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Fr#nçois Bég#ude#u, bête de sexe en BD

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● P"r  

●  Auréli" Vert"ldi  Mis 1 jour le 29/10/2013 1 15;25  Publié le 29/10/2013 1


09;09

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INTERVIEW - L'#uteur du rom#n Entre les murs, #d#pté #u


ciném# et #y#nt obtenu l# p#lme d'or en 2008, s'emb#rque sur l#
voie du 9e #rt #vec M,le occident1l contempor1in. Il en révèle
les #rc#nes.
Après le théUtre, le ciném" et l" littér"ture, l" b"nde dessinée! Fr"nçois
Bég"ude"uvient de publier s" première b"nde dessinée, M"le occident,l
contempor,in, chez Delcourt "vec Clément Oubrerie (Ay, de
Youp,gon, Pic,sso…) "u dessin. L'"lbum met en scène Thom"s, 28 "ns, qui
dépense une énergie folle pour trouver l'Ume sœur. Il dr"gue et se prend des
rUte"ux 1 l" pelle. Les filles ne se l"issent plus conter fleurette "ussi f"cilement
qu'"v"nt. L" ring"rdise de l'homme domin"nt n'est plus de mise pour ces
d"moiselles exige"ntes et directes.
LE FIGARO - Comment êtes-vous "rrivé sur l" scène du 9e "rt?
Fr#nçois BÉGAUDEAU - Ce sont les éditions Delcourt qui m'ont cont"cté et
soumis l'idée. Comme j'"ime bien m'éprouver 1 différents tr"v"ux, je me suis
dit pourquoi p"s. Lecteur de BD, souvent il m'"rriv"it de me dem"nder ce que
je fer"is si j'ét"is "u scén"rio. M"is comme d'h"bitude, ce sont souvent les
impulsions extérieures qui font fr"nchir le p"s.
Comment ressortez-vous de cette expérience?
Pour moi qui viens du rom"n, l'expérience de l" brièveté n'" p"s toujours été
f"cile. L'esp"ce est très restrictif. J'"i tr"v"illé sur des séquences de double
p"ge sur l"quelle il f"ut inst"ller l" situ"tion, l" développer et lui donner
éventuellement une chute. Tout cel" en très peu de temps, "vec peu de texte.
Un s"cré défi.
Pourquoi #voir choisi le thème de l# dr#gue?
Qu"nd j'écris, j'ess"ie de me mettre d"ns des situ"tions. Spont"nément, je me
suis im"giné un g"rçon en questionnement, qui remet en c"use ses propres
modèles, ses propres représent"tions. C'est toujours intéress"nt l" dr"gue
pour ç". C'est le moment où vous êtes "mené presque m"lgré vous, et s"ns
"voir forcément lu tout Simone de Be"uvoir, 1 prendre en compte l'"utre sexe,
1 le considérer. D"ns l'urgence, vous êtes bien obligé de vous interroger sur l"
personne que vous "vez en f"ce de vous. Ce qui n'est p"s un réflexe très
cour"nt chez les g"rçons.
Vous pensez qu'#ujourd'hui l'homme # de quoi s'interroger sur son r#pport
#vec l# femme?
Il y " toujours eu de quoi s'interroger. L'"rt " toujours été tr"versé p"r ces
types d'interrog"tions. Aujourd'hui, il me semble que les rôles se sont
dépl"cés, ce qui pour moi est une très bonne nouvelle. Les lignes ont bougé,
les femmes sont d"v"nt"ge 1 l'initi"tive, elles s'"rrogent des droits qui "v"nt
leur ét"ient interdits, comme une cert"ine trivi"lité. J'"v"is envie de peindre
des femmes qui ont l'humour et l" rudesse h"bituellement dévolus "ux
hommes. Moi, j'"i gr"ndi "vec des filles très ém"ncipées, des copines qui, p"r
exemple, buv"ient de l'"lcool. Il m'est souvent "rrivé de const"ter que pour
be"ucoup d'hommes, il n'ét"it p"s évident de voir des filles boire.
Thom#s, votre prot#goniste, est souvent m#lmené p#r ces femmes
devenues plus offensives. L'homme #ur#it-il du m#l Z s'#d#pter Z l#
femme qui ch#nge?
C'est s"ns doute compliqué pour Thom"s. Depuis les c"vernes, l'homme
domine "vec s" gr"nde m"ssue. C'est perturb"nt pour ces p"uvres petits
g"rçons éduqués d"ns le m"chisme de voir l" femme prendre l'initi"tive. Mon
personn"ge cepend"nt s'"vère très positif doté d'une gr"nde qu"lité, l"
curiosité. Fin"lement, il se ré"juste très bien.
Se ré#juste?
Vous s"vez, l'homme, moi compris, doit toujours négocier "vec son propre
m"chisme. En im"gin"nt cette histoire, j'"i voulu m'"mputer de cette g"ngrène
qu'est l" ph"llocr"tie. Je me considère comme plutôt ém"ncipé p"r r"pport 1
tout ç", m"is je vois bien que j'"i toujours des relents. J'"v"is envie de les
exorciser d"ns cet "lbum.
M"le occident,l domin,nt, de Fr,nçois Bég,ude,u et Clément Oubrerie, 

Entre les murs

Fr#nçois Bég#ude#u p#rle du Problème


Pour l" collection « Cl"ssiques & Contempor"ins », Fr"nçois Bég"ude"u "
"ccepté de répondre "ux questions de Sylvie Coly, "uteur de lʼ"pp"reil
péd"gogique du Problème.

Sylvie Coly : Fr"nçois Bég"ude"u, vous êtes écriv"in, scén"riste, "cteur et


ciné"ste. Avez-vous été tenté de mettre vous-même en scène Le Problème ?
Fr#nçois Bég#ude#u : Je ne me considère p"s du tout comme "cteur, ni
comme ciné"ste. Il se trouve juste que je me suis p"rfois trouvé emb"rqué
d"ns des "ff"ires de ce genre, en périphérie de lʼécriture. Il se peut donc quʼun
jour lʼocc"sion se présente de mettre en scène une de mes pièces, m"is pour l"
première jʼét"is r"vi quʼun "utre sʼen occupe, dʼ"ut"nt que lʼentente "vec
Arn"ud Meunier " été p"rf"ite.
S.C. : En écriv"nt Le Problème, "vez-vous été inspiré ou influencé p"r des
dr"m"turges contempor"ins ? Je pense, 1 différents degrés, 1 Michel Vin"ver,
Y"smin" Rez", et Henrik Ibsen.
F.B. : Je conn"iss"is peu Vin"ver "u moment de lʼécriture. Jʼen "i dévoré
lʼœuvre "près coup, 1 lʼinvit"tion dʼArn"ud qui nous trouv"it be"ucoup de
points communs. Je conn"is m"l le théUtre de Rez". D"ns le dom"ine de l"
sous-convers"tion, je mentionner"is plutôt celui de S"rr"ute. Et Tchekhov
plutôt quʼIbsen. Le tr"v"il sur l" demi-teinte du premier mʼ" be"ucoup m"rqué.
S.C. : D"ns cette pièce, vous prenez le p"rti de l" femme qui sʼém"ncipe. Vous
considérez-vous comme un écriv"in eng"gé ? Que signifie pour vous
lʼeng"gement en littér"ture, et plus p"rticulièrement "u théUtre ?
F.B. : Je viens de publier un rom"n "utobiogr"phique (Deux singes ou m, vie
politique) qui r"conte comment je me suis tôt méfié, et ch"que "nnée
d"v"nt"ge, de l" v"mpiris"tion de lʼ"rt p"r l" politique. Lʼeng"gement implique
des certitudes, et je crois que lʼ"rt " plutôt 1 voir, non p"s "vec le doute 1
proprement p"rler, m"is "vec l" complexité. Donc on peut être un citoyen
"nimé p"r des convictions et produire des livres nourris p"r lʼenvie de les
mettre en crise, en d"nger. En tout c"s de les questionner. Ch"que œuvre est
l1 pour rel"ncer les dés idéologiques. Cel" ét"nt, il est cl"ir quʼune œuvre,
quʼelle le veuille ou non, se positionne. Le Problème " effectivement tend"nce 1
"ccomp"gner "vec bienveill"nce le geste lʼém"ncip"tion du personn"ge
féminin, et lʼon pourr" y voir une m"rque de mon intérêt pour le féminisme.
M"is ce qui est intéress"nt "vec l" c"use des femmes, qui est ici un sous-
ensemble de l" c"use du désir, cʼest quʼelle se joue d"ns des situ"tions
quotidiennes, intimes, concrètes. Elle eng"ge l" vie de ch"cun, d"ns toutes les
str"tes de l" société. Dès lors on peut en irriguer un rom"n ou une pièce s"ns
tomber d"ns lʼ"bstr"ction, l" théorie, le symbole, ce qui donner"it 1 lʼensemble
un tour "bstr"it qui ne mʼir"it p"s. En génér"l, je trouve le théUtre trop
symbolique, trop essenti"liste. Or, ce qui mʼintéresse d"ns cet "rt est son
potentiel inverse : l" m"téri"lité de l" scène, du pl"te"u, des corps. En un mot :
l" présence (qui p"rfois f"it déf"ut "u ciném"). Cʼest pourquoi jʼ"v"is envie de
mettre en pl"ce une situ"tion très concrète, très reconn"iss"ble, "vec des
indic"tions de décor et de jeu volont"irement pros"ïques (le c"n"pé, les
cig"rettes, l" s"l"de de riz).
S.C. : Les critiques qu"lifient souvent votre théUtre de « théUtre du quotidien
». Êtes-vous s"tisf"it de cette dénomin"tion ?
F.B. : Elle ne correspond p"s 1 quelques-uns de mes tr"v"ux théUtr"ux (p"r
exemple Non-réconciliés, qui ser" jouée "u printemps 2014), m"is pour Le
Problème et Le Foie, je veux bien "ssumer ce mot : l" première entend peindre
une f"mille moyenne, presque stéréotypée (p"p"-m"m"n-fils-fille), et l"
seconde reconstitue une scène ordin"ire de l" vie en province : le fils néo
p"risien est p"ssé déjeuner chez s" mère renn"ise et retr"itée de L" Poste.
M"is il f"ut "ussitôt nu"ncer : ces pièces mettent en pl"ce une situ"tion de
crise (une femme quitte son m"ri, un fils dit 1 s" mère quʼil ne reviendr" plus)
qui nous sort du c"dre du quotidien, si lʼon entend p"r l1 lʼesp"ce de
lʼordin"ire. L1, on est d"ns le dr"me. Au bout du compte, il ser"it plus juste de
dire que jʼess"ie de proposer un tr"itement non dr"m"tique de situ"tions 1
forte ch"rge dr"m"tique. De deux m"nières : p"r le ton induit p"r lʼécriture des
répliques (un cert"in humour, une cert"ine décontr"ction, le p"rti-pris non
littér"ire de l" l"ngue). Et puis p"r le dénouement : les deux pièces se
terminent p"r une sorte de concorde, en tout c"s p"r lʼ"ccept"tion p"r tous de
l" f"t"lité de l" crise.
S.C. : L" did"sc"lie initi"le est très précise : vous indiquez, p"r exemple, l"
m"tière d"ns l"quelle sont constitués les meubles. L" liste des personn"ges
est ég"lement suivie dʼune indic"tion port"nt sur le volume des voix des
"cteurs. Pourquoi tenez-vous 1 t"nt de minutie ?
F.B. : Jʼ"i du m"l 1 écrire du théUtre s"ns me projeter tout de suite sur le
pl"te"u. Dʼoù lʼép"isseur des did"sc"lies. Les metteurs en scène "vec qui je
tr"v"ille me disent que je suis trop directif. Je leur réponds quʼil nʼy " l1 rien
dʼimpér"tif, m"is que jʼ"i besoin de donner "ux répliques un c"dre m"tériel
précis. Puisque le théUtre mʼintéresse en t"nt que l" p"role sʼy inc"rne, jʼécris
un théUtre qui "nticipe be"ucoup sur lʼinc"rn"tion. L1-dessus je suis
complètement sous influence de Beckett, qui "ttribue "ut"nt dʼimport"nce 1 un
geste, 1 un mouvement de tête, quʼ1 un mot. Cʼest m"rr"nt : nombre de
metteurs en scène ne se permettr"ient p"s de ch"nger une virgule du texte,
m"is sʼ"utorisent 1 disposer comme ils lʼentendent des indic"tions de
dépl"cement. Or, pour un dr"m"turge m"téri"liste comme moi (et comme
Beckett, p"r exemple), pour des gens qui "tt"chent be"ucoup dʼimport"nce "u
corps, lʼ"nim"tion de celui-ci est "u moins "ussi import"nte que les mots.
D"ns Le Problème, une indic"tion purement gestuelle c"r"ctérise 1 soi seule le
personn"ge du père, en tout c"s son ét"t d"ns l" situ"tion développée : il est
"ssis de bout en bout, voire couché. Ce qui donne une v"leur rituelle "u
moment où il se lève, 1 l" fin : cette seule initi"tive, très b"n"le, signifie quʼil
consent. Quʼil consent 1 continuer 1 vivre. Quʼil consent "u désir de s" femme.
Arn"ud Meunier " respecté 1 l" lettre cette indic"tion. Sʼil ne lʼ"v"it p"s f"it,
cʼeût été 1 mes yeux "ussi conséquent (et frustr"nt) que sʼil "v"it retiré dix
répliques.
S.C. : Vos personn"ges se définissent p"r un l"ng"ge qui leur est propre.
Quelle import"nce "ttribuez-vous "ux silences ou "ux « temps » qui ém"illent
cert"ines de leurs répliques ? En quoi sont-ils indispens"bles ?
F.B. : Ce qui distingue les mots du théUtre et ceux des rom"ns, cʼest leur destin
de p"role. Ces mots seront dits, cʼest-1-dire inc"rnés, cʼest-1-dire
m"téri"lisés. Ils vont devenir du son. Sʼil sʼ"git de son, on entre r"dic"lement
d"ns des considér"tions de rythme. Il est donc norm"l de penser l" succession
des répliques en termes de rythme, et je dir"is de musique si je ne cr"ign"is
dʼêtre un peu compl"is"nt (fl"tteur, Arn"ud p"rl"it de « p"rtition »). À ce titre,
le temps qui sép"re les répliques est "ussi import"nt que les répliques elles-
mêmes. Un temps de trois secondes ne porte p"s les mêmes humeurs, l"
même psychologie concrète quʼun temps de dix secondes. En not"nt les temps
et les silences, je ne f"is quʼess"yer de reproduire sur p"pier le rythme et l"
chimie psychologique que jʼ"i en tête. Ce qui l"isse qu"nd même une m"rge
dʼinterprét"tion énorme "ux comédiens et "u metteur en scène… Comme pour
tout le reste : je propose, m"is cʼest 1 eux quʼ"pp"rtient l" décision rythmique
fin"le.
S.C. : À l" différence des hommes de l" f"mille, Julie f"it preuve de bonté 1
lʼég"rd de s" mère, en lui "ccord"nt un droit "u bonheur. Considérez-vous
cette bonté comme une forme dʼhéroïsme moderne, voire dʼhéroïsme
tr"gique ?
F.B. : V"lider ces termes signifier"it reconduire une solennité que jʼess"ie
dʼéviter (le théUtre meurt de son goût immodéré pour l" solennité, même si
cette solennité lui confère p"rfois une cert"ine puiss"nce). Éventuellement, je
p"rler"is dʼhéroïsme ordin"ire. Il y " une épopée du quotidien, f"ite de
multiples petites décisions simples. Ici, Julie est spont"nément portée 1 vouloir
le bonheur de s" mère "v"nt de penser 1 son intérêt immédi"t. P"rt"nt de l1, le
terme de bonté me v" (l" c"p"cité 1 l"isser vivre "utrui pourr"it être une
définition de l" bonté). Une bonté simple, débonn"ire, s"ns pose, et qui tient
en une phr"se, dʼ"ut"nt plus forte que, jusque-l1, Julie " "ffecté de ne p"s se
mêler des déb"ts : moi je veux que tu sois heureuse. Je dois confesser que
ch"que fois que jʼ"i vu An"ïs Demoustier dire cel" 1 Emm"nuelle Devos, m"
gorge sʼest nouée. D"ns ces moments, lʼinc"rn"tion de ce quʼon " écrit est un
be"u c"de"u, si be"u que douloureux.
S.C. : Julie f"it une "n"logie entre s" mère p"ssionnément "moureuse et le
personn"ge de Phèdre. Lʼ"spect tr"gique, d"ns Le Problème, ne se loge-t-il
p"s ég"lement d"ns l" f"mille vécue comme un esp"ce où le l"ng"ge est
permis jusquʼ1 lʼexcès ?
F.B. : Cette mention " une v"leur équivoque : 1 l" fois elle veut m"rquer lʼéc"rt
"vec l" tr"gédie (nous sommes plutôt d"ns une sorte de dr"me bourgeois –
v"udeville de g"uche, "v"it dit mon "mi metteur en scène Benoît L"mbert), et
en même temps le r"pprochement est fertile. Une l"ïcis"tion de Phèdre, ç"
donner"it quoi ? Peut-être ç" : une femme ordin"ire dʼ"ujourdʼhui qui doit
composer "vec son désir. P"s de poign"rd ici, p"s de suicide, p"s
dʼ"lex"ndrins, p"s de m"lédiction divine qui pèser"it sur les personn"ges, m"is
cette b"se commune "vec le texte de R"cine (lʼ"uteur que jʼ"i le plus lu) :
ch"cun doit se débrouiller d"ns une situ"tion où il devr" de toute f"çon perdre
quelque chose.
S.C. : Pourquoi terminer l" pièce p"r un morce"u de musique punk rock, qui ne
correspond p"s forcément 1 « l" bourgeoisie cultivée et p"risienne des "nnées
2000 » ? Est-ce un clin dʼœil 1 l" liberté féminine inc"rnée p"r Annie et Julie ?
F.B. : On peut poser un c"dre ré"liste, sʼ"streindre 1 une cert"ine rigueur
sociologique, m"is ç" nʼempêche p"s dʼen décrocher p"r moments. Surtout
d"ns les dernières minutes. Jʼ"im"is lʼidée de ce surgissement dʼénergie 1 l"
fin dʼun long éch"nge tendu et tenu. Pour ç", on ne fer" j"m"is mieux que le
rock et , fortiori le punk rock, genres qui me sont chers. Que le morce"u
envis"gé soit signé p"r un groupe qui sʼ"ppelle Les Femmes, est second"ire,
même si le clin dʼœil tombe bien. Et puis son fin"l shunté correspond bien 1 ce
que jʼim"gin"is comme mode dʼextinction du pl"te"u. Il f"ut préciser quʼArn"ud
Meunier " préféré une musique plus lente et mél"ncolique. De même, d"ns Jʼ,i
20 ,ns…, Cécile B"ckès " préféré, "ux Sex Pistols que jʼ"v"is sign"lés, un
morce"u d"ns le genre ch"nson fr"nç"ise. Décidément, cʼest difficile de f"ire
entrer le punk rock sur scène. M"is je ne désespère p"s dʼy "rriver.
S.C. : L" collection Cl,ssiques & Contempor,ins remporte un be"u succès
"uprès des élèves du second"ire. Vous "vez été enseign"nt : quel reg"rd
portez-vous sur le f"it dʼêtre vous-même étudié en cl"sse ?
F.B. : À l" lumière de l" ré"ction des quelques cl"sses que jʼ"i vu "ssister 1 l"
pièce, je me dis quʼelle est un bon m"téri"u pour "border le théUtre. Très
simple d"ns s" f"cture et d"ns s" l"ngue, elle ne pose p"s de problème de
compréhension. Cʼest un peu le genre dʼœuvres que jʼ"v"is tend"nce 1
privilégier en cl"sse : l"ngue "bord"ble, enjeux complexes. Que l" difficulté ne
réside p"s d"ns le code, m"is d"ns le réel qui est reconstruit l1. P"r "illeurs, il
me semble que cette situ"tion peut toucher tout le monde. L" f"mille est, pour
le meilleur et pour le pire, le c"dre de vie de l" gr"nde m"jorité des gens. Nous
"vons tous 1 nous positionner p"r r"pport 1 elle. Je me méfie de ce mot, m"is
il me semble que cʼest l1 que l" pièce "tteint 1 lʼuniversel.
Le Problème

