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NOTE D'INFORMATION N°108

LES MARCHÉS DE PRODUITS


DÉRIVÉS

À la fin de 1990, la Banque des règlements internationaux a attiré l'attention des


autorités monétaires des différents pays sur les risques que le développement excessif
des marchés dits de produits dérivés pourrait faire courir au système financier
international. Si chacun s'accorde à dire que ces marchés répondent indéniablement
aux besoins des opérateurs de se protéger contre l'instabilité des grandeurs
monétaires et financières, comme l'attestent leur essor spectaculaire et leur pérennité,
beaucoup s'inquiètent de leur croissance rapide, voire quasi exponentielle, et
appellent à une surveillance accrue des volumes en jeu et à un renforcement des
normes prudentielles. De fait, des mesures ont été prises en ce sens et sont déjà
largement opérationnelles dans la plupart des pays. Les marchés de produits dérivés
ont fait l'objet de réflexions de la part des banques centrales et divers articles ont été
publiés notamment dans différents bulletins de la Banque de France. Ils ont également
fait l'objet d'études approfondies dans les rapports de la Commission bancaire.

Après avoir expliqué en quoi le développement de ces marchés répond aux besoins des
agents économiques, nous nous interrogerons sur les risques éventuels qu'ils
pourraient comporter pour le système financier mondial, et comment les autorités de
contrôle bancaire et les autorités de marché entendent les prévenir.

DIRECTION DE LA COMMUNICATION OCTOBRE 1997


PREMIÈ RE PARTIE
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LE DÉ VELOPPEMENT DES MARCHÉ S DE PRODUITS DÉ RIVÉ S
ET LEUR UTILISATION PAR LES AGENTS É CONOMIQUES

1. DÉ FINITION ET DÉ VELOPPEMENT DES MARCHÉ S DE


PRODUITS DÉ RIVÉ S
1.1. Définition
1.1.1. Origine du terme « dérivés »
La terminologie financière anglo-saxonne s'est récemment enrichie du mot de « derivatives » traduit en
français par « dérivés ». Ce terme désigne l'ensemble des marchés, qu'ils soient de gré à gré ou
organisés, sur lesquels s'échangent des produits financiers à terme ferme ou optionnel et des contrats
d'échange d'actifs ou swaps. Ces marchés sont appelés marchés dérivés ou marchés de produits dérivés
parce que :

– ils tirent leur origine de celle des marchés et des produits au comptant, ou originels ou encore, sous-
jacents1 ;

– ils remplissent une fonction différente et complémentaire de celle des marchés sous-jacents. Ils ne
servent pas, ou qu'accessoirement, à échanger les actifs eux-mêmes (échange de la liquidité) mais à
se protéger contre le risque de variation des prix des actifs sous-jacents ou à en profiter (échange du
risque). Ils permettent de fixer aujourd'hui les conditions de prix d'un échange futur ;

– les prix des produits qui s'y négocient dépendent étroitement de ceux des instruments sous-jacents.

1.1.2. Structure des marchés

Qu'il s'agisse d'actifs réels, financiers ou monétaires, la structure globale des marchés sur lesquels ils
s'échangent est la suivante :

au comptant
(cash-spot) marchés
(sous-jacent) sous-jacents
(physique)
à livraison différée gré à gré
(forward ou
marchés
cash forward)
organisé
ferme

gré à gré
de contrats marchés
(future) dérivés
à terme organisé

gré à gré
conditionnel ou
optionnel
(option)
organisé

1Au sens figuré, « dériver de » signifie « tirer son origine de ».

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Les marchés organisés se caractérisent principalement par des contrats standardisés, des positions
négociables en continu ainsi que par l'interposition d'une chambre de compensation qui se porte
contrepartie de chacun des intervenants et qui se protège elle-même contre les risques de défaillance en
exigeant des dépôts de garantie préalables et en procédant àdes appels de marge quotidiens.

Les marchés de gré à gré ou OTC (over the counter) traitent des produits sur mesure ou faiblement
standardisés et négociés de manière bilatérale. Les échéances et les montants sont adaptés aux besoins
des agents.

1.2. Développement
1.2.1. Historique

Les marchés dérivés organisés sur instruments financiers sont apparus dans les années soixante-dix aux
É tats-Unis avec l'ouverture à Chicago de l'International Monetary Market (IMM) en 1972. Dans les
années quatre-vingt, Londres a ouvert en 1982 le London International Financial Future Exchange
(LIFFE) et en 1986 Paris a créé le Marché à terme international de France (Matif). Ils sont à présent
installés sur la plupart des places financières, notamment asiatiques, comme à Singapour avec le
Singapore International Monetary Exchange (SIMEX) ou àHong-Kong et Tokyo.

