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L’INTELLIGENCE ECONOMIQUE 3/3

les Matinales C Y C L E 3

Sécurité économique et lobbying

Outils de veille, sécurité économique, stratégies d’influence


L’ I N T E L L I G E N C E E C O N O M I Q U E

les Matinales
Au cours de l’année 2005, l’Agence de Développement du Val de Marne a ouvert trois cycles de Matinales
dans le but de sensibiliser et d’informer les entreprises, les laboratoires de recherche, les organismes de
formation et les créateurs d’entreprises sur des sujets d’actualité relatifs à l’innovation.
Les conférences sont animées par des spécialistes du domaine, des témoignages apportent un éclairage
de terrain. Les Matinales constituent un moment privilégié d’approfondissement de sujets et de partage
d’expériences entre les différents acteurs publics et privés.
Le premier cycle de Matinales était consacré à « la propriété intellectuelle », le second cycle « accom-
pagner l’innovation » a traité de la veille technologique et des aides financières à l’innovation.
Ce troisième cycle « l’intelligence économique » apporte aux auditeurs une réflexion sur la stratégie de
l’entreprise ou du laboratoire et une connaissance des outils de veille.
Ce document de synthèse retrace le plus fidèlement possible les présentations orales des intervenants
et intègre les échanges avec les auditeurs. L’accès aux informations essentielles oriente vers les outils
les plus pertinents.

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La sécurité économique Le lobbying, La guerre économique vue
levier d’une Europe puissance par une PME internationale
L’image du coffre fort du Val de Marne : UPSI
Le constat
Le contexte (1995)

3ÈME PARTIE
« Sécurité économique et lobbying»
Conférenciers :
• Pascal RAUD, Vice-président de l’Association
des Auditeurs en Intelligence Economique de l’Institut
des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN)
• Olivier VEDRINE, Enseignant-chercheur à l’Institut
Catholique de Paris et Responsable du Club Atlantique-
Oural de l’Association des Auditeurs des Sessions
Européennes de l’IHEDN
• Rachel PALAS, Directeur général de la société UPSI

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La sécurité économique
« Depuis une vingtaine d’années, notre pays
est entré - sans en avoir nécessairement pris
conscience - dans l’ère de la société de l’information.
Outre la qualité des hommes, la production de
la richesse nationale repose aujourd’hui sur une
masse d’informations juridiques, financières,
commerciales, scientifiques, techniques,
économiques ou industrielles » 1
(Bernard Carayon, extrait du rapport d’informations sur la
stratégie de sécurité économique nationale)

Lors de la première matinale, Mme Turc a défini


l’intelligence économique en ces termes :
« maîtrise et protection de l’information straté-
gique pour tout acteur économique».
Alors que la seconde session de ces matinales portait sur les méthodes et les outils permettant la gestion
de l’information au travers d’un processus de veille, Pascal Raud fournit un cadre générique permettant
d’aborder l’aspect « protection des informations stratégiques », que Mme Palas illustre par un retour
d’expérience en conclusion.
De manière générale, adopter une stratégie de sécurité économique pour son entreprise revient à tracer
avec précision les frontières informationnelles de l’entreprise, ainsi que leur niveau de perméabilité.
Si les intrusions par piratage informatique sont souvent présentées comme un risque pour les entreprises,
il est surtout important de garder à l’esprit qu’un certain nombre de situations et de contextes sont
propices à la fuite d’informations stratégiques, par voie humaine notamment.

L’image du coffre fort

Les personnes ayant connaissance de données stratégiques pour l’entreprise peuvent certes agir par
malveillance, mais le plus souvent pêchent par naïveté. Il est donc du rôle des managers de les sensibiliser
en permanence sur ce sujet.
Afin d’illustrer cette problématique, Pascal Raud propose l’image du coffre fort : les documents que
possède une personne sont soit dans le coffre fort, soit en dehors. Il en va de même concernant toutes les
informations de l’entreprise, qui doivent être étiquetées comme étant clairement publiques, ou clairement


confidentielles : la notion d’information « semi-publique » ou
Tracer avec précision « plus ou moins confidentielle » n’a pas de sens pour qui veut
les frontières informationnelles appliquer une démarche rigoureuse d’intelligence économique.
de l’entreprise, ainsi que leur L’art des managers consiste à basculer rapidement d’une
situation à l’autre, du confidentiel au public.


