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Lʼ"vis du « Monde » – 1 voir
Au dép"rt, Nʼimporte qui nʼét"it p"s destiné 1 sortir "illeurs quʼen M"yenne, l1
où Fr"nçois Bég"ude"u, "lors invité en résidence, " tourné son document"ire.
Lʼidée ét"it de poser "u premier venu l" question suiv"nte : « Vous sentez-vous
représenté ? » Lʼexpérience commence sur un m"rché, le ré"lis"teur improvise
un micro-trottoir 1 l" m"nière des journ"ux télévisés, m"is ne récolte que des
refus de l" p"rt des p"ss"nts : on ne souh"ite p"s être filmé, on comprend m"l
l" question. Une femme "ccepte de se l"isser interroger, m"is lorsquʼelle
découvre l" dem"nde, finit p"r répondre mollement : « Jʼ,i p,s l, tête R ç,. »
Le micro-trottoir échoue et f"it "pp"r"ître lʼéchec de l" méthode expéditive :
sʼinterroger sur l" démocr"tie dem"nde plus de temps et de rigueur, cʼest
même un exercice f"tig"nt et qui, peut-être, nʼintéresse p"s tout le monde.
Après cette mise en bouche tr"gicomique, Bég"ude"u revoit s" méthode et
choisit ses interven"nts un peu moins "u h"s"rd : des "ssoci"tifs, une
sén"trice, un oppos"nt dʼextrême droite, un "griculteur ou encore une
"rchitecte. Les entretiens, restreints 1 l" seule M"yenne, se p"ssent tous de l"
même f"çon, "u risque dʼune cert"ine monotonie : dʼ"bord l" c"mér" est
confiée pend"nt une minute 1 lʼinterlocuteur, libre de filmer ce quʼil veut.
D"ns le rôle de celui qui pose les questions, Bég"ude"u choisit judicieusement,
lors des entretiens, de sʼintégrer d"ns le pl"n
Lorsque lʼentretien commence, l" question est cette fois-ci tenue hors ch"mp
et sert surtout dʼ"morce 1 une longue discussion sur des sujets concrets : l"
pollution émise p"r l" construction dʼune usine chimique, le projet de dévi"tion
dʼune route, lʼéventu"lité dʼun référendum sur lʼimmigr"tion, le m"nque de
représent"tivité "u Sén"t.
D"ns le rôle de celui qui pose les questions, Bég"ude"u choisit judicieusement,
lors des entretiens, de sʼintégrer d"ns le pl"n. F"çon pour lui, comme il...
1.2k
● ses principes ont été dévoyés, cʼest pourquoi elle v" m"l.
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Je ne ser"is p"s "rrivé l1 si…
… Si je nʼ"v"is p"s contr"cté une p"ssion pour lʼécrit 1 lʼ"dolescence. Jʼ"i
commencé 1 be"ucoup lire et cel" " déterminé mon envie, un jour, de goûter 1
ces pl"isirs-l1. Cette p"ssion est venue lorsque jʼ"i découvert, vers lʼUge de 15
"ns, que l" littér"ture pouv"it explorer des questions qui me touch"ient.
B"n"lement, jʼ"i lu C"mus, S"rtre, Giono, R"cine, Bern"nos. Je puis"is
"llégrement. Il y " eu, d"ns un segment très court de m" vie, be"ucoup de
lectures éblouiss"ntes.
Ces lectures ét#ient-elles disponibles chez vous ?
P"r forcément. En t"nt quʼinstituteurs devenus profs, mes p"rents v"loris"ient
bien sûr l" lecture, m"is ils ne lis"ient p"s plus que cel" ; il nʼy "v"it p"s de
conditionnement 1 l" littér"ture. Cʼest plutôt p"rce que ces textes br"ss"ient
des questions politiques et mét"physiques que je mʼét"is toujours posées quʼils
mʼont été immédi"tement f"miliers. M"lgré mon éduc"tion l"ïc"rde, les extr"its
de P"sc"l, p"r exemple, mʼont tout de suite p"rlé.
De quel ordre ét#ient ces questions politiques et mét#physiques ?