« Nʼimporte qui » : l# politique Z l# s#uce m#yenn#ise


Le document#ire de Fr#nçois Bég#ude#u sur l# démocr#tie
fr#ppe p#r s# modestie et son #ncr#ge loc#l.
LE MONDE | 21.03.2017 1 09h05 • Mis 1 jour le 21.03.2017 1 10h13 |
P"r Murielle Joudet
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Lʼ"vis du « Monde » – 1 voir
Au dép"rt, Nʼimporte qui nʼét"it p"s destiné 1 sortir "illeurs quʼen M"yenne, l1
où Fr"nçois Bég"ude"u, "lors invité en résidence, " tourné son document"ire.
Lʼidée ét"it de poser "u premier venu l" question suiv"nte : « Vous sentez-vous
représenté ? » Lʼexpérience commence sur un m"rché, le ré"lis"teur improvise
un micro-trottoir 1 l" m"nière des journ"ux télévisés, m"is ne récolte que des
refus de l" p"rt des p"ss"nts : on ne souh"ite p"s être filmé, on comprend m"l
l" question. Une femme "ccepte de se l"isser interroger, m"is lorsquʼelle
découvre l" dem"nde, finit p"r répondre mollement : « Jʼ,i p,s l, tête R ç,. »
Le micro-trottoir échoue et f"it "pp"r"ître lʼéchec de l" méthode expéditive :
sʼinterroger sur l" démocr"tie dem"nde plus de temps et de rigueur, cʼest
même un exercice f"tig"nt et qui, peut-être, nʼintéresse p"s tout le monde.
Après cette mise en bouche tr"gicomique, Bég"ude"u revoit s" méthode et
choisit ses interven"nts un peu moins "u h"s"rd : des "ssoci"tifs, une
sén"trice, un oppos"nt dʼextrême droite, un "griculteur ou encore une
"rchitecte. Les entretiens, restreints 1 l" seule M"yenne, se p"ssent tous de l"
même f"çon, "u risque dʼune cert"ine monotonie : dʼ"bord l" c"mér" est
confiée pend"nt une minute 1 lʼinterlocuteur, libre de filmer ce quʼil veut.
D"ns le rôle de celui qui pose les questions, Bég"ude"u choisit judicieusement,
lors des entretiens, de sʼintégrer d"ns le pl"n
Lorsque lʼentretien commence, l" question est cette fois-ci tenue hors ch"mp
et sert surtout dʼ"morce 1 une longue discussion sur des sujets concrets : l"
pollution émise p"r l" construction dʼune usine chimique, le projet de dévi"tion
dʼune route, lʼéventu"lité dʼun référendum sur lʼimmigr"tion, le m"nque de
représent"tivité "u Sén"t.
D"ns le rôle de celui qui pose les questions, Bég"ude"u choisit judicieusement,
lors des entretiens, de sʼintégrer d"ns le pl"n. F"çon pour lui, comme il...

Pourquoi il f#ut supprimer l'école oblig#toire: Entretien


#vec Fr#nçois Bég#ude#u
Fr#nçois Bég#ude#u et Louise Tourret — 24.12.2014 - 7 h 36, mis Z jour le
24.12.2014 Z 7 h 41

1.2k

L'#ncien prof, rom#ncier, #v#it f#it ré#gir notre


spéci#liste éduc#tion Louise Tourret en l#nç#nt d#ns
Les Echos l'idée d'une suppression de l'école
oblig#toire. Ils éch#ngent ici plus longuement sur l#
question, Z l#quelle Fr#nçois Bég#ude#u répond:
«puisque lʼécole f#brique structurellement des
inég#lités, il f#ut supprimer l# structure».

3 septembre 2013 1 Nice. REUTERS/Eric G"ill"rd


En novembre dernier, sur Sl"te, Louise Tourret, journ"liste spéci"liste des
questions dʼéduc"tion, ré"giss"it 1 des propos tenus p"r l'écriv"in Fr"nçois
Bég"ude"u, "ncien professeur, d"ns Les Echos. Il y évoqu"it une mesure
"ud"cieuse pour lʼécole selon lui: 
«l, suppression de l'école oblig,toire, et son rempl,cement p,r un service
d'éduc,tion non oblig,toire R p,rtir de l'"ge de huit ,ns. Jusqu'R cet "ge,
l'école , l, vertu de soul,ger les femmes… M,is elle n'est p,s une f,brique
d',ud,ce: elle est d,v,nt,ge f,ite pour discipliner que pour f,ire bouger les
codes et créer des gens ,ud,cieux.»
Louise Tourret "v"it expliqué "vec véhémence sur Sl"te "voir «r,rement lu un
truc ,ussi pourri sur lʼécole et en t,nt que femme, et mère, ce qui v, me
soul,ger, cʼest plutôt dʼexpliquer tout le m,l que je pense dʼun tel propos».
A l" suite de cette chronique, Louise Tourret et Fr"nçois Bég"ude"u –qui "v"it
p"rticulièrement peu "pprécié de voir commenté si brut"lement une très courte
interview– se sont mis 1 éch"nger de m"nière plus fouillée. Nous publions ici
cet éch"nge. 
***
Louise Tourret: Nous "vons discuté depuis l'"rticle que j'"i publié sur vos
propos; m"is tout en relev"nt qu'il s'"giss"it de p"roles r"pidement
prononcées et qu'on ne pouv"it p"s s'en tenir l1, il ne m'" p"s semblé que
votre pensée "it été déformée. Je me dem"nde vr"iment si vous pensez qu'une
société s"ns école est souh"it"ble. Je veux dire souh"it"ble d"ns une société
comme l" notre et souh"it"ble pour les enf"nts de c"tégories popul"ires dont
on s"it qu'ils réussissent m"l d"ns le système scol"ire fr"nç"is, un système qui
renforce les inég"lités soci"les. M"is vous, "u del1 de cette dénonci"tion
h"bituelle et consensuelle, vous véhiculez l'idée, "ssez subversive, que l'école
leur veut et leur f"it du m"l. Je n'"i p"s un reg"rd "ngélique sur l'institution
m"is je ne p"rt"ge p"s ce point de vue p"rce que je m'intéresse be"ucoup "ux
professeurs qui "gissent de m"nière très déterminéspour l" réussite de leurs
élèves, quitte 1 choisir des méthodes "ltern"tives. M"is vous, ce dégoût de
l'école, est-ce un sentiment que vous "vez tiré de vos "nnées d'enseignement?
Fr#nçois Bég#ude#u: Le f"it que lʼécole "ggr"ve les inég"lités soci"les ne
p"rticipe p"s de l" «dénonci,tion» m"is du const"t. Il nʼest p"s
plus «consensuel» que ne lʼest le const"t quʼil y " en Fr"nce 3,5 millions de
chômeurs. Cʼest un const"t génér"l, et indiscut"ble. Et il est f"it depuis très,
très longtemps: depuis "u moins les premiers tr"v"ux de Bourdieu d"ns les
"nnées 60 ("u moins, c"r on trouver"it tr"ce dʼun const"t simil"ire bien "v"nt).
Ce que donc vous "ppelez une «dénonci,tion h,bituelle» est bien plutôt un
inv"ri"nt de l" situ"tion depuis sept, neuf, quinze décennies. Voil1 pour les
termes.
Puisque lʼécole f#brique structurellement des
inég#lités, il f#ut supprimer l# structure.
Fr"nçois Bég"ude"u
Or, chose stupéfi"nte, m"lgré cette inv"ri"nce (l" seule v"ri"ble ét"nt que
lʼécole est ch"que "nnée plus inég"lit"ire), personne ne remet en c"use
lʼexistence même de l" m"chine. L" r"dic"lité de m" conclusion nʼest quʼun
"justement 1 l" r"dic"lité du const"t: puisque lʼécole f"brique structurellement
des inég"lités, il f"ut supprimer l" structure.
Cert"ins objectent, m"lgré lʼinv"ri"nce, quʼil ser"it possible de corriger lʼécole.
Comme un fusil deviendr"it mir"culeusement une boite 1 c"resses, lʼécole
deviendr"it, p"r m"gie, une m"chine 1 combler les inég"lités. Sur l" foi des
f"its, je ne le crois p"s. Et pour une r"ison simple: contr"irement 1 ce quʼun
étonn"nt révisionnisme l"isse croire –et se f"it croire–, lʼécole nʼ" j"m"is été
conçue pour combler les inég"lités, m"is pour les relégitimer. On p"rle toujours
de lʼéchec de lʼécole. On se trompe. Lʼécole " p"rf"itement réussi. P"rf"itement
réussi s" mission de relégitimer l" cl"sse domin"nte et de conv"incre les
p"uvres quʼils mérit"ient de lʼêtre.
Que des milliers de profs ch"que jour, produisent des gestes ég"lit"ires, je nʼen
doute p"s. Quʼils "ient besoin de se r"conter une f"ble ég"lit"ire pour tenir, je
le comprends. M"is quʼon les "ppelle, selon lʼhumeur, chouettes gens ou
dindons de l" f"rce, leurs "ffects subjectifs sont qu"ntité néglige"ble "u sein
dʼune structure qui est une superbe performeuse inég"lit"ire.
Le libér#lisme Z l'école
Louise Tourret: Je suis d'"ccord "vec vous. Historiquement l'École, l" belle
école républic"ine, se fich"it p"s m"l des histoires de reproduction soci"le.
L'historien Cl"ude Lelièvre explique même comme l" g"uche ét"it, sous l"
IIIème République, méfi"nte envers une institution qui "ur"it pu f"briquer des
tr"itres 1 leur cl"sse, f"ire des enf"nts des j"unes. Il existe un contresens
consensuel sur les fondements de l'institution: vouloir comme Jules Ferry
scol"riser tous les enf"nts ne signifie p"s qu'on lutte contre l" ségrég"tion
soci"le.
Ceci posé les choses ont ch"ngé "vec le collège unique (concrétisé p"r l"
droite), m"is il s'est heurté, et se heurte toujours, 1 l" vr"ie culture de l'école,
une culture élitiste, une école dont le but est de trier... le Gr""l ét"nt les
gr"ndes écoles, un objectif "tteint p"r une infime minorité d'élèves. À cel" on
peut "jouter qu'une gr"nde p"rtie du corps enseign"nts m"jorit"irement
d'origine bourgeoise ou petite bourgeoise et peu ou m"l formé " du m"l, en
début de c"rrière, 1 "ffronter l" ré"lité des cl"sses de collèges popul"ires.
M"is, je tiens 1 vous r"ssurer, plus personne ne r"conte de f"bles ég"lit"ires
sur l'école, les études sont connues, diffusées: l" Fr"nce est ch"mpionne des
inég"lités, tout le monde le s"it.
Et puis, je ne suis p"s d'"ccord "vec vous qu"nd vous dites que personne ne
remet en c"use l'existence de l" m"chine. Elle est bel et bien remise en c"use!
Tout un cour"nt de pensée libér"le défend l'idée du chèque éduc"tion, vous
voyez ce que c'est? Plus d'école publique et des t"s de formules disponibles,
des écoles 1 l" c"rte,  le choix des péd"gogies, etc.
En f"it, cel" correspond 1 ce qui s'est p"ssé en Suède. Et les think t"nks
libér"ux "ppl"udissent des deux m"ins... Le seul problème cʼest que, grUce 1
lʼétude Pis", on s"it depuis lʼ"nnée dernière que le nive"u des élèves suédois "
vr"iment reculé cel" jette un petit doute sur les bienf"it d'une telle mesure.
Surtout, je ne vois p"s où est votre logique. Comment p"sse-t-on de ch"nger
lʼécole 1 fermer lʼécole? Pourquoi supprimer l'école rendr"it le monde plus
juste, ou plus "mus"nt... Pourquoi ser"it-ce un bienf"it pour l" société? Une
"rmée secrète de gentils péd"gogues "ttend-elle que les écoles ferment pour
permettre "ux enf"nts des qu"rtiers popul"ires de f"ire leur miel des
péd"gogies "ctives? Les enf"nts, une fois les écoles fermées, se mettront tous
1 vouloir d"v"nt"ge "pprendre? Et bien sûr, tous les p"rents s"uront se s"isir
de cette merveilleuse opportunité de devoir "pprendre 1 lire, écrire, compter,
r"isonner 1 leurs enf"nts… Décrivez-moi ce que vous im"ginez.
Fr#nçois Bég#ude#u: Ch"que priv"tis"tion, p"r définition, ouvre un m"rché.
Cel" v"ut pour les "utoroutes "ut"nt que pour lʼécole. L" priv"tis"tion de
lʼéduc"tion constituer" une m"nne exceptionnelle pour le c"pit"lisme. Cʼest
"insi quʼil "ttend son heure, p"tiemment, et que nous "llons "ssurément vers l"
génér"lis"tion dʼun business de lʼéduc"tion, qui rend notre discussion déj1
c"duque.
Depuis des décennies, l# foc#lis#tion sur [l'#ss#ut
libér#l de l'école] dédou#ne de reg#rder en f#ce le m#l
endogène et structurel de l# m#chine.
Fr"nçois Bég"ude"u
M"is "v"nt de f"ire du m"l 1 lʼécole, cet "ss"ut libér"l "ur" f"it bien du m"l "u
déb"t sur lʼécole. Aur" bien ent"ché l" lucidité des profs sur ce quʼils font.
Depuis des décennies, l" foc"lis"tion sur cet ennemi exogène dédou"ne de
reg"rder en f"ce le m"l endogène et structurel de l" m"chine. Cʼest "lors
quʼune énergie réformiste (ch"ngeons lʼécole) sʼest convertie en énergie
défensive (s"uvons lʼécole). Schém" quʼon retrouver"it d"ns bien des
dom"ines et qui explique le lent glissement conserv"teur de l" g"uche. Et
"lors, de vouloir "insi s"uver lʼécole nʼ" f"it quʼ"ccentuer lʼidée quʼelle ét"it
bonne d"ns son principe. Cʼest pourquoi il f"ut bien quʼon sʼentende ici: p"r
f"ble ég"lit"ire, je ne signifie p"s que les profs et "utres ignorent que lʼécole
f"brique de lʼinég"lité (évidemment quʼils le s"vent), m"is quʼils pensent
que «lʼécole républic,ine» " historiquement voc"tion " rectifier les inég"lités.
L" lucidité que vous "vez sur ses origines est, croyez-moi, très r"re, p"rmi les
profs. Et " vr"i dire très peu dʼentre eux ont eu lʼidée de revenir "u fondement –
ne ser"it–ce quʼen lis"nt les textes. Il est donc très m"jorit"irement "dmis que:
● lʼécole républic"ine est une formid"ble invention

● ses principes ont été dévoyés, cʼest pourquoi elle v" m"l.

