Hermès (Paris.1988) [ISSN 0767-9513], 2005, N° 41; pp. 75-81, 198 [8 p.] 01/2005;
ABSTRACT
Le courant de la cognition sociale a conceptualisé plusieurs modèles de la catégorisation décrivant les manières avec lesquelles les individus organisent leurs connaissances sur les groupes sociaux. Les trois principaux modèles - les entités, les prototypes, et les exemplaires - détaillent les caractéristiques formelles du groupe. Cet article présente ces modèles et, en adoptant une perspective psychosociologique, il en souligne une limite importante : leur silence en ce qui concerne les conditions qui en déterminent l'actualisation dans les cognitions individuelles. La conclusion s'attarde sur l'apport de ces modèles qui, dès lors qu'ils abandonnent leur prétention d'englober la totalité des activités cognitives individuelles, constituent des outils nécessaires pour comprendre les dynamiques de représentations sociales chez les membres des groupes dominants et des groupes dominés.
Within the cognitive tradition in social psychology, several models of categorization have been proposed. Each model emphasizes the emergence of a single representation of the social group (for example, the group as an entity, as a prototype, or as an exemplar). However, when defining a model of the social group, neither the individuals’ position in the social structure, nor their interactions, are systematically called into attention. The present contribution argues for the adequacy of social representations theory to uncover the antecedent conditions of the individuals’ use of various representations of the social group. Research examples will show how models of the social group which are generally considered antagonistic develop concurrently, depending on the target group to which they are applied.
Original Title
La rencontre de la psychologie individuelle et de la psychologie sociétale, Fabio LORENZI-CIOLDI
Hermès (Paris.1988) [ISSN 0767-9513], 2005, N° 41; pp. 75-81, 198 [8 p.] 01/2005;
ABSTRACT
Le courant de la cognition sociale a conceptualisé plusieurs modèles de la catégorisation décrivant les manières avec lesquelles les individus organisent leurs connaissances sur les groupes sociaux. Les trois principaux modèles - les entités, les prototypes, et les exemplaires - détaillent les caractéristiques formelles du groupe. Cet article présente ces modèles et, en adoptant une perspective psychosociologique, il en souligne une limite importante : leur silence en ce qui concerne les conditions qui en déterminent l'actualisation dans les cognitions individuelles. La conclusion s'attarde sur l'apport de ces modèles qui, dès lors qu'ils abandonnent leur prétention d'englober la totalité des activités cognitives individuelles, constituent des outils nécessaires pour comprendre les dynamiques de représentations sociales chez les membres des groupes dominants et des groupes dominés.
Within the cognitive tradition in social psychology, several models of categorization have been proposed. Each model emphasizes the emergence of a single representation of the social group (for example, the group as an entity, as a prototype, or as an exemplar). However, when defining a model of the social group, neither the individuals’ position in the social structure, nor their interactions, are systematically called into attention. The present contribution argues for the adequacy of social representations theory to uncover the antecedent conditions of the individuals’ use of various representations of the social group. Research examples will show how models of the social group which are generally considered antagonistic develop concurrently, depending on the target group to which they are applied.
Hermès (Paris.1988) [ISSN 0767-9513], 2005, N° 41; pp. 75-81, 198 [8 p.] 01/2005;
ABSTRACT
Le courant de la cognition sociale a conceptualisé plusieurs modèles de la catégorisation décrivant les manières avec lesquelles les individus organisent leurs connaissances sur les groupes sociaux. Les trois principaux modèles - les entités, les prototypes, et les exemplaires - détaillent les caractéristiques formelles du groupe. Cet article présente ces modèles et, en adoptant une perspective psychosociologique, il en souligne une limite importante : leur silence en ce qui concerne les conditions qui en déterminent l'actualisation dans les cognitions individuelles. La conclusion s'attarde sur l'apport de ces modèles qui, dès lors qu'ils abandonnent leur prétention d'englober la totalité des activités cognitives individuelles, constituent des outils nécessaires pour comprendre les dynamiques de représentations sociales chez les membres des groupes dominants et des groupes dominés.
Within the cognitive tradition in social psychology, several models of categorization have been proposed. Each model emphasizes the emergence of a single representation of the social group (for example, the group as an entity, as a prototype, or as an exemplar). However, when defining a model of the social group, neither the individuals’ position in the social structure, nor their interactions, are systematically called into attention. The present contribution argues for the adequacy of social representations theory to uncover the antecedent conditions of the individuals’ use of various representations of the social group. Research examples will show how models of the social group which are generally considered antagonistic develop concurrently, depending on the target group to which they are applied.
