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Document 1 p. 268
Progressivement tous les Etats développés, dans la société moderne, se sont accordés sur la
nécessité d’une intervention au niveau de la protection sociale, mais à des époques différentes. Le
développement de la protection sociale et des solidarités collectives est caractéristique du 20ème siècle,
surtout dans sa deuxième moitié. L’Etat en étant l’artisan, on parle d’ « Etat providence », pour signifier
que l’Etat, donc la solidarité nationale, prend en charge la protection sociale des individus.
Rappel : au sens strict, L’Etat Providence désigne l’intervention de l’Etat dans le domaine
de la protection sociale (c’est cette seule dimension que nous étudierons dans ce chapitre). Mais on
emploie dans un sens plus large également cette expression pour désigner l’intervention de l’Etat dans les
domaines économique et social, par opposition à l’Etat Gendarme.
Aujourd’hui, l’Etat providence est partout en crise, pour des raisons qui ne sont pas que
financières. A travers l’étude plus particulier de deux exemples de risques sociaux, la pauvreté et la
vieillesse, il s’agira de montrer concrètement comment la solidarité collective a pris en charge ces risques
sociaux, et pourquoi ces dispositifs sont aujourd’hui en crise.
Il faut comprendre d’abord pourquoi l’Etat providence s’est créé, en réponse à quels besoins. Nous
pourrons voir ensuite quelles sont les grandes logiques qui président au développement des Etats
providence et quelle typologie on peut faire, dans la mesure où les formes qu’ont prises les solidarités
collectives sont variées.
Risques sociaux : évènements incontrôlables provoquant soit des dépenses importantes pour
l’individu (la maladie ou l’accident), soit une diminution sensible de ses revenus habituels
(chômage, maternité, vieillesse).
Ces risques sont sociaux dans le sens où chaque individu est susceptible d’être exposé au risque. De là
découle l’idée de se protéger collectivement face à ces risques.
Protection sociale : ensemble des dispositifs mis en place pour aider les individus devant les
risques sociaux majeurs de l’existence. Elle est donc un système qui offre aux individus une
protection collective, déshumanisée (car administrative) contre les risques sociaux.
Cette protection sociale a aussi comme avantage d’être (ou du moins c’est son objectif)
universelle, c’est-à-dire de concerner l’ensemble d’une population.
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Assurance : système de protection sociale dans lequel la solidarité est organisée pour ceux qui
contribuent à son financement.
Le modèle est fondé sur les solidarités professionnelles et se trouve donc rattaché au statut
professionnel. Chaque actif cotise proportionnellement à son revenu, il devient un « ayant droit » et reçoit
le cas échéant des prestations proportionnelles à ses cotisations sociales. (Pour les personnes qui ne
travaillent pas, il faut envisager un système d’aide sociale particulier).
Ici, il n’y a donc pas a priori de volonté de réduire les inégalités, la redistribution s’effectuant entre
actifs bien portants et malades, entre actifs et retraités, entre actifs sans enfant et actifs ayant des
enfants (redistribution horizontale).
Le versement des prestations est donc « sous condition de cotisation », c’est-à-dire qu’il faut avoir
cotisé pour en bénéficier.
Le système est géré par des caisses administrées par les partenaires sociaux.
On parle parfois de « système bismarckien », du nom du Chancelier Bismarck, qui mit en place ce
type de système d’assurances sociales en Allemagne à la fin du 19ème siècle.
Assistance : système de protection sociale dans lequel la solidarité est organisée pour tous
même s’ils ne contribuent pas à son financement.
Dans ce type de système, tous les individus sont couverts quelle que soit leur situation
professionnelle (c’est le principe d’universalité).
La protection sociale est un système redistributif visant à assurer une plus grande égalité entre
tous en couvrant les besoins considérés comme « de base » (redistribution verticale).
Les prestations dépendent des besoins et non du montant des cotisations, elles sont même parfois
« sous condition de ressources », c’est-à-dire que la prestation décroît avec le niveau de revenu, ce qui
accroît l’effet redistributif du système (les plus riches cotisent plus et perçoivent moins).
Le système est géré par le service public et financé par l’impôt : la participation au système doit
être obligatoire pour qu’il y ait redistribution des revenus, sinon les plus riches, qui sont en quelque sorte
les « perdants » dans cette logique, refuseraient d’y participer.
On parle parfois de système beveridgien, du nom de Lord Beveridge qui publia pendant la seconde
guerre mondiale à Londres un rapport célèbre sur le « Welfare State » (Etat providence), et qui inspira
notamment le système de protection sociale britannique d’après guerre.
