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les Matinales C Y C L E 3
les Matinales
Au cours de l’année 2005, l’Agence de Développement du Val de Marne a ouvert trois cycles de Matinales
dans le but de sensibiliser et d’informer les entreprises, les laboratoires de recherche, les organismes de
formation et les créateurs d’entreprises sur des sujets d’actualité relatifs à l’innovation.
Les conférences sont animées par des spécialistes du domaine, des témoignages apportent un éclairage
de terrain. Les Matinales constituent un moment privilégié d’approfondissement de sujets et de partage
d’expériences entre les différents acteurs publics et privés.
Le premier cycle de Matinales était consacré à « la propriété intellectuelle », le second cycle « accom-
pagner l’innovation » a traité de la veille technologique et des aides financières à l’innovation.
Ce troisième cycle « l’intelligence économique » apporte aux auditeurs une réflexion sur la stratégie de
l’entreprise ou du laboratoire et une connaissance des outils de veille.
Ce document de synthèse retrace le plus fidèlement possible les présentations orales des intervenants
et intègre les échanges avec les auditeurs. L’accès aux informations essentielles oriente vers les outils
les plus pertinents.
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La sécurité économique Le lobbying, La guerre économique vue
levier d’une Europe puissance par une PME internationale
L’image du coffre fort du Val de Marne : UPSI
Le constat
Le contexte (1995)
3ÈME PARTIE
« Sécurité économique et lobbying»
Conférenciers :
• Pascal RAUD, Vice-président de l’Association
des Auditeurs en Intelligence Economique de l’Institut
des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN)
• Olivier VEDRINE, Enseignant-chercheur à l’Institut
Catholique de Paris et Responsable du Club Atlantique-
Oural de l’Association des Auditeurs des Sessions
Européennes de l’IHEDN
• Rachel PALAS, Directeur général de la société UPSI
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L’ I N T E L L I G E N C E E C O N O M I Q U E
les Matinales
La sécurité économique
« Depuis une vingtaine d’années, notre pays
est entré - sans en avoir nécessairement pris
conscience - dans l’ère de la société de l’information.
Outre la qualité des hommes, la production de
la richesse nationale repose aujourd’hui sur une
masse d’informations juridiques, financières,
commerciales, scientifiques, techniques,
économiques ou industrielles » 1
(Bernard Carayon, extrait du rapport d’informations sur la
stratégie de sécurité économique nationale)
Les personnes ayant connaissance de données stratégiques pour l’entreprise peuvent certes agir par
malveillance, mais le plus souvent pêchent par naïveté. Il est donc du rôle des managers de les sensibiliser
en permanence sur ce sujet.
Afin d’illustrer cette problématique, Pascal Raud propose l’image du coffre fort : les documents que
possède une personne sont soit dans le coffre fort, soit en dehors. Il en va de même concernant toutes les
informations de l’entreprise, qui doivent être étiquetées comme étant clairement publiques, ou clairement
“
confidentielles : la notion d’information « semi-publique » ou
Tracer avec précision « plus ou moins confidentielle » n’a pas de sens pour qui veut
les frontières informationnelles appliquer une démarche rigoureuse d’intelligence économique.
de l’entreprise, ainsi que leur L’art des managers consiste à basculer rapidement d’une
situation à l’autre, du confidentiel au public.
”
niveau de perméabilité
1
Disponible à l’adresse http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/rap-info/i1664.pdf 3
L’ I N T E L L I G E N C E E C O N O M I Q U E
les Matinales
PME et un grand groupe industriel
engendre un rapport de forces déséqui-
libré, en particulier si le grand groupe
est le client principal, générant une
relation de dépendance dans laquelle
l’acteur de petite taille doit être parti-
culièrement attentif aux informations
qu’il met à disposition d’un prédateur
économique potentiel.
