Les relations bilatérales entre l’Allemagne et l’Algérie sont officiellement qualifiées, par les deux parties, de bonnes et amicales. Pourtant, en Allemagne, les erreurs d’appréciation du « Printemps arabe » qui avaient entraîné un manque d’intérêt pour le territoire algérien marquent encore la politique extérieure. Par ailleurs, en Algérie, l’absence de réforme isole le pays tant sur le plan politique que sur le plan économique, tandis que l’évolution du marché mondial de l’énergie s’annonce décisive pour son développement.
Les deux États ont sous-exploité, voire complètement manqué, les possibilités de coopération qui existent sur le marché de l’énergie. Si l’Algérie est actuellement un des pays les plus stables d’Afrique du Nord, elle connaîtra des turbulences avant 15 ans. Cette perspective devrait faire réagir l’ensemble de l’Europe, notamment l’Allemagne, et l’amener à s’engager davantage avec le plus grand pays d’Afrique, et encore le plus riche.
Christoph Partsch est directeur général de la Chambre algéro-allemande de commerce et d’industrie à Alger et avocat, spécialisé dans les transactions internationales, au sein de son cabinet établi à Berlin.
Les relations bilatérales entre l’Allemagne et l’Algérie sont officiellement qualifiées, par les deux parties, de bonnes et amicales. Pourtant, en Allemagne, les erreurs d’appréciation du « Printemps arabe » qui avaient entraîné un manque d’intérêt pour le territoire algérien marquent encore la politique extérieure. Par ailleurs, en Algérie, l’absence de réforme isole le pays tant sur le plan politique que sur le plan économique, tandis que l’évolution du marché mondial de l’énergie s’annonce décisive pour son développement.
Les deux États ont sous-exploité, voire complètement manqué, les possibilités de coopération qui existent sur le marché de l’énergie. Si l’Algérie est actuellement un des pays les plus stables d’Afrique du Nord, elle connaîtra des turbulences avant 15 ans. Cette perspective devrait faire réagir l’ensemble de l’Europe, notamment l’Allemagne, et l’amener à s’engager davantage avec le plus grand pays d’Afrique, et encore le plus riche.
Christoph Partsch est directeur général de la Chambre algéro-allemande de commerce et d’industrie à Alger et avocat, spécialisé dans les transactions internationales, au sein de son cabinet établi à Berlin.
Les relations bilatérales entre l’Allemagne et l’Algérie sont officiellement qualifiées, par les deux parties, de bonnes et amicales. Pourtant, en Allemagne, les erreurs d’appréciation du « Printemps arabe » qui avaient entraîné un manque d’intérêt pour le territoire algérien marquent encore la politique extérieure. Par ailleurs, en Algérie, l’absence de réforme isole le pays tant sur le plan politique que sur le plan économique, tandis que l’évolution du marché mondial de l’énergie s’annonce décisive pour son développement.
Les deux États ont sous-exploité, voire complètement manqué, les possibilités de coopération qui existent sur le marché de l’énergie. Si l’Algérie est actuellement un des pays les plus stables d’Afrique du Nord, elle connaîtra des turbulences avant 15 ans. Cette perspective devrait faire réagir l’ensemble de l’Europe, notamment l’Allemagne, et l’amener à s’engager davantage avec le plus grand pays d’Afrique, et encore le plus riche.
Christoph Partsch est directeur général de la Chambre algéro-allemande de commerce et d’industrie à Alger et avocat, spécialisé dans les transactions internationales, au sein de son cabinet établi à Berlin.
Une relance par la coopration nergtique ? _________________________________________
Christoph Partsch
Avril 2014
N N o o t t e e d d u u C C e e r r f f a a 1 1 1 1 1 1
Comit dtudes des relations franco-allemandes
LIfri est, en France, le principal centre indpendant de recherche, dinformation et de dbat sur les grandes questions internationales. Cr en 1979 par Thierry de Montbrial, lIfri est une association reconnue dutilit publique (loi de 1901). Il nest soumis aucune tutelle administrative, dfinit librement ses activits et publie rgulirement ses travaux. LIfri associe, au travers de ses tudes et de ses dbats, dans une dmarche interdisciplinaire, dcideurs politiques et experts lchelle internationale. Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), lIfri simpose comme un des rares think tanks franais se positionner au cur mme du dbat europen.
Les opinions exprimes dans ce texte nengagent que la responsabilit de lauteur.