L’architecture du système français est extrêmement complexe et montre qu’il s’inspire de logique
d’assurance mais aussi d’assistance enchevêtrées.
Mais de manière plus récente et afin de couvrir la population qui n’est pas assurée, le système a
été complété par une logique d’assistance. Par exemple, l’allocation spécifique de solidarité (ASS) ou
encore le RMI sont des revenus versés aux chômeurs en fin de droits, le Minimum vieillesse est versé aux
personnes âgées qui n’ont pas de pension de retraite, la C.M.U. (Couverture Maladie Universelle) permet à
des personnes non assurées sociales de bénéficier d’une couverture sociale en cas de maladie. La
protection sociale est donc maintenant en principe « universelle », ce qui la rapproche de la logique
d’assistance.
De même, le système assure aussi une fonction redistributrice : les prestations ne dépendent
souvent pas des cotisations. Ainsi, un père de famille assure le droit aux prestations à son épouse si elle
est inactive et à tous ses enfants mineurs. Un célibataire ayant le même salaire que ce père de famille
paiera la même cotisation mais disposera de beaucoup moins de prestations (pas d’allocations familiales,
beaucoup moins de remboursements de frais de maladie, etc). La redistribution se fait surtout des
célibataires vers les familles et des actifs vers les personnes retraitées. Enfin, depuis le début des années
1970, se sont développées des prestations sous condition de ressources, comme par exemple les
« bourses de rentrée scolaire». On est ici encore dans une logique d’assistance.
Dès lors l’Etat a eu de plus en plus tendance à organiser le système de protection sociale avec (ou
parfois contre) l’avis des partenaires sociaux.
EXEMPLE : La vieillesse
La vieillesse est un « risque » en ce sens que l’arrêt de l’activité professionnelle génère une perte de
revenus, totale en l’absence d’un système de retraite et si l’intéressé n’a pas de patrimoine personnel lui
procurant des revenus. Avant l’amélioration de la législation du travail, le travailleur qui, du fait de l’âge,
n’avait plus les capacités nécessaires pour continuer à exercer son activité, se trouvait dans le dénuement
le plus complet et à la charge complète de sa famille.
Le mécanisme de retraite est assez complexe parce qu’il mélange plusieurs logiques : l’assurance,
l’assistance, mais aussi une fonction de redistribution plus traditionnelle.
Très vite, les travailleurs ont pensé à constituer des « caisses de retraite », auxquelles ils
verseraient des cotisations du temps de leur activité, pour en obtenir des indemnités quand ils ne
pourraient plus travailler. On est donc là très clairement dans une logique d’assurance, et c’est bien
ainsi que le système français des retraites a été construit : on ne perçoit pas de retraite si on n’a pas
cotisé, et on ne perçoit de retraite que si le « risque » se réalise, c’est-à-dire si l’on dépasse un âge trop
avancé pour continuer à travailler.
Dans un premier temps, quand les « assurances vieillesse » ont été créées, un grand nombre de
travailleurs n’avaient pas assez cotisé pour disposer d’une retraite entière. Au début, dans les années 40
et même 50, les personnes âgées, y compris celles qui avaient travaillé toute leur vie (mais sans cotiser
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Chaque pays a construit son propre système de protection sociale, en fonction de ses valeurs, de
son histoire, de ses ressources, etc. On peut cependant observer qu’il y a de grands types d’Etats
providence et essayer de les regrouper en fonction de leur étendue, c’est-à-dire du degré de solidarité
qu’ils impliquent entre les personnes. C’est ce qu’a fait le Danois G. Esping-Andersen en proposant de
distinguer trois types principaux d’Etats providence :
2. Le modèle corporatiste
Le système repose pour l’essentiel sur les cotisations des actifs. C’est donc l’activité (le travail) qui
ouvre les droits. Ces droits sont souvent proportionnels aux cotisations, selon la logique assurantielle. Les
assurés sociaux peuvent compléter leur protection personnelle en souscrivant des assurances privées ou
en adhérant à des mutuelles. Le système français est un système corporatiste, comme celui de
l’Allemagne.
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La protection sociale doit être assurée par les cotisations personnelles, volontaires des individus. Il
n’y a donc pas de système de protection sociale à proprement parler, mais des assurances privées
auxquelles chacun cotise en fonction de ses moyens et de ses choix personnels. On a ici un Etat
providence très réduit qui se contente d’instaurer un minimum de protection sociale pour les plus démunis
ne pouvant absolument pas payer une assurance personnelle. L’aide publique sera donc réservée aux plus
pauvres et n’assurera que les prestations essentielles. L’exemple le plus connu de ce type de système est
celui des Etats-Unis.
