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Document n. 1 - Comment mesure-t-on le PIB d'un pays ?

Le PIB mesure la richesse créée dans un pays donné. Il correspond aussi à l'ensemble des revenus
des salariés, des entreprises et de l'Etat. Le PIB n'est pas trop compliqué à mesurer : vous attendez
le 31 décembre, toutes les entreprises clôturent leur bilan et l'envoient au gouvernement. L'Insee n'a
plus qu'à additionner toutes les « valeurs ajoutées » des entreprises et administrations qui résident
en France.

La « valeur ajoutée », c'est la valeur du produit final, moins les consommations intermédiaires. Par
exemple, vous fabriquez des bilboquets. Le bilboquet est vendu 10 euros. Le bois vous a coûté 2,80
euros, la corde 15 centimes, l'énergie de votre atelier 5 centimes. Votre « VA » sur chaque bilboquet
est donc de 7 euros. Pour le secteur non-marchand (service public gratuit, par exemple), la valeur
ajoutée est plus difficile à calculer. L'Insee, pour se simplifier la vie, mesure le coût du service
(rémunération des salariés, amortissements et impôts, essentiellement).

La valeur du PIB publié dans les médias est une valeur « temporaire » : tous les ans, l'Insee l'affine.
Sa valeur « réelle » n'est connue que des années plus tard.

Le PIB est censé refléter l'activité du pays, mais rien ne dit que cette activité créée soit saine.
Prenons un exemple : si je brûle quelques voitures (au hasard naturellement), je vais faire travailler
la police, les assurances, les constructeurs automobiles… Tout ceci augmente le PIB mais cela
reflète-t-il une économie plus souriante ?
Document 2 - Le PIB est-il un bon indicateur ?

Mais l’utilité de la comptabilité nationale, aussi précieuse soit-elle, ne doit pas conduire à occulter
les limites et insuffisances des informations fournies. En effet, elle ne tient pas compte des services
gratuits que représentent les travaux effectués au sein des ménages (tâches ménagères, travaux de
bricolage) et les activités bénévoles accomplies dans le cadre du secteur associatif. En outre, elle
repose sur une conception purement quantitative de l’activité économique et du bien-être des
personnes, sans se préoccuper de la nature ou du degré d’utilité des biens et services produits. C’est
ainsi que susciter artificiellement des besoins pour produire, réduire la durée de vie physique de
certains biens, renoncer à les réparer, multiplier les gadgets, tout cela favorise l’augmentation du
PIB ! Il en est de même des excès de consommation d’alcool, tabac, sucre ou matières grasses et des
soins médicaux qu’ils occasionnent.

La comptabilité nationale n’accorde également aucune valeur à des richesses comme l’ air pur, la
beauté d’un paysage, la répartition harmonieuse des activités et des populations sur le territoire, la
qualité des relations humaines […]. Non seulement les prélèvements sur la nature (amenuisement
des ressources non renouvelables du sous-sol) et les nuisances de toutes sortes occasionnées par
l’activité productive et par de mauvaises conditions de vie et de travail (pollution, dégradation des
sites, accidents du travail et de circulation, stress…) ne sont pas déduits de la production, mais
encore les dépenses engagées pour réparer les effets de ces nuisances (filtrage des eaux, réparation
et renouvellement des véhicules accidentés, soins médicaux…) font augmenter le PIB !
1. Euzéby, Introduction à l’économie politique, t.1 « Concepts et Mécanismes », 1997

Document 3

Observer que le PIB a augmenté ne signifie pas forcément une augmentation de la production de
biens et de services, mais peut simplement signifier une monétisation accrue du volume d’activité.
Si certains actes peuvent réduire le PIB, d’autres tels que certaines activités domestiques (garde
d’enfants) en tombant dans la sphère marchande contribuent à l’augmentation de la production. La
même prudence s’impose vis-à-vis du travail au noir ou souterrain (…). L’abus porte également sur
le PIB par tête, considéré comme indicateur de bien-être. Or, c’est oublier que celui-ci n’a pas pour
objectif de tenir compte de la finalité des biens et services (…).

Comme le soulignait Tinbergen dès les années 60, reste à inventer un concept de " Bonheur national
brut " qui fournisse une mesure de l’amélioration de la qualité de la vie. Il en va de même des
problèmes environnementaux. Les indicateurs de la comptabilité nationale ne prennent pas en
compte l’épuisement des ressources naturelles et les dégradations environnementales dues à la
production ou à la consommation. Au contraire, les dépenses défensives ou de restauration de
l’environnement sont au contraire assimilées à une augmentation du PIB.