niveau de perméabilité

Se méfier des partenaires et des clients

• Les contrats ou partenariats asymétriques


Comme l’illustre parfaitement Mme Palas en dernière partie de ce document, un partenariat entre une

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Disponible à l’adresse http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/rap-info/i1664.pdf 3
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PME et un grand groupe industriel
engendre un rapport de forces déséqui-
libré, en particulier si le grand groupe
est le client principal, générant une
relation de dépendance dans laquelle
l’acteur de petite taille doit être parti-
culièrement attentif aux informations
qu’il met à disposition d’un prédateur
économique potentiel.
Il lui faut définir clairement quel est son
cœur de compétences, c’est-à-dire la
moelle de ce qui lui confère un véri-
table avantage concurrentiel, afin de
savoir en protéger la confidentialité au
moment des négociations. Les relations
du type win-win sont à la mode, encore
faut-il ne pas tout partager !

• L’information des investisseurs


Bien que les entreprises soient tenues légalement de fournir aux actionnaires les informations straté-
giques concernant les plans d’action à mettre en œuvre, il faut savoir jouer de subtilité afin de fournir ces
informations avec une certaine réserve, en particulier en cas de présence d’actionnaires minoritaires liés à
la concurrence.
Ces préconisations sont encore plus importantes lorsqu’une équipe rédige un plan d’affaire (ou business
plan) pour solliciter l’intervention de financeurs extérieurs. Cette prudence peut d’ailleurs être considérée
comme un point positif par ces derniers, indiquant que l’équipe soutenant le projet a conscience des
problématiques de l’intelligence économique.
Ces recommandations sont enfin particulièrement valables concernant les dossiers de demandes de
subventions publiques.

Les situations de changement

Si les pertes d’informations stratégiques peuvent survenir par un manque de vigilance dans les
échanges avec les parties prenantes de l’entreprise, certaines pertes d’informations stratégiques
surviennent plus facilement lorsqu’une entreprise connaît un changement dans sa structure. C’est
alors tout l’art du manager de savoir détecter les malaises et les rumeurs de ses employés, afin
d’encourager le dialogue et le partage des éventuels ressentiments pour mieux les apaiser et trouver
collectivement des solutions efficaces.

• Fusions acquisitions
Lors de la fusion de deux entreprises, ce sont deux univers, deux cultures d’entreprises qui se rencontrent
assez peu souvent sans heurts. Le danger de la perte de pouvoir, voire de la perte de l’emploi, peut donner
lieu à des comportements humains pouvant engendrer un risque réel.

• Départs à la retraite
Les départs massifs en retraite prévus pour les prochaines années placent toutes les entreprises dans une
situation où une quantité importante de connaissances sera perdue. Ces pertes doivent être anticipées,
afin qu’une plus jeune génération puisse prendre la relève.
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“ Que se passerait-il
si mes partenaires
d’aujourd’hui devenaient
mes concurrents
Mais on peut déjà prévoir que ces départs provoqueront des chan-
gements importants en termes de culture d’entreprise et auront une
influence sur les types de management exercés.

• Changements de partenaires


de demain ? Enfin, les dirigeants des entreprises doivent rester conscients que les
partenaires, clients et fournisseurs d’aujourd’hui ne seront pas forcément
ceux de demain. Sans tomber dans une paranoïa aiguë, il convient d’envisager la politique du pire : que se
passerait-il si mes partenaires d’aujourd’hui devenaient mes concurrents de demain ?

Les war rooms

Les précédentes Matinales sur l’intelligence économique ont montré quels étaient les enjeux et les moyens
de mise en œuvre d’une démarche de veille, c’est-à-dire d’un processus de collecte, de traitement de
diffusion permanent de l’information au sein de l’entreprise pour savoir en tirer l’essence même : l’infor-
mation stratégique.
Le concept de war rooms, faisant appel à une terminologie militaire, s’inscrit dans le prolongement de
cette action, avec toutefois une temporalité différente, puisque cette cellule de crise est par définition
ponctuelle et à durée limitée, focalisée sur une problématique précise.
L’idée est de réunir, dans une situation d’activité intense, les protagonistes et de se livrer à un traitement
intensif de l’information dans un but précis d’aide à la décision et surtout de définition d’une stratégie
média. On trouve deux types de war rooms : préventive et corrective.
La war room préventive est mise en place, par exemple, lors du lancement d’un produit. Il s’agit de
surveiller les informations relatives à cette sortie, afin de détecter des signaux faibles pouvant mettre
en danger cette opération, en particulier les
rumeurs et les désinformations émises par les
concurrents ou opposants.
La war room corrective intervient quant à elle
en réaction à une crise rencontrée par l’entre-
prise. Cet état d’urgence peut engendrer une
forme de chaos qui peut représenter un réel
danger pour l’activité de l’entreprise s’il n’est
pas géré.
Si la war room préventive peut être gérée en
interne, il est recommandé de faire appel à un
prestataire externe pour la war room corrective,
celui-ci pouvant apporter la sérénité nécessaire
à son efficacité.