Qu’entend-on par crise de l’Etat providence ? D’abord que le fonctionnement de la protection sociale pose
aujourd’hui problème.
Pendant les années de forte croissance, l’enrichissement de la société permettait de financer des prestations
sociales toujours plus grandes et l’on pouvait espérer que cela permettrait de réduire les inégalités et de permettre à
tous l’accès à la protection contre les risques sociaux. Le ralentissement de la croissance rend les ressources plus
rares et l’on découvre les difficultés qu’a l’Etat providence à atteindre les objectifs qu’on lui avait alors assignés.
Mais la crise de l’Etat providence signifie aussi que, face à ces difficultés de fonctionnement, celui-ci doit se
transformer, et que la nature de cette transformation fait débat dans nos sociétés contemporaines. L’Etat providence
s’est construit sur un certain consensus : c’était aux pouvoirs publics de prendre en charge des fonctions de solidarité
et de distribution. Toutefois, on se demande aujourd’hui jusqu’où doit aller le rôle de l’Etat, et où commence la
responsabilité individuelle. Certains pensent qu’une protection collective trop étendue entraîne des effets pervers.
A. La crise financière : les dépenses de protection sociale augmentent, ce qui rend le coût de la
solidarité difficilement supportable pour ceux qui la financent.
Il y a crise financière de l’Etat providence parce que le financement de la protection sociale est de plus en plus
difficile, sous l’effet conjugué de la hausse des dépenses et du ralentissement des recettes lié au ralentissement de la
croissance (c’est ce qu’on appelle un « effet de ciseaux »).
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C’est d’abord la conséquence du ralentissement économique. Contrairement aux dépenses, les recettes
ne peuvent guère augmenter plus vite que la richesse nationale.
De plus, les prélèvements obligatoires servant à financer les prestations sociales sont encore essentiellement
calculés en fonction des salaires (les « charges sociales »). Or, l’exigence de compétitivité, notamment du fait de la
mondialisation, impose de limiter le coût du travail.
a. Un élargissement de l’assiette
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La couverture d’une population plus importante (logique béveridgienne), dans un contexte de ralentissement
de la croissance des emplois a imposé de modifier le financement (fondé sur une logique bismarckienne).
Ont été institués en 1991 la CSG (Contribution Sociale Généralisée) et en 1996 la CRDS (Contribution au
remboursement de la dette sociale) qui pèsent non plus sur les seuls salaires mais sur l’ensemble des revenus des
ménages.
b. Le recours au marché
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Une alternative libérale consiste à confier au marché une partie de l’assurance sociale (privatisation de
l’assurance maladie) qui permettrait de rendre plus facile le financement de la part publique de la protection sociale,
voire de la concentrer uniquement sur les plus pauvres (modèle résiduel d’Etat-Providence).
Toutefois, certains considèrent que le « trou de la Sécu » relève d’un mythe libéral entretenu avec la montée
du néo-libéralisme à partir du milieu des années 70 qui fait de l’équilibre budgétaire un dogme alors qu’il est aussi
possible de considérer que la dépense de santé constitue une richesse pour la population (élévation du niveau de
développement).
TD 2 P 283 : Exercice 1 et 2
Quand les systèmes de retraite ont été institués, l’âge de la retraite était voisin de l’espérance de vie, si bien
que les retraites ne coûtaient pas grand chose à la société : certains vivaient assez longtemps pour en profiter, mais
cela était compensé par le fait que d’autres mourraient avant de percevoir leur retraite. Très logiquement, avec un
âge de la retraite inchangé, voire avancé, la hausse de l’espérance de vie implique que de plus en plus de personnes
vivent assez longtemps pour toucher leur pension, et qu’en moyenne, ils la perçoivent plus longtemps qu’avant. Les
dépenses des systèmes de retraites augmentent donc progressivement et deviennent particulièrement lourdes. Cette
évolution risque d’être renforcée par la diminution prévisible de la population active qui a pour effet de réduire les
recettes.
Trois façons d’assurer la viabilité des systèmes de retraite peuvent être envisagées : soit d’augmenter les
cotisations ce qui augmente les recettes, soit reculer l’âge de la retraite, ce qui a pour effet de diminuer les dépenses
et d’augmenter les recettes, soit de modifier le système en introduisant plus de capitalisation. Ces différentes
solutions n’ont cependant pas le même impact sur la solidarité.
On peut augmenter les prélèvements obligatoires pour couvrir la hausse des dépenses de l’assurance
vieillesse afin de maintenir la générosité du système de retraite en l’état. Cependant l’augmentation des prélèvements
obligatoires a l’inconvénient de peser sur le coût du travail et donc la création d’emploi.