L1 nous ne sommes p"s du tout dʼ"ccord. Il y " un consensus "bsolu, en


Fr"nce, sur ces deux points. De droite 1 g"uche, de M"rine 1 Je"n-Luc. Citez-
moi un intellectuel ou une figure politique fr"nç"is qui ne f"sse p"s lʼéloge de
lʼécole républic"ine, qui nʼ"ppelle p"s 1 s" refond"tion, etc. Et vous y
p"rticipez, visiblement, puisque vous p"ssez "ssez vite sur le structurel, pour
"ller vers des problèmes exogènes quʼil sʼ"gir"it de résoudre pour que lʼécole
soit ég"lit"ire (profs m"l formés, etc).
Je reviens donc 1 l" structure. Et je redis ce sur quoi vous êtes p"ssée très
vite. Lʼécole nʼ" p"s échoué 1 résoudre les inég"lités, elle " p"rf"itement réussi
s" mission de les relégitimer. Lʼécole nʼest p"s discrimin"nte p"r erreur m"is
p"r essence – et l" suppression des notes nʼy ch"nger" rien. Lʼécole nʼ" p"s
voc"tion 1 s"uver les p"uvres, m"is 1 les neutr"liser et 1 les conv"incre quʼils
méritent de lʼêtre– le collège unique nʼ"ur", l1-dessus rien ch"ngé. 
On ne se ref#it p#s: je nʼ#ime p#s quʼon emmerde les
p#uvres.
Fr"nçois Bég"ude"u
Le point est ici et nulle p"rt "illeurs. Si vous étiez dʼ"ccord "vec cette "n"lyse
structurelle, croyez bien que vous ne trouveriez plus du tout étr"nge de vouloir
supprimer lʼécole. Il sʼ"gir"it de supprimer quelque chose qui f"it du m"l, tout
simplement. Comme l" cig"rette d"ns les lieux publics, en somme. Enfin: qui
f"it du m"l 1 cert"ins. Qui f"it du m"l "ux cl"sses popul"ires. Cʼest quoi être un
prolo 1 lʼécole? Cʼest, d"ns 99% des c"s, lʼ"ssur"nce que c" se terminer" sur
une voie de g"r"ge ou d"ns une filière disqu"lifiée. Cʼest, jour "près jour, heure
"près heure, le const"t de s" propre indigence, ém"illée dʼhumili"tions
régulières. Cʼest be"ucoup dʼennui. Cʼest, en résumé un jeu pénible qui se
termine m"l. On ne se ref"it p"s: je nʼ"ime p"s quʼon emmerde les p"uvres.
Cʼest de ce point de vue "v"nt tout que jʼ"imer"is bien quʼon en finisse "vec
lʼécole. Vous "urez compris que mon esprit nʼest p"s du tout celui des libér"ux.
Vous me dem"ndez ce que je propose, et p"r quoi je rempl"ce. M"is dʼune p"rt
je nʼ"i p"s voc"tion 1 proposer quoi que ce soit. Dʼ"utre p"rt, "-t-on
«rempl"cé» l" cig"rette p"r "utre chose d"ns les c"fés? Non, cʼét"it m"uv"is,
on lʼ" supprimé, point. En lʼoccurrence mon idée nʼest p"s de rendre «le monde
plus juste et "mus"nt», m"is de lui retirer une grosse épine qui:
● "cc"ble les p"uvres, donc
● ennuie les enf"nts
● déprime les profs
● "iguise le ressentiment de p"rt et dʼ"utre (fiel des élèves, r"cisme des
profs –voir le vote FN grimp"nt)
● nʼ"pprend rien
● dés"pprend 1 "pprendre
● f"brique des esprits normés
Donc non je nʼ"ttends p"s que l" suppression de lʼécole entr"ine quoi que ce
soit en termes de péd"gogie "ctive. Votre lecture de mes textes mʼ"pp"r"ît, 1
ce st"de, bien superficielle, "lors quʼils t"chent de revenir 1 l" r"cine des
choses: "pprendre, éduquer, quʼest-ce que c" veut dire "u juste? Avec
R"ncière et quelques "utres libert"ires tordus, je crois quʼon "pprend seul, et
que cʼest mieux "insi. Ce qui mʼentr"ine 1 remettre en c"use lʼidée, encore plus
consensuellement "dmise, quʼil f"ille éduquer. Cʼest l" notion même
dʼéduc"tion qui me semble suspecte, " fortiori lorsquʼune n"tion l" prend en
ch"rge –les p"rents, f"ut bien f"ire "vec (et encore, on pourr"it en discuter).
Voil1 bien ce quʼon ne remet j"m"is en c"use: quʼil f"ille éduquer, et que cette
mission doive être politiquement prise en ch"rge.
Louise Tourret: Vous dites que d"ns votre idée il ne f"udr"it supprimer lʼécole
oblig"toire quʼ1 p"rtir de lʼUge de 8 "ns pour «soul,ger les femmes». Je
bloque sur cette formul"tion. Vous êtes féministe? Pourquoi ne p"s p"rler des
p"rents en génér"l ? Et puis l'école n'intervient qu'1 trois "ns... et finit tôt. Ce
n'est p"s une solution de g"rde!
Fr#nçois Bég#ude#u: Hél"s vous nʼ"vez p"s «bloqué» sur cette formul"tion,
pêchée 1 l" v"-vite d"ns l" tr"nscription "pproxim"tive dʼune interview s"ns
fond, puisque vous vous êtes empressée de l" cond"mner s"ns ess"yer de l"
comprendre, "ussitôt rel"yée p"r une petite "rmée dʼintern"utes tout "ussi
expéditifs, et qui ont commis le geste cour"geux et citoyen de liker ou retwitter
votre "ventureux procès. Une telle précipit"tion est s"ns doute 1 mettre sur le
compte dʼune génér"le fébrilité sur ces questions –"ut"nt que de lʼignor"nce
des nombreux textes féministes que jʼ"i pu commettre.
Reprenons donc les choses c"lmement.
Un féminisme conséquent tient lʼindépend"nce fin"ncière des femmes pour
une condition nécess"ire, quoique non suffis"nte, de leur ém"ncip"tion. A ce
titre, il est évident que lʼécole "ur" été un vecteur essentiel de cette
ém"ncip"tion. Pren"nt en ch"rge les enf"nts cinq jours p"r sem"ine et trente
sem"ines p"r "n, elle les «soul,ge» de l" g"rde pend"nt un bon p"quet
dʼheures et leur permet de tr"v"iller. C" ne résout p"s tous les problèmes, loin
de l1, m"is cʼest un f"cteur f"cilit"nt.
Pourquoi ne p"s p"rler «des p,rents en génér,l»? P"rce que, comme
nʼimporte quel observ"teur "ttentif 1 l" question des femmes le const"te et le
déplore, cʼest toujours en gr"nde p"rtie "ux femmes que reviennent les gestes
élément"ires de l" p"rent"lité: f"ire les courses, nourrir, vêtir, déposer "u club
de foot, concevoir et "cheter les c"de"ux de Noël, etc. Il "rrive bien sûr que
des hommes un peu moins méc"niquement p"tri"rc"ux "ffectent de prendre
p"rt 1 ces t"ches de b"se, m"is toutes les études sociologiques, "ussi bien
que les const"ts empiriques de ch"cun, montrent que c" nʼopère quʼ1 l" m"rge
de l" tend"nce génér"le. S"ns p"rler bien sur des nombreuses f"milles
monop"rent"les, cʼest-1-dire, et l1 encore les f"its sont têtus, structurées en
gr"nde m"jorité selon le schém" mère+enf"nts.
F"ctuellement cʼest donc bien les femmes, et surtout celles des cl"sses
popul"ires, que lʼécole soul"ge. Ce qui ne veut p"s dire quʼelles mettent leurs
enf"nts 1 lʼécole POUR se soul"ger –comme qui se déb"rr"sser"it dʼun poids.
Cʼest un bénéfice objectif et non recherché. Mʼ"rm"nt dʼune p"tience
intellectuelle qui certes " f"it déf"ut "ux quelques likeuses qui ont v"lidé m"
mise en c"use, jʼen viens 1 penser que leur colère-réflexe vient de cette
confusion entre bénéfice voulu et bénéfice objectif. 
M"is jʼentrevois "utre chose. P"rt"nt du principe quʼun comportement "ussi
primes"utier procède de lʼ"ffectif, jʼentrevois, d"ns cet "ss"ut de «likes»,
lʼeffet dʼune sorte dʼune m"uv"ise conscience. Comme si jʼ"v"is dit
explicitement ce que cert"ines sʼinterdisent, 1 tort, de penser. 
Les millén#ires de p#tri#rc#t ont bien incrusté d#ns l#
tête des femmes quʼune mère ne devr#it j#m#is se
s#tisf#ire dʼ#voir quelques heures rien que pour elle.
Fr"nçois Bég"ude"u
Pour "voir be"ucoup écouté mes copines devenues mères ces dernières
"nnées, pour "voir longuement écouté des femmes me r"conter leur premières
"nnées de m"ternité en prép"r"tion de mon livre, "u début, il mʼest "pp"ru
quʼun nombre non néglige"ble de mères ressentent, de f"it, une sorte de
soul"gement lorsquʼelles ont l"issé leur enf"nt 1 lʼécole, ou "u club de foot, ou
1 un "nnivers"ire de cop"in. Soul"gement "ussitôt "ltéré p"r une sorte de
honte. P"r le sentiment dʼêtre une m"uv"ise mère. C"r les millén"ires de
p"tri"rc"t ont bien incrusté d"ns l" tête des femmes quʼune mère ne devr"it
j"m"is se s"tisf"ire dʼ"voir quelques heures rien que pour elle. Cʼest le ressort
le plus profond, le plus retors, de l" domin"tion m"sculine, et "insi sʼouvre un
"utre terr"in dʼ"ction du féminisme: déculp"biliser les mères. Les conv"incre
quʼelles sont p"rf"itement fondées 1 se cons"crer quelques heures d"ns l"
sem"ine. Appelons ç" un droit 1 lʼégoïsme.
Depuis quelques "nnées, je me réjouis de voir que de nombreux films ou livres
ou spect"cles, en génér"l écrits p"r des femmes (d"ns ce dom"ine "ussi, peu
dʼhommes mettent l" m"in 1 l" p"te) contribuent 1 cette s"lut"ire
déculp"bilis"tion. Exempl"irement lʼhistorique Motherfucker de Foresti: oui je
me f"is chier "u p"rc, oui il mʼ"rrive de rentrer bourrée 1 lʼheure où m" fille se
lève, et ce nʼest p"s gr"ve. Ce nʼest p"s indigne. C" ne met "ucunement en
doute lʼ"mour que je lui porte. Pour lʼ"voir vécu en live, je peux le dire:
lʼun"nime frisson libér"toire qui p"rcour"it le public très féminin 1 ce moment
du spect"cle donn"it l" mesure rétro"ctive de l" culp"bilité.
A lʼheure donc dʼenvis"ger l" suppression de lʼécole, je me dis quʼil ser"it
qu"nd même bien domm"ge quʼon revienne sur ce fond"ment"l effet vertueux
de lʼécole– 1 peu près le seul, 1 mes yeux. Cʼest pourquoi un m"intien du
système en pl"ce jusquʼ1 8 ou 10 "ns me semble un bon compromis. C" tombe
bien, en génér"l jusquʼ1 cet Uge les enf"nts sont plutôt contents dʼy "ller. Cʼest
"près, et not"mment "u collège, que lʼécole devient un poids quotidien dont
95% des enf"nts se déb"rr"sser"ient si ç" leur ét"it permis.
Fr#nçois Bég#ude#u : « Je ne crois p#s Z votre modèle de vie »
Lʼécriv#in publie un rom#n, « Molécules », et une b#nde
dessinée, « Wonder ». Cet #ncien enseign#nt revient sur son
p#rcours m#rqué p#r l# littér#ture et l# politique.
LE MONDE | 25.09.2016 1 07h43 • Mis 1 jour le 27.09.2016 1 13h51 |
Propos recueillis p"r S#ndrine Bl#nch#rd
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Je ne ser"is p"s "rrivé l1 si…
… Si je nʼ"v"is p"s contr"cté une p"ssion pour lʼécrit 1 lʼ"dolescence. Jʼ"i
commencé 1 be"ucoup lire et cel" " déterminé mon envie, un jour, de goûter 1
ces pl"isirs-l1. Cette p"ssion est venue lorsque jʼ"i découvert, vers lʼUge de 15
"ns, que l" littér"ture pouv"it explorer des questions qui me touch"ient.
B"n"lement, jʼ"i lu C"mus, S"rtre, Giono, R"cine, Bern"nos. Je puis"is
"llégrement. Il y " eu, d"ns un segment très court de m" vie, be"ucoup de
lectures éblouiss"ntes.
Ces lectures ét#ient-elles disponibles chez vous ?
P"r forcément. En t"nt quʼinstituteurs devenus profs, mes p"rents v"loris"ient
bien sûr l" lecture, m"is ils ne lis"ient p"s plus que cel" ; il nʼy "v"it p"s de
conditionnement 1 l" littér"ture. Cʼest plutôt p"rce que ces textes br"ss"ient
des questions politiques et mét"physiques que je mʼét"is toujours posées quʼils
mʼont été immédi"tement f"miliers. M"lgré mon éduc"tion l"ïc"rde, les extr"its
de P"sc"l, p"r exemple, mʼont tout de suite p"rlé.
De quel ordre ét#ient ces questions politiques et mét#physiques ?
Mét"physique, cʼest simple : cel" sʼordonn"it "utour dʼune perplexité dev"nt l"
condition hum"ine. Quʼest-ce quʼon f"it l1 ? Comment peut-on mettre du sens
"lors quʼon est voué 1 l" poussière ? Des questions de b"se, m"is il ne f"ut
p"s "voir peur dʼêtre primitif. Enf"nt, jʼét"is déj1 très "ngoissé. Qu"nt 1 l"
question politique, elle ét"it très l"rgement conditionnée p"r mon milieu. Mon
père et m" mère ét"ient "u P"rti communiste. Jʼ"i b"igné d"ns l" politique très
tôt et not"mment d"ns le p"r"digme de l" g"uche r"dic"le.
Quels souvenirs g#rdez-vous des discussions politiques f#mili#les ?
Qu"nd des "mis de mon père, souvent des cop"ins profs de g"uche, ven"ient
1 l" m"ison, il y "v"it toujours un moment du rep"s où ils se mett"ient
1 p"rlerpolitique. Je ret"rd"is le moment dʼ"ller jouer p"rce que jʼ"im"is bien
les écouter. Je ne compren"is p"s tout m"is ce verbe-l1 me pl"is"it.
Vous dites #voir été « progr#mmé pour être premier de l# cl#sse ». Vous
êtes #llé jusquʼZ lʼ#grég#tion de lettres modernes. Vous nʼétiez p#s
rebelle ?
Si. Et cʼest bien cel" le problème. On viv"it d"ns un milieu où lʼon contr"ct"it
"ssez vite le pli de mettre en doute lʼét"t de l" société. En même temps, nous
étions des p"rf"its petits sold"ts de cette société. Cʼest lʼ"mbiguïté de mes
p"rents, que je ne trouve p"s du tout répréhensible : trouver 1 l" fois que cette
société est très inique et 1 l" fois tout f"ire pour que l" progéniture sʼy intègre.
Cʼest peut-être l" contr"diction de tous les p"rents de g"uche. Jʼ"v"is une