Cette Note du Cerfa est publie dans le cadre du Dialogue davenir franco-allemand , un projet men en coopration par le Comit dtudes des relations franco-allemandes de lInstitut franais des relations internationales, la Deutsche Gesellschaft fr Auswrtige Politik et la
Les activits de recherche, de secrtariat de rdaction et de publication du Cerfa bnficient du soutien du Centre danalyse, de prvision et de stratgie du ministre des Affaires trangres et du Frankreich-Referat de lAuswrtiges Amt.
Directeurs de collection : Yann-Sven Rittelmeyer, Hans Stark
Traduction : Thomas Vitasse
ISBN : 978-2-36567-268-9 Ifri 2014 Tous droits rservs
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1 Ifri Auteur Christoph Partsch est directeur gnral de la Chambre algro- allemande de commerce et dindustrie Alger et avocat, spcialis dans les transactions internationales, au sein de son cabinet tabli Berlin. Il a tudi Bonn, Genve, Kiel et Durham (Caroline du Nord) et a ralis sa thse de doctorat sur la libert dinformation sous la direction du professeur Schmidt-Jortzig luniversit de Kiel.
Lauteur sexprime ici titre personnel. Ses propos ne peuvent tre attribus aux organisations quil reprsente.
2 Ifri Rsum Les relations bilatrales entre lAllemagne et lAlgrie sont officiel- lement qualifies, par les deux parties, de bonnes et amicales. Pourtant, en Allemagne, les erreurs dapprciation du Printemps arabe qui avaient entran un manque dintrt pour le territoire algrien marquent encore la politique extrieure. Par ailleurs, en Algrie, labsence de rforme isole le pays tant sur le plan politique que sur le plan conomique, tandis que lvolution du march mon- dial de lnergie sannonce dcisive pour son dveloppement. Les deux tats ont sous-exploit, voire compltement man- qu, les possibilits de coopration qui existent sur le march de lnergie. Si lAlgrie est actuellement un des pays les plus stables dAfrique du Nord, elle connatra des turbulences avant 15 ans. Cette perspective devrait faire ragir lensemble de lEurope, notamment lAllemagne, et lamener sengager davantage avec le plus grand pays dAfrique, et encore le plus riche.
3 Ifri Executive Summary Bilateral relations between Germany and Algeria are officially described, by both sides, as good and friendly. Nevertheless, in Germany, errors in assessment of the Arab spring led to a lack of interest in Algeria, and still affect German foreign policy. Furthermore, the lack of reform in Algeria isolates the country both politically and economically, while it looks as if the evolution of the world energy market will be decisive for its development. The two countries have under-exploited, even totally neglected, the possibilities for cooperation on the energy market. Algeria may currently be one of the most stable countries in North Africa, but it will undergo some turmoil within the next fifteen years. This perspective should provoke a stronger response from the whole of Europe, and Germany in particular, leading it to engage more with the biggest African country, and still the richest one.
4 Ifri Sommaire INTRODUCTION ..................................................................................... 5 HISTORIQUE DE RELATIONS EN DENTS DE SCIE ...................................... 7 TENTATIVES DE NOUVEAU DEPART ...................................................... 10 Des opportunits rates sur le plan politique ......................... 10 Un climat peu propice aux investissements ........................... 11 DEFIS A VENIR .................................................................................... 13 La ncessaire coopration dans le secteur de lnergie ........ 13 Le partenariat nergtique comme garantie pour la scurit ....................................................................................... 15 CONCLUSION ...................................................................................... 16