Les marchés dérivés de gré àgré sur instruments financiers sont apparus, quant àeux, vers le milieu des
années quatre-vingt.

Le développement des marchés de produits dérivés est le résultat du profond mouvement de


déréglementation qui a marqué la sphère financière mondiale dans les années quatre-vingt et s'est traduit
par l'accroissement du rôle des marchés dans le financement de l'économie et la couverture des risques
de prix.

Le décloisonnement des circuits de financement et de refinancement des agents économiques s'est


accompagné d'un rôle accru des marchés qu'est venue renforcer la libre circulation internationale des
capitaux. La primauté du marché dans l'affectation optimale des ressources financières et l'extension à
la sphère financière des modes concurrentiels de détermination des prix de la sphère réelle ont ainsi été
consacrées. Désormais, les taux d'intérêt reflètent l'état de l'offre et de la demande de fonds prêtables et
constituent de véritables indicateurs de rareté relative des capitaux.

La « marchéisation » des financements et des refinancements a rendu au taux de l'intérêt son rôle de
variable d'ajustement de l'offre et de la demande de capitaux et a donc accru sa flexibilité. Aux taux
administrés se sont substitués des taux libres. Les taux d'intérêt sont donc plus volatils que par le passé
et notamment ceux à court terme d'autant que les taux de change sont eux-mêmes soumis à d'amples
variations depuis l'abandon du système des taux de change fixes en 1973, et l'accumulation des
déséquilibres de flux et de stocks de créances tant internes qu'externes des principaux pays. Pour se

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protéger des fluctuations importantes des taux de change et d'intérêt, et en atténuer les effets
pécuniaires, les agents économiques privés et publics ont donc développé des marchés spécifiques où
s'échangent des produits de couverture des risques de prix.

1.2.2. Volumes traités

Ces marchés de produits dérivés ont connu un fantastique développement depuis leur apparition et leur
succès ne semble pas se démentir comme en témoignent les chiffres ci-après de source BRI2.

– Volume des transactions mondiales sur produits dérivés :

1986 146 millions de contrats

1991 500 millions de contrats

1995 1 200 millions de contrats

– Encours notionnel sur produits dérivés (milliards USD) :

1986 1990 1995

Produits sur
583 2 291 9 185
marchés organisés

Produits sur
500 3 480 17 990
marchés de gré à
gré

TOTAL 1 083 5 771 27 175

Les données relatives aux marchés organisés sont fiables dans la mesure où elles sont disponibles et
centralisées par les autorités de marché. Il en va différemment pour les marchés de gré à gré où les
volumes traités sont le plus souvent estimés. Les informations comptables sont en ce domaine très
imparfaites. Toutefois, il s'agit dans les deux cas de montants notionnels qui ne donnent généralement
lieu à aucune livraison et par conséquent ne traduisent pas l'importance des risques encourus par les
agents.

Sur la place de Paris, le Monep (Marché des options négociables de Paris) et le Matif sont très actifs.
Ce dernier se classe même au 4e rang mondial par le volume des transactions.

2 Banque des réglements internationaux

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Les marchés de gré à gré sont également très dynamiques et les banques y jouent un très grand rôle,
notamment sur les options de change et les swaps de taux d'intérêt.

2. La protection contre le risque d'instabilité


2.1. Protection individuelle

Les marchés de produits dérivés permettent de se protéger contre une évolution adverse des prix des
actifs financiers et monétaires en transférant le risque sur une contrepartie prête à l'assumer. Cette
contrepartie peut être un agent économique ayant une position inverse sur le marché des produits sous-
jacents ou un spéculateur qui, n'ayant pas de position au comptant, en ouvre une sur le marché à terme
pour profiter des variations de cours. Le risque est donc réparti ou mutualisé comme le ferait un
organisme d'assurance.

Le recours àces marchés entre donc dans la stratégie globale de couverture ou de spéculation d'un agent
économique. Cet agent est ou n'est pas initialement en position sur l'actif sous-jacent.

2.1.1. Les positions et les risques associés

La position d'un agent sur un actif réel, financier ou monétaire représente la quantité de cet actif qu'il
possède, augmentée de celle qu'il a à vendre ou à recevoir et diminuée de celle qu'il a à acheter ou à
livrer, soit :

Position sur Quantité d'actifs Quantité d'actifs Quantité d'actifs


un actif = possédés + àvendre - àacheter

La position est dite :

– fermée et nulle si elle est égale à0 ;


– ouverte et longue si elle est supérieure à0 ;
– ouverte et courte si elle est inférieure à0.

