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Principes formels et fonctionnels de la

variation en terminologie

Enilde Faulstich
Universidade de Brasília (UnB)
Département de Linguistique,
Langues Classiques et Langue Vernaculaire (LIV)
Centre d'études lexicales
et terminologiques (Centre Lexterm)
Brésil

[Publié dans Terminology, Vol. 5(1), 1998/1999. p. 93-103,


Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins Publishing Co.]

In terminology, the theory of variation has to plan two temporal ways for the
analysis of terms in the discourse : one concerns the synchronic aspect
where variants present the same referential signifié, the other, which is
historic, enables us to systematize the lexico-terminological structures which
change, in order to reconstruct the conceptual structures of the analyzed
period of time. In order to deal with the (re)organization of the conceptual
structures, we present the points of view substaining that a word-concept
relation is carried out within languages in movement. The scope is the
functional analysis of the terminology in the synchronic and diachronic axes
of social discourses. The idea is to prove that scientific and technical
terminologies, as well as the popular one, do not belong exclusively to the
synchronic axis of languages. Terminologies have their own history too and
they contribute to the history of languages.

KEYWORDS: Terminology, variation, languages in movement, synchronic and


diachronic axes
2

1. Relation terme-concept

En guise de révision, il faut préciser que les termes sont des signes qui tirent
leur fonctionnalité des langages de spécialité, conformément à la dynamique
des langues; il s'agit d'entités qui varient, étant donné qu'elles font partie de
situations communicatives distinctes; ce sont des éléments du lexique
spécialisé qui connaissent des évolutions, par conséquent, il faut les analyser
sur les plans synchronique et diachronique des langues (Cf. Faulstich, 1995).

En outre, un concept possède des caractéristiques spécifiques qui


s'organisent par l'entremise de traits observables ou imaginables. Les traits
regroupent les objets du monde réel, en fonction de l'extension et de la
compréhension du concept.

Par conséquent, le terme et le concept représentent le signe et le


signifié; un concept est une unité de connaissance qui contient les attributs
d'un certain référent, appelé terme (Cf. Faulstich, 1988).

La relation entre concept et terme se fait au moyen de prédications


qui particularisent l'extension et la compréhension du référent. Ces
prédications se présentent sous la forme de caractéristiques essentielles et
accidentelles qui sont responsables de l'extension d'un concept et de
caractéristiques individualisantes qui délimitent la compréhension.

Les caractéristiques essentielles appartiennent à tous les référents


d'un certain type; les caractéristiques accidentelles appartiennent à quelques
référents d'un certain type; les caractéristiques individualisantes
appartiennent uniquement au référent en question.

Ainsi, poule, canard, pigeon, perdrix ont comme caractéristiques


essentielles d'être des oiseaux. Chacun de ces oiseaux possède des
caractéristiques accidentelles, par exemple, la poule appartient à la famille
des gallinacés, le canard à la famille des palmipèdes, le pigeon est un
columbiforme et la perdrix est une galliforme. Si on restreint plus encore
l'extension des signifiés, on peut dire que la poule possède une crête
charnue et des ailes courtes et larges, le canard est un oiseau aquatique, le
pigeon a un vol puissant et la perdrix n'a pas de queue.

L'ensemble de caractéristiques de chaque terme contribue à la


formulation de la définition, comme, par exemple, “poule est un oiseau
3

gallinacé avec une crête charnue et des ailes courtes et larges” ou “perdrix
est un oiseau galliforme sans queue”.

Devant ce processus formel d'organisation conceptuelle, on peut se


demander quelles caractéristiques varient et génèrent d'autres contenus.

Nous tenterons de répondre à cette question au cours de l’exposé.

2. Le terme en mouvement

Dans les parcours temporels de la langue, le terme est une entité du discours
indépendamment de sa réalisation sur les plans synchronique et
diachronique et, par conséquent, peut présenter des variantes anciennes et
actuelles. Ces idées, résumées dans le graphique suivant, seront traitées en
prenant, comme base, des termes du domaine culinaire, tirés de textes de
portugais archaïque, c'est-à-dire Um tratado da cozinha portuguesa do
século XVi; o Códice I. E. 33. O Livro de cozinha da Infanta D. Maria de
Portugalii , de la fin du XVe siècle ou du début du XVIe siècle; A Arte de
cozinhaiii, du XVIIIe siècle et de quelques ouvrages actuels.

