolution entraîne la nullité de l'association, et peut entraîner le prononcé de peines
correctionnelles à l'encontre des fondateurs.
Les décisions en la matière sont rares. On peut cependant citer une décision récente prise à
l'encontre de l'association «Alma Mater », qui se proposait de mettre en contact des couples
stériles avec des mères porteuses : l'objet de l'association était de « favoriser la conclusion de
conventions contraires au principe d'ordre public de l'indisponibilité de l'état des personnes
en ce qu'elles ont pour but de faire venir au monde un enfant dont l'état ne correspondra pas
à sa filiation réelle au moyen d'une renonciation et d'une cession également prohibées des
droits reconnus par la loi à la future mère » (Civ. 1, 13 déc. 1989, D. 1990, p. 273, rap.
Massip)

2. Le régime exceptionnel de l’autorisation préalable

En vertu de la loi du ler juin 1924, les articles 21 à 79 du Code civil local et la loi d'Empire du
19 avril 1908 s’appliquent aux associations dans les trois départements d’Alsace-Moselle. Le
droit local distingue les associations non déclarées, au régime comparable à celui de la loi de
1901, et les associations inscrites, dont la capacité juridique est très étendue, puisqu'elles
peuvent recevoir des dons et legs et acquérir des immeubles sans aucune restriction.
La procédure d'inscription comporte une demande adressée au tribunal d'instance, qui vérifie
la régularité des statuts et la licéité du but de l'association et, s'il admet la demande, la
transmet au préfet qui dispose d'un droit d'opposition qu'il doit exercer dans un délai de six
semaines.
L'autorité préfectorale peut faire opposition à l'inscription d'une association dans les cas
énumérés à l'article 61 du Code civil local: « Lorsque l'association, d'après le droit public en
matière d'association, est illicite ou se trouve dans les conditions prévues pour pouvoir être
interdite ou lorsqu'elle poursuit un but politique, social-politique ou religieux. »
En l'absence d'une telle opposition, l'association est inscrite sur un registre tenu par le tribunal
d'instance.
94

B - La capacité juridique des associations

a) La capacité ordinaire : les associations déclarées

La déclaration a pour effet de conférer la personnalité morale à l'association. La loi de 1901


ne leur confère cependant qu'une « petite personnalité ». Elles ne peuvent posséder que des
fonds provenant des cotisations de leurs membres ou de subventions publiques, et ne peuvent
pas acquérir à titre gratuit (don, legs).
En matière immobilière, elles ne peuvent posséder que leur local et des immeubles strictement
nécessaires à leur but. La jurisprudence est toutefois libérale. Elle admet que l'énumération
faite par la loi n'est pas limitative ainsi, une association déclarée peut faire des actes de
commerce si les profits qu'elle en tire sont accessoires, et bénéficient à l'association elle-
même.
La loi du 23 décembre 1987 sur le développement du mécénat permet aux associations
déclarées de recevoir des dons manuels ainsi que ceux des établissements publics Enfin, les
associations déclarées peuvent ester en justice.
La loi du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la
vie économique, prévoit que les associations ayant reçu une subvention supérieure à un
150000 € doivent faire certifier leurs comptes.

b) La capacité diminuée : les associations non déclarées

Ces associations sont dépourvues de capacité juridique : elles ne peuvent rien posséder, rien
réclamer et ne peuvent pas ester en justice. Elles ont quand même une existence légale dont il
faut tenir compte : elles peuvent recevoir des cotisations, ouvrir à cet effet un compte
bancaire, agir dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir pour défendre les intérêts
collectifs de leurs membres, (CE, 31 août 1969, Syndicat de défense des canaux de la
Durance)

c) La capacité renforcée : les associations reconnues d’utilité publique

C’est par décret en Conseil d’Etat que la reconnaissance d'utilité publique est établie. Les
pouvoirs publics ayant en ce domaine, un pouvoir discrétionnaire. L'association doit présenter
un intérêt pour la collectivité et avoir au moins trois ans d'existence.
La loi du 23 juillet 1987 a allégé sous certaines conditions, les formalités de la reconnaissance
d'utilité publique des associations déclarées ; ainsi, la période probatoire de fonctionnement
de trois ans minimum n'est pas exigée si les ressources prévisibles pendant un délai de trois
ans sont de nature à assurer son équilibre financier.
Les associations reconnues d'utilité publique ont une personnalité juridique pleine et entière.
Elles peuvent acquérir à titre onéreux ou gratuit des terrains et valeurs mobilières, et peuvent
recevoir des dons et legs étant entendu qu'une autorisation préalable est nécessaire. Les
immeubles nécessaires à leurs actions ne peuvent être acquis qu'à titre onéreux.
Ces associations bénéficient de diverses exonérations fiscales : leurs membres peuvent
déduire de leur revenu une partie des sommes qu'ils ont versées. En contre-partie, l'Etat exerce
un contrôle plus étendu
95

§ 2 - LE DROIT DES ASSOCIATIONS PARTICULIERES

A - Les congrégations religieuses


Elles ne sont pas définies par la loi de 1901, mais étaient soumise par cette même loi à un
régime de déclaration préalable. C’est la doctrine et la jurisprudence qui ont précisé les
critères qui permettent de parler de congrégation. Selon ces sources, Il s'agirait d'une
association dont les membres sont liés par un certain nombre de vœux (obéissance, célibat,
pauvreté,…), et vivent en communauté sous une autorité et suivant des règles approuvées par
l'Eglise.
La loi du 8 avril 1942, toujours en vigueur, assouplit ce régime : l'autorisation préalable n'est
plus nécessaire, mais la simple déclaration ne suffit pas à conférer la personnalité juridique à
ces congrégations, qui n'en bénéficieront que si elles sont reconnues par un décret pris après
avis conforme du Conseil d’Etat.

B - Les partis politiques


L'article 4 de la constitution de 1958 prévoit que « les partis et groupements politiques
concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement ».
Mais le même article précise qu’ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale
et de la démocratie. Il n’est cependant pas précisé comment est sanctionné le non respect de
ces principes.
La loi du 11 mars 1988 est venue préciser le statut des partis politiques. Ils jouissent de la
personnalité morale, même s'ils n'ont pas fait l'objet d'une déclaration préalable. Ils ont donc
le droit d'ester en justice, d'acquérir à titre gratuit ou onéreux des biens meubles ou
immeubles, d'effectuer tout acte conforme à leur mission, y compris créer et administrer des
journaux et des institutions de formation.
Ils ont aussi le droit de recevoir des fonds publics, mais la loi du 19 janvier 1995 prévoit que
les partis politiques ne peuvent plus recevoir de fonds provenant des entreprises ou personnes
morales, mais seulement des dons de particuliers dans la limite de 4574 € par an. L'Etat leur
apporte donc une aide pour compenser le manque à gagner.
Le montant global des crédits inscrits à cet effet dans la loi de finances 2003 est de 80.26
millions d’euros. Il est partagé en deux fractions égales dont les critères de répartition sont
étroitement liés aux résultats des élections législatives.
La première fraction est réservée aux partis et groupements politiques qui ont présenté des
candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés (art. 34, loi n° 2003-327
du 11 avril 2003) dans au moins cinquante circonscriptions lors du plus récent renouvellement
général de l'Assemblée nationale. La répartition de cette première moitié de l'aide publique
entre les partis bénéficiaires s'effectue proportionnellement au nombre des suffrages obtenus
au premier tour des élections législatives par les candidats se réclamant de ces partis.
La seconde fraction de l'aide publique est attribuée aux partis et groupements politiques
bénéficiaires de la première fraction proportionnellement au nombre de députés et de
sénateurs.
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Les partis et groupements politiques bénéficiaires ne sont pas soumis au contrôle de la Cour
des comptes. Les dispositions du décret du 30 octobre 1935 relatif au contrôle des
associations, oeuvres et entreprises privées subventionnées ne leur sont pas applicables.

CHAPITRE 2 - LES LIBERTES CULTURELLES

Dans ce chapitre il sera question de la liberté d’expression et de communication, de la liberté


de l’enseignement et de la liberté religieuse.

SECTION 1 - LA LIBERTE D’EXPRESSION ET DE COMMUNICATION

L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen affirme de manière claire et


précise la liberté d’expression et de communication :
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de
l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus
de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi »
Cette liberté trouve naturellement son aboutissement dans la liberté de la presse écrite et
aujourd’hui dans la liberté de l’audiovisuel.