La position de l'agent mesure son exposition au risque de prix et permet de calculer les gains et les
pertes qu'il encourt en cas de variation du prix de l'actif sous-jacent.

Le résultat (R) ou les gains et pertes encourus, est égal au montant de la position sur l'actif sous-jacent
considéré (Q) multiplié par la variation du prix de l'actif sous-jacent (∆P), soit :

R = Q x ∆P

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Le résultat dépend donc de la nature de la position, longue ou courte, et du sens de la variation des prix,
hausse ou baisse, comme l'indique le tableau synoptique ci-après.

PRIX DE L’ACTIF SOUS-JACENT

POSITION Hausse Baisse


∆P > 0 ∆P < 0

Longue Gains Pertes


Q>0 R>0 R<0

Courte Pertes Gains


Q<0 R<0 R>0

Nulle • •
Q=0 R=0 R=0

2.1.2. La gestion des positions

En fonction de sa position initiale, les différentes possibilités ci-après de couverture (1), de spéculation
(2) et de neutralité (3) s'offrent àlui.

sur le comptant
forward
ferme
couvre sa
future (1)
position :
sur le terme
. longue en vendant
. courte en achetant
est en position : conditionnel
longue ou courte
sur l'actif sous-jacent
reste en position

sur le comptant
agent forward
économique ferme
(2)
ouvre une future
position :
sur le terme
. longue en achetant
. courte en vendant
optionnel
n'est pas en position

(3)

reste neutre

Sur le marché à terme ferme (future) s'échangent des contrats standardisés, et donc fongibles,
représentatifs d'une certaine quantité et qualité d'actifs sous-jacents et la livraison effective n'a lieu qu'à
l'échéance standardisée du marché si aucun échange de contrats de sens inverse n'a eu lieu dans

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l'intervalle. Tout agent économique qui achète un contrat se met en position longue et celui qui vend un
contrat se met en position courte :

– L'acheteur peut revendre le contrat avant l'échéance pour annuler sa position à terme ou recevoir
l'actif sous-jacent àl'échéance ;

– Le vendeur peut racheter le contrat avant l'échéance pour annuler sa position à terme ou livrer l'actif
sous-jacent àl'échéance.

Pour couvrir une position longue, les opérateurs doivent donc vendre des contrats à terme, et pour
couvrir une position courte, ils doivent acheter des contrats à terme. Comme l'échéance de couverture ne
coïncide généralement pas avec l'échéance du marché, les opérateurs doivent annuler leur position sur le
marché àterme et réaliser leur opération sur le marché au comptant.

MARCHÉ S

DATES Comptant Terme

d'engagement (1) Position longue → Vente de contrats


(2) Position courte → Achat de contrats

de valeur ou (1) Vente de l'actif → Achat de contrats


de couverture (2) Achat de l'actif → Vente de contrats

(1) Produit de la
→ + Gain ou - Perte
Résultats
vente
(2) Coût
→ - Gain ou + Perte
d'acquisition

Sur le marché à terme optionnel se traitent deux catégories de contrats : les contrats d'options d'achat
(call) et les contrats d'options de vente (put). Les agents peuvent se porter acheteurs ou vendeurs de
chacune de ces deux catégories d'options. L'acheteur paie une prime en échange d'un droit. Le vendeur
reçoit une prime contre une obligation.

Prime
Acheteur Vendeur

Droit

Une option d'achat (de vente) est un droit, et non une obligation, reconnu à un acheteur par un vendeur,
d'acheter (de vendre) un actif quelconque à un cours connu d'avance, appelé prix d'exercice, pour une
période donnée ou à une date donnée, moyennant le paiement immédiat d'une prime par l'acheteur au
vendeur. Le vendeur se trouve dans l'obligation de vendre (d'acheter) si l'acheteur exerce son droit.

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La prime de l'option est fonction du prix d'exercice, du prix de l'actif sous-jacent, de l'échéance ou du
temps restant àcourir, du taux de l'intérêt et de la volatilité anticipée de l'actif sous-jacent.

Un agent économique qui a une position :

• courte sur le physique, peut acheter une option d'achat pour se protéger contre la hausse du prix
de l'actif sous-jacent ;
• longue sur le physique, peut acheter une option de vente pour se protéger contre la baisse du prix
de l'actif sous-jacent.

Les options servent également à prendre des positions spéculatives à la hausse ou à la baisse de l'actif
sous-jacent.