5 Ifri Introduction Nous le sentons tous, depuis la Rvolution du jasmin en Tunisie : lair est en train de changer dans le monde. Ce qui paraissait impossible dans ce vieux monde arabe sclros, compliqu et atrabilaire, est arriv : on se bat pour la libert, on sinvestit dans la dmocratie, on ouvre les portes et les fentres, on regarde lavenir et on le veut aimable, et simplement humain. Ce qui se passe mon avis nest pas seulement la chasse aux vieux dictateurs obtus et sourd et ne se limite pas aux pays arabes, cest un changement mondial qui samorce, une rvolution copernicienne : on veut une vraie dmocratie, univer- selle, sans barrire ni tabou. Ce qui violente la vie, lappauvrit, la restreint, la dnature, est devenu insup- portable la conscience du monde, on le refuse de toutes ses forces. On refuse les dictateurs, on refuse les extrmistes, on refuse le diktat du march, on refuse lemprise touffante de la religion, on refuse le cynisme prtentieux et lche de la Realpolitik, on refuse la fatalit mme quand elle a le dernier mot, on refuse les pollueurs, partout on sindigne, on sinsurge, contre ce qui fait mal lhomme et sa plante. Cest une nouvelle conscience qui merge. Cest un tournant dans lhistoire des nations, un Die Wende comme vous avez dit vous- mmes au moment de la chute du mur de Berlin. Boualem Sansal, Discours de remerciement, Friedens- preis des deutschen Buchhandels 2011 (Prix de la paix des libraires allemands)
Ces quatre dernires annes, la politique extrieure de lAllemagne sest concentre sur les tats du Maghreb engags dans un prtendu processus de rforme. Peut-tre tait-ce cause du discours eupho- rique de Boualem Sansal prononc loccasion de la remise du Prix de la paix des libraires allemands 2011 Francfort. Peut-tre tait-ce cause des images dtudiants manifestant dans les rues de Tunis ou du Caire, qui tournaient en boucle sur les tlvisions au son de commentaires de journalistes exalts peine descendus de leur avion mais pleins de certitudes sur le monde arabe. Que ce soit au sein du monde politique ou au sein des dbats tlviss, la parole des vrais experts na pas t entendue, par exemple celle de Peter Scholl-Latour : Je suis extrmement prudent avec le terme de Printemps arabe. Un printemps arabe a dj eu lieu par le pass, C. Partsch / Les relations germano-algriennes
6 Ifri mais lEurope la ignor. Ctait au dbut des annes 1990 en Algrie 1 Lconomie mondiale se dveloppe sans prendre en compte le recul constant de lutilisation du ptrole et du gaz naturel algriens, ni lexplosion simultane de la consommation intrieure du pays en nergie et en biens de consommation. Face ces volutions contraires, le gouvernement algrien refuse dentreprendre toute rforme. Cet immobilisme algrien rend compliqu en Allemagne, mme pour les plus enthousiastes, la reconnaissance des possibilits quoffre un partenariat stratgique ou conomique.
1 Peter Scholl-Latour, Bulletin du Crdit suisse, 1/2012, p. 9.
7 Ifri Historique de relations en dents de scie Les relations germano-algriennes taient initialement extrmement prometteuses sur le plan politique et conomique, bien que cela soit totalement oubli aujourdhui sauf par les dirigeants algriens actuels. Dans leur livre La Rpublique fdrale dAllemagne et la Guerre dAlgrie, Jean-Paul Cahn et Klaus-Jrgen Mller racontent que lAllemagne de Konrad Adenauer, tout en poursuivant la politique de rconciliation engage avec la France du gnral de Gaulle, avait compris quil fallait soutenir pleinement la dcolonisation de lAlgrie tant politiquement, par lintermdiaire du parti dopposition social- dmocrate (SPD) et de son dput Hans-Jrgen Wischnewski, que matriellement. Ce soutien allait jusquaux exportations darmes gres conjointement par le SPD et les syndicats allemands du secteur de Cologne, dans lesquels sinvestissaient les travailleurs algriens rests en Sarre et en Rhnanie-du-Nord-Westphalie la fin de loccupation franaise. Manifestement, ni le SPD, ni les syndicats, ni mme les forces de scurit allemandes ne sopposaient au fait que les groupuscules algriens dans ces colonies de travailleurs couvrent leurs normes besoins financiers laide de moyens toujours plus radicaux pour acheter des armes en Rpublique dmocratique allemande (RDA). Ces dernires taient ensuite exp- dies depuis le port de Hambourg et livres la rsistance alg- rienne malgr le blocus svre impos par la Marine franaise, notamment aux bateaux allemands. cela sajouta le fait quun regroupement de soldats de larme de Rommel