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( Pe o p l e ) Po r t r a i t

Ramon Suarez, technophile européen

Un Espagnol au service des acteurs du Web belge


Fils d’un entrepreneur espagnol, Ramon Suarez a sévi dans la mode, au transfert en passant par l’équipement nécessaire
le journalisme et la politique avant d’investir le Web. Dernier objectif en date pour assurer le travail prévu. J’ai trouvé des solutions.
Ils ont apprécié. D’assistant photographe, la société
de ce Bruxellois d’adoption: faire des entrepreneurs belges du Net les invités m’a bombardé dès le lendemain coordinateur de pro-
d’honneur de l’EventoBlog de Séville, le deuxième plus grand événement duction...» Pendant quatre ans, entre Amsterdam et
européen consacré à Internet. ❙ Jean-Yves Huwart Miami, Ramon Suarez joue au pompier.
Actif dans le secteur de l’édition de mode, le jeune
homme se pique ensuite au journalisme. Le groupe
pour lequel il travaille publie aussi des magazines d’en-
treprise et des titres professionnels. Ramon Suarez

«D
ès que j’entrevois une opportunité estimé que ce genre d’apparition dans un événement démarre par l’écriture d’une chronique people dans
de faire bouger les choses, je fon- web était excellent pour l’image de chaque Région.» Ronda Iberia, la revue de la compagnie aérienne espa-
ce.» Ramon Suarez, 37 ans, appar- gnole. Il poursuit avec une rubrique sur les technolo-
tient à cette génération d’Européens Il aime jouer les pompiers gies dans un magazine féminin. «Dans les années 1990,
modernes et cosmopolites qui se En six ans à peine, Ramon Suarez s’est coulé dans j’ai aussi pu réaliser l’interview de la chanteuse du
sentent chez eux quelle que soit la ville où ils se trou- une Belgitude aux senteurs bruxelloises. «J’habite à groupe de rock irlandais The Cranberries, pour le
vent. Voici six ans, le Madrilène a choisi de s’instal- deux rues de la Grand-Place», clame-t-il fièrement. Il magazine du géant Pepsi, se remémore-t-il. C’était très
ler à Bruxelles. «Je suis tombé amoureux de la ville», manie aussi les expressions belges et a même appris varié. J’ai beaucoup appris. Surtout à me débrouiller.»
avoue-t-il. Très vite, il s’est mêlé à la population belge quelques phrases en néerlandais. Son passage par la
au point de jouer aujourd’hui de ses bons offices pour case Belgique n’était pourtant pas inscrit dans ses Bras droit d’éminences internationales
mettre en relation des Belges entre eux ! Son terrain gènes. C’était toutefois sans compter sur son par- Le tournant suivant dans sa carrière, Ramon Suarez
de jeu: le «petit» monde de l’Internet. «Ramon connaît cours... aux accents de boule de flipper. Tour à tour le prend suite à une rencontre avec un député espa-
plus de personnes dans le secteur en Belgique que assistant de production, photographe dans un maga- gnol du PSOE, Raphael Estrella. «C’est l’une des plus
certains professionnels qui y sont actifs depuis plu- zine de mode, politologue, journaliste, attaché au par- intéressantes de ma vie, assure-t-il. Cet homme entre-
sieurs années», observe un familier de la sphère digi- lement européen lors des travaux de la Convention tenait lui-même son propre site web depuis 1996 déjà,