fibre contest"t"ire. Je jou"is le jeu scol"ire, f"is"is ce pour quoi jʼét"is
conditionné m"is je nʼét"is p"s dupe de ce système. Je s"v"is que lʼécole ét"it
inég"lit"ire, quʼil nʼy "v"it p"s de mérite 1 y être bon, que cʼét"it très
l"rgement préprogr"mmé. M"is il y "v"it une incit"tion 1 jouer le jeu puisquʼon
s"v"it f"ire. Cette contr"diction, chez moi, sʼest "rrêtée en hypokhUgne.
Que sʼest-il p#ssé Z ce moment-lZ ?
Je mʼen fous dʼ"ller 1 Norm"le-Sup. Je v"is y être "dmissible m"is cel" ne
mʼintéresse p"s. Jʼ"ur"is pu "ussi entrer 1 Sciences Po "près le b"c p"rce que
jʼ"v"is eu mention très bien. M"is les gr"ndes écoles, ce nʼét"it p"s mon truc.
Jʼ"i p"ssé lʼ"grég"tion, non p"s 1 titre de gr"tific"tion individuelle ou
pour "llerplus loin, m"is pour "voir moins dʼheures de cours. Ni plus ni moins. A
lʼépoque, je commenç"is 1 f"ire du punk rock. Je s"v"is où ét"it mon c"mp.
Le goût pour le punk rock sʼest construit de quelle m#nière ?
Le goût du rock " débuté grUce 1 mon frère. Il "v"it sept "ns de plus que moi,
on ét"it d"ns l" même ch"mbre. A 14 "ns, il écoute Téléphone, et l1, boum,
jʼ"dore ç". Jʼ"ttr"pe 1 7 "ns quelque chose de l" rébellion de mon frère.
Ensuite, l" découverte du punk rock v" être fond"ment"le. Et not"mment une
émission 1 l" télé où il y "v"it cette im"ge dʼIggy Pop. Cʼest quinze secondes
que jʼ"i reg"rdées deux mille fois "u m"gnétoscope p"rce que jʼ"v"is
lʼimpression que d"ns ce corps-l1, il y "v"it m"gie.
Quʼest-ce qui vous f#scin#it ?
Je nʼ"ur"is p"s su le formuler 1 lʼépoque. M"is le corps dʼIggy Pop résume tout
ce que jʼ"ime d"ns le rock : un corps "ndrogyne, contest"t"ire, iconocl"ste,
féminin, et en même temps très puiss"nt, gr"cile et brut"l. Il y " quelque chose
dʼ"nim"l chez lui. Jʼen dir"is "ut"nt des Sex Pistols et de tous les pionniers du
punk. Je nʼ"v"is p"s envie dʼêtre comme cel", m"is lʼenvie que m" vie se p"sse
d"ns l" périphérie de cel".
Avec des #mis, vous fondez Z N#ntes le groupe punk rock Z#briskie Point.
Vous êtes le p#rolier et ch#nteur. Que r#cont#ient les ch#nsons ?
Cʼét"it des p"roles plutôt contest"t"ires et politiques. M"is le punk rock "
be"ucoup 1 voir "ussi "vec l" pot"cherie, le côté fond"ment"lement
clownesque et f"rcesque. Le truc nʼét"it p"s de dénoncer l" société, cʼét"it
plutôt de sʼen moquer. Cel" ch"nge tout. Cʼest dire : Je ne crois p"s 1 votre
modèle de vie, vous êtes p"thétique. Le slog"n des Sex Pistols ce nʼest
p"s « No future », cʼest « No future for you ». Vous, les gens normés,
conformistes.
Qu#nd vous embr#ssez le métier dʼenseign#nt #vec cet ét#t dʼesprit de ne
p#s être dupe du système, vous y #llez #vec quelle envie ?
D"ns l" b"nde que je fréquent"is d"ns les "nnées 1990, lʼ"ltern"tive ét"it : on
y v" ou on nʼy v" p"s. Y "ller, cel" voul"it dire être enseign"nt, c"r il nʼy "v"it
p"s be"ucoup dʼ"utres perspectives pour nous, les intellos inutiles "bsolument
décidés 1 ne p"s entrer sur le m"rché libér"l. Ceux qui nʼy sont p"s "llés sont
devenus préc"ires et le sont toujours.
Jʼ"i choisi dʼy "ller p"rce que je ne voul"is p"s que lʼ"rgent devienne un
problème. Jʼ"v"is envie dʼ"voir l" tête sereine pour me cons"crer 1 ce qui
mʼimport"it : lire, écrire, voir des films, écouter de l" musique. En y "ll"nt, jʼ"i
dʼ"bord été très triste. Le tr"v"il, cʼét"it un peu l" fin de l" fête. Pend"nt les dix
"nnées où jʼ"i enseigné, mon obsession ét"it que cel" ne bouffe p"s tout mon
temps. L" critique est lʼ"ctivité qui mʼ" pris le plus dʼheures d"ns m" vie. Jʼ"i
commencé 1 écrire "ux C,hiers du ciném, en 1995 et, encore m"inten"nt, je
continue 1 pondre énormément de critiques d"ns Tr,nsfuge.
Avez-vous qu#nd même pris du pl#isir Z être enseign#nt ?
Bien sûr. Comme d"ns toute "ctivité, même subie, il y " des vertus incidentes.
Des moments de pl"isir, de joie. Et cel" " été import"nt d"ns m" réflexion.
Qu#nd vous repensez Z cette période, quʼest-ce qui vous revient ?
Qu"nd un prof "rrive, il nʼ" quʼune obsession : ne p"s être bordélisé, tenir s"
cl"sse. Mon événement fond"teur ser" lʼinverse : je me rends compte quʼune
cl"sse qui suit docilement ç" me p"nique, me tét"nise. Tous ces gens qui
enregistrent p"ssivement le cours, cel" me désespère. Je vois l1 lʼ"bsurdité de
lʼécole. Une c"isse enregistreuse.
M#is vous, en t#nt quʼélève, vous étiez pourt#nt comme cel# ?
Oui, jʼét"is un très bon fonctionn"ire du métier dʼélève. Qu"nd ç" fonctionne,
on nʼ" p"s de recul critique, s"uf si on " lu Bourdieu, m"is on ne le vit p"s d"ns
son corps. P"r contre, le prof, lui, est "u cœur des
dysfonctionnements. Enseignerd"ns les qu"rtiers popul"ires nʼ" f"it
que r"dic"liser m" position sur lʼécole.
Jʼ"v"is repéré, dès 18-20 "ns, quʼil y "v"it un moment exceptionnel de l"
pensée fr"nç"ise qui crois"it mes problém"tiques : Fouc"ult, Deleuze,
R"ncière, Derrid". Je suis entré d"ns une boulimie de lectures. Cʼest d"ns
R"ncière, qui déteste les positions dʼ"utorité, que je me reconn"is le mieux.
Ay"nt lu tout cel" trois "ns "v"nt de devenir prof, je s"v"is 1 quoi mʼen tenir.
Jʼ"v"is peu dʼespoir de tr"nsformer dʼun seul coup cette m"chine inég"lit"ire
en m"chine ég"lit"ire. Tout le monde devr"it lire Bourdieu 1 lʼécole.
En 2003, vous publiez votre premier livre « Jouer juste »…
Jʼ"i toujours eu lʼidée très b"n"le, très conditionnée chez les petits Fr"nç"is de
l" petite bourgeoisie intellectuelle, de me mettre un jour 1 un rom"n. Jʼ"v"is
p"rmi mes collègues 1 Dreux un dénommé Philippe Ad"m, qui " publié en 2002
un premier rom"n "ux éditions Vertic"les. Je lui "i f"it lire mon livre, et il lʼ" f"it
lire 1 son éditeur. Est-ce que jʼen ser"is "rrivé l1 s"ns lui ? On ne s"ur" j"m"is.
Je considère que jʼ"i eu de l" ch"nce.
« Entre les murs », votre livre inspiré de votre expérience dʼenseign#nt, v#
être primé, puis #d#pté #u ciném# et obtenir, en 2008, l# P#lme dʼor Z
C#nnes. Quel est le moment le plus import#nt de cette période ?
Je suis un mec très concret. Ce qui mʼintéresse, cʼest ce qui "rrive 1 mon
corps : dʼ"bord écrire le livre, ç", ce nʼest p"s rien. Pour le film, ce qui mʼ"rrive
est dʼêtre "cteur pend"nt sept sem"ines. Pour moi, tout se termine en
"oût 2007, 1 l" fin du tourn"ge. Ce qui v" suivre nʼest plus mon "ff"ire. Entre
les murs nʼ" p"s ch"ngé m" vie, cel" " ch"ngé le reg"rd sur moi. M"is cʼest
tout. Quʼest-ce que je f"is"is "v"nt ? Je lis"is, jʼécriv"is. Quʼest-ce que je f"is
depuis : je lis, jʼécris.
Le film # suscité be#ucoup de déb#ts sur lʼécole. Vous vous y #ttendiez ?
D"ns l" vieille et longue histoire de lʼhystérie scol"ire fr"nç"ise, cʼét"it
prévisible. M"is il ne f"ut p"s confondre l" visibilité de quelque chose et l"
proportion dʼintérêt de l" p"rt de lʼ"uteur. Le contenu des déb"ts sur lʼécole
mʼintéresse peu, p"rce quʼils sont toujours d"ns le même p"r"digme éduc"tif.
Je suis plutôt du côté dʼIv"n Illich, une société s"ns école. M"is ceux qui
p"rlent de lʼécole ne lisent p"s Illich. Cʼest domm"ge, ce ser"it un vr"i be"u
déb"t.
Be"ucoup dʼ"utres questions, not"mment soci"les, mʼintéressent. Le gr"nd
sujet est comment le ch"mp soci"l sʼimprime sur nos corps. P"r exemple, l"
scène du film L, Loi du m,rché d"ns l"quelle une c"issière est prise l" m"in
d"ns le s"c et emmenée p"r un vigile me bouleverse, mʼ" f"it tomber en
l"rmes. L" c"issière ne se défend p"s.
Qu#nd vous êtes-vous dét#ché du métier dʼenseign#nt ?
En 2005. Je nʼ"i tr"v"illé que p"rce quʼil f"ll"it que je m"nge. A p"rtir du
moment où jʼ"i pu m"nger s"ns tr"v"il s"l"rié, jʼ"i "rrêté. Je nʼ"i "ucun ét"t
dʼUme 1 ne plus prendre le RER 1 6 heures du m"tin.
Etre libert#ire, en 2016, cel# signifie quoi ?
Je me considère comme m"rxiste et libert"ire. Je me sens toujours très
constitué p"r ces deux gr"ndes lignées 1 l" fois idéologiques, philosophiques,
esthétiques. Lʼ"n"lyse économique m"rxiste est encore pertinente "ujourdʼhui,
moyenn"nt son renouvellement p"r des gens comme Frédéric Lordon, p"r
exemple, que je suis "ssidûment.
En ce moment, Geoffroy de L"g"snerie renouvelle m"gnifiquement l" pensée
libert"ire d"ns le ch"mp public. Je me sens très proche de lui. Il f"it bien le lien
entre Bourdieu et Fouc"ult. Toutes mes f"scin"tions, mes intérêts politiques et
philosophiques sont d"ns cette constell"tion, y compris les propositions
de mode de vie portées p"r les "n"rchistes. Tout cel" mʼintéresse
profondément.
Ce mél#nge m#rxiste libert#ire sʼest-il construit Z p#rtir des discussions
que vous pouviez entendre chez vous ?
Mon "xe p"ternel ét"it plutôt PCF. Jʼ"i gr"ndi l1-ded"ns, m"is cel" " très vite
été ent"ché p"r une fibre plus "n"rchis"nte, plus pot"che "ussi. Très méfi"nte
vis-1-vis de lʼEt"t. M"is le gr"nd f"it de m" vie, cʼest dʼ"voir rencontré des
"mis formid"bles en hypokhUgne. Cel" f"it trente "ns quʼon pense ensemble.
Ce groupe, cʼest m" vie, il y " une tendresse immense, ce sont des gens qui
mʼont be"ucoup profité.
Pourquoi sont-ils si import#nts pour vous ?
Ils me font du bien. Je crois be"ucoup 1 lʼ"utoéduc"tion des ég"ux. D"ns un
groupe dʼ"mis, on sʼentre-éduque, on sʼentre-ém"ncipe. Je s"is ce que je leur
dois. Ils contribuent 1 m" r"dic"lité politique. Ils viennent tous de l" petite
bourgeoisie, sont fils ou filles de profs et sont devenus soit profs, soit
préc"ires. Dès lors que vous nʼêtes p"s d"ns lʼ"llége"nce "u monde du tr"v"il
tel quʼil sʼest « m"n"gérisé » depuis qu"r"nte "ns, eh bien il ne reste que l"
fonction publique ou l" culture. M"is d"ns ce dernier milieu, il y " un système
dʼhérit"ge et de reproduction très fort.
Pourquoi vous intéressez-vous depuis longtemps #u sport ?
Le sport, cʼest un conditionnement de petit g"rçon dès lʼUge de 5 "ns, cʼest
lʼécole des petits g"rçons virils. Alors que mon goût pour le rock, cʼest l"
contest"tion. Je prends de plus en plus le sport comme un symptôme soci"l et
politique. Il donne une p"rf"ite entrée sur le fonctionnement du libér"lisme. En
"n"lys"nt lʼéconomie du sport, on comprend le c"pit"lisme.
Ensuite, le sport est souvent tr"versé de déb"ts qui sont le symptôme de lʼét"t
de l" société, des ment"lités. Qu"nt 1 lʼ"drén"line sportive, elle " plus 1 voir
"vec l" s"uv"gerie concurrentielle quʼ"vec des pseudos « v"leurs » ; je ne
supporte p"s ce mot. Il me f"it le même effet que quelquʼun qui déb"rquer"it
sur un ch"mp de b"t"ille et qui dir"it : « ou"is ce qui est bien cʼest quʼon f"it
du vivre ensemble ».
Allez-vous voter Z l# présidentielle de 2017 ?
Non.
Vous nʼ#vez j#m#is voté ?
Si, entre 2001 et 2007. Je ven"is de l" pensée révolutionn"ire : « Elections,
piège 1 cons », reproduction de lʼélite bourgeoise. Et je continue 1 le penser.
M"is en 2001, lors des élections municip"les, jʼespér"is vr"iment que Tiberi
sʼen "ille de P"ris. Je me suis dit, p"r honnêteté intellectuelle : « Puisque ton
corps désire cel", v" "u bout, ne f"is p"s ton m"lin. » Pour l" première fois, jʼ"i
voté. Puis en 2002, jʼ"i voté Bes"ncenot, plutôt p"r "dhésion. Après cette
p"renthèse, jʼ"i "rrêté.
Vous ne pensez p#s quʼen 2017 lʼ#bstention peut être d#ngereuse ?
Non. Avec l" cl"sse politique républic"ine "utorit"ire libér"le quʼon " depuis
trente "ns, on nʼ" p"s besoin de M"rine Le Pen. Ç" ne ch"nger" rien, ils ont
déj1 f"it tout le boulot. Ceux qui ont peur de M"rine Le Pen ont une pensée
politique très f"ible. Ils devr"ient lire M"rx.
Hitler nʼ" pu "rriver "u pouvoir que p"rce que l" gr"nde bourgeoisie,
not"mment fin"ncière, ét"it de son côté. M"rine Le Pen nʼ"rriver" "u pouvoir
que le jour où elle "ur" dit quʼelle ne veut p"s sortir de lʼeuro. Lorsquʼon
dem"nde "ctuellement "ux gens de droite ce qui les sép"re de M"rine Le Pen,
ils disent « Economiquement, son progr"mme est "bsurde ». Rien dʼ"utre.
Cʼest m"l conn"ître une société que de croire que le gr"nd c"pit"l l"isser"
M"rine Le Pen prendre le pouvoir. On l" voit "ctuellement mettre de lʼe"u d"ns
son vin, dire « On fer" un référendum. » Donc, il nʼy " rien 1 cr"indre. Pour moi,
cʼest une ultr"républic"ine.
Propos recueillis p#r S#ndrine Bl#nch#rd