rests sur place, de dserteurs ou de prisonniers allemands de la Lgion trangre et d aventuriers dcolonisateurs de gauche vint aider le Front de libration nationale (FLN) dans son combat de dcolonisation contre le gouvernement franais et ses partisans algriens. Mme si la politique algrienne de la France tait la principale responsable de lviction, puis de la destruction des milieux modrs et cultivs de la bourgeoisie algrienne ainsi que de la rsistance, lAllemagne tait aussi partiellement responsable de la radicalisation de la rsistance algrienne et du gouvernement qui prit sa suite. Nanmoins, lAllemagne jouissait dun meilleur contact avec les nouveaux dirigeants algriens grce H.-J. Wischnewski et de nombreux syndicalistes. Aprs lindpendance, lenthousiasme du combat commun de la dcolonisation laissa rapidement place au dsenchantement, avec C. Partsch / Les relations germano-algriennes
8 Ifri en toile de fond une redistribution des pouvoirs opre par les nouveaux dirigeants algriens que ni les sociaux-dmocrates allemands, ni le peuple algrien navaient vu venir. En effet, au moment des ngociations dvian, lAlgrie vit simposer un groupe qui stait runi au pralable au Maroc, compos de dirigeants politiques et de militaires algriens qui navaient pas tous jou un rle de leader durant la guerre dAlgrie. Au bout du compte, une fois ltat algrien fond, la Rpublique fdrale dAllemagne (RFA) ntait pas parvenue retirer de bnfices politiques du soutien aux forces dindpendance algriennes. De son ct, lAlgrie ne comprenait pas la susceptibilit de la RFA veille par les contacts tablis avec la RDA. Et mme si lAlgrie dcida de ne pas rejoindre le bloc de lEst et de rester neutre, la RFA ny vit pas une victoire de sa politique extrieure. En interne, un sentiment dingratitude rgnait dans les rangs des sociaux-dmocrates sur le point darriver au pouvoir. Dun point de vue conomique, ce sentiment tait injustifi puisque la RFA compta rapidement parmi les plus importants partenaires conomiques de lAlgrie. Les efforts dindustrialisation de lAlgrie furent raliss presque exclusivement au moyen de la construction mcanique ouest-allemande. Si lon ajoute les expor- tations de la RDA, lAllemagne divise fut longtemps le premier partenaire conomique de lAlgrie. lheure actuelle, les machines allemandes fonctionnent encore et constituent la colonne vertbrale de ce qui reste des petites et moyennes entreprises (PME) alg- riennes. Linfluence conomique des deux tats allemands ainsi que la volont de coopration du gouvernement algrien taient gale- ment observables par le fait que de nombreuses coles algriennes proposaient lapprentissage de lallemand et que la langue tait pratique dans le pays. La crise ptrolire de 1986 mit un terme ces bonnes rela- tions conomiques lorsque le baril de ptrole chuta de 30 10 dollars. LAlgrie ne sy tait pas prpare. partir de 1960, lAlgrie commena expulser ou perdre ses petits et grands exploi- tants agricoles franais, ainsi que sa classe moyenne europenne. Ldification dune industrie lourde selon le modle communiste se rvla dsastreuse. En 1986, le pays tait dpendant plus de 60 % des exportations de ptrole. La chute des prix du ptrole entrana dabord une crise financire, puis une crise dtat en Algrie, qui sombra ensuite dans la guerre civile entre 1992 et 2002, la dcennie noire . Pour les entreprises allemandes, le march algrien scroulait. Lambassade allemande resta en place, mais elle rduisit ses activits et dtruisit des lments de ses dossiers dans la crainte dun renversement violent. Ce faisant, elle perdit galement une partie de ses connaissances sur lAlgrie. Lcole allemande ferma ses portes, tout comme le jardin denfants germano-algrien. Leurs portes sont toujours closes ce jour. La vie civile germano- algrienne disparut de la scne publique, pour ne continuer exister jusqu ce jour que dans le cadre de relations prives. C. Partsch / Les relations germano-algriennes
9 Ifri Les relations entre la France et lAlgrie nont, pour leur part, pas structurellement pti de la guerre civile algrienne. Malgr les discours antifranais du gouvernement algrien, Paris reprsente incontestablement le premier partenaire commercial du pays ce jour.