Sur le marché des swaps se traitent les opérations d'échange d'actifs qui recouvrent les swaps de dettes
ou de taux d'intérêt. Elles consistent en un échange entre deux agents économiques du paiement régulier
de flux d'intérêts à taux variable ou fixe sur un capital faisant ou non l'objet d'un échange (capital
notionnel).

Elles servent :
– àaméliorer les conditions de placement et de financement des agents sur les marchés de capitaux ;
– àmodifier les conditions de taux d'intérêt d'un endettement ou d'un placement passé.

Ainsi un agent économique endetté à taux variable et qui redoute une hausse future des taux d'intérêt
peut faire un swap de taux variable (TV) contre taux fixe (TF). Il reçoit alors du taux variable et paie
du taux fixe sur un capital notionnel. Au total, il est amené à payer du taux fixe sur son endettement
antérieur.

Agent TV Marchés de
Contrepartie TV économique capitaux
TF

Swap de taux d'intérêt Endettement antérieur

Ces swaps permettent donc aux agents économiques de profiter de la baisse des taux ou d'éviter leur
hausse, mais ne les protègent pas contre une nouvelle variation adverse des taux d'intérêt.

2.2. Protection globale


2.2.1. Transfert du risque

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Au plan macroéconomique, la réduction des incertitudes qui résulte de l'utilisation des produits dérivés
contribue à créer un climat plus favorable aux investissements et facilite l'insertion internationale des
agents économiques, notamment des entreprises.

Les marchés de produits dérivés ne font pas disparaître les risques de prix mais permettent leur gestion
globale par les opérateurs. Ainsi sur les marchés àterme de change :

– l'offre de devises provient des agents en couverture de positions longues et des spéculateurs à la
baisse de la devise ;
– la demande de devises provient des agents en couverture de positions courtes et des spéculateurs à la
hausse de la devise.

Si l'offre et la demande de devises à terme ne s'ajustent pas au prix à terme initial, le cours variera
jusqu'àce qu'un équilibre soit trouvé.

Au niveau global, le risque ne disparaît donc pas. Il est simplement transféré :

– dans l'espace sur un autre agent, ou une autre variable (taux d'intérêt par exemple) ;
– dans le temps, du terme au comptant ou du comptant au terme.

2.2.2. Gestion professionnelle du risque

La gestion des risques est toutefois assurée par les établissements de crédit qui interviennent sur les
marchés de produits dérivés :

− pour leur propre compte, en vue d’améliorer leurs conditions de financement et mieux maîtriser
leurs risques ;
− pour répondre àla demande de leur clientèle et gérer le risque des autres agents économiques.

Cette évolution présente l'avantage de transférer la gestion des risques de marché à des intermédiaires
financiers mieux armés que la plupart des agents pour l'assurer. Les marchés de produits dérivés,
comme ceux des actifs sous-jacents, sont désormais des marchés de professionnels. Les particuliers ou
les petites entreprises ne doivent donc s'y risquer seuls qu'avec beaucoup de précautions.

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DEUXIÈME PARTIE
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LE DÉVELOPPEMENT DES MARCHÉS DE PRODUITS DÉRIVÉS
ET LEUR INCIDENCE SUR LE SYSTÈME FINANCIER

1. LE DÉ VELOPPEMENT DES MARCHÉ S DE PRODUITS DERIVÉ S PEUT


ACCROÎTRE LES RISQUES DU SYSTÈ ME FINANCIER

1.1. Les marchés de produits dérivés modifient l'environnement financier


1.1.1. En exerçant des effets sur le fonctionnement du système financier

Le développement des marchés de produits dérivés a entraîné un élargissement des activités bancaires et
une diversification des sources de revenus des banques. L'activité classique d'intermédiation tend à
diminuer en valeur relative au profit des activités de marché et les opérations de hors-bilan se sont
développées àun rythme soutenu. Les encours en capitaux sous-jacents des instruments dérivés recensés
au hors-bilan des établissements de crédit représentent désormais plus de deux fois le total de leur bilan
contre 70 % en 1990.

Les produits dérivés ont enregistré une croissance nettement plus rapide que celle de l'ensemble de
l'activité bancaire et leur contribution aux produits et charges d'exploitation bancaire représente environ
le tiers de ceux-ci.

L'existence de ces marchés est également un atout pour une place financière et une preuve de la
technicité des intermédiaires.

L'existence des produits dérivés permet en outre aux agents financiers de mieux couvrir les risques
engendrés par leur activité, et aux agents non financiers d'améliorer la gestion de leurs créances et
engagements financiers. Ces marchés facilitent l'émission par les É tats de titres de la dette publique en
permettant aux agents qui les achètent de couvrir le risque de taux d'intérêt.

