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Quaderni

Lieux et non-lieu de l'art contemporain


Anne Cauquelin

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Cauquelin Anne. Lieux et non-lieu de l'art contemporain. In: Quaderni, n°40, Hiver 1999-2000. Utopie I : la fabrique de l'utopie.
pp. 159-167.

doi : 10.3406/quad.1999.1434

http://www.persee.fr/doc/quad_0987-1381_1999_num_40_1_1434

Document généré le 29/09/2015


dossier

Les interrogations sur l'art actuel, tel qu'il


lieux et se pratique et se donne à voir (se met en
vue) naviguent entre les adverbes de
non-lieu temps et de lieu, et les adjectifs relatifs :
"Quel art est-il ?" demande l'un, "Quand y
a-t-il art ?" demande l'autre.
de Fart
Le soupçon est de mise, l'inquiétude, de
rigueur. La dénégation fleurit où la
contemporain
commémoration triomphe. Il y a bien de
l'art quelque part et surtout dans le passé ;
en quelque lieu, et surtout dans les
institutions. Hors de là, semble-t-il point
de salut. Est-ce là tout, et faut-il entériner
la disparition de l'art d'aujourd'hui parce
qu'il n'aurait ni lieu ni temps ?
Anne
L'embarras est grand - ce qui se voit aux
Cauquelin
titres donnés aux essais esthétiques :
"Antinomies de l'art contemporain",
Professeur à "Paradoxes de la modernité", "Triple jeu
l'Université de Picardie de l'art contemporain", "Complot de l'art",
CREDAP "Art en temps de crise", "Artistes sans
Université Paris I art ?", "L'art contemporain exposé aux
rejets", "Nous n'avons jamais été
modernes", "Art, contenu et
mécontentement", "La dé-définition de l'art",
"Subversion et subvention", "L'art
contemporain en question". . . La liste n'est
pas close, tant s'en faut.

Il semble qu'un souci de classement, de


rangement, hante ces différentes tentatives :

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Où mettre cet art encombrant ? Que faire Tonka, est architecte. Entre 70 et 80, le
avec ses diverses facettes ? Comment le mot est partout ; à mesure que l'utopie d'une
nommer ? Après tout, le désir de savoir ce révolution totale s'efface, l'analyse de
qu'il en est réellement de l'art et où nous l'utopie connaît un essor grandissant.
en sommes à ce sujet, répond à ce besoin
de sécurité qui hante les époques troublées, Une période de calme : l'après-après 68
où il est bien utile d'avoir un endroit où balaye les nostalgies, périme les élans,
poser les pieds et se confier à ses sentiments efface les avant-gardes ; l'utopie disparaît
en toute impunité. ("L'impunité de l'art" du vocabulaire - tout au moins de celui du
annonce en titre un autre essai). social et de l'architecture, aux prises avec
des réalités contraignantes, qui ne laissent
Il s'agit donc de trouver ce lieu ou ces lieux pas de place aux rêveries.
où l'on pourra déposer le fardeau que
constitue l'art contemporain. S'en En 90, timidement, l'utopie revient sous un
débarrasser ou le consacrer, c'est selon. déguisement inattendu : c'est l'utopie
technologique, revendiquée par ceux qui,
À ce point de la question, surgit comme hier encore, étaient la cible des utopistes
par enchantement et avec une récurrence branchés : les technologues et technocrates,
digne d'éloges la figure salvatrice de les investisseurs et les dirigeants. Le monde
l'Utopie. C'est en effet avec une régularité va changer grâce aux techniques nouvelles.
de balancier que l'Utopie fait son, ou plutôt L'utopie est positive, objective (basée sur
ses entrées dans l'histoire, la littérature, et des objets) et même en train de se réaliser
l'art. Presque tous les dix ans, le thème est sous nos yeux. En fait ce n'est plus de
remis au goût du jour ; les années 68 l'ont l'utopie, mais de la prospective.
vu triompher en philosophie et en
esthétique : Utopiques, jeux d'espaces de Quand le terme est employé dans le milieu
Louis Marin1 marque de son analyse la des nouvelles technologies, il n'emprunte
sémiologie littéraire et essaime vers ni ne réfère à l'art ou à la littérature. Et
l'architecture (Barthes s'essaye dans ce milieu même, il est utilisé avec
malencontreusement à l'appliquer à la ville). La prudence, comme gommé par le désir des
revue Utopie, rassemble des avant-gardes acteurs de se montrer efficace, tandis que
mêlées ; ici aussi c'est l'architecture qui est l'on voit poindre des termes qui viennent
motrice, le directeur de la revue, Hubert prendre la relève comme "imaginaire", par

