You are on page 1of 6

Pathologie de l’appareil locomoteur

A 79

Genou douloureux
Orientation diagnostique
PR Frédéric LIOTÉ
Fédération de rhumatologie (centre Viggo-Petersen), hôpital Lariboisière, 75475 Paris Cedex 10 et université Paris VII (UFR Saint-Louis, Lariboisière).

Points Forts à comprendre Palpation


Elle évalue la chaleur locale (avec le dos de la main de
• Les articulations du genou sont l’articulation façon comparative), recherche un épanchement articu-
fémoro-tibiale (interne et externe) et l’articulation laire (recherche d’un choc rotulien, d’un signe du flot),
fémoro-patellaire (voir : Pour approfondir 1). une bursite prépatellaire ou infrapatellaire, un kyste
• L’articulation fémoro-tibiale comporte poplité, une douleur à la palpation et à la mobilisation de
2 condyles fémoraux articulés avec les glènes l’articulation péronéo-tibiale supérieure.
tibiales externe et interne. La congruence La palpation recherche aussi des points douloureux de
de l’articulation est assurée par des ménisques, façon méthodique : interlignes articulaires fémoro-tibiaux
fibrocartilages insérés sur la capsule articulaire. coques condyliennes, plateaux tibiaux et insertion des
• L’articulation fémoro-patellaire est constituée muscles de la patte d’oie, ligaments et tendons.
de la face articulaire de la rotule qui s’articule Les signes rotuliens sont aussi recherchés par la palpation
avec les joues de la trochlée fémorale. des faces inférieures et la mobilisation de la rotule.
L’amplitude articulaire s’évalue dans un seul degré de
liberté : extension 0˚ (ou recurvatum passif physio-
Examen clinique logique de quelques degrés) et flexion de 140˚.
La stabilité s’apprécie de façon antéro-postérieure
Interrogatoire associée aux ligaments croisés. La recherche du tiroir
s’effectue le genou semi-fléchi, en plaçant le pied en
• Il précise la gonalgie et ses caractères : siège anté- position neutre, en rotations externe et interne. Un tiroir
rieur, postérieur, médial ou latéral ; circonstances d’ins- antérieur signe une lésion du ligament croisé antéro-
tallation, mode de début ; rythme mécanique (douleur interne. Un tiroir postérieur signe une atteinte du ligament
augmentée par l’activité et calmée par le repos) ou croisé postéro-interne.
inflammatoire (douleur maximale en fin de nuit, L’examen doit prendre en compte les signes extra-
réveillant le malade, avec dérouillage matinal et non articulaires.
calmée par le repos) ; évolution spontanée ; réponse aux À la fin de l’examen clinique, il est possible d’orienter
traitements administrés ; présence d’un gonflement du les hypothèses diagnostiques selon certains cadres
genou récidivant ou permanent. cliniques (voir : Pour approfondir 2) : syndrome rotulien,
• La gène fonctionnelle est appréciée par la recherche syndrome fémoro-tibial, syndrome méniscal, épanchement
d’une boiterie et d’une sensation d’instabilité. plus ou moins inflammatoire, kyste poplité ou autre
L’examen physique se fait sur un patient déshabillé de tuméfaction péri-articulaire.
façon comparative.

Inspection Ponction articulaire


Elle évalue l’existence de troubles statiques ou de La ponction articulaire doit être considérée comme
déformations. le prolongement de l’examen clinique. Tout liquide
• Lorsque le patient est debout, on peut observer une articulaire suspecté cliniquement doit être prélevé et
déformation de face en genu varum ou en genu valgum, examiné. Jeter un liquide synovial sans l’examiner est
de profil en genu flexum ou en genu recurvatum, et une faute de raisonnement.
rechercher une tuméfaction du creux poplité ainsi que Le liquide doit être prélevé de façon aseptique sur tubes
des signes d’insuffisance veineuse. La marche est aussi secs stériles ou contenant quelques gouttes de citrate de
évaluée à la recherche d’une boiterie d’esquive ou d’une sodium stérile. Le tube prévu pour la recherche de
instabilité. microcristaux doit être conservé au mieux à - 20 ˚C pour
• Lorsque le patient est couché, on peut constater une réduire le risque d’artefact.
amyotrophie, une coloration anormale des téguments, L’analyse du liquide comporte :
une tuméfaction du genou effaçant les reliefs osseux • son aspect macroscopique : transparent, trouble,
normaux, une tuméfaction localisée du type bursite, une puriforme ou hémorragique ; un liquide visqueux est
déformation en flexum. a priori de type plutôt mécanique ;