Mét"physique, cʼest simple : cel" sʼordonn"it "utour dʼune perplexité dev"nt l"
condition hum"ine. Quʼest-ce quʼon f"it l1 ? Comment peut-on mettre du sens
"lors quʼon est voué 1 l" poussière ? Des questions de b"se, m"is il ne f"ut
p"s "voir peur dʼêtre primitif. Enf"nt, jʼét"is déj1 très "ngoissé. Qu"nt 1 l"
question politique, elle ét"it très l"rgement conditionnée p"r mon milieu. Mon
père et m" mère ét"ient "u P"rti communiste. Jʼ"i b"igné d"ns l" politique très
tôt et not"mment d"ns le p"r"digme de l" g"uche r"dic"le.
Quels souvenirs g#rdez-vous des discussions politiques f#mili#les ?
Qu"nd des "mis de mon père, souvent des cop"ins profs de g"uche, ven"ient
1 l" m"ison, il y "v"it toujours un moment du rep"s où ils se mett"ient
1 p"rlerpolitique. Je ret"rd"is le moment dʼ"ller jouer p"rce que jʼ"im"is bien
les écouter. Je ne compren"is p"s tout m"is ce verbe-l1 me pl"is"it.
Vous dites #voir été « progr#mmé pour être premier de l# cl#sse ». Vous
êtes #llé jusquʼZ lʼ#grég#tion de lettres modernes. Vous nʼétiez p#s
rebelle ?
Si. Et cʼest bien cel" le problème. On viv"it d"ns un milieu où lʼon contr"ct"it
"ssez vite le pli de mettre en doute lʼét"t de l" société. En même temps, nous
étions des p"rf"its petits sold"ts de cette société. Cʼest lʼ"mbiguïté de mes
p"rents, que je ne trouve p"s du tout répréhensible : trouver 1 l" fois que cette
société est très inique et 1 l" fois tout f"ire pour que l" progéniture sʼy intègre.
Cʼest peut-être l" contr"diction de tous les p"rents de g"uche. Jʼ"v"is une
fibre contest"t"ire. Je jou"is le jeu scol"ire, f"is"is ce pour quoi jʼét"is
conditionné m"is je nʼét"is p"s dupe de ce système. Je s"v"is que lʼécole ét"it
inég"lit"ire, quʼil nʼy "v"it p"s de mérite 1 y être bon, que cʼét"it très
l"rgement préprogr"mmé. M"is il y "v"it une incit"tion 1 jouer le jeu puisquʼon
s"v"it f"ire. Cette contr"diction, chez moi, sʼest "rrêtée en hypokhUgne.
Que sʼest-il p#ssé Z ce moment-lZ ?
Je mʼen fous dʼ"ller 1 Norm"le-Sup. Je v"is y être "dmissible m"is cel" ne
mʼintéresse p"s. Jʼ"ur"is pu "ussi entrer 1 Sciences Po "près le b"c p"rce que
jʼ"v"is eu mention très bien. M"is les gr"ndes écoles, ce nʼét"it p"s mon truc.
Jʼ"i p"ssé lʼ"grég"tion, non p"s 1 titre de gr"tific"tion individuelle ou
pour "llerplus loin, m"is pour "voir moins dʼheures de cours. Ni plus ni moins. A
lʼépoque, je commenç"is 1 f"ire du punk rock. Je s"v"is où ét"it mon c"mp.
Le goût pour le punk rock sʼest construit de quelle m#nière ?
Le goût du rock " débuté grUce 1 mon frère. Il "v"it sept "ns de plus que moi,
on ét"it d"ns l" même ch"mbre. A 14 "ns, il écoute Téléphone, et l1, boum,
jʼ"dore ç". Jʼ"ttr"pe 1 7 "ns quelque chose de l" rébellion de mon frère.
Ensuite, l" découverte du punk rock v" être fond"ment"le. Et not"mment une
émission 1 l" télé où il y "v"it cette im"ge dʼIggy Pop. Cʼest quinze secondes
que jʼ"i reg"rdées deux mille fois "u m"gnétoscope p"rce que jʼ"v"is
lʼimpression que d"ns ce corps-l1, il y "v"it m"gie.
Quʼest-ce qui vous f#scin#it ?
Je nʼ"ur"is p"s su le formuler 1 lʼépoque. M"is le corps dʼIggy Pop résume tout
ce que jʼ"ime d"ns le rock : un corps "ndrogyne, contest"t"ire, iconocl"ste,
féminin, et en même temps très puiss"nt, gr"cile et brut"l. Il y " quelque chose
dʼ"nim"l chez lui. Jʼen dir"is "ut"nt des Sex Pistols et de tous les pionniers du
punk. Je nʼ"v"is p"s envie dʼêtre comme cel", m"is lʼenvie que m" vie se p"sse
d"ns l" périphérie de cel".