10 Ifri Tentatives de nouveau dpart Des opportunits rates sur le plan politique la fin de la guerre civile, lAlgrie essaya de nouveau, mais avec la plus grande prudence, de smanciper du gouvernement franais. Pour ce faire, Abdelaziz Bouteflika se rendit en Allemagne pour une visite officielle dbut avril 2001, une premire pour un prsident algrien. En dcembre 2010, soit neuf ans plus tard, il revint Berlin pour une deuxime visite. La venue du prsident allemand Horst Khler en novembre 2007 constitua la premire visite dtat dun prsident de la Rpublique fdrale dAllemagne en Algrie. En juillet 2008, Angela Merkel arriva en Algrie. La chancelire et lambassadeur en poste lpoque, Johannes Westerhoff, russirent lancer toute une srie de projets avec des entreprises allemandes. Cependant, ladministration algrienne eut besoin de prs de cinq ans pour convertir ces ides en vritables contrats, parmi lesquels figurent notamment la construction de la mosque dAlger ou la vente de frgates par Thyssen. Le Printemps arabe na pas russi branler lactuel gouvernement algrien. Peter Scholl-Latour explique labsence de troubles ou de changement de rgime par le souvenir de la guerre civile encore vivace dans les esprits algriens, mais aussi par lopacit des structures gouvernementales et la manne que reprsente le ptrole. Ces raisons ne furent toutefois pas prises en considration par les acteurs de la politique extrieure allemande. En partie pour des raisons personnelles, en partie aussi parce quils en reurent linstruction, les ambassadeurs allemands ne purent pas changer grand-chose linsignifiance de la politique extrieure de lAllemagne en Algrie aprs 2009. Cela est aussi certainement d au fait que lancien ministre des Affaires trangres allemand, Guido Westerwelle, considrait le Printemps arabe comme prioritaire et quil convenait selon lui dignorer lAlgrie. Il ralisa toutefois deux visites expresses en Algrie en 2012 et 2013, mais elles furent perues sur place plutt comme une formalit que comme le signe dune relle reprise de dialogue en matire de politique extrieure. En revanche, presque tous les reprsentants des concurrents cono- miques de lAllemagne, tels que la France, la Turquie, la Core du Sud, la Chine ou les tats-Unis, veillrent apporter toute la prparation et lapplication ncessaires leurs visites. C. Partsch / Les relations germano-algriennes
11 Ifri Un climat peu propice aux investissements Les acteurs conomiques allemands nont pas t en mesure de compenser entirement les entraves laisses par leurs homologues politiques, notamment en raison du processus dcisionnel venu du sommet (top-down) en vigueur en Algrie. Dimportants projets ont souffert de labsence dune politique extrieure conomique soute- nant durablement les intrts des entreprises allemandes et lattri- bution de marchs ces entreprises. ce jour, la politique de Berlin na encore rien oppos la dmarche des tats-Unis, qui remportent des marchs en change de leur protection contre le terrorisme. Le ministre allemand de lconomie sest mme laiss convaincre de renoncer un voyage de soutien lindustrie allemande, sur conseil des services secrets amricains, en raison dune prtendue menace terroriste. Le march a t attribu une entreprise amricaine. LAlgrie sest employe contenir toute forme dagitation en relevant notamment les moluments des fonctionnaires jusqu 40 %, provoquant par l une envole de la consommation des mnages. Lindustrie allemande a su profiter de ce bond en juger par la croissance de son chiffre daffaires dans de nombreux secteurs, en particulier dans les exportations dautomobiles o il a progress de 50 %. En outre, la volont de rindustrialisation de lAlgrie entrane un renfort des volumes de marchs attribus lindustrie allemande, mme si ce chiffre reste modeste compte tenu de lapparition de nouveaux concurrents srieux sur le march international tels que la Chine, la Core du Sud et la Turquie. En effet, il faut ajouter que les acteurs conomiques allemands nont absolument pas t soutenus par la politique extrieure de leur pays jusqu lre Kinkel (1992- 1998), puis timidement par la suite. Par ailleurs, lAlgrie surestime dans une large mesure son rle de partenaire dinvestissement de lAllemagne. Seuls 2 % des exportations allemandes concernent lAfrique et cest lAfrique du Sud, en 27 e position, qui est la premire cliente de lAllemagne sur le continent. LAlgrie ne suit que loin derrire. Les conditions dinvestissement en Algrie comptent parmi les pires qui soient lchelle mondiale. La dcision prise en 2009 de limiter 49 % la possession dune entreprise de production algrienne par des capitaux trangers, mauvaise au demeurant, nest pas la premire responsable de cette situation ; ce sont plutt linscurit juridique, limprvisibilit dune administration hypertrophie et lopacit de toutes les dcisions dattribution de march. Le fait de mettre en place une commission climat des affaires en 2013 aurait pu tre bnfique pour le pays si ladite commission navait pas suspendu ses travaux aprs deux sessions faute de rsultat. Par la nouvelle loi de finance de 2014, lAlgrie a encore renforc son manque dattractivit en largissant dsormais la rgle conteste des 49 %/51 % aux socits commerciales. Cela prouve galement que le gouvernement actuel ncoute malheureusement pas ses partenaires internationaux, pas plus quil ne prend acte des raisons expliquant ce manque C. Partsch / Les relations germano-algriennes
