Professional Documents
Culture Documents
org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Cours : Introduction
Introduction
Vous avez essayé de comprendre l'année dernière, en classe de première, comment fonctionnaient
l'économie et la société françaises. Cette année, la perspective change : d'une part, notre réflexion ne se
limitera pas à la France, même si cela restera souvent notre premier exemple, d'autre part l'accent sera
mis sur la dynamique, c'est-à -dire que nous essayerons de comprendre comment se font les
changements, tant économiques que sociaux au cours du temps.
Nous ne pouvons conduire cette étude sans utiliser des outils d'analyse qui ont été présentés en classe de
première. Certes, nous serons parfois amenés à les définir à nouveau mais il serait tout à fait judicieux
que vous commenciez par les revoir. Entre autres, nous utiliserons beaucoup cette année les instruments
de la Comptabilité nationale et les concepts de base de la sociologie (culture, classes sociales, catégories
socio-professionnelles).
Quand on regarde le monde et son histoire depuis deux siècles, ce qui frappe, c'est l'ampleur des
changements que l'on peut observer : le niveau de vie semble s'être considérablement élevé, les conditions
de vie se sont transformées. On a même l'impression que ces changements vont de plus en plus vite : il n'y
a certes rien de comparable entre les conditions de vie d'avant la seconde guerre mondiale et celles
d'aujourd'hui, mais c'est vrai sans remonter si loin : quelle différence, par exemple, entre les conditions
d'installation d'un jeune quittant sa famille aujourd'hui et celles qui existaient au début des années 70, où la
douche et le téléphone étaient considérés comme le luxe absolu ! Il n'empêche que ces changements
positifs, qui nous semblent évidents parce que nous les vivons, ne sont pas partagés par tous dans le
monde, ni même par tous dans les pays riches. Ce sont donc ces deux questions que nous aborderons dans
cette introduction : en quoi peut-on parler de croissance, de développement, de changement social
d'une part, et, d'autre part, ces changements ne se sont-ils pas accompagnés de différences et
d'inégalités de réalisation entre les pays et au cours du temps ? Cependant, avant de commencer cette
présentation, il est nécessaire de rappeler en quoi consiste le cadre de ces changements.
Nos sociétés sont d'abord des économies de marché, c'est-à -dire que les actions des différents
intervenants sont rendues cohérentes grâce au marché par le système des prix. Cela signifie qu'existe la
liberté d'entreprendre et de contracter. Cela ne signifie pas que l'Etat n'a pas à intervenir. Le marché,
comme vous l'avez vu en première, ne peut pas fonctionner sans être organisé et sans un contrôle du
respect des règles. L'Etat a aussi d'autres raisons d'intervenir dans une économie de marché. Il n'en reste
pas moins que le fonctionnement de l'économie reste essentiellement déterminé par le marché.
Nos sociétés sont d'autre part des sociétés qui sont marquées par la montée de l'individualisme : les
sociétés modernes laissent une place grandissante à l'individu, la conscience collective pesant de moins en
moins lourd sur la conscience individuelle. L'individu peut donc affirmer des choix et adopter des
comportements qui le différencient par rapport aux autres. Les normes et les valeurs vont donc pouvoir se
transformer plus rapidement qu'avant. Nous reviendrons sur ces transformations plus loin.
Page 1/11
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
1.1.2 - Le développement
Pour définir le développement, citons François PERROUX, un grand économiste français du 20ème siècle :
" le développement est la combinaison des changements sociaux et mentaux d'une population qui la rendent
apte à faire croître cumulativement et durablement, son produit réel global " (in L'économie du XXè siècle,
PUG, 1991). Autrement dit, le développement, c'est l'ensemble des changements sociaux et culturels
qui rendent possible l'accroissement des quantités produites sur le long terme (c'est-à -dire la
croissance économique).
Le développement est donc une notion moins quantifiable que la croissance économique. Parler de
développement, c'est se poser des questions sur ce que l'on fait des richesses produites grâce à la
croissance : la santé de la population s'accroît-elle, par exemple (ce qui permettra à long terme d'avoir une
main d'œuvre plus productive, ce qui contribuera à renforcer la croissance) ? Mesurer le développement
est donc difficile. L'ONU a donc construit des indicateurs plus qualitatifs, au premier rang desquels l'I.D.H.
(indicateur de développement humain). : il s'agit d'un indicateur synthétique qui prend en compte le niveau
de vie (mesuré par le P.I.B. réel par habitant), la durée de vie (mesurée par l'espérance de vie à la
naissance), le niveau de scolarisation (mesuré par 2 indicateurs : le taux brut de scolarisation des jeunes et
le taux d'alphabétisation des adultes de plus de 15 ans). On peut citer également l'I.P.H. (indicateur de
pauvreté humaine), qui intègre davantage d'éléments que l'I.D.H. (accès à l'eau potable, part des enfants de
5 ans victimes de malnutrition, etc).
[N'oubliez pas d'aller consulter la notion "I.D.H ." dans les notions du chapitre 1. Vous y trouverez bien
davantage de précisions].
Page 2/11
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
de la culture (normes et valeurs, par exemple) d'une société. G.Rocher, dans Introduction à la
sociologie générale (tome 3, le changement social, Le Seuil, 1986), définit le changement social comme
"étant toute transformation observable dans le temps, qui affecte d'une manière qui ne soit pas provisoire ou
éphémère, la structure ou le fonctionnement de l'organisation sociale d'une collectivité donnée et modifie le
cours de son histoire".
Soulignons l'importance de l'aspect collectif du changement social : quand quelques couples ont des
enfants sans être mariés, il s'agit d'exceptions sans grande signification ; quand la proportion des enfants
nés hors mariage progresse pour atteindre les deux tiers des premières naissances (le premier enfant de
chaque femme), ce qui est le cas en France aujourd'hui, c'est l'indicateur d'un réel changement social par
exemple.
Dans les deux derniers siècles, le changement social a été d'importance : transformation de la
stratification sociale (organisation de la société en groupe sociaux hiérarchisés), urbanisation,
bouleversement des valeurs (pensez, par exemple, à la transformation des croyances religieuses),
émancipation des femmes, et on pourrait ajouter bien d'autres exemples.
Le programme de la classe de terminale porte comme titre "croissance, changement social et
développement". Maintenant que vous savez à peu près ce que désigent ces trois termes, nous devons
présenter leurs liens et les questions qui sont posées par leurs relations: ce sont ces questions qui vont nous
intéresser tout au long de l'année.
Page 3/11
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 4/11
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
pense y risquer. Ce développement de la rationalité s'accompagne de (et a été rendu possible par) la
séparation entre le politique et le religieux qui étaient, dans les sociétés traditionnelles, confondus (en
France, par exemple, le roi était " de droit divin "). Le fait que la rationalisation se développe n'empêche pas
la persistance d'autres modes de comportement.
La rationalisation des activités a pour conséquence le " désenchantement du monde " ( Max Weber). On
entend par là l'idée que tous les phénomènes observables ont une explication scientifique, la magie ou le
surnaturel n'expliquant rien : s'il ne pleut pas, ce n'est pas parce que les dieux sont en colère contre les
hommes mais parce que l'anticyclone des Açores est placé de telle façon qu'il repousse tous les nuages
ailleurs ! Le monde n'est donc plus " enchanté ", c'est-à -dire explicable par la magie.
Page 5/11
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Et si la tendance générale (le trend) de la production est à la hausse sur ces deux siècles, la production
augmente de manière très irrégulière (elle a parfois même diminué), comme nous pouvons le voir dans le
tableau ci-dessous.
Si vous voulez tester votre capacité à bien lire ce tableau, vous pouvez faire l'activité qui est en bas de
page.
Titre : Taux de croissance annuel moyen du P.I.B. par habitant (en %)
Source : d'après les données d'A. Maddison, L'économie mondiale : une perspective millénaire, OCDE 2001.
Page 6/11
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
femmes s'émancipent, etc. Les modes de vie (la façon de vivre) changent comme le montre
l'évolution des structures de la consommation : en 1946, les Français consacraient en moyenne
45.4% de leurs dépenses à l'alimentation contre seulement 13.7% en 2000. Cela laisse de la place
pour d'autres types de dépenses comme les dépenses de santé ou de logement.. Cette
transformation rendue possible par la hausse des revenus est allée de pair avec l'augmentation des
consommations collectives (éducation, santé, etc.) qui sont à la fois la conséquence de la hausse
du niveau de vie et les signes du développement et de la transformation du mode de vie.
2.1.3 - Mais les pays ont eu des rythmes de croissance très différents.
Les pays n'ont ni les mêmes rythmes de croissance économique, ni les mêmes points de départ de la
croissance, comme on peut le voir dans ce tableau.
Titre : Niveau de départ et évolution moyenne annuelle du P.I.B. par habitant (en %).
1500 :PIB 1500- 1600- 1700- 1820- 1870- 1913- 1950- 1973-
moyen/hbt 1600 1700 1820 1870 1913 1950 1973 1998
Europe occidentale 137 0.14 0.14 0.10 0.90 1.30 0.80 4.10 1.80
Europe orientale 82 0.10 0.1 0.50 0.60 1.30 0.90 3.80 0.40
Ex-URSS 88 0.10 0.10 0.10 0.60 1.10 0.80 3.40 - 1.80
Pays d'immigration
71 0.00 0.20 0.80 1.40 1.80 1.60 2.40 1.90
européenne*
Amérique latine 74 0.05 0.20 0.20 0.10 1.80 1.40 2.50 1.00
Japon 88 0.04 0.10 0.13 0.20 1.50 0.90 8.10 2.30
Asie (sauf Japon) 101 0.00 0.00 0.00 - 0.10 0.40 0.00 2.90 3.50
Afrique 71 0.00 0.00 0.04 0.10 0.60 1.00 2.10 0.00
MONDE 100 0.05 0.004 0.07 0.50 1.30 0.90 2.90 1.30
Source : à partir des données d'A. MADDISON, L'économie mondiale : une perspective millénaire, OCDE
2001.