§ 1 - LA LIBERTE DE LA PRESSE ECRITE

Affirmée à travers l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la liberté


de la presse sera instaurée en France après bien des vicissitudes par loi du 29 juillet 1881.
Tous les grands textes internationaux la proclament. C’est le cas bien sûr de la Déclaration
universelle des droits de l'homme de 1948, la Convention européenne des droits de l'homme
de 1950 ainsi que du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 84-181 DC du 11 octobre 1984 Loi sur les
entreprises de presse ainsi que dans celle du 29 juillet 1986 (Décision n° 86-210 DC
Régime juridique de la presse), devait rappeler le caractère constitutionnel de la liberté de la
presse.

A - Une liberté de premier rang


a) Caractères

Dans sa décision précitée du 11 octobre 1984, le Conseil constitutionnel devait insister sur le
caractère particulier de cette liberté :
« S'agissant d'une liberté fondamentale, d'autant plus précieuse que son exercice est l'une des
garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale,
97

la loi ne peut en réglementer l'exercice qu'en vue de le rendre plus effectif et de le concilier
avec celui d'autres règles et principes de valeur constitutionnelle »
Ce qui veut dire que cette liberté bénéficie d’un statut constitutionnel privilégié. Il se traduit
par le fait que la liberté de la presse peut imposer certaines limites aux autres libertés ou droits
fondamentaux.
D’autre part, le législateur ne peut intervenir que pour rendre plus effectif l'exercice de la
liberté de la presse, ce qui lui interdit d'abroger le régime de garantie d'une liberté
fondamentale sauf à le remplacer par un dispositif au moins aussi protecteur.
Enfin, le régime de l'autorisation préalable - ou tout régime jugé équivalent - est par principe
prohibé.

b) Contenu

Dans ses deux décisions précitées le Conseil constitutionnel affirme que le pluralisme de la
presse « est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle », ce qui implique, non plus
l'abstention mais l'intervention du législateur pour garantir ce pluralisme.
« Ainsi, en exigeant que soient connus du public les dirigeants réels des entreprises de presse,
les conditions de financement des journaux, les transactions financières dont ceux-ci peuvent
être l'objet, les intérêts de tous ordres qui peuvent s'y trouver engagés, le législateur met les
lecteurs à même d'exercer leur choix de façon vraiment libre et l'opinion à même de porter un
jugement éclairé sur les moyens d'information qui lui sont offerts par la presse écrite »
(Décision n' 84-181 DC du 11 octobre 1984 Loi sur les entreprises de presse)

Ou encore :
Considérant que le pluralisme des quotidiens d'information politique et générale est en lui-
même un objectif de valeur constitutionnelle ; qu'en effet, la libre communication des pensées
et des opinions, garantie par l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du
Citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s'adressent ces quotidiens n'était
pas à même de disposer d'un nombre suffisant de publications de tendances et de caractères
différents ; que l'objectif à réaliser est que les lecteurs qui sont au nombre des destinataires
essentiels de la liberté proclamée par l'article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même
d'exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y
substituer leurs propres décisions ni qu'on puisse en faire les objets d'un marché
(Décision n° 86-210 DC Régime juridique de la presse)

B - Mais une liberté qui connaît des limites

Ces limites s’appliquent aussi bien à la liberté d’informer qu’à la liberté de publier.

a) Les limites à la liberté d’informer

1. La diffamation et l’injure
La diffamation est définie par la loi de 1881 comme « toute allégation ou imputation d'un fait
qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait
est imputé ».
La diffamation doit être distinguée de l'injure, celle-ci consiste en « toute expression
outrageante, termes de mépris ou invective quine renferme l'imputation d'aucun fait ».
98

2. Les écrits racistes


Les lois du ler juillet 1972 et du 13 juillet 1990 ont complété la loi de 1881 en instituant de
nouveaux délits de presse. La provocation « à la discrimination, à la haine ou à la violence
raciale » à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes est réalisée à partir du moment
où il est fait référence à l'origine, à l'appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une
nation, une race ou une religion déterminée.

3. Le droit de réponse et le droit de rectification


Un droit de réponse existe au profit des personnes mises en cause, ainsi qu'au profit des
associations. Le droit de réponse n'est pas possible contre les écrits dont la publication est
obligatoire (publications légales, communications du gouvernement)
La réponse doit être publiée, dans le cas d'un quotidien, dans les trois jours de sa réception.
Elle ne doit pas être contraire aux lois et aux bonnes mœurs, ni à l'intérêt légitime des tiers, ni
à l'honneur du journaliste. Les cas injustifiés de refus d'insertion entraînent des sanctions
pénales.

b) Les limites à la liberté de publier

1. Le décret du 6 mai 1939 sur publications étrangères


Ce décret permet au ministre de l'intérieur d’interdire la diffusion des publications étrangères.
Par ce terme il faut entendre les écrits rédigés en langue étrangère, ainsi que les écrits de
provenance étrangère rédigés en langue française. Le Conseil d’Etat a progressivement
précisé les motifs pour lesquels l’interdiction pouvait être prononcée : ordre public, moralité,
lutte contre certaines idéologies (nazisme, intégrisme islamique,…). Mais, il n’exerçait qu’un
contrôle minimum sur l'interdiction du ministre de l'intérieur. Or depuis 1997 il exerce un
contrôle normal. (CE, Sect, 9 juillet 1997, Association Ekin)

2. La loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse


Le ministre de l'Intérieur peut prendre un arrêté interdisant de donner ou de vendre à des
mineurs de 18 ans, d’exposer à la vue du public et de faire de la publicité en leur faveur
certaines publications présentant un danger pour la jeunesse, en raison de leur caractère
pornographique ou licencieux ou en raison de la place qui y est faite au crime ou à la
violence..
Le juge administratif exerce un contrôle entier tant sur le respect des conditions mises par le
texte à l'exercice des pouvoirs ministériels (CE, 3 févr. 1958, Sté les Éditions du Fleuve
Noir) que sur la nécessité des interdictions prononcées (CE, Sect, 9 mai 1980, Veyrier).

3. La saisie administrative
En cas de menace à l'ordre public, les autorités de police administrative peuvent, procéder à
une saisie. Mais le juge contrôle la légalité des conditions d'intervention comme les finalités
du pouvoir de police (proportionnalité des mesures aux menaces, donc illégalité des
interdictions à caractère général et absolu ; cela exclut la saisie de tous les exemplaires d'un
périodique). Le juge sanctionne le détournement de procédure : CE, 24 juin 1960 Société
Frampar ; TC, 8 avril 1935, Action Française (voie de fait).
99

§ 2 - LA LIBERTE DE L’AUDIOVISUEL

Longtemps en France la télévision, a vécu sous le régime du monopole d'émission de l'État, ce


qui bafouait directement l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 sur la
libre communication des pensées et des opinions.
Il a fallu attendre la loi sur la communication audiovisuelle du 29 juillet 1982 et son article 1er
qui déclare : « La communication audiovisuelle est libre » pour voir les choses évoluer
lentement. En effet, si le monopole de diffusion, était consacré, par la loi, le monopole de
programmation n'existait plus au profit de l'Etat : il peut en effet, concéder des autorisations
de programme. La loi du 30 septembre 1986 devait confirmer le système en remplaçant les
concessions par des autorisations.
La liberté de l’audiovisuel est donc encadrée. Le Conseil constitutionnel, (décision n° 86-217
DC du 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication) devait souligner
qu’elle impliquait le respect du pluralisme.

A - Une liberté encadrée : le CSA


Succédant à la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL) qui avait
elle-même remplacé la Haute Autorité, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) est une
autorité administrative indépendante créée par la loi du 17 janvier 1989.

a) Organisation

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel est composé d'un Collège de neuf membres nommés
par décret du président de la République. Trois sont désignés par le président de la
République, trois par le président du Sénat et trois par le président de l'Assemblée nationale.
Le président du CSA est nommé par le président de la République. Le mandat des conseillers,
est de six ans, il est non-renouvelable. Le Conseil se renouvelle par tiers tous les deux ans.

b) Pouvoirs

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel dispose d’un pouvoir de décision puisqu’il nomme les
présidents des télévisions et des radios publiques et qu’il délivre des autorisations aux stations
de radio MF et MA, aux télévisions locales et nationales, aux chaînes de télévision diffusées
par câble et par satellite.
Il s'assure du respect par tous les diffuseurs des lois et de la réglementation en vigueur, en
conséquence, il peut infliger des sanctions (mise en demeure publique, suspension de
l'autorisation pour un mois ou plus, réduction de la durée de l'autorisation, sanctions
pécuniaires, ordre d'insertion d'un communiqué dans les programmes, retrait de l'autorisation)
Enfin, il rend des avis au gouvernement sur les projets de loi et de décrets qui concernent
l'audiovisuel.