Dans ce graphique, les relations montrent que la variation


terminologique agit dans la langue, en fonction des variétés trouvées dans
les divers styles de l'histoire :

Socioterminologie
È
terme
È
parcours temporels dans la langue Æ variation et changement
Ë Ì
synchronie diachronie
É Ê
formes variantes
Ë Ì
actuelles passées
Ì Ë
langue
È
Å----------------------------Æ
langages en mouvement
È
variantes
Ë Ì
code langue
4

La socioterminologie est une discipline qui s'intéresse au mouvement


du terme dans les langages de spécialité.

Le terme est un élément lexical qui a une fonction communicative


interlinguistique ou intralinguistique ainsi qu'une valeur sociale et culturelle.
Dans les parcours temporels de la langue, le terme peut varier et changer de
forme et de contenu, que ce soit sur le plan synchronique ou diachronique.
Ainsi, on peut déterminer si les variantes sont actuelles ou passées, en
examinant leur fonctionnement dans le code ou dans la langue, puisqu'elles
présentent de nouvelles formes dans le système et dans la norme. On relève
ces formes dans les langages qui sont en perpétuel mouvement, ce qui
signifie qu'aucune étape de la langue est un bloc homogène, bien que celui-
ci soit régulier. Par ailleurs, chaque étape de la langue est limitée par des
ensembles de variétés linguistiques, lesquelles s'entrecroisent sous
l'influence des langages et tendent à présenter i) la variation comme
processus, ii) les variantes comme protocoles naturels d'évolution iii) le
changement comme produit de la transformation dans les schémas
communicatifs.

Examinons quelques cas de la grammaire du portugais archaïque,


où la variation s'observe dans diverses strates linguistiques du XVe siècle et
plus précisément dans le discours du domaine culinaire.

A) Relation terme-concept, créé et stabilisé en diachronie. Dans ce cas,


il n'y a pas de mouvement conceptuel, mais un maintien de
caractéristiques spécifiques seulement en diachronie.

i) D. Lopo de Almeida escreve: ‘e comeram a comum todos misturados com


ele (o imperador), de guisa que todos comiam nos ditos dois bacios;’
(Arnaut)iv
i) D. Lopo de Almeida écrit : “ ils ont tous mangé avec lui (l'empereur), de
sorte que tous ont mangé dans ces deux dits bols; ”v

ce qui signifie,

- en portugais archaïque (dorénavant PA) :

bacio: todo vaso de boca larga, como gomis, canecas, etc. e nisto, se
diferençavam das bacias que estas eram de mais bojo e fundas, e aqueles
eram mais chatos e espalmados, a modo de nossas bandejas. (Viterbo)vi
5

bacio (bol) : tout contenant à large embouchure, par exemple, pichets,


tasses, etc., ce qui d'ailleurs les distingue des seaux qui étaient plus larges et
profonds, alors que ceux-ci étaient plus plats et évasés, comme le sont nos
cabarets;vii

- en portugais contemporain du Brésil (dorénavant PCB) :

bacio. [Do cat. bací.] S. m. 1. V. urinol (1). Verbete: urinol [De urina+-ol.] S.
m. 1. Vaso apropriado para nele se urinar e defecar. [Sin.: bacio, bacia,
louça, vaso, penico, bispote, mijadeiro e (bras.) capitão, cabungo e (ant.)
mátula] (Aurélio)viii
bacio. (bol) [Du cat. bací.] n.m. 1. V. urinol (pot de chambre) (1). Entrée :
urinol [De urina+-ol.] n.m. 1. Vase utilisé pour uriner ou déféquer. [Syn. :
bacio, bacia, louça, vaso, penico, bispote, mijadeiro et (brés.) capitão,
cabungo et (anc.) mátula]ix

Dans la rubrique du PA, le terme bacio (bol) figure dans la relation


argumentative X[+humain], [+agent] comia (mangeait)[+action-processus] em bacio (dans
le bol)[+lieu]. Le locatif “bacio” (bol) est choisi par le verbe d'action-processusx
“comer” (manger) et génère, selon un point de vue sémantique, la règle
“bacio é[+état] vaso no qual se deposita o que se come” (bol dans lequel on
met ce qu'on mange) et d'un point de vue pragmatique, exclusif au XVe
siècle, la règle “bacio serve[+action-processus] para depositar comida” (bol sert
pour déposer la nourriture).

