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B 141
Lithiase urinaire
Étiologie, physiopathologie, diagnostic, évolution, traitement
DR Jean-Gabriel LOPEZ, DR Alain RUFFION, PR Paul PERRIN
Service d’urologie, hôpital de l’Antiquaille, 69321 Lyon Cedex 05.
Lithiase urique
Diagnostic
Il s’agit d’une lithiase organique radio-transparente
(forme pure), d’aspect lisse, de coloration brune. Elle est Circonstances de découverte
fréquente dans les pays occidentaux (10 %), touchant
plus souvent l’homme que la femme et découverte après La douleur est souvent inaugurale avec typiquement
50 ans. Sa formation est favorisée par l’hyperuricosurie réalisation d’une crise de colique néphrétique (v. question
et le pH urinaire acide. La déshydratation favorise la crise de colique néphrétique) qui est le mode de révélation
concentration des urines en acide urique et la baisse du habituel des calculs de l’uretère (95%), plus rarement de
pH urinaire. L’excrétion urinaire d’acide urique peut ceux du rein. Une lithiase calicielle n’est en général pas
être augmentée en cas de défaut de réabsorption tubulaire responsable d’une crise de colique néphrétique, ce qui n’est
et d’apport protidique important. pas le cas d’une lithiase pyélique. Par contre, la lithiase
Les formes étiologiques sont les suivantes. coralliforme n’entraîne, elle, que très rarement des douleurs.
• Formes idiopathiques familiales de transmission La douleur varie en fonction de la topographie du calcul
autosomique dominante ou sporadique : l’uricémie et et de son retentissement sur la voie excrétrice (degré
l’uricosurie sont normales, le pH urinaire est acide et d’obstruction). Elle peut être plus atypique, de localisation
l’excrétion d’ammoniac diminuée. lombaire, iliaque, pelvienne, plus sourde que paroxys-
• Formes associées à une hyperuricémie : ce sont une tique. Il peut exister une hématurie micro- ou macro-
goutte primitive, ou secondaire à un déficit enzymatique scopique révélatrice. Parfois, une infection urinaire
(syndrome de Lesch-Nyhan, glycogénose), des syn- récidivante ou à germe uréasique type Proteus doit faire
dromes myéloprolifératifs, des cancers, une chimio- rechercher dans le bilan une lithiase. Plus rarement, la
thérapie intensive. lithiase peut se manifester à l’occasion d’une complica-
• Formes associées à une déshydratation : diarrhées tion : septicémie à point de départ urinaire, pyonéphrose,
chroniques (Crohn, rectocolite…). Elles sont dues à une insuffisance rénale chronique, anurie… Sa découverte
perte importante en bicarbonates, responsable d’une peut être fortuite à l’occasion d’un examen radiologique.
diminution du pH urinaire, associée à une déperdition
hydrique responsable d’un volume urinaire bas augmen- Diagnostic positif
tant la saturation urinaire en acide urique.
1. Arguments cliniques
Lithiase cystinique On recherche des antécédents familiaux ou personnels
de lithiase, un contexte lithogène (prise de boisson
Maladie à caractère héréditaire, autosomique récessive, insuffisante, immobilisation prolongée, maladie favori-
elle représente jusqu’à 6 à 10 % des calculs urinaires sante…). L’examen clinique cherche à éliminer, notam-
pédiatriques. Il existe une histoire familiale lithiasique. ment en cas de crise de colique néphrétique, une patho-
Les calculs sont radio-transparents dans leur forme pure, logie aiguë digestive.
ce qui est rare, multiples, bilatéraux, récidivants, durs. Il
s’agit d’une anomalie du transport de la cystine, de la 2. Arguments radiologiques
lysine, de l’ornithine et de l’arginine par les cellules de • L’abdomen sans préparation ne peut révéler qu’une
l’épithélium intestinal et les cellules tubulaires rénales. lithiase radio-opaque. On recherche une opacité se
L’excrétion urinaire de ces acides aminés est anormalement projetant sur l’aire rénale ou le trajet urétéral puis on
élevée mais seule la cystine peut entraîner une lithiase. évalue la taille et la forme du calcul.