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exemple, ou quelquefois (avec un rire non-lieu. A/topos, ou U/topos, un endroit
d'excuse) "fantasme". Si le mot Utopie qui se nie lui-même en tant que lieu : un
paraît c'est comme repoussoir : surtout ne lieu privé de lieu. Quelque chose comme
pas faire dans l'utopie... En effet, si une aporie (a/poros) privée d'issue.
aujourd'hui c'est déjà demain, à quoi bon
l'utopie ? Ce caractère constitutif d'un lieu qui n'a
pas sa place dans notre système d'espace et
L'art contemporain, de même, ne se définit se nourrit de sa négation, bien qu'on y fasse
pas comme utopie, surtout pas ; ni les référence de loin en loin, est assez peu
producteurs - artistes, ni les commentateurs exploité dans l'usage commun du terme.
- historiens, critiques et esthéticiens - n'y L'art contemporain, en revanche, va jusqu'à
font référence : ils s'en gardent bien, en épuiser quasiment les variations et
l'Utopie fait vieux jeu, elle est usée jusqu'à déclinaisons.
la corde. Elle aurait même un petit goût
d'avant-garde, très démodé, voire désuet. Que l'on pense au Land arfi et à "L *atelier
Curieusement, l'utopie naguère porteuse sans murm, que l'on pense aux installations
d'avenir (paradisiaque ou cataclysmique) ou à "L'esthétique de la ruem et de
est étudiée de manière rétrograde, c'est son l'éphémère, et l'on verra se dessiner cet
histoire passée qui intéresse les érudits. espace sans espace, ces hors les murs et hors
Cela est bel et bon, alors pourquoi tenter le les lieux, qui se constituent eux-mêmes en
diable en misant réapparaître cette antique lieu abstrait, celui de l'art contemporain.
figure passée de mode au point le plus actuel Pensons au "non-site" de Smithson, par
de l'événement de l'art ? C'est que sous lequel se définit non le lieu, mais l'uvre
divers aspects - et grâce à cette diversité qui donne son sens à l'espace, transformant
même - il me semble qu'art contemporain alors cet espace représenté topogra-
et utopie forment une sorte de couple qui, phiquement en non-lieu topologique,
pour autant qu'il ne dit pas son nom, régit déformable, réorientable, revisitable. Le jeu
les événements artistiques actuels. entre vide et plein (l'espace serait 'Vide"
avant l'uvre qui lui donne son sens
Un non lieu orienté, il ne se remplit cependant qu'en
s'évidant pour laisser place à l'uvre et
C'est d'abord, et le lecteur pardonnera le l'uvre elle-même se retire pour laisser
rappel de ce truisme, que l'utopie est un place à l 'espace) ; le jeu entre environ (flou)