Dans le PCB, la relation argumentative est différente : X[+humain], [+agent]


urina/defeca (urine/défèque)[+action] em bacio (dans le pot de chambre)[+lieu].
Dans ce cas, le locatif “bacio” (pot de chambre) est choisi en raison des
verbes d'action defecarxi (déféquer) et urinar (uriner) et, par conséquent, le
signifié de bacio (pot de chambre) est différent; l'analyse sémantique produit
la règle “bacio é[+état] vaso no qual se deposita excremento” (pot de chambre
est vase dans lequel se mettent les excréments); l'interprétation pragmatique
suit la même règle “bacio serve[+action-processus] para defecar, urinar” (pot de
chambre sert pour déféquer, uriner), mais le but du locatif change.

B) Relation terme-concept en mouvement de la diachronie à la


synchronie, avec un résultat différent en synchronie. Dans ce cas, il
y a déplacement de quelques caractéristiques conceptuelles au fil des
siècles.

ii) D. Pedro I, em Lisboa, quando das grandes festas por altura de D. João
Afonso Telo ser feito conde e armado cavaleiro, ofereceu ao povo em
‘mui grandes tendas’ no Rossio, ‘grandes montes de pão cozido e assaz
de tinas cheias de vinho, e logo prestes por que bebessem, e fora
estavam ao fogo vacas inteiras em espetos a assar; e quantos comer
6

queriam daquela vianda, tinham-na muito prestes e a nenhum não era


vedada, e assim estiveram sempre enquanto durou a festa. (Arnaut 1967 :
XXVI)
ii) D. Pedro I, à Lisbonne, pendant les grandes fêtes lorsque D. João Afonso
Telo fut fait conte et armé chevalier, a offert au peuple dans de “très
grandes tentes”, au Rossio, de “grandes brassées de pain cuit et
beaucoup de tonneaux pleins de vin, et prêts à être bus, et dehors étaient
au feu des vaches entières embrochées pour être cuites; et tous ceux qui
voulaient manger de cette vianda (viande), en avaient très rapidement et il
n'y avait aucun refus, il en était ainsi pendant toute la durée de la fête.xii

d’où,

- dans le PA :

vianda: os comestíveis e as comidas tinham a designação genérica de


viandas. Vianda tanto era o pão, como a carne, como o peixe... (Arnaut 1967
: XXVIX)
vianda (viande) : les aliments comestibles et la nourriture recevaient la
désignation générique de viandes. Viande désignait soit le pain, la viande ou
le poisson...xiii

- dans le PCB :

vianda. [Do fr. viande, 'alimento'.] S. f. 1. Qualquer tipo de alimento. 2.


Qualquer carne alimentar. 3. Carne de animais terrestres: "comiam também,
em roda dos alforjes abertos, cortando com os punhais nacos de gordura
nas grossas viandas de porco" (Eça de Queirós, A Ilustre Casa de Ramires,
p. 485). [...] ( Aurélio)
vianda (viande). [Du fr. viande, 'alimento'.] n.f. 1. N'importe quel type
d'aliment. 2. N'importe quelle chair alimentaire. 3. Viande d'animaux
terrestres : “ils mangeaient aussi, autour des sacoches ouvertes, coupant
avec les poignards les morceaux de gras dans les grosses pièces de viande
de porc” (Eça de Queirós, A Ilustre Casa de Ramires, p. 485). [...]xiv

Dans le PA, “vianda” (viande) est choisie par le verbe d'action-


processus “comer” (manger) et génère la relation argumentative X[+humain],
[+agent] come (mange)[+action-processus] vianda (de la viande) [+spécifiant [+céréale], [+liquide],
[+tissu musculaire]]. Dans le PCB, la relation est la même, mais le contenu
sémantique de vianda (viande) est exclusivement tissu musculaire [=carne]
(chair). Dans le PA, vianda (viande) conserve un plus grand nombre
d'informations sémantiques que dans le PCB. Dans celui-ci, l'extension du
signifié est partielle et la compréhension est entière; dans le PA, la
compréhension du signifié est moindre parce que l'extension du contenu est
plus grande.
7

iii) ... e tomarão a perdiz e huua pouqª de cebola


picada/ e a cebola ha de Ser pmro
a fogada cõ azeite ou mamteygua
e deitareis tudo e huua tigella de
foguo cõ seu adubo/. crauo/ pimeta/
e acafrão [...]xv

d’où,

- dans le PA :

adubo: significa tempero


adubo: signifie assaisonnement;