ENTRETIEN FLEUVE AVEC FRANÇOIS BÉGAUDEAU


MARTIN23/10/2015
ARTICLES TRÈS INTÉRESSANTSCONCERT0 COMMENTAIRE
Vu le cursus du bonhomme, on 1ur1it presque pu
p1rler de nʼimporte quoi d1ns cette interview.
Fr1nçois Bég1ude1u écriv1in, scén1riste et 1cteur
d1ns Entre les murs [ré1lisé p1r L1urent C1ntet, p1lme
dʼor 1u festiv1l de C1nnes 2008], Fr1nçois Bég1ude1u
ch1nteur de punk, Fr1nçois Bég1ude1u 1m1teur de
foot et plus p1rticulièrement du FC N1ntes, Fr1nçois
Bég1ude1u M l1 pl1ge, Fr1nçois Bég1ude1u M l1
mont1gne. Bref. On 1 commencé p1r Fr1nçois
Bég1ude1u 1uteur de thé,tre, le g1rçon 1y1nt écrit
une pièce intitulée L1 Devise, mise en scène p1r Benoît
L1mbert, directeur du Thé,tre Dijon Bourgogne, et
jouée d1ns un p1quet de lycées M tr1vers l1
Bourgogne 1u mois dʼoctobre. On nous 1v1it vendu un
Fr1nçois Bég1ude1u h1ut1in, mépris1nt et 1rrog1nt.
Et cʼest un mec plutôt symp1 qui nous 1 répondu sur
s1 pièce, sur NOFX, et sur son cl1sh 1vec Philippe V1l.
Entretien fleuve.
Cʼest p#rti. DéjZ, tout simplement, comment ç# v# ? Hier (lʼentretien 1 eu
lieu vendredi 9 octobre), on vous # vu d#ns le public pend#nt l#
représent#tion. Vous #vez trouvé ç# comment ? On im#gine que ce nʼest
p#s l# première fois que vous voyez l# pièce…
L" première fois que je lʼ"i vue, cʼét"it hier "près-midi, tout simplement, "vec
un public purement scol"ire, des g"mins du lycée Hippolyte Font"ine. Le soir
même, dev"nt des "dultes, lʼ"mbi"nce nʼét"it p"s l" même. Moi, je suis plutôt
content du truc. En même temps, je nʼ"v"is p"s trop de cr"inte, p"rce que je
conn"is bien Benoît. On " be"ucoup réfléchi ensemble 1 l" pièce. Je conn"is
bien les comédiens, donc je s"is ce quʼils sont c"p"bles de f"ire. Ils ne mʼont
p"s déçu. Jʼ"i lʼh"bitude de dire quʼils « vendent » bien l" pièce, m"is ils
nʼ"iment p"s que je dise ç". Ç" f"it trop m"rketing, trop rent"bilité c"pit"liste
(sic). M"is qu"nd même, je pense quʼil y " des répliques quʼil f"ut ess"yer
dʼoptimiser, pour p"rler encore un j"rgon libér"l. Et je trouve quʼils font monter
l" pièce. L1-dessus, cʼest "ssez réjouiss"nt pour lʼ"uteur.
Quʼest-ce qui vous # poussé Z écrire ce texte, et Z en f#ire un texte
théxtr#l ? L# nécessité ? Le besoin ?
À l" b"se, cʼest une comm"nde. Ç" se f"it be"ucoup d"ns le théUtre et d"ns l"
littér"ture en génér"l. Benoît L"mbert, directeur du TDB, "vec qui jʼ"i déj1
bossé et "vec qui je suis pote, mʼ" dem"ndé, en j"nvier ou février dernier de
réfléchir 1 une forme courte pour deux comédiens. Une heure. Jou"ble p"rtout.
Ce quʼon "ppelle une « petite forme », très souple, "vec peu de décor. On ét"it
d"ns le b"in de lʼépoque, post-11 j"nvier. L" pièce dev"it tourner "utour des
questions de République, sur comment on peut f"ire de lʼéduc"tion popul"ire
sur ces choses-l1, les v"leurs… Et il me donn"it comme indic"tion possible :
« tiens, ç, pourr,it tourner ,utour de l, devise, p,r exemple. Ç, pourr,it être
un bon prétexte, une bonne impulsion : Liberté, Ég,lité, Fr,ternité ». Je dois
dire que jʼ"i été "ssez emmerdé p"r l" comm"nde, p"rce que, vr"iment, le
préchi-préch" républic"in, cʼest "ux "ntipodes de moi. Jʼ"i réfléchi "ssez
longtemps, et ç" sʼest déclenché 1 p"rtir du moment où je me suis dit : « non,
on ne v, p,s f,ire un pensum sur l, République, on v, mettre en scène deux
personnes qui réfléchissent R comment est-ce quʼils pourr,ient f,ire un
pensum sur l, République ». Et ç", ç" " été très libér"teur. Du coup, ç"
permett"it de « mettre 1 dist"nce » les v"leurs.
Alors pourquoi est-ce que vous #vez #ccepté cette proposition de Benoît
L#mbert et eu envie de bosser #vec lui ? Quʼest-ce qui vous # r#ssuré d#ns
le f#it que l# proposition ven#it de lui ?
Il se trouve quʼon " déj1 bossé ensemble. Jʼ"v"is écrit une pièce quʼil " mis en
scène lʼ"n dernier [L, Gr,nde Histoire, NDLR]. On est en tr"in dʼen écrire tous
les deux une qui ser" créée ici d"ns un "n. On est très complices, même si on
se conn"ît depuis p"s si longtemps, 4 ou 5 "ns. M"is ç" " été un peu une
rencontre, comme on dit. On est devenus très potes, dʼ"ut"nt plus quʼon " une
conception du théUtre "ssez proche. Ç" nous intéresse de réfléchir un peu 1
« quʼest-ce que ç, pourr,it être un thé"tre politique, ,vec des enjeux
politiques ? ». Cʼest p"s obsessionnel, m"is cʼest une des questions
communes. Et donc qu"nd Benoît me dem"nde de bosser sur L, Devise,
évidemment, tout de suite, je lui dis oui, p"rce que ç" f"it p"rtie de l"
complicité quʼon peut "voir. Et puis jʼ"v"is toute confi"nce en lui "près pour
mettre en scène ç" ex"ctement d"ns lʼesprit d"ns lequel je lʼ"v"is écrit.
Votre pièce elle pourr#it sʼ#ppeler, ou être sous-titrée, « les pieds nickelés
huss1rds de l1 République », quelque chose comme ç#. L# pièce met en
exergue une espèce de déc#dence dʼune époque, l# nôtre. Est-ce que vous
pensez, du coup, que le princip#l d#nger de l# République cʼest elle-
même, cʼest cette décomposition ?
Je ne s"is p"s si lʼépoque est déc"dente, ç" mériter"it gr"nde réflexion. P"rce
quʼen plus, cʼest un mot compliqué « déc"dence ». M"is il me semble que ce
qui c"r"ctérise lʼépoque, cʼest une sorte de « dém"nge"ison républic"ine ».
Cʼest vr"iment monté en puiss"nce depuis une quinz"ine dʼ"nnées, "vec une
forte "ccélér"tion depuis 4-5 "ns, et hyper-"ccélér"tion d"ns l" séquence « 11
j"nvier ». On " "ff"ire 1 un p"ys qui se r"idit, un peu, sur ce quʼil "ppelle « ses
v"leurs ». Derrière, moi, je f"is un espèce de tr"v"il de « s"lubrité lexic"le ».
Cʼest 1 dire que tous ces mots que lʼon se rep"sse en perm"nence, et qui
ser"ient, visiblement, "u fondement de notre république, si on les reg"rde près,
ils ne veulent, en soi, rien dire. Bon, « Liberté », on ne v" p"s le jeter 1 l"
poubelle, m"is vr"iment, il ne suffit p"s. Une fois quʼon " dit « Liberté », on nʼ"
rien dit. On commence 1 penser, et 1 f"ire notre exercice de citoyen et de
démocr"tie 1 p"rtir du moment où on ess"ye de donner un contenu réel 1 l"
notion de Liberté. Et l1, ç" divise. Le côté « unité républic"ine derrière les
v"leurs », b"h ç" m"rche p"s. Cʼest évident quʼun libér"l ne mettr" p"s le
même contenu, pour le mot « Liberté », quʼun m"rxiste. L" Fr"ternité, nʼen
p"rlons p"s… Dʼ"illeurs, d"ns l" pièce, ils sont très très embêtés. Moi je trouve
que cʼest 1 l" fois un mot qui est très be"u et en même temps très creux.
Évidemment, lʼopér"tion un peu « de g"uche » de l" pièce, cʼest de mettre "u
centre lʼÉg"lité. Ç" me p"r"ît être l" seule des trois notions qui me semble un
peu subversive, qu"nd même.
« Liberté, Eg#lité, Fr#ternité, en soi,
ç# ne veut rien dire »
Formellement, L1 Devise, cʼest une espèce de f#rce, en tout c#s, une
comédie. Vous #viez besoin de p#sser p#r ce mode-lZ pour f#ire p#sser
des choses ? On # lʼimpression, même si on # un peu lʼh#bitude #vec
Benoît L#mbert, quʼ#u moment où ç# rit le plus, #u moment où on est le
plus d#ns l# f#rce, cʼest lZ quʼil f#ut écouter. Cʼest lZ que se disent les
choses les plus intéress#ntes, les plus intelligentes. Vous #viez besoin de
ce mode-lZ pour f#ire p#sser ce que vous #viez envie de dire, dʼécrire ?
Je pense quʼ"v"nt toute chose lʼ"ff"ire du comique, cʼest une "ff"ire de
tempér"ment, "v"nt même dʼen f"ire une explic"tion théorique, de l" nécessité
quʼil y "ur"it 1 mettre du comique d"ns ce projet-l1. De toute f"çon, jʼ"i un
tempér"ment, et Benoît "ussi, on se retrouve be"ucoup l1-dessus. Le comique,
ç" f"it pour moi p"rtie intégr"nte de lʼécriture. Ç" se retrouve dʼ"illeurs d"ns 1
peu près tout ce que je peux f"ire. L1, il y "v"it peut-être encore plus nécessité
de tirer les choses 1 l" comédie, p"rce que, précisément, toute l" pièce est
construite sur « comment surtout ne p,s f,ire une pièce did,ctique chi,nte ?
Comment ne p,s f,ire en sorte que ç, soit du thé"tre qui prêche ? ». Alors l1,
effectivement, il f"ut tout de suite mettre des contrepoints, et le contrepoint il
est comique. Et puis ce sont des vieilles "ff"ires. Benoît et moi, on f"it p"rtie
des derniers théUtreux qui nous référons un peu 1 Brecht. Et il y " des choses
très intéress"ntes chez Brecht. P"rce que lʼim"ge quʼon en ", un peu de loin,
cʼest un espèce de mec du théUtre did"ctique. Allem"gne de lʼEst. M"rxiste.
Bon b"h oui, m"is Brecht, cʼest l" fête, tout le temps. Il y " des ch"nsons. Il
"v"it très très vite compris, Brecht, m"is je pense que cʼest "ussi une n"ture
chez lui, que l" politique nʼét"it p"s forcément "dossée 1 du sérieux. Au
contr"ire, lʼexercice de l" démocr"tie, cʼest joyeux, cʼest viv"nt et cʼest
f"nt"isiste. Donc je vois p"s comment est-ce quʼon "ur"it pu f"ire "utrement
que ç".
Du coup, presque en contrepoint, quʼest-ce que vous répondez Z ceux qui
disent que, #vec les références foot [tennis, en ré1lité, 1vec Coupe D1vis,
NDLR], The Voice, #vec le cynisme #pp#rent, #ussi, quʼil y # d#ns l# pièce
un côté dém#go ? Quʼest-ce que vous leur répondez ?
Avec l" Coupe D"vis, je f"is une p"rodie. Le comédien dit : « bon, il f,ut que je
me mette d,ns lʼét,t dʼun type qui ,ur,it très envie de p,rler de l, Devise ».
S" p"rten"ire lui répond : « ou,is, ou,is, tʼes un comédien, donc mets-toi en
ét,t ». Et l1 je p"rodie un peu les réflexions que se font p"rfois les comédiens,
qu"nd ils disent quʼils ont besoin dʼ"voir l" c"rte dʼidentité du personn"ge, de
se dem"nder « quel " été son mythe fond"teur ? ». Et je me fous de l" gueule
de ç" en dis"nt « eh ben ton mythe fond,teur, cʼest l, déf,ite de l, Fr,nce en
Coupe D,vis en 1994 ». Lʼ"utre répond « ok, dʼ,ccord, je v,is prendre ç, ».
Voil1, ç", cʼest pour me moquer un petit peu de lʼActorʼs Studio, on v" dire.
M"is l" dém"go… bon, pour moi, cʼest le degré zéro du comment"ire. Au
moment où il est question de The Voice, si on veut p"rler précisément des
choses, cʼest que l" comédienne imite une jeune, elle l" c"ric"ture. Elle simule
une question qui pourr"ît être posée p"r l" s"lle de lycéens, et donc elle " un
chewing-gum, elle " un peu une voix de pét"sse, et puis elle dit « et p,r
,illeurs je reg,rde The Voice et jʼ,i un t,tou,ge ». Voil1. Point. Cʼest p"s
Bég"ude"u, lʼ"uteur qui met The Voice d"ns son spect"cle pour f"ire jeune.
P"r "illeurs, il se trouve que je reg"rde cette émission. Pour moi, l" dém"gogie,
cʼest qu"nd on se force 1 f"ire sembl"nt dʼ"dopter des "ffects pour séduire un
public donné, "lors quʼon nʼ" p"s ces "ffects-l1. Moi, je suis p"s dém"go
qu"nd je p"rle de The Voice, puisque je reg"rde.
« Moi, je suis p#s dém#go qu#nd je p#rle de The Voice,
puisque je reg#rde » 
On v# #ussi p#rler musique, et même un peu posture. On ne v# p#s p#rler
forcément tout de suite de Z#briskie Point, m#is on v# f#ire un petit détour
p#r un groupe que vous citez d#ns votre bouquin Au Début. À un moment,
Z votre personn#ge, vous lui donnez un côté « f#n de NOFX », et
not#mment du morce#u Linoleum qui commence #vec ces phr#ses :
Possesions never me,nt ,nything to me
[Les possessions nʼ" j"m"is rien signifié pour moi]
Iʼm not cr,zy ( c,use I got none )
[Je ne suis p"s fou ( p"rce que je nʼen "i p"s )]
Well th,t not true : Iʼve got , bed ,nd , guit,r
[En f"it, ce nʼest p"s vr"i : jʼ"i un lit et une guit"re]
And , dog n,med « Dog who pisses on my floor »
[Et un chien qui sʼ"ppelle « Le chien qui pisse sur mon pl"ncher »]
Th,tʼs right, Iʼve got , floor
[Cʼest vr"i, jʼ"i un pl"ncher]
Est-ce que, fin#lement, le plus import#nt pour vous, cʼest l# posture ?
Oui, cʼest vr"i, d"ns cette ch"nson, il dit tout ç", m"is "près, il dit « So wh,t ?
So wh,t ? So wh,t ? » [Et "lors ? Et "lors ? Et "lors ?]. Est-ce que vr"iment l"
r"dic"lité politique de quelquʼun v" sʼév"luer, disons, "u nombre de mètres
c"rrés quʼil possède ? Je ne crois p"s. Donc il " r"ison F"t [Mike, ch,nteur de
NOFX, NDLR], de dire tout simplement « les g,rs, le problème est p,s lR ».
Lisons les p"roles de F"t Mike, voyons comment le groupe NOFX sʼest
comporté, politiquement. Voyons comment ils ont inventé un système de
production "utonome. Voyons comment F"t Mike " toujours été extrêmement
loy"l, économiquement, "vec les mecs de F"t Wreck Records [l,bel DIY punk-
rock ,méric,in fondé en 1990 p,r F,t Mike et son ex-femme. Un des plus gros
l,bels indépend,nts ,ux Ét,ts-Unis, NDLR]. Cʼest ç", qui est import"nt : cʼest
comment tu te comportes vr"iment "vec les gens d"ns le système de r"pport
de production. F"t Mike " s"ns doute plein de déf"uts, m"is vr"iment, jʼ"i p"s
gr"nd-chose 1 redire. M"is cʼest vr"i que cʼest un groupe qui " toujours été un
peu… Je me souviens, on "v"it des déb"ts d"ns les "nnées 90. On nous dis"it :
« ,h bon, vous ,dorez NOFX, cʼest qu,nd même des Améric,ins, cʼest le gr,nd
c,pit,lisme… ». On leur dis"it : « m,is vr,iment, les mecs, écoutez dʼ,bord,
prenez ,cte de lʼévénement esthétique NOFX. Et puis surtout, voyez ce que f,it
F,t Mike en termes de production. »

Se h# producido un error.
Prueb" " ver el vídeo en www.youtube.com o h"bilit" J"v"Script si estuvier"
inh"bilit"do en el n"veg"dor.