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Le lobbying,
levier d’une Europe puissance
Quels sont les enjeux du lobbying dans le cadre de la construction d’une Europe puissance ?
Il s’agit de comprendre dans quel contexte géoéconomique se positionne la problématique
du lobbying.

Le constat

Bien que l’Europe, et la France en particulier, semblent avoir les atouts pour faire figure de grande


puissance mondiale, force est de constater que ce n’est pas le
cas, et que les concurrents directs que sont les Etats-Unis savent Les Européens
beaucoup mieux créer des synergies entre leurs différents affichent un complexe
vecteurs de puissance que sont les domaines économiques, d’infériorité face
technologiques, culturels et militaires.


aux Américains
Alors que l’Europe pourrait être numéro 1, elle semble confinée à un rôle de faire valoir sur les
différents théâtres géopolitiques mondiaux, et il convient d’en identifier les raisons profondes pour
pouvoir valoriser les atouts et inverser cette tendance.

En premier lieu, les Européens affichent un complexe d’infériorité (en particulier dans le milieu des
affaires) face aux Américains, ce manque de confiance en soi les empêchant d’affirmer leurs valeurs
dans une mondialisation où ils auraient pourtant une carte à
jouer. Cette faiblesse ne semble toutefois pas être chronique et
propre à nos civilisations, puisque l’on peut observer les straté-
gies d’influence de la part des pays anglo-saxons pour main-
tenir l’Europe dans une forme de culpabilité, en mélangeant
intérêts économiques et démarches de solidarité humanitaire,
par exemple.

Les Etats-Unis savent parfaitement, sur la base d’un patriotisme


économique ancré dans les mentalités et dans leur culture, faire
jouer des synergies qui peuvent nous sembler étonnantes voire
choquantes (par exemple concernant les liens existant entre les
ONG, les structures militaires, les services de renseignements et
les entreprises). Face à cela, l’Europe, et la France en particulier,
mènent des actions humanitaires de grande qualité à travers le
monde, sans pour autant agir en liaison avec les autres formes
d’intervention, économiques et militaires notamment.

On voit donc qu’une cause du manque de puissance économique au niveau européen tient à la faiblesse
de la coordination des actions menées sur la scène internationale dans les domaines économiques bien
entendu, mais également diplomatiques, humanitaires et militaires.
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Quelles orientations pour inverser la tendance ?

“ Proposer un
« European Way of Life »,
alternatif au
La question, on le voit bien, est une question de fond. Définir
les moyens de créer une Europe puissance doit commencer par
stimuler un sentiment de citoyenneté européenne, qui lui ne peut
être obtenue que par une réflexion sur nos valeurs partagées de


modèle américain
respect des droits de l’Homme, de la démocratie, du dialogue et
de la solidarité, afin non pas d’imposer, mais de proposer un « European Way of Life », alternatif au
modèle américain.

Se positionner dans un monde multipolaire, dans lequel le bloc chinois notamment émerge et où notre
destinée et nos choix seront de plus en plus distincts de ceux des Etats-Unis (comme la guerre en Irak
a pu l’illustrer) passe par la construction d’une Europe politique forte et unie, afin de permettre une
coordination stratégique des entreprises et des institutions politiques européennes.

L’approche proposée par Olivier Vedrine sur la


question du lobbying permet de comprendre
quels sont les enjeux à l’échelle mondiale de ces
pratiques européennes.