*il s'agit pour l'essentiel des Etats-Unis et du Canada.
[Lecture : la 1ère colonne donne le niveau de départ du P.I.B. par habitant en indices ayant pour base 100 le
P.I.B. moyen du monde. Cela signifie, par exemple, que l'Europe occidentale avait en 1500 un P.I.B. moyen
par habitant supérieur de 37% à celui du monde. De même, le P.I.B. moyen par habitant, en 1500 toujours,
est presque 2 fois plus élevé en Europe qu'en Amérique du Nord. Les autres colonnes donnent les taux de
croissance annuels moyens du P.I.B. par habitant pour une période. Ainsi, on peut voir que, entre 1700 et
1820, le P.I.B. par habitant de l'Europe occidentale a augmenté en moyenne de 0.1% par an.]
Que montre ce document ? D'abord que vers 1500, les écarts de développement étaient plus faibles, et
nettement, qu'aujourd'hui puisque, entre la zone la plus développée (l'Europe occidentale) et les zones les
moins développées (l'Afrique et les pays d'immigration européenne), l'écart n'est même pas de 1 à 2.
Ensuite, on voit que la zone européenne démarre sa croissance autour de 1820 (0.9% de croissance
annuelle moyenne entre 1820 et 1870, soit 9 fois plus vite que sur la période précédente) alors que
l'Amérique latine ou le Japon n'ont des taux supérieurs à 1% qu'à partir de 1870 et l'Asie après 1950
seulement. Quant à l'Afrique, elle n'a connu que deux fois des périodes de croissance supérieure à 1% par
an.
Page 7/11
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
2.2.2 - ... qui créent une hiérarchie dans les niveaux de développement,
Si l'on prend l'ensemble des pays du monde et qu'on essaie de les rassembler en groupes distincts, on
peut distinguer :
• Les pays développés (les pays d'Europe de l'ouest, les pays nord-américains, le Japon,
l'Australie) : ils ont commencé leur croissance au 19ème siècle, ils ont accumulé du capital et du
savoir-faire, ils ont la maîtrise des circuits financiers, ils ont un niveau de vie par habitant très élevé
(même s'il y a des différences entre eux) et ils dominent les échanges internationaux de
marchandises.
• Les pays pauvres, voire très pauvres : ils rassemblent la plupart des pays africains, des pays sud-
américains et certains pays asiatiques. Ces pays ont le plus grand mal à démarrer un réel
processus de développement. La production de richesses y augmente à un rythme à peine
supérieur à celui de l'augmentation de la population. Les infrastructures (par exemple de
communication) y sont très déficientes. La question du pouvoir politique y est souvent mal réglée : il
n'y a pas de réelle stabilité politique, la démocratie n'est souvent pas solidement installée, les
tensions entre communautés différentes à l'intérieur du pays sont souvent fortes, ce qui contribue à
rendre difficile la mise en place d'un processus de croissance économique. Il y a cependant une
grande diversité à l'intérieur de ce groupe de pays, tant dans le niveau de développement atteint
que dans les structures sociales et politiques. Les termes que l'on utilise pour désigner ces pays
sont assez variés (pays en développement, pays en voie de développement, pays sous-développés,
etc…). L'O.N.U. a constitué un groupe de pays qu'elle appelle les " pays les moins avancés "
(P.M.A.). On se rend bien compte que les appellations ne sont pas neutres : " les moins avancés ",
cela laisse entendre que tout le monde avance, mais plus ou moins vite, " sous-développés " ne dit
pas la même chose ! La question est évidemment de savoir pourquoi certains pays n'arrivent pas à
se développer et s'il n'y a pas des liens entre la diversité des rythmes de la croissance économique
Page 8/11
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
dans les différents pays. Autrement dit, on peut penser que ce qui se passe sur le plan économique
dans un pays n'est pas indépendant de ce qui se passe dans le reste du monde. C'est bien sûr une
des questions que nous aurons à nous poser quand nous étudierons la mondialisation.
• Les " nouveaux pays industrialisés " (N.P.I.) rassemblent des pays, essentiellement asiatiques,
qui ont réussi, semble-t-il, dans les trente dernières années du 20ème siècle, à amorcer un réel
processus de développement, même si celui-ci reste fragile, comme l'a montré la crise qui a affecté
les pays asiatiques dans les dernières années du 20ème siècle. Ces pays ont connu une croissance
économique forte, une élévation sensible du niveau de vie moyen, une transformation rapide de
leurs structures économiques et sociales (en particulier, chute de la part du primaire dans l'emploi et
la production). Il faut y inclure la Chine qui sera probablement le géant du 21ème siècle.
Du fait que la croissance économique est plus lente dans les pays déjà pauvres, l'écart entre les pays
développés et les autres n'a cessé de s'accroître, spécialement depuis 1945. C'est ainsi un fossé qui
s'est créé entre les pays riches et les pays pauvres et qui, pour le moment, ne cesse de s'agrandir si l'on
excepte certains pays asiatiques.
Titre : Croissance du P.I.B. par habitant entre 1820 et 2000 pour quelques pays et espérance de vie à la
naissance en 2000 ;
Source : d'après les données d'A. Maddison, L'économie mondiale : une perspective millénaire, OCDE 2001
et P.N.U.D., Rapport mondial sur le développement humain, 2001.
2.2.3 - sans que les inégalités à l'intérieur des pays, même développés, ne
disparaissent.
Les inégalités de niveaux de vie restent fortes à l'intérieur des pays, même dans ceux qui sont le plus
développés. Si toutes les inégalités ne sont pas condamnables, on peut quand même s'interroger sur
l'incapacité des pays les plus développés à régler la question de la pauvreté : dans tous ces pays, il
existe une partie de la population qui ne peut accéder au standard de vie considéré comme normal. Même
s'il est difficile de définir et de mesurer la pauvreté (nous reviendrons sur ces questions plus loin), on
observe qu'une partie significative de la population vit dans ce qu'il est convenu d'appeler la pauvreté dans
les pays occidentaux. Ainsi, à la fin des années 1980, la part de la population dont les ressources sont
inférieures à la moitié du revenu moyen de leur pays est variable selon les pays européens mais assez
élevée : environ 11% en Allemagne (partie ouest), 14% en France et au Royaume-Uni, 17% en Espagne,
Page 9/11
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
21% en Italie. Aux Etats-Unis, on estime que 15% environ des ménages sont pauvres, à cette même date.
(Ces données sont citées dans " Pauvreté et exclusion ", Rapport du Conseil d'Analyse économique, 1998)
Et cette partie, proportionnellement, ne régresse pas réellement, elle augmente même dans certaines
périodes, comme dans les 20 dernières années du 20ème siècle aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.
Dans les pays les moins développés, la grande pauvreté est encore plus frappante, d'autant qu'elle
est souvent juxtaposée à la richesse étalée par quelques uns.
La pauvreté pose la question de l'intégration sociale : la pauvreté économique se cumule avec d'autres
inégalités qui peuvent rendre difficile l'insertion dans la société et engendrer un processus d'exclusion. Or
une société ne peut se maintenir si elle n'intègrent pas ses membres. On voit là encore que les questions
sociales et les questions économiques sont imbriquées les unes dans les autres.
Page 10/11
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
le " comment ?", sur le " pour qui ?" et sur le " cela pourra-t-il durer ? " (c'est-à -dire les questions
posées pour l'avenir).
Dans une première partie, nous réfléchirons à ce qui rend possible (ou pas possible) la croissance
économique. Nous verrons dans une deuxième partie comment se réalisent les transformations sociales.
Enfin, nous verrons comment la mondialisation interagit sur la croissance et les transformations sociales.
Page 11/11
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Introduction
Avant de nous demander comment le capital permet aux hommes de produire davantage de richesses, nous
allons voir quelles sont les sources générales de la croissance et les questions que cela pose.
1.1.1 - La croissance peut provenir d'une main d'oeuvre plus nombreuse et/ou
plus productive.
Le travail est apporté par les hommes (et les femmes !) : il s'agit de l'activité qu'ils mettent au service de la
production de biens et services. La quantité de travail effectivement utilisée est mesurée par la population
active occupée. Si celle-ci augmente dans un pays, il est logique que la production augmente, toutes choses
égales par ailleurs. Il y aura donc croissance économique.
Remarquons que, dans les sociétés modernes, seul le travail rémunéré est pris en compte : l'activité des
bénévoles, même s'ils passent de nombreuses heures, par exemple à animer un club de loisirs ou de sport,
n'est pas considérée comme du travail, tout comme le ménage fait par une mère de famille (alors que cela
serait du travail si cette femme faisait le ménage dans une école, par exemple, ou dans une autre famille en
étant payée et déclarée).
Si le travail est toujours nécessaire pour produire, il est toutefois possible d'accroître la production sans
augmenter la quantité de travail utilisée, à condition d'améliorer l'efficacité du travail, ce que l'on appelle plus
souvent la productivité du travail. Dans les paragraphes suivants, nous allons présenter les trois éléments
qui apparaissent comme essentiels pour expliquer l'augmentation de la productivité du travail. On les sépare
pour les présenter, mais il faut bien souligner qu'ils s'accompagnent mutuellement les uns les autres.
Page 1/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
plus un travailleur isolé. On divise donc le travail entre autant de travailleurs qu'il y a de tâches
différentes dans la production.
L'exemple de la manufacture d'épingles : il s'agit d'un exemple très célèbre présenté par Adam
Smith dans Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776). Un travailleur
peut faire une épingle tout seul, il ne fabriquera que bien peu d'épingles dans sa journée. Mais en
divisant la fabrication en 18 opérations distinctes (tirer le fil métallique de la bobine, couper le fil,
rendre pointue la tige, etc…), assurées par 18 ouvriers distincts, on arrivera à fabriquer des milliers
d'épingles par jour. La productivité aura donc beaucoup augmenté.
• Pourquoi diviser le travail augmente-t-il la productivité ?