Et vous vous y retrouvez d#ns ce côté « reg#rd second degré » que peut


proposer un mec comme F#t Mike?
NOFX, qu"nd ç" nous est tombé dessus – on lʼ" découvert, comme be"ucoup
de gens "u moment de lʼ"lbum Punk in Drublic, en 1994 –, cʼest ce quʼon
"ttend"it. Pour moi, cʼest ç" le punk. Cʼest 1 dire 1 l" fois de lʼémotion, une
gr"nde qu"lité music"le, et puis be"ucoup de dérision, be"ucoup dʼ"uto-
dérision, be"ucoup de trivi"lité. Une clownerie. Et cʼest tout. Et puis, il nʼ"
j"m"is cessé. Et ensuite, l1 où NOFX " pris 1 revers tout le monde, cʼest quʼils
ét"ient considérés comme un groupe plutôt sous-politisé p"r r"pport 1
dʼ"utres comme Minor Thre"t et l" scène h"rdcore des "nnées 80. S"uf que,
qui est-ce qui " f"it Rock Ag,inst Bush en 2004, cʼest lui [F,t Mike est R
lʼorigine de ces deux compil,tions de groupes de Punk vis,nt R inciter les
jeunes R voter contre George W. Bush sous lʼétiquette Punk Voter. On y
retrouve des groupes comme The Offspring, Foo Fighters, R,ncid ou encore
B,d Religion pour ne citer quʼeux]. Donc l1, il " f"it un pied de nez 1 tout le
monde : « les g,rs, vous voulez que je f,sse de l, politique ? Eh ben, je v,is
f,ire ç, ! ». Et il " f"it de l" politique mieux que tout le monde. Et puis "près, il
f"ut lire les p"roles, not"mment celles dʼun morce"u comme The Decline, ce
sont des p"roles éminemment politiques. Je v"is écrire un livre sur lui, donc
vous tombez bien, je suis en tr"in de brouillonner un livre sur NOFX.
« Je v#is écrire un livre sur
le groupe de punk NOFX »
P#rlons de Z#briskie Point. Vous p#rliez tout Z lʼheure dʼ#uto-dérision, et
d#ns les morce#ux enregistrés p#r le groupe [et dont les p1roles et le
ch1nt sont de Fr1nçois Bég1ude1u], il y en # un un peu emblém#tique,
cʼest Intellectuel de g1uche :
[…]
Jʼ,i lu tout S,rtre, jʼ,i vu tout God,rd
je p,rle de Pic,sso ,ccoudé ,u comptoir
jʼ,i des idées des convictions de fer
Je suis de tous les meetings de tous les colloques
m,is je ne suis dʼ,ucun p,rti ni dʼ,ucun bloc
jʼ,i des idées, comme G,ston Deferre
Je suis un intellectuel de g,uche
[…]
Vous êtes un espèce de punk devenu écriv#in, m#is est-ce que Intellectuel
de g1uche, cʼest un peu vous #ujourdʼhui ?
Déj1 en 92 ou 93, qu"nd je lʼécriv"is, je le voy"is comme une f"çon dʼexorciser
ce quʼil pouv"it y "voir en moi dʼintellectuel de g"uche. Je lis"is des livres, et
jʼét"is de g"uche, et puis jʼ"im"is bien p"rler "u c"fé, comme je le dis d"ns l"
ch"nson. Je pontifi"is un peu sur tout. Jʼ"v"is 20 "ns. Après, ce que moi,
jʼ"ppelle un intellectuel -et cʼest pourquoi je nʼ"ime p"s ce mot-, cʼest
quelquʼun qui nʼ"pp"r"ît plus publiquement que pour délivrer des opinions. En
f"it, cʼest un donneur de leçons. On les conn"ît les intellectuels. Ils peuplent les
médi"s, etc. Moi, 1 un moment, d"ns m" c"rrière… en tout c"s d"ns m" vie
dʼécriv"in, jʼ"ur"is pu devenir un intellectuel. Vr"iment. Jʼét"is très sollicité p"r
les médi"s pour toujours donner mon opinion sur les choses. Jʼét"is un peu « le
mec de g"uche », quoi. Je lʼ"i un peu f"it. M"is je lʼ"i très peu f"it. Jʼ"i très vite
"rrêté. Cʼest une posture dont on se moqu"it d"ns les Z"bʼ [diminitif de
Z,briskie Point, NDLR]. Le côté "uto-dérision ven"it be"ucoup de l" posture
« je vous explique un peu l, vie du h,ut de l, scène ». Nous on trouv"it que le
punk, cʼét"it dʼ"bord un truc de fun, music"l, et on ét"it p"s l1 pour f"ire des
prêches en public. Donc, cʼest vr"i quʼon se fout"it de l" gueule de cert"ines
postures "n"rcho-punk p"r moments. M"is je regrette un peu, p"rce quʼils
ét"ient qu"nd même super, ces gens. M"is on les " un peu titillés.
Les #lbums de Z#briskie Point ont été réédités en 2009 p#r le l#bel les
gens de lʼoccident. Vous étiez pour ?
Cʼest l" b"nde de Guerrill" Asso qui " f"it ç". Ce sont un peu nos
continu"teurs. Ils nous ont dem"ndé « on voudr,it rééditer, ç, vous v, ? ». On
" dit « ou,is ». ç" rend"it de nouve"u disponible les trucs. Fr"nchement, ç" "
été deux m"ils. Je s"is p"s trop si ç" sʼest vendu.
Vous êtes content dʼ#voir comme point commun #vec Robert Hue dʼêtre un
#ncien communiste et dʼ#voir joué d#ns un groupe de rock [Robert Hue 1
joué d1ns le groupe de rock Les R1p1ces M l1 fin des 1nnées 50] ?
Ah oui, cʼest vr"i quʼil " joué d"ns les R"p"ces ! Cʼét"it be"ucoup mieux que
les Z"bʼ. M"is contr"irement 1 lui, je suis p"s un "ncien communiste, p"rce que
moi, je suis toujours communiste. Alors que lui, je s"is p"s trop où il en est. Il
est plutôt soci"l-démocr"te.
Récemment, vous vous êtes plutôt r#pproché des mouv#nces libert#ires.
Oui, m"is pour moi, communiste et libert"ire, ce nʼest p"s du tout incomp"tible.
Si on rentre d"ns le dét"il, il y " toujours eu un déb"t un peu heurté entre les
"n"rs et les m"rxistes. Moi, je me sens m"rxiste-libert"ire, donc je me sens
"ssez p"cifié p"r r"pport 1 ces questions-l1.
Vous p#rliez des « intellectuels, ceux quʼon conn1ît ». Il y en # un #vec qui
ç# # récemment frité, cʼest Philippe V#l [1ncien directeur de Ch1rlie
Hebdo et 1ncien directeur de Fr1nce Inter] #u sujet des mots quʼil # eu
sur Entre les murs. Au delZ du déb#t, cʼest l# m#nière dont vous lui #vez
répondu qui est intrig#nte : une vidéo, où vous vous #dressez directement
Z lui. Ç# f#it très cl#sh comme on peut en trouver d#ns le « r#p jeu » Z l#
Boob# ou comme L# Fouine. Cʼest vous qui #vez choisi ce moyen de
communic#tion ?
On me lʼ" proposé. À Tr,nsfuge, m"g"zine littér"ire d"ns lequel jʼécris, ils
mʼont dit « m,is tu voudr,is p,s f,ire une réponse ? Si tu veux, nous on te
filme ». Moi je voul"is p"s répondre, jʼen nʼ"v"is p"s du tout envie, jʼ"v"is envie
de le l"isser d"ns s" merde. Et puis, jʼ"i réfléchi, et je me suis dit quʼil y "ur"it
moyen de f"ire un truc, qu"nd même. Alors oui, peut-être que ç" emprunte "u
côté « r"ppeur qui cl"she ». L" vidéo dure 20 minutes [16, en ré,lité, NDLR],
elle "ur"it pu en durer plus. Je lis des choses. Cʼest p"s comme « Philippe V,l,
jʼencule t, mère, et si tu veux rendez-vous R Roissy ». Je crois "voir mis un
tout petit peu de contenu. Après, moi, fond"ment"lement, je me p"sser"is bien
de tout ç". Jʼ"ssume, hein. Je lʼ"i f"it. M"is moi, jʼ"imer"is bien "voir une vie où
il ne mʼ"rrive p"s de me lever 1 8h du m"tin, commencer 1 bouquiner, et puis l1
jʼ"i 8 textos de cop"ins et de moins cop"ins qui me disent : « tʼ,s entendu V,l,
ce m,tin sur Fr,nce Inter, il p,rle de toi ». Voil1, cʼest ç" qui se p"sse. Moi, jʼ"i
rien dem"ndé… T" gueule, V"l, l"isse-moi tr"nquille. F"is t" merde. Et "près,
tout le monde tʼen p"rle. Jʼét"is p"s obligé de ré"gir, m"is il dis"it tellement de
contre-vérités… Bon, il y " "ussi une voc"tion un peu comique d"ns le truc.
Jʼespère être une ou deux fois drôle. Enfin, je crois. M"is jʼ"v"is p"s envie de
mʼemmerder 1 écrire, pour le coup. P"rce quʼil y "v"it un truc simple 1 dire en
gros : « tu nous ,ccuses dʼêtre des ,ngélistes, et donc je voudr,is juste te
r,ppeler quʼen 2006, jʼ,i écris des p,ges qui prôn,ient le f,it quʼil y ,v,it de
lʼ,ntisémitisme en b,nlieue. Donc voilR, je v,is te les lire, et puis ,u revoir ».
« T# gueule, V#l, l#isse-moi tr#nquille. F#is t#
merde » Fr#nçois Bég#ude#u Z propos de Philippe V#l.
D#ns les f#meux intellectuels dont on p#rl#it tout Z lʼheure, il y en # un qui
# dirigé une collection d#ns l#quelle vous #vez publié un bouquin [Anti-
m1nuel de l1 littér1ture, NDLR], cʼest Michel Onfr#y. Quels r#pports vous
#vez #vec lui ? Cʼest votre cop#in ?
P"s du tout. On se conn"ît p"s. Il " même gueulé. Cʼest vr"i que cʼest lui qui "
inventé le concept dʼ « "ntim"nuel ». Son Antim,nuel de Philosophie sʼest
be"ucoup vendu. Et donc "ux éditions Bré"l, ils ont décidé de décliner le truc.
Ils ont dem"ndé 1 Bern"rd M"ris de f"ire lʼ,ntim,nuel dʼéconomie, et 1 moi de
f"ire lʼ,ntim,nuel de littér,ture. M"is Onfr"y " f"it un procès 1 Bré"l, p"rce
quʼil considér"it que lʼest"mpille ét"it 1 lui, quʼil lʼ"v"it breveté, ce qui nʼest p"s
vr"i. Déj1 1 lʼépoque, jʼ"v"is mesuré 1 quel point ce libert"ire ét"it
extrêmement "utorit"ire. Ç" f"it longtemps que je pense que cʼest un f"ux
libert"ire, un f"ux nietzschéen… tout ce qui est en tr"in dʼ"pp"r"ître en ce
moment.
– Propos recueillis p#r M#rtin C#ye & M#rti#l R#tel

Fr"nçois Bég"ude"u 
«Qu'est ce qui continue du punk rock d#ns m# f#çon d'écrire ? » 
INTERVIEW ET PHOTO / ARNAUD BÉNUREAU 
Le livre " été un succès en libr"irie. Lʼ"d"pt"tion "u ciném", une P"lme dʼor.
Fr"nçois Bég"ude"u, "uteur dʼEntre les murs, revient sur cette expérience.
M"is "ussi sur le FC N"ntes, le business littér"ire et le punk rock.

Vous #vez p#ssé votre jeunesse Z N#ntes. D#ns quel environnement


culturel #vez-vous gr#ndi ? 

 Je suis fils de profs. Donc cl"sse moyenne, petite bourgeoisie. Mes p"rents
nʼét"ient p"s des intellectuels. À l" m"ison, nous étions incités 1 lire. M"is jʼ"i
vr"iment découvert l" littér"ture tout seul. À lʼ"dolescence, jʼ"i commencé 1
lire be"ucoup de cl"ssiques. S"rtre, C"mus ou Céline r"isonn"ient en moi p"r
r"pport 1 des questions philosophiques ou politiques que je pouv"is me poser.

Associez-vous l# lecture Z une drogue ? 

 P"s vr"iment. Cʼét"it import"nt. Jʼ"v"is envie dʼy cons"crer du temps. En


même temps, je mʼ"mus"is. Je f"is"is du foot d"ns un club "ssez "necdotique.
Et puis, il y "v"it le rock, m" deuxième p"ssion. Mon gr"nd frère mʼ" be"ucoup
"idé et mʼ" s"uvé de l" ch"nson fr"nç"ise. À huit "ns, jʼ"v"is déj1 du Rolling
Stones d"ns les oreilles.
En 1992, #vec des #mis étudi#nts, vous créez le groupe punk rock
Z#briskie Point. Sʼ#git-il de votre première expérience littér#ire ? 

 Ado, jʼ"v"is v"guement gribouillé des poèmes. L1, ce sont des textes de
ch"nsons dont on s"it quʼils seront entendus et publiés. Cʼest l" première fois
que je donn"is 1 lire des choses.
Ensuite, il y # Jouer juste, monologue dʼun entr#îneur. Même si ce premier
livre dép#sse le c#dre du sport, vouliez-vous évoquer votre p#ssion pour
le foot ? 

 Cette p"ssion remonte 1 lʼenf"nce. Jʼét"is un f"n "bsolu du FC N"ntes.


Dʼ"bord p"r proximité géogr"phique. Puis p"r "dhésion philosophique. Cette
p"ssion mʼest restée. Cʼest vr"i que ç" " donné un livre. Je lʼ"i écrit pend"nt
lʼété 2001. N"ntes ven"it dʼêtre ch"mpion. Cʼest lʼéquipe de Reyn"ld 
Denoueix. Jʼ"i une p"ssion pour elle. Ce qui se joue d"ns cette équipe v"
be"ucoup plus loin que le foot. Cʼest de l" philo.
Comme quoi le FC N#ntes ser#it une équipe de g#uche. 
 Cʼest très compliqué. D"ns le livre, il y "v"it cette mét"phore politique qui "
éch"ppé 1 tout le monde. Ce collectif ét"it un peu le communisme qui se
ré"lis"it. De ce point de vue, N"ntes est une équipe de g"uche. M"is, et cel"
est très biz"rre, les c"dres du club ont toujours été de droite. D"ns son st"ff, le
FC N"ntes est un club de centre-droit.
Avec le recul, comment #n#lysez-vous le succès de Jouer juste ?

 Sur six cent livres sortis 1 l" rentrée, il ne dev"it p"s être lʼun des plus
m"uv"is. Il "v"it des "rguments presque m"rketing. Il ét"it sexy. Les footeux
sʼy retrouv"ient. Et il p"rl"it dʼ"mour, un sujet universel. Surtout, il ét"it court. Il
ne f"ut p"s oublier ce dét"il fond"ment"l qu"nd on conn"ît le fonctionnement
de l" presse que je conn"is bien m"inten"nt. Jouer juste ét"it pitch"ble.
Jʼutilise le mot pour être 1 fond d"ns le voc"bul"ire m"rketing.

Plus un livre est f#cile Z pitcher, plus il rencontrer# un succès ? 

 Souvent, un livre v" "voir un buzz non p"s en fonction de son contenu, m"is
en fonction de signes extérieurs : son thème et l" perception que lʼon se f"it de
son pitch. Entre les murs " été un gros succès. P"r son pitch, lʼécole, il est très
"ttr"ctif. On v" nous r"conter ce qui se p"sse 1 lʼintérieur. Cʼest pourquoi
be"ucoup de gens se sont précipités sur le livre. Ce qui nʼ" rien 1 voir "vec s"
qu"lité. Il y " une dict"ture du sujet. Lorsquʼun livre " un sujet évident, il est
f"cilement vend"ble.
L# genèse dʼEntre les murs ét#it-elle ég#lement évidente ? 

Lʼidée mʼest venue lors de mon "rrivée 1 P"ris. En 2002, jʼenseigne d"ns un
collège. Et "u début de lʼ"nnée 2003, je commence 1 prendre des notes. Je me
dis quʼil y " peut-être un livre 1 f"ire.
Lʼenvis#giez-vous comme un exutoire ? 

 Cert"inement p"s. Cʼét"it une discipline. Ch"que soir, je me dis"is : « Allez


v"s-y ! Tu es crevé, m"is prends une demi-heure pour r"conter ». Jʼ"i fini p"r
"ccumuler be"ucoup de m"tières. Puis, jʼ"i commencé 1 t"iller, débrouss"iller,
polir. Jʼ"i f"it lire ç" 1 un pote. Il mʼ" dit : « Mon vieux, tu "s un livre et il v"
f"lloir y "ller ». Et il " "jouté : « Tu "s un tube ». Comme quoi il " été "ssez
cl"irvoy"nt.
Lʼ#d#pt#tion #u ciném# ét#it-elle une ét#pe n#turelle ? 

 Je voul"is que le livre soit lu. Très vite, jʼ"i compris quʼil "ll"it susciter le désir
dʼ"d"pt"teurs. Jʼ"i vu "rriver des projets de gens pour lesquels jʼ"i peu de
respect. Le peu de respect que jʼ"v"is pour eux, je lʼ"v"is écrit d"ns Les
C"hiers du ciném". Évidemment, ces gens-l1 ne les lisent p"s. M"is quʼils
sʼintéressent 1 un livre comme Entre les murs me les rend"it plus
symp"thiques.
Fin#lement, L#urent C#ntet # ré#lisé cette #d#pt#tion. Peut-on, lZ #ussi,
p#rler dʼune évidence ? 