Avec des #mis, vous fondez Z N#ntes le groupe punk rock Z#briskie Point.
Vous êtes le p#rolier et ch#nteur. Que r#cont#ient les ch#nsons ?
Cʼét"it des p"roles plutôt contest"t"ires et politiques. M"is le punk rock "
be"ucoup 1 voir "ussi "vec l" pot"cherie, le côté fond"ment"lement
clownesque et f"rcesque. Le truc nʼét"it p"s de dénoncer l" société, cʼét"it
plutôt de sʼen moquer. Cel" ch"nge tout. Cʼest dire : Je ne crois p"s 1 votre
modèle de vie, vous êtes p"thétique. Le slog"n des Sex Pistols ce nʼest
p"s « No future », cʼest « No future for you ». Vous, les gens normés,
conformistes.
Qu#nd vous embr#ssez le métier dʼenseign#nt #vec cet ét#t dʼesprit de ne
p#s être dupe du système, vous y #llez #vec quelle envie ?
D"ns l" b"nde que je fréquent"is d"ns les "nnées 1990, lʼ"ltern"tive ét"it : on
y v" ou on nʼy v" p"s. Y "ller, cel" voul"it dire être enseign"nt, c"r il nʼy "v"it
p"s be"ucoup dʼ"utres perspectives pour nous, les intellos inutiles "bsolument
décidés 1 ne p"s entrer sur le m"rché libér"l. Ceux qui nʼy sont p"s "llés sont
devenus préc"ires et le sont toujours.
Jʼ"i choisi dʼy "ller p"rce que je ne voul"is p"s que lʼ"rgent devienne un
problème. Jʼ"v"is envie dʼ"voir l" tête sereine pour me cons"crer 1 ce qui
mʼimport"it : lire, écrire, voir des films, écouter de l" musique. En y "ll"nt, jʼ"i
dʼ"bord été très triste. Le tr"v"il, cʼét"it un peu l" fin de l" fête. Pend"nt les dix
"nnées où jʼ"i enseigné, mon obsession ét"it que cel" ne bouffe p"s tout mon
temps. L" critique est lʼ"ctivité qui mʼ" pris le plus dʼheures d"ns m" vie. Jʼ"i
commencé 1 écrire "ux C,hiers du ciném, en 1995 et, encore m"inten"nt, je
continue 1 pondre énormément de critiques d"ns Tr,nsfuge.
Avez-vous qu#nd même pris du pl#isir Z être enseign#nt ?
Bien sûr. Comme d"ns toute "ctivité, même subie, il y " des vertus incidentes.
Des moments de pl"isir, de joie. Et cel" " été import"nt d"ns m" réflexion.
Qu#nd vous repensez Z cette période, quʼest-ce qui vous revient ?
Qu"nd un prof "rrive, il nʼ" quʼune obsession : ne p"s être bordélisé, tenir s"
cl"sse. Mon événement fond"teur ser" lʼinverse : je me rends compte quʼune
cl"sse qui suit docilement ç" me p"nique, me tét"nise. Tous ces gens qui
enregistrent p"ssivement le cours, cel" me désespère. Je vois l1 lʼ"bsurdité de
lʼécole. Une c"isse enregistreuse.
M#is vous, en t#nt quʼélève, vous étiez pourt#nt comme cel# ?
Oui, jʼét"is un très bon fonctionn"ire du métier dʼélève. Qu"nd ç" fonctionne,
on nʼ" p"s de recul critique, s"uf si on " lu Bourdieu, m"is on ne le vit p"s d"ns
son corps. P"r contre, le prof, lui, est "u cœur des
dysfonctionnements. Enseignerd"ns les qu"rtiers popul"ires nʼ" f"it
que r"dic"liser m" position sur lʼécole.
Jʼ"v"is repéré, dès 18-20 "ns, quʼil y "v"it un moment exceptionnel de l"
pensée fr"nç"ise qui crois"it mes problém"tiques : Fouc"ult, Deleuze,
R"ncière, Derrid". Je suis entré d"ns une boulimie de lectures. Cʼest d"ns
R"ncière, qui déteste les positions dʼ"utorité, que je me reconn"is le mieux.