B - Une liberté garantie par le pluralisme


100

En raison du nombre limité de fréquences utilisables il appartient au législateur selon le


Conseil constitutionnel « de concilier, en l'état actuel des techniques et de leur maîtrise,
l'exercice de la liberté de communication telle qu'elle résulte de l'article 11 de la Déclaration
des droits de l'homme, avec; d'une part, les contraintes techniques inhérentes aux moyens de
la communication audiovisuelle et d'autre part, les objectifs de valeur constitutionnelle que
sont la sauvegarde de l'ordre public, le respect de la liberté d'autrui et la préservation du
caractère pluraliste des courants d'expression socio-culturels auxquels ces modes
d'expression, par leur influence considérable, sont susceptibles de porter atteinte » (CC, déc.
n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986
relative à la liberté de communication). Le pluralisme s’applique tant au secteur privé qu’au
secteur public.

a) Le secteur privé

1. Les radios
Il existe cinq catégories de radios privées : les radios non commerciales; les radios
commerciales locales indépendantes; les radios commerciales locales rattachées à un réseau;
les radios nationales thématiques; les radios nationales généralistes.
2. La télévision
Les chaînes de télévision privées sont essentiellement nationales. TF1 a été privatisée en
1987. Canal Plus est une société cryptée à péage bénéficiaire d'une concession devenue
autorisation. M6, est une chaîne généraliste sous autorisation.

b) Le secteur public

Le secteur public de la télévision est représenté par une société holding, France télévision
coiffant France 2, France 3, La Cinquième et Arte qui sont des sociétés de programme. Il
comprend également une société de production la SFP. C’est une Société d’économie mixte
chargée de produire des œuvres audiovisuelles destinées en priorité aux chaînes publiques.
Télévision Diffusion de France est une Société anonyme à capital majoritairement public,
chargée de la diffusion des programmes. Enfin, l’Institut National de l'Audiovisuel est un
EPIC chargé de conserver et exploiter les archives des sociétés nationales de programme.

SECTION 2 - LA LIBERTE DE L’ENSEIGNEMENT

La liberté d'enseignement a été consacrée par le Conseil constitutionnel en tant que principe
fondamental reconnu par les lois de la République dans la décision du 23 novembre 1977
(décision no 77-87 DC, Liberté d’enseignement et de conscience), puis réaffirmée dans la
décision du 13 janvier 1994, (no 93-329 DC, Révision de la loi Falloux ) et encore plus
récemment dans la décision no 99-414 DC du 8 juillet 1999, Loi d'orientation agricole.
Cette liberté est consacrée par des textes internationaux : le protocole n° 1 de la Convention
européenne des droits de l’homme : « Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction.
L'Etat, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de
l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement
conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. » (art. 2), ainsi que la
101

Déclaration universelle des droits de l’homme (art.26), « Toute personne a droit à


l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement
élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement
technique et professionnel doit être généralisé; l'accès aux études supérieures doit être ouvert
en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite ».
La liberté d'enseignement comprend à la fois la liberté de donner un enseignement selon les
méthodes de son choix sous réserve de respecter la Constitution et les lois c’est tout le
problème de l’enseignement public et la liberté de recevoir un enseignement qui suppose que
l'élève soit laissé entièrement libre de s'inscrire dans l'établissement de son choix, c’est tout le
problème de l’enseignement privé.

§ 1 - L’ENSEIGNEMENT PRIVE

La liberté d'enseignement consacrée par le Conseil constitutionnel s'entend essentiellement


comme la liberté de créer un établissement d'enseignement privé. Elle s’oppose en effet à tout
monopole de l'enseignement public qui exclurait l'enseignement privé : la loi ne peut
supprimer l'existence de l'enseignement privé. Mais peut-elle apporter à l'enseignement privé
une aide publique ? Telles sont les deux aspects de la question

A - Les conditions de l’existence de l’enseignement privé

a) Les différents statuts

Ils ont été prévus par les lois Debré (1959) et Chevènement (1985). L'établissement
d'enseignement privé a le choix entre deux possibilités.

1. L’autonomie totale
Dans ce cas, l’établissement n’a aucun lien avec l’Etat, il ne reçoit par conséquent aucune
aide. C'est le cas de certaines écoles spécialisées comme certaines écoles de commerce
privées, et de certains établissements réservés, du fait du montant des frais occasionnés, à une
classe de population ayant des revenus très élevés.

2. Les écoles sous contrat


C'est la solution choisie par la quasi-totalité des établissements d'enseignement privé
confessionnels. La loi Debré de 1959 prévoit deux sortes de contrat possibles.

2.1. Le contrat simple


Dans ce cas, l'État prend en charge les traitements des enseignants et certaines dépenses de
fonctionnement, mais le directeur de l'établissement reste l'employeur, il recrute et,
éventuellement, licencie les personnels.

2.2. Le contrat d'association


102

La liberté de créer et de faire fonctionner un tel établissement d'enseignement privé suppose


que soient remplies des conditions résumées par la notion de « besoin scolaire reconnu »
c’est à dire, la demande de familles et le fameux « caractère propre » de l’établissement.
Par ce contrat d’association l'employeur est l'État, les enseignants ont donc le statut d'agents
publics contractuels : ils sont tenus à la même obligation de réserve que les enseignants du
secondaire, et l'enseignement qu'ils dispensent doit suivre le programme des établissements
publics. Toutefois, afin de préserver le « caractère propre » de l'établissement, le recrutement
doit être effectué en accord avec le chef d'établissement, et les enseignants doivent respecter
les valeurs philosophiques et religieuses de l'établissement. Les exigences tirées du caractère
propre de l'établissement privé trouvant leurs limites dans la liberté de conscience des maîtres.
La loi Debré oblige les établissements sous contrat à accueillir tout enfant sans distinction
d'origine, d'opinion ou de croyance elle impose le respect de la même neutralité idéologique
que pour l'enseignement public.

b) Le contrôle de l'État

1. Le contrôle sur la création des établissements


La liberté de créer un établissement d'enseignement est soumise au régime de la déclaration
préalable. Celle-ci est déposée auprès du maire pour l'enseignement primaire, de l'inspecteur
d'académie pour l'enseignement secondaire, du recteur pour l'enseignement supérieur.

2. Le contrôle sur l'activité et le fonctionnement des établissements


Les établissements sous contrat doivent respecter les programmes et les horaires établis par
l'enseignement public. L’État assure un contrôle des personnels, de l'hygiène et de la sécurité.
Le contrôle de l'Etat sur les établissements d'enseignement privés qui ne sont pas liés à l'Etat
par contrat se limite aux titres exigés des directeurs et des maîtres, à l'obligation scolaire, à
l'instruction obligatoire, au respect de l'ordre public et des bonnes mœurs, à la prévention
sanitaire et sociale.