On peut énumérer, et Adam Smith le fait déjà à son époque, les effets positifs de la division
technique du travail :
• D'abord, chaque travailleur étant spécialisé dans une tâche la maîtrisera mieux et la
réalisera plus rapidement. Et on pourra utiliser chaque travailleur dans la tâche pour laquelle
il est le mieux " doué ".
• Ensuite, chaque travailleur ne faisant plus qu'une seule tâche ne perdra plus le temps qui
était auparavant nécessaire pour changer de tâche. Et il consacrera ce temps à produire
davantage.
• Enfin, les tâches les plus simples pourront même être effectuées par des machines : la
division technique du travail va donc inciter les scientifiques à inventer des machines
capables d'effectuer ces tâches les plus simples (et, au fur et à mesure du temps, des
tâches de plus en plus complexes). On voit ici directement le lien avec les deux autres
éléments que nous allons présenter, l'accumulation du capital et le progrès technique.
Au total donc, la division technique du travail augmente la productivité et permet de produire de
beaucoup plus grandes quantités dans le même temps. Pour être mise en Å“uvre, elle suppose des
transformations dans l'organisation du travail. Nous verrons plus précisément dans le chapitre suivant
comment ces transformations génèrent une hausse de la productivité du travail et donc la croissance des
quantités produites.
1.1.4 - Quelles ont été les sources de la croissance depuis 1960 dans les pays
développés ?
Titre : Taux de croissance annuel moyen (TCAM) du PIB et décomposition de ce taux selon les facteurs de
production à l'origine de la croissance.
Page 2/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
En conclusion, on peut dire que l'amélioration de l'efficacité des facteurs de production est essentielle pour
expliquer la croissance. Cependant, d'autres éléments jouent un rôle non négligeable, en particulier le
comportement des différents agents économiques, en particulier les entreprises et l'Etat.
Page 3/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
progrès technique ? Il ne tombe pas du ciel. Il y a donc d'autres éléments à prendre en compte, des
éléments qui relèvent du comportement, de l'attitude des agents. Qui sont ces acteurs de la vie économique
et sociale dont nous parlons ici ? Il s'agit bien sûr des entrepreneurs (qui sont à l'origine des décisions
concernant la mise en œuvre du progrès technique ou la combinaison des facteurs de production). Mais pas
seulement : il y a aussi l'Etat et les administrations publiques qui construisent le cadre juridique et
réglementaire qui encadre la vie économique et sociale, il y a aussi les grands idéaux qui sous-tendent
les comportements des membres de la société, ce que l'on appelle en sociologie les valeurs. Nous
étudierons successivement le rôle de ces trois éléments.
1.2.2 - Le rôle de l'Etat : réguler les marchés, gérer les externalités, développer
les infrastructures à travers la politique économique.
• L'Etat régulateur des marchés
Il faut souligner avec force le rôle essentiel pour la croissance, dans une économie de marché, de
l'intervention de l'Etat. Le fonctionnement de l'économie par le marché suppose des règles, vous
l'avez vu en classe de première. Ces règles, il faut d'abord les construire et ensuite les faire
respecter. Ces deux rôles, c'est l'Etat qui les assume. L'expérience montre que dans les pays sans
autorité politique établie et reconnue, la croissance est plus lente qu'ailleurs, voire impossible.
• L'Etat intervient également pour favoriser le progrès technique
Certaines recherches, trop fondamentales pour être rentables immédiatement, ne seraient jamais
entreprises si l'Etat ne contribuait pas à leur financement. En effet, aucune entreprise ne prendra en
Page 4/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
charge une dépense si le coût est trop élevé par rapport au bénéfice qu'elle en retire
personnellement. Or, c'est précisément ce qui se passe en matière de recherche fondamentale : une
fois qu'une découverte a été faite, tout le monde en profite, et pas seulement ceux qui ont financé la
recherche. C'est donc à l'Etat de décider ces dépenses et de les faire financer par l'impôt
puisqu'elles profitent à tous. Plus généralement, l'Etat doit intervenir dans tous les cas où des
" effets externes positifs " (ou " externalités positives ") sont attendus. Que sont ces effets externes
positifs ? Certaines actions, faites par tel ou tel acteur de la vie économique, ont des conséquences
positives sur les autres acteurs alors que ceux-ci ne paient pas le coût de cette action. On peut citer
l'exemple de l'instruction : si on (et le " on " sera forcément l'Etat, on va le voir) décide de prolonger
la scolarité obligatoire de 12 à 16 ans par exemple, toute la main-d'œuvre sera plus qualifiée et
donc plus productive et ce sont les entreprises qui en bénéficieront (sans payer directement le coût
de l'allongement de la scolarisation).
• L'Etat prend en charge les infrastructures collectives
Imaginons qu'il n'y ait pas de pont sur le Rhône entre Lyon et la mer ; dans ce cas, tous les fruits de
la vallée du Rhône (rive gauche) devraient transiter par Lyon pour aller à Montpellier, par exemple.
Si l'Etat construit un pont à Avignon, cela arrange tout le monde car cela abaisse le coût et les
délais de transport. Pourquoi est-ce l'Etat qui va financer la construction du pont comme
l'allongement de la scolarité et pas ceux qui vont directement en bénéficier ? Parce que chaque
utilisateur du pont ne retirera pas suffisamment de bénéfice de l'usage du pont pour le financer :
chacun y gagne, mais pas suffisamment pour payer la construction. C'est la même chose pour
l'instruction. On est donc dans la situation suivante : tout le monde a intérêt à ce que l'action soit
entreprise, mais personne ne veut la financer. Il y a un problème de coordination des décisions
individuelles, et c'est donc l'Etat, au nom de l'intérêt général, qui va assumer ces dépenses et les
répercuter sur les individus par l'impôt.
• L'Etat favorise la croissance par sa politique économique.
Vous avez vu en classe de première que l'Etat peut encourager la production de biens et services en
stimulant la demande par sa politique budgétaire ou sa politique monétaire. Pareillement, il peut
encourager l'offre par sa politique fiscale, en baissant les impôts sur les entreprises pour rendre la
production plus profitable. Ce rôle d'impulsion est souvent décisif, notamment pour sortir des crises
que connaissent les économies modernes. On l'étudiera plus en détail dans le dernier chapitre du
programme.
Au total, donc, l'Etat, par les investissements publics, joue un rôle très important dans la croissance
en finançant la formation de la main d'œuvre et la recherche scientifique, en développant les infrastructures,
en particulier de communication, en construisant le cadre juridique permettant au marché de fonctionner
correctement, en assumant les tâches considérées comme essentielles par la société et qui ne pourrait pas
l'être par le marché.
Page 5/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
valeurs se conjuguent avec l'ensemble des structures de la société. Ce qui compte sans doute le plus, c'est
le climat qu'instaurent à la fois les valeurs et l'organisation politique dans une société : la croissance
économique a besoin à la fois de stabilité (pour que l'on puisse prévoir les effets des décisions prises
aujourd'hui) et de possibilité de transformations (puisque la croissance en génère).
Page 6/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
consommateurs, en particulier dans les pays développés) ? C'est une question éminemment politique. Des
conférences internationales se réunissent périodiquement pour essayer de traiter ces questions. Mais leur
succès est tout relatif. Le protocole de Kyoto (1997), par exemple, qui a été signé par bon nombre de pays et
qui vise à limiter l'émission de gaz à effet de serre est encore à peine mis en vigueur. Pourtant, " pour
stabiliser les perturbations apportées à l'atmosphère, il faudrait diviser par 2 ou 3 les émissions mondiales
de gaz. Or celles-ci continuent d'augmenter ! " (D. Plihon, " Le développement durable : le défi du XXIè
siècle ", Ecoflash n°176, mars 2003). Les Etats-Unis, qui polluent beaucoup, ont refusé de l'appliquer en ce
qui les concerne. Cela signifie que, pour le moment, il n'y a pas d'autorité mondiale capable d'imposer que
soient prises en compte les nécessités du développement durable.
Titre : Rang de certains pays pour l'I.D.H. et P.I.B. par habitant (en dollar en parité de pouvoir d'achat), en
2000.
Page 7/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 8/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 9/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
par les entreprises pour l'avenir, son volume détermine également pour une partie non négligeable le rythme
de la croissance économique. Nous pouvons donc nous attaquer à une question essentielle : qu'est-ce qui
amène un agent économique (et ici, nous parlerons essentiellement des entreprises) à décider d'investir ?
Page 10/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 11/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 12/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
• Les prix des facteurs de production ou des consommations intermédiaires peuvent varier de
manière imprévisible
On a vu plus haut que la rentabilité dépendait du coût des facteurs de production : capital, travail et
consommations intermédiaires. Si le prix des biens capitaux est connu au moment d'investir (c'est le
prix d'achat des biens que l'on acquiert lors de l'investissement), il n'en va pas de même pour les
autres : le prix de l'énergie peut s'envoler à la suite d'un choc pétrolier, le coût du travail s'accroître
à la suite d'un conflit social ou parce que la protection sociale coûte de plus en plus cher. Bien
entendu, l'entreprise peut essayer de maîtriser l'évolution de ces coûts, mais tout ne dépend pas
d'elle, loin s'en faut.
Conclusion : au niveau de l'entreprise, il y a donc des enjeux à l'investissement. De celui-ci va dépendre la
capacité de l'entreprise à réaliser des profits et à faire face à la concurrence pour gagner, ou au moins ne
pas perdre, des parts de marché. L'avenir de l'entreprise dépend donc du " bon " choix de ses
investissements, que ce soit sur le plan de leur volume (leur montant), que ce soit sur le plan de leur nature
(investissement de productivité ou de capacité, investissement immatériel ou matériel, etc.). Devant
l'incertitude qui , on l'a vu, touche bien des éléments à prendre en compte, le chef d'entreprise peut ne plus
très bien savoir à quoi se fier et prendre une décision très liée à ses convictions personnelles.
L'investissement joue, on l'a montré, un rôle très important dans la croissance économique à court et moyen
termes. Nous allons maintenant nous interroger sur ce que permet l'investissement, parfois à plus long
terme, c'est-à -dire la mise en œuvre du progrès technique.