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 1453


GENOU DOULOUREUX

• la numération des éléments cellulaires et la formule l’examen du liquide synovial ou de tuberculose articulaire.
du liquide : prédominance de polynucléaires neutro- Effectuée sous anesthésie locale, elle permet à l’aveugle
philes, de lymphocytes (tuberculose, autres), de poly- de prélever du tissu synovial pour mise en culture et
nucléaires éosinophiles (plus rare) ; examen anatomopathologique.
• la recherche de micro-organismes à l’examen direct
(coloration de Gram) et aux cultures ; Orientation du diagnostic
• la culture sur milieu de Löwenstein pour les myco-
bactéries, le bacille de Koch en particulier ; Le genou est suspecté quand il est douloureux, en parti-
• la recherche de microcristaux en lumière polarisée culier spontanément et à la mobilisation. La présence
compensée et en fond noir, avec des colorations d’un épanchement signe l’arthropathie quelle qu’en soit
spéciales (rouge alizarine spécifique du calcium). la cause.

Examens complémentaires Diagnostic différentiel


Les examens paracliniques sont centrés sur les radio-
graphies conventionnelles et la recherche d’un syndrome 1. Douleurs projetées
inflammatoire biologique. • La douleur de hanche est une cause rare de gonalgie.
Elle impose d’examiner de principe la hanche devant
Imagerie toute douleur de genou.
• La névralgie crurale peut se traduire par une douleur
• Les premières radiographies standard (non numérisées) antérieure du genou. La clé du diagnostic est la
sont toujours comparatives : 2 genoux debout de face recherche des signes neurologiques caractéristiques :
sur une même plaque, les genoux de profil couché. Des hypoesthésie locale, diminution ou abolition d’un réflexe
incidences complémentaires peuvent être nécessaires. rotulien, déficit moteur du quadriceps, signe de Léri.
• En cas de gonarthrose, 2 genoux de face à 30˚ de
flexion (en position de schuss) mettent en charge la partie 2. Douleurs de voisinage
postérieure des condyles fémoraux et une incidence Elles concernent :
axiale fémoro-patellaire. • les maladies osseuses pures : métastases, lymphomes
• En cas de syndrome rotulien, on observe les incidences osseux, tumeurs primitives, maladie de Paget ;
axiales fémoro-patellaires 30 et 60˚. Certaines gonalgies • les maladies vasculaires, artérite et thromboses
présentent des radiographies normales. veineuses ;
• L’arthrographie est nécessaire pour certaines affec- • les maladies musculaires.
tions méniscales, synoviales voire ligamentaires. Ses
indications sont réduites avec l’utilisation de l’imagerie Douleurs de rythme inflammatoire
par résonance magnétique nucléaire (IRM).
• L’imagerie par résonance magnétique explore les La présence d’un épanchement articulaire est un élément
parties molles, les ménisques, les ligaments, les sémiologique capital. Seul l’examen du liquide synovial
cartilages et l’os sous-chondral. Les séquences utiles permet d’affirmer son caractère inflammatoire et donc
dépendent de l’indication de l’examen. de retenir le diagnostic de synovite.
• La scintigraphie osseuse au technétium est indiquée Les causes urgentes et fréquentes sont les arthrites sep-
pour rapporter à l’os un syndrome douloureux. tiques et les arthrites microcristallines.
• Le scanner est utile pour certaines affections osseuses
et pour préciser les angles de torsions tibiales. 1. Arthrite septique
Même en l’absence d’épanchement, une gonalgie chro- Ce diagnostic est à évoquer de principe devant toute
nique peut justifier des explorations supplémentaires, mono-arthrite et de façon plus générale, devant tout
principalement l’IRM. épanchement. Aucune antibiothérapie ne doit être débutée
Selon le type de gonalgie (mécanique ou inflammatoire), avant la ponction articulaire.
le caractère du liquide (mécanique, hémorragique ou Certains signes sont évocateurs : genou chaud, tuméfié,
inflammatoire), l’IRM du genou doit comporter des douloureux aux mouvements ; fièvre, frissons ; contexte
séquences adaptées par le radiologue au problème dia- général (diabète sucré connu, polyarthrite rhumatoïde,
gnostique posé. corticothérapie générale, immunodépression d’autres
• L’arthroscopie est un examen invasif, non dénué de causes) ; porte d’entrée potentielle (infection à distance,
risque (algodystrophie, infection, hématome, etc.) qui soins dentaires sans prophylaxie, antécédent récent de
ne doit être réalisé qu’après les examens précédents. Il ponction, d’infiltration voire d’arthrographie). Une infil-
est utile au diagnostic en permettant de visualiser les tration de cortisonique retard peut être suivie d’une réac-
lésions, en dirigeant les biopsies synoviales et en tion à microcristaux dans les heures qui suivent
permettant certains gestes thérapeutiques. l’injection mais toute réaction inflammatoire survenant
• La biopsie synoviale, facile à réaliser, est indispensable au-delà de 48 h doit faire suspecter une arthrite septique
en cas de suspicion d’arthrite septique non assurée par et faire vérifier le liquide. Chez le sujet jeune, il faut

