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1. Biographie
Eugène Atget est né d'un couple d'artisans de la banlieue parisienne. Orphelin à l'âge de
cinq ans, Eugène Atget est élevé par ses grands-parents. Après de courtes études secondaires, il
s'embarque comme mousse dans la Marine marchande, et sera, de 1875 à 1877, sur un navire des
lignes d’Afrique.
En 1878, de retour à Paris, il tente d'entrer, sans succès, aux cours d'art dramatique du
Conservatoire. Il doit alors accomplir son service militaire. En 1879, il tente de nouveau le
Conservatoire, et réussit. Il commence une carrière d'acteur qu'il poursuivra durant quinze ans, sans
grande réussite ; en 1885, il entre dans une troupe ambulante de comédiens. Son métier lui aura au
moins permis de rencontrer, en 1895, Valentine Delafosse-Compagnon, qui deviendra sa femme.
L'année suivante, victime d'une affection des cordes vocales, il abandonne le théâtre et
Paris pour se lancer dans la peinture, le dessin et la photographie. Dès 1890, il est de retour à Paris
pour s'essayer à la peinture, sans grand succès. Il comprend vite que les peintres, architectes et
graphistes ont besoin de documentation, c'est alors qu'il se tourne vers la photographie. Il commence
à photographier systématiquement, avec l'intention de réunir une collection documentaire à destination
des peintres.
Il s'attache d'abord à des sujets mineurs : les « petits métiers de Paris » qu'il voit
disparaître, les cours d'immeubles, les devantures des boutiques. Ce travail l'amène à développer le
projet de photographier tout ce qui, à Paris, est artistique ou pittoresque. Les institutions telles que la
Bibliothèque nationale perçoivent l'intérêt documentaire d'une telle collection : c'est par milliers
qu'elles achètent ses photographies.
Malgré son illustre clientèle d'artistes (Georges Braque, André Derain, Maurice Utrillo,
Maurice de Vlaminck, André Dunoyer de Segonzac, Moïse Kisling, Tsugouharu Foujita), la situation
financière d'Atget est précaire ( niepewny, wątpliwy) (le couple vivra pendant un temps sur les seuls
revenus de sa femme), particulièrement durant et après la Première Guerre mondiale, au cours de
laquelle il cesse progressivement de photographier jusqu'aux années 1920.
Madame Atget meurt en 1926. Et c'est peu avant sa mort dans la misère, le 4 août 1927,
que les surréalistes, notamment Man Ray grâce à son assistante Berenice Abbott, découvrent son
œuvre. Par la publication de divers articles et ouvrages sur son travail, Berenice Abbott permet de faire
connaître la documentation qu’il a constituée sur les quartiers anciens de Paris. Elle écrit au sujet
d'Atget :
« On se souviendra de lui comme d'un historien de l'urbanisme, d'un véritable romantique, d'un
amoureux de Paris, d'un Balzac de la caméra, dont l'œuvre nous permet de tisser une vaste tapisserie
de la civilisation française. »
En 1927, l'année de la mort d'Atget, le musée des monuments historiques de Paris acquiert
2000 plaques de son travail1.
2. Le système des séries
1
http://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A8ne_Atget
Immense, l'œuvre d'Atget n'est pas une simple succession de photographies prises les unes
après les autres. Son travail est organisé et structuré par un système de séries, de sous-séries et groupes
mis à jour par Maria Morris Hambourg.
Les séries regroupent Art dans le vieux Paris, Art dans les environs, Paysages et documents, Paris
pittoresque, la Topographie ; les sous-séries, Les Intérieurs, les Parcs parisiens, Sceaux, Saint-Cloud,
les Tuileries, Versailles, les Costumes et art religieux ; les groupes, Vieille France, Les Voitures et La
Zone2.
On va présenter les cinq thèmes principal:
C'est avec la représentation des petits métiers qu'Atget va constituer une première série
conséquente. Il commence cette petite suite de prises de vue en restituant une vision élargie de la place
Saint-Médard avant de resserrer son cadrage sur les petits métiers ambulants. Ce mouvement lui
permet aussi d'expérimenter plusieurs types de représentations. D'une part Atget montre l'activité de
ces marchands en leur faisant jouer une scène de rue (les personnages miment une action), d'autre part
en isolant certains petits métiers, Atget se place dans la tradition de la représentation gravée des Cris
de Paris gravés par Edme Bouchardon ou Carl Vernet. Pris en légère plongée, arrêtés, les corps des
marchands sont intégrés dans une composition structurée par les lignes de fuites que dessinent les
pavés et les trottoirs parisiens. Mais ce sont surtout les configurations originales des marchandises
qu'ils portent à même le corps qui les distinguent du reste de la série3. Sur la scène de ce théâtre urbain,
Atget photographie l'activité du commerce de la rue.
La série des petits métiers d’Atget, commencée en 1897, s’inscrit dans une longue tradition
iconographique qui s’affirme comme un genre. Il réussit à inventer un nouveau style documentaire.