- dans le PCB :

adubo. [Dev. de adubar.] S. m. 1. Tempero, condimento. 2. Resíduos


animais ou vegetais, ou substância química, que se misturam à terra para
fertilizá-la; fertilizante. [...] (Aurélio)
adubo (assaisonnement). [Dev. de adubar.] n.m. 1. Assaisonnement,
condiment. 2. Résidus d'animaux ou de végétaux, ou substance chimique qui
se mélange à la terre pour la fertiliser; fertilisant. [...]xvi

Dans le PA, “adubo” (assaisonnement) est choisi par le verbe


d'action-processus “cozinhar” (cuisiner) et produit la relation argumentative
X[-humain], [+patient] é cozida (est cuisiné)[+action-processus] com adubo (avec des
assaisonnements) [+spécifiant [+girofle], [+poivre], [+safran]]. Dans ce cas, le point de vue
sémantique de adubo (assaisonnement) peut être représenté par la règle
“adubo é[+est] tempero de comida” (assaisonnement est assaisonnement pour
la nourriture); le point de vue pragmatique présente une autre règle “adubo
serve[+action-processus] para temperar comida” (assaisonnement sert pour
assaisonner la nourriture).

Dans le PCB, “adubo” (assaisonnement) est sélectionné par le verbe


d’action-processus “fertilizar” (fertiliser) et il génère la relation argumentative
X[-humain], [+patient] é fertilizada (est fertilisé)[+action-processus] com adubo (avec de
l'engrais)[+spécifiant [+résidus] [[±animal], [±végétal], [±chimique]]]. On ne reconnaît, en
portugais contemporain du Brésil, le signifié de adubo comme
assaisonnement, que sous la forme orale, et ce dans quelques
communautés des villes de l'intérieur du pays; ainsi, l'acception 1 du Aurélio
constitue un signifié fossilisé, un archaïsme sémantique.
8

C) Relation terme-concept dont le contenu sémantique résulte de


l'évolution qui apparaît de la diachronie à la synchronie.. Le
processus provoque un changement de quelques caractéristiques
conceptuelles dans l'évolution linguistique.

vi) Fugido de Aljubarrota, doente, o rei de Castela, em Santarém, pediu que


lhe ‘torrassem uma sopa para comer’. (Arnaut 1967 : CXVI)
vi) Enfui de Aljubarrota, malade, le roi de Castille, à Santarém, a demandé de
“préparer une soupe pour manger”.xvii

d’où,

- dans le PA :

torrar: a expressão “torrar” tem o largo sentido de “fazer” [pelo calor] (Arnaut
1967 : CXVI)
torrar: l'expression “torrar” signifie, au sens large, “préparer” [par la
chaleur];xviii

- dans le PCB :

torrar. V.t.d. 1. Ressequir por meio do calor do fogo, ou ao sol: "A seca
calcina a terra, resseca os matagais, torra as capoeiras decotadas" (Gustavo
Barroso, Terra de Sol, p. 177). 2. Secar muito. 3. Queimar de leve; assar,
tostar. (Aurélio)
torrar (griller). V.t.d. 1. Sécher au moyen de la chaleur du feu ou du soleil :
“La sécheresse calcine la terre, assèche les bois, brûle les arbres” (Gustavo
Barroso, Terra de Sol, p. 177). 2. Assécher beaucoup. 3. Assécher peu; rôtir,
griller.xix

Dans le PA, le signifié du verbe d'action-processus “torrar” (préparer)


est complété par “sopa” (soupe), aliment liquide, et génère la relation
argumentative X[-humain], [+agent], [+causatif] torra (prépare)[+action-processus] sopa
(soupe)[+liquide]. Dans le PCB, le verbe torrar (griller)[+action-processus] requiert
alimento (aliment)[+solide]. Dans ce cas, une relation argumentative identique
est maintenue dans l'usage archaïque et contemporain, mais le point de vue
sémantique n'est pas le même, parce que le verbe a subi un processus de
resémantisation dont la règle extensive est X[-humain], [+agent], [+causatif] torra
(grille)[+action-processus] Y[+aliment], [+solide]. Le signifié de torrar (préparer) des
aliments liquides a complètement disparu de l'usage brésilien.