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et objet (limité), dont le retournement imite controverses : l'artiste entre "subversion et
celui du vide et du plein; le jeu entre la subvention"5 passe aisément pour un
présence de l'uvre en l'absence d'objet; le simulateur et un profiteur : il gagne sur les
jeu final de l'effacement et de la deux tableaux, du côté de la critique du
désagrégation; et enfin l'ensemble que système, (le bon combat) et du côté de la
forment en une perpétuelle dialectique site/ mise en scène institutionnelle qui l'expose.
non site, uvre/non uvre. Tout cela nous
porte à lier le Land art et les mouvements Cette attitude même participe de ce lieu
qui s'y rapportent à l'utopie, si on la ambigu où l'utopie amorce une articulation
considère selon son étymologie, sans se entre réalité présente et changement
préoccuper de lui attribuer une valeur annoncé. Niant et déniant les deux versants
sociale ou politique. de la crête où elle se tient, l'utopie en est
exactement la ligne d'arête, que l'on appelle
Ici, en effet le jeu de lieux avec les lieux est critique. Sans être à proprement parler un
une manière de construire une pensée ou non-lieu ou dans un non lieu, l'art
une logique de l'utopie sans se soucier d'un contemporain est souvent et volontiers hors
destin plus ambitieux, concernant le lieu.
bonheur des peuples.
L'en-site
Un hors-lieu
Une autre manière d'envisager ce "dehors!"
Mais l'art d'un autre côté, s'emploie à sortir ou hors lieu, c'est de prendre acte de la mise
des chemins battus, à rompre avec les lieux à l'écart des tentatives les plus radicales de
instituts jusqu'à se constituer de ce dehors, l'art contemporain quand il s'oriente vers
comme rupture. La politique du "hors la technologie.
l'institution" est considérée comme une
espèce du vieil avant-gardisme, avant- On le sait, l'art technologique n'a pas bonne
gardisme qui a toujours un petit accent presse, au point d'ailleurs de n'avoir aucune
d'utopie, qu'elle soit revendiquée ou non. presse du tout, hors la sienne propre, qui
L'art contemporain entend camper hors des offre ses sites artistiques sur Internet. Ainsi
frontières, en même temps que par un retour le non lieu ou le hors lieu se transforment-
du déni, il prend acte et force de cet écart. ils, dans ce cas, en uin situ**, en-site ou
La situation est tendue, suscite des "sur le site".

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Or passer du lieu au site, et du site classique des fêtes et des sacrifices s'il arrivait qu'on
au site web, est une opération qui tient d'une les déloge de leur coin de bois. Essarter,
utopie active et cette fois à plusieurs débroussailler, déforester était criminel vis-
niveaux. Où, malgré ce qu'on dit de cet art à-vis des dieux d'arbres et de taillis ;
"nul" sans émotion, sans intervention de pourtant, il le fallait pour assouvir la faim
la chaleur humaine, on est porté à assigner et survivre, pour ensemencer et récolter,
contradictoirement un élan utopique à ses pour dresser ses propres maisons, et bâtir
productions artistiques. les cités. De ce locus ancien est restée l'idée
Contradictoirement, car on lui fait reproche de cet élan que tout lieu est lieu propre, lieu intime,
plein de chaleur et d'inventivité apparenté lieu-maison. Ancré. Amarré au sol qui l'a
à l'enthousiasme utopique, alors que, par vu naître. Et redevable de quelque
ailleurs, on lui reproche d'être trop collé à révérence aux dieux.
la réalité technique. . .
En même temps, le poids du sacré fait
Essayons donc d'élucider et ces contrariétés obstacle à la libre vacance de l'art. D'où
et l'état de la question. toutes sortes de contorsions pour échapper
au locus qui toujours quelque part vous
Qui dit non heu ou hors lieu est encore dans rattrape.
la problématique du lieu, le Land art le nie
pour le reconstruire, l'art contemporain le Avec le site (de "sistere ", résister) les dieux
met en balance, et tente de le faire tenir en des bois font place à la cavalerie, la
équilibre espérant que l'instabilité en forteresse et la ville assiégée. Le lieu gagne
conforte la réalité. en hauteur, le voilà devenu site, perché sur
une colline au flanc des toiles du
Mais à partir de ces lieux divers aussi quattrocento, dominant la campagne ou
critiqués qu'ils soient, passer au site est une ravagée ou fertile. Le seigneur du lieu
autre affaire, qui ne fraye plus du tout avec devenu site est tout puissant, c'est lui que
l'idée de lieu. l'on révère, et non plus les dieux, déjà
mythiques. Le locus a disparu. Mais la
Le site n'est pas un lieu : petite généalogie transformation du lieu en site n'est pas
terminée, le voici pacifique, juste un regard,
Lieu, le locus des latins, était sacré : y le temps de faire paysage : sito, en italien,
logeait l'esprit des Dieux à qui on devait ou panorama, point de vue. Les touristes