LA RENCONTRE DE LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE ET DE LA PSYCHOLOGIE SOCITALE Le courant de la cognition sociale a conceptualis plusieurs modles de la catgorisation dcrivant les manires avec lesquelles les individus organisent leurs connaissances sur les groupes sociaux. Les trois principaux modles - les entits, les prototypes, les exemplaires - dtaillent les caractristiques formelles du groupe. Cet article prsente ces modles et, en adoptant une perspective psychosociologique, il en souligne une limite importante: leur silence en ce qui concerne les conditions qui en dterminent l'actualisation dans les cognitions individuelles. La conclusion s'attarde sur l'apport de ces modles qui, ds lors qu'ils abandonnent leur prtention d'englober la totalit des activits cognitives individuelles, constituent des outils ncessaires pour comprendre les dynamiques de reprsentations sociales chez les membres des groupes dominants et des groupes domins. Le groupe dans les cognitions individuelles Les entits Le modle le plus ancien de la catgorisation est bas sur l'ide d'une inclusion catgorielle en termes de tout ou rien. Le groupe se prsente sous la forme d'une entit homogne et indiffrencie: tous ses membres partagent les mmes attributs, et ce au mme degr. Ils sont ainsi porteurs des attributs dfinissant le groupe dans son ensemble. Ces attributs reprsentent leur essence, savoir ce sans quoi HERMS 41, 2005 15 Fabio Lorenzi-Cioldi ils seraient autre chose que ce qu'ils sont. Cette conception du groupe repose donc sur un essentialisme collectif qui fait obstacle une perception plus fine des diffrences individuelles dans le groupe. Les travaux sur le strotype (cf. Lippman, 1922), en particulier ceux qui remontent la mthodologie de Katz et Braly (1933), montrent qu'une dnomination groupale (par exemple, Noirs, Juifs) veille des contenus qui sont ensuite appliqus indistinctement la plupart des membres du groupe. Ces travaux insistent sur la consensualit et la cohrence de ces contenus. Le groupe ainsi essentialis, en quelque sorte inscrit dans la nature, apparat ds lors comme inaltrable et impermable d'autres formes de perception (Yzerbyt, Rocher et Schadron, 1997). Les prototypes Si pour faire partie d'un groupe la personne doit avoir quelque chose en commun avec les autres membres de son groupe, un groupe peut nanmoins reposer sur autre chose que le partage de certains attributs et d'une essence. Ds la fin des annes 1960, Rosch (1975) avance l'ide qu'il y a des degrs d'appartenance une catgorie. Le gradient d'appartenance est estim l'aide d'un prototype centre de gravit de la catgorie, talon de tous ses membres. Ce prototype est une sorte de moyenne, ou de faisceau d'attributs les plus frquents, des membres du groupe. La possession de tous les attributs dfinissant le groupe n'est donc plus, comme pour les entits, un critre ncessaire d'appartenance. Un groupe merge lorsque les diffrences parmi ses membres sont moins importantes que leurs diffrences par rapport aux membres d'une catgorie concurrente. Ainsi, les catgories ne sont jamais trs homognes et elles ne se dmarquent pas les unes des autres par des frontires nettes. Chaque catgorie est reprsente par un nombre relativement exigu de personnes trs typiques, qualifies de bons exemples. Les tudes empiriques menes par ce courant montrent que les membres centraux d'une catgorie, par rapport aux membres priphriques, sont dcrits par un nombre plus important d'attributs provenant du prototype et qu'ils sont plus accessibles sur le plan cognitif. Notons que ce type de modle est utile pour comprendre la manire dont les mdias contemporains narrent les vnements de l'actualit. Ainsi, lors d'un mouvement social ou d'une protestation, une figure typique est choisie - le routier, l'tudiant, le jeune de banlieue, Jos Bov... - incarnant le sort de l'ensemble de son groupe. Des pays en viennent eux-mmes tre associs des faits particuliers: l'Afghanistan et le terrorisme ou la condition de la femme, l'Angleterre et les faits et gestes de la royaut, etc. De mme, le modle des prototypes claire les dbats qui animent les instituts de sondage lorsqu'il s'agit de coder la profession des rpondants dans un petit nombre de catgories des fins d'analyse statistique: chaque catgorie socioprofessionnelle est dfinie par un ensemble de critres et la grappe que forment ces critres permet l'assignation des individus une classe sociale. Ainsi par exemple, pour dlimiter la catgorie de pauvres - une question dont l'enjeu est dsormais capital du fait de la