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Document n. 1 - Les conditions d'utilisation de Facebook sont-elles illégales ?

Antonin Sabot LEMONDE.FR | 17.02.09 |

Une récente modification des conditions d'usage du site Facebook crée des remous parmi ses utilisateurs.
Facebook posséderait tous les droits sur les contenus mis en ligne par les utilisateurs, et ce de manière
perpétuelle.

"Vous accordez à Facebook le droit irrévocable, perpétuel, non-exclusif, transférable et mondial (avec
l’autorisation d’accorder une sous-licence) d’utiliser, copier, publier, diffuser, stocker, exécuter, transmettre,
scanner, modifier, éditer, traduire, adapter, redistribuer n’importe quel contenu déposé sur le site." Cette
phrase des conditions d'utilisation de Facebook semble signifier que le site s'arroge tous les droits sur les
contenus déposés par les utilisateurs. Mais, jusqu'à présent, l'utilisateur pouvait reprendre les droits sur sa
production grâce à la mention "votre contenu d’utilisateur peut être effacé du site à n’importe quel moment.
Si vous l’effacez, le droit accordé à Facebook évoqué précédemment expirera automatiquement, mais notez
que l’entreprise peut en conserver des copies archivées". Le 4 février, cette mention a été supprimée.
Fermer définitivement un compte n'empêche plus Facebook de conserver et d'utiliser ce que vous y avez
laissé.

Le problème touche à plusieurs aspects du droit: droits d'auteur et droit moral d'un côté, vie privée et notion
de droit à l'oubli de l'autre. "Prenez garde à ne jamais mettre en ligne des choses que vous pensez vouloir
abandonner. Elles appartiennent désormais à Facebook", prévient ainsi Chris Walters du site The
Consumerist. "Vous avez posté une photo de vous, à Ibiza (elles étaient chouettes ces vacances !).
Facebook décide qu’elles iraient très bien pour un site de rencontres adultérines, hop ils peuvent la vendre.
Je vous laisse le soin d’expliquer à vos enfants le pourquoi du comment", s'alarme le blog Chronique d'une
geekette.

Vu sous cette angle, l'information a de quoi faire peur. Aussi le jeune patron de Facebook, Mark Zuckerberg,
s'est-il fendu d'une réponse se voulant rassurante : "Nous ne souhaitons pas utiliser vos données
personnelles d’une façon qui ne serait pas acceptable pour vous. La confiance dans notre réseau afin de
partager des informations est l’aspect le plus important de notre travail." Selon certains avocats, Facebook
est d'ailleurs relativement pragmatique dans sa manière de gérer les conflits et retire assez facilement les
contenus litigieux. Une mise au point qui ne suffit pas à dissiper les craintes : Facebook ne cache pas son
envie d'utiliser les informations personnelles de ses utilisateurs à des fins publicitaires.

CONDITIONS ILLÉGALES
A l'Union des photographes créateurs (UPC), fédération qui défend les droits des photographes et très
attachée au droit d'auteur, on n'est pas surpris. "C'est la nouvelle mode. Les grands groupes passent leur
temps à essayer de piétiner les droits d'auteur et le droit moral", explique Jorge Alvarez, responsable du
service juridique de l'organisation. L'UPC s'occupe des photographes professionnels mais fait remarquer
que dans tous les cas, le droit moral sur une œuvre est inaliénable, de même que céder ses droits sans
restriction n'est pas possible en droit français. En clair, les conditions d'utilisation de Facebook sont illégales
en France.

De plus, fait remarquer Me Agnès Tricoire, spécialiste de la propriété intellectuelle, "toute cession de droit
doit se faire de manière éclairée et œuvre par œuvre". En clair, les conditions d'utilisation de Facebook sont
abusives depuis bien longtemps, et la dernière modification n'est qu'une entorse de plus.

CONTESTABLE MAIS APPLICABLE


"C'est une véritable guerre économique qu'ils mènent", ajoute Jorge Alvarez. En droit américain, de telles
conditions sont légales. C'est le contrat qui fait droit et les firmes états-uniennes cherchent à mondialiser
cette vision plus pratique pour elles que le protecteur cadre législatif français. Une guerre sur le contrôle des
normes assez proche de celle que Google Books mène contre l'industrie de l'édition. Au cœur de la bataille
du droit d'auteur : le contrôle des contenus créés par les utilisateurs.