Diagnostic différentiel
Au stade initial de la prise en charge clinique, on peut
discuter plusieurs possibilités :
– une étiologie digestive devant un tableau douloureux
lombo-abdominal : appendicite, colique hépatique, cholé-
cystite aiguë, pancréatite, perforation d’organe creux…;
– une tumeur urothéliale devant une hématurie macro-
scopique, avec nécessité de réaliser le bilan du bas
appareil urinaire par une cystoscopie;
– une cystite infectieuse, un prostatisme irritatif, un
carcinome in situ (CIS) devant un tableau d’irritation
vésicale provoquée par une lithiase enclavée dans la
partie terminale de l’uretère (portion juxta-vésicale ou
intramurale);
– une pyélonéphrite aiguë devant une douleur lombaire
dans un contexte infectieux. 2 Urographie intraveineuse : lithiase radio-opaque encla-
Lors de la réalisation du bilan radiologique, celui-ci doit vée dans la jonction pyélo-urétérale gauche ; retard sécrétoi-
être poursuivi jusqu’à pouvoir affirmer ou infirmer la re du rein gauche ; opacité pelvienne gauche (lithiase urété-
pathologie lithiasique. rale ou phlébolithe ?).
1. Bilan morphologique
Il recherche un obstacle ou une malformation sur la voie
excrétrice supérieure, d’origine congénitale (tels que
diverticule caliciel, maladie de Cacchi et Ricci, polykystose
rénale, rein en fer à cheval, syndrome de la jonction
pyélo-urétérale, reflux vésico-urétéral, méga-uretère) ou
bien d’origine acquise (telles que les sténoses urétérales
intrinsèque, pariétale ou extrinsèque).
Certaines anomalies sont diagnostiquées dès la prise en
charge lors du bilan radiologique initial. Parfois, il faut
savoir refaire ou compléter ce bilan à distance.
Une polykystose rénale est facilement évoquée sur
l’échographie, de même qu’un rein en fer à cheval.
Une maladie de Cacchi et Ricci dans son aspect typique,
avec de multiples calcifications millimétriques, bilatérales,
se projetant sur les fonds caliciels, est reconnaissable
dès l’abdomen sans préparation, mais peut nécessiter
une urographie intraveineuse.
Un syndrome de la jonction pyélo-urétérale dès lors
qu’il n’y a pas de calcul enclavé dans la jonction est
diagnostiqué par l’urographie intraveineuse.
Une compression urétérale extrinsèque est objectivée
3 Tomodensitométrie rénale : lithiase radio-transparente par la réalisation d’un scanner sans et avec injection de
produit de contraste.
pyélique du rein droit (acide urique) ; visible sur tomodensito-
métrie sans injection de produit de contraste. 2. Bilan métabolique
Il débute par l’analyse du calcul dès lors que l’on peut
recueillir des fragments lithiasiques, d’où la règle de
Des calcifications, parenchymateuses rénales ou pariétales demander aux patients de tamiser leurs urines.
(séquelles de tuberculose urinaire, calcifications tumo- Cette analyse s’effectue par spectrophotométrie infrarouge
rales), ou situées en dehors de l’appareil urinaire (vésicule et permet d’identifier tous les composants lithiasiques.
biliaire lithiasique, calcifications chondrocostales, gan- En fonction de cette composition, le bilan métabolique
glions calcifiés, phlébolithes) peuvent rendre délicate peut être orienté vers des causes précises.
l’interprétation d’un abdomen sans préparation. Ce bilan peut être limité ou extensif en fonction de l’im-
Une dilatation des cavités pyélocalicielles (hydronéphrose) portance de l’activité métabolique lithiasique et de son
en échographie peut être due à un syndrome de la jonction retentissement. Il n’est pas obligatoire chez les patients
pyélo-urétérale, une urétéro-hydronéphrose correspondre présentant un 1er épisode lithiasique, sans élément
à un obstacle urétéral, pariétal ou extrinsèque. péjoratif (v. supra).
Une urétérite importante à l’urographie intraveineuse Le bilan comporte au minimum:
peut faire évoquer une pathologie urétérale propre voire – l’interrogatoire à la recherche de conditions favorisantes;
une lésion extrinsèque. – l’enquête alimentaire;
L’urographie intraveineuse et la tomodensitométrie, – les traitements en cours;
quand elles sont réalisées dans de bonnes conditions, – les analyses sanguines (calcium, phosphore, acide
permettent en général de conclure le bilan des cas les urique);
plus difficiles. – les analyses urinaires (pH, examen cytobactériologique
des urines, sédiment urinaire, recherche de cystine).