Ay"nt lu tout cel" trois "ns "v"nt de devenir prof, je s"v"is 1 quoi mʼen tenir.
Jʼ"v"is peu dʼespoir de tr"nsformer dʼun seul coup cette m"chine inég"lit"ire
en m"chine ég"lit"ire. Tout le monde devr"it lire Bourdieu 1 lʼécole.
En 2003, vous publiez votre premier livre « Jouer juste »…
Jʼ"i toujours eu lʼidée très b"n"le, très conditionnée chez les petits Fr"nç"is de
l" petite bourgeoisie intellectuelle, de me mettre un jour 1 un rom"n. Jʼ"v"is
p"rmi mes collègues 1 Dreux un dénommé Philippe Ad"m, qui " publié en 2002
un premier rom"n "ux éditions Vertic"les. Je lui "i f"it lire mon livre, et il lʼ" f"it
lire 1 son éditeur. Est-ce que jʼen ser"is "rrivé l1 s"ns lui ? On ne s"ur" j"m"is.
Je considère que jʼ"i eu de l" ch"nce.
« Entre les murs », votre livre inspiré de votre expérience dʼenseign#nt, v#
être primé, puis #d#pté #u ciném# et obtenir, en 2008, l# P#lme dʼor Z
C#nnes. Quel est le moment le plus import#nt de cette période ?
Je suis un mec très concret. Ce qui mʼintéresse, cʼest ce qui "rrive 1 mon
corps : dʼ"bord écrire le livre, ç", ce nʼest p"s rien. Pour le film, ce qui mʼ"rrive
est dʼêtre "cteur pend"nt sept sem"ines. Pour moi, tout se termine en
"oût 2007, 1 l" fin du tourn"ge. Ce qui v" suivre nʼest plus mon "ff"ire. Entre
les murs nʼ" p"s ch"ngé m" vie, cel" " ch"ngé le reg"rd sur moi. M"is cʼest
tout. Quʼest-ce que je f"is"is "v"nt ? Je lis"is, jʼécriv"is. Quʼest-ce que je f"is
depuis : je lis, jʼécris.
Le film # suscité be#ucoup de déb#ts sur lʼécole. Vous vous y #ttendiez ?
D"ns l" vieille et longue histoire de lʼhystérie scol"ire fr"nç"ise, cʼét"it
prévisible. M"is il ne f"ut p"s confondre l" visibilité de quelque chose et l"
proportion dʼintérêt de l" p"rt de lʼ"uteur. Le contenu des déb"ts sur lʼécole
mʼintéresse peu, p"rce quʼils sont toujours d"ns le même p"r"digme éduc"tif.
Je suis plutôt du côté dʼIv"n Illich, une société s"ns école. M"is ceux qui
p"rlent de lʼécole ne lisent p"s Illich. Cʼest domm"ge, ce ser"it un vr"i be"u
déb"t.
Be"ucoup dʼ"utres questions, not"mment soci"les, mʼintéressent. Le gr"nd
sujet est comment le ch"mp soci"l sʼimprime sur nos corps. P"r exemple, l"
scène du film L, Loi du m,rché d"ns l"quelle une c"issière est prise l" m"in
d"ns le s"c et emmenée p"r un vigile me bouleverse, mʼ" f"it tomber en
l"rmes. L" c"issière ne se défend p"s.
Qu#nd vous êtes-vous dét#ché du métier dʼenseign#nt ?
En 2005. Je nʼ"i tr"v"illé que p"rce quʼil f"ll"it que je m"nge. A p"rtir du
moment où jʼ"i pu m"nger s"ns tr"v"il s"l"rié, jʼ"i "rrêté. Je nʼ"i "ucun ét"t
dʼUme 1 ne plus prendre le RER 1 6 heures du m"tin.
Etre libert#ire, en 2016, cel# signifie quoi ?
Je me considère comme m"rxiste et libert"ire. Je me sens toujours très
constitué p"r ces deux gr"ndes lignées 1 l" fois idéologiques, philosophiques,
esthétiques. Lʼ"n"lyse économique m"rxiste est encore pertinente "ujourdʼhui,
moyenn"nt son renouvellement p"r des gens comme Frédéric Lordon, p"r
exemple, que je suis "ssidûment.
