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Démocratie, élite, élitisme et eugénisme

G ORWELL, écrivain anglais, dans « la Ferme des Animaux » écrivait que « tous les hommes
sont égaux et certains sont plus égaux que d’autres »
La démocratie est le système politique par lequel la souveraineté est exercée par le peuple. Elle
est fondée sur les 2 principes définis par la démocratie athénienne au 5e s. av JC qui sont l’isonomie et
l’iségorie. Le principe d’isonomie est celui de l’existence des lois écrites qui sont valables et
communes à tous, le principe d’iségorie est celui de l’agora ou l’on peut participer à la gestion de la
cité. La démocratie athénienne n’a pas aboli l’esclavage ni accordé des droits civiques à l’ensemble
des citoyens.
Une élite est un groupe de personnes considérées comme ce qu’il y a de meilleur dans une
société. Il n’y a pas une élite, mais des élites. Ce qui y est associé, ce sont les notions de pouvoir et de
décision.
L’élitisme qui, a priori s’oppose à la notion de démocratie, est un système qui va favoriser les
meilleurs éléments d’un groupe aux dépens de la masse. Ce principe recouvre ce système qui va
favoriser les meilleurs éléments d’un groupe au détriment de la masse des participants de la société.
L’eugénisme est une théorie scientifique qui a été développée dès l’Antiquité (eugénisme de
Platon qui s’inspire des pratique spartiates). Il a été surtout invoqué pour la 1e fois à partir des travaux
de Sir F GALTON (19e s.) qui a mené un certain nombre de travaux sur l’hérédité, et donc sur la
sélection naturelle. Il va envisager un ensemble de méthodes de sélection des individus qui passe par
le contrôle des conditions de leur reproduction pour améliorer la société grave à une planification
soigneuse de son renouvellement. D’un point de vue pratique, il met en jeu 2 méthodes : l’eugénisme
négatif, c’est l’idée que l’on va écarter de la reproduction les possesseurs de gènes défavorables, et
l’eugénisme positif qui fait l’inverse.
Ces 4 définitions semblent difficilement conciliables. Or, entre 1911 et 1930, il y a 24 Etats des
Etats Unis d’Amérique qui ont promulgué des lois visant à la stérilisation des « inadaptés sociaux ».
Ces lois vont également limiter les mariages interraciaux. En 1924 va être voté le « Johnson Act » qui
va limiter fortement l’immigration des ressortissants des pays de l’Europe de l’Est et de la
Méditerranée au prétexte que ces populations étaient inférieures aux anglo-saxons. Incontestablement,
la démocratie n’est pas à l’abri d’un certain nombre de dérives. On peut trouver d’autres exemples,
comme en Suède où, en 1932, va être adoptée une loi de stérilisation eugénique qui a touché plus de
60 000 personnes entre 1935 et 1976.

Le postulat est que tout ce qui relève de l’élitisme et de l’eugénisme ne peut que difficilement
être compatible avec le principe de la démocratie. Pour autant, de fait, les élites ont toujours participé
du fonctionnement de la démocratie. Ces élites ont une responsabilité particulière qui est celle de
maintenir un lien social dans la société pour que personne ne se sente étrangère à un système qui
dériverait vers un système élitiste.

***

Si les notions d’élites, d’élitisme, d’eugénisme et de démocratie semblent naturellement bien


difficiles à concilier, une démocratie ne peut se concevoir sans élites responsables et respectueuses du
jeu démocratique.
L’élitisme et l’eugénisme sont des notions définitivement incompatibles avec la démocratie

L’histoire nous a amplement apporté la preuve que l’eugénisme et la démocratie sont deux notions qui
ne sont pas opposées qu’en théorie

L’élitisme et la démocratie reposent sur des fondements théoriques différents


Dans une démocratie, on rappelle que la légitimité découle du consentement du peuple et
se fonde sur le principe d’égalité des droits (TOCQUEVILLE, ROUSSEAU). C’est l’idée que
notamment, les sociétés aristocratiques, où l’hérédité était d’évidence, ne pourront jamais accorder
qu’une liberté partielle. Seuls les démocraties vont pouvoir conférer cette liberté juste. K MARX qui
contestait ce principe disait que la liberté ne va être que formelle si l’égalité n’est que politique, et si
elle méconnaît la question de la propriété des moyens de production.
L’élitisme est un système qui favorise les meilleurs au détriment de la masse parce que la
masse est considérée comme incompétente et donc inférieure en droits La perversité c’est que le talent
à l’origine de l’élite n’est pas mis au service de l’intérêt général.
On voit donc qu’il y a une opposition quasi-irréductible entre ces 2 notions qui a connu
une traduction dans l’histoire.

Dans l’histoire, le principe d’égalité entre les hommes a été remis en cause par des sociétés
élitistes en théorie comme dans les faits
W PARETO dans « l’illusion égalitaire » rappelle que le fait inégalitaire ne peut être surmonté.
Pour lui, quelque soit le régime, toutes les sociétés sont stratifiées en couches hautes et basses.
L’apparition dans toutes les théories extrémistes et les projets totalitaires du 20e s, avec la
formulation d’un darwinisme social fondé sur les concepts d’inégalité, d’hérédité et de sélection. Cette
tentation eugénique va être exprimée en France par A CARREL, chirurgien, prix nobel de médecine en
1912, qui va développer dans « l’homme cet inconnu » en 1935, une théorie de l’eugénisme fondée
sur le principe de sélection des races. Pour autant, les élites, au sens large sont nécessaires au bon
fonctionnement de la démocratie.