1454 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Pathologie de l’appareil locomoteur

évoquer les arthrites d’inoculation du toxicomane à d’appel vers d’autres organes. La radiographie peut
l’héroïne. Les autres arguments sont l’élévation de la montrer des signes d’arthrite. Le liquide est inflammatoire
vitesse de sédimentation globulaire (VS) et de la protéine et souvent lymphocytaire. La culture sur milieu de
C réactive (CRP), l’hyperleucocytose à polynucléaires Löwenstein n’étant que tardivement positive, il convient
neutrophiles, la normalité initiale des radiographies ou de s’assurer d’un diagnostic de présomption par l’examen
présence de signes d’arthropathie ayant justifié le du tissu synovial prélevé lors d’une biopsie à l’aiguille
geste local. ou par voie arthroscopique.
La ponction articulaire ramène un liquide trouble ou
purulent. L’examen direct et la mise en culture permet- 6. Arthrites microcristallines
tent l’identification du germe et la réalisation de l’anti- Deux diagnostics sont évoqués selon le sexe et surtout
biogramme. En cas d’antibiothérapie préalable, il faut l’âge : la goutte et l’arthrite à cristaux de pyrophosphate
recourir à la biopsie synoviale par voie percutanée ou de calcium dihydraté (PPCa). Toutes les arthrites micro-
arthroscopique. cristallines aiguës peuvent s’accompagner de fièvre,
D’autres prélèvements sont utiles : hémocultures, prélè- voire de frissons. Le syndrome inflammatoire est fréquent
vements des portes d’entrée potentielles. (élévation de la vitesse de sédimentation au-dessus de
D’autres localisations septiques doivent être recherchées, 100 mm pendant la première heure, de la protéine C
valvulaires en particulier. réactive) , voire hyperleucocytose.
Ces diagnostics sont portés en excluant une arthrite
2. Arthrite gonococcique septique par la culture du liquide synovial.
Elle est évoquée dans 2 situations. • L’arthrite goutteuse est définie sur les arguments
• Chez un sujet jeune, homme ou femme, avec une suivants : homme âgé de plus de 45 ans, voire femme
arthrite aiguë fébrile du genou, on l’évoque en cas de âgée sous diurétiques aux antécédents personnels ou
notion de contage sexuel ou d’infection génitale patente, familiaux de goutte, de lithiase rénale (radiotransparente) ;
de pustules cutanées en regard (syndrome arthro-cutané). aux antécédents d’accès goutteux même anciens, traités
• Chez un sujet moins jeune, éventuellement de retour par colchicine efficacement ; présentant des tophus
de pays exotique, on l’évoque devant le même tableau. (dépôts sous-cutanés d’urates blanchâtres, bosselés,
Ces 2 cas doivent faire rechercher le gonocoque dans le visibles en certains sites d’élection : pavillon de
liquide synovial (60 à 70 %), les hémocultures (50 %), l’oreille, tendons, en regard des faces d’extension des
les prélèvements pharyngés et génitaux, les prélèvements articulations) ; porteur d’une hyperuricémie connue