En ce moment, Geoffroy de L"g"snerie renouvelle m"gnifiquement l" pensée
libert"ire d"ns le ch"mp public. Je me sens très proche de lui. Il f"it bien le lien
entre Bourdieu et Fouc"ult. Toutes mes f"scin"tions, mes intérêts politiques et
philosophiques sont d"ns cette constell"tion, y compris les propositions
de mode de vie portées p"r les "n"rchistes. Tout cel" mʼintéresse
profondément.
Ce mél#nge m#rxiste libert#ire sʼest-il construit Z p#rtir des discussions
que vous pouviez entendre chez vous ?
Mon "xe p"ternel ét"it plutôt PCF. Jʼ"i gr"ndi l1-ded"ns, m"is cel" " très vite
été ent"ché p"r une fibre plus "n"rchis"nte, plus pot"che "ussi. Très méfi"nte
vis-1-vis de lʼEt"t. M"is le gr"nd f"it de m" vie, cʼest dʼ"voir rencontré des
"mis formid"bles en hypokhUgne. Cel" f"it trente "ns quʼon pense ensemble.
Ce groupe, cʼest m" vie, il y " une tendresse immense, ce sont des gens qui
mʼont be"ucoup profité.
Pourquoi sont-ils si import#nts pour vous ?
Ils me font du bien. Je crois be"ucoup 1 lʼ"utoéduc"tion des ég"ux. D"ns un
groupe dʼ"mis, on sʼentre-éduque, on sʼentre-ém"ncipe. Je s"is ce que je leur
dois. Ils contribuent 1 m" r"dic"lité politique. Ils viennent tous de l" petite
bourgeoisie, sont fils ou filles de profs et sont devenus soit profs, soit
préc"ires. Dès lors que vous nʼêtes p"s d"ns lʼ"llége"nce "u monde du tr"v"il
tel quʼil sʼest « m"n"gérisé » depuis qu"r"nte "ns, eh bien il ne reste que l"
fonction publique ou l" culture. M"is d"ns ce dernier milieu, il y " un système
dʼhérit"ge et de reproduction très fort.
Pourquoi vous intéressez-vous depuis longtemps #u sport ?
Le sport, cʼest un conditionnement de petit g"rçon dès lʼUge de 5 "ns, cʼest
lʼécole des petits g"rçons virils. Alors que mon goût pour le rock, cʼest l"
contest"tion. Je prends de plus en plus le sport comme un symptôme soci"l et
politique. Il donne une p"rf"ite entrée sur le fonctionnement du libér"lisme. En
"n"lys"nt lʼéconomie du sport, on comprend le c"pit"lisme.
Ensuite, le sport est souvent tr"versé de déb"ts qui sont le symptôme de lʼét"t
de l" société, des ment"lités. Qu"nt 1 lʼ"drén"line sportive, elle " plus 1 voir
"vec l" s"uv"gerie concurrentielle quʼ"vec des pseudos « v"leurs » ; je ne
supporte p"s ce mot. Il me f"it le même effet que quelquʼun qui déb"rquer"it
sur un ch"mp de b"t"ille et qui dir"it : « ou"is ce qui est bien cʼest quʼon f"it
du vivre ensemble ».
Allez-vous voter Z l# présidentielle de 2017 ?
Non.
Vous nʼ#vez j#m#is voté ?
Si, entre 2001 et 2007. Je ven"is de l" pensée révolutionn"ire : « Elections,
piège 1 cons », reproduction de lʼélite bourgeoise. Et je continue 1 le penser.
M"is en 2001, lors des élections municip"les, jʼespér"is vr"iment que Tiberi
sʼen "ille de P"ris. Je me suis dit, p"r honnêteté intellectuelle : « Puisque ton
corps désire cel", v" "u bout, ne f"is p"s ton m"lin. » Pour l" première fois, jʼ"i
voté. Puis en 2002, jʼ"i voté Bes"ncenot, plutôt p"r "dhésion. Après cette
p"renthèse, jʼ"i "rrêté.
Vous ne pensez p#s quʼen 2017 lʼ#bstention peut être d#ngereuse ?
Non. Avec l" cl"sse politique républic"ine "utorit"ire libér"le quʼon " depuis
trente "ns, on nʼ" p"s besoin de M"rine Le Pen. Ç" ne ch"nger" rien, ils ont
déj1 f"it tout le boulot. Ceux qui ont peur de M"rine Le Pen ont une pensée
politique très f"ible. Ils devr"ient lire M"rx.