Le problème, c'est que toutes illégales et abusives qu'elles puissent être, ces conditions s'appliquent tant
qu'aucun juge n'a statué. "Il faut qu'un juge se penche sur ces conditions d'utilisation", estime Me Tricoire,
également membre de la Ligue des droits de l'homme. Mais il n'est pas certain que ce dernier donne raison
à l'utilisateur qui accepte en connaissance de cause de céder ses droits pour un préjudice qui est parfois
difficile à évaluer. La réponse se situe donc ailleurs, dans la modification des conditions d'utilisation, car en
l'état, l'utilisateur n'a pas le choix : soit il accepte et signe ces conditions soit il doit renoncer à utiliser
Facebook.
Document n. 2 - Facebook a 5 ans, 150 millions d’amis, et besoin de pubs
Alexandre Hervaud, Libération, 4 février 2009

Facebook a 5 ans aujourd’hui et un peu plus de 150 millions de membres. Cet anniversaire, « c’est une
occasion joyeuse pour Facebook » comme le révèle son perspicace créateur Mark Zuckerberg, né en 1984.
Pourtant, trois jours plus tôt, la fête ne s’annonçait pas si funky, la faute à un article qui a bien failli tout
gâcher.

Dans le genre « titre effrayant », le britannique Telegraph a donc fait fort, lundi dernier, en publiant sur son
site un article intitulé Le réseau social tire profit de ses amis. Et d’accentuer le ton alarmiste en sous-titrant :
« le fondateur de Facebook a finalement trouvé un moyen de monétiser les données personnelles de ses
150 millions de membres ». Le journaliste relate une démonstration assez impressionnante de sondages en
temps réel via Facebook donnée à Davos, le week-end dernier, dans le cadre du Forum économique
mondial. D’après lui, « les entreprises multinationales pourront bientôt cibler des membres pour leur
recherche marketing. Elles pourront poser des questions à des membres spécialement sélectionnés selon
des critères intimes comme leur situation familiale ou leur orientation sexuelle ».

Pris de pitié pour une catégorie professionnelle qui n’en mérite peut-être pas tant, on imagine la détresse du
service communication de Facebook face à une telle bombe. Sauf que ladite bombe s’est avérée être un
pétard mouillé, le journaliste du Telegraph ayant commis quelques amalgames et autres imprécisions. Pas
question par exemple pour Facebook d’offrir sur un plateau les données personnelles de ses membres. Et la
technique de sondage massif utilisée à Davos a été réalisée avec des outils internes que Facebook ne
mettra pas à disposition des entreprises.

L’inquiétude du Telegraph est pourtant compréhensible, et il faudrait faire preuve d’une naïveté confondante
pour ne pas se soucier de la politique publicitaire de Facebook. Les utilisateurs tenant à leur vie privée ont
encore en tête le fiasco Beacon, summum de la réclame intrusive qui avait valu en 2007 un tel flot de
critiques que le site avait dû faire marche arrière et modifier cette fonction. En 2009, la situation n’est pas
forcément meilleure. La preuve avec les déclarations de Matt Hicks, représentant de Facebook : « Nous ne
sommes pas sur le point de lancer un outil de recherche marketing. Aucune donnée personnelle n’est mise
en vente. » Tout va bien, donc, jusqu’au laconique : « On ne partage rien sur la vie privée d’un utilisateur, à
moins que l’utilisateur n’ait choisi de le faire ». Un certain Marc L. l’a récemment bien compris.

Pour en revenir à la publicité dite « sociale » prônée par Facebook, le site a mis en place depuis l’automne
dernier un nouveau système pour le plus grand plaisir des annonceurs, les engagement ads. Le principe est
simple : si une marque souhaite communiquer via cette fonction, elle choisit un type d’utilisateur (la cible,
pour causer marketing) qui verra sur sa page d’accueil une publicité « interactive », par exemple avec une
question du type sondage. Si l’internaute décide d’y répondre, son statut le signalera à tous ses amis qui
pourront également faire de même. Une sorte de marketing viral involontaire beaucoup plus intéressant
(pour les marques comme pour Facebook) que les publicités traditionnelles.

La stratégie publicitaire de Facebook révèle surtout la difficulté croissante pour les réseaux sociaux
d’engranger des revenus conséquents. Twitter devrait par exemple annoncer en avril prochain un plan pour
monétiser son audience : le San Francisco Chronicle évoque la possibilité de faire payer aux entreprises des
comptes « pro » avec des moyens facilités pour entrer en contact avec leur cible. Un temps évalué à 15
milliards de dollars, le trombinoscope de Zuckerberg aurait depuis perdu, crise économique oblige, une
partie de sa valeur, également fragilisée par les coûts grandissant du stockage de données.