Pour plus d’informations sur les définitions et les


conseils pratiques de mise en œuvre au niveau
d’une entreprise d’une démarche de lobbying,
rendez vous sur le portail européen du lobbying.
h t t p : / / w w w. l o b b y i n g - e u r o p e . c o m /

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La guerre économique vue


par une PME internationale
du Val de Marne : UPSI
UPSI est positionnée sur le secteur d’activité des capteurs thermiques et des microsystèmes.
Bien que de petite taille, cette entreprise évolue dans le secteur des hautes technologies
et doit être en permanence à la pointe de l’innovation. Elle soutient pour cela une très forte
activité de recherche fondamentale et appliquée.
Mme Palas, directeur général de la société UPSI, nous fait part de son expérience à travers
un témoignage de terrain qui décrit l’entrée en guerre économique de son entreprise, lors de
laquelle son activité a été réellement menacée par un groupe industriel américain.

Le contexte (1995)

En 1995, la société a 25 ans d’existence, et réalise 98% de son chiffre d’affaires pour le
compte de la Défense Nationale. Elle est fournisseur de l’OTAN, est positionnée sur un marché de niche et fournit une
technologie de pointe.
Un grand nombre de marchés d’Etat sont alors interrompus, obligeant la société à dresser une nouvelle stratégie com-
merciale, qui l’amène à s’orienter sur les marchés civils. Bien qu’il existe un plan Konver au niveau européen pour aider les
fournisseurs de la Défense Nationale à se reconvertir, sa zone d’implantation ne lui ouvre pas les droits pour en bénéficier.
La trésorerie de l’entreprise est alors mise en difficulté, mais étant donné le potentiel technologique de l’entreprise, la
société UPSI engage une démarche volontariste de mutation et d’adaptation de ses produits. En effet, le micro-système est
classé dans les 50 premières technologies mondiales, et les compétences dont dispose UPSI lui fournissent un avantage
concurrentiel certain.
Pour cela, UPSI engage un projet de recherche et développement qui s’étend sur trois années, jusqu’en 1998, où la
recherche fondamentale menée au sein de l’entreprise arrive à maturité et permet d’envisager enfin un développement de
ses produits.

L’entrée en guerre économique

Une fois les technologies éprouvées et brevetées, une recherche active de clients sur le marché civil international com-
mence. La qualité et le caractère innovant de ses produits lui permettent rapidement de trouver un grand compte américain
avec lequel la société signe un contrat ambitieux de production de plusieurs millions de pièces, et afin de pouvoir y répon-
dre, met en œuvre des moyens et les ressources nécessaires lui permettant d’avoir une capacité de production suffisante.
Sans le savoir, l’entreprise vient de signer le début d’une véritable guerre économique.

Les offensives économiques

• Objectifs stratégiques de « l’ennemi »


Les objectifs du groupe apparaissent clairs après un certain temps : prendre possession de l’ensemble des acteurs du
secteur, en les rachetant un par un à moindre frais. Afin d’y parvenir, il opère les rachats et en prend le contrôle alors que
les entreprises sont encore de petite taille.
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En ce qui concerne UPSI, leur stratégie est légèrement différente. Afin de s’approprier les compétences de l’entreprise (fruit
d’un long travail de recherche et développement), les manœuvres décrites ci-après sont mises en place afin de racheter
l’entreprise au bord du dépôt de bilan.