Hitler nʼ" pu "rriver "u pouvoir que p"rce que l" gr"nde bourgeoisie,
not"mment fin"ncière, ét"it de son côté. M"rine Le Pen nʼ"rriver" "u pouvoir
que le jour où elle "ur" dit quʼelle ne veut p"s sortir de lʼeuro. Lorsquʼon
dem"nde "ctuellement "ux gens de droite ce qui les sép"re de M"rine Le Pen,
ils disent « Economiquement, son progr"mme est "bsurde ». Rien dʼ"utre.
Cʼest m"l conn"ître une société que de croire que le gr"nd c"pit"l l"isser"
M"rine Le Pen prendre le pouvoir. On l" voit "ctuellement mettre de lʼe"u d"ns
son vin, dire « On fer" un référendum. » Donc, il nʼy " rien 1 cr"indre. Pour moi,
cʼest une ultr"républic"ine.
Propos recueillis p#r S#ndrine Bl#nch#rd
Se h# producido un error.
Prueb" " ver el vídeo en www.youtube.com o h"bilit" J"v"Script si estuvier"
inh"bilit"do en el n"veg"dor.
Fr"nçois Bég"ude"u
«Qu'est ce qui continue du punk rock d#ns m# f#çon d'écrire ? »
INTERVIEW ET PHOTO / ARNAUD BÉNUREAU
Le livre " été un succès en libr"irie. Lʼ"d"pt"tion "u ciném", une P"lme dʼor.
Fr"nçois Bég"ude"u, "uteur dʼEntre les murs, revient sur cette expérience.
M"is "ussi sur le FC N"ntes, le business littér"ire et le punk rock.
Je suis fils de profs. Donc cl"sse moyenne, petite bourgeoisie. Mes p"rents
nʼét"ient p"s des intellectuels. À l" m"ison, nous étions incités 1 lire. M"is jʼ"i
vr"iment découvert l" littér"ture tout seul. À lʼ"dolescence, jʼ"i commencé 1
lire be"ucoup de cl"ssiques. S"rtre, C"mus ou Céline r"isonn"ient en moi p"r
r"pport 1 des questions philosophiques ou politiques que je pouv"is me poser.
Ado, jʼ"v"is v"guement gribouillé des poèmes. L1, ce sont des textes de
ch"nsons dont on s"it quʼils seront entendus et publiés. Cʼest l" première fois
que je donn"is 1 lire des choses.
Ensuite, il y # Jouer juste, monologue dʼun entr#îneur. Même si ce premier
livre dép#sse le c#dre du sport, vouliez-vous évoquer votre p#ssion pour
le foot ?
Sur six cent livres sortis 1 l" rentrée, il ne dev"it p"s être lʼun des plus
m"uv"is. Il "v"it des "rguments presque m"rketing. Il ét"it sexy. Les footeux
sʼy retrouv"ient. Et il p"rl"it dʼ"mour, un sujet universel. Surtout, il ét"it court. Il
ne f"ut p"s oublier ce dét"il fond"ment"l qu"nd on conn"ît le fonctionnement
de l" presse que je conn"is bien m"inten"nt. Jouer juste ét"it pitch"ble.
Jʼutilise le mot pour être 1 fond d"ns le voc"bul"ire m"rketing.
Souvent, un livre v" "voir un buzz non p"s en fonction de son contenu, m"is
en fonction de signes extérieurs : son thème et l" perception que lʼon se f"it de
son pitch. Entre les murs " été un gros succès. P"r son pitch, lʼécole, il est très
"ttr"ctif. On v" nous r"conter ce qui se p"sse 1 lʼintérieur. Cʼest pourquoi
be"ucoup de gens se sont précipités sur le livre. Ce qui nʼ" rien 1 voir "vec s"
qu"lité. Il y " une dict"ture du sujet. Lorsquʼun livre " un sujet évident, il est
f"cilement vend"ble.
L# genèse dʼEntre les murs ét#it-elle ég#lement évidente ?
Lʼidée mʼest venue lors de mon "rrivée 1 P"ris. En 2002, jʼenseigne d"ns un
collège. Et "u début de lʼ"nnée 2003, je commence 1 prendre des notes. Je me
dis quʼil y " peut-être un livre 1 f"ire.
