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L’instabilité politique et la faiblesse des institutions


expliquent le phénomène de la discontinuité
institutionnelle en Haïti

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Me Destin Jean, licencié en droit.

L’instabilité politique et la faiblesse des institutions expliquent le


phénomène de la discontinuité institutionnelle en Haïti

La ratification du texte constitutionnel par le Peuple haïtien le 29 Mars


1987 se veut avant tout, un acte de rejet. C’est le rejet d’un système politique qui
a fait son temps et que l’on croyait à jamais révolu. Le Peuple voulait faire
l’expérience de la démocratie après plusieurs décennies de dictature,
particulièrement le régime des DUVALIER. Cela pourrait s’expliquer par une
soif de liberté, liberté que le Peuple croyait garantie par l’institution de la
Constitution de 1987.

Cependant, seulement la ratification de la Constitution de 1987 ne suffit


pas à permettre au Peuple d’instaurer la démocratie, car nulle part ailleurs, la
démocratie ne se « décrète » pas ; c’est un processus. On pourrait même
l’envisager comme une construction permanente. L’adoption de la Constitution
de 1987 était la première étape, très significative d’ailleurs sur le plan de pur
droit, mais ce n’était qu’une première étape.

Si l’on veut arriver à l’instauration du nouveau système politique, encore


faudrait-il imposer l’application continue de la Constitution, pour permettre au
régime de fonctionner dans la continuité institutionnelle. La continuité
institutionnelle voudrait dire mettre effectivement en place les institutions créées
par la Constitution, leur donner les moyens de leur fonctionnement, les
renouveler, le cas échéant, à temps pour permettre au nouveau régime de
fonctionner sans être saccadé.

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Pourtant, on l’aura vitement compris, la première tentative de mise en


œuvre du nouveau régime en Février 1988 n’a pas duré six (6) mois. Depuis
lors, le pays s’enlise dans une instabilité politique dont il a du mal à s’en sortir.
Les tentatives de mise en œuvre du nouveau régime sont entrecoupées de coups
d’Etat. Il va sans dire que cette situation ne favorise guère le renforcement des
institutions de l’Etat. D’ailleurs, jusqu’à présent, le Conseil Electoral Permanent
(CEP) n’a pas pu être mis en place. Or, il devrait jouer un rôle moteur dans la
continuité institutionnelle du régime.

C’est le cas de dire que l’instabilité politique et la faiblesse des


institutions sont étroitement imbriquées. Les deux (2) expliquent la discontinuité
institutionnelle qui caractérise la « pratique » du régime et l’on pourrait même se
demander si l’une n’engendre pas l’autre et vice versa.

La Constitution de 1987 place le CEP au rang des institutions


indépendantes. Elle le charge de l’organisation des élections dans tout le pays et
fait de lui en même temps le juge du contentieux électoral.1 De plus, ses
membres jouissent de l’inamovibilité en vue de garantir leur indépendance vis-à-
vis du pouvoir politique. Or, précisément, la discontinuité institutionnelle est
due au fait que les élections ne sont jamais organisées à temps. Pour que l’on
puisse arriver à avoir dans le pays régulièrement l’organisation d’élections, le
CEP doit être mis en place et il doit avoir les moyens de son fonctionnement.
C’est ce qu’a empêché l’instabilité politique. La mise en place du nouveau
système politique est entrecoupée de périodes de « transition ».

Depuis l’institution de la Constitution de 1987, le Pouvoir Exécutif a


toujours eu à intervenir et même à décider de l’organisation d’élections dans le
pays. Or, les premières élections de Novembre 1987 devraient permettre la

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Toutefois, l’on se demande à bon droit si le pouvoir de validation des Assemblées, notamment l’Assemblée des
Sénateurs, ne leur permet pas de jouer un rôle déterminant en matière de contentieux électoral. L’on pourrait
même se demander si elles ne peuvent pas ignorer le choix du peuple lors des élections législatives.
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formation du CEP qui est précisément l’organe chargé d’organiser en toute


indépendance, suivant le cycle électoral fixé par la Constitution, les élections en
vue du renouvellement du personnel du pouvoir politique.

Le Conseil Electoral Permanent, doté de moyens qu’il faut et soucieux de


remplir sa mission en toute indépendance, aura permis au régime de fonctionner
dans la continuité institutionnelle, moyennant qu’un nouveau coup d’Etat ne
vienne pas perturber l’expérience de la mise en place du nouveau système
politique de 1987. De cette continuité institutionnelle, aura découlé le
renforcement de l’institution parlementaire dans la pratique du régime et dans
l’opinion. De plus, cela aura permis de couper court aux élans de
présidentialisme, car une application rigoureuse de la Constitution de 1987 aura
empêché le retour au présidentialisme traditionnel.

En revanche, si le régime arrive à fonctionner dans la continuité


institutionnelle, on peut doublement craindre des dérives dictatoriales du
Parlement qui peuvent, d’ailleurs, prendre des proportions alarmantes. A ce
moment, on aura vu toutes les manifestations de sa toute-puissance. Il n’y-a pas
que l’Exécutif à pouvoir instaurer la dictature. Le phénomène de la dictature
parlementaire existe. Un Parlement sans bornes peut tout aussi être nocif pour la
stabilité et le fonctionnement régulier des institutions, sans oublier les libertés
fondamentales qui peuvent être sans cesse bafouées. D’où, un dilemme : que
faire ? S’efforcer de faire fonctionner le régime tel quel dans la continuité
institutionnelle, pour respecter la Constitution, ou encore amender la
Constitution pour borner les pouvoirs du Parlement avant de prôner la continuité
institutionnelle ?

___________
Me Destin JEAN, licencié en droit.

(Extrait de mon mémoire de sortie : « La puissance quasi-illimitée du Parlement et la fragilité


de la suprématie de la Constitution de 1987. ». Le texte complet, en format PDF, est
disponible sur Google.)
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