Chez Atget, en effet, le petit métier ne se réduit pas au seul motif pittoresque que le folklore du XIXe
siècle avait mis à la mode, mais intègre celui-ci dans son environnement proche4.
b) Enseignes, vitrines, mobilier urbain
Après avoir photographié les petits métiers, Atget s'intéresse aux étalages, aux boutiques et
aux marchés. Ces activités présentent pour lui des aspects qui participent à la morphologie générale du
vieux Paris. Ainsi, les marchandises exposées sortent du cadre strict de la boutique, débordent sur les
trottoirs. Les kiosques, notamment, deviennent chez Atget des formes anthropomorphiques qui
rappellent les marchands ambulants photographiés quelques années plus tôt, et s'opposent au nouveau
développement du commerce que sont les grands magasins de la ville haussmannienne5.
Le propos d'Atget est assez clair. Alors que le centre de Paris se modernise et offre un
certain confort, les marges de la ville sont habitées par une population laborieuse. Atget fait le constat
de cette configuration urbaine et invente une nouvelle approche documentaire en photographie. C'est
en partie pour son nouveau style documentaire que de nombreux photographes des années vingt vont
le tenir pour le précurseur de la photographie moderne7.
Du XIXe jusqu'au XXe siècle, la zone cristallisa un mélange d'attirance et de répulsion.
Elle est paradoxalement, aux yeux des habitants de la capitale, une région certes fangeuse où vit une
populace effrayante, mais aussi un espace de liberté qui fascina la bohème.
Avec son album Zoniers, Atget décrit à la fois la zone et ses habitants. Au-delà du seul
pittoresque, le photographe fait le portrait de ses habitants qu'il tente de replacer dans leur
environnement. Plus qu'un simple reportage, il expose un point de vue très éloigné du misérabilisme
ou de la compassion. Les zoniers, pour la plupart des chiffonniers, ne sont pas seulement appréhendés
par Atget comme marginaux, mais sont considérés comme formant une population originale ayant son
mode de vie, son organisation et son architecture singulière8.
Une large partie du travail d’Eugène Atget a pour sujet le vieux Paris. Il répond en cela à
une préoccupation qui lui est contemporaine et s’intègre dans une longue histoire des discours et des
représentations sur la capitale, à travers laquelle le regard, de la vision panoramique à la vision
rapprochée du détail, détermine la construction d’une représentation du paysage urbain parisien9.
Comment se mêlent texte et architecture ? Atget déjà s'intéresse à l'affiche, à l'enseigne, à
la relation entre texte et image. Aujourd'hui, tags, graffitis, affiches, sous de multiples formes les mots
envahissent les façades. De mot à mot, de phrases en phrases, du sens se tisse, une parole émerge des
murs de la ville.
La ville ne s'écrit pas seulement dans de grands gestes architecturaux mais aussi à travers
un vocabulaire miniature qui fait signe et sens. La série en photographie en donne soudain une lecture
sensible10.
7
http://expositions.bnf.fr/atget/arret/07.htm
8
http://classes.bnf.fr/atget/feuille/01.htm
9
http://expositions.bnf.fr/atget/arret/12.htm
10
http://classes.bnf.fr/atget/arret/01.htm
La ville est en perpétuel mouvement ; avec la destruction d'immeubles ou de cités une
mémoire disparaît, des tranches de vie s'effacent. Le regard d'Atget fait émerger le "vieux Paris" plein
de nostalgie11.
Il y avait donc pour Atget “deux villes” dans une même et une seule ville. Aussi, il est
commode d'y distinguer deux théâtres et deux décors urbains. Loin des attractions de la vie moderne
qui se déroulent sur les grands boulevards, Atget pose le décor de son théâtre urbain en photographiant
les rues vides du vieux Paris. Quand il photographie l'activité des Parisiens, ceux-ci sont pris dans leur
environnement immédiat que constitue le tissu urbain de la ville. Atget photographie la scène d’un
théâtre urbain qui renvoie au pittoresque du vieux Paris. La perception pittoresque devient cette
capacité à faire resurgir la ville ancienne en partie disparue. De son côté, par un travail méticuleux sur
les formes constitutives d'un passé, Atget évite toute nostalgie pittoresque généralement associée au
vieux Paris13.
Eugène Atget, né il y a 150 ans a transformé, par ses photographies, le regard sur la ville.
Trait d'union entre le XIXe et le XXe siècle, il a su voir la ville en dehors de l'architecture
monumentale, s'intéressant aux vitrines, au mobilier urbain, aux poignées de portes… mais aussi
aux intérieurs, aux petits métiers et à ces zones, aux marges de la ville, où sont relégués les exclus
du développement urbain. Il a traqué, dans une ville en perpétuelle démolition/reconstruction, une
mémoire au bord de la disparition.
Les quelque 4 500 photographies d'Atget conservées à la Bibliothèque nationale,
rassemblées pour certaines en albums thématiques par l'auteur ou classées en séries, témoignent
d'un regard si personnel que l'œuvre du photographe a progressivement quitté le champ du
documentaire pour prendre place dans la photographie d'art14.
11
http://classes.bnf.fr/atget/arret/01.htm
12
http://classes.bnf.fr/atget/feuille/05.htm
13
http://expositions.bnf.fr/atget/arret/06.htm
14
http://classes.bnf.fr/atget/arret/01.htm