propagation de l'exclusion sociale - trois critres sont gnralement retenus par l'Insee. Un critre montaire, un critre matriel (la raret des biens possds) et un critre plus subjectif (le sentiment d'un cart entre le revenu disponible et le minimum jug ncessaire). Selon les donnes recueillies en 1994, si 76 HERMS 41, 2005 La rencontre de la psychologie individuelle et de la psychologie socitale 25 % des mnages franais rpondent l'un quelconque de ces critres, ils ne sont que 8 % tre prsents sur deux critres et 2 % l'tre simultanment sur les trois (cf. Sciences humaines, septembre- octobre 1999). Chaque critre lui seul circonscrit donc un groupe de personnes passablement htrognes et c'est la grappe forme par l'ensemble des critres qui affine le classement et fait surgir un prototype du pauvre. Cependant, celui-ci ne peut dlimiter un groupe de personnes qui seraient toutes concernes, de la mme manire et au mme degr, par des politiques sociales univoques. Il apparat ainsi que l'approche de la prototypie innove sur un point dcisif par rapport au modle des entits: alors que ce dernier n'autorisait aucune variabilit l'intrieur du groupe, l'approche des prototypes consent ce que les individus possdent les attributs qui dfinissent leur groupe en nombre et en intensit variables. Cette approche encourage ainsi, jusqu' un certain point, la diversit individuelle au sein du groupe. Les exemplaires Le modle des exemplaires accentue davantage encore cette ide de variabilit interne du groupe. Ce modle n'accorde pas de rles particuliers aux attributs partags par les membres d'un groupe, ni mme la plus ou moins grande typicit de ces derniers. Au contraire, les individus rcolteraient et entreposeraient en mmoire, au fil de leurs rencontres, de l'information beaucoup plus concrte qui se rapporte chacun des membres du groupe. Selon l'un des dfenseurs de ce modle, Un exemplaire... diffre d'un prototype ou d'un schme qui implique gnralement des connaissances abstraites sur les proprits typiques ou attendues d'un groupe social. Les exemplaires (les reprsentations cognitives d'individus) peuvent s'chelonner de reprsentations trs dtailles et compltes de personnes spcifiques (ma mre ou mon collgue) des reprsentations minimales comportant seulement deux ou trois attributs (Smith, 1992, p. 109). Comment peut alors surgir la reprsentation d'un groupe dot d'une certaine cohrence et unit? Shweder (1977) illustre le mcanisme de cette cohrence en considrant le cas de six personnes. Il est entirement possible, affirme-t-il, que A ne partage rien avec D mais possde beaucoup d'attributs en commun avec B qui possde beaucoup d'attributs en commun avec C (bien que quelques-uns des attributs que B partage avec C soient diffrents de ceux qu'il partage avec A), lequel son tour possde beaucoup d'attributs en commun avec D. Si D se joint E, lequel partage beaucoup avec F qui, son tour, partage beaucoup avec A, on arrive la quadrature du cercle et l'ide que les ensembles symboliques qui relvent de la perception quotidienne se distribuent le long d'un continuum qui relie des lments mlangs (p. 646). Dans cet exemple, la plupart des membres du groupe n'ont absolument rien en commun entre eux. Leur appartenance catgorielle commune s'affirme nanmoins au moyen d'une srie d'intermdiaires qui se chevauchent. Le groupe est fondamentalement htrogne et morcel. Aucun de ses membres ne peut revendiquer de l'incarner mieux que les autres. Tous prservent nombre de leurs qualits, mais tous sont nanmoins relis dans le mme ensemble et peuvent se prvaloir de cette appartenance collective. Contrairement aux modles des entits et des prototypes, le groupe d'exemplaires n'appelle aucune dfinition abstraite au moyen de HERMS 41, 2005 11 Fabio Lorenzi-Cioldi quelques attributs ou membres typiques. Cette dfinition merge aprs-coup, lorsque les circonstances le demandent. Tous les exemplaires du groupe entreposs en mmoire sont alors compars selon le ou les attributs rendus saillants dans la situation et les exemplaires les plus ressemblants selon ces attributs dfinissent la catgorie. Ainsi, pour former un jugement catgoriel sur une personne, l'individu parcourt les exemplaires qui ressemblent cette personne en fonction de l'indice contextuel saillant au moment du jugement. Les exemplaires mobiliss seront diffrents selon que cet indice est le sexe, la profession, un trait de caractre, etc. La catgorie incluant cette personne sera donc une catgorie de sexe, de mtier, ou de type de personnalit. Toutefois, mme le produit de ce calcul, savoir le concept