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arrivent, le site se vend et s'achète, un convenir à Yart contemporain, car, en
commerce s'instaure. On vend du site même temps qu'il offre des traits
comme un autre produit. Le locus est bien sensiblement comparables aux requisits
loin, pré-historique. d'une utopie de l'art façon "morale", il
convient aussi à une logique de l'art, plus
Encore un pas : c'est le lieu lui-même, intimement rigoureuse et dont on peut
comme partie d'une catégorie appelée remarquer les productions : listes,
"espace", qui disparaît dans son aspect enregistrements, effacements et
concret, repérable, charnel ; nous sommes recouvrements, cryptologie et archivages,
à l'ère de l'art technologique, le site est etc. Regardons ces deux aspects d'un peu
"immatériel", c'est un point sur le réseau. plus près :

L'utopie du site technologique et l'art dit Le techno-site artistique sous l'aspect


contemporain moral

Quel est donc ce lieu qui s'affiche sur écran, Avec les sites artistiques sur Internet on
et s'agit-il d'un lieu ? N'est-ce pas plutôt trouve réalisées dans des conditions
un "espace" sans qualification, abstrait - optimales les vux d'une avant-garde
si, par comparaison on se souvient du locus socialisante : l'ère de l'art pour tous est
qui plongeait ses racines dans le sol et arrivée : les biens culturels diffusés et
montrait un inviolable attachement à ce sol distribués équitablement.
originaire. Ici, l'espace flotte, vient et
repart, s'articule à telle ou telle des L'art n'est plus élitiste chacun peut avoir
sollicitations listées qui lui donne ses accès aux uvres et aux commentaires sans
caractéristiques et les modifient à volonté. que soit posées les barrières de la timidité,
Ce lieu qui n'en est plus un, cet espace qui du respect ou d'une vénération obligée
a du mal à coller avec la définition d'un devant les chefs d'uvre ; le sentiment de
espace topographique, cartographiable, aux gêne disparaît. On peut tranquillement
propriétés géométriques connues, porte le savoir qu'on ne sait rien et s'employer sans
nom de "site". honte à s'instruire. Premier pas d'une utopie
morale que le site technologique accomplit
Tel qu'il se présente, avec cet aspect de non- sans faiblir. Le second est plus osé, mais
lieu et de contr'espace, ce techno-site semble s'entoure d'une atmosphère morale impa-

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rable : non seule-ment l'uvre est à portée le site technologique est un lieu qui a
du regard de tout un chacun, mais on peut gommé ses caractéristiques de lieu, et peut
aussi interagir avec elle et avec l'auteur dès lors être revendiqué comme le "lieu
présumé ; l'interactivité facilite l'entrée en propre" de l'art son chez lui. Il ne s'ensuit
uvre de l'utilisateur du site : le voici pas forcément que les avantages de ce non-
auteur, acteur et producteur au même titre lieu soient ceux que je viens de décrire, ni
que l'artiste qui a proposé le jeu. non plus que les désavantages qui y sont
L'interactivité, enveloppée d'une aura de liés soient d'importance pour un art qui se
convivialité, de philanthropie, d'esprit de pense sur le mode technologique. C'est du
partage et d'amour sans frontières, est côté des processus de production-uvre que
devenue le credo technologique auquel il se porte l'art contemporain quand il
est malvenu de s'opposer. Une telle attitude emprunte au "site" des propriétés qu'il
de morale universelle - qui s'apparente aux redéploie pour lui même, je citerais
morales utopiques classiques - trouve de seulement quelques unes des propriétés que
quoi se nourrir dans les propriétés les artistes ont captées : l'inachèvement et
actualisées du site technologique. L'art la remodulation incessante de l'uvre qui
contemporain y rencontre aussi, réalisé, le exige une participation du spectateur-
vu de fuir l'institution muséale ou acteur, le travail à distance à des niveaux
galeriste, l'étroitesse des choix et celle des différents d'intervention. Le "lieu" de l'art
distributions : public élargi et contrainte, n'est plus ce qui est là, devant nous,
possibilité d'apparaître en toute liberté, sous forcément limité à notre rayon visuel, non
son propre nom et à toute heure, en tous plus ce qui environne de son non-lieu le
temps. Le site expose l'uvre et l'auteur lieu de l'uvre, mais l'espace entier de
déliés de contrats, sans obligation : ils toutes les connexions possibles où une
flottent dans un no man 's land idyllique et information artistique peut être envoyée,
réalisent pleinement cette liberté que la autant dire la planète et au-delà.
vulgate attribue à l'art et à l'artiste, dans le
concours universel des bonnes volontés. Faire apparaître, disparaître, stocker ou
transformer une information concernant
Le techno-site artistique et la logique l'art est le geste fondateur de l'art
utopique technologique. C'est en ce sens que l'art
technologique rejoint l'utopie : en utilisant
Quittons les douceurs éthérées de la morale, la logique du discours de fiction, pour