B - Les conditions de l’aide à l’enseignement privé

Selon le Conseil constitutionnel, l'affirmation par l’alinéa 13 du Préambule 1946, que «


l’organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de
l'Etat ne saurait exclure l'existence de l'enseignement privé, non plus que l'octroi d'une aide
de l'État à cet enseignement dans des conditions définies par la loi » (77-87 DC, et 84-185
DC ). Ainsi l’existence de l’enseignement privé est-elle liée aux aide que l’Etat et les
collectivités publiques lui accordent. Il convient pour faire le tour de la question de distinguer
l’aide au fonctionnement et l’aide à l’investissement.

a) L’aide au fonctionnement des écoles sous contrat

Les lois de décentralisation des 22 juillet 1983 et 25 janvier 1985 ont transféré aux
collectivités territoriales les compétences en matière de construction et d'entretien des
établissements d'enseignement.
103

Les dépenses de fonctionnement des écoles sous contrat d'association sont donc à la charge de
la collectivité qui supporte les dépenses correspondantes dans l'enseignement public.
Après bien des litiges et de nombreux arrêts, il est établi que ces dépenses présentent, pour la
collectivité, un caractère obligatoire.
La conséquence de ce caractère obligatoire est la mise enjeu de la procédure de contrôle
budgétaire en cas de non-inscription de la dépense au budget.

b) L’aide à l'investissement des écoles sous contrat

La loi Falloux interdit aux départements et aux communes de financer les dépenses
d'investissement des établissements d'enseignement privés au-delà de 10 % du total de leurs
dépenses. Le Conseil d'État a étendu cette interdiction aux régions (CE, 10 novembre 1993,
Préfet de la région Ile-de-France). L’article L. 151-4 du Code de l’éducation a d’ailleurs
repris cette disposition en ajoutant que « Le conseil académique de l'éducation nationale
donne son avis préalable sur l'opportunité de ces subventions ».

§ 2 - L’ENSEIGNEMENT PUBLIC

Le préambule de 1946 énonce que « l'organisation de l'enseignement public, gratuit et laïc est
un devoir de l'Etat ». Dans le cadre de ces principes d’organisation de l’enseignement, la
liberté des enseignants et des enseignés est assurée.

A - Les principes d’organisation de l’enseignement public

a) Un enseignement obligatoire

L'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six
ans et seize ans. En conséquence les personnes responsables d'un enfant doivent le faire
inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé, ou bien déclarer au maire et à
l'inspecteur d'académie, qu'elles lui feront donner l'instruction dans la famille.
Cette obligation est sanctionnée pénalement puisque, le fait, par les parents d'un enfant de ne
pas l'inscrire dans un établissement d'enseignement, sans excuse valable, est puni de six mois
d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende.

b) Un enseignement gratuit

La gratuité est le corollaire du caractère obligatoire. Elle est rappelée par le code de
l’éducation en ces termes : « L'enseignement est gratuit pour les élèves des lycées et collèges
publics qui donnent l'enseignement du second degré, ainsi que pour les élèves des classes
préparatoires aux grandes écoles et à l'enseignement supérieur des établissements
d'enseignement public du second degré »

c) Un enseignement laïc
104

La laïcité des enseignements secondaire et supérieur découle indirectement de la laïcité de


l'Etat, notamment de la loi de 1905, du préambule de 1946, de la constitution de 1958 (art.2 :
la France est une République laïque), et de la loi Debré du 31 décembre 1959 prévoyant l'aide
de l'Etat aux établissements privés.
Elle est rappelée par l’article L.141-2 du Code de l’Education dans les termes suivants :
« l'Etat assure aux enfants et adolescents dans les établissements publics d'enseignement la
possibilité de recevoir un enseignement conforme à leurs aptitudes dans un égal respect de
toutes les croyances.
L'Etat prend toutes dispositions utiles pour assurer aux élèves de l'enseignement public la
liberté des cultes et de l'instruction religieuse »

B - La liberté des enseignants et des enseignés

a) La liberté des enseignants

1. Dans les établissements d’enseignement primaires et secondaires


Elle est limitée, par la nécessité de respecter la liberté de conscience des élèves. Les
enseignants doivent en effet respecter les opinions et convictions de leurs élèves et se garder
de ce qui pourrait les blesser (TC, 2 juin 1908, Girodet c/ Morizot).

2. Dans les établissements d’enseignement supérieurs


S’agissant de l’enseignement supérieur, le Conseil constitutionnel a affirmé « la libre
expression et l'indépendance des personnels » de l'enseignement supérieur et a considéré en
particulier qu'en ce qui concerne les professeurs, la garantie de l'indépendance résultait d'un
principe fondamental reconnu par les lois de la République (décision no 83-165 DC du 20
janvier 1983)

b) La liberté des enseignés

1. La liberté d’accès
L'obligation d'admettre dans les établissements publics d'enseignement, de quelque degré que
ce soit, tous ceux qui remplissent les conditions de diplôme requises découle de l’article L.
111-1 du Code de l’éducation selon lequel, « Le droit à l'éducation est garanti à chacun ».
Les exceptions à ce principe aménagées par les textes doivent s'entendre strictement, toute
procédure officieuse de sélection étant illicite (CE, 27 juill. 1990, Université Paris-
Dauphine).

2. La liberté de participation
Le décret du 30 août 1985 sur les établissements publics locaux d'enseignement (collèges et
lycées) prévoit une participation des parents d'élèves au sein du conseil d'administration de
chacun de ces établissements. Le Code de l’éducation précise dans son article L.421-2 que ces
conseils comprennent « Pour un tiers, des représentants élus des parents d'élèves et élèves. »

3. La liberté d’expression
105

L’article L.511-2 du Code de l’éducation reconnaît la liberté d’information et d’expression


aux lycéens, aux collégiens et lycéens. L'exercice de ces libertés ne peut porter atteinte aux
activités d'enseignement.
La liberté religieuse est également reconnue aux élèves. Elle l’est d’abord à travers la liberté
de port de signes distinctifs (voir infra, la liberté religieuse). Elle l’est ensuite par l'obligation
faite aux écoles primaires par la loi du 28 mars 1882 de vaquer un jour par semaine, en dehors
du dimanche, pour permettre aux élèves qui le souhaitent de recevoir une éducation religieuse
à l'extérieur des locaux scolaires.

SECTION 3 - LA LIBERTE RELIGIEUSE

La liberté religieuse est consacrée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
(art.10 Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur
manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi.), le préambule de 1946 , la
Constitution de 1958 (art.1 La France est une République indivisible, laïque, démocratique et
sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de
race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. ),
la Déclaration universelle des droits de l’homme (art.18 : Toute personne a droit à la liberté
de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou
de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en
commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et
l'accomplissement des rites.) et la Convention européenne des droits de l’homme (art.9 : 1.
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique
la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa
religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le
culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres
restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une
société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la
morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.). Le Pacte de New York
(art. 18)

Ces différents textes soulignent les deux dimensions de la liberté religieuse. Elle inclut la
liberté de conscience, et la liberté de pratiquer individuellement ou collectivement sa religion.
C’est la dimension individuelle. Mais la liberté religieuse, c’est aussi la séparation des Eglises
et de l’Etat, c’est la dimension publique.

§ 1 - ETAT ET RELIGION : LA SEPARATION DES EGLISES DE L’ETAT

Selon l’article 1er de la Constitution, « La France est une République… laïque Elle respecte
toutes les croyances » En conséquence, les Eglises et l’Etat sont séparés. Ce principe a été
posé par la loi du 9 décembre 1905.
106

A - Les modalités de la séparation


« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » ( art. 2, loi de
1905)

a) Le statut des ministres des cultes

Les prêtres, les rabbins, les pasteurs ne sont plus agents publics. Ils ne sont plus rémunérés
par l'Etat, mais par les fidèles. Les crédits publics affectés aux cultes disparaissent du budget
de l'Etat ; il n'y a plus d'organisation publique des cultes.

b) Le statut des biens des Eglises

La loi du 2 janvier 1907 distingue le régime des édifices construits avant ou après 1905.

1. Les édifices antérieurs à 1905


Les églises, temples et synagogues, ainsi que les objets mobiliers qui les garnissent et leurs
dépendances immédiates restent dans le domaine public des collectivités. (CE, 10 juin 1921
Commune de Monségur). Mais ce régime ne s'applique que si la collectivité publique était
propriétaire du bien en 1905. (CE, 19 octobre 1990, Association St Pie V et St Pie X de
l'orléanais).
Ces biens faisant partie du domaine public, leur utilisation non privative doit être gratuite. La
collectivité publique doit procéder aux réparations nécessaires : comme tout travail effectué
sur le domaine public, il s'agit de travaux publics.

2. Les édifices postérieurs à 1905


Ces édifices sont des immeubles privés construits et entretenus par des fonds privés : ils sont
soumis au droit privé. Cette situation pose un problème au regard de la liberté des cultes : il
existe des inégalités entre les fidèles d'une même religion (selon que l'édifice existait ou non
dans leur ville avant 1905) et entre les fidèles de religions différentes.