cutanés. Actuellement, en région parisienne ou au retour voire traitée ; dont le liquide articulaire est inflammatoire
de voyage outre-mer, la possibilité d’un gonocoque parfois très cellulaire (> 50 000 cellules/mm3, voire
résistant à la pénicilline est hautement probable. 100 000 éléments) mais stérile et contenant des micro-
cristaux d’urate de sodium intra- et extracellulaires.
3. Arthrite brucellienne Les radiographies sont habituellement normales aux
Elle est évoquée devant une arthrite aiguë du genou chez genoux à l’exception des tophus goutteux dans la rotule.
un sujet venant de pays d’endémie (péninsule L’accès répond rapidement à la colchicine ou aux anti-
ibérique, Moyen-Orient), ayant consommé des laitages inflammatoires non stéroïdiens.
non pasteurisés. Le diagnostic repose sur les cultures du • L’arthrite à cristaux de pyrophosphate de calcium
liquide synovial et les hémocultures sur milieux spé- dihydraté est définie par les arguments suivants : femme
ciaux, les sérodiagnostics. Parfois, il s’agit d’une arthrite ou homme plus âgé(e) ; antécédent personnel d’accès
subaiguë dont l’examen histologique de la membrane similaires au poignet ou au genou, volontiers fébriles,
synoviale montre la présence de granulomes giganto- de dépôts radiologiques calciques connus (chondro-
cellulaires sans caséum. calcinose articulaire), dont les radiographies montrent
un liseré de calcifications linéaires ou punctiformes des
4. Arthrite de Lyme cartilages fémoraux ou des plateaux tibiaux, des calcifi-
Elle est évoquée de principe devant toute mono-arthrite cations triangulaires à base externe des ménisques sur
chronique du genou en recherchant un antécédent de les clichés de face. Sur le profil, les calcifications des
séjour en zone à risque (forêts, bois, etc.), de morsure de coques condyliennes sont plus visibles. Les calcifications
tique avec la précession par un érythème chronique des facettes rotuliennes sont visibles sur les incidences
migrant d’un membre, d’un épisode fébrile d’allure axiales. Le liquide synovial contient un liquide inflam-
virale. matoire riche en cellules principalement des poly-
Le diagnostic repose sur ce contexte et les sérodiagnos- nucléaires neutrophiles et des microcristaux de
tics de Lyme qui sont à confirmer en western blot. pyrophosphate de calcium à bouts carrés, intra- et extra-
cellulaires. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont
5. Tuberculose articulaire rapidement efficaces.
Encore possible en l’an 2000, elle se traduit par une
mono-arthrite chronique accompagnée d’une amyotrophie 7. Mono-arthrite rhumatismale
quadricipitale. Un pannus est palpé. Des signes généraux Les difficultés diagnostiques surviennent en cas de mono-
peuvent être présents au même titre que d’autres signes arthrite isolée. La recherche d’épisodes d’arthrites,