D. Delalande, Cahiers Français, n°279, p. 42

Document n. 4 - La nouvelle économie du bonheur


Par Ilana Löwy

Le bonheur est à la mode — et pas uniquement dans les romans à l’eau de rose. Philosophes et
psychologues, mais aussi sociologues du travail, économistes et experts de santé publique
conduisent des recherches sur le bonheur. Le point de départ de ces nombreuses investigations est le
constat que l’accroissement rapide des populations occidentales n’a pas conduit à une amélioration
parallèle de leur bien-être. Si, dans les populations pauvres, l’augmentation des revenus a des effets
spectaculaires et durables sur le bien-être, cette amélioration a un effet limité et/ou passager dans les
populations riches.

Ce qui ne signifie pas qu’en Occident, les pauvres se portent aussi bien que les riches. En effet, dans
les pays industrialisés, comme dans ceux en voie de développement, les gens les plus riches sont
aussi les plus heureux. Cependant, à partir d’un certain niveau de revenu (estimé à 15 000 euros
environs, par an et par personne), les ressources matérielles additionnelles n’apportent qu’un
supplément modeste de bonheur. En outre, le principe que les gens qui ont plus d’argent sont aussi
plus heureux ne s’applique pas aux nations. Il n’y a pas de lien direct entre le PIB et le bien-être des
citoyens d’un pays donné, et le pays le plus riche de tous, les États-Unis, est plutôt mal placé sur
l’échelle de bonheur.

Document n. 5 - Un autre indicateur de développement humain et durable est possible

Le Rapport mondial sur le développement humain est publié par les Nations unies chaque année
depuis 1990 et propose une conception du développement humain, un indicateur pour sa mesure,
l’Indicateur de développement humain, IDH, et une analyse des différents problèmes politiques,
économiques et sociaux et de leur impact sur le développement humain.

D’après le Rapport du PNUD, le développement humain est le processus selon lequel le plus
d’opportunités sont offertes aux personnes. Parmi celles-ci, vivre longtemps grâce à l’accès à de
bonnes conditions de santé, l’accès à l’éducation et aux ressources nécessaires pour jouir d’un
niveau de vie décent. D’autres opportunités incluent la liberté politique, la garantie des droits
humains et du respect de soi-même.

Ce concept dérive directement de la notion de développement comme processus d’élargissement


des capacités humaines, telle que formulée par Amartya Sen, qui base sa notion de capacités sur
l’œuvre du philosophe John Rawls et, en particulier, dans Théorie de la justice. Pour Rawls, les
personnes doivent avoir la possibilité de poursuivre des objectifs différents et tous ces objectifs
devraient être possibles.

Les capacités d’Amartya Sen font référence autant à ce que la personne peut faire ou être (des
options) et ce qu’elle peut en effet arriver à faire ou à être (des buts), et non aux biens dont elle
dispose. Vivre longtemps, bénéficier de plus d’éducation, de la dignité et du respect de soi-même,
ce sont des éléments qui permettent d’élargir la gamme d’options disponibles pour un individu.
Avoir des biens est une condition nécessaire mais non suffisante pour élargir ces options. Et, plus
important encore, la gamme d’options possibles et les buts atteints augmentent ou diminuent avec
une indépendance relative du montant des biens accessibles en fonction des variables culturelles et
distributives ou de la capacité d’une société à assurer la sécurité, la santé. Celles-ci sont toutes des
protections que, d’habitude, le marché n’assure pas. L’accès aux biens peut, en somme, poser les
bases d’un niveau de vie élevé mais ces biens ne sont pas per se les éléments qui vont constituer ce
niveau de vie. Le développement, d’après Sen, doit se centrer sur la personne et non sur les biens,
en dépassant ainsi le réductionnisme de l’homo œconomicus.

Les réflexions de Sen et le concept de développement humain s’inscrivent dans la foulée d’une
pensée critique autour du développement née au début des années septante qui met en question la
préoccupation exclusive pour la croissance de la production de biens. Cette pensée critique a mis
l’accent sur des questions liées à la distribution, aux besoins et à l’équité, à savoir les dimensions
sociales du développement et la satisfaction des besoins de base, en se centrant davantage sur la
personne et ses capacités et non sur les biens auxquels celle-ci devrait accéder.