B - Les limites de la séparation

Les collectivités publiques peuvent subventionner les activités d'intérêt général, même si
elles s'exercent dans un cadre religieux. Ainsi, la loi de 1905 prévoit qu’elles peuvent prendre
en charge certains services religieux tels que les aumôneries dans les prisons ou les hôpitaux.
De plus, depuis 1988, les dons en faveur des religions peuvent être déduits de l'impôt sur le
revenu.
Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, le Concordat de 1901est
resté en vigueur. Il n’y a donc pas de séparation ni pour les biens ni pour les ministres des
cultes.
107

§ 2 - CITOYEN ET RELIGION

A - La liberté des cultes


« La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous
les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public » ( art. 1er, loi de 1905)
Dans ce premier article, la loi de 1905 insiste sur la manifestation de cette liberté des cultes,
mais plus loin elle prévoit des sanctions en cas d’atteinte à cette liberté.

a) Manifestation

La liberté est la plus grande à l’intérieur des édifices du culte. Elle connaît des limites à
l’extérieur.

1. A l’intérieur des édifices du culte


Les cérémonies qui se déroulent à l’intérieur ne sont pas considérées comme réunions
publiques. Elles relèvent de l'autorité du ministre du culte, qui a un pouvoir de police. Quand
l'édifice appartient au domaine public, l'autorité de police compétente peut toujours intervenir
lorsque l'ordre public est troublé, ainsi que pour prendre des mesures visant à exclure des
lieux de culte, certaines personnes qui l'occupent dans un but non conforme à l'affectation du
bien au culte.

2. A l’extérieur des édifices du culte


2.1. Les processions
S’agissant des processions traditionnelles et des cortèges funèbres, le Conseil d’Etat considère
qu'il y a une présomption d'absence de trouble à l'ordre public. Aucune autorisation préalable
n'est donc nécessaire, et l'interdiction ne peut découler que d'une menace précise et sérieuse à
l'ordre public.
Pour ce qui est des autres processions elles doivent faire l'objet d'une déclaration préalable,
comme toute manifestation. Elles peuvent donc éventuellement être interdites par les autorités
de police. (CE, 19 février 1909, Abbé Olivier)

2.2. Les sonneries de cloches


Elles peuvent être réglementées par le maire sous réserve de ne pas entraver la liberté
religieuse.
A l’inverse, le maire peut ordonner des sonneries en cas de péril, pour la fête nationale, pour
le passage du président de la République.

b) Sanction

Plusieurs sanctions sont prévues par la loi de 1905.


En premier lieu, l'article 31 de la loi incrimine « ceux qui, soit par voies de fait, violences ou
menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à
un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé à exercer ou à
s'abstenir d'exercer un culte ».
108

En second lieu l'article 32 de cette même loi sanctionne « ceux qui auront empêché, retardé
ou interrompu les exercices d'un culte par des troubles ou désordres causés dans le local
servant à ces exercices ».

B - Comportements religieux et vie scolaire


Des pratiques récentes liées à la religion sont venues troubler la vie scolaire de certains
établissements.

a) Le foulard islamique

La rentrée scolaire de 1989 fut agitée par l’ « affaire des foulards islamiques ». La controverse
portait sur la possibilité pour certaines jeunes filles de confession islamique de porter le
foulard. Fallait-il l’interdire au nom du principe de laïcité c’est à dire de neutralité ?
Appelé par le ministre à rendre un avis, le Conseil d'État, statuant en Assemblée générale,
trancha (avis du 27 novembre 1989).
Le port, par les élèves, dans les établissements scolaires, de signes par lesquels ils entendent
manifester leur appartenance à une religion « n'est pas par lui-même incompatible avec le
principe de laïcité, dans la mesure où il constitue l'exercice de la liberté d'expression et de
manifestation de croyances religieuses ».
Mais l'avis s'attache à définir les limites de cette liberté :
Elle doit s'exercer « dans le respect du pluralisme et de la liberté d'autrui, et sans qu'il soit
porté atteinte aux activités d'enseignement, au contenu des programmes et à l'obligation
d'assiduité ».
De plus cette tolérance « ne saurait permettre aux élèves d'arborer des signes d'appartenance
religieuse qui, par leur nature, par les conditions dans lesquelles ils seraient portés
individuellement ou collectivement ou par leur caractère ostentatoire ou revendicatif,
constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande »
Il revenait donc aux établissements de fixer, dans leur règlement intérieur, les modalités
d'application de ces principes et limites.
Le Conseil d’Etat intervint alors au contentieux pour trancher les nombreux litiges nés de
l’application de certains règlements. Ainsi, il a annulé, parce que « générale et absolue », la
disposition du règlement intérieur d'un établissement scolaire interdisant le « port de tout
signe distinctif, vestimentaire ou autre, d'ordre religieux, politique ou philosophique » (CE,
12 novembre 1992, Kherouaa ; CE, 14 mars 1994, Mlle Yilmaz), mais a admis les
restrictions apportées par le règlement intérieur d'un autre établissement, dès lors que ces
restrictions n'avaient ni pour objet ni pour effet d'énoncer une interdiction générale et absolue
(CE, 10 mars 1995, M. et Mme Aoukili). Aujourd’hui il est question de légiférer en la
matière.

b) Les absences pour motif religieux

Un certain nombre d’élèves ont mis en avant le respect de fêtes religieuses pour s’absenter.
Des refus ont été ici et là opposés. Dans ces conditions la question est venue devant le Conseil
d’Etat. Il a estimé que l'obligation d'assiduité ne peut avoir pour objet et pour effet d'interdire
aux élèves qui en font la demande de bénéficier individuellement des autorisations d'absence
nécessaires à l'exercice d'un culte ou à la célébration d'une fête religieuse, à condition que ces
109

absences soient compatibles avec l'accomplissement des tâches inhérentes à leurs études et
avec le respect de l'ordre public dans l'établissement (CE, ass., 14 avril 1995, Consistoire
central des Israélites de France et autres ; CE, Ass., 14 avril 1995, M. Koen)

CHAPITRE 3 - LES LIBERTES SOCIALES

Deux libertés sont ici essentiellement en cause, la liberté syndicale et le droit de grève.

SECTION 1 - LA LIBERTE SYNDICALE

La liberté syndicale est dans le Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme petit
défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son
choix»...
Le Conseil constitutionnel a fait référence à plusieurs reprises à cette liberté (décisions 81-
127 DC des 19 et 20 janvier 1981, Sécurité et Liberté ; 82-144 DC du 22 octobre 1982,
Irresponsabilité pour faits de grève). Il n’a cependant affirmé sa valeur constitutionnelle
que par sa décision 89-257 DC du 25 juillet 1989, Prévention des licenciements
économiques. Cette liberté présente en réalité deux facettes.

§ 1 - LA LIBERTE DES SYNDICATS

Elle consiste dans la liberté des syndicats de se créer, de s'organiser et d'agir. Il s’agit de ce
que l’on appelle le « droit syndical ». Selon l’article 34 de la Constitution c’est le législateur
qui fixe « les principes fondamentaux du droit syndical ».
L'exercice du droit syndical est reconnu « dans le respect des droits et libertés garantis par la
Constitution de la République, en particulier de la liberté individuelle du travail » (art. L 412-
1 du Code du travail), ce qui conduit le Conseil constitutionnel à concilier la liberté syndicale
avec d'autres principes à valeur constitutionnelle.

§ 2 - LA LIBERTE DES SALARIES

La liberté syndicale implique le droit de « tout homme » d'adhérer à un syndicat. Elle


implique aussi le droit de ne pas adhérer. Ce qui condamne les pratiques, bien connues dans
les pays anglo-saxons mais aussi utilisées en France, par exemple, par le syndicat du livre,
consistant à subordonner le recrutement à l'adhésion à un syndicat. La liberté syndicale est
aussi la liberté, comme dans toute association, de se retirer à tout moment du syndicat.
110

SECTION 2 - LE DROIT DE GREVE

§ 1 - LA VALEUR CONSTITUTIONNELLE DU DROIT DE GREVE

Le Préambule de la Constitution de 1946 (alinéa 7) dispose que « le droit de grève s'exerce


dans le cadre des lois qui le réglementent ». A partir du moment où le Conseil constitutionnel
a par sa décision du 16 juillet 1971 donné valeur constitutionnelle au Préambule, la valeur
constitutionnelle de ce droit ne faisait plus aucun doute. Le Conseil constitutionnel a eu non
seulement l’occasion de reconnaître cette valeur constitutionnelle, mais aussi de la confirmer
à plusieurs reprises.