3. Variation et changement dans la langue codifiée et dans la langue


fonctionnelle. Quelques réflexions
9

Le code est un répertoire de symboles qui se distinguent par opposition


réciproque (Eco 1972:16). Cette perception qui va de concert avec le
paradigme classique de l'analyse fonctionnelle de la langue, inauguré par
l'École Linguistique de Prague, situe les oppositions dans le système de la
langue. La langue est, en elle-même, un système dont les unités et les
éléments entretiennent des relations à deux niveaux : les niveaux
paradigmatique et syntagmatique. Dans ces niveaux, la valeur de chaque
unité ou élément est déterminée par son contraste et par la possibilité de
combinaison avec d'autres éléments du système.xx

Dans la variation du code, les valeurs ne s'opposent pas dans le


système linguistique, mais se révèlent des allographes parce que, dans la
période archaïque, les langues présentaient de grandes variations
graphiques, étant donné qu'elles n'étaient pas encore normalisées. Mattos e
Silva (1989 : 42) constate que chaque texte archaïque constitue un tout en
soi et propose, comme début de description, la collecte de la variation
graphique quand elle affirme que, “à partir de l'étude de la graphie, certains
aspects de la représentation des morphèmes, soit nominaux soit verbaux,
peuvent être éclaircis”.

La variation graphique indique que le système des signes


conventionnels du portugais – entre le XVe et le XIXe siècle – présentait un
usage très fluctuant. C'est le cas de manteiga (beurre) qui, au XVe siècle,
présentait d'autres formes, avec des variations dans toutes les syllabes :
mamtejga; (3) mamteygua; (6) manteiga; (3) manteyga; (3) mãteiga
mãtejga; (1) mãtejgua; (1) mãtejguua; (6) mãteyga; (1) mãteyguaxxi

ainsi,

• dans les syllabes initiales, on rencontre les variantes mam- / man- / mã-
dans lesquelles la fluctuation du registre archiphonétique nasal réitère la
présence continue de la nasalisation. Cette présence est un fort indice
que la valeur phonétique de la nasale, en variation, devrait demeurer dans
la forme standard du mot. De fait, la nasale se maintient dans la syllabe
phonologique du portugais contemporain : man-;
• dans les syllabes médianes, on trouve -tey- / -tei- / -tej- une situation qui
dénote l'effacement du phonème arrondi /y/ en concurrence avec le
phonème étiré /i/ ou /j/. La syllabe standard du portugais contemporain est
-tei-;
• dans les syllabes finales, on note -ga / -gua / -guua dont la fluctuation
présage la perte d'une forme sans valeur phonétique. En portugais
contemporain, la syllabe standard est -ga.

4. Vers l’élaboration d'une théorie de la variation en terminologie


10

La théorie de la variation en terminologiexxii doit prendre en considération le


fait qu'une unité terminologique peut comporter ou assumer différentes
valeurs, selon la fonction qu’une variable donnée a dans les contextes où elle
figure.

La fonction est une entité de nature pragmatique qui active ou ralentit


les mécanismes de la variation. En terminologie, plus la variation est
soutenue par des postulats linguistiques, plus elle doit être catégorique. Afin
d'étayer notre raisonnement, nous posons les postulats suivants concernant
la variation en terminologie, c'est-à-dire qu'il y a :

a) dissociation entre structure terminologique et homogénéité, univocité ou


monoréférentialité, et association de la notion d'hétérogénéité ordonnée à
la structure terminologique;
b) abandon de l'isomorphisme catégorique entre terme-concept-signifié;
c) acceptation du fait que, puisque la terminologie est un fait de langue, elle
contient des éléments qui varient;
d) acceptation du fait que la terminologie varie et que cette variation peut
indiquer un changement en cours;
e) analyse de la terminologie dans des co-textes linguistiques et en contextes
discursifs de la langue écrite et de la langue orale.

Nous pouvons représenter ainsi le modèle théorique de la variation :

Variation

variable

variante

concurrente co-occurrente compétitive

variante formelle synonyme emprunt

En principe, la terminologie peut entraîner des changements lexicaux


qui sont des produits de la variation. La variation s'explique par le
mouvement graduel de la langue dans le temps et dans l'espace. Les
11

phénomènes de variation se rencontrent dans le système interne de la


langue et se répercutent de manière systématique dans le langage.