Depuis la polémique lancée par le Telegraph, qui aura eu le mérite de médiatiser un peu les fameuses
engagement ads, les signes de méfiance vis-à-vis de Facebook (déjà bien relancée par l’affaire Le Tigre) se
multiplient. Par ici, un post du blogueur Korben qui tombe à pic (10 conseils pour éviter de petits ennuis avec
sa vie privée sur Facebook), par là celui d’un vénérable enseignant-chercheur gréviste... Sans compter le
retour en grâce des sites détaillant la marche à suivre pour supprimer définitivement son profil.

Hasard du calendrier, les nominations pour la prochaine cérémonie des Big Brother Awards France (BBAF)
sont ouvertes depuis la semaine dernière. Si d’aventure, vous avez désormais en tête un individu, une
entreprise méritant la suprême distinction qui sera remise le 4 avril prochain, n’hésitez pas à suggérer leur
nomination sur le site des BBAF.

Document n. 3 - Ayez confiance, Facebook ne veut que votre bien


par Alexandre Hervaud

Les récentes modifications apportées début février aux conditions générales d’utilisation (CGU) de
Facebook laissaient à penser que le réseau social pouvait faire main basse sur tous les contenus mis en
ligne par ses membres. Devant la bronca générée par cette annonce, Facebook n’a pas tardé à réagir. Son
fondateur, Mark Zuckerberg, s’est lui-même fendu d’un billet intitulé « Sur Facebook, les gens possèdent et
contrôlent leur information » sur le blog du site. L’objectif : rassurer (un peu) ses utilisateurs (très) inquiets.

En évitant soigneusement tout vocable juridique ou informatique trop obscur, Zuckerberg explique en partie
la mise à jour des CGU de la façon suivante : « quand un membre partage quelque chose, comme un
message à un ami, deux copies de cette information sont créées – une dans le dossier messages envoyés,
l’autre dans la boîte de réception du destinataire. Même si l’expéditeur supprime son compte, son ami
continuera d’avoir une copie du message. Nous pensons que c’est la bonne manière de fonctionner pour
Facebook, et c’est cohérent avec le fonctionnement d’autres services, comme les emails. »

Sur la question des contenus d’utilisateurs, le service communication de Facebook a par ailleurs précisé à
l’AFP via courriel : « nous ne revendiquons pas et n’avons jamais revendiqué la propriété des matériaux
téléchargés par les usagers ». L’agence relaye également le témoignage de Jules Polonetsky, expert en vie
privée et directeur du forum Future of Privacy : « C’est du langage courant pour les sites internet parce que
leur avocat leur dit qu’ils doivent se couvrir ».

Malgré tout, le flou et l’incertitude persiste, et même avec la clarification du big boss, s’inscrire au réseau
social pour rejoindre ses 175 millions de membres revient à signer un chèque en blanc à la compagnie en
matière de vie privée. Pour le site Mashable, spécialiste des nouvelles technologies, le constat est clair : «
finalement, la déclaration de Facebook peut se résumer à ’’faîtes nous confiance, on ne fera rien de mal’’ ».
Une position qui rappelle celle maintes fois défendue par Google, dont Facebook ne possède pas (encore)
la maîtrise en terme de communication.

Le jeune Zuckerberg, 24 ans, semble à première vue plutôt ouvert à la critique : « Nous sommes arrivés à
une étape intéressante de notre développement pour travailler sur ces notions de partage d’information.
C’est un terrain épineux, et nous ferons des gaffes, mais en tant que premier service pour le partage
d’information, nous prenons ces problèmes et notre responsabilité pour les résoudre très au sérieux, c’est un
gros objectif pour nous cette année ».

Reste à savoir comment les utilisateurs de Facebook réagiront suite à cette déclaration. On imagine
difficilement obtenir dans les prochains jours un chiffre fiable du nombre de désinscriptions au service.
Certaines sont clairement et publiquement revendiquées par des membres repentis. Après l’écrivain Edward
Champion, c’est Sasha Frere-Jones, journaliste pour The New Yorker, qui a décidé de virtuellement plier
bagage de Facebook : « la réponse de Zuckerberg face à la protestation est juste une version moderne du
fameux ’’ne lisez pas les petites lignes, signez-là, Madame’’ ».

Cette affaire intervient alors que le cabinet d’étude Comscore vient de publier un rapport sur la fréquentation
des réseaux sociaux en France. Sans surprise, Facebook arrive en première place devant Skyrock. Avec 12
millions de visiteurs en décembre 2008, le site a enregistré une progression de 443% au cours de l’année.
Un des facteurs pouvant expliquer cette hausse est le lancement en février d’une version française du site.
On ne peut qu’espérer qu’une version française des conditions d’utilisation du site soit également mise en
ligne. Actuellement, ce n’est pas le cas.

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