A - La reconnaissance de cette valeur constitutionnelle

Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de l'affirmer dans la décision n° 79-105 DC du 25


juillet 1979, Droit de grève à la radio et à la télévision, par laquelle il censure certaines
dispositions d'une loi permettant aux présidents des sociétés de radio et de télévision de faire
assurer un « service normal » même en cas de grève.
Le Conseil a affirmé « qu'en édictant cette disposition [l’alinéa 7 du Préambule de la
Constitution de 1946 ] les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un
principe de valeur constitutionnelle »
Le législateur ne peut donc supprimer ce droit pour aucune catégorie de salariés, du secteur
public comme du secteur privé, mais il peut, bien sûr y apporter des limitations.

B - La confirmation de cette reconnaissance

La valeur constitutionnelle du droit de grève a été confirmée à plusieurs reprises : dans la


décision n° 80-117 DC du 22 juillet 1980, Protection des matières nucléaires» ; dans la
décision n° 81-127 DC des 19 et 20 janvier 1981, Sécurité et Liberté ; dans la décision n°
82-144 DC du 22 octobre 1982, Irresponsabilité pour faits de grève ; dans la décision n°
86-217 DC du 18 septembre 1986, Liberté de communication ; dans la décision n° 87-230
DC du 28 juillet 1987, Amendement Lamassoure

§ 2 - LES LIMITES DU DROIT DE GREVE

Dans sa décision précitée du 25 juillet 1979, le Conseil constitutionnel, affirme que le droit de
grève « a des limites », le législateur étant habilité à fixer celles-ci « en opérant la
conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève est un moyen
111

et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte »,
c'est-à-dire la continuité des services publics.

A - L’interdiction du droit de grève à certains personnels

a) Interdiction posée de la loi

Plusieurs catégories de personnels ont vu leur droit de grève limité par des lois. C’est le cas
des personnels de police (loi du 28 septembre 1948), des ceux des services extérieurs de
l'administration pénitentiaire (ordonnance du 6 août 1948), de ceux des services de
transmission du ministère de l'intérieur (loi du 31 juillet 1968), les militaires (loi du 13 juillet
1972), des magistrats (mais seulement si la grève est « de nature à arrêter ou entraver le
fonctionnement des juridictions », (ordonnance du 22 décembre 1948).

b) Interdiction prononcée par l'autorité administrative

C’est le cas à l'égard des agents « participant à l'action gouvernementale » (emplois supérieurs
de l'administration : CE, 16 décembre 1966, Syndicat national des fonctionnaires des
préfectures) ou « assumant des fonctions d'autorité » (CE, 13 novembre 1992, Syndicat
national des ingénieurs de l'aviation civile) ou encore les « agents de sécurité » (préservant
la sécurité des personnes et des biens, par exemple certains agents dans les services
hospitaliers).

B - L’interdiction de certaines modalités de la grève

a) Dans les services publics

Les « grèves surprises », les « grèves tournantes », les grèves du zèle, sont interdites par la loi
du 31 juillet 1963 (art. L. 521-2 et s. du code du travail). De plus, le dépôt d'un préavis de
cinq jours francs avant tout déclenchement d'une grève est obligatoire.
Comme cette exigence peut facilement être tournée par des préavis à répétition, la loi du 30
septembre 1980 a interdit aux organisations syndicales de déposer un nouveau préavis avant
l'expiration du délai du précédent préavis.
L’exigence d'un « service minimum » s'applique à certains services publics : le service de
sécurité de la navigation aérienne (loi du 31 décembre 1984 rétablissant le droit de grève qui
avait été interdit aux contrôleurs - devenus ingénieurs - de la navigation aérienne par la loi du
2 juillet 1964) ; le service public de la radiodiffusion et de la télévision (loi du 30 septembre
1986).

b) Dans le secteur privé


112

Le juge considère certaines formes de grève comme des abus du droit de grève, par exemple,
les « arrêts de travail répétés et de courte durée » perturbant gravement le fonctionnement
d'une entreprise (Cass. soc., 7 janvier 1988, Fleuret et autres).

Raymond FERRETTI
Maître de conférences à l’Université de Metz
Mai 2003

BIBLIOGRAPHIE

BRACHET (Bernard) ; Droit constitutionnel et libertes publiques ; Juris Classeur


Litec ; 1999

LECLERCQ (Claude ) ; Libertés publiques Juris Classeur Litec ; 2003

HEYMANN-DOAT (Arlette) ; Libertés publiques et droits de l'homme ; LGDJ ; 2002

KUENGIENDA M. ; Protection des libertés publiques ; L'harmattan ; 2002

LEBRETON G. ; Libertés publiques et droits de l'homme ; Armand Colin ; 2001

PONTIER (Jean-Marie) ; Droits fondamentaux et libertés publiques ; Hachette


Education ; 2001

ROCHE J. POUILLE A. ; Libertés publiques et droits de l'homme ; Dalloz ; 2002

TURPIN Dominique ; Libertés publiques ; Gualino; 2000

WACHSMANN Patrick ; Libertés publiques ; Dalloz ; 2002


113

TABLE DES MATIERES

PREMIERE PARTIE - LA THEORIE GENERALE DES LIBERTES ....... 3

TITRE 1 - LA RECONNAISSANCE DES LIBERTES .................................. 3

CHAPITRE 1 - LES TEXTES JURIDIQUES INTERNES_________________________ 4

Section 1 - Les textes historiques ___________________________________________ 4


§ 1 - Les textes étrangers________________________________________________ 4
A - Les textes anglais ________________________________________________ 4
a) La Magna Carta Libertatum du 12 juin 1215 __________________________ 4
b) La Pétition des droits du 7 juin 1628 ________________________________ 4
c) L’acte d’Habeas Corpus de 1679 ___________________________________ 4
d) Le Bill of Rights du 13 février 1689 ________________________________ 5
B - Les textes américains _____________________________________________ 5
a) La déclaration des droits de Virginie ________________________________ 6
b) La Déclaration d'Indépendance américaine du 4 juillet 1776______________ 6
c) Le Bill of rights ________________________________________________ 7
§ 2 - Les textes français ________________________________________________ 8
A - La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789_______________ 8
a) L’élaboration du texte ___________________________________________ 8
b) Contenu _______________________________________________________ 9
B - Les autres déclarations ___________________________________________ 10
a) La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de l'an I ( 1793) _____ 10
b) La Déclaration des droits et des devoirs de l'homme et du citoyen de 1795 _ 10
c) La Constitution de la Deuxième République 1848 _____________________ 10
d) Le préambule de 1946___________________________________________ 11

Section 2 - Les textes actuels______________________________________________ 11


§ 1 - La Constitution __________________________________________________ 11
A - L’élargissement de la notion de Constitution __________________________ 11
a) De la Constitution, « Statut de l’Etat » … ___________________________ 12
b) … à la Constitution, « Charte des libertés » __________________________ 12
B - Les normes constitutionnelles relatives aux libertés _____________________ 14
a) Les articles de la Constitution _____________________________________ 14
b) Les principes de la Déclaration des droits de l’homme _________________ 14
c) Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République _______ 15
d) Les principes particulièrement nécessaires à notre temps _______________ 15
e) Les autres principes_____________________________________________ 15
114

§ 2 - La loi et le règlement _____________________________________________ 16


A - La loi _________________________________________________________ 16
B - Le règlement ___________________________________________________ 16

CHAPITRE 2 - LES TEXTES JURIDIQUES INTERNATIONAUX ________________________ 16

Section 1 - Les textes universels___________________________________________ 17


§ 1 - La Déclaration universelle des droits de l’homme _______________________ 17
A - Son élaboration _________________________________________________ 17
B - Son contenu ____________________________________________________ 17
§ 2 - Les Pactes et les autres conventions __________________________________ 18
A - Le contenu des Pactes ____________________________________________ 18
a) Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ______________ 18
b) Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels _ 19
c) Le protocole facultatif ___________________________________________ 19
d) Le deuxième protocole facultatif __________________________________ 19
B - L’entrée en vigueur des Pactes _____________________________________ 19
C - Les autres conventions ___________________________________________ 19