Lʼenvis#giez-vous comme un exutoire ?
Je voul"is que le livre soit lu. Très vite, jʼ"i compris quʼil "ll"it susciter le désir
dʼ"d"pt"teurs. Jʼ"i vu "rriver des projets de gens pour lesquels jʼ"i peu de
respect. Le peu de respect que jʼ"v"is pour eux, je lʼ"v"is écrit d"ns Les
C"hiers du ciném". Évidemment, ces gens-l1 ne les lisent p"s. M"is quʼils
sʼintéressent 1 un livre comme Entre les murs me les rend"it plus
symp"thiques.
Fin#lement, L#urent C#ntet # ré#lisé cette #d#pt#tion. Peut-on, lZ #ussi,
p#rler dʼune évidence ?
Évidemment, des gens pourr"ient dire : « Le mec c"pit"lise son truc ». Surtout
quʼune pièce de théUtre est en cours. Depuis Entre les murs, jʼ"i écrit deux
livres. Et deux "utres vont être publiés bientôt. Libre 1 ces gens de sʼy
intéresser. Moi, je ne mʼ"rrête p"s 1 ç". Jʼen "i même plutôt r"s le bol dʼen
p"rler.
De l# P#lme dʼor #ussi ?
Les interviews me permettent de mʼexprimer plutôt que ce soit les "utres qui
p"rlent pour moi. Cʼest nʼimporte quoi. Même les éloges. Les critiques sont
souvent insult"ntes. Cʼest norm"l. Il nʼy " p"s de tr"v"il derrière. Les portr"its
se réduisent 1 l" littér"ture et "u punk rock. Jʼ"ttends quʼon f"sse le lien.
Quʼest-ce qui continue du punk rock d"ns m" f"çon dʼécrire ? Je pense quʼil y
" quelque chose qui " continué de lʼun 1 lʼ"utre.
Vous êtes scén#riste, #uteur ou encore critique. Nʼ#vez-vous p#s peur de
vous disperser ?
Je me pose l" question tous les jours. Pour lʼinst"nt, jʼ"i lʼimpression que tout
profite 1 tout. Écrire sur le ciném" mʼ" rendu meilleur écriv"in. Écrire des livres
me rend meilleur critique. En terme de form"tion, dʼentr"înement et de
perfectionnement, jʼ"i g"gné 1 écrire des choses différentes.
Vous f#ites ég#lement p#rtie du Collectif Othon Z lʼiniti#tive de films et
d#ns lequel on retrouve dʼ#nciens Z#briskie Point. Nʼest-ce fin#lement p#s
lZ que vous vous ressourcez ?
Cʼest tout ce que je préfère d"ns m" vie. Ces gens-l1 sont vr"iment mes "mis.
On est bien ensemble. On crée en rigol"nt. Et on rigole en cré"nt. Cʼest l" vr"ie
b"se "rrière. Avec eux, je suis le mec que jʼ"i envie dʼêtre : un bon c"m"r"de.
● Entretien
L# Bonne nouvelle
de Fr#nçois Bég#ude#u
● L'éditeur
● Biogr"phie de Fr"nçois Bég"ude"u
● Présent"tion
● En s"voir plus
● Extr"its
● En scène (1)
● Éduc
Il y " "ussi que nous r"contons des gens qui ch"ngent. Or je suis "ssez
dubit"tif en génér"l sur l" c"p"cité des individus 1 ch"nger r"dic"lement. Je
suis not"mment peu conv"incu p"r ces films édifi"nts qui montrent un c"dre
qui pend"nt trente "ns " servi loy"lement s" boîte, et qui soud"in prend
conscience que tout ç" est v"in, "bsurde, nuisible, immor"l, etc. Ce point
philosophique – est-il possible de ch"nger de système "ffectif ? – " été lʼobjet
de bien des discussions "vec Benoît, et cʼest d"ns ce c"dre que le motif de l"
conversion (et non p"s de ch"ngement) dissipe mes réticences : en
r"dic"lis"nt l" mut"tion, en l" théUtr"lis"nt, on l"isse entendre que nous ne
sommes p"s complètement dupes de ce que nous r"contons ; que nous
"ssumons lʼ"spect improb"ble, et mir"culeux "u fond, dʼun tel revirement.
Est-ce quʼon peut p#rler dʼun dispositif ironique d#ns l# mesure où leur
conversion consiste Z ne plus croire ? Ou est-ce simplement une référence
#ux communistes repentis ?