Il lui faut définir clairement quel est son
cœur de compétences, c’est-à-dire la
moelle de ce qui lui confère un véri-
table avantage concurrentiel, afin de
savoir en protéger la confidentialité au
moment des négociations. Les relations
du type win-win sont à la mode, encore
faut-il ne pas tout partager !
Si les pertes d’informations stratégiques peuvent survenir par un manque de vigilance dans les
échanges avec les parties prenantes de l’entreprise, certaines pertes d’informations stratégiques
surviennent plus facilement lorsqu’une entreprise connaît un changement dans sa structure. C’est
alors tout l’art du manager de savoir détecter les malaises et les rumeurs de ses employés, afin
d’encourager le dialogue et le partage des éventuels ressentiments pour mieux les apaiser et trouver
collectivement des solutions efficaces.
• Fusions acquisitions
Lors de la fusion de deux entreprises, ce sont deux univers, deux cultures d’entreprises qui se rencontrent
assez peu souvent sans heurts. Le danger de la perte de pouvoir, voire de la perte de l’emploi, peut donner
lieu à des comportements humains pouvant engendrer un risque réel.
• Départs à la retraite
Les départs massifs en retraite prévus pour les prochaines années placent toutes les entreprises dans une
situation où une quantité importante de connaissances sera perdue. Ces pertes doivent être anticipées,
afin qu’une plus jeune génération puisse prendre la relève.
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L’ I N T E L L I G E N C E E C O N O M I Q U E
les Matinales
“ Que se passerait-il
si mes partenaires
d’aujourd’hui devenaient
mes concurrents
Mais on peut déjà prévoir que ces départs provoqueront des chan-
gements importants en termes de culture d’entreprise et auront une
influence sur les types de management exercés.
• Changements de partenaires
”
de demain ? Enfin, les dirigeants des entreprises doivent rester conscients que les
partenaires, clients et fournisseurs d’aujourd’hui ne seront pas forcément
ceux de demain. Sans tomber dans une paranoïa aiguë, il convient d’envisager la politique du pire : que se
passerait-il si mes partenaires d’aujourd’hui devenaient mes concurrents de demain ?
Les précédentes Matinales sur l’intelligence économique ont montré quels étaient les enjeux et les moyens
de mise en œuvre d’une démarche de veille, c’est-à-dire d’un processus de collecte, de traitement de
diffusion permanent de l’information au sein de l’entreprise pour savoir en tirer l’essence même : l’infor-
mation stratégique.
Le concept de war rooms, faisant appel à une terminologie militaire, s’inscrit dans le prolongement de
cette action, avec toutefois une temporalité différente, puisque cette cellule de crise est par définition
ponctuelle et à durée limitée, focalisée sur une problématique précise.
L’idée est de réunir, dans une situation d’activité intense, les protagonistes et de se livrer à un traitement
intensif de l’information dans un but précis d’aide à la décision et surtout de définition d’une stratégie
média. On trouve deux types de war rooms : préventive et corrective.
La war room préventive est mise en place, par exemple, lors du lancement d’un produit. Il s’agit de
surveiller les informations relatives à cette sortie, afin de détecter des signaux faibles pouvant mettre
en danger cette opération, en particulier les
rumeurs et les désinformations émises par les
concurrents ou opposants.
La war room corrective intervient quant à elle
en réaction à une crise rencontrée par l’entre-
prise. Cet état d’urgence peut engendrer une
forme de chaos qui peut représenter un réel
danger pour l’activité de l’entreprise s’il n’est
pas géré.
Si la war room préventive peut être gérée en
interne, il est recommandé de faire appel à un
prestataire externe pour la war room corrective,
celui-ci pouvant apporter la sérénité nécessaire
à son efficacité.
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L’ I N T E L L I G E N C E E C O N O M I Q U E
les Matinales
Le lobbying,
levier d’une Europe puissance
Quels sont les enjeux du lobbying dans le cadre de la construction d’une Europe puissance ?
Il s’agit de comprendre dans quel contexte géoéconomique se positionne la problématique
du lobbying.