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maîtriser une uvre qui n'offre pas de aux chaussures était bien sympathique,
résistance matérielle (comme la toile, la nous devons pieusement nous en souvenir;
pierre, le fer ou les objets d'installation). mais déjà notre monde actuel a perdu son
De la même manière que l'auteur du récit centre, puisque les réseaux électroniques se
utopique maîtrisait seul une matière fluide croisant et se recroisant de manière serrée
et captive : la fiction dont il était le maître dans le cyberespace, la totalité des
absolu, jusqu'aux limites de la informations est présente en chaque point
vraisemblance, la matière de l'uvre technologique du réseau, sur chaque site ; il suffit de
est le réseau, soit une somme de données l'appeler, le réseau s'actualise en un instant
modifiables, une matière fluide, toujours en sous l'angle que l'on désire. Tout est là,
mouvement, sur laquelle le cybertartiste, toute information est affichable, tout
mais aussi son public, peuvent agir. transport effectuable. Ici virtuel et utopie
se confondent. Avec le virtuel le terme
Dans et par cet exercice le site devient même d'utopie est devenu inutile. En effet
aisément le monde, et l'artiste un utopiste que la partie égale le tout et le tout la partie,
qui vise au-delà d'un lieu déterminé, que le centre soit partout, c'est-à-dire nulle
agrandissant à la fois son "lieu-site" et ses part voilà les principes clefs bien connus
ambitions. Dès lors, souvent, la de l'utopie classique. Ils sont maintenant
mégalomanie le guette, semblable à celle de revendiqués par les tenants du techno-site
l'utopiste classique qui réforme des mondes artistique (le geste d'un Dieu créant le
imaginés et vise l'universel. monde est un geste d'artiste électronique,
du premier cyberartiste)
Le dernier projet de Fred Forest : "Le centre
du monde perdu et retrouvé, (à la recherche Ainsi, l'utopie, qu'elle soit seulement
du monde perdu et retrouvé sur le web et convoquée par analogie car elle rime avec
les réseaux) "6 est assez significatif de cet le non-lieu de l'uvre selon le Land art,
"Utopian world", ou monde futur, monde qu'elle soit plus explicitement présente dans
devenu non pas seulement possible mais le refus de l'institution par les nouvelles
éminemment probable ; le nouveau monde avant gardes, ou, enfin, qu'elle soit
sera configuré comme un site, même à directement et positivement exploitée par
considérer les quelques restrictions que l'art technologique, la logique de l'utopie
l'auteur pose sur le mode de la mélancolie : semble gouverner l'art d'aujourd'hui et peut
notre vieux monde avec ses lieux qui collent - c'est juste une proposition - servir de clef

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(une de celles qu'on a toujours déjà perdues) N
pour sa compréhension.

1. Louis Marin, Utopiques, jeux d'espaces, Éd


de Minuit, 1973.
2. Voir à ce propos le livre devenu classique de
Gilles Tieberghien, Le Land Art, Carré, 1992.
3. Marc Poinsot, L'atelier sans mur, Art-
Édition, 1991.
4. Esthétique de la rue, colloque d'Amiens,
L'Harmattan, 1999.
5. Rainer Rochlitz, Subversion et subvension,
Gallimard, 1994.
6. Un Projet de Fred Forest : L'espace Pierre
Cardin, centre du monde et de la communication
électronique planétaire, (Internet interactif)
jeudi 16 septembre 1999 de 18 heures à 22
heures.

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