tale belge. européenne puis collaborateur de Josep Borrel, futur soit au tout début de la Toile. Il avait accumulé plu-
Il y a cinq mois, Ramon Suarez a investi la com- président du parlement européen... il a enchaîné les sieurs milliers de liens, classés en catégories. Il m’a
munauté du Web noir-jaune-rouge en s’imposant un fonctions avec une incroyable aisance. «Il existe mal- demandé si j’étais capable de tenir un site Internet.
défi : faire des acteurs belges de l’Internet les invités gré tout une cohérence dans ce cheminement : met- J’ai répondu que j’allais apprendre. Le journalisme
d’honneur du prochain EventoBlog de Seville, la tre les gens en relation, saisir les opportunités», m’avait donné confiance dans le fait que tout peut
deuxième plus grande conférence consacrée au Net insiste-t-il. s’apprendre...»
en Europe, qui se tiendra les 13, 14 et Raphael Estrella l’engage au moment où il prend la
15 novembre. Une des plus populaires présidence de l’assemblée générale de l’OTAN. Une
aussi : pas moins de 1.500 places d’ex- «Le fil conducteur de ma carrière chance extraordinaire. «Je me suis retrouvé du jour
posant se sont arrachées en neuf au lendemain chef de la communication du premier
heures à peine. Digne d’un concert de reste et demeure la communication représentant du parlement de l’OTAN, s’étonne encore
rock ! Et l’Ibère plus belge que belge Ramon Suarez. Pendant deux ans, nous avons voyagé
est en passe de réussir son pari : et la mise en relation des gens.» en Lituanie, en Turquie, au Royaume-Uni... Je devais
22 représentants de start-up belges gérer les relations avec les médias, avec les institu-
(flamandes et francophones) ont tions. Je m’occupais de tout le travail politique.» Au
décroché leur billet pour Séville. Tout a commencé un peu par hasard. «J’ai décroché terme du mandat de son «patron», il est cependant
Le Beta Group, une association informelle jouant le un diplôme en science politique à Madrid, raconte contraint de se trouver une nouvelle mission. De rebon-
rôle de vitrine pour les entrepreneurs du Web belge Ramon Suarez. Puis j’ai étudié aux Etats-Unis. En ren- dir. Il ne quitte pas la sphère politique.
(lire aussi «Trends-Tendances» du 27 août 2009), a trant en Espagne, on m’a demandé d’accompagner une Au début des années 2000, la Convention européenne,
servi de caisse de résonance à l’initiative de Ramon équipe de photographes de mode à Amsterdam. Je par- sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, flanqué
Suarez. Cette dernière a même pris un tour un peu lais anglais. Mais arrivés à l’aéroport de Schiphol, la de Jean-Luc Dehaene comme vice-président, démarre
plus officiel avec le ralliement au projet des attachés compagnie aérienne avait perdu les valises de tout le ses travaux. Objectif : rédiger le traité de la future
commerciaux en Espagne de la Flandre, de Bruxelles monde ainsi que le matériel.» Conséquences : allon- Constitution européenne. Josep Borrel, alors prési-
et de la Wallonie. L’homme a effectué le déplacement gement des délais, annulation de certains rendez- dent du comité joint pour l’Europe, qui représente les