Le constat
Bien que l’Europe, et la France en particulier, semblent avoir les atouts pour faire figure de grande
“
puissance mondiale, force est de constater que ce n’est pas le
cas, et que les concurrents directs que sont les Etats-Unis savent Les Européens
beaucoup mieux créer des synergies entre leurs différents affichent un complexe
vecteurs de puissance que sont les domaines économiques, d’infériorité face
technologiques, culturels et militaires.
”
aux Américains
Alors que l’Europe pourrait être numéro 1, elle semble confinée à un rôle de faire valoir sur les
différents théâtres géopolitiques mondiaux, et il convient d’en identifier les raisons profondes pour
pouvoir valoriser les atouts et inverser cette tendance.
En premier lieu, les Européens affichent un complexe d’infériorité (en particulier dans le milieu des
affaires) face aux Américains, ce manque de confiance en soi les empêchant d’affirmer leurs valeurs
dans une mondialisation où ils auraient pourtant une carte à
jouer. Cette faiblesse ne semble toutefois pas être chronique et
propre à nos civilisations, puisque l’on peut observer les straté-
gies d’influence de la part des pays anglo-saxons pour main-
tenir l’Europe dans une forme de culpabilité, en mélangeant
intérêts économiques et démarches de solidarité humanitaire,
par exemple.
On voit donc qu’une cause du manque de puissance économique au niveau européen tient à la faiblesse
de la coordination des actions menées sur la scène internationale dans les domaines économiques bien
entendu, mais également diplomatiques, humanitaires et militaires.
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les Matinales
Quelles orientations pour inverser la tendance ?
“ Proposer un
« European Way of Life »,
alternatif au
La question, on le voit bien, est une question de fond. Définir
les moyens de créer une Europe puissance doit commencer par
stimuler un sentiment de citoyenneté européenne, qui lui ne peut
être obtenue que par une réflexion sur nos valeurs partagées de
”
modèle américain
respect des droits de l’Homme, de la démocratie, du dialogue et
de la solidarité, afin non pas d’imposer, mais de proposer un « European Way of Life », alternatif au
modèle américain.
Se positionner dans un monde multipolaire, dans lequel le bloc chinois notamment émerge et où notre
destinée et nos choix seront de plus en plus distincts de ceux des Etats-Unis (comme la guerre en Irak
a pu l’illustrer) passe par la construction d’une Europe politique forte et unie, afin de permettre une
coordination stratégique des entreprises et des institutions politiques européennes.
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Le contexte (1995)
En 1995, la société a 25 ans d’existence, et réalise 98% de son chiffre d’affaires pour le
compte de la Défense Nationale. Elle est fournisseur de l’OTAN, est positionnée sur un marché de niche et fournit une
technologie de pointe.
Un grand nombre de marchés d’Etat sont alors interrompus, obligeant la société à dresser une nouvelle stratégie com-
merciale, qui l’amène à s’orienter sur les marchés civils. Bien qu’il existe un plan Konver au niveau européen pour aider les
fournisseurs de la Défense Nationale à se reconvertir, sa zone d’implantation ne lui ouvre pas les droits pour en bénéficier.
La trésorerie de l’entreprise est alors mise en difficulté, mais étant donné le potentiel technologique de l’entreprise, la
société UPSI engage une démarche volontariste de mutation et d’adaptation de ses produits. En effet, le micro-système est
classé dans les 50 premières technologies mondiales, et les compétences dont dispose UPSI lui fournissent un avantage
concurrentiel certain.
Pour cela, UPSI engage un projet de recherche et développement qui s’étend sur trois années, jusqu’en 1998, où la
recherche fondamentale menée au sein de l’entreprise arrive à maturité et permet d’envisager enfin un développement de
ses produits.