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 1455


GENOU DOULOUREUX

de leur distribution, de douleurs fessières de rythme 3. Atteinte fémoro-tibiale


inflammatoire à bascule évoquant des épisodes de C’est la localisation la plus fréquente de l’arthrose.
sacro-iliite, la notion de gonflement des orteils « en Elle s’observe surtout chez la femme de plus de 50 ans.
saucisse » orientent vers une spondylarthropathie. Il faut Le syndrome fémoro-tibial est moins caricatural que le
alors rechercher des arguments d’orientation pour une syndrome fémoropatellaire. Il peut se manifester par
affection associée : psoriasis cutané personnel ou familial, une douleur de topographie moins précise, latérale,
antécédent personnel récent de diarrhée, de conjonctivite, postérieure ou diffuse, et une gêne fonctionnelle à
d’uréthrite ou d’infection génitale. La présence de l’anti- quantifier (indice de Lequesne, voir : Pour approfondir 3).
gène HLA B27 oriente le cadre nosologique qui peut La palpation d’un interligne articulaire peut déclencher
rester limité à la seule mono-arthrite chronique pendant la douleur. La mobilisation peut être douloureuse et limitée.
une période prolongée. Des poussées inflammatoires sont possibles caractérisées
La polyarthrite rhumatoïde débute rarement par une par des douleurs plus nocturnes, une période de raideur
mono-arthrite du genou à l’inverse de la maladie de matinale et un épanchement d’habitude de caractère
Behçet ou de la maladie périodique. mécanique.
En l’absence de gonflement, il faut s’attacher à trouver Un seul voire les deux compartiments fémoro-tibiaux
une lésion osseuse de type tumoral par la radiographie peuvent être atteints. Une atteinte fémoro-patellaire
ou orienter le diagnostic par une scintigraphie osseuse associée est possible.
avec des clichés centrés, voire une imagerie par
résonance magnétique. 4. Ostéonécrose
Elle touche surtout le condyle fémoral interne et est
Douleurs de rythme mécanique favorisée par un genu varum. Plus rarement, le condyle
externe est touché.
Selon la topographie de la douleur, son intensité et les Elle se traduit par une douleur localisée à un comparti-
signes associés, les diagnostics suivants sont envisagés. ment, de survenue brutale (marche d’escalier) et source
1. Atteinte fémoro-patellaire d’un handicap rapide chez une femme avec une surcharge
pondérale. Un épanchement est possible. La radio-
Les signes rotuliens sont présents. Selon l’âge, on graphie initiale est souvent normale. Scintigraphie
évoque des diagnostics différents. osseuse ou IRM sont les 2 examens utiles au diagnostic
Chez le sujet jeune, une chondromalacie rotulienne est qui peut aussi être confirmé sur des clichés répétés.
éventuellement associée à une dysplasie rotulienne ou
fémorale. 5. Algodystrophie d’un genou
Dans la chondromalacie, les signes rotuliens peuvent La douleur est de survenue rapide, de rythme souvent
s’accompagner d’épanchement réactionnel. Les radio- mixte et s’accompagne assez régulièrement d’un gonfle-
graphies sont souvent normales. L’arthrographie ou ment et de signes d’allure inflammatoire. La radiographie
l’IRM ne sont pas nécessaires car l’évolution est initiale est normale mais la scintigraphie osseuse montre
souvent favorable spontanément ou avec une réédu- une hyperfixation intense globale du genou dépassant les
cation appropriée. épiphyses, voire localisée dans les formes parcellaires.
Dans la dysplasie rotulienne, les sujets peuvent ressentir L’IRM montre un signal œdémateux d’un condyle ou
outre le syndrome rotulien, une sensation d’instabilité plus global des extrémités. Ultérieurement l’aspect radio-
rotulienne voire de véritables luxations récidivantes de logique devient caractéristique avec une déminéralisation
la rotule. Les incidences axiales montrent divers signes mouchetée et un aspect fantomatique des corticales.
de dysplasie (rotule plate, défaut de saillie des condyles,
gorge trochléenne insuffisante, déviation externe de la 6. Fissure du plateau
rotule dont le bord externe déborde le condyle. Le caractère brutal de la douleur, sa localisation à une
Chez le sujet plus âgé, une arthrose fémoro-patellaire zone périarticulaire plutôt dans la région tibiale reconnue
souvent bilatérale est rencontrée. Les radiographies à la palpation et un contexte à risque d’insuffisance
montrent des signes d’arthrose avec un pincement externe, osseuse orientent le diagnostic. La radiographie initiale
une ostéophytose, voire une condensation de la facette est souvent normale. La scintigraphie fixe de façon plus
rotulienne. localisée. L’IRM montre la zone fracturaire et l’œdème
localisé associé.
2. Atteinte méniscale
Elle est à évoquer chez le jeune sportif. La rupture 7. La maladie de Paget osseuse
méniscale se traduit par des douleurs souvent latérales, La peau est chaude en regard de la zone douloureuse et
associées à des épisodes de blocage à répétition, parfois augmentée de volume, voire déformée dans la
d’hydarthrose. Il est indispensable de vérifier le caractère zone tibiale supérieure. La radiographie permet un
mécanique du liquide. Le diagnostic de lésion méniscale diagnostic en montrant l’aspect remanié et fibrillaire,
repose sur les données de l’IRM ou de l’arthrographie. grossier de la trame osseuse associée à une dédifféren-
Il est souvent nécessaire d’effectuer une arthroscopie à ciation cortico-médullaire. L’articulation voisine peut
visée diagnostique et thérapeutique. évoluer vers une arthropathie dégénérative secondaire.