• Les types d’attaques


Manœuvre d’intimidation et « entrisme »
A la signature du contrat, étant donné les volumes en jeu, le groupe industriel impose à UPSI un service qualité, qui
aura pour objet de contrôler les processus de fabrication des produits afin que ceux-ci soient bien conformes aux
normes. Mais la tâche est complexe, étant donné que par définition, il n’existe pas de normes pour les processus
innovants de production qui ont été développés par UPSI.
Il s’agit d’une part de charges supplémentaires pour UPSI, qui doit consacrer des ressources humaines et financières à la
gestion de cette nouvelle contrainte.
D’autre part, la société se voit imposer l’envoi d’émissaires qui viennent « observer » la manière dont travaille UPSI, et qui
curieusement posent beaucoup de questions, peut être un peu trop parfois.
Sur un plan informel, il n’est pas facile de détecter si les questions posées entrent effectivement dans le cadre de la gestion
de la qualité ou bien s’il s’agit d’espionnage industriel. D’autant que lors des entretiens, les émissaires adoptent toujours
une position dominante, ne laissant pas de place pour le doute chez leurs interlocuteurs.
S’il a été fait allusion lors des précédentes matinales à l’importance de la gestion de l’information écrite par l’organisation
d’un système de veille, nous devons souligner ici que les informations les plus confidentielles sont parfois en possession
du personnel de l’entreprise, sous forme d’information orale. La seule manière de réelle-
ment les protéger est de sensibiliser l’ensemble du personnel, de leur apprendre à dire «
non » dans des situations qui parfois frôlent le harcèlement moral.
Fausses commandes
Parallèlement à ces actions d’espionnage industriel, on assiste à une attaque en règle de
la trésorerie de l’entreprise. Le prévisionnel de commandes du grand groupe était en fait
surdimensionné. Pour pouvoir y répondre, des investissements supplémentaires négo-
ciés auprès des banques ont été concédés, mettant cette fois véritablement la trésorerie
de l’entreprise en porte-à-faux.
Au final, ce qui aurait pu être craint dès le départ se produit : la commande ferme est
bien en dessous du prévisionnel sur lequel s’était basé l’emprunt, mettant cette fois
l’entreprise en danger de dépôt de bilan.
Désinformations et mensonges
Le dernier type d’attaque présenté ici concerne les désinformations et les mensonges faits aux parties prenantes (clients,
fournisseurs). Deux exemples édifiants sont cités par Mme Palas.
Le premier concerne une information qui a été fournie à un client japonais d’UPSI qui a été directement contacté par le
groupe, qui lui a tout simplement affirmé qu’UPSI n’était qu’un intermédiaire et non le fabricant des microsystèmes (en leur


recommandant bien entendu de traiter directement avec eux). Cette information
Sans le savoir, a pu être détectée grâce à la relation de confiance établie directement par Mme
l’entreprise vient de signer Palas avec ses clients.
le début d’une véritable La réplique a été tout simplement d’inviter le client japonais à venir visiter l’unité de


guerre économique. production située à Champigny-sur-Marne.
La seconde anecdote est encore plus impressionnante : UPSI a été vendue
« oralement » par le groupe à une holding, en leur assurant qu’ils en avaient le
contrôle financier. Là encore, la méthode est osée, et consiste à placer UPSI devant le fait accompli. On peut à ce stade,
parler de tentative de manipulation morale, puisque des arguments visant à rabaisser l’image de l’entreprise et à ébranler
la confiance de ses dirigeants ont été largement utilisés.

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Les dysfonctionnements institutionnels

Face à ces attaques provenant d’un groupe ayant une puissance


financière sans commune mesure avec celle d’UPSI, une PME se
trouve quelque peu démunie. Si l’expérience de Mme Palas lui a
permis d’adopter une attitude de prudence extrême, afin de protéger
les informations stratégiques, tant commerciales que technologiques,
d’autres entreprises françaises du secteur n’ont pas résisté et ont
aujourd’hui tout simplement disparu.
Si l’Etat met aujourd’hui en œuvre une politique nationale d’intelli-
gence économique, et notamment d’aide à la protection du patrimoine économique des entreprises
françaises, un certain nombre de dysfonctionnements institutionnels ont été relevés à l’époque.
Tout d’abord, c’est le système bancaire dans sa globalité qui est pointé du doigt. En effet, lorsque UPSI a
connu des difficultés de trésorerie suite à l’affaire des fausses commandes, les institutions bancaires ont été
plus sensibles à la parole du grand groupe qu’à celle de la PME.
D’autre part, Mme Palas avait signalé à l’époque au Ministère de la Recherche certains signes inquiétants de
prise de possession d’un secteur technologique de pointe, notamment après avoir détecté un rachat
systématique des entreprises du secteur au travers de montages financiers utilisant des sociétés écrans.
Mais aucune suite n’a été donnée, et plusieurs de ces PME sont tout simplement mortes peu de temps après
leur rachat, confirmant ainsi la recherche de la constitution d’un monopole sur ce secteur stratégique.
Enfin, des fuites d’informations ont été repérées lors de dépôts de dossiers de demandes d’aides ou de sub-
ventions passées auprès d’organismes publics. Cela montre, si besoin était, que l’appartenance à un secteur
stratégique relatif à des technologies de pointe, exige une attitude permanente de protection du patrimoine
cognitif et stratégique.