 Psychologiquement, nous sommes différents, m"is très sembl"bles


sociologiquement et politiquement. Nous venons des mêmes milieux, "vons eu
l" même enf"nce et "vons les mêmes repères. Ç" soude be"ucoup.
Vous #vez écrit Entre les murs, #vez p#rticipé #u scén#rio et êtes dev#nt
l# c#mér#. Nʼest-ce p#s trop ? 

 Évidemment, des gens pourr"ient dire : « Le mec c"pit"lise son truc ». Surtout
quʼune pièce de théUtre est en cours. Depuis Entre les murs, jʼ"i écrit deux
livres. Et deux "utres vont être publiés bientôt. Libre 1 ces gens de sʼy
intéresser. Moi, je ne mʼ"rrête p"s 1 ç". Jʼen "i même plutôt r"s le bol dʼen
p"rler.
De l# P#lme dʼor #ussi ? 

 Ce nʼest p"s un r"s le bol. Je nʼ"i rien 1 en dire.


Cette récompense ne vous #-t-elle p#s poussé encore plus loin d#ns le
tourbillon médi#tique ? 

 Ç" ne sʼest p"s "rrêté. Et ç" ne v" p"s sʼ"rrêter.


Avez-vous pensé Z dire stop ? 

 Les interviews me permettent de mʼexprimer plutôt que ce soit les "utres qui
p"rlent pour moi. Cʼest nʼimporte quoi. Même les éloges. Les critiques sont
souvent insult"ntes. Cʼest norm"l. Il nʼy " p"s de tr"v"il derrière. Les portr"its
se réduisent 1 l" littér"ture et "u punk rock. Jʼ"ttends quʼon f"sse le lien.
Quʼest-ce qui continue du punk rock d"ns m" f"çon dʼécrire ? Je pense quʼil y
" quelque chose qui " continué de lʼun 1 lʼ"utre.
Vous êtes scén#riste, #uteur ou encore critique. Nʼ#vez-vous p#s peur de
vous disperser ? 

 Je me pose l" question tous les jours. Pour lʼinst"nt, jʼ"i lʼimpression que tout
profite 1 tout. Écrire sur le ciném" mʼ" rendu meilleur écriv"in. Écrire des livres
me rend meilleur critique. En terme de form"tion, dʼentr"înement et de
perfectionnement, jʼ"i g"gné 1 écrire des choses différentes.
Vous f#ites ég#lement p#rtie du Collectif Othon Z lʼiniti#tive de films et
d#ns lequel on retrouve dʼ#nciens Z#briskie Point. Nʼest-ce fin#lement p#s
lZ que vous vous ressourcez ? 
 Cʼest tout ce que je préfère d"ns m" vie. Ces gens-l1 sont vr"iment mes "mis.
On est bien ensemble. On crée en rigol"nt. Et on rigole en cré"nt. Cʼest l" vr"ie
b"se "rrière. Avec eux, je suis le mec que jʼ"i envie dʼêtre : un bon c"m"r"de. 

Entre les murs. 


Sur les écr#ns le 24 septembre.

Fr#nçois Bég#ude#u - Propos recueillis p#r Pierre Notte


Fiction document#ire pour choc front#l
Au ciném", en littér"ture comme "u théUtre, cʼest l" fiction "ssumée, le
spect"cle du f"ux qui mʼintéresse, ou 1 lʼex"ct opposé, lʼinvit"tion du réel d"ns
lʼ"rt. L" demi-mesure mʼennuie. Je pose ici lʼhypothèse dʼun "bsolu ré"lisme.
Je voul"is que lʼesp"ce de l" scène coïncide p"rf"itement "vec le s"lon, le lieu
de l" fiction. Lʼ"ction ou lʼ"bsence dʼ"ction se déroule en temps réel, "u temps
présent, immédi"t. Je mène un tr"v"il sur l" l"ngue pour f"ire en sorte que
ch"que personn"ge p"rle de m"nière ré"liste. Les dépl"cements doivent rester
crédibles d"ns un esp"ce réel. Une femme revient sʼexpliquer "vec lʼhomme
quʼelle quitte. Cʼest r"dic"l, presque expériment"l. Les qu"tre personn"ges, les
deux "dolescents et les p"rents ont ch"cun leur l"ngue et leur m"nière de
p"rler. Mon p"rti pris ici nʼest ni littér"ire ni poétique. Un g"min de vingt-cinq
"ns ne p"rle p"s comme son père cinqu"nten"ire. Une "dolescente ne p"rle
p"s comme s" mère. M"is il y " un b"in commun où lʼon retrouve une or"lité,
une trivi"lité de l" p"role. D"ns Entre les murs, texte très di"logué, on
distingu"it l" l"ngue des profs et celles des élèves, plus "rgotique. M"is tous
"v"ient un r"pport commun 1 lʼor"lité. Ici, cʼest le père qui possède une l"ngue
plus chUtiée. Il est écriv"in, un peu condescend"nt, il prononce volontiers
les « ne » des phr"ses nég"tives, "lors que tout le monde les bouffe. Lui les
"ffecte. Cʼest s" m"nière 1 lui de se relever, "lors quʼil est lʼhomme blessé,
éconduit, humilié. Cʼest un moyen de retrouver s" vertic"lité, s" dignité perdue.
Il lutte contre les insultes qui lui viennent 1 l" bouche. Il f"it des formules et des
phr"ses. Il use de son intelligence, il bétonne s" l"ngue pour écr"ser et punir l"
femme qui le quitte, l" prendre en déf"ut et reprendre le dessus.

Une ém#ncip#tion, une libér#tion féminine


Ce ne sont p"s t"nt les sentiments qui mʼintéressent, que les mod"lités de
lʼexistence 1 deux, une fois que le postul"t de lʼ"mour est posé. Comment f"ire
pour ne p"s se comporter en crétin ou en destructeur ? Comment f"ire pour
que lʼ"mour ne se tr"nsforme p"s en h"ine ? Comment ici, les qu"tre
personn"ges vont négocier une rupture? Comment sortir de ce vir"ge ? Ils vont
tous les qu"tre, ensemble, en sortir p"r l" p"role. Le père et le fils f"ce 1 l"
mère et 1 l" fille. Le premier réflexe est de punir, dʼétr"ngler lʼ"utre, de lui f"ire
p"yer ce que lʼon estime être une f"ute. Puis il y " une évolution vers un
consentement possible. L" femme, elle, opte pour l" cl"rté, l" tr"nsp"rence.
Elle veut nommer les choses. Dʼ"bord p"r une lettre. Puis p"r l" p"role. On
peut observer que le problème nʼest j"m"is "bordé directement d"ns les
ruptures : les disputes esquivent lʼessentiel. Les uns donnent des "rguments
f"ux pour ne p"s "voir 1 "vouer que lʼ"mour est mort, et en f"ce, les "utres se
foc"lisent sur l" forme et contestent l" méthode. Or, le vr"i problème, quitte 1
"ller vers une vérité cruelle et crue, se résume simplement 1 « je ne tʼ"ime
plus. » L" tr"dition théUtr"le des personn"ges féminins qui sʼém"ncipent
mʼintéresse be"ucoup, je voul"is créer une figure de l" libér"tion de l" femme,
doublé dʼun dépl"cement de l" mor"le. L" mor"le bourgeoise peut encore se
résumer 1 : « sois fidèle et nʼécoute p"s ton corps. » L" femme ici prétend que
l" vertu consiste 1 écouter son corps. Elle prône lʼhonnêteté du dép"rt. On "
toujours imposé "ux femmes de penser dʼ"bord 1 leurs enf"nts, 1 leur m"ri, 1
lʼéquilibre de leur milieu soci"l. Celle-ci choisit de penser dʼ"bord 1 son pl"isir.

F#mille, #gor# démocr#tique ou c#ge de monstres


L" f"mille est souvent le lieu du secret, du non-dit. Annie pense que l" p"role
ne nuit p"s "u bonheur. On considère souvent que lʼh"rmonie est tribut"ire du
silence m"intenu, des vérités occultées qui préservent l" sérénité. Je voul"is
tr"v"iller sur une f"mille qui deviendr"it une "gor" possible, où l" discussion
ser"it possible. Les qu"tre personn"ges restent ensemble d"ns un esp"ce
utopique où l" délibér"tion est démocr"tique, s"ns t"bou ; les p"rents et les
enf"nts p"rlent de leur sexu"lité, sujets délic"ts, difficiles, m"is ils en p"rlent.
Tout ce qui est dit peut-être entendu p"r tout le monde 1 tous moments. Je
voul"is l1 "ussi éviter l" crise. L" fiction repose toujours sur un événement
exceptionnel qui "ppelle une résolution exceptionnelle, cʼest le gr"nd
mensonge de lʼ"rt. Mon p"rti pris est celui de lʼ"nti-crise. Nous sommes d"ns
une crise, m"is son tr"itement est non dr"m"tique. Annie nʼ" de cesse de
r"ppeler quʼil ne sʼ"git p"s dʼun dr"me. Il nʼy " ni conflit ni "ffrontement, cʼest
un « non événement ». Elle v" jusquʼ1 prouver quʼ"u bout du compte, tout le
monde finir" p"r sʼy retrouver. Elle v" jusquʼ1 retourner "utrement les termes
de l" question : « m"is en quoi est-ce vérit"blement un problème que je mʼen
"ille ? » Elle insiste f"ce 1 Alb"n, son m"ri, qui exige l" crise, qui " besoin de l"
violence. Comme tout le monde, il veut dr"m"tiser. Le metteur en scène
Arn"ud Meunier et moi-même nous sommes entendus 1 ce sujet, cel" lʼintrigue
et le tente ; cet "spect non dr"m"tique et contre théUtr"l.
fr#nç#is
● Fr"nçois Bég"ude"u : un « vin"verien...

● R"pprocher les rom"nciers des pl"te"ux...

● Entretien

Pour #ller plus loin


Vous souh"itez proposer une piste de réflexion sur le contenu de cette
p"ge ?
P"rt"gez vos pistes de tr"v"il en cl"sse "vec les "utres enseign"nts !
Ajoutez une piste de réflexion !

« Êtes-vous bien représentés ? » est une question récurrente posée #ux


interven#nts de ce document#ire…
Plus précisément : «est-ce que vous vous sentez représentés ? » Jʼ"i
pr"tiquement ouvert toutes les discussions "vec cette question un peu brute.
Cʼét"it une "morce, plus quʼune fin en soi, c"r "u fond l" question de l"
représent"tion est second"ire. Lʼidée est dʼen "rriver, p"r ce déclencheur, 1 l"
question démocr"tique. En privilégi"nt lʼexplor"tion concrète de lʼexpérience de
mes interlocuteurs. Lʼun sʼest présenté sur une liste municip"le, lʼ"utre "nime
des "teliers de concert"tion, un "utre est président de l" M"ison de lʼEurope,
un "utre est étudi"nt, etc. Je les f"is tous p"rler depuis leurs positions
singulières.
Pend#nt ces di#logues, vous #vez choisi dʼêtre d#ns le pl#n.
Cʼest précisément une f"çon de signifier quʼil ne sʼ"git p"s dʼentretiens m"is de
di"logues. Je me l"isse l" possibilité de ré"gir, dʼobjecter, de prolonger une
réflexion du vis-1-vis, comme on le f"it d"ns un di"logue, un logos 1 deux.
Cʼest be"ucoup plus viv"nt, et surtout, je crois, be"ucoup plus conforme 1
lʼhumeur démocr"tique, qui postule lʼég"lité des interlocuteurs. Ch"cun est, "u
pied de l" lettre, mis sur le même pl"n. Il ét"it hors de question pour moi de
reconduire ce drôle de dispositif de lʼintervieweur invisible, qui p"rle depuis un
non-lieu, voix de personne ou de Dieu qui sʼexclut du cercle des ég"ux, et
l"isse entendre quʼil occupe un point neutre. L" b"se de l" l" démocr"tie, cʼest
quʼil nʼy p"s de point neutre, p"s de point objectif, p"s de point expert. Nous
sommes tous emb"rqués, donc je mʼemb"rque d"ns le film.
Comment #vez-vous choisi/trouvé les « personn#ges » ?
Ce film est venu dʼune idée dʼAntoine Glém"in, le producteur. Lequel officie en
M"yenne. Il y "v"it donc déj1 cette délimit"tion territori"le, et jʼ"ime "ssez
lʼidée, jʼ"ime bien quʼun film, comme chez Rohmer, soit dʼ"bord b"lisé p"r un
lieu. Ensuite jʼ"i dit "ux gens de lʼéquipe qui h"bitent d"ns le coin : r"menez-
moi nʼimporte qui. Je ne voul"is surtout p"s entrer d"ns une logique de p"nel :
un noir, une retr"itée, un "griculteur, un homosexuel, etc. Même si cette
logique revient "u g"lop "u mont"ge, où on se voit créer des équilibres. M"is
vr"iment lʼidée ét"it de p"rler "vec nʼimporte qui. Avec quiconque le désirer"it.
Le désir me semble un très bon critère de sélection.
Y compris #vec le premier venu, sur le m#rché.
Oui, on sʼest dit quʼon "ll"it tenter l" démocr"tie version JT, cʼest 1 dire le
micro-trottoir. Qui " produit ce quʼil produit "u JT : nʼimporte quoi. On en " f"it
lʼouverture du film, en le tir"nt vers l" comédie. Le micro-trottoir, cʼest p"s
sérieux. C" f"it qu"r"nte "ns quʼon le dit, et qu"r"nte "ns que ç" dure.
Il y # des scènes qui semblent plus écrites.
Cʼest une hybrid"tion quʼon sʼest be"ucoup "utorisé "vec mes "mis du collectif
Othon, not"mment d"ns Conte de Cergy, "près bien dʼ"utres document"ristes.
Pour moi lʼinjection de fiction d"ns un document"ire est n"turelle. Ici cʼest p"rti
de lʼenvie de f"ire quelque chose "vec deux de mes interlocuteurs, qui
mʼ"v"ient be"ucoup "musé, et que je s"v"is c"p"bles de tenir un texte. Cʼest
comme ç" quʼont surgi lʼidée du c"v"lier et celle du premier ministre.
Il ressort de tous ces éch#nges une cert#ine perplexité sur lʼét#t de l#
démocr#tie. A commencer p#r l# vôtre.
Pour ce qui me concerne, l" c"use est presque entendue : il y " une "ntinomie
entre le régime représent"tif où nous vivons et lʼidée démocr"tique. Et puis un
régime pensé pour ne f"ire j"m"is "dvenir "u pouvoir des gens des cl"sses
popul"ires, son compte démocr"tique est réglé. Mes interlocuteurs sont
p"rfois tout "ussi r"dic"ux sur le const"t, et en même temps l" plup"rt
continuent 1 jouer ce jeu, ce qui ne l"isse p"s de mʼétonner. En gros : le vote
est bi"isé et ne sert 1 rien, m"is on vote. Cel" dit le film ess"ie de ne p"s sʼen
tenir l1, et de prendre le sujet p"r des "ngles plus précis, liée 1 des
expériences subjectives : "vec lʼun on p"rler" de l" démocr"tie 1 lʼéchelle
européenne, "vec un chevrier de s" lutte solit"ire contre lʼusine chimique qui "
pollué ses terres, "vec un ch"rgé dʼ"ff"ires de l" démocr"tie en entreprise,
"vec un élu FN de s" vision du peuple, "vec une "utre du « coll"bor"tif », etc.
Et quelques solutions sont #bordées…
Des solutions, non. Le film nʼ" p"s cette voc"tion. A l" rigueur, en y repens"nt,
je me dis que je cherche plutôt lʼ"porie, cʼest 1 dire lʼimp"sse intellectuelle. P"r
exemple "vec l" sén"trice, je tUche de mettre "u jour les contr"dictions entre
ses intentions démocr"tiques et le système représent"tif "uquel elle demeure
"tt"chée. Une imp"sse "pp"r"ît. Et donc l" nécessité dʼinventer "utre chose.
Cʼest mon coté Socr"te de L"v"l.
Cet « #utre chose » est peut-être figuré p#r l# scène fin#le, #vec ces
enf#nts qui délibèrent entre eux.
Mon idée ici nʼest p"s : lʼ"venir est entre leurs m"ins. M"is de filmer une
situ"tion proto-démocr"tique : des gens discutent entre eux, en org"nis"nt le
dispositif de p"role. Il se trouve que ces gens ont entre 5 et 10 "ns, ce qui
"ccentue le coté quintessence de démocr"tie. M"is ce qui mʼintéresse cʼest le
geste premier de l" démocr"tie mis 1 nu : ç" discute. Ç" pense 1 plusieurs
voix.
Et les #nim#ux cʼest encore un st#de encore plus primitif de l# démocr#tie,
non ?
Les "nim"ux sont dʼ"bord mes "mis. Et les meilleurs "mis du ciném". Il nʼy "
p"s figure plus ch"rism"tique quʼun "nim"l. Donc jʼen glisse dès que je peux.
Zol" dis"it : j"m"is un jour s"ns une ligne. Je dis : j"m"is un film s"ns "nim"ux.
Ç" tombe bien, l" M"yenne est un dép"rtement rur"l, il y reste quelques bêtes.
Plus be"ucoup, 1 vr"i dire, comme p"rtout en Fr"nce. M"is p"rfois, sur le bord
dʼune route, on trouve un Une, et cʼest une grUce.
Vous diriez que cʼest un film milit#nt ?
Un film politique. Pour une p"rt les deux termes sʼopposent, en tout c"s sur le
pl"n du ciném". Le ciném" milit"nt s"it ce quʼil veut dire, le ciném" politique
met en œuvre le questionnement. M"is je crois quʼun document"ire digne de ce
nom - celui l1 en est-il digne ? - est toujours politique, p"rce quʼil remet "u
centre le réel. Qui devr"it être lʼobjet exclusif de l" réflexion et de lʼ"ttention
politique. Ç" ne devr"it être que ç" l" politique : quelle est l" situ"tion et que
pouvons-nous f"ire ? Comment vivent les gens et comment pourr"ient-ils vivre
mieux ? Or, nous rem"rquons que 90% du comment"ire politique n'est p"s du
tout concerné p"r le réel. Cʼest un bien étr"nge renversement.
Le film sort en pleine c#mp#gne présidentielle, cʼest un h#s#rd ?
Aut"nt que le h"s"rd existe. L" f"çon dont on se p"rle d"ns Nʼimporte qui est
tellement 1 rebours de l" rhétorique présidentielle. Ce sont vr"iment deux
esp"ces hermétiques lʼun 1 lʼ"utre. A un moment, une mère est "vec son bébé
dev"nt l" télé où sont "nnoncés les scores du FN "ux Région"les de 2015. Elle
nʼ" p"s un reg"rd pour lʼécr"n.