1.1.2. En agissant sur la volatilité des prix des actifs sous-jacents

Les prix des actifs dérivés qui s'établissent sur ces marchés sont étroitement liés à ceux des actifs sous-
jacents en raison des arbitrages entre les deux types de marchés. Le cours à terme (T) d'un actif est égal
au cours au comptant (C) augmenté du coût de portage (CP) de l'actif représentant les coûts du
financement de l'actif du comptant au terme et les coûts de transaction, soit :

T = C + CP

Ainsi le prix àterme du USD/FRF sur un marché organisé ou de gré àgré est :

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(i FRF - i USD) x j

TUSD/FRF = CUSD/FRF x 1 +
360 x 100

avec TUSD/FRF cours àterme du USD/FRF


CUSD/FRF cours au comptant du USD/FRF
iFRF taux d'intérêt sur le franc français
iUSD taux d'intérêt sur le dollar
j nombre de jours

Le prix à terme du USD/FRF dépend donc de trois facteurs : le cours au comptant, le différentiel
d'intérêt entre les deux monnaies et le nombre de jours. Le coût de portage est représenté ici par le coût
en trésorerie sur la période.

Le prix au comptant (C) et le prix à terme (T) évoluent donc ensemble, la variation de l'un induisant
celle de l'autre par le canal du coût de portage (CP) suivant les trois séquences possibles suivantes :

∆C à CP à ∆T

∆T à CP à ∆C

∆CP à C à ∆T

Dans des circonstances particulières, comme une crise aiguë, des écarts anormaux peuvent apparaître
entre les prix au comptant et à terme, les marchés au comptant et à terme ne s'ajustant pas à la même
vitesse. Il y a alors des risques de variations brutales du prix du sous-jacent quand les relations
d'arbitrage se rétablissent.

L'activité de spéculation « pure » est plus aisée sur les marchés de produits dérivés à cause des effets de
levier qui les caractérisent. Il est possible d'y prendre des positions en n'immobilisant qu'un faible
montant de liquidités sous forme de dépôts de garantie ou en ne versant qu'une prime modique au regard
des espoirs de gains. Cet effet de levier contribue donc à augmenter les positions spéculatives et à
accroître le montant des pertes en cas de retournement brutal.

Il est donc évident que les évolutions des cours sur les marchés dérivés peuvent déterminer à certains
moments celles des marchés au comptant. Mais, si les évolutions brusques ou désordonnées des cours
peuvent être amplifiées par les marchés dérivés, les variations de prix sont provoquées, la plupart du
temps, par des facteurs plus fondamentaux concernant les économies, les politiques économiques et les
anticipations les concernant.

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Les produits dérivés n'ont de raison d'être que parce que l'instabilité des prix des produits sous-jacents
existe et s'amplifie depuis vingt-cinq ans. On ne saurait créer des marchés à terme pour des actifs dont
les prix ne varient pas ou peu comme les biens industriels.

1.2. Les marchés de produits dérivés peuvent accroître le risque


1.2.1. Risque individuel

Les instruments dérivés ne sont pas à l'origine de risques individuels radicalement nouveaux, mais
modifient les caractéristiques et l'intensité de certains d'entre eux et, notamment, les risques de
contrepartie et de marché.

1.2.1.1. Risque de contrepartie

On considère généralement que les risques de contrepartie encourus sur les marchés organisés sont
presque nuls en raison :

− de l'existence d'une chambre de compensation ;


− de dépôts de garantie ;
− de limites de variation des cours en séance ;
− des appels de marge ;
− de la liquidation automatique des positions des opérateurs défaillants ;
− de la surveillance des positions individuelles.

Dans certaines circonstances, toutefois, ces précautions peuvent s'avérer insuffisantes. La baisse des
cours nécessaire à l'équilibrage du marché peut alors être très importante et entraîner des pertes élevées
pour les opérateurs qui ne seraient pas en mesure de faire face à leurs engagements envers la chambre
de compensation. C'est la raison pour laquelle les sécurités prises par Matif SA sont extrêmement
importantes àl'instar de ce qui se fait sur tous les autres marchés àterme dans le monde.

Les inquiétudes sont plus grandes pour les marchés de gré à gré où l’absence de compensation entraîne
un empilement de positions de sens opposé. Sur ces marchés, les contrats sont bilatéraux. Acheteurs et
vendeurs se connaissent et les transactions ne sont pas anonymes. Les risques de défaillance de la
contrepartie sont donc grands.