abstrait du groupe, est par la suite accueilli en mmoire au mme titre que les autres exemplaires qui s'y trouvent dj entreposs. Les processus cognitifs supposs l'uvre dans la production des exemplaires concourent l'mergence de groupes volatiles, car dpendants du contexte. Ces groupes se limitent accumuler et juxtaposer des personnes. Ils sont donc phmres, htrognes voire htroclites et permables, tout l'oppos de l'image du groupe qui ressortit au modle des entits et, dans une moindre mesure, au modle des prototypes. Les entits et les prototypes se prtent bien davantage que les exemplaires des attributions essentialistes qui conduisent la dpersonnalisation et l'interchangeabilit des membres du groupe, le modle en exemplaires tant le seul reconnatre leur unicit et autoriser le jeu de leurs personnalits . Modle du groupe et ralit sociale Cette brve prsentation des modles cognitifs de la catgorisation suggre qu'ils se sparent les uns des autres, entre autres, en fonction de leur impermabilit et de leur homognit interne. Le modle des exemplaires autorise une diversit des membres du groupe plus importante que le modle des prototypes, qui son tour autorise davantage de diversit que le modle des entits. Or, les psychologues cognitivistes de chaque camp ont uvr pour valider la gnralit de leur modle et prserver leur vision du monde. Il n'existe, pour eux, qu'un format unique de reprsentation (entit, prototype, ou exemplaire) qui serait mme de rendre compte de la manire dont les membres de tout groupe pensent et agissent en toutes circonstances vis--vis de toutes sortes de personnes et de groupes sociaux. Certains psychologues sociaux ont nanmoins mis en vidence des phnomnes qui disputent cette attitude universaliste. Ainsi par exemple, Ostrom et Sedikides (1992) soutiennent que les reprsentations mentales des groupes d'appartenance et des hors-groupes peuvent tre de natures diffrentes: les traits du groupe d'appartenance sont organiss en fonction de chacun des membres du groupe, tandis que les traits du hors-groupe sont organiss en fonction de clivages smantiques qui mlangent ou confondent les membres du groupe. Mullen (1991) soutient que les hors-groupes, tout comme les groupes numriquement minoritaires, prennent la forme de prototypes, alors que les groupes d'appartenance et 78 HERMS 41, 2005 La rencontre de la psychologie individuelle et de la psychologie socitale les majorits mergent comme des assortiments d'exemplaires. Hogg (1993) prcise que le membre prototypique de l'intragroupe peut tre conu de deux manires: comme un idal-type, savoir un ensemble plutt flou de caractristiques groupales, et comme une juxtaposition d'exemplaires, savoir les membres qui incarnent le mieux le groupe (p. 93). Toutefois, les indications d'une compatibilit possible, coexistence ou concomitance de ces types de groupes sont marginales dans le champ de la cognition sociale. Ce sera, prcisment, notre hypothse: le concours de tous les modles cognitifs du groupe est susceptible d'aider une meilleure comprhension de cette ralit. Affinons cette hypothse. Il y aurait un lien entre le type de reprsentation du groupe, en entits, en prototypes et en exemplaires, et la place qu'occupe le groupe correspondant dans la hirarchie sociale des statuts. Le groupe homogne, impermable et indiffrenci, que je nomme agrgat, merge plus frquemment et avec plus de vigueur pour dsigner des individus placs aux chelons infrieurs de la hirarchie sociale. D'autres appartenances ne conduisent pas inluctablement la caractrisation de tous les membres du groupe sur la base de quelques attributs partags. Bien au contraire, ces groupes abritent des formes innombrables de recherche de distinction personnelle et soulignent le sentiment d'unicit de leurs membres. Ce type de groupe, que je nomme collection, merge plus frquemment pour dsigner des individus placs aux chelons suprieurs de la hirarchie sociale. J'ai prsent ailleurs (Lorenzi- Cioldi, 2002) de nombreuses illustrations de cette correspondance entre les modles cognitifs du groupe et leur transcription dans la ralit sociale. Il suffira ici d'en voquer quelques uns, en considrant des groupes au statut social croissant. Pour ce qui est des entits, les travaux sur les strotypes et le prjug ont amplement document le fait que la consensualit et la cohrence de leurs contenus mergent avec d'autant plus de vigueur propos des minorits ethniques et sexuelle (Lorenzi-Cioldi, 1994), ainsi qu' propos de toutes sortes de catgories de travailleurs subordonnes (par exemple, Serino, 1994). Une