La démocratie ne peut pas se passer de ses élites

Les élites qui ont le devoir d’éviter cet écueil de l’élitisme, historiquement et nécessairement, elles
sont liées à la démocratie.

Les élites ont finalement toujours participé à la mise en place et au renforcement de la


démocratie.
Pour illustrer ce rôle d’impulsion de la démocratie, on pensera aux Lumières, au rôle
fondamental des écrivains (affaires Callas, Dreyfus). On peut également citer l’élitisme républicain de
la 3e république avec la mise en place de l’école publique qui avait pour objectif de permettre à tous
les citoyens de s’élever dans l’échelle sociale. On voit que ce sont les élites, quelles qu’elles soient qui
font fonctionner la démocratie et tomber les dictatures.
On peut se demander si l’élitisme est vicié par nature ou si, malgré tout, il peut être
indispensable au fonctionnement de la société ? Il ne faut pas perdre de vue la dimension
concurrentielle de l’élitisme qui présente des aspects positifs évidents. On voit que c’est l’émulation
qui va faire que chacun d’entre nous va chercher à faire partie des meilleurs dans ce qu’il fait. Elle
n’existe que si l’objectif est attractif. Il doit exister une sorte de marché au sein duquel, accéder à
l’élite puisse ne pas apparaître comme hors de portée. C’est la dimension culturelle de l’élite qui va
apporter à la société. Cette notion peut constituer un moteur pour la société et maintenir une pression
pour la qualité. Dans la mesure où l’on est dans un système ouvert, de fait, il va naturellement garantir
une certaine cohésion sociale. C’est aussi un moteur pour l’individu. Le problème, c’est que cela ne
fonctionne pas si bien. L’élitisme ne tourne pas de cette manière, il a des effets pervers. On sait que
cette idée d’élitisme républicain s’est perdue. L’appartenance à une élite génère des phénomènes de
reproduction sociétaux (BOURDIEU et le « capital politique »).
L’élitisme lorsqu’il ne fonctionne pas bien, peut avoir pour effet l’exclusion, mais
également une certaine inefficacité qui a été traduite par le principe de PETER (psychologue
canadien). Ce dernier a développé l’idée que tout individu fini par atteindre son niveau
d’incompétence. Pour lui, un bon ouvrier va sans doute accéder au niveau supérieur, mais il a des
chances pour qu’il devienne un mauvais contremaître. En tous cas, ce principe montre qu’un système
élitiste peut être en lui-même inefficace parce qu’on atteint toujours son niveau d’incompétence.

Pour autant, les élites ont un rôle à jouer pour que la société reste égalitaire. Notre société ne
doit pas dévier vers un système élitiste, parce qu’il en va de la légitimité de ces élites et de la cohésion
de la société.
Un certain nombre de dérives ont existées, mais doivent être relativisées.
On peut faire le constat d’une main mise d’une classe dirigeante sur les affaires publiques
et privées (scandales politico-financier). C’est aussi ce sentiment grandissant de cet écart entre les
gouvernants et les gouvernés.
Il faut évidemment faire en sorte que la sélection des élites ne soit pas qu’un simple
phénomène de reproduction, parce que le risque est l’accentuation du caractère dual de notre société.
En effet, si cette sélection n’est pas conformité avec les idées de base, les élites vont perdre leur
légitimité. Cet élitisme républicain via l’école ne correspond pas à une réalité. On peut rappeler l’étude
réalisée par le ministère de l’éducation en 2001 qui avait pour objectif de dresser les profils des
étudiants en classe préparatoire. On s’est rendu compte que les enfants des cadres ont 6 fois plus de
chances d’intégrer une classes préparatoire que les enfants d’ouvriers.
Pour autant, il ne faut pas tomber dans l’excès inverse. On va rappeler que l’élitisme n’est
pas spécifique à telle ou telle catégorie socioprofessionnelle. Surtout, on va pouvoir défendre l’idée qu
le système de sélection des élites, organisé ou non, reste relativement égalitaire parce que malgré tout,
il est au moins, pour partie, fondé sur le talent. C’est le principe du concours, de la possibilité d’accès
aux fonctions politiques (parité…)

Il appartient aux élites, elles même, de ne pas perdre de vue leur responsabilité dans le
maintien de ce système démocratique qui ne peut fonctionner sans les chefs de file. Les élites ne
doivent pas oublier ceux pour qui et grâce à qui, elles existent : l’ensemble de la société. M
CROZIER, sociologue français, qui a réalisé une étude sur l’ENA disait que « le système de l’ENA
m’a stupéfié, il incite à ne pas écouter, et à tout savoir »

Biblio : A GARRIGOU ed La Découverte « les élites contre la république »

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