1456 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Pathologie de l’appareil locomoteur

Douleur d’allure périarticulaire chronique : arthrose, arthrite subaiguë ou chronique,


lésion méniscale. La douleur est postérieure. La palpation
1. Tendinite de la patte d’oie détecte une masse rénitente qui peut disparaitre en flexion
de genou. La radiographie du genou est indispensable
La douleur est localisée à la partie supérieure du tibia, à pour identifier l’arthropathie associée. La ponction du
sa face interne, où s’insèrent les tendons des 3 muscles kyste ramène une gelée épaisse. En cas d’épanchement
concernés : couturier, demi-tendineux et droit interne. du genou, le liquide synovial doit aussi être prélevé pour
La douleur survient à la marche ou dans les escaliers. orienter le diagnostic étiologique. ■
Elle est provoquée à la palpation et à la flexion contra-
riée de la jambe. L’infiltration locale d’un cortisonique
et d’un dérivé anesthésique assure la guérison et le
diagnostic. POUR APPROFONDIR
2. Tendinite de l’appareil extenseur
1 / Rappel anatomique
Chez le sportif, le tendon quadricipital et le tendon rotu-
lien sont concernés. La douleur peut aussi correspondre L’articulation trochléenne a un degré de mobilité (flexion-extension).
à un effet toxique des quinolones, prescription qu’il En revanche, en flexion, le genou a un mouvement de rotation qui lui
convient de rechercher par l’interrogatoire devant toute permet de s’adapter aux inégalités du terrain. C’est aussi une position
tendinite non traumatique. de plus grande instabilité qui disparaît en extension, position de
La douleur est spontanée ou survient à la marche, dans verrouillage articulaire.
les escaliers. La douleur est provoquée à la palpation
et lors de manœuvres d’extension contrariée. La stabilité du genou est assurée :
– latéralement en extension par les ligaments latéraux externe et
3. Hygroma prérotulien interne ;
C’est un épanchement de la bourse séreuse prérotulienne. – transversalement en dedans par le ligament latéral interne et les
Une profession exposée par le travail agenouillé est tendons de la patte d’oie (couturier, demi-tendineux, demi-mem-
fréquemment trouvée : carreleur, électricien, poseur de braneux) ;
moquettes, etc. – transversalement en dehors par le ligament latéral externe et le
tenseur du fascia lata auxquelles s’ajoutent les expansions du
La tuméfaction a un caractère inflammatoire mais de
tendon quadricipital ;
siège péri-articulaire car l’articulation est libre et indolore – dans le sens antéro-postérieur, les systèmes comportent d’avant en
sauf en flexion forcée. La ponction est indispensable car arrière, le quadriceps, le ligament croisé antérieur, le complexe
une infection doit toujours être redoutée. Ailleurs, il capsulo-ligamentaire postérieur (coques condyliennes, ligaments
peut s’agir d’un accès à microcristaux. La radiographie poplités ou ligament croisé postérieur, ligaments latéraux) et les
est inutile. muscles fléchisseurs (patte d’oie, biceps et jumeaux) ;
– en extension, la stabilité rotatoire dépend des ligaments croisés et
4. Kyste méniscal latéraux.
Il s’agit d’un kyste pseudo-synovial situé sur le versant
périphérique d’un ménisque. Son association à un clivage La mobilité normale du genou est définie par :
horizontal du ménisque est constante. Le kyste méniscal – une extension normale de 0 à 10˚ ; on parle de genu recurvatum
externe est habituellement antérieur sur l’interligne. La au-delà de 10˚ et de genu flessum en deçà de 0˚ ;
douleur est lancinante parfois plus marquée en début de – une flexion de 160˚ (mesure de la distance talon-fesse en cm).
nuit. La tuméfaction est visible et palpable, souvent dure
avec une peau non adhérente en regard. Le kyste méniscal L’axe du membre inférieur comporte 2 axes essentiels à la
interne n’est pas décelable cliniquement. Il est facilement compréhension de la physiologie du genou :
confirmé à l’échographie. L’IRM permet d’affirmer la – l’axe de la diaphyse fémorale forme un angle ouvert de 170 ˚ environ
communication entre kyste et ménisque lésé. Les qui explique le valgus physiologique ;
diagnostics différentiels sont l’ostéophyte marginal, – l’axe mécanique du membre inférieur passe par les centres
articulaires de la hanche, du genou et de la cheville et forme
une lésion méniscale propre, une tumeur cutanée ou
un angle de 3˚ en dedans de la verticale.
sous-cutanée.
5. Kyste poplité Deux anomalies de l’axe du genou sont à connaître :
– genu valgum défini par un angle supérieur à celui du valgus
Appelé aussi kyste de Baker, c’est un kyste synovial qui
physiologique où le centre du genou est déporté en dedans par
provient de la distension de la bourse commune du rapport à l’axe mécanique ;
jumeau interne et du demi-membraneux. Elle traduit – genu varum lorsque l’angle de valgus s’ouvre au-delà de 170˚ où
une communication avec la cavité articulaire, commune le centre du genou est déporté en dehors par rapport à l’axe
chez 50 % des sujets normaux et d’un remplissage mécanique.
excessif par du liquide synovial. Cela traduit donc des
épanchements à répétitions ou un phénomène de clapet. Fait important, le genou est une articulation superficielle qui
Un kyste poplité impose la recherche d’une arthropathie supporte le poids du corps.