Les variables terminologiques sont associées à une probabilité


d'occurrence et, dans l'ensemble, dépendent d'une autre variable; par des
circonstances naturelles, elles apparaissent circonscrites par le contexte.
Ainsi, les variantes se comportent comme des variables dépendantes, à
l'intérieur d'un processus de variation entre deux entités X et Y, qui se
disputent la même position.

De manière générale, une variante (X) occupe un espace linguistique


et se réalise graduellement dans l'espace pragmatique et socioculturel,
pouvant conduire à un produit de changement (Y).

Les variantes appartiennent à trois grandes catégories: variantes


concurrentes, variantes co-occurrentes et variantes compétitives.

Les variantes concurrentes sont celles qui peuvent se concurrencer


entre elles, ou qui peuvent concourir à un changement. Dans cette condition,
une variante qui en concurrence une autre dans la même période n'occupe
pas le même espace, en raison de la nature même de la concurrence. Si une
variante est présente sur le plan discursif, l'autre n'apparaît pas. Ainsi, les
variantes concurrentes, en tant que telles, s'organisent en distribution
complémentaire.

D'un autre côté, si une variante (X) corrobore l'apparition d'un


concurrent (Y), cela signifie que le processus de changement est en cours et
l'expression (Y) tend à se stabiliser afin d'être plus fortuite que (X) dans le
contexte social.

Les concurrents sont des variantes formelles. La variante formelle


est une forme linguistique ou une forme exclusive du registre qui correspond
à une des possibilités de dénomination pour un même référent, pouvant
concourir dans un contexte donné. Elles se classent en variantes
terminologiques linguistiques et variantes terminologiques de registre.

Les variantes co-occurrentes sont celles qui possèdent deux


dénominations ou plus pour un même référent. Ces variantes ont pour
fonction de faire progresser le discours et organisent, dans le message, la
cohésion lexicale. Il existe une compatibilité sémantique entre les variantes
co-occurrentes une fois que celles-ci s'équivalent sur le plan du contenu. Il
s'agit d'entités dont les valeurs relativisent l'information sémantique du texte
et sont responsables des références sociodiscursives de l'information
textuelle. Ainsi, plus le langage est scientifique, plus il est universel,
présentant, par conséquent, un degré de variation moindre; s'il est technique,
12

il sera plus socioculturel et tendra à présenter plus de variation. Si le texte est


rédigé en langage de vulgarisation scientifique, il présentera plus de
variation, puisque ce type de discours vise une situation de communication
où l'utilisateur est doté de moins de mémoire scientifique et technique.

Les variantes co-occurrentes formalisent la synonymie


terminologique. La synonymie terminologique met en relation le sens de deux
termes ou plus qui ont des signifiés identiques et qui peuvent concourir dans
un même contexte, sans qu'il y ait changement sur le plan du contenu.

Les variantes compétitives sont celles qui mettent en rapport les


signifiés entre les éléments lexicaux de langues différentes, c'est-à-dire des
éléments lexicaux d'une langue B qui comblent des lacunes dans une langue
A. Les variantes compétitives subissent, dans leur rôle, des croisements
attribuables à la nature étrangère même de l'expression. Ce phénomène
apparaît quand la structure de la langue du terme étranger est perturbée par
des structures de la langue vernaculaire; le mélange de formants active la
variation. Une autre forme de variation apparaît quand un terme de la langue
vernaculaire commute avec un terme de la langue étrangère et vice-versa.
Dans ce cas, les règles de variation sont d'ordre morphosémantique ou
sémantico-pragmatique.

Les variantes compétitives sont les emprunts linguistiques. Les


emprunts linguistiques sont des variantes qui tirent leur origine de la langue
étrangère et qui provoquent dans la langue réceptrice le surgissement d'une
autre forme, en raison du milieu linguistique étranger à sa permanence
naturelle. Dans ce cas, la modification de la forme d'origine peut s'expliquer
par des modifications dans les formants du terme, par calque de la forme,
par cohabitation avec une forme vernaculaire. Le concept se maintient dans
toutes les situations.

5. Conclusion

Les recherches terminologiques ont mis en relief, encore aujourd'hui, une


valeur absolue assumée par les termes dans les langages où ils
apparaissent. Contrairement à cette approche, nos recherches ont pu
démontrer que les termes jouent un rôle dans les discours, avec des valeurs
sémantiques relatives, parce que ce sont des organismes vivants qui
bougent et se modifient.