Page 13/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
pour mouvoir tout un tas de machines au 19è siècle. Il peut d'ailleurs se passer beaucoup
d'années entre une invention et l'innovation qui en résulte. Il faut ajouter qu'il est bien rare
qu'une invention ne déclenche pas une foule d'innovations, des petites et des grandes. Ce
sont en général les entreprises qui vont découvrir ces innovations, grâce à leurs services de
recherche. On parle là de recherche appliquée ou, plus fréquemment, de "recherche-
développement ", financée le plus souvent par les entreprises elles-même.
• Les différents types d'innovation.
Les innovations ont pour vocation d'améliorer les produits et les façons de produire et/ou de
vendre (la commercialisation, c'est la production d'un service, donc innover dans la vente, c'est
aussi améliorer les façons de produire). Elles concernent aussi l'amélioration ou la création des
produits. Elles peuvent donc être très diverses. Nous nous contenterons de présenter ici trois sortes
d'innovation :
• L'innovation de procédé (on parle aussi parfois d'innovation de process) : l'innovation
concerne les techniques de fabrication, par exemple dans les machines ou dans
l'organisation de la production ou de la commercialisation . Il faut bien se rappeler que quand
une entreprise choisit de modifier son organisation interne, par exemple pour produire en
flux tendus aujourd'hui, ou pour produire à la chaîne au milieu du 20è siècle, il s'agit de la
mise en Å“uvre d'une innovation, et plus spécifiquement d'une innovation de procédé.
• L'innovation organisationnelle , qui est l'innovation dans l'organisation de l'entreprise et
dans l'organisation du travail. On les étudiera de façon plus approfondie dans le chapitre
suivant.
• L'innovation de produit : l'innovation concerne le produit fabriqué lui-même, il s'agit d'un
produit nouveau ou d'un produit incorporant une nouveauté.
Page 14/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
donne les moyens de financer un effort de recherche important et " quand on cherche, on trouve ".
D'autre part, les innovations s'enchaînent les unes aux autres, une innovation donne des idées à
d'autres chercheurs, dans d'autres secteurs, pour d'autres produits. Si les chercheurs aiment
s'installer près les uns des autres (pensez à la Silicon valley, par exemple, ou aux pépinières
d'entreprises), ce n'est pas par hasard, c'est parce qu'ils progressent au contact les uns des autres.
Une fois encore, les innovations ne tombent pas du ciel, il y a certes des inventeurs géniaux, mais
pas beaucoup. Il y a surtout des gens qui travaillent.
• Le rôle décisif de l'Etat
L'Etat joue donc un rôle essentiel en rendant possible, ou plus facilement réalisable, le progrès
technique :
• L'Etat va financer très largement la recherche fondamentale : celle-ci, qui est à l'origine des
inventions, est beaucoup trop coûteuse et aléatoire pour être prise en charge par des
laboratoires privés. En même temps, comme son nom l'indique, elle est fondamentale. Une
partie de cette recherche s'effectue donc dans des laboratoires publics. Cela peut se faire
aussi dans des laboratoires privés sur subventions publiques. Le produit de cette recherche
est censé appartenir à tous. Il n'est pas vendu, même si parfois cela donne lieu à
discussion (ainsi pour les recherches sur le génome humain).
• L'Etat va encourager les entreprises à développer la recherche-développement et, pour
cela, leur garantir une protection contre le pillage de leurs découvertes. C'est le principe des
brevets : si une innovation n'était pas protégée par un brevet, n'importe quelle autre
entreprise pourrait copier l'innovation sans avoir à supporter les coûts de la recherche et
aucune entreprise ne voudrait plus faire de recherche. L'existence des brevets n'empêche
pas les copies mais les limite nettement. L'espionnage industriel n'est cependant pas du tout
une invention des romanciers ou des cinéastes.
• Enfin, l'Etat joue un rôle très important en formant la population. N'importe qui ne peut pas
faire de la recherche, fondamentale ou appliquée, n'importe quel travailleur ne peut pas
mettre en œuvre des technologies sophistiquées. Il faut qu'il soit formé. En donnant une
solide formation initiale à sa population, l'Etat contribue à la formation du capital humain
favorable au progrès technique et à la croissance.
Conclusion : nous sentons bien maintenant l'importance du progrès technique et de ses applications dans
les sociétés modernes. Il reste à comprendre les liens qui unissent le progrès technique à la croissance
économique et aux transformations de nos sociétés.
Page 15/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
croissance.
L'entreprise qui gagne en productivité, par exemple notre entreprise automobile de toute à l'heure
qui fabrique 12 voitures alors qu'elle n'en fabriquait que 10 auparavant dans le même temps de
travail, peut utiliser ce gain de 4 manières différentes. Elle peut :
• Baisser les prix : en effet, le coût unitaire (celui de chaque voiture) diminue puisque, sans
dépenser plus de travail (et à condition que les salaires ne varient pas), on fabrique plus de
voitures. L'entreprise attend de cette baisse des prix une augmentation de la demande qui
lui est adressée, donc une augmentation de sa production. Au niveau macro-économique, la
baisse des prix engendre une hausse du pouvoir d'achat qui permet d'augmenter la
demande et cela, pas seulement dans la branche qui a baissé ses prix. Donc globalement,
la demande augmente, la production doit en principe suivre, surtout si les capacités de
production ne sont pas toutes utilisées. Cette baisse des prix va donc engendrer des effets
favorables à la croissance.
• Diminuer la durée du travail : en effet, puisqu'on met moins de temps à fabriquer chaque
voiture, on peut très bien en fabriquer le même nombre qu'avant les gains de productivité et
faire travailler moins longtemps chaque travailleur. Si en 35 heures, les travailleurs arrivaient
à fabriquer autant qu'en 39 heures grâce aux gains de productivité, on peut très bien
diminuer le temps de travail sans diminuer les salaires. C'est d'ailleurs grâce aux gains de
productivité que le temps de travail a pu beaucoup diminuer en France à partir des années
60, alors même que les salaires continuaient à augmenter. Cette diminution du temps de
travail n'engendre pas directement de croissance économique. En revanche, elle modifie les
genres de vie et améliore sans doute le bien-être général : elle a donc un effet positif sur le
développement plus que sur la croissance.
• Augmenter les profits : en gardant le même exemple, chaque voiture coûte moins cher à
fabriquer puisque la productivité a augmenté. Si on maintient le prix à son niveau initial,
toutes choses égales par ailleurs, la marge de l'entreprise augmente. Celle-ci réalise donc
davantage de profits. Quel effet a cette augmentation sur la croissance ? Les profits sont
destinés à être distribués aux actionnaires, mais ceux-ci peuvent décider d'en laisser une
partie, plus ou moins grande, dans l'entreprise pour financer au moindre coût les
investissements futurs. Si les profits sont distribués, ils constituent des revenus pour ceux
qui les encaissent et augmentent donc leur pouvoir d'achat. Il peut donc en résulter une
augmentation de la demande. S'ils sont conservés dans l'entreprise et financent de
l'investissement supplémentaire, ils sont évidemment favorables à la croissance, comme on
l'a vu plus haut.
• Augmenter les salaires : puisque les travailleurs produisent plus dans le même temps, on
peut envisager de les rémunérer davantage sans que cela ne change rien au prix de vente,
ni au profit. Dans ce cas, on aura une augmentation des revenus dont on peut attendre une
augmentation de la demande, ce qui va inciter les entreprises à produire davantage, et la
croissance s'accroît.
• Le conflit autour du partage des gains de productivité
Les gains de productivité peuvent permettre de faire ces quatre actions. Mais ce n'est pas ou l'une,
ou l'autre. Cela peut être les quatre à la fois : on baisse un peu les prix, un peu la durée du travail,
on augmente un peu les salaires et les profits. Toutes les combinaisons sont possibles et c'est
d'autant plus facile que la productivité augmente rapidement. Le choix qui est fait dépend des
entreprises mais les entreprises subissent certaines contraintes : par exemple, si la concurrence par
les prix est vive sur le marché, l'entreprise va chercher à diminuer ses prix pour garder sa
compétitivité, elle sera très réticente sur une hausse des salaires. De même, à certaines périodes,
les salariés sont en position de force pour négocier et obtenir que les gains de productivité soient au
moins en partie utilisés pour augmenter les salaires. Autrement dit, le partage des gains de
productivité, qui a un effet direct sur la croissance, peut être l'objet de conflits, en tout cas de
négociations.
Conclusion : les innovations mises en Å“uvre grâce aux investissements génèrent une hausse de la
productivité et cette hausse de la productivité, à son tour, aboutit, par des canaux variés, à une accélération
de la croissance. On voit donc l'importance du progrès technique pour la croissance. Mais, à plus long
Page 16/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
terme, le progrès technique a d'autres effets sur la croissance, que nous verrons dans le paragraphe suivant.
2.4 - Les liens entre les transformations des structures économiques, politiques et
sociales : l'exemple de l'urbanisation.
Nous avons vu quels sont les effets du progrès technique sur la croissance économique. Mais le progrès
technique contribue aussi au changement des structures économiques et sociales. Nous allons maintenant
montrer, grâce à un exemple, les interactions entre la croissance et les transformations des structures
économiques, sociales et politiques.
L'urbanisation peut se définir comme le mouvement qui fait que la population habite de plus en plus
(proportionnellement) dans les villes : autrement dit, c'est l'habitat qui fait la ville. Mais qu'est-ce qu'une
ville ? La réponse est beaucoup moins simple qu'il n'y paraît : on peut penser qu'une ville rassemble des
habitats collés les uns aux autres. Oui, mais combien ? un village, est-ce une ville ? La réponse à ces
questions a varié au cours du temps. La population urbaine est, approximativement, celle qui vit dans
des agglomérations rassemblant plus de 2 000 personnes agglomérées. La population rurale est celle
qui n'est pas urbaine. Il faut donc distinguer la population rurale de la population agricole : la première est
déterminée par son habitat, la seconde par son activité économique. Autrement dit, dans la population
rurale, il y a de nombreux ménages non agricoles. Le fait que les populations vivent de plus en plus dans les
villes est un fait avéré, et pas seulement dans les pays anciennement développés : aujourd'hui, les plus
grandes villes au monde sont situées dans des pays parfois très pauvres (Le Caire, Mexico,
etc.).L'urbanisation est un bon exemple de transformations économiques, sociales et politiques entremêlées
et c'est ce que nous allons montrer.