12 Ifri dinvestissement. On essaye simplement de limiter la hausse de la consommation et des importations qui en dcoulent par des moyens administratifs. Lchec est prvisible. Au cours des cinq dernires annes, la dpendance de lAlgrie aux exportations de ptrole et de gaz naturel a connu une hausse vertigineuse pour culminer 99,6 %. Ce nest que sur le march de larmement, o lAlgrie est situe au neuvime rang mondial des acheteurs, quelle est devenue un partenaire srieux pour les entreprises allemandes. Cela pourrait tre une consquence du modle conomique dfini pour la dfense algrienne, caractris par un haut niveau de professionnalisme. Pourtant, ces dernires annes, la diplomatie allemande a peu ou prou ignor le secteur conomique militaire pour des raisons de politi- que intrieure. Ce secteur sest alors trouv sans appui diplomatique en Algrie, contrairement aux producteurs des autres pays. Nanmoins, les entreprises allemandes, y compris les PME, russissent encore et toujours vendre leurs produits comptitifs en Algrie. Cela est d, dune part, au fait que le gant du ptrole Sonatrach ainsi que les quelques entreprises algriennes prives apprcient les produits de qualit. Dautre part, le consommateur algrien privilgie la qualit et la marque notamment dans les secteurs pharmaceutique ou automobile. Pourtant, les entreprises allemandes font preuve dune grande rserve en matire dinvestissements en Algrie. Face un march gnralement en forte croissance en Asie, les acteurs de lconomie allemande ne se sont pas souvent montrs disposs accepter les exigences et les insuffisances du march algrien. Dun point de vue politique, la France est revenue au premier rang, plus forte encore quauparavant. Mme si lintervention militaire franaise en Libye a t mene sans vision tactique ou stratgique de long terme, Paris est de nouveau un acteur politique et cono- mique majeur en Afrique du Nord. Pour certains observateurs, elle a encercl lAlgrie, pour dautres, elle dtermine depuis longtemps dj les vnements en Algrie. Le fait que le prsident Bouteflika se soit retir plusieurs mois durant lt 2013 et en janvier 2014 dans un hpital militaire franais en dit long. Dans une interview au quotidien Tagesspiegel, donne lors de lun de ses derniers jours la tte du ministre des Affaires trangres, G. Westerwelle a reconnu stre montr trop optimiste lgard du Printemps arabe 2 . Dun point de vue politique, lAllemagne est laube dun nouveau dpart pour ses relations avec lAlgrie.
2 Interview de Guido Westerwelle, In meiner Amtszeit war deutsche Aussenpolitik Friedenspolitik , Der Tagesspiegel, 15 dcembre 2013, <http://www.tagesspiegel.de/politik/guido-westerwelle-im-interview-in-meiner- amtszeit-war-deutsche-aussenpolitik-friedenspolitik/9218714.html> (consult le 18 mars 2014).
13 Ifri Dfis venir Il nest toutefois pas exagr de douter de la capacit de la France et du gouvernement algrien actuel reconnatre et relever les dfis auxquels lAlgrie va devoir faire face. Pour lAllemagne, il en rsulte deux domaines importants de coopration avec lAlgrie, auxquels la France doit tre associe : lnergie et la scurit. La ncessaire coopration dans le secteur de lnergie LAlgrie va devenir dici peu un importateur dlectricit, sans y tre prpare. En particulier cause du boom de la construction de logements, la consommation lectrique augmente annuellement jusqu 18 % dans le Nord de lAlgrie, et jusqu 24 % dans le Sud. Le rseau actuel ainsi que lensemble des infrastructures ne peuvent pas rpondre aux besoins lis cette croissance gigantesque. Les multiples coupures de courant, quotidiennes en t, menacent la production locale et reprsentent galement une norme bombe sociale retardement. Pour la premire fois, les volumes dhydrocarbures extraits en 2013 ont baiss de 4 %. Cela est imputable premirement lattaque dIn Amenas, deuximement de srieuses retenues effectues pour des oprations de maintenance sur les pipelines, et troisimement au tarissement des champs de ptrole actuels. cause de sa politique conomique et scuritaire, lAlgrie ne compte plus que quelques rares partenaires internationaux encore intresss dans des ngociations et se trouve donc en mauvaise position. De plus, le cours du ptrole redescend peu peu vers la barre symbolique du baril 100 dollars, un prix pourtant ncessaire bien des gards pour financer le budget algrien. La situation saggravera lorsque les tats-Unis dlaisseront le gaz algrien, dont ils sont actuellement le principal acheteur, au profit de leur propre production de gaz de schiste. La Chine pourrait pren- dre la place des tats-Unis, mais le gant asiatique semble gale- ment plutt vouloir miser sur sa production dnergie locale. En raison de sa trs forte dpendance aux exportations de ptrole et de gaz, lAlgrie verra seffondrer ses sources de revenus dans les dix quinze prochaines annes. C. Partsch / Les relations germano-algriennes