PHOTOS : REPORTERS
à Madrid pour présenter son idée et solliciter leur sou- vous... Pour la société de production, qui avait emmené parlements nationaux, participe à la Convention. Celui
tien. «Ils ont très vite accroché, se réjouit l’Espagnol. 15 personnes, les frais s’apprêtaient à exploser. «J’ai qui sera par la suite nommé président du parlement
Export Vlaanderen, Brussels Export et l’Awex ont tout pris en main, se souvient le Madrilène. De l’hôtel européen cherche un bras droit.


96 People Trends-Tendances 5 novembre 2009 T r e n d s - T e n d a n c e s 5 n o v e m b r e 2 0 0 9 P e o p l e 97
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Ce sera Ramon Suarez. «Ce fut un phone... reconnaît Ramon Suarez.


exercice passionnant, se rappelle Mais je voulais revenir dans un envi-
celui qui voue une certaine admira- ronnement privé, avec plus de défis
tion à la maestria avec laquelle et le nez plus directement posé sur
Valéry Giscard d’Estaing est parvenu les résultats.» Après avoir passé dif-
à mener les débats. J’ai rédigé des férentes options en revue, il opte
propositions d’amendements pour la pour une pause professionnelle. «Je
Constitution, revues ensuite par les me suis alors inscrit à un programme
députés espagnols.» Cette expérien- MBA à l’Ecole de commerce Solvay,
ce a conduit l’Espagnol à rédiger un après avoir pris en considération
livre, avec d’autres auteurs, sur la d’autres cursus possibles en Asie et
Convention européenne. «Il s’agis- aux Etats-Unis.»
sait en réalité de mon deu xième Dans l’amphithéâtre de l’ULB,
livre, précise-t-il. Quelques années Ramon Suarez se retrouve entre un
plus tôt, j’avais publié un ouvrage sur cinéaste et un ingénieur mexicain.
l’ordinateur Macintosh, d’Apple.» Sa faconde agit. Il est élu président
des étudiants de la promotion. «Je
Tomber en amour n’ai pas pu m’en empêcher, concède-
pour Bruxelles t-il : j’ai organisé plein de rencontres.
C’est à cette époque que Ramon J’ai amené des entreprises à se pré-
Suarez découvre Bruxelles, capitale senter à nous. Le directeur de la stra-
de l’Europe. Une fois les travaux de la tégie du constructeur aéronautique
Commission achevés, l’Espagnol et de défense EADS nous a rendu
reste au service de la députation espa- visite. De même que le patron de
gnole du parlement européen. Et Google Belgique. Ou bien encore le
s’installe pour de bon à Bruxelles designer Charles Kaisin.»
pour laquelle il a un véritable coup Ramons Suarez, on l’a dit, s’est
de foudre. fondu dans la culture «zinneke».
«J’adore cette ville, s’exclame-t-il. Elle dégage un charme Bruxellois, non peut-être..., il suggère aux responsables du MBA
énorme. Certains lieux sont en mauvais état, d’autres sont très Solvay la confection d’un costume pour le Manneken Pis. Le cos-
beaux. Il existe de très belles villes qui ne dégagent aucun tume est remis au bourgmestre de Bruxelles lors d’une céré-
charme. Culturellement, Bruxelles est au top. On peut y assister monie en habit de remise de diplôme...
à des concerts, des pièces de théâtre, fréquenter des cinémas, par- Comme 15 ans plus tôt à Amsterdam, la direction du MBA de
ticiper à des festivals partout et tout le temps. C’est une petite Solvay a remarqué l’implication du Madrilène. Elle l’engage
cité avec le cœur d’une grande ville...» comme directeur du marketing. L’un des premiers travaux qu’il
Ramon Suarez repense à Madrid sans nostalgie. Philosophe, il entreprend est de faire exister la marque MBA Solvay sur le Net.
voit dans l’éloignement un dégât collatéral de la vie. Un dégât A l’instar de l’initiative sévillane, qui vise à montrer le meilleur
tout relatif, cela dit. «Lorsque je me rends à Madrid, je m’y sens du Web belge...
aujourd’hui comme un touriste. Mes amis les plus proches me
manquent. Mais ils habitent tous dans la banlieue. Même en rési- Créer sa start-up
dant encore en Espagne, je n’aurais sans doute pas l’occasion Mais l’envie de Ramon Suarez n’est-elle pas de fonder sa propre
de trinquer avec eux plus de trois ou quatre fois par an, la fré- star up internet? Voici quelques mois, le Bruxellois d’adoption
quence à laquelle je reviens dans ma ville d’origine.» était à deux doigts de se lancer. «J’avais concocté un business plan,
En attendant, Ramon Suarez ne rompt pas les ponts avec avoue-t-il. J’avais sélectionné deux agences web. J’avais des contacts
l’Espagne pour autant. Au contraire. Il a lancé Blog Brusselas, un avec les banques.» Son idée, CityGong, consistait à mettre en rela-
blog à travers lequel il partage, dans la langue de Cervantès, sa pas- tion de façon plus formelle les «apatrides» de Bruxelles qui cher-
sion pour Bruxelles avec la communauté hispanique bruxelloise. chaient des activités: trouver quelqu’un pour aller au théâtre,
«Au-delà des informations et des réflexions, ce site a permis aux mettre en place un club de lecture, par exemple... «On dit que per-
Espagnols de Bruxelles de se connaître et de se reconnaître. Le dre son partenaire de tennis peut être pire qu’un divorce, explique
fil conducteur de ma carrière, jusqu’à présent, reste et demeure Ramon Suarez. Avec un service comme celui-là, vous pourriez
la communication et la mise en relation des gens.» retrouver rapidement quelqu’un...» L’homme n’était toutefois pas
certain de la rentabilité de sa plateforme. A contrecœur, il l’a mise
Lobbyiste, non merci ! au frigo.
Retour au parlement européen. Ramon Suarez se lasse douce- Mais pas la webmission belge en Espagne ! Ni d’autres pro-
ment de la politique. Il n’est pas le premier commis parlemen- jets encore en cours de maturation au fond du crâne de ce fier
taire à passer par cette phase. L’étape suivante, comme souvent, Bruxellois. ■
aurait pu consister à rejoindre les rangs d’un quelconque lobby.
«Les gens comme moi connaissent les rouages des institutions, Site web de la mission belge à l’Eventoblog de Séville:
les codes et modes de fonctionnement, les bons numéros de télé- http://wiki.webmission.be/ebe09

98 People Trends-Tendances 5 novembre 2009

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