Notre attention s'est tournée vers l'élaboration d'une théorie


variationiste pour la terminologie, soutenue par une analyse de données, afin
de prouver que les terminologies bougent, changent, recouvrent de
nouveaux signifiés. Tout ce mouvement circulaire s'appuie sur des variantes
fonctionnelles qui se rencontrent dans le langage de spécialité.
13

L'étude systématique des variantes terminologiques doit prendre en


compte des critères de variation et de changement dans l'usage social des
terminologies scientifiques, techniques et de vulgarisation; c'est pourquoi il
est important d'observer directement les usages des termes, dans les
situations linguistiques et sociales où ils se présentent.

i
Primeira Edição Integral do Códice Português I. E. 33. Da Biblioteca Nacional de
Nápoles. Leitura de Giacinto Manuppella e Salvador Dias Arnaut. Prólogo, Notas
aos textos, Glossário e Índices de Giacinto Manuppella. Introdução histórica de
Salvador Dias Arnaut. Acta Universitatis Conimbrigensis. Por ordem da
Universidade, 1967, 257p.
ii
Extrait d’une version moderne d’Um tratado da cozinha portuguesa do século XV ,
publiée en 1994 par Antônio Gomes Filho [dorénavant TC].
iii
Domingos Rodrigues, mestre da cozinha de Sua MagStade, Lisboa MDCCXIV.
iv
Cf. Introd. hist. O livro de cozinha da Infanta d. Maria de Portugal, publié en
1967, à Lisbonne par S.D. Arnaut, Actas Universitatis Conimbrigensis, p.
LXXXVIII [dorénavant Anaut].
v
Traduction personnelle du texte original écrit en portugais.
vi
In Viterbo, Elucidario, II, Porto, édition de 1984 [dorénavant Viterbo]
vii
Traduction personnelle du texte original écrit en portugais.
viii
Cf. Novo dicionário Aurélio da língua portuguesa, produit et édité au Brésil
[dorénavant Aurélio]
ix
Traduction personnelle du texte original écrit en portugais.
x
On a adopté la définition de F. da S. Borba (coord.), présentée dans le glossaire du
Dicionário gramatical de verbos do português contemporâneo do Brasil, 2 ed., São
Paulo, Edit. Unesp, 1990 : “ação-processo – expressão de uma ação realizada por
um sujeito agente e/ou de uma causação levada a efeito por um sujeito causativo,
que afetam um complemento. A ação-processo sempre atinge um complemento que
expressa uma mudança de estado, de condição ou de posição, ou, então, algo que
passa a existir. No primeiro caso, o complemento é um afetado e, no segundo, um
efetuado. [...] Os verbos de ação-processo são também chamados de mudança de
estado ou causativos. ”
14

xi
In Borba, op. cit., “ação – atividade expressa pelo verbo e realizada pelo sujeito
agente. O verbo de ação indica, assim, um fazer por parte do sujeito [...].”
xii
Traduction personnelle du texte original écrit en portugais.
xiii
Traduction personnelle du texte original écrit en portugais.
xiv
Traduction personnelle du texte original écrit en portugais.
xv
TC, p. 7
xvi
Traduction personnelle du texte original écrit en portugais.
xvii
Traduction personnelle du texte original écrit en portugais.
xviii
Traduction personnelle du texte original écrit en portugais.
xix
Traduction personnelle du texte original écrit en portugais.
xx
On recommande l’article de Faulstich, E. e S. L. Rodrigues da Rocha, “A função
pragmática do contexto lingüístico em obras lexicográficas e terminográficas”,
Travaux du LILLA n° 2 [ sous la direction de H. Zinglé], Publications de la Faculté
des Lettres, Arts et Sciences Humaines de l’Université de Nice-Sophia Antipolis,
1997, 23-32
xxi
Les chiffres indiquent le nombre d’occurrances dans le corpus analysé.
xxii
Cf., dans Références, les travaux de E. Faulstich qui traitent de la variation en
terminologie.

Références

Auger, P. 1994. “Pour un modèle variationniste de l’implantation terminologique


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Enilde Faulstich
Universidade de Brasília (UnB)
Département de Linguistique,
Langues Classiques et Langue Vernaculaire (LIV)
Centre d'études lexicales
et terminologiques (Centre Lexterm)
Brésil

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