14 Ifri Encourag par les tats-Unis, le gouvernement algrien a prsent la population la production de gaz de schiste comme tant le nouveau remde miracle. Compte tenu des diffrences gologi- ques existant entre le Sahara et le Dakota du Nord par exemple, le gaz de schiste ne semble pas vraiment capable de rsoudre les problmes de lAlgrie. Nanmoins, le lobbying appuy de lindustrie ptrolire a russi convaincre le gouvernement algrien de tout miser sur le gaz de schiste titre de rserve dnergie complmentaire. Le ministre algrien de lnergie a dores et dj dclar que grce cela, les problmes nergtiques de lAlgrie seraient rsolus pour toujours. De son ct, la France encourage la construction de plusieurs racteurs nuclaires dici 2025 sur une cte expose aux sismes. En Allemagne, nombreux sont ceux qui estiment que la France devrait sinterroger sur lopportunit de courir ce risque en Mditerrane. LAlgrie ne prit que tardivement connaissance de la transition nergtique de lAllemagne et se lana en 2011 dans un gigantesque programme dinvestissement pro forma. Malheureusement, les rares projets communs ns de ce programme furent entravs jusqu ce jour par des erreurs de chaque ct. Par exemple, la construction dune tour solaire choua dune part cause du manque de srieux de la tactique de ngociation engage par le ministre allemand de lEnvironnement, qui pendant un temps navait mme plus le budget pour apporter son aide, et dautre part en raison de la variabilit constante des exigences algriennes. Lattribution de la production de panneaux solaire en Algrie se solda par un chec, car les ngo- ciateurs algriens profitrent de la navet du partenaire allemand, au point que, sa trsorerie ayant tellement souffert des garanties dex- cution, ce dernier dut se dclarer en faillite. Lorsque le gouvernement algrien demanda de faon appuye bnficier de la technologie solaire allemande, cette industrie se trouvait en chute libre en Allemagne cause de la fin prcipite daides extrmement gn- reuses. Mais mme dans ces conditions, lAlgrie ne fut pas en mesure de sauver cette technologie de la masse en liquidation pour son utilisation propre. Enfin, pour lindustrie solaire allemande constitue majoritairement de PME, le partenaire algrien est trop imprvisible et trop lent. Par consquent, ses investissements furent plutt dirigs vers les pays voisins. Le fait doffrir des garanties dinvestissements aux industries allemandes pourrait tre le point de dpart dun partenariat germano- algrien dans le domaine des nergies renouvelables. Dans un premier temps, ce partenariat nergtique pourrait mener une restructuration de la production dnergie en Algrie afin dcono- miser les prcieuses ressources ptrolires et gazires. Parall- lement, il serait possible de connecter lEurope lAlgrie pour orien- ter la surproduction lectrique europenne vers lAlgrie, et des annes plus tard pour exporter llectricit algrienne produite partir dnergies renouvelables, afin de rduire la dpendance de lEurope C. Partsch / Les relations germano-algriennes
15 Ifri au charbon, ainsi quau nuclaire et aux risques que reprsente le secteur. Pour ce faire, outre les lites algriennes, il faudrait aussi convaincre les partenaires europens. Cela semble possible, du moins pour ltablissement dune ligne lectrique entre lItalie et lAlgrie. Le partenariat nergtique comme garantie pour la scurit Le partenariat nergtique pourrait galement constituer llment fondateur dun partenariat en matire de scurit tout fait judicieux, tant donn que la question nergtique est lune des causes communes plusieurs problmes de scurit au Maghreb. Actuellement, le partenariat de scurit germano-algrien se limite la formation occasionnelle de militaires et la vente darme- ments, lAlgrie tant mme devenue un important partenaire cono- mique de lindustrie allemande dans ce secteur. Toutefois, les nor- mes investissements algriens dans larmement ne sauveront pas le pays des dfis conomiques, en particulier nergtiques, pour les 15 ans venir. Il serait dautant plus sens de dvelopper le partenariat nergtique dans le cadre dun partenariat conomique afin que le pays se dfasse temps de sa dpendance aux exportations de ptrole. Les checs actuels sont dus limmobilisme du rgime, mais aussi ladministration qui, elle-mme, brave les instructions des ministres. Ils sont galement la consquence du dsintrt de lAllemagne qui na pas encore pris la mesure de limportance de la stabilit du Maghreb pour la stabilit de lEurope.