Une fois les technologies éprouvées et brevetées, une recherche active de clients sur le marché civil international com-
mence. La qualité et le caractère innovant de ses produits lui permettent rapidement de trouver un grand compte américain
avec lequel la société signe un contrat ambitieux de production de plusieurs millions de pièces, et afin de pouvoir y répon-
dre, met en œuvre des moyens et les ressources nécessaires lui permettant d’avoir une capacité de production suffisante.
Sans le savoir, l’entreprise vient de signer le début d’une véritable guerre économique.
les Matinales
En ce qui concerne UPSI, leur stratégie est légèrement différente. Afin de s’approprier les compétences de l’entreprise (fruit
d’un long travail de recherche et développement), les manœuvres décrites ci-après sont mises en place afin de racheter
l’entreprise au bord du dépôt de bilan.
“
recommandant bien entendu de traiter directement avec eux). Cette information
Sans le savoir, a pu être détectée grâce à la relation de confiance établie directement par Mme
l’entreprise vient de signer Palas avec ses clients.
le début d’une véritable La réplique a été tout simplement d’inviter le client japonais à venir visiter l’unité de
”
guerre économique. production située à Champigny-sur-Marne.
La seconde anecdote est encore plus impressionnante : UPSI a été vendue
« oralement » par le groupe à une holding, en leur assurant qu’ils en avaient le
contrôle financier. Là encore, la méthode est osée, et consiste à placer UPSI devant le fait accompli. On peut à ce stade,
parler de tentative de manipulation morale, puisque des arguments visant à rabaisser l’image de l’entreprise et à ébranler
la confiance de ses dirigeants ont été largement utilisés.
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Les dysfonctionnements institutionnels
Heureusement, UPSI est toujours présente, et de plus en plus forte sur son marché, car Mme Palas a su
conserver cette vigilance de chaque instant, et mener des actions avec force, aussi bien de manière
préventive que curative.
Elle nous livre ici ses conseils et ses parades :
Afin de lutter efficacement contre la contrefaçon, Mme Palas part du principe qu’une PME ne dispose pas
de moyens efficaces pour se protéger, notamment contre certains pays réputés pour leurs facultés à copier.
Ainsi, sa stratégie consiste à ne leur vendre que des technologies ayant trois ans d’âge, afin de toujours
conserver un avantage concurrentiel basé sur l’innovation.
Lors de tentatives de désinformations, il ne faut pas hésiter à utiliser les médias spécialisés et les confé-
“
rences de presse pour « remettre les pendules à l’heure » : non
seulement cela permet de rétablir la vérité sur certaines attaques de utiliser les médias
type désinformation, mais cela montre clairement que toute autre spécialisés et les conférences
attaque de ce type sera ainsi sanctionnée. Mieux vaut prévenir de presse pour « remettre
que guérir.
”
les pendules à l’heure »
Autre astuce : Lors de la rédaction de dossiers adressés aux
organismes d’appui, à des clients, ou à des fournisseurs, glisser des erreurs volontaires (ou simplement des
coquilles) qui permettent de tracer un dossier, et ainsi d’identifier des fuites éventuelles.
Enfin, l’ensemble du personnel doit être fortement et régulièrement sensibilisé à la protection et à la
confidentialité des informations. Une attention particulière sera accordée aux chercheurs, qui naturellement
souhaitent par intérêt scientifique, échanger avec leurs pairs.
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Conclusion
Si les attaques concurrentielles peuvent être tout aussi virulentes qu’imperceptibles au premier
abord, les parades existent à condition d’adopter une attitude de vigilance extrême et de disposer d’un
minimum d’expérience.
“
- Développer des technologies innovantes
Il faut les sensibiliser - Etre en phase de production de prototypes et de
aux notions de lobbying recherche de premiers clients
et de sécurité économique - Se positionner sur un marché potentiel important sur
dans les écoles d’ingénieur lequel les acteurs émergent
- Avoir des chercheurs passionnés
”
et dans les écoles de commerce
- Disposer d’une trésorerie faible
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