Page 17/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
gisements miniers) où naissent de nouvelles villes. Comme la journée de travail est spécialement longue
au 19ème siècle, il ne peut pas être question d'habiter très loin de son lieu de travail. L'habitat groupé,
urbain, se développe donc très rapidement dans les zones qui s'industrialisent. Cette urbanisation, générée
par la croissance, va elle-même entraîner de nombreuses transformations économiques, sociales et
politiques, et favoriser à son tour la croissance économique.
Page 18/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
l'urbanisation mais l'urbanisation engendre aussi de la croissance. Ils sont aussi à la fois économiques,
sociaux et politiques.
Page 19/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Introduction
Nous avons vu dans le chapitre précédent d'une part que la croissance était le résultat de la combinaison
des deux facteurs de production que sont le capital et le travail, rendue de plus en plus productive par le
progrès technique, d'autre part que le progrès technique et l'accumulation du capital (c'est-à -dire
l'investissement) jouaient un rôle majeur dans la croissance. De la même manière que nous nous sommes
interrogés sur le rôle joué par le capital, nous allons maintenant nous interroger sur le rôle joué par le
travail dans la croissance économique.
Mais quand nous parlons de " travail ", ou d'emploi, de quoi parlons-nous précisément ? Dans ce
chapitre, nous allons envisager le travail dans sa dimension d'activité productive des hommes et nous
demander comment il contribue à la croissance économique. Par "l'emploi", nous désignerons l'ensemble
des tâches auxquelles sont occupés les travailleurs. L'emploi, c'est au fond la façon dont les entreprises
utilisent le travail des hommes. Cependant, nous ne pourrons pas toujours facilement séparer les
dimensions économique et sociologique du travail et de l'emploi : par exemple, quand les travailleurs
contestent un mode d'organisation du travail, cela a des conséquences directes sur la production. Autrement
dit, nous aurons parfois des regards croisés sur le travail en tant que producteur de richesses.
La croissance dépend bien sûr d'abord de la quantité de travail disponible pour produire. Mais elle dépend
aussi de la façon dont est utilisé le travail - c'est-à -dire la structure des emplois. C'est pourquoi nous
étudierons dans une première partie l'organisation du travail et son impact sur la croissance
économique . Nous avons vu dans le chapitre précédent le rôle majeur joué par le progrès technique pour
expliquer la croissance économique. Nous allons voir plus précisément ici comment il est à l'origine des
transformations des emplois et comment il accroît l'efficacité du travail. Nous étudierons donc dans une
deuxième partie les mécanismes qui relient la croissance économique, le progrès technique et
l'emploi.
Page 1/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Organiser le travail, c'est en fait le diviser en fonction de certains principes. Ce sont surtout ces principes qui
se transforment. Mais le principe même de la division du travail, et de la spécialisation qui va avec, est
une constante de l'organisation du travail. Nous avons montré dans le précédent chapitre l'intérêt de
cette spécialisation, nous n'y reviendrons pas ici mais c'est le point de départ incontournable de ce que nous
allons dire maintenant.
Au cours du temps, l'organisation du travail s'est transformée de manière à rendre toujours plus performante
la division du travail. Vous avez déjà vu (en SES en seconde ou en Histoire) que l'on distingue
traditionnellement trois grandes formes d'organisation du travail : le taylorisme, le fordisme et le
toyotisme. Chacune d'entre elles a apporté des solutions particulières pour améliorer les méthodes de
travail.
Parallèlement, les ouvriers sont dépossédés de leur savoir-faire. Puisque ce sont les ingénieurs qui
déterminent les méthodes de travail, les ouvriers n'ont plus désormais qu'à exécuter les consignes.
L'entreprise a moins besoin d'ouvriers qualifiés et plus besoin d'ouvriers non qualifiés, ce qui lui
permet d'ailleurs de verser des salaires moins élevés. En ce sens, ont peut dire que le taylorisme
déqualifie le travail des ouvriers en les ravalant à des tâches d'exécution.
Page 2/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
1.1.2 - ... Tandis que le fordisme a intensifié le travail par le travail à la chaîne et
développé la consommation de masse...
Henry Ford, propriétaire d'une des premières entreprises automobiles, va mettre en œuvre dans ses
usines d'automobiles une nouvelle forme d'organisation du travail qui porte son nom. Quels en sont les
principes ?
• Le fordisme améliore l'O.S.T. en instaurant le travail à la chaîne et la standardisation des
pièces.
Ford (ou ses ingénieurs) imagine un procédé mécanisé de convoyage (c'est-à -dire de transport) des
produits en cours de fabrication d'un ouvrier à un autre. C'est le système de la chaîne, et donc l'instauration
du travail à la chaîne. Concrètement, cela peut être un tapis roulant qui circule devant les travailleurs à une
vitesse qui leur permet de réaliser leur tâche. Les produits peuvent être accrochés en l'air à une sorte de
filin qui défile. On peut tout imaginer, mais le principe est toujours le même : le produit en cours de
fabrication défile devant le travailleur. Celui-ci n'est donc plus maître de son rythme de travail. Le
travail à la chaîne suppose que les différentes opérations de fabrication soient courtes et simples, donc le
travail est très parcellisé, comme dans le taylorisme, peut-être même plus. Le travail à la chaîne suppose
aussi que les ouvriers fassent exactement les gestes requis par le convoyeur et dans les temps imposés par
lui. On a donc encore une division verticale du travail.
Le système fordiste repose aussi sur la standardisation des pièces, c'est-à -dire que d'un véhicule à
l'autre les différentes pièces ont toutes exactement les mêmes dimensions, de manière à pouvoir être
montées sans aucun ajustage (système des pièces interchangeables). Par exemple, il faut que les trous
percés dans une carrosserie de voiture pour monter le rétroviseur aient exactement la taille de la vis que
l'ouvrier suivant va mettre dans ce trou (si le trou était trop petit, la vis n'entrerait pas et toute la chaîne serait
arrêtée). Cela permet d'économiser le temps d'ajustage des pièces qui autrefois ralentissait
considérablement le travail dans l'industrie automobile. En contrepartie, cela implique des produits eux-
mêmes standardisés : les automobiles ne sont plus les produits de luxe du début du 20ème siècle, elles
deviennent des produits plus communs, identiques d'un consommateur à l'autre.
• Mais la grande nouveauté apportée par le fordisme se situe dans la façon d'envisager la production
et ses liens avec la consommation
Les usines Ford produisant des voitures standardisées, elles ne pouvaient plus avoir pour clientèle
privilégiée les classes très aisées consommatrices de produits de luxe. Il fallait plutôt vendre aux classes
moyennes, mais cela supposait de pratiquer des prix très inférieurs. Le système fordiste va ainsi se
caractériser par un usage particulier de ses gains de productivité, privilégiant la baisse des prix pour
conquérir de nouveaux marchés. Parallèlement, Henry Ford s'est rendu célèbre en doublant le
salaire de ses ouvriers par rapport au salaire courant (" Five dollars a day "). Même si cette générosité
apparente servait surtout à retenir ses salariés éprouvés par la dureté du travail à la chaîne, Ford
savait qu'elle pouvait profiter indirectement à son entreprise : tôt ou tard, le pouvoir d'achat
distribué enrichirait sa propre clientèle, et donc permettrait l'accroissement des ventes. Ce que
Page 3/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 4/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
des ouvriers d'une tâche à l'autre. Des ouvriers plus motivés se révèleront plus efficaces et plus capables
d'initiatives profitables à l'entreprise.
Le toyotisme a été une façon de résoudre certains des problèmes que posait le fordisme. Cela ne
signifie nullement que c'est la solution miracle : d'une part, le fordisme a su trouver certaines solutions,
d'autre part, le toyotisme lui-même a rencontré des difficultés. Cela montre bien une chose que l'on ne doit
pas oublier : le capitalisme est un système dynamique qui se transforme sans cesse. Il n'y a jamais de
solution définitive ou de remède miracle. Le temps et le moment dans l'histoire sont toujours à prendre en
compte quand on essaie de comprendre comment nos sociétés fonctionnent.
Page 5/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 6/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
fur et à mesure que les besoins se sont progressivement saturés, leur exigence s'est déplacée vers
la qualité et la diversité, ce que le fordisme était incapable de fournir, d'une part à cause de son
principe de standardisation maximale des pièces et d'autre part à cause des problèmes de motivation des
salariés que l'on vient d'exposer.
A ce moment, le fordisme, qui avait si bien contribué à la croissance économique depuis la fin de la seconde
guerre mondiale, est devenu un obstacle à la poursuite de la croissance. Son inadaptation à l'économie et à
la société nouvelles ouvrait la porte à l'apparition de nouvelles organisations du travail.
Page 7/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
peur de l'avenir, soit qu'ils ne puissent accéder à l'emprunt faute de pouvoir garantir raisonnablement
leurs revenus futurs.
• Un mode de production écologiquement discutable.
Les interrogations sur la croissance que l'on a abordées au premier chapitre sont de nature à nourrir
une contestation du toyotisme. D'abord parce que le système d'innovation permanente et de
stimulation de la consommation nous amène à renouveler très fréquemment nos biens, ce qui
augmente nos besoins en matières premières et en énergie. Or, on a bien vu que celles-ci n'étaient
pas des ressources inépuisables. Par ailleurs, le système du juste-à -temps, s'il réduit les
stocks, augmentent les flux de transport, notamment routiers : il faut apporter à l'entreprise ce
dont elle a besoin exactement quand elle en a besoin (on dit parfois que dans le système toyotiste,
les stocks n'ont pas disparu, mais se trouvent dans les camions !). Là encore, cette consommation
énergétique n'est pas soutenable à long terme.