Entretien "vec Fr"nçois Bég"ude"u,


ré"lis"teur de N'importe qui, Février 2017

L# Bonne nouvelle
de Fr#nçois Bég#ude#u
● L'éditeur
● Biogr"phie de Fr"nçois Bég"ude"u
 
● Présent"tion

● En s"voir plus

● Extr"its

● En scène (1)

● Le texte p"r l'"uteur

● Éduc

 
 

Entretien #vec Fr#nçois Beg#ude#u


Entretien ré#lisé d#ns le c#dre du dossier Pièce (dé)montée
Comment le projet est-il né ? Est-ce une comm#nde de Benoît L#mbert ?
Benoît L#mbert #-t-il im#giné le projet #vec vous #u dép#rt m#is s#ns
p#rticiper p#r l# suite Z lʼécriture ?
Ce nʼest p"s une comm"nde comme L" Devise lʼét"it. Benoît mʼ" dit : jʼ"i une
idée de pièce, un titre, des options génér"les, et jʼ"imer"is que tu lʼécrives. On
" be"u-coup discuté, déb"ttu, im"giné ensemble des p"rcours, des
personn"ges, des formes, et puis 1 p"rtir de mes notes je me suis l"ncé d"ns
lʼécriture.
Pourquoi le choix dʼune conversion des domin"nts ? Pourquoi ce p"r"digme
religieux ? Est-ce une « ruse dr"m"turgique » pour produire de l" théUtr"lité et
permettre "u déb"t dʼidées de p"sser l" r"mpe en f"is"nt rire ou est-ce un
signe des temps (cf. M"lr"ux « le xxie siècle ser" religieux ou ne ser" p"s ») ?
Signe des temps, sûrement p"s. En tout c"s nous l"issons 1 dʼ"utres cet
"spect-l1 des temps, déj1 l"rgement commenté. Ruse dr"m"turgique s"ns
doute un peu. M"is "ussi conséquence logique de nos réflexions : ce qui nous
intéresse, d"ns cette "ff"ire, cʼest l" croy"nce. Les libér"ux ne sont p"s
simplement des gens cyniques rivés "u profit. Pour une p"rt, et p"rfois en
gr"nde p"rt, ils "dhèrent 1 ce quʼils font ; ils épousent puis véhiculent un
système de v"leurs, dʼopinions, dʼ"ffects, et en dernière inst"nce de
croy"nces. Cʼest p"r l1 que le succès du libér"-lisme recoupe le f"it religieux.
On s"it dʼ"illeurs les nombreux croisements entre le c"pit"lisme et l" religion –
not"mment le protest"ntisme.

Il y " "ussi que nous r"contons des gens qui ch"ngent. Or je suis "ssez
dubit"tif en génér"l sur l" c"p"cité des individus 1 ch"nger r"dic"lement. Je
suis not"mment peu conv"incu p"r ces films édifi"nts qui montrent un c"dre
qui pend"nt trente "ns " servi loy"lement s" boîte, et qui soud"in prend
conscience que tout ç" est v"in, "bsurde, nuisible, immor"l, etc. Ce point
philosophique – est-il possible de ch"nger de système "ffectif ? – " été lʼobjet
de bien des discussions "vec Benoît, et cʼest d"ns ce c"dre que le motif de l"
conversion (et non p"s de ch"ngement) dissipe mes réticences : en
r"dic"lis"nt l" mut"tion, en l" théUtr"lis"nt, on l"isse entendre que nous ne
sommes p"s complètement dupes de ce que nous r"contons ; que nous
"ssumons lʼ"spect improb"ble, et mir"culeux "u fond, dʼun tel revirement.

Est-ce quʼon peut p#rler dʼun dispositif ironique d#ns l# mesure où leur
conversion consiste Z ne plus croire ? Ou est-ce simplement une référence
#ux communistes repentis ?
Toute conversion, " fortiori religieuse, consiste dʼ"bord 1 se déprendre dʼune
croy"nce précédente, jugée f"l- l"cieuse et/ou v"ine. Vous croyez d"ns le ve"u
dʼor, vous croyez "ux l"uriers dʼici b"s, "b"ndonnez tout ç", dévêtez-vous en
pl"ce publique comme Fr"nçois dʼAssise. Cel" ét"nt posé, il est difficile de ne
croire 1 rien. Souvent il sʼ"git de substituer une croy"nce 1 une "utre. M"is sur
l" nouvelle croy"nce de nos év"ngélistes, nous "vons choisi de ne p"s dire
gr"nd-chose. Je dis plus loin pourquoi.
Ce qui est sûr, cʼest que nous jouons, non s"ns une cert"ine "llégresse rev"n-
ch"rde, sur le p"r"llèle "vec les communistes repentis. Il sʼest be"ucoup dit
que les communistes ont cru, ont été "veuglés, puis sont revenus de lʼerreur en
se rend"nt enfin "u ré"lisme dont les libér"ux se t"rguent. Nous disons une
chose simple : en t"nt quʼil procède de lʼ"cte de foi, le ré"lisme libér"l nʼest p"s
du tout ré"liste, s" r"tion"lité p"s du tout r"tionnelle ; ses "gents sont "ussi
"veugles, "ussi idé"listes que j"dis le plus obtus des st"liniens.
Pourquoi le choix dʼun t#lk show ? Y#-t-il une dimension s#tirique p#r
r#pport #ux médi#s ? Est-ce une simple cit#tion de notre époque ? Ou
encore un désir de créer « du » jeu ?
Ni intention s"tirique, ni cit"tion – Benoît tr"v"ille même en ce moment 1
déconnecter ces formes de tout référent, en sorte quʼ1 "ucun moment on ne
tombe d"ns l" p"rodie, le p"stiche. Simplement, ces formes sont, 1 leur
m"nière, du théUtre. Je mʼét"is dʼ"illeurs déj1 servi du dispositif « t"lk-show »
pour Non réconciliés. Quoi quʼon en pense, ces dispositifs "udiovisuels ont
quelque chose 1 voir "vec le théUtre itinér"nt, les tréte"ux de vill"ge en vill"ge.
À leur m"nière, elles p"rticipent du spect"cle édifi"nt. Et cʼest bien ce que
proposent nos six convertis.
Pour moi ces formes sont de l" théUtr"lité offerte. Et "ussi des vecteurs de
comique. Puisquʼil ét"it entendu dès le dép"rt que l" pièce sʼ"v"ncer"it d"ns
un écrin de drôlerie, 1 l" fois p"r c"lcul (pl"ire pour mieux ins- truire) et p"r
tempér"ment des deux concepteurs du projet.
L# dimension de spect#cul#ris#tion du rituel (présent d#ns les messes
év#ngélistes) est-elle #ut#nt, pour vous, une source dʼinspir#tion que l#
dimension télévisuelle ?
Tout ç" cʼest du théUtre, et le théUtre "ur"it tort de ne p"s sʼ"dosser 1 ces
formes, de ne p"s "ttr"per un peu de leur puiss"nce dʼ"ttr"ction, de
f"scin"tion, de divertissement.
Vous #vez déjZ modifié un peu le texte #près l# sem#ine de répétition de
juin. Est-il définitif ou #llez-vous encore le modifier si vous #ssistez #ux
répétitions de septembre ?
Je ne p"sser"i "ux répétitions de lʼ"utomne que pour s"luer "mic"lement l"
troupe. A priori, je ne toucher"i plus "u texte. Jʼ"i rendu une version définitive 1
Benoît en juillet. À un moment il f"ut que le texte soit composé. Ne ser"it-ce
que pour que les comédiens commencent 1 se lʼ"pproprier. Reste quʼil est
évident que le texte donné le 3 novembre ne ser" p"s équiv"lent 1 son ét"t
écrit. Il y "ur" quelques coupes, des "justements. Je me tiens 1 l" disposition
de Benoît pour retoucher tel ou tel p"ss"ge si le tr"v"il en pl"te"u lui f"it
"pp"r"ître quʼil fonctionne moins bien.

Quelles sont les modific#tions les plus import#ntes ? Avez-vous plutôt


tr#v#illé #vec l# gomme (pour l# rhétorique télévisuelle not#mment, ou l#
disp#rition du jeu « Le juste mot » ?)
Entre l" version pré-juin et post-juin, il y " énormément de corrections de
dét"il. Des mots ou phr"ses qui, dites sur le pl"te"u, mʼont semblé f"ibles ou
perfectibles. M"is "ussi des "jouts ou modific"tions plus consé- quents, et liés
"ux réflexions menées "vec Benoît et lʼéquipe pend"nt ces cinq jours de juin.
Quʼest-ce qui vous # guidé pour redistribuer différemment cert#ines
répliques ? Le jeu des #cteurs, le rythme de l# p#rtition... ?
Le critère est v"ri"ble : p"rfois cʼest technique (tel personn"ge ne peut p"s
dire ç" 1 ce moment-l1 c"r il f"it ci), p"rfois music"l (je tr"v"ille be"ucoup sur
les effets de ch"nt collectif, de polyphonie). P"rfois il mʼest "pp"ru que tel
propos ir"it mieux 1 ce personn"ge, telle ton"lité 1 tel comédien, etc.
Pourquoi #voir p#rticulièrement modifié les deux premières p#ges ?
Suggestion de Benoît. Le bout 1 bout donné en juin lui " f"it "pp"r"ître que l"
première p"rtie ét"it "lors trop surch"rgée de formes, que l" f"nt"isie y pren"it
trop le dessus. Il cr"ign"it que tout cel" esc"mote lʼessentiel : le récit de six
p"rcours. Donc il me dem"nde dʼ"lléger. Et cʼest « Le Juste mot » qui p"sse 1
l" tr"ppe.
P"r "illeurs on " soustr"it le long exposé sur le c"pit"lisme qui soud"in nous
sembl"it trop théorique, "lors que ce qui nous importe cʼest des vies, des
interprét"tions subjectives de l" génér"lité c"pit"liste. Cʼest cette
subjectiv"tion qui g"r"ntit que L" Bonne Nouvelle ne soit p"s une dissert"tion
sur pl"te"u, m"is bien une pièce, composée de scènes.
Même si ce nʼest p#s une écriture de pl#te#u (puisque vous #vez écrit le
texte #v#nt les répétitions) pensez-vous #u pl#te#u, #ux #cteurs qui vont
le jouer qu#nd vous lʼécrivez ?
En perm"nence. Je ne peux p"s écrire une ligne de théUtre s"ns songer 1 son
inc"rn"tion concrète. A fortiori qu"nd je conn"is les comédiens, et quʼon " déj1
tr"v"ille ensemble.

L, Gr,nde Histoire est-elle votre première pièce pour le théUtre ? Depuis il y "


eu L, Devise et m"inten"nt L, Bonne Nouvelle. Pensez-vous poursuivre d"ns
lʼécriture dr"m"tique ? Quelles contr"intes ou "u contr"ire quelles libertés
offre-t-elle p"r r"pport "u rom"n ?
Pour mes précédentes pièces, les inform"tions sont disponibles. Depuis Le
Problème, écrit en 2007, jʼ"i peu chômé d"ns ce dom"ine.
A priori le genre rom"n est plus libre. Lʼ"uteur y est m"ître 1 bord. M"is je crois
quʼ"u théUtre on peut tout f"ire. Simplement une dimension y est centr"le : il
sʼ"git de verbe, toujours, m"is de verbe porté p"r des corps. De verbes en
situ"tion. Cʼest cet "spect qui mʼintéresse, et qui est be"ucoup moins
pr"tic"ble d"ns le rom"n.
Peut-on dire que L1 Bonne Nouvelle est #ussi une pièce sur le l#ng#ge
(son pouvoir, son non-sens, ses stéréotypes...) ?
Cʼest vr"i quʼici il est be"ucoup question de verbe, puisque, d"ns les
monothéismes comme d"ns le libér"lisme, les croy"nces sont portées p"r des
textes, ch"rriées p"r des mots. Des mots m"giques qui soutiennent l" liturgie –
ré"lisme, progrès, croiss"nce, libre concurrence, efficience du m"rché,
modernité. S"ns p"rler, d"ns un registre moins décisif et plus pittoresque, de l"
novl"ngue m"n"géri"le qui ét"ye les textes fond"teurs.
L" fin de l" pièce reste ouverte (question du complice qui met les convertis
f"ce 1 leurs contr"dictions). Quel type de r"pport im"ginez-vous entre les
convertis et P"trick qui leur ouvre les br"s ? Comment im"giner ce qui sʼest
p"ssé "près leur rencontre "vec P"trick « Après je tʼ"i rencontré » ? Y "-t-il
une dimension christique d"ns le personn"ge de P"trick ?
Benoît mʼ" dit que vous "viez pensé "u dép"rt f"ire dire 1 l" fin "ux
personn"ges : « Nous sommes des intermittents du spect"cle ». Pourquoi
"voir supprimé cette fin ? Je me suis permis ici de joindre deux de vos
questions, c"r elles "ppellent l" même réponse. Comme effleuré plus h"ut,
nous "vons f"it le choix de rester très év"sifs sur lʼ"près-conversion. Comment
vivent ces gens ? De quoi vivent-ils ? 
À cel" nous "vions quelques réponses, et p"r exemple celle des intermittents.
Occ"sion de dire que le st"tut est s"ns doute 1 lʼ"v"nt-g"rde dʼune réforme
génér"le du s"l"ri"t en temps de disp"rition m"ssive dʼemplois. M"is
fin"lement nous "vons estimé que ce nʼest p"s l" question, en lʼoccurrence. Et
Benoît cr"ign"it, 1 juste titre s"ns doute, que lors des représent"tions cet
"spect-l1 prenne le dessus. Que l" question du « comment vivre "près le
libér"lisme » occulte ce qui nous importe, 1 s"voir lʼ"n"lyse psychologique,
"ffective, structurelle, situ"tionnelle de ce quʼil fut, et des zél"teurs qui lʼont
f"it tenir si longtemps.
Les noms des personn#ges sont bibliques m#is p#s tous. Pourquoi ? Est-
ce pour ne p#s figer le sens en #ssoci#nt trop explicitement les
personn#ges Z des figures dʼ#pôtres ?
Un symbole devient lourd sʼil est systém"tique. Et puis les deux qui ne portent
p"s de prénoms bibliques sont, pour des r"isons différentes, un peu 1 p"rt :
lʼun p"rce quʼil est un dominé p"rmi les domin"nts, lʼ"utre p"rce quʼil est le
gourou, le révél"teur, le s"uveur, le gr"nd orchestr"teur de cette tournée
év"ngélique – et quʼ1 ce titre ç" nous "muse be"ucoup de lui donner un
prénom "ussi b"n"l (et "ussi un peu désuet, désuet comme le libér"lisme) que
P"trick. 
Prénom qui l"isse suggérer que, comme tout gourou – comme le Christ lui-
même ? –, ce m"ître de cérémonie est un peu un imposteur. Ou "v"nt tout un
entrepreneur de spect"cle. Ce qui nʼempêche p"s quʼil croie 1 ce quʼil f"it. Ce
nʼest p"s contr"dictoire. Nous voulons tenir cette "mbiguïté : ch"que soir, les
six rejouent leur conversion et, l" rejou"nt, l" revivent. Cʼest 1 l" fois f"ux et
vr"i. Cʼest du théUtre.

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