La notion de développement humain, l’IDH et le classement des pays suivant l’IDH essayent d’être
une alternative moins centrée sur l’économie et le PIB qui, disait-on, allait apporter per se le bien
être et des opportunités pour déployer les potentialités humaines. Le Rapport sur le développement
mondial que publie la Banque mondiale, par exemple, classe les pays suivant le Produit intérieur
brut per capita. Cette optique est le but ultime des politiques économiques et d’organisation de la
société et dénote sur l’ensemble du savoir commun et du discours politique. Néanmoins, plus de
quarante années de politiques de développement de différentes natures ont montré que la croissance
a été souvent accompagnée de l’accroissement des inégalités et de la pauvreté, le dégradation
environnementale et l’épuisement accéléré des ressources naturelles. Le PIB per capita, qui est
uniquement une moyenne nationale, n’inclut pas les coûts environnementaux de la croissance et ne
permet pas de refléter l’ensemble des processus.

Le concept de développement humain n’aurait pu défier les notions centrées sur l’économie et le
PIB sans proposer un indicateur alternatif qui permet de mesurer, d’évaluer et de comparer des
groupes et des pays. L’IDH essaye de couvrir ce besoin, étant un indicateur global, qui va de cinq à
zéro, en reflétant des indicateurs partiaux comme la longévité, l’éducation et des revenus réels par
tête d’habitant. La longévité est considérée comme le résultat des conditions de santé et de nutrition
et s’exprime sous la rubrique « Espérance de vie à la naissance ». L’accès à l’éducation est calculé à
partir de la proportion de la population alphabétisée et de la moyenne d’années de scolarité. Le
revenu réel, enfin, est calculé à partir du PIB per capita corrigé selon la parité du pouvoir d’achat
(PPA) et selon l’utilité marginale du revenu.

Le classement du PNUD, comparé à celui qu’établit chaque année la Banque mondiale à partir du
revenu par tête, exprime le fait que le bien-être et le dénuement sont des variables relativement
indépendantes du PIB. La plupart des pays, en effet, montrent des niveaux relatifs de
développement humain sensiblement supérieurs ou inférieurs par rapport à leur niveau suivant le
PIB. Dans la perspective du développement humain, il n’y a pas de lien automatique entre la
croissance économique et le développement humain. Le même classement montre aussi qu’il est
possible d’atteindre des niveaux respectables de développement humain même avec des niveaux
modestes en matière de PIB si on y met la volonté politique et des politiques appropriées.

L’IDH permet une mesure plus adaptée des résultats réels de la croissance en fonction des
personnes et présente un panorama réaliste de la situation mondiale. Il montre, néanmoins, des
limites. Il faut rappeler que le concept de développement humain est plus riche que ce que peut
refléter l’IDH ou tout autre indicateur plus complexe. Tout d’abord, la composante « revenu » est
partielle et insuffisante vu qu’elle ne reflète pas l’accès réel aux ressources productives tels que la
terre ou le crédit qui sont, dans bien des pays, des variables clés par rapport à la pauvreté et
l’inégalité. Deuxièmement, les valeurs de l’IDH sont des moyennes nationales qui ne reflètent pas
les disparités de revenus selon le sexe, l’ethnie et la région. Pour cette raison, l’IDH général doit
être complété par des IDH partiels, corrigés par niveaux de revenus, sexe et lieu de résidence, même
si dans certains pays les données disponibles sont incomplètes.

Si nous regardons la condition de la femme, par exemple, on observe que tous les pays du monde
ont un IDH féminin inférieur au IDH pour l’ensemble de la population. Dans ce panorama de
discrimination généralisée de la femme, l’IDH de genre détermine sensiblement le classement
général. Les données concernant le revenu, le territoire et même l’ethnie montrent de similaires
déséquilibres. Aux Etats-Unis l’espérance de vie des hommes noirs est inférieur à la moyenne
mexicaine et celle des femmes blanches est la même qu’en Suisse.

L’IDH, enfin, intègre uniquement certains éléments parmi ceux qui constituent sa définition. Il est
hardi de mesurer, par exemple, la liberté humaine. En 1991, le Rapport du PNUD a essayé de
définir un indicateur de liberté humaine et un classement en la matière. Le questionnement de
certains régimes que cela comportait a soulevé une polémique qui a fait que le PNUD ne revient
plus sur la question dans les éditions postérieures de son rapport.

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