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PARIS EN CHIFFRES LES PREMIERS ATLAS STATISTIQUES DE PARIS Par Gilles PALSKY Maitre de Conférences, Université de Paris-Val de Marne 61 av du Général de Gaulle - 94010 Créteil palsky@univ-parist2.fr UMAR 8504 Géographie-cités, Centre National de la Recherche Scientifique, Paris. Résumé Dans le dernier quart du XIXe siécla, les figures de statistique, cartes et diagrammes, sont de plus en plus nombreuses . Le livre est tra- vversé par obsession hygiéniste quant & la mortalité ur- bbaine :il représente une série tr8s complate de documents ‘sur la pathologie parisienne, tant épidémique qu’endémi- ‘que. Berillon, de ca point de vue, ne relave pas d'une statistique administrative et purement descriptive. Comme ‘son pire (mais de fagon assez marginale, il utilise la sia~ tistique pour alartor, dégager des lois ov on tout cas des ‘causes des phénoménes observés. Cette approche plutdt sinférontillo» pourrait distinguor la statistique municipale de la statistique d'Etat (Schweber, 1998). L’expression graphique n'est quant & elle qubre spectaculaire : fouvrage rassemble essentioliament des cartes choroplathes (ou cartes par paliers de valeur), & base d'arrondissements, Cconstruites d'aprés une discrétisation uniforme, en 7-clas- ses, selon la méthode des classes d'égale étendue. Le seul point particulier est usage, pour quelques cartes, d'un procédé que les statisicions frangais désignent comme le ‘médaillon=, ou F»écusson». La teinte appliquée a Ten- semble de arrondissement exprime une premiere varia ble, et la teinte apposée dans les écussons on exprime tne autre, co qui permettrat eur comparaison (mais cons- titue en réalité une source de confusion visuelle). Aptds ce premier essai, Bertllon diige la publication de deux tomes de Atlas de statistique graphique de Ia ville {de Paris, qui représente une évolution importante de son travail, Les themes sont beaucoup plus diversifiés, de ‘méme que les méthodes graphiques. Le premier volume, daté de 1889, contiont 30 cartes et 27 diagrammes, distri- bbués en 19 «panties» (chaque partie correspond & une pplanche, hormis pour quelques sujets). Le volume Il, pu- blié on 1891, rassemble 32 cartes ot 36 diagrammes, en 16 parties. Les cartes intéressent trois thames principaux :les questions damographiques ot sociales, les transports ‘at le commerce, ot enfin les services municipaux. Relé- vent du premier theme des cartes classiques sur la popu- lation, sa distbution, et diférents indicatours tels que les naissances, les décés, la nuptialité. La démographie inté- rosso les deux tiers des cartes ot la mortalité reste le sujet le plus développé, avec 14 cartes dans le tome | contre 6 pour natalté at mariage, puis 24 cartes dans le volume I ‘conire,..26r0 pour les autres indicateurs. Jacques Bertillon 53 CFC (N° 171 Mars 2002) Figure 1 : Inhumation par classes, 1888, Album de statistique graphique de la Ville de Paris, tome |, 1889, planche Ill. 54 CFC (N° 171 Mars 2002) Figure 2 : Bibotheques municipalos de prét gratuit. Prét & domicile, lecture sur place, 1889, Album de statistique ‘graphique de la Vile de Paris, tome I, 1891, planche 1 55 CFC (N° 171 Mars 2002) ‘st pourtant connu pour s'étre intéressé d'assez pres ade nouveaux indicateurs démographiques, commo la rnuptialté (Dupaquier, 1983), Mais la démographio, dans ‘ses premiors développement, ast avant tout une analyse des causes de mortalté en vue d'y remédier. Quelques cartes se rattachent aux études sociales, un domaine apparu assez tardivement dans les catégories du recensement francais. Bertilon nous donne une idée assez int6ressante de la géographie sociale parisienne & travers quelques cartes : «Evaluation du degré de bien- {tro-de la population par quartier d'aprés le nombre de domestiques. 1886", ou «Inhumations par classes. 1888+. Cotte demiare montre une répartition an 6 catégorias, de laclasse 18 4, puis 5,6,7 Bot S (igure 1). On notera que la ccomparaison globale des cercles est trompeuse, puisque les figurés correspondent & des données en valeur abso- |e, qui correspondent & des quartiors de taille ot de popu- lation trés variables. Un second groupe de planches cor- respond a économie de la cité, décrite& travers les trans- ports de biens et de passagers, ot les consommations al ‘meniaires. L'Atlas passe on revue tous les modes de trans- port : canaux et chemins de fer, lignes d'omnibus ot de tramways. Ilfigure es trafics de passagers, les tonnages, les recattes. La précision statistique confine parfois au sur- réalisme pour un lecteur moderne :& partir des données {ournies par les abattoirs et es Halles, Bertilon construit das diagrammes sur les différantas quantités de: 7 poisson vendues dans Paris et jusqu'au nombre dhut- tres consommées dans la capitale! Le mouvement com- mercial est par alllours résumé en une carte qui montre le prodult des 44 postes c'octroi de Paris, selon 9 types de marchandises. Enfin 'Atias lustre les résutats de plusieurs ‘services municipaux ou publics, par exemple les biblio- thaques, les opérations des monts de piét6, le service té- légraphique ot postal. L’Atlas de 1889 porte sur une année statistique, en g6- ‘éral 1888. Mais Bertilon envisage dans la tome lide com- parer activité moyenne de ia ville, pendant la période ‘quinquennale 1884-1888, avec son activité en 1889, an- 1iée de exposition universelle. Pour la mortalité le paral- lle est fait entre la moyenne 1865-1888 et 1889, Cette ‘comparaison passe par plusieurs méthodes : & quelques reprises, Bertilon place deux cartes en vis-&-vis, ainsipour 3 produits de Foctroi. Dans d'autres cas, il s‘agit plutot un calcul statistique, montrant une évolution (ainsi pour les causes de la mortal). Enfin, a plupart du temps, la ‘comparaisan est établie en une image, par une variation visuelle Le langage graphique ‘Comme la plupart do statistciens de la période, Ber- tilon est convaincy des avantagas de la méthode graphi: que : «[La statistique graphique] permet non seulement dembrasser d'un seul coup d'xil la série des phénomé- ines, mais encore d'en signaler les rapports et les anoma- lies, d'en trouvar les causes, d'en dégager les bois (..) Les figures parlent aux yeux, ot leur langage ost si clair ot si démonstratf quil est compris presque sans aucun ap- prentissage préalable» (Bertillon, 1890, introduction). Ce langage est principalement inspiré par les méthodes en Usage chez les ingéniours des Ponts at chaussées, ini- ti6es par Charles-Joseph Minard, ot popularisées par Al bum de Statistique Graphique du ministare des Travaux publics. Bertllon rend dailleurs homage a cette publica- 56 CFC (N* 171 Mars 2002) tion dans son avant-propos, et reconnait sa dette envers ‘lta. Pourtant, son atlas est original & quelques égards. armies procédés ls plus communs de 'Atas se trouve lacartetentée, ou choroplatho, utlis6e 44 reprises sous la forme de petites cartes démographiques par arrondis- sement qui reprennent la technique des Cartogrammes ‘etdiagrammes...: monochromatisme, et division en 7 clas- 80s, Crest un procédé qui se retrouve dans ls travaux postérieurs de Bortllon, ot 'une des méthodes les plus populeres au XIXe site. Le procédé du «médallon= rest ‘copendant pas roprs dans les alas parisiens. En second lieu, Bellon ait un large usage des «carto-diagrammess, ou diagrammos disporsés sur un fond de carta lly on a8 ¢dans son premier volume, et 5 dans la second. La plupart sont des diagrammes circulaires, divisés on sectours. Bextilon exprime de cetta maniére la population par groupe ago, ou encore les classes d‘enterrement, las racatios des bureaux doctto, etc. En une occasion, i utlise deux domi-cercles accolés, permettant de compar domicile etl lecture sur place dans les biblotheques mu- ‘icipales (igure 2). Enfiniinvente un diagramme original pour exprimer trois variables en une image : pour les opé- {ations des monts de piét, constut des rectangles dont Jo o5t6 horizontal exprime fe nombre de prs, le 616 vor- tical leur montant moyen en francs. La surface du rectan- ‘lo est done significative, puisqu'elle exprime le montant {otal des préts. En fat, la construction est plus complexe ily a trols rectangles, 10, jaune ot quadrilé, correspon dant aux engagements, aux renouvellements et aux dé- ‘gagements. La méthode est assez subtilo, mm silalec- ture en reste élémertair, c'est a-dre diagramme pa dia- ‘gramme. Le procédé est qualiié aujourd'hui de «dia- ‘gramme on silhouette». Bartilon le reprand dans quelques ‘euvies postures, comme une carte des étrangers Paris en 1896. I! considére comme tras parlant, suivant la forme des rectangles, «plats comme des galettes» ou sallongés comme des chandelles». Hormis cat exemple les diagrammas de Berillon restart relativernant simplas, sion les compare & coux de Cheysson dans Album de Statistique Graphique, qui expriment parois plus de dix variables numériques. La toisiaéme grande catégorie graphique est représen- 160 par les cartes de flux : trois dans le volume | et 4 dans Ja volume Il Les lignes de flux sont établies proportionnel- lament aux recettes, ou au mouvement de marchandises, depuis et vers Paris, Le plus impressionnant dans Atlas fest sans doute usage des couleurs. Dans les oeuvres ntérieures (Album des Travaux publics par exemple), impression reposait généralement sur le noir plus une ou deux couleurs. Certaines cartes de! Atlas de Berillon com- prannent jusqu’a 9 couleurs différentes. Les encres sont suffisamment transparentes pour permettre la lecture des ‘tracés an noir du fond de carte, Cas couleurs sont en par- ticulier utilisées pour distinguer les différentes lignes do transport. Dans le tome I, on [es trouve méme combinées avec une vatiation de nuance, pour montrer Févolution| entre la période 1884-88 at 'année 1889 (figure 3. Atlas de Berton apparatt bien comme fune des ‘oeuvres majeures de la statistique graphique francaise, par la variété des méthodes qui y sont appliquées, ou la qualité des techniques d'impression des planches. Boriillon, que Michel Dupaquier désigne comme un plonnier méconnu de la statistique, mérite aussi d'8tre Figure 3 : Tonnage des marchandises expédiées de Paris ou arrivées & Paris par les voies ferrées et les voies naviga- bles en 1889, Album de statistique graphique de la Ville de Paris, tome lI, 1891, détail de la planche VI sr (CFC (N*171 Mars 2002) reconnu pour ses mérites dans la visualisation des données. Berillon sovhaitait une publication réguligre de ‘PAtlas, tous les cing ans. En tout état de cause, Iallait 6t Ie dernier. Le bureau de Statistique continue pourtant ses travaux, jusqu’en 1913 sous la direction de Bortllon, et fon pout sintarrogar sur cette interruption. Les raisons en sont probablement financigres. Déja, le volume Ni montre des efforts d'économie : il ast de format réduit, avec des planches pliéas at une présentation simpltiéa. Outre cat aspect, sans dout intervient aussi une évolution propre & a statistique. Les représentations graphiques

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