1.2.1.2. Risque de produit

Ces risques sont accrus dans le cas d'opérations sur produits non bancaires et sur options. En effet, les
produits dérivés de taux de change et de taux d'intérêt font courir aux intermédiaires des risques proches
de ceux encourus sur les éléments d'actif et de passif. Il en va différemment pour les produits non
bancaires comme les matières premières dont les prix sont très volatils et les marchés peu liquides.

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Les options, pour leur part, entraînent un risque asymétrique, selon que l'on est acheteur (gain illimité,
perte limitée àla prime) ou vendeur (gain limité à la prime, perte illimitée), et un risque aléatoire lié à la
variation de la volatilité anticipée de l'actif sous-jacent.

1.2.2. Risque de système

Le risque systémique peut être défini comme le risque d'aboutir à une crise résultant de l'apparition de
dysfonctionnements dans les systèmes financiers quand l'interaction des comportements individuels
porte atteinte aux équilibres économiques généraux, au lieu de favoriser des ajustements correcteurs.

À cet égard, les marchés de gré à gré sont dépourvus des mécanismes institutionnels de protection qui
existent sur les marchés organisés. Aucun mécanisme ne peut bloquer le développement d'une crise sur
un marché et sa propagation aux autres marchés auxquels il est relié.

Les intermédiaires financiers sont les intervenants majeurs des marchés dérivés en tant qu'offreurs de
produits dérivés et en tant qu'utilisateurs. Dans certains pays, les opérations sur produits dérivés des
banques ayant comme contrepartie d'autres banques représentent 90 % du total. En France, les vingt
premiers établissements de crédit intervenant sur les produits dérivés représentent plus des trois quarts
de l'encours notionnel et les huit premiers plus du tiers. Dans ces conditions, la défaillance d'un ou
plusieurs intermédiaires peut avoir des répercussions de proche en proche sur les autres intermédiaires
et être àl'origine d'une crise systémique.

Le bon fonctionnement de ces marchés de gré àgré repose en définitive sur :

– les teneurs de marchés (market markers) qui assurent leur liquidité ;


– les banques centrales qui interviennent, in fine, sur les marchés du sous-jacent (marché monétaire et
marché des changes).

Toutefois, lorsque le marché est àsens unique, la position des teneurs de marché est difficile et il s'avère
alors nécessaire que la banque centrale fournisse un prix d'équilibre aux opérateurs en intervenant
directement sur le marché.

2. LE DÉ VELOPPEMENT DES MARCHÉ S DE PRODUITS


FINANCIERS A CONDUIT À UN RENFORCEMENT DE LA
RÈ GLEMENTATION PRUDENTIELLE

Les autorités de surveillance bancaire ne souhaitent pas limiter le recours aux instruments dérivés. Elles
s'emploient au plan national et international à mettre en place un corpus réglementaire adapté, faisant
appel àtoutes les composantes de la surveillance prudentielle.

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Le fait que les masses recensées soient impressionnantes n'est pas un véritable sujet de préoccupation.
En effet, une part très importante de l'activité sur produits dérivés consiste en swaps, futures et autres
opérations sur taux d'intérêt et cours de change. Ces opérations sont connues, traitées sur des marchés
efficients et gérées par des professionnels. De plus, il s'agit de montants notionnels ne donnant que
rarement lieu àéchanges.

Quelques inquiétudes existent cependant pour certaines opérations. Ainsi, les ventes d'option comportent
des risques de pertes illimitées en cas de variations adverses des prix. Les opérations sur indices,
métaux précieux et matières premières peuvent également s'avérer risquées en raison de la faible
liquidité de leur marchés.

Les produits dérivés ne recèlent cependant pas des risques différents de ceux des autres produits
bancaires. On retrouve à leur sujet toute la gamme des risques bancaires. Aussi s'est-on orienté vers un
approfondissement de la surveillance microprudentielle et macroprudentielle existante pour l'étendre aux
produits dérivés.

Au total, ce ne sont pas les produits dérivés qui sont réglementés en tant que tels, mais les risques de
toute nature qu'ils impliquent.

2.1. La surveillance microprudentielle


Les autorités bancaires se sont intéressées en premier lieu aux règles de solvabilité, les fonds propres
devant couvrir les risques de marché, c'est-à-dire de contrepartie et de prix, et en second lieu aux règles
de division des risques. Mais elles ont souhaité, en outre, un développement du contrôle interne.