16 Ifri Conclusion Lorsque seffondreront les secteurs du ptrole et du gaz naturel qui reprsentent 99,6 % des exportations algriennes, lAlgrie sera contrainte de se rformer en profondeur ce qui nira pas sans poser des problmes de scurit et dimmigration croissants pour la France ainsi que pour les autres pays du Sud de lEurope. Les relations germano-algriennes offrent un norme poten- tiel, qui na malheureusement pas encore t exploit sa juste valeur. La France trouverait galement un intrt une meilleure exploitation de ce potentiel, dans la mesure o elle est dj exces- sivement sollicite en ce moment, tant sur le plan conomique que sur le plan militaire, par son rle de puissance protectrice en Afrique du Nord et subsaharienne. De plus, la crise conomique latente en Algrie constituera un srieux problme de scurit pour tous les pays riverains de la Mditerrane. Pour ce qui est du grand bouleversement qui attend lAlgrie, lEurope nest pas assez, voire pas du tout prpare 3 . Il faut agir trs vite pour y remdier.
3 Voir ce sujet Wolfram Lacher, Der rtselhafte Nachbar Algerien , Kurz gesagt, Stiftung Wissenschaft und Politik, 16 juillet 2013, <http://www.swp- berlin.org/de/publikationen/kurz-gesagt/der-raetselhafte-nachbar-algerien.html> (consult le 18 mars 2014).
17 Ifri Notes du Cerfa Publie depuis 2003 un rythme mensuel, cette collection est consacre lanalyse de lvolution politique, conomique et sociale de lAllemagne contemporaine : politique trangre, politique int- rieure, politique conomique et questions de socit. Les Notes du Cerfa sont des textes concis, caractre scientifique et de nature policy oriented. linstar des Visions franco-allemandes , les Notes du Cerfa sont accessibles sur le site Internet du Cerfa, o elles peuvent tre consultes et tlcharges gratuitement. Dernires publications du Cerfa Marwan Abou-Taam, Le salafisme en Allemagne : un dfi pour la dmocratie, Note du Cerfa , n 110, mars 2014. Dominik Tolksdorf, UE, Russie et Partenariat oriental : quelles dynamiques sous le nouveau gouvernement allemand ?, Note du Cerfa , n 109, fvrier 2014. Patrick Allard, De lAllemagne et de son conomie, Note du Cerfa , n 108, janvier 2014. Ulrich Eith, LAllemagne aprs les lections fdrales du 22 septembre 2013 : entre continuit et changements structurels, Note du Cerfa , n 107, dcembre 2013. Yves Pascouau, Le paquet gouvernance Schengen : les quilibres subtils entre mthode communautaire et logique intergouvernementale, Note du Cerfa , n 106, dcembre 2013.
18 Ifri Le Cerfa Le Comit dtudes des relations franco-allemandes (Cerfa) a t cr en 1954 par un accord gouvernemental entre la Rpublique fdrale dAllemagne et la France. Le Cerfa bnficie dun finance- ment paritaire assur par le ministre des Affaires trangres et europennes et lAuswrtiges Amt ; son conseil de direction est constitu dun nombre gal de personnalits franaises et allemandes. Le Cerfa a pour mission danalyser les principes, les conditions et ltat des relations franco-allemandes sur le plan politique, conomique et international ; de mettre en lumire les questions et les problmes concrets que posent ces relations lchelle gouvernementale ; de trouver et de prsenter des propo- sitions et des suggestions pratiques pour approfondir et harmoniser les relations entre les deux pays. Cette mission se traduit par lorganisation rgulire de rencontres et de sminaires runissant hauts fonctionnaires, experts et journalistes, ainsi que par des travaux de recherche mens dans des domaines dintrt commun. Hans Stark assure le secrtariat gnral du Cerfa depuis 1991. Yann-Sven Rittelmeyer est chercheur au Cerfa et responsable de la publication des Notes du Cerfa et des Visions franco- allemandes . Nele Wissmann est charge de mission dans le cadre du projet Dialogue davenir .
Le Trafic de Faux Médicaments en Afrique de L'ouest: Filières D'approvisionnement Et Réseaux de Distribution (Nigeria, Bénin, Togo, Ghana) - Par Camille Niaufre.
L'aide de L'union Européenne: Du Développement À La Sécurité, L'exemple Du Fonds Européen de Développement. Par Thierry Vircoulon Et Dominique Lecompte.