En effet, les cotisations sociales sont assises sur les salaires. Plus les dépenses de retraite augmentent, plus le
coût de travail est lourd, ce qui dissuade la création d’emplois. Or, comme ce sont les actifs qui financent le système
de retraite, la hausse des dépenses peut entraîner une moindre augmentation des recettes, ce qui complique encore
la crise financière.
Obliger les actifs à travailler plus longtemps pour percevoir leur retraite est la solution retenue dans tous les
pays industrialisés (en France, lors des réformes Balladur de 1993 et Fillon de 2003). Cela permet effectivement
d’un même mouvement d’augmenter les recettes (les individus cotisent plus longtemps) et de réduire les
dépenses (ils bénéficient moins longtemps de leur retraite).
Mais dans le contexte actuel, où le chômage touche particulièrement les plus de 55 ans, on peut se demander
si les actifs pourront travailler plus longtemps. Faute d’emploi, ils ne peuvent cotiser assez longtemps et n’auront pas
droit à une retraite à taux plein.
Un système de retraite par répartition organise le financement des retraites par des prélèvements obligatoires
auprès des actifs redistribués aux retraités sous forme de pension. Les actifs ne cotisent pas pour eux-mêmes plus
tard, mais pour les retraités d’aujourd’hui, et leur retraite sera assurée par les actifs de demain. Le système de
retraite français est un système par répartition.
Dans le système par capitalisation, les actifs constituent une épargne, placée sur les marchés financiers en
attendant et dans laquelle ils puiseront le moment venu pour financer leur retraite. Les pensions sont alimentées par
une épargne antérieure, et pas par une redistribution entre actifs et retraités.
Ce dernier système a pour lui une certaine efficacité économique : l’épargne constituée en vue de la retraite
va servir à financer l’investissement et la croissance. Mais il présente l’inconvénient d’être moins solidaire que le
système par répartition : si chaque individu épargne pour sa propre retraite, il y aura bien évidemment moins de
possibilité de redistribution entre les plus riches et les plus pauvres. De plus, il n’assure pas de solidarité entre les
générations. Enfin, la retraite par capitalisation n’est guère accessible aux actifs les plus défavorisés, qui n’ont pas des
revenus suffisant pour épargner.
B. La crise d’efficacité : la protection sociale ne profite pas toujours à ceux qui en ont le plus
besoin.
Un deuxième élément de la crise de l’Etat providence est sa difficulté croissante à atteindre les objectifs qu’il
s’était donné.
1. Exemple de la pauvreté
La pauvreté ne relève pas d’une logique d’assurance (on ne s’assure contre le « risque » d’être pauvre), mais
très clairement de l’assistance.
On s’aperçoit tout d’abord que le « filet » de la protection sociale « a des trous », c’est-à-dire qu’une partie de
la population ne bénéficie pas du système de protection et reste exposée aux risques sociaux. Le système français,
La pauvreté « traditionnelle », celle que l’on connaissait en France dans les années 50 et 60,
concernait essentiellement les personnes âgées et les salariés les moins qualifiés.
La montée en puissance des régimes de retraite et la revalorisation du minimum vieillesse ont permis de
réduire considérablement la pauvreté chez les personnes âgées, tandis que la pauvreté chez les salariés a été
combattue grâce notamment à l’augmentation du salaire minimum (surtout après 1968).
D’une manière générale, la forte croissance et la hausse générale des revenus qui en découlait laissaient
espérer une amélioration continue de la situation des plus pauvres.
L’apparition de cette « nouvelle pauvreté » qui touche une population plus jeune et plus urbaine, a pour
origine la montée du chômage, le développement de l’emploi atypique (working poor) et l’éclatement des
familles (familles monoparentales).
Trois dispositifs dont l’objectif est de lutter contre les formes modernes de pauvreté et d’éviter l’exclusion ont
été créés : le Revenu Minimum d’Insertion (R.M.I.), la Couverture Maladie Universelle (C.M.U.) et la Prime Pour
l’Emploi (P.P.E.).
Le RMI/ RSA
Le Revenu Minimum d’Insertion (créé en 1989) vise, comme son nom l’indique, à la fois à fournir
un revenu minimum et à favoriser l’intégration sociale. Il s’agit d’un revenu versé aux adultes de plus de 25
ans de manière à maintenir leurs ressources au moins à un minimum « socialement acceptable ». Le RMI est versé à
la condition que soit signé avec un organisme ou une association un contrat d’insertion, adapté à chaque personne, et
contenant un certain nombre de dispositions censées amener le signataire à se réinsérer progressivement.