Une évaluation complète nécessite:
Diagnostic étiologique – les dosages répétés sanguins (calcium, phosphore,
protéines, acide urique, sodium, créatinine);
Toute lithiase urinaire devrait faire rechercher une – les dosages sanguins radio-immunologiques de la
cause, mais de par sa fréquence et des facteurs diété- parathormone;
tiques favorisants (alimentation riche en protides, en – les dosages répétés sur urines de 24 h (volume des
purines, en calcium, défaut d’apport hydrique), le bilan urines, calcium, phosphore, créatinine, urée, sodium,
étiologique n’est pas systématique en 1re intention. Il magnésium, acide oxalique, acide urique, citrates, pH);
devient impératif dès lors que la maladie lithiasique est – l’épreuve de Pak : elle est indiquée dans la recherche
récidivante, bilatérale, sur rein unique, qu’il existe un étiologique des hypercalciuries. Le patient ayant suivi
contexte familial, une hyperthermie associée ou qu’elle pendant une semaine un régime pauvre en calcium
survient dans l’enfance. (apport inférieur à 400 mg/j), une mesure du calcium
4 Migration lithiasique spontanée (%) selon la taille et la Traitement de la lithiase proprement dite
localisation du calcul urétéral. Il a souvent lieu dans un 2e temps, une fois la phase
aiguë passée. Il peut être médical ou chirurgical et doit
prendre en compte : la taille, la localisation et la com-
Persistance position du calcul, le plateau technique disponible et
l’expérience de l’opérateur, l’état du patient et son
En cas de lithiase persistante, asymptomatique, non choix, la valeur fonctionnelle du rein.
compliquée, il peut être décidé de ne pas traiter :
lithiases calicielles de taille inférieure à 5 mm, patients 1. Lithiase calcique
fragiles, lithiases bien tolérées. Une surveillance est Il n’existe pas de traitement médical pour dissoudre ces
alors nécessaire. lithiases. Il faut donc utiliser les techniques chirurgicales.
La lithiase peut persister et entraîner des complications • Lithotritie extracorporelle par ondes de choc : une
telles que : onde de choc, créée par un générateur au sein d’un
– le retard fonctionnel rénal, voire l’insuffisance rénale milieu liquide va être focalisée sur la cible lithiasique et
si la lithiase est sur rein unique ou si elle est bilatérale; l’énergie délivrée sur ce point. La répétition des ondes
– la crise de coliques néphrétiques hyperalgiques évo- de choc permet la fragmentation du calcul. Il s’agit
luant vers un état de mal néphrétique; d’une technique réalisable en ambulatoire, sous analgésie,
– la rupture de la voie excrétrice en cas d’hyperpression dont les contre-indications formelles sont la grossesse
rénale importante. Il se produit un extravasat urinaire et les troubles de la coagulation. Un traitement chirurgical
au niveau des fornix avec, dans un 1er temps, accalmie nécessite des urines stériles ou stérilisées.
douloureuse, puis dans un 2e temps constitution d’un Les moyens de repérage du calcul peuvent être scopiques,
urinome surinfecté; échographiques ou mixtes. Les indications sont limitées
– les complications infectieuses avec rétention purulente aux lithiases de taille inférieure à 25 mm situées dans le
en amont du calcul, responsables d’un état septique rein et dans l’uretère lombaire. Pour les lithiases de l’uretère
parfois grave et nécessitant un geste de levée d’obstacle pelvien, une urétéroscopie peut se discuter. Seul l’uretère
en urgence. iliaque est difficile d’accès par cette technique.