2.1.1. Règles de solvabilité et de division des risques

L'approche retenue par les autorités bancaires françaises pour la couverture par des fonds propres des
risques de crédit et de prix correspond à celle élaborée par les instances bancaires de Bruxelles et par le
Comité de Bâle pour le contrôle bancaire.

Les banques doivent respecter les dispositions du ratio de solvabilité sur l'ensemble de leurs opérations
de bilan et de hors-bilan, hors portefeuille de négociation.

Les risques de prix (taux de change, taux d'intérêt, cours des actions) doivent faire l'objet d'une
couverture en fonds propres qui s'ajoute àcelle des risques de crédit.

Les risques de change sont pris en compte sur l'ensemble du bilan et du hors bilan. Les risques de taux
d'intérêt et de variation du prix des titres sont pris en compte sur le seul portefeuille de négociation
comprenant les titres et les produits dérivés.

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La Commission bancaire porte également une attention très grande aux modèles utilisés par les
établissements de crédit pour mesurer et gérer leurs risques de marché en général et leurs opérations sur
dérivés en particulier. Le recours aux modèles internes est accepté pour le calcul des normes de
solvabilité mais après accord du secrétariat général de la Commission bancaire.

La prise en compte des dérivés en matière de division des risques répond également aux exigences de la
directive européenne sur les grands risques, puisque les opérations avec la clientèle et les opérations
interbancaires sont retenues.

2.1.2. Les règles de contrôle interne

Parallèlement à l'amélioration de la couverture en fonds propres des différents risques bancaires, la


réglementation prudentielle relative au contrôle interne des établissements de crédit à été renforcée.
Cette réglementation impose aux établissements de crédit des règles minimales de bonne gestion, c'est-à-
dire de surveillance et de maîtrise des risques bancaires. Pour les opérations de marché en général et
pour les opérations sur produits dérivés en particulier, les banques doivent notamment mettre en place
un système d'information en temps réel des organes dirigeants sur les positions gérées par les opérateurs
et se doter d'un système de contrôle interne chargé de veiller au respect par les opérateurs des limites et
des procédures fixées par les organes dirigeants ainsi qu'àla régularité des opérations. Les opérateurs de
marché (front office) et les agents chargés de la bonne fin des transactions (back office) doivent
apppartenir àdes unités distinctes.

2.2. La surveillance macroprudentielle

Il s'agit pour l'essentiel d'améliorer la transparence des marchés et d'affiner l'analyse des risques
systémiques qu'ils peuvent générer par une meilleure appréhension des montants en jeu. Il faut donc
poursuivre la réflexion sur la comptabilisation des opérations et l'information.

2.2.1. L'approfondissement des règles comptables

Un effort d'harmonisation des normes d'évaluation est en cours au plan international, bien que, la
plupart du temps, cette harmonisation se fasse d'elle-même par recours aux normes utilisées par le pays
le plus avancé en ce domaine.

Le rapprochement des méthodes de comptabilisation, d'évaluation et de présentation des comptes


permettra de disposer d'une information homogène sur les opérations réalisées par les établissements de
crédit et facilitera l'adoption de normes prudentielles internationales standards. Elle permettra, en outre,
de mieux cerner l'importance des risques pris par les établissements par une meilleure connaissance des
volumes en jeu.

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La France, pour sa part, a fait un effort de rigueur notamment dans le domaine de la comptabilisation
des swaps, des instruments financiers àterme et des opérations en devises.

2.2.2. l'amélioration de la transparence

La grande opacité des interventions sur dérivés dans les documents publiés par les banques et la
moindre sécurité qui en résulte pour les marchés ont incité les contrôleurs bancaires à mener une action
volontariste en matière de communication financière en ce domaine. Les établissements de crédit doivent
donc améliorer la qualité et la quantité d'informations financières qu'ils diffusent et mieux informer les
autorités de contrôle sur les montants qu'ils traitent sur les marchés, notamment ceux de produits
dérivés.

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CONCLUSION

L'explosion des volumes traités sur les marchés de produits dérivés et le rôle
grandissant joué par les spéculateurs et les intermédiaires financiers a incité les
autorités monétaires et de contrôle des pays développés à prendre des mesures pour
éviter une dérive de ces marchés par une utilisation imprudente.

Comme souvent en pareil cas, c'est par un renforcement de la réglementation


prudentielle et une amélioration du dispositif de connaissance des opérations traitées
sur ces marchés par les établissements de crédit que les autorités bancaires tentent de
prévenir tout accident ou d'en limiter la portée.