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 1457


GENOU DOULOUREUX

POUR APPROFONDIR

2 / Syndromes rotulien et méniscal D / A la marche


Non . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0
seulement après une certaine distance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
Syndrome rotulien
très rapidement et de façon croissante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
Diagnostic clinique reposant sur 2 éléments cliniques simples :
– la localisation de la douleur à la face antérieure du ou des genoux ; E / En vous relevant d’un siège sans l’aide des bras
– les circonstances de survenue de la douleur – montée et surtout
non . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0
descente des escaliers, tout mouvement mettant le genou en
oui . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
flexion (accroupissement ou maintien prolongé en flexion appelé
« signe du cinéma »). Périmètre de marche maximal (y compris
en consentant à souffrir)
Examen clinique :
aucune limitation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0
– douleur et sensation d’accrochage lors de la manœuvre du rabot
limite supérieure à 1 km . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
(mobilisation transversale passive de la rotule, muscles relâchés) ;
environ 1 km ( 15 min environ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
– douleur à l’ascension contrariée de la rotule lors de la contraction
500-900 m (8-15 min) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
quadricipitale ;
300-500 m . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
– signe de Smilie où la subluxation de la rotule, suivie de la flexion du
100-300 m . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
genou, déclenche douleur et ressaut.
moins de 100 m . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
avec une canne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . +1
Diagnostic différentiel :
avec deux cannes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . +2
– douleur antérieure très localisée en cas de tendinite ;
– gêne en flexion en cas de kyste de la tente des ligaments croisés. Difficultés de la vie quotidienne
pour monter un étage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0 à 2
Syndrome méniscal pour descendre un étage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0 à 2
Diagnostic clinique reposant sur : pour vous accroupir complètement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0 à 2
– les épisodes de blocage vrai avec résistance à l’extension d’un pour marcher en terrain irrégulier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0 à 2
genou bloqué en flexion ; 0 pas de difficulté
– les épisodes d’épanchement mécanique récidivant ; 0,5, 1 et 1,5 selon la difficulté
– la gêne à l’accroupissement ; 2 impossible à effectuer
– la perte du recurvatum passif physiologique, le cri méniscal, la dou-
leur reproduite au griding test. Le score correspond à l’addition des valeurs obtenues pour chacune
des questions.

3 / Indice algo-fonctionnel de Lequesne


Points Forts à retenir
Douleur ou gêne
• Devant un genou douloureux, l’existence
A / Nocturne d’un épanchement intra-articulaire impose
non . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0 la réalisation d’une ponction articulaire
aux mouvements ou à la posture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 pour analyse du liquide.
même immobile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 • La constatation d’un liquide inflammatoire
B / Dérouillage matinal
évoque de principe une arthrite septique
qui est affirmée ou écartée par l’examen direct
moins de 1 min 0
et la culture du liquide synovial.
de 1 à 15 min 1
plus de 15 min 2
• Devant des douleurs d’horaire mécanique,
on se dirige en fonction des signes d’orientation
C / À la station debout ou au piétinement pendant 1 demi-heure vers une atteinte fémoro-patellaire, fémoro-
non . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0 tibiale, méniscale, osseuse ou péri-articulaire.
oui . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

Erratum

Une erreur s’est glissée dans l’article « Salpingites aiguës : étiologie, diagnostic, évolution, traitement » du Pr Philippe JUDLIN
(Rev Prat 50 : 199-202). En effet, dans le chapitre « Traitement du ou des partenaires » (p. 202), c’est le
Zithromax Monodose (azithromycine) qui a pour indication les urétrites et cervicites non gonococciques
à Chlamidia trachomatis à la posologie de 1 g en prise unique (et non le Zithromax 2 g en prise unique).

1458 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50

You might also like