Section 2 - Les textes européens ___________________________________________ 20


§ 1 - Dans le cadre du Conseil de l’Europe_________________________________ 20
A - La Convention européenne des droits de l’homme______________________ 20
a) La Convention elle-même _______________________________________ 20
b) Les Protocoles_________________________________________________ 20
B - La Charte sociale européenne ______________________________________ 21
§ 2 - Dans le cadre de l’Union européenne : la Charte européenne des droits
fondamentaux _______________________________________________________ 22
A - L’élaboration de la Charte_________________________________________ 22
B - Le contenu de la Charte___________________________________________ 23

TITRE 2 - L’EXERCICE DES LIBERTES ................................................... 23

CHAPITRE 1 - LES CONDITIONS D’EXERCICE DES LIBERTES _______________ 24

Section 1 - L’encadrement des libertés _____________________________________ 24


§ 1 - Le régime répressif _______________________________________________ 24
A - Identification ___________________________________________________ 24
B - Evaluation _____________________________________________________ 24
a) L’existence de sanctions _________________________________________ 24
b) L’application des sanctions_______________________________________ 25
§ 2 - Le régime préventif_______________________________________________ 25
A - L’autorisation préalable __________________________________________ 26
a) Les types d’autorisation _________________________________________ 26
b) Les conditions de mise en place du système__________________________ 26
B - L’interdiction préalable ___________________________________________ 27
a) Le système____________________________________________________ 27
b) Les conditions de mise en place du système__________________________ 27
C - La déclaration préalable __________________________________________ 27
115

a) Le destinataire de la déclaration ___________________________________ 28


b) Le contenu de la déclaration ______________________________________ 28
c) La sanction de la déclaration______________________________________ 28
Section 2 - Les limites des libertés ________________________________________ 28
§ 1 - Les limites constitutionnelles : l’article 16 _____________________________ 28
A - Les conditions du recours à l’article 16 ______________________________ 29
a) Les conditions de fond __________________________________________ 29
b) Les conditions de forme _________________________________________ 29
B - Les pouvoirs de l’article 16________________________________________ 29
a) L’étendue des pouvoirs _________________________________________ 29
b) Le contrôle des pouvoirs_________________________________________ 30
§ 2 - Les limites législatives ____________________________________________ 31
A - L’état de siège __________________________________________________ 31
B - L’état d’urgence ________________________________________________ 31
a) Début et fin ___________________________________________________ 31
b) Pouvoirs _____________________________________________________ 31
§ 3 - Les limites jurisprudentielles : la théorie des circonstances exceptionnelles ___ 32
A - La notion ______________________________________________________ 32
a) Les situations__________________________________________________ 32
b) Les mesures___________________________________________________ 32
B - Les conséquences _______________________________________________ 32
a) L’administration peut aller au-delà des règles de forme _________________ 32
b) L’administration peut aller au-delà des règles de fond _________________ 33

CHAPITRE 2 - LES GARANTIES D’EXERCICE DES LIBERTES _______________ 33

Section 1 - Les garanties internes __________________________________________ 33


§ 1 - Les garanties juridictionnelles ______________________________________ 33
A - Le juge constitutionnel ___________________________________________ 33
a) Le contrôle de la constitutionnalité « externe » _______________________ 34
b) Le contrôle de la constitutionnalité « interne »________________________ 35
B - Le juge administratif et le juge judiciaire _____________________________ 36
a) Le contrôle de conventionnalité ___________________________________ 36
b) Le contrôle de l’exécutif et de l’administration _______________________ 36
§ 2 - Les garanties non - juridictionnelles __________________________________ 41
A - Le médiateur ___________________________________________________ 41
a) L’institution___________________________________________________ 41
b) Ses missions __________________________________________________ 42
B - Les Autorités administratives indépendantes (AAI) _____________________ 43
a) La notion d’Autorités administrative indépendante ____________________ 43
b) Les pouvoirs des Autorités administratives indépendantes ______________ 44

Section 2 - Les garanties internationales ____________________________________ 45


§ 1 - Au niveau mondial _______________________________________________ 45
A - La Commission des droits de l'homme _______________________________ 46
B - Le Comité des droits de l'homme ___________________________________ 46
a) La procédure de l’article 40 ____________________________________ 46
b) La procédure du premier Protocole facultatif _________________________ 46
C - Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels _________________ 47
§ 2 - Au niveau europeen ______________________________________________ 47
116

A - Dans le cadre du Conseil de l’Europe________________________________ 47


a) Le système de la Convention européenne des droits de l’homme _________ 47
b) Le système de la Charte sociale ___________________________________ 49
B - Dans le cadre de l’Union Européenne________________________________ 50
a) Les principes généraux communs aux droits des Etats membres __________ 50
b) Les principes spécifiques à l’Union européenne ______________________ 50

DEUXIEME PARTIE - LE REGIME JURIDIQUE DES LIBERTES....... 51

TITRE 1 - LES LIBERTES INDIVIDUELLES ............................................ 52

CHAPITRE 1 - LES LIBERTES DE LA PERSONNE ___________________________ 52

Section 1 - La liberté d’aller et venir _______________________________________ 52


§ 1 - La liberté d’aller et venir pour les citoyens français______________________ 52
A - Le droit de circuler sur le territoire __________________________________ 52
a) Le principe ___________________________________________________ 52
b) Ses limites ____________________________________________________ 52
c) Ses atténuations________________________________________________ 53
B - Le droit d’entrer et de sortir du territoire _____________________________ 54
a) Le droit d’entrer sur le territoire ___________________________________ 54
b) Le droit de sortir du territoire_____________________________________ 54
§ 2 - La liberte d’aller et venir pour les etrangers ____________________________ 55
A - L’entrée des étrangers en France ___________________________________ 55
a) Les conditions _________________________________________________ 55
b) Les sanctions__________________________________________________ 56
B - Le séjour des étrangers en France __________________________________ 56
a) Les titres de séjour _____________________________________________ 56
b) Les conditions du séjour _________________________________________ 58
C - Le départ des étrangers de France __________________________________ 59
a) La reconduite à la frontière _______________________________________ 59
b) L’expulsion ___________________________________________________ 59
c) L’extradition __________________________________________________ 60

Section 2 - La sûreté____________________________________________________ 60
§ 1 - Les principes garantissant la sureté___________________________________ 61
A - Le principe du droit au juge _______________________________________ 61
a) Un juge indépendant ____________________________________________ 61
b) Un juge équitable ______________________________________________ 62
B - Les principes du droit pénal _______________________________________ 63
a) Le principe de la légalité des délits et des peines ______________________ 63
b) Le principe de la non rétroactivité des lois pénales ____________________ 64
c) Le principe de la présomption d'innocence___________________________ 64
§ 2 - L’encadrement des mesures privatives de liberté _______________________ 65
A - La garde à vue __________________________________________________ 65
a) Les limites de la garde à vue ______________________________________ 65
b) Les garanties du gardé à vue______________________________________ 66
117

B - La détention provisoire ___________________________________________ 67


a) Les conditions _________________________________________________ 67
b) La procédure __________________________________________________ 68
c) La durée _____________________________________________________ 68

Section 3 - Le respect de la vie privéE ______________________________________ 69


§ 1 - Le sanctuaire de la vie privée : le domicile_____________________________ 69
A - La liberté du domicile ____________________________________________ 69
a) La liberté de choix du domicile____________________________________ 69
b) La liberté d’usage du domicile ____________________________________ 69
B - L’inviolabilité du domicile ________________________________________ 69
a) L’affirmation du principe ________________________________________ 69
b) Les exceptions au principe : les perquisitions_________________________ 70
§ 2 - Les éléments de la vie privée _______________________________________ 70
A - L’image _______________________________________________________ 71
a) Le droit à l’image ______________________________________________ 71
b) Ses limites ____________________________________________________ 71
B - L’intimité______________________________________________________ 72
a) En général ____________________________________________________ 72
b) Les données informatiques _______________________________________ 72
§ 3 - L’expression de la vie privée _______________________________________ 73
A - La correspondance ______________________________________________ 73
a) Le principe du secret de la correspondance __________________________ 73
b) Les exceptions prévues __________________________________________ 74
B - Les conversations téléphoniques____________________________________ 74
a) Les écoutes autorisées ___________________________________________ 74
b) La Commission Nationale de Contrôle des Interceptions de Sécurité ______ 75
c) La sanction des écoutes sauvages __________________________________ 75