Les parades trouvées

Heureusement, UPSI est toujours présente, et de plus en plus forte sur son marché, car Mme Palas a su
conserver cette vigilance de chaque instant, et mener des actions avec force, aussi bien de manière
préventive que curative.
Elle nous livre ici ses conseils et ses parades :
Afin de lutter efficacement contre la contrefaçon, Mme Palas part du principe qu’une PME ne dispose pas
de moyens efficaces pour se protéger, notamment contre certains pays réputés pour leurs facultés à copier.
Ainsi, sa stratégie consiste à ne leur vendre que des technologies ayant trois ans d’âge, afin de toujours
conserver un avantage concurrentiel basé sur l’innovation.
Lors de tentatives de désinformations, il ne faut pas hésiter à utiliser les médias spécialisés et les confé-


rences de presse pour « remettre les pendules à l’heure » : non
seulement cela permet de rétablir la vérité sur certaines attaques de utiliser les médias
type désinformation, mais cela montre clairement que toute autre spécialisés et les conférences
attaque de ce type sera ainsi sanctionnée. Mieux vaut prévenir de presse pour « remettre
que guérir.


les pendules à l’heure »
Autre astuce : Lors de la rédaction de dossiers adressés aux
organismes d’appui, à des clients, ou à des fournisseurs, glisser des erreurs volontaires (ou simplement des
coquilles) qui permettent de tracer un dossier, et ainsi d’identifier des fuites éventuelles.
Enfin, l’ensemble du personnel doit être fortement et régulièrement sensibilisé à la protection et à la
confidentialité des informations. Une attention particulière sera accordée aux chercheurs, qui naturellement
souhaitent par intérêt scientifique, échanger avec leurs pairs.
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Conclusion

Si les attaques concurrentielles peuvent être tout aussi virulentes qu’imperceptibles au premier
abord, les parades existent à condition d’adopter une attitude de vigilance extrême et de disposer d’un
minimum d’expérience.

• Critères pour être attaqué


A travers cet exemple, on peut déjà voir quelques critères concernant l’entreprise et son environnement,
qui peuvent faire d’elle la cible privilégiée d’attaques extérieures. Ces critères sont :


- Développer des technologies innovantes
Il faut les sensibiliser - Etre en phase de production de prototypes et de
aux notions de lobbying recherche de premiers clients
et de sécurité économique - Se positionner sur un marché potentiel important sur
dans les écoles d’ingénieur lequel les acteurs émergent
- Avoir des chercheurs passionnés


et dans les écoles de commerce
- Disposer d’une trésorerie faible

• Savoir faire et savoir être


Au-delà des parades ponctuelles, Mme Palas nous propose des préconisations à suivre pour mieux lutter
globalement contre ces menaces.
Tout d’abord, pour avoir une action de lobbying efficace, notamment auprès des organismes de norma-
lisation, il faut mutualiser les efforts et se regrouper en groupes d’intérêts communs. Il est également
important de s’insérer dans des réseaux de PME du secteur, afin d’échanger des informations et de mettre
en commun ce type d’expérience, et permettre ainsi de sortir de l’isolement.
D’autre part, nous l’avons vu, il faut savoir dire « non », et ne pas être poli en toute circonstance. Au-delà
du besoin de confiance en soi, Mme Palas nous indique qu’il s’agit d’un problème culturel. Les actions de
manipulation et d’influence informelle (dans les réunions, lors des signatures de contrat, lors des négocia-
tions avec les institutions financières) rencontrées sont souvent
accompagnées d’un reproche : « vous êtes français ». Pour pouvoir
résister à ces attaques, il ne faut pas avoir honte d’être français.
C’est une question d’attitude.
Par ailleurs, il est effarant de constater à quel point les jeunes diplômés
ne sont pas informés sur ces problématiques. S’ils permettent la fuite
d’informations, ce n’est pas par malveillance mais par naïveté. Il faut les
sensibiliser aux notions de lobbying et de sécurité économique dans les
écoles d’ingénieur et dans les écoles de commerce.
Enfin, et pour conclure le cycle des Matinales sur l’intelligence écono-
mique, Mme Palas a lancé devant un auditoire où étaient présents des
représentants de l’Etat, un appel à la coopération et à une communi-
cation plus efficace avec les services de l’Etat en charge de l’intelligence
économique, et ce dans tous les ministères concernés.

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Crédit photos : Agence de Développement du Val de Marne - décembre 2005 - Tout droit de reproduction réservé.

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