Le prochain remplacement du RMI par le Revenu de Solidarité Active (RSA) vise à maintenir l’aide financière
du RMI y compris lorsque l’individu retrouve une activité (même réduite) afin d’inciter au retour à l’emploi.
La CMU
La Couverture Maladie Universelle (créée en 1999) vise à assurer une prise en charge des
dépenses liées à la maladie pour tous les individus vivant depuis au moins trois mois en France, qu’ils aient été
ou pas affiliés à la Sécurité sociale.
La PPE
La Prime Pour l’Emploi (créée en 2001) tente de relever le revenu des « travailleurs pauvres » et
de réduire l’exclusion en favorisant le retour au travail. Il s’agit d’un complément de revenu versé par le fisc
aux travailleurs les moins bien payés. On soutient ainsi le revenu des travailleurs les plus pauvres, notamment ceux
qui sont à temps partiel. De plus, cette prime accentue l’écart entre les revenus du travail et les revenus issus de
l’aide sociale (comme le RMI), ce qui est vise à rendre le travail plus attractif et donc inciter les chômeurs à reprendre
un emploi.
Le système de retraite n’est pas très équitable parce qu’il assure un même âge de départ à la retraite à tous,
alors que l’espérance de vie est variable selon les CSP. Or, ce sont les CSP les moins favorisées (ouvriers et
employés) qui vivent le moins longtemps, elles profitent donc moins du système de retraite que les CSP les plus
riches, qui vivent longtemps et commencent à travailler plus tard du fait de leurs études (CPIS).
Le système redistribue donc « à l’envers » de ce qui était prévu, et profite plus aux riches qu’aux pauvres.
C. La crise de légitimité : la protection sociale peut avoir des effets pervers, et donc un surcroît de
protection sociale n’est pas forcément un progrès social.
Il y a un risque, que certains dénoncent, d’affaiblissement du lien social engendré par le système de
protection sociale : l’Etat ayant pris en charge la protection des individus, ceux-ci se sont dégagés des liens et des
solidarités traditionnelles - notamment les solidarités familiales et de voisinage. Cela peut expliquer en partie
l’exclusion : ceux qui, pour une raison ou pour une autre, ne sont plus protégés par le système, ne trouvent plus
aucun secours dans la société, et sont renvoyés à leur responsabilité individuelle sur un mode très culpabilisant.
3. Dans un contexte financier plus difficile, les dépenses de protection sociale sont-elles
économiquement rationnelles ?
C’est une des questions cruciales qui est invoquée pour remettre en cause l’Etat providence. Toutes les
ressources utilisées pour financer les prestations sociales font défaut aux dépenses qui assurent la compétitivité de
l’économie, sa capacité d’innovation et donc de croissance.
Par exemple, la dérive des dépenses de retraites, même si elle est logique, compte tenu de l’augmentation de
l’espérance de vie, ne va pas sans poser des problèmes de légitimité. Le système était initialement prévu pour
permettre à ceux que l’âge rendait inaptes au travail de subvenir malgré tout à leurs besoins. Mais, grâce aux progrès
de la médecine, la santé des personnes s’est considérablement améliorée, si bien que les personnes qui arrivent à
l’âge de la retraite sont aujourd’hui en bien meilleure santé et sont souvent parfaitement en mesure de continuer à
travailler. Le « risque vieillesse » des débuts ne justifie plus la totalité de la prestation du système de retraite. Cette
évolution de la philosophie des systèmes de retraite ne serait pas en soi un problème si, à cause de la montée du
chômage et de l’exclusion, la pauvreté ne s’était pas développée à l’autre extrémité de la vie : elle est aujourd’hui
bien moins fréquente chez les retraités que chez les moins de 25 ans. On comprend alors que la perspective d’une
hausse des dépenses de retraite pousse certains à réfléchir : ne vaudrait-il pas mieux consacrer ces sommes
supplémentaires à la lutte contre les risques de pauvreté les plus aigus de nos sociétés contemporaines ?
Conclusion
Qu’il s’agisse de la pauvreté ou des retraites, on voit bien que les transformations de la société imposent que
l’on rediscute, que l’on reconstruise, l’accord entre les membres de la société en ce qui concerne les solidarités prises
en charge collectivement : quels risques, qui paient, combien, qui reçoit, en fonction de quoi, etc… ?
Toutes ces questions ne peuvent pas avoir de réponse définitive et les « avantages acquis » doivent parfois
être rediscutés. Mais au nom de quelles valeurs, c’est toute la question : quelle place laisser à la liberté et à la
responsabilité individuelles, quelle place garder aux solidarités collectives (et donc quel prix à payer ?) pour que tous
les individus puissent faire face à des risques qu’ils n’ont pas choisis ?