des illustrations les plus clatantes de l'utilit pratique du modle de la prototypie a t propose par Boltanski (1982). L'auteur examine l'mergence du groupe des cadres au tournant des annes 1930. Groupe tampon nich entre la bourgeoisie et le proltariat, entre les ouvriers et les patrons, les dirigeants et les excutants, les cadres cumulent toutes les ambiguts qui caractrisent un positionnement social intermdiaire et semblent chapper l'analyse en termes de rapports de classes. Ni entit clairement dlimite et homogne, ni nbuleuse sans aucun dnominateur commun tous ses membres, les cadres mergent comme un ensemble vague, un agrgat faible, une mosaque d'individus et de groupements. Ce ne sont, ds lors le plus souvent, pas les cadres comme tels qui font l'objet d'analyses sociologiques, mais l'un ou l'autre des divers types de cadres qui, mis cte cte, font merger le groupe des cadres (Bouffartigue, 2001). Enfin, la description de l'lite du patronat que donnent Bourdieu et de Saint Martin (1978) comme un ensemble de personnes qui rpugnent se penser comme une entit collective, exemplifie l'approche des exemplaires. Le propre de ce type d'lite est de se dfinir statistiquement et d'tre donc dlimites par des frontires statistiques qui ne prennent jamais la forme de lignes de dmarcation strictes... [T]ous les membres du groupe ne possdent pas toutes les proprits qui dfinissent en propre le groupe et, la faon de la limite d'un nuage ou d'une fort, la limite d'un groupe est une ligne (ou une surface) imaginaire telle que la densit des individus (gouttelettes de vapeur condense, arbres ou HERMS 41, 2005 79 Fabio Lorenzi-Cioldi patrons) est d'un ct suprieure, de l'autre infrieure une certaine valeur (p. 33). Ce type de groupe, qui correspond un modle d'exemplaires, se livre la perception sous les semblants d'une association volontaire de personnes dont les attributs ne doivent rien au groupe. Chaque personne contribue dfinir le groupe plus que celui-ci ne contribue la dfinir. Le groupe n'oppose pas d'obstacles la diversit des personnes. Au contraire, il l'encourage et l'affiche. La dfinition commune des membres du groupe demeure subordonne l'examen de ce qui en fait des tres uniques et diffrents de tous les autres. Conclusions L'approche rsolument pluraliste dfendue ici encourage la complmentarit, plutt que l'exclusivit (plus habituelle dans la littrature) des modles cognitifs du groupe. C'est ainsi que certains groupes paraissent dots d'une essence s'appliquant uniformment tous leurs membres, que d'autres sont organiss autour d'un petit nombre de cas typiques et d'autres encore, se drobant la perception en tant que force collective, surgissent comme des juxtapositions de personnalits. Cette mise en rapport des modles cognitifs du groupe et des ensembles concrets que l'on recense dans la hirarchie sociale permet d'accder une meilleure comprhension de la varit des groupes sociaux. Elle permet galement d'aller outre les dynamiques cognitives de la catgorisation supposes l'uvre auprs d'individus isols, sans ancrages sociaux et se dplaant leur guise dans une kyrielle de groupes sociaux plus ou moins interchangeables. Le modle des entits se situe au plus prs des groupes de faible statut social. Inversement, le modle des exemplaires loge au plus prs de la manire dont se peroivent et sont perus les dominants. L'entre-deux des prototypes se prte un ventail d'applications plus large. Il y a donc une troite parent entre les modles cognitifs du groupe - entits, prototypes et exemplaires - et les divers groupes recenss dans la ralit sociale. Mais si les modles cognitifs du groupe sont des outils efficaces, voire incontournables pour organiser la grande varit des conceptions du groupe, ce sont les concepts de collection et d'agrgat, plus solidement amarrs la structure sociale, qui permettent d'en dcrypter les conditions d'mergence. En prenant en considration des variables extrieures au champ de la cognition sociale, des variables qui ont habituellement le rle plus modeste de facteurs perturbant des mcanismes psychologiques gnraux et universels, les modles de la cognition sociale dclinent leur antagonisme et leurs monopoles respectifs pour parvenir la complmentarit. 80 HERMS 41, 2005 La rencontre de la psychologie individuelle et de la psychologie socitale RF RENCES B I B L I OGR AP HI QUE S BOLTANSKI, L., Les Cadres, la formation d'un groupe social, Paris, Minuit, 1982. BOUFFARTIGUE, P., Les Cadres, fin d'une figure sociale, Paris, La Dispute, 2001. 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