Pour les lithiases entre 15 et 25 mm, le risque est choc électro-hydraulique : Rivolith ; ultrasons : Sono-
important, d’une part de provoquer une crise de coliques trode, laser), soit extraits dans une sonde panier ou lasso
néphrétiques par migration d’un fragment volumineux (Dormia). La mise en place d’une sonde double J en fin
ou de plusieurs petits fragments (empierrement de d’intervention dépend de la persistance de fragments et
l’uretère, mise en place préventive ou secondaire d’une des difficultés opératoires. Le risque de l’urétéroscopie
sonde double J), d’autre part de laisser persister des est de blesser l’uretère en peropératoire ou de provoquer,
fragments résiduels pouvant nécessiter plusieurs à distance, une sténose secondaire.
séances (fig. 5). Les lithiases du calice inférieur posent • Néphrolithotomie percutanée : la chirurgie percutanée
par ailleurs le problème de l’élimination des débris. utilise une voie d’abord lombaire. Après ponction d’un
L’alternative est de discuter la néphrolithotomie percu- calice du rein, le trajet est dilaté jusqu’à pouvoir
tanée chaque fois que celle-ci est possible. Le succès introduire une gaine de travail d’environ 27 Charriere. Un
global de la lithotritie extracorporelle par ondes de choc néphroscope est introduit dans les cavités du rein à travers
est de 70% (< 60% si la lithiase est d’un calice inférieur). cette gaine et la lithiase est détruite (v. supra). Les frag-
Les complications de la lithotritie extracorporelle par ments les plus volumineux peuvent être extraits à la pince.
ondes de choc sont un hématome périrénal (1 %), un Il s’agit de la méthode de choix pour le traitement des
syndrome septique (< 1%) et une obstruction douloureuse coralliformes. Elle est indiquée dès que la lithiase est
(10 %). Les effets secondaires sont, eux, mal connus volumineuse d’au moins 25 à 30 mm, et qu’elle paraît
(rôle de la contusion parenchymateuse, hypertension dure (oxalate de calcium monohydraté). Elle peut être
artérielle secondaire ?). utilisée pour les calculs du rein, voire les calculs encla-
• Urétéroscopie : il s’agit d’une chirurgie endoscopique vés dans le haut uretère lombaire. Les complications de
par voie naturelle permettant l’abord rétrograde de la néphrolithotomie percutanée sont représentées par le
l’uretère. L’urétéroscopie permet le traitement des risque hémorragique (1 à 2 %) et le risque de blessure
lithiases pelviennes (alternative : lithotritie extracorpo- colique (inférieur à 1%). Les résultats de la néphrolitho-
relle par ondes de choc) et iliaques. Une fois l’urétéro- tomie percutanée donnent 90 % de succès qu’elle soit
scope remonté jusqu’au contact du calcul, celui-ci est soit utilisée seule ou associée à d’autres techniques.
fragmenté sur place (technique balistique : Lithoclast ; • Chirurgie classique : ses indications sont devenues
rares (5 %). Elle peut être proposée pour les lithiases
volumineuses (v. sels phospho-ammoniaco-magnésiens)
avec réalisation d’une pyélotomie et ablation du calcul.
En cas de pyonéphrose ou de rein détruit, l’indication
est une néphrectomie. Il existe également quelques rares
indications d’urétérotomie, praticable par voie classique
ou par voie cœlioscopique pour les calculs de l’uretère
inextirpables par voie endoscopique et résistants aux
ondes de choc.
2. Lithiase phospho-ammoniaco-magnésienne
La particularité de cette lithiase est son développement
en milieu infecté, nécessitant l’instauration d’une anti-
biothérapie. On utilise volontiers une association
quinolones + aminosides, débutée par voie parentérale.
Ces calculs, volontiers volumineux, n’ont aucune chance
d’élimination spontanée mais peuvent être très bien
tolérés. Leur traitement est chirurgical. La technique de
choix est la néphrolithotomie percutanée par un ou
plusieurs abords, plus ou moins associée à des séances
de lithotritie extracorporelle par ondes de choc sur les
fragments résiduels.
Peuvent se discuter la chirurgie classique par pyélotomie
plus que par néphrotomie bivalve, et la lithotritie extra-
corporelle par ondes de choc. Pour cette dernière technique,
bien que le calcul soit friable, la masse calculeuse étant
importante, il est souvent nécessaire de réaliser de multiples
séances avant d’obtenir un nettoyage complet du rein.
Une sonde JJ est mise en place afin de prévenir toute crise
5 Abdomen sans préparation : après sonde JJ plus lithotritie de coliques néphrétiques lors de la migration des débris.
extracorporelle ; mauvaise fragmentation lithiasique ; frag- Le but est d’obtenir, plus que pour toute autre lithiase,
ments étagés du haut uretère lombaire gauche ; opacité un rein propre, la guérison de l’infection passant par
pelvienne gauche : phlébolithe. l’absence de calculs résiduels.