Page 8/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
2.1.1 - Le progrès technique engendre des gains de productivité qui sont source
de richesses nouvelles et permettent de créer des emplois nouveaux.
Le progrès technique a pour objectif explicite d'économiser du travail dans la fabrication d'un bien ou d'un
service. Autrement dit, pour fabriquer le même bien, on utilisera moins de travail qu'avant l'introduction du
progrès technique. On voit donc très clairement que le progrès technique diminue la quantité de travail
par unité fabriquée. Mais affirmer cela ne nous dit rien sur l'évolution de l'emploi qui résulte de l'introduction
du progrès technique. En effet, cette évolution va dépendre d'une part de ce que fait l'entreprise qui innove
des gains de productivité réalisés, d'autre part des effets induits par la décision de l'entreprise sur le reste de
l'économie, effets que l'on peut qualifier d'effets de propagation.
Fondamentalement, les gains de productivité, parce qu'ils permettent d'économiser du travail par
unité produite, sont créateurs de richesses et rendent possible la création de nouveaux emplois . En
effet, en abaissant le coût de production, les gains de productivité permettent la baisse des prix et
l'augmentation des salaires réels. On observe donc une extension des marchés et, pour répondre à
l'augmentation de la demande, les entreprises seront amenées à créer des emplois et à augmenter
leur stock de capital productif, ce qui permettra de réaliser de nouveaux gains de productivité. La boucle
est alors bouclée et le processus peut se poursuivre.
En fonction de l'utilisation qui est faite des gains de productivité , l'extension des marchés obtenue grâce
au progrès technique ne sera pas exactement la même et les effets sur l'emploi non plus :
Vous pouvez vous reporter au chapitre précédent pour revoir ces différents usages.
• Si les gains de productivité sont utilisés à diminuer le prix de vente.
• La baisse de prix va permettre aux consommateurs de bénéficier d'une augmentation de
leur pouvoir d'achat . Ils vont pouvoir exercer leur liberté de choix : consommer davantage
de ce produit dont le prix baisse (il faudra donc fabriquer davantage de ce produit), ne pas le
faire et augmenter leur consommation d'autres biens et services (et alors, il faudra
augmenter la production de ces biens et services), ne pas le faire et augmenter leur épargne
(donc pas d'effet immédiat sur la production). Les choix qu'ils vont faire vont constituer des
signaux pour les autres acteurs de l'économie. C'est bien le rôle des prix dans une économie
de marché (revoyez le programme de Première !). La baisse de prix va aussi se diffuser
dans les autres branches de l'économie dans la mesure où le produit dont le prix baisse
Page 9/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
grâce au progrès technique est utilisé par les autres entreprises pour leur propre production.
• Prenons l'exemple des imprimantes pour l'informatique. Leur prix a considérablement
diminué, en même temps que leur qualité technique s'est beaucoup améliorée. Quelles sont
les conséquences de cette baisse des prix ? D'une part, les ménages, qui font des
imprimantes un usage privé, dépensent moins pour l'achat de leur imprimante, ce qui est un
élément de la décision d'achat, et on sait que la baisse des prix a considérablement dopé les
ventes (et si on vend plus, on produit plus, donc il faut plus d'emplois si la hausse de la
demande est plus rapide que celle de la productivité). D'autre part, les entreprises qui
utilisent leur imprimante dans un but professionnel, intègrent son coût dans l'ensemble des
coûts de production. La baisse du prix de l'imprimante va donc diminuer le coût de
production, ce qui permettra une baisse en retour du prix de vente du produit fabriqué par
l'entreprise. Cette baisse du prix va donc, elle aussi, engendrer une extension du marché, et
ainsi de suite. On peut même penser à un autre effet, indirect, mais tout à fait réel : si les
ménages font désormais leur courrier sur ordinateur et l'imprime grâce à l'imprimante parce
qu'ils ont pu s'équiper du fait de la formidable baisse des prix, la demande de papier se
transforme : on vend moins de blocs de papier à lettre petit format et plus de paquets de
500 feuilles pour imprimante et l'industrie papetière doit reconvertir sa production ! Il y aura
forcément des effets sur l'emploi dans toutes ces transformations. La baisse de prix induite
par les gains de productivité contribue donc à l'accroissement de la taille des
marchés, en même temps qu'à la transformation de la demande . Ce faisant, elle a
donc un effet positif sur le volume de l'emploi (il faut embaucher pour répondre à la
demande supplémentaire).
• Si les gains de productivité sont utilisés à augmenter les salaires.
Dans ce cas, le pouvoir d'achat des salaires augmente, pour les salariés qui travaillent dans
l'entreprise réalisant les gains de productivité. Ces salariés peuvent donc augmenter leur demande
et on retrouve l'extension des marchés dont on a parlé plus haut, avec ses effets positifs sur l'emploi.
Les effets de la hausse de la demande seront plus localisés et globalement probablement moins
importants que ceux résultant de la baisse des prix.
• Si les gains de productivité sont utilisés à augmenter les profits.
Dans ce cas, les capacités de financement de l'investissement vont sans doute s'accroître, ce qui
aura un double effet : d'une part, les investissements seront moins coûteux, donc les coûts de
production baisseront un peu, ce qui peut avoir des effets sur les prix (et on revient au premier
point), d'autre part, si les investissements sont des achats de machines, par exemple, ils contribuent
à l'extension des marchés quand ils augmentent, enfin et surtout, les investissements vont
permettre la mise en Suvre de nouvelles innovations qui vont contribuer à augmenter la productivité.
Le risque est que les capacités de production s'accroissent sans que la demande n'augmente
suffisamment. L'augmentation des profits ne débouche donc pas automatiquement sur une
extension des marchés , et les effets sur l'emploi risquent d'être limités.
• Si les gains de productivité sont utilisés entièrement à diminuer la durée du travail.
On parle ici d'une diminution de la durée du travail sans diminution des salaires. Il n'y a pas alors
d'effet sur les prix ou le pouvoir d'achat. Ce qui s'améliore, c'est la qualité de vie des salariés. Les
effets économiques, en particulier ceux sur l'emploi, risquent d'être limités. En effet, les salariés
disposant de plus de temps libre, on pourrait penser qu'ils vont consommer davantage de certains
services, liés par exemple au tourisme. Mais les salariés ne disposant pas de davantage de revenus,
la hausse de la consommation est peu probable et, en tous cas, limitée. On peut même penser à
des effets négatifs sur certains emplois : par exemple, si le temps de travail diminue, les jeunes
enfants peuvent être confiés moins longtemps à leurs nounous, ce qui diminue l'emploi de celles-ci.
Globalement, il est donc probable que la diminution de la durée du travail issue des gains de
productivité n'a pas d'effet direct sur l'emploi. Evidemment, si l'on diminue sensiblement le temps de
travail sans que la productivité n'augmente, il faudra bien augmenter l'emploi si l'on veut continuer à
fabriquer les mêmes quantités. Notons qu'entre 1950 et 1980, en France, la durée du travail a
considérablement diminué (pas seulement sur la semaine, mais surtout sur la vie) sans
empêcher la forte hausse des salaires réels : cela s'explique par les très forts gains de
Page 10/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
productivité réalisés sur cette période qui ont permis à la fois d'augmenter les salaires et de
diminuer le temps de travail.
Ces raisonnements sont évidemment théoriques. Dans la réalité, les choses ne sont jamais si simples.
Mais ils montrent clairement que le progrès technique, en lui-même, n'est pas destructeur, globalement,
d'emplois : même s'il en détruit certains, c'est pour en créer d'autres (et davantage) ailleurs. L'élément
essentiel est l'extension des marchés qui repose sur l'augmentation de la demande : le progrès
technique crée des emplois dans la mesure où il permet d'accroître les quantités produites et
vendues . Et on a vu que toutes les utilisations des gains de productivité ne sont pas équivalentes du point
de vue des effets sur l'emploi. Concrètement, dans un pays donné, à un moment donné, les effets du
progrès technique sur l'emploi vont dépendre de la façon dont les gains de productivité sont utilisés et du
poids respectif de chacun de ces usages. Mais ces effets dépendent aussi des conditions qui règnent sur les
marchés, marché des biens et services et marché du travail. Au total, du chômage peut donc apparaître .
Page 11/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
2.2.1 - Le progrès technique, parce qu'il est inégal, déplace la main d'oeuvre des
secteurs primaire et secondaire vers le secteur tertiaire.
Le progrès technique ne se fait pas dans tous les secteurs au même rythme, autrement dit, les gains de
productivité sont variables selon les secteurs de l'activité économique. De la même manière, la demande
n'augmente pas aussi vite pour tous les biens et services. Cela a des conséquences directes sur la
structure de l'emploi par secteur d'activité , conséquences que nous allons expliquer en comparant le
rythme de croissance des gains de productivité avec celui de la demande dans chaque secteur.
Titre : Répartition de l'emploi par secteur d'activité en France (en % de la population active occupée)
Secteur primaire 30 16 6 4 4
Secteur secondaire 33 37 29 25 23
Secteur tertiaire 37 47 65 71 73
Source : Jean-Pierre DELAS, Economie contemporaine, Ellipses, 2001 et T.E.F.2002-2003 pour l'année
2001.
• Dans le secteur primaire, la demande augmente peu alors que les gains de productivité sont très
forts, donc l'emploi se réduit.
La demande a une assez faible élasticité, que ce soit par rapport au revenu ou par rapport aux prix.