Toute conversion, " fortiori religieuse, consiste dʼ"bord 1 se déprendre dʼune
croy"nce précédente, jugée f"l- l"cieuse et/ou v"ine. Vous croyez d"ns le ve"u
dʼor, vous croyez "ux l"uriers dʼici b"s, "b"ndonnez tout ç", dévêtez-vous en
pl"ce publique comme Fr"nçois dʼAssise. Cel" ét"nt posé, il est difficile de ne
croire 1 rien. Souvent il sʼ"git de substituer une croy"nce 1 une "utre. M"is sur
l" nouvelle croy"nce de nos év"ngélistes, nous "vons choisi de ne p"s dire
gr"nd-chose. Je dis plus loin pourquoi.
Ce qui est sûr, cʼest que nous jouons, non s"ns une cert"ine "llégresse rev"n-
ch"rde, sur le p"r"llèle "vec les communistes repentis. Il sʼest be"ucoup dit
que les communistes ont cru, ont été "veuglés, puis sont revenus de lʼerreur en
se rend"nt enfin "u ré"lisme dont les libér"ux se t"rguent. Nous disons une
chose simple : en t"nt quʼil procède de lʼ"cte de foi, le ré"lisme libér"l nʼest p"s
du tout ré"liste, s" r"tion"lité p"s du tout r"tionnelle ; ses "gents sont "ussi
"veugles, "ussi idé"listes que j"dis le plus obtus des st"liniens.
Pourquoi le choix dʼun t#lk show ? Y#-t-il une dimension s#tirique p#r
r#pport #ux médi#s ? Est-ce une simple cit#tion de notre époque ? Ou
encore un désir de créer « du » jeu ?
Ni intention s"tirique, ni cit"tion – Benoît tr"v"ille même en ce moment 1
déconnecter ces formes de tout référent, en sorte quʼ1 "ucun moment on ne
tombe d"ns l" p"rodie, le p"stiche. Simplement, ces formes sont, 1 leur
m"nière, du théUtre. Je mʼét"is dʼ"illeurs déj1 servi du dispositif « t"lk-show »
pour Non réconciliés. Quoi quʼon en pense, ces dispositifs "udiovisuels ont
quelque chose 1 voir "vec le théUtre itinér"nt, les tréte"ux de vill"ge en vill"ge.
À leur m"nière, elles p"rticipent du spect"cle édifi"nt. Et cʼest bien ce que
proposent nos six convertis.
Pour moi ces formes sont de l" théUtr"lité offerte. Et "ussi des vecteurs de
comique. Puisquʼil ét"it entendu dès le dép"rt que l" pièce sʼ"v"ncer"it d"ns
un écrin de drôlerie, 1 l" fois p"r c"lcul (pl"ire pour mieux ins- truire) et p"r
tempér"ment des deux concepteurs du projet.
L# dimension de spect#cul#ris#tion du rituel (présent d#ns les messes
év#ngélistes) est-elle #ut#nt, pour vous, une source dʼinspir#tion que l#
dimension télévisuelle ?
Tout ç" cʼest du théUtre, et le théUtre "ur"it tort de ne p"s sʼ"dosser 1 ces
formes, de ne p"s "ttr"per un peu de leur puiss"nce dʼ"ttr"ction, de
f"scin"tion, de divertissement.
Vous #vez déjZ modifié un peu le texte #près l# sem#ine de répétition de
juin. Est-il définitif ou #llez-vous encore le modifier si vous #ssistez #ux
répétitions de septembre ?
Je ne p"sser"i "ux répétitions de lʼ"utomne que pour s"luer "mic"lement l"
troupe. A priori, je ne toucher"i plus "u texte. Jʼ"i rendu une version définitive 1
Benoît en juillet. À un moment il f"ut que le texte soit composé. Ne ser"it-ce
que pour que les comédiens commencent 1 se lʼ"pproprier. Reste quʼil est
évident que le texte donné le 3 novembre ne ser" p"s équiv"lent 1 son ét"t
écrit. Il y "ur" quelques coupes, des "justements. Je me tiens 1 l" disposition
de Benoît pour retoucher tel ou tel p"ss"ge si le tr"v"il en pl"te"u lui f"it
"pp"r"ître quʼil fonctionne moins bien.