CHAPITRE 2 - LES LIBERTES CORPORELLES ______________________________ 75

Section 1 - La vie et la mort ______________________________________________ 75


§ 1 - La vie _________________________________________________________ 75
A - Le droit de donner la vie : la procréation médicalement assistée ___________ 76
a) L’insémination artificielle________________________________________ 76
b) La fécondation in vitro (FIVETE) _________________________________ 76
B - Le droit de refuser de donner la vie : l’interruption volontaire de grossesse
(IVG) ____________________________________________________________ 76
a) Les sources de l’IVG____________________________________________ 77
b) Les conditions de l’IVG _________________________________________ 77
c) Les conséquences de l’IVG_______________________________________ 78
§ 2 - La mort ________________________________________________________ 78
A - Le suicide _____________________________________________________ 78
B - L’euthanasie ___________________________________________________ 78

Section 2 - Le respect de la dignité humaine _________________________________ 78


§ 1 - La protection du corps humain ______________________________________ 79
A - L’interdiction de la torture et de l’esclavage __________________________ 79
a) La torture_____________________________________________________ 79
b) L’esclavage ___________________________________________________ 79
118

B - L’interdiction des traitements inhumains et dégradants __________________ 80


a) Les traitements inhumains________________________________________ 80
b) Les traitements dégradants _______________________________________ 80
§ 2 - La liberté à l’égard du corps humain : le don d’organes___________________ 81
A - Le prélèvement d’organes et d'éléments du corps humain sur une personne
vivante ___________________________________________________________ 81
B - Le prélèvement d’organes sur une personne décédée ____________________ 81

CHAPITRE 3 - LES LIBERTES ECONOMIQUES _____________________________ 82

Section 1 - Le droit de propriété ___________________________________________ 82


§ 1 - L’affirmation de ce droit___________________________________________ 82
A - Dans les textes__________________________________________________ 82
a) La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen____________________ 82
b) La Convention européenne des droits de l’homme_____________________ 82
B - Dans la jurisprudence ____________________________________________ 82
a) La constitutionnalisation du droit de propriété _______________________ 82
b) La confirmation de ce droit_______________________________________ 82
§ 2 - La relativisation de ce droit_________________________________________ 83
A - La reconnaissance des limites ______________________________________ 83
a) Par les textes __________________________________________________ 83
b) Par le Conseil constitutionnel _____________________________________ 83
B - Le régime des limites ____________________________________________ 84
a) L’expropriation ________________________________________________ 84
b) les nationalisations _____________________________________________ 84

Section 2 - La liberté d’entreprendre _______________________________________ 85


§ 1 - Sa reconnaissance _______________________________________________ 85
A - Valeur ________________________________________________________ 85
B - Contenu _______________________________________________________ 85
§ 2 - Ses limites ______________________________________________________ 85
A - Limites à la liberté d’entreprendre « stricto sensu » _____________________ 85
B - Limites à la liberté du commerce et de l’industrie ______________________ 85

TITRE 2 - LES LIBERTES COLLECTIVES ............................................... 86

CHAPITRE 1 - LES LIBERTES « CIVIQUES »________________________________ 86

Section 1 - La liberte de reunion et de manifestation ___________________________ 86


§ 1 - La liberté de réunion ______________________________________________ 86
A - Sources _______________________________________________________ 86
a) Les premiers textes _____________________________________________ 86
b) La jurisprudence _______________________________________________ 86
c) Les conventions internationales ___________________________________ 87
B - Régime _______________________________________________________ 87
a) Le régime général ______________________________________________ 87
b) Les régimes particuliers _________________________________________ 88
§ 2 - la liberte de manifestation__________________________________________ 89
119

A - Exercice_______________________________________________________ 89
a) La déclaration _________________________________________________ 89
b) L’interdiction _________________________________________________ 89
B - Sanctions ______________________________________________________ 90
a) Pénales_______________________________________________________ 90
b) Civiles _______________________________________________________ 90

Section 2 - La liberté d’association_________________________________________ 91


§ 1 - Le droit commun des associations ___________________________________ 91
A - La constitution des associations ____________________________________ 91
a) La liberté de constitution des associations ___________________________ 91
b) Les limites à la liberté de constitution des associations _________________ 92
B - La capacité juridique des associations _______________________________ 94
a) La capacité ordinaire : les associations déclarées ______________________ 94
b) La capacité diminuée : les associations non déclarées __________________ 94
c) La capacité renforcée : les associations reconnues d’utilité publique_______ 94
§ 2 - Le droit des associations particulières ________________________________ 95
A - Les congrégations religieuses ______________________________________ 95
B - Les partis politiques _____________________________________________ 95

CHAPITRE 2 - LES LIBERTES CULTURELLES ______________________________ 96

Section 1 - La liberté d’expression et de communication ________________________ 96


§ 1 - La liberté de la presse écrite________________________________________ 96
A - Une liberté de premier rang _______________________________________ 96
a) Caractères ____________________________________________________ 96
b) Contenu ______________________________________________________ 97
B - Mais une liberté qui connaît des limites ______________________________ 97
a) Les limites à la liberté d’informer__________________________________ 97
b) Les limites à la liberté de publier __________________________________ 98
§ 2 - La liberté de l’audiovisuel _________________________________________ 99
A - Une liberté encadrée : le CSA______________________________________ 99
a) Organisation __________________________________________________ 99
b) Pouvoirs _____________________________________________________ 99
B - Une liberté garantie par le pluralisme ________________________________ 99
a) Le secteur privé _______________________________________________ 100
b) Le secteur public ______________________________________________ 100

Section 2 - La liberté de l’enseignement ____________________________________ 100


§ 1 - L’enseignement privé ____________________________________________ 101
A - Les conditions de l’existence de l’enseignement privé__________________ 101
a) Les différents statuts ___________________________________________ 101
b) Le contrôle de l'État ___________________________________________ 102
B - Les conditions de l’aide à l’enseignement privé _______________________ 102
a) L’aide au fonctionnement des écoles sous contrat ____________________ 102
b) L’aide à l'investissement des écoles sous contrat _____________________ 103
§ 2 - L’enseignement public ___________________________________________ 103
A - Les principes d’organisation de l’enseignement public_________________ 103
a) Un enseignement obligatoire_____________________________________ 103
b) Un enseignement gratuit ________________________________________ 103
120

c) Un enseignement laïc __________________________________________ 103


B - La liberté des enseignants et des enseignés___________________________ 104
a) La liberté des enseignants _______________________________________ 104
b) La liberté des enseignés ________________________________________ 104

Section 3 - La liberté religieuse __________________________________________ 105


§ 1 - Etat et religion : la séparation des eglises de l’Etat _____________________ 105
A - Les modalités de la séparation ____________________________________ 106
a) Le statut des ministres des cultes _________________________________ 106
b) Le statut des biens des Eglises ___________________________________ 106
B - Les limites de la séparation ______________________________________ 106
§ 2 - Citoyen et religion_______________________________________________ 107
A - La liberté des cultes_____________________________________________ 107
a) Manifestation_________________________________________________ 107
b) Sanction_____________________________________________________ 107
B - Comportements religieux et vie scolaire_____________________________ 108
a) Le foulard islamique ___________________________________________ 108
b) Les absences pour motif religieux ________________________________ 108

CHAPITRE 3 - LES LIBERTES SOCIALES _________________________________ 109

Section 1 - La liberté syndicale ___________________________________________ 109


§ 1 - La liberté des syndicats___________________________________________ 109
§ 2 - La liberté des salariés ____________________________________________ 109
Section 2 - Le droit de grève _____________________________________________ 110
§ 1 - La valeur constitutionnelle du droit de grève __________________________ 110
A - La reconnaissance de cette valeur constitutionnelle ____________________ 110
B - La confirmation de cette reconnaissance ____________________________ 110
§ 2 - Les limites du droit de grève_______________________________________ 110
A - L’interdiction du droit de grève à certains personnels __________________ 111
a) Interdiction posée de la loi ______________________________________ 111
b) Interdiction prononcée par l'autorité administrative ___________________ 111
B - L’interdiction de certaines modalités de la grève ______________________ 111
a) Dans les services publics________________________________________ 111
b) Dans le secteur privé___________________________________________ 111

BIBLIOGRAPHIE ______________________________________________________ 112

TABLE DES MATIERES ________________________________________________ 113

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