Cela signifie que même si les prix des produits agricoles baissent ou si notre revenu augmente, nous
ne consommons pas beaucoup plus de produits agricoles, et cela parce que nous mangeons en
général à notre faim depuis longtemps et parce que les produits du secteur primaire sont de moins
en moins utilisés dans l'industrie. Pourtant, dans l'agriculture, la productivité a augmenté très
rapidement depuis le milieu du 20ème siècle. Le résultat logique, c'est que l'agriculture s'est
retrouvée avec trop de bras, il a fallu que les agriculteurs, et encore plus les fils d'agriculteurs,
quittent les campagnes. Le nombre d'emplois dans l'agriculture a chuté et sa part dans la population
active n'atteint même pas 3% aujourd'hui en France.
• Dans l'industrie, la productivité a beaucoup augmenté, mais, jusqu'à la fin des années 60, la
demande a elle aussi beaucoup augmenté.
De 1945 à 1975, c'était la période d'équipement des ménages en voiture, en électro-ménager, etc.
Résultat : l'emploi dans le secteur secondaire a continué de se développer jusqu'à la fin des années
60.Depuis, la demande a progressé moins vite (on a surtout une demande de remplacement pour
les produits " habituels ", avec une demande augmentant rapidement pour les produits nouveaux,
comme cela a été le cas des magnétoscopes, par exemple) alors que la productivité a continué
d'augmenter rapidement. La part du secteur secondaire dans l'emploi s'est alors mise à diminuer.
Page 12/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Aujourd'hui, si l'on inclut le bâtiment dans le secteur secondaire, celui-ci représente environ le quart
de la population active en France.
• Dans le tertiaire, c'est-à -dire les activités de services, les gains de productivité ont été faibles tandis
que la demande s'est accrue fortement, donc l'emploi s'est développé.
• Pendant très longtemps la croissance de la productivité a été lente dans les services car il
était difficile de mécaniser ou d'y automatiser la production. Par exemple, une fois inventée
la machine à écrire (ce qui est déjà assez ancien), la secrétaire n'arrivait pas à augmenter
beaucoup sa production de lettres ; s'il y avait plus de lettres à taper, il fallait forcément
embaucher une autre secrétaire. Par contre, la demande de services est très élastique ,
c'est-à -dire qu'elle augmente rapidement quand les revenus augmentent ( lois d'Engel ).
Les revenus ont augmenté rapidement dans les années 60 et 70, la consommation de
services aussi et le tertiaire a massivement embauché puisque la productivité n'augmentait
que doucement. A. Sauvy a parlé de " déversement " pour désigner ce phénomène de
gonflement du tertiaire qui créait des emplois compensant ceux qui étaient supprimés
ailleurs. Ainsi la santé, l'éducation, les loisirs ont massivement créé des emplois.
• Aujourd'hui, les choses sont moins simples. D'abord parce que le progrès technique
concerne maintenant beaucoup plus les services, au moins certains, qu'avant. La
productivité a donc beaucoup augmenté dans les services reposant sur la production
d'informations et la communication, comme les banques ou les assurances, grâce à
l'informatique. Les créations d'emplois dans ces branches se sont beaucoup ralenties ,
voire se sont arrêtées. D'autre part, depuis 20 ans, les revenus ont relativement peu
augmenté et donc la demande de services, toujours en croissance, augmente moins
qu'avant. Les services bien que créant globalement des emplois ne peuvent plus absorber
tous les emplois supprimés ailleurs. Aujourd'hui, en France, le secteur tertiaire représente
environ 70% de la population active.
Les transformations structurelles de l'emploi à long terme sont très importantes et directement liées au
rythme différentiel que connaît le progrès technique dans les différents secteurs. Mais elles dépendent tout
autant du rythme de progression de la demande, lui aussi très variable selon les branches. C'est donc en
comparant les deux évolutions qu'on arrive à comprendre les transformations structurelles de
l'emploi par secteur.
Soulignons que la structure des emplois par branche ou par secteur n'est pas le résultat de la volonté
des uns ou des autres : ce n'est pas parce que le métier d'agriculteur est trop dur que plus personne ne
veut être agriculteur, mais parce que pour produire une quantité en croissance assez lente, il y a moins
besoin de personnes du fait de la forte hausse de la productivité agricole. Ce n'est pas parce que les
femmes ont envie de travailler dans les services que les emplois dans les services se développent. C'est
parce que la demande de services augmente rapidement alors que la productivité augmente nettement
moins vite. Comme les emplois dans les services sont plus nombreux justement au moment où des femmes
bien plus nombreuses souhaitent exercer une activité professionnelle rémunérée, les femmes vont
massivement travailler dans les services. Il faut veiller à ne pas renverser les causalités !
Page 13/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
d'emplois pas ou peu qualifiés n'a pas diminué en France depuis 1960 : si l'on ajoute les
effectifs des employés à ceux des ouvriers, on a une part remarquablement stable dans la
population active (un peu moins de 60% de la population active). On a donc plutôt qu'une
diminution du nombre des emplois non qualifiés un transfert vers les services , et donc vers la
catégorie des employés.
• On observe parallèlement un développement des catégories socio-professionnelles qualifiées
(professions intermédiaires et cadres et professions intellectuelles supérieures), en nombre et en
part dans la population active.
Comment peut-on avoir à la fois une quasi stabilité de la part des C.S.P. peu qualifiées et une
hausse de la part des C.S.P. qualifiées dans un total qui, évidemment, fait toujours 100% ? Cela
s'explique par le fait qu'il s'agit dans les deux cas de C.S.P. salariées. Or il existe aussi des C.S.P.
non salariées (agriculteurs exploitants et commerçants, artisans, chefs d'entreprise) dont la part
dans les effectifs a, elle, fortement diminué depuis 50 ans. L'accroissement de la part des C.S.P.
qualifiées dans la population active accompagne le développement du progrès technique en
rendant possible sa mise en oeuvre .
Il est donc difficile de soutenir que le progrès technique déqualifie le travail puisque la part des
emplois qualifiés a augmenté dans la population active. Mais on ne peut pas dire non plus qu'il le
qualifie : la proportion d'emplois non qualifiés reste stable, même si on en trouve davantage aujourd'hui
dans le tertiaire que dans le secondaire. Nous n'avons pas non plus parlé du coût humain qu'impliquent
parfois ces transformations : il n'est pas facile à un individu de changer de secteur d'activité et/ou de
qualification quand son emploi est touché par le progrès technique. Nous y reviendrons dans la suite du
programme.
2.3.1 - La flexibilité du travail peut prendre des formes multiples, mais qui visent
toujours à adapter le travail aux besoins des entreprises.
Les entreprises vont chercher à organiser le travail de manière à pouvoir répondre aux exigences de la
croissance économique. Pour cela, elles peuvent d'abord faire varier la quantité de travail qu'elles utilisent
en fonction de leurs besoins, c'est ce qu'on appelle la flexibilité quantitative , tandis que la flexibilité
qualitative consiste à faire varier les tâches accomplies par les travailleurs. Cette flexibilité peut être
obtenue en recourant à des services extérieurs à l'entreprise (marché du travail ou sous-traitance), on parle
alors de flexibilité externe . La flexibilité interne , elle, est obtenue par un assouplissement des règles de
l'organisation du travail dans l'entreprise.
• On parle de flexibilité quantitative externe quand l'entreprise fait varier le volume de sa main
d'oeuvre en recourant au marché du travail. A court terme, face à une variation de son activité,
par exemple une chocolaterie avant Noël, une entreprise peut embaucher en Contrat à Durée
Déterminée (CDD) ou recourir à des intérimaires. Ainsi, quand l'activité reviendra à son niveau
normal, l'entre prise n'aura pas à licencier, puisque ces embauches auront été prévues pour la durée
de la suractivité. CDD et intérim permettent donc à l'entreprise de faire varier le nombre de ses
salariés en fonction de ses besoins, mais sans avoir à supporter le coût et les tracas administratifs
Page 14/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
liés à des licenciements. Pour améliorer la flexibilité quantitative externe, on peut également
assouplir les règles de licenciement, en le rendant moins coûteux, en raccourcissant les procédures
et en diminuant les possibilités de contestation. Ce type d'assouplissements est régulièrement
réclamé par le patronat français.
• La flexibilité quantitative interne consiste à faire varier le temps de travail au cours de l'année.
Cette flexibilité peut être obtenue par le recours aux heures supplémentaires, mais cela coûte cher à
l'entreprise parce qu'elle doit payer ces heures plus cher que les autres. L'autre possibilité est
l'annualisation du temps de travail, qui n'est plus définit sur la semaine (35 h) mais sur l'année (1600
h). En fonction des commandes ou de la charge de travail prévisible pour la semaine à venir, les
travailleurs auront à accomplir une durée du travail différente. Selon les entreprises, cette durée peut
varier entre 0 heure et 48, voire 52 heures. Il peut alors y avoir une très grande flexibilité du temps
de travail pour les salariés. Une autre possibilité, en particulier dans les services en contact avec la
clientèle, est d'embaucher à temps partiel, et de recourir aux heures complémentaires juste pour les
moments où il y a plus de clients.
• La flexibilité qualitative interne consiste à faire accomplir successivement plusieurs tâches
différentes par le même salarié, en fonction des besoins. C'est ce qu'on appelle aussi la
polyvalence des travailleurs. Un exemple typique est donné par le chef de rayon d'un supermarché
qui peut être amené à tenir une caisse en cas d'affluence de client, ou par le gérant d'un hôtel qui
passe de l'accueil des clients, à la comptabilité, voire au service des repas. On note au passage que
cette polyvalence remet en cause, dans une certaine mesure, la division horizontale du travail !
• L' externalisation , consiste à faire exécuter certaines tâches annexes de la production par des
entreprises extérieures. L'entreprise se concentre sur les tâches essentielles à sa production, celle
qui réclament un savoir-faire particulier, et délègue le reste à des prestataires de services .