Sur un plan prudentiel, les mécanismes de contrôle interne mis en place par les
établissements eux-mêmes doivent être bien adaptés et la surveillance par les autorités
régulatrices doit s'exercer pleinement. En particulier, c'est une avancée très positive
que les risques de marché liés à ces produits fassent l'objet d'une couverture en fonds
propres spécifique et que de nouveaux progrès en matière de maîtrise des risques
soient réalisés à l'avenir, par exemple en développant les techniques de compensation
des règlements liés à l'utilisation de ces instruments et le recours aux modèles
internes. Un autocontrôle des professionnels des marchés dérivés demeure toutefois la
meilleure sécurité pour prévenir tout risque de défaillance.

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Exemple de stratégies de couverture d'un risque de change

Soit un exportateur américain qui sait le 7 octobre qu'il va recevoir le 7 novembre


1 500 000 CHF au titre d'une exportation qu'il a réalisée avec la Suisse.

Cet exportateur américain est en position longue sur le franc suisse à hauteur de
1 500 000 CHF. Il encourt donc un risque de pertes en cas de dépréciation du franc
suisse par rapport au dollar.

Face à ce risque il peut soit l'assumer, s'il anticipe une appréciation du franc suisse par
rapport au dollar, soit le couvrir.

Pour le couvrir il peut :

1. vendre à terme sec à son banquier 1 500 000 CHF échéance 7 novembre ;

2. vendre des contrats francs-suisses sur un marché à terme organisé échéance


décembre ;

3. acheter des options de vente de francs-suisses sur un marché organisé


échéance décembre.

Soient les cours de change observés suivants :

• le 7 octobre :

1. sur le marché au comptant interbancaire


1 CHF = 0,7960 USD

2. sur le marché à terme interbancaire échéance 7 novembre


1 CHF = 0,7985 USD

3. sur le marché des contrats de devises échéance décembre (125 000 CHF)
1 CHF = 0,8020 USD

4. sur le marché des contrats d'options sur devises échéance décembre


(62 500 CHF)
put - Prix d'exercice è CHF = 0,80 USD ; Prime = 0,0060 USD

• le 7 novembre :

1. sur le marché interbancaire au comptant


1 CHF = 0,7880 USD

2. sur le marché des contrats à terme échéance décembre


1 CHF = 0,7905 USD

3. sur le marché des contrats d'options de devises


put - Prix d'exercice è CHF = 0,80 USD ; Prime = 0,0130 USD
Tableau synoptique des résultats des différentes stratégies de couverture
du risque de change de l'exportateur

MARCHÉS SOUS-JACENTS MARCHÉS DÉRIVÉS

DATES Marché interbancaire Marché interbancaire Marché à terme de Marché à terme de


au comptant à terme contrats contrats d'option

7/10 • Position longue sur • Couverture • Couverture • Couverture


1 500 000 CHF
• Risque de dépréciation • Vente de 1 500 000 CHF • Vente de 12 contrats • Achat de 24 contrats
du CHF/USD échéance 7/11 de 125 000 CHF d'options de vente (put)
à CHF = 0,7985 USD échéance décembre de 62 500 CHF
au cours de échéance décembre au
1 CHF = 0,8020 USD prix d'exercice de
1CHF = 0,80 USD
• Versement de primes
P = 0,0060 x 62 500 x 24
P = 9 000 USD

7/11 • En l'absence de • Livraison des CHF à la • Annulation de la position • Annulation de la position


couverture ou si banque à terme à terme
couverture sur les
marchés à terme de
contrats fermes ou
optionnels
• Vente de • Achat de 12 contrats • Vente de 24 contrats
1 500 000 CHF au de 125 000 CHF d'options de vente (put)
cours de échéance décembre de 62 500 CHF
1 CHF = 0,7880 USD au cours de échéance décembre
1 CHF = 0,7905 USD au prix d'exercice
de 0,80 USD
• Encaissement de primes
P = 0,0130 x 62 500 x 24
P = 19 500 USD
Résultats • Recette en USD • Recette en • Gain (0,8020 - 0,7905) x • Gain 19 500 - 9 000
0,7880 x 1 500 000 = USD 1 500 000 x 0,7985 12 x 125 000 = 10 500 USD
1 182 000 USD = 1 197 750 USD = 17 250 USD
• Ce gain s'ajoute à la • Ce gain s'ajoute aux
recette tirée de la vente recettes tirées de la
des CHF au comptant vente des CHF au
soit comptant soit
1 182 000 + 17 250 = 1 182 000 + 10.500 =
1 199 250 1 192 500 USD
• Le prix de revient des • le prix de revient des
CHF est de CHF est de
1 CHF = 0,7995 USD 1 CHF = 0,7950 USD

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