Prenons un exemple. La RATP, entreprise des transports collectifs parisiens, a depuis longtemps
externalisé le nettoyage du métro parisien : auparavant, les agents de nettoyage étaient embauchés
par la RATP, bénéficiaient donc du statut RATP en particulier pour les salaires et les horaires de
travail. Depuis l'externalisation, ce sont des entreprises de nettoyage privées qui assurent le ménage
du métro. Les agents de nettoyage ont donc changé de statut en même temps que d'employeur. Ils
appartiennent à des entreprises beaucoup plus petites, en concurrence (le nettoyage est assuré par
des sociétés différentes selon la station de métro). On voit bien l'intérêt que la RATP retire de cette
externalisation : elle a moins d'employés à gérer, elle se contente de passer un contrat commercial
avec les entreprises de nettoyage et celui-ci est plus facile à rompre qu'un contrat de travail ! Ce
sont ces entreprises qui se débrouillent pour fixer les conditions de travail et de rémunération de leur
personnel. En cas de mécontentement, le personnel s'adressera à elles et non plus à la RATP. Ce
raisonnement, qui débouche sur l'externalisation, peut être fait à propos de nombreuses activités
dans l'entreprise. Ainsi les tâches de formation ou de recherche, celles de gardiennage ou de
nettoyage, le calcul des paies, peuvent être externalisées.
Flexibilité quantitative externe et interne, flexibilité qualitative, externalisation sont donc les quatre grands
types de flexibilité auxquelles peuvent avoir recours les entreprises aujourd'hui. Nous avons à chaque fois
présenté les modalités les plus fréquemment utilisées, mais il peut y en avoir d'autres.
Page 15/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
"pointes" d'activité. Mais le reste du temps, ces travailleurs seront sous-employés. De même, la
polyvalence permet de faire passer un travailleur d'une tâche à l'autre quand il n'a plus rien à faire.
• Plus généralement, la flexibilité permet une meilleure affectation des ressources de l'économie
. La flexibilité permet une circulation plus fluide des travailleurs des entreprises ou des secteurs qui
stagnent vers les entreprises et les secteurs qui se développent. Si les travailleurs restaient rivés à
leur poste d'origine, les difficultés des entreprises confrontées à un ralentissement de leur activité
seraient accrues, tandis que celles qui se développent et embauchent pourraient ne pas trouver la
main d'oeuvre qui leur fait défaut. Cette fluidité peut être très importante pour faire face et favoriser
l'innovation : rappelez-vous que le progrès technique fait sans cesse apparaître et disparaître
des activités, ce qui suppose un redéploiement permanent des ressources productives,
capital, bien sûr, mais aussi travail.
L'intérêt de la flexibilité est donc fondamentalement de donner les moyens d'une réorganisation continue de
l'économie en fonction des évolutions. Une économie totalement rigide serait une économie qui n'évolue
pas, qui ne connaît pas le progrès technique ni les changements sociaux. Ce n'est bien sûr pas
envisageable, mais la vraie question est celle du degré de flexibilité qu'il est souhaitable d'avoir dans
une société. C'est pourquoi il faut maintenant s'intéresser aux effets pervers de la flexibilité.
2.3.3 - Mais la flexibilité peut aussi avoir des effets néfastes pour les salariés et
même, dans certains cas, faire obstacle à la croissance.
La flexibilité du travail est aussi vigoureusement combattue par certains, notamment les syndicats de
salariés. Ceux-ci reproche à la flexibilité de plus servir les intérêts des seules entreprises que de favoriser la
croissance. Bien plus, la flexibilité, estiment certains économistes, peut aussi avoir des conséquences
nuisibles sur la croissance économique. C'est ce que nous appelons les "effets pervers" de la flexibilité et
que nous allons présenter maintenant.
• La flexibilité peut être utilisée par les entreprises pour contourner le droit du travail et les
conventions collectives. Par exemple, les CDD et l'intérim sont aussi utilisés non pas pour adapter la
quantité de travail aux besoins, mais pour réduire les protections accordées aux travailleurs : dans
ces cas-là , l'entreprise a toujours la possibilité de se débarrasser du salarié quand son contrat arrive
à terme. On imagine aisément la pression que cela permet d'exercer sur le salarié. Récemment,
une grande entreprise automobile française a été condamnée par la justice pour avoir recours au
CDD de façon permanente : ce n'était donc pas un moyen de s'adapter à la demande, mais
bien un mode de gestion de la main d'oeuvre .
• La flexibilité peut aussi avoir des effets négatifs sur la productivité des travailleurs dans
l'entreprise. Quand le travail devient précaire, quand les salariés sentent que l'entreprise peut se
débarrasser d'eux à tout moment, ils ne sont pas incités à s'investir dans leur travail et leur
efficacité peut baisser. De même, si la flexibilité permet d'augmenter la productivité des travailleurs,
cette intensification du travail a aussi des limites : l'accumulation de fatigue et de stress peut
conduire à des arrêts maladie ou des accidents du travail. Enfin, quand les salariés ne restent
pas dans l'entreprise, il n'ont pas le temps de développer et d'acquérir des savoir faire . C'est
donc la performance globale des travailleurs qui peut s'en ressentir.
• La précarisation du travail peut avoir des effets néfastes sur la croissance économique . La
flexibilité du travail, quand elle se traduit par une précarité pour les travailleurs, peut affecter leur
propension à consommer et à investir. En effet, sans travail stable, on est incité à épargner pour le
cas où l'on perdrait son emploi. De même, sans emploi à durée indéterminée, il est très difficile
d'obtenir un prêt auprès d'une banque pour acheter un logement ou faire construire une maison. En
pesant sur la consommation et l'investissement des ménages, la flexibilité peut donc ralentir
la croissance économique.
On le voit, la flexibilité du travail présente aussi des inconvénients majeurs, qui peuvent même annuler ses
effets positifs. Le problème est donc de réguler l'usage de la flexibilité par les entreprises pour en
limiter les effets pervers.
Page 16/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Au total, la flexibilité du travail est-elle une bonne ou une mauvaise chose pour l'économie ? On voit bien
qu'il n'est pas possible de répondre de façon simple à une telle question. La flexibilité est avantageuse pour
certains et coûteuse pour d'autres. Elle est sans doute nécessaire au bon fonctionnement d'une économie,
mais il faut trouver des compensations et des modalités d'application qui la rendent acceptable aux yeux des
salariés.
Conclusion.
Qu'avons-nous appris dans ce chapitre ?
L'importance du travail et de son organisation pour expliquer la croissance, le rôle moteur du progrès
technique dans l'efficacité grandissante du travail. Mais nous avons vu aussi que l'adéquation entre l'offre
(sur laquelle le progrès technique agit) et la demande de biens (qui dépend entre autres du pouvoir d'achat
et de la répartition de la valeur ajoutée) n'était pas toujours simple. Résultat : du chômage peut se
développer quand les mécanismes ne peuvent pas dérouler tous leurs effets. Nous avons laissé de côté
beaucoup d'aspects liés à ces transformations : les conflits qui peuvent naître à propos de la répartition des
gains de productivité, les effets sociaux de la précarisation de l'emploi et de la flexibilité grandissante de la
gestion de la main d'oeuvre, etc Cependant, la croissance économique et le développement, s'ils sont bien
le résultat de la combinaison du travail et du capital, comme nous l'avons vu jusqu'ici, sont aussi, et à la fois,
facteurs et résultats des changements sociaux qui les accompagnent. Nous allons donc nous intéresser
maintenant, dans la deuxième partie du programme, au changement social tel que nous l'avons défini dans
l'introduction.
Page 17/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Introduction
Vous avez vu en classe de première que les sociétés, toutes les sociétés, sont constituées de groupes
sociaux et que ce sont les liens, aussi bien entre membres d'un même groupe qu'entre membres de
groupes différents, qui constituent la vie sociale.
Ces groupes ne sont pas juxtaposés les uns à côté des autres, ils sont hiérarchisés et entretiennent donc
des relations marquées par la domination de certains et les inégalités et les différences existant entre les
membres des différents groupes.
Dans les sociétés modernes, ces groupes ne sont pas étanches (il y a toujours une certaine circulation
d'individus entre les groupes). De même, au cours du temps, les groupes et leur hiérarchie (et donc les
inégalités) se transforment. C'est un des aspects manifestes du changement social (ou de la dynamique
sociale).
Nous allons donc partir de ce constat et nous demander comment et en quoi la stratification sociale se
transforme au cours du temps. Puis nous nous demanderons dans quelle mesure les individus peuvent
circuler entre les groupes sociaux : c'est la question de la mobilité sociale. En effet, vous savez bien que
les privilèges ont été abolis en France à la Révolution et qu'on n'hérite plus automatiquement de la position
sociale de son père. Mais y a-t-il pour autant une réelle mobilité sociale ?
La persistance des inégalités et la difficulté de la mobilité sociale posent une question fondamentale à
nos démocraties : comment assurer l'égalité des citoyens, l'égalité réelle et non l'égalité formelle des
droits (qui est inscrite dans la Constitution) ? Mais avant de répondre à cette question, il faudra réfléchir au
contenu même de la notion d'égalité : la société recherche-t-elle l'égalité ou la justice, n'y a-t-il pas des
inégalités justes ? Mais alors, qu'est-ce que nos sociétés appellent " justes ", quels sont les critères de
ce qui est ressenti comme " juste " dans notre société ? Vous le voyez, on est ici dans le domaine des
valeurs. Nous aborderons toutes ces questions dans la dernière partie de notre chapitre quand nous nous
réfèrerons à ce que l'on appelle " l'idéal égalitaire " dans les sociétés démocratiques.
Page 1/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
l'échelle, d'autres " en bas ", certains " au-dessus ", d'autres " en dessous ". Il y a donc un classement des
différents groupes sociaux. La hiérarchie sociale repose sur des jugements collectifs (pas individuels) de
valeur : par exemple, dans notre société, il " vaut mieux " (du verbe valoir, même racine évidemment que
" valeur ") être médecin qu'instituteur. C'est socialement plus valorisé. Le médecin aura donc plus de
richesses, plus de pouvoir, plus de reconnaissance sociale que l'instituteur. Cela ne préjuge en rien de
l'utilité réelle de leur fonction. Cela signifie simplement que notre société accorde plus de valeur sociale à la
fonction de médecin qu'à celle d'instituteur, de même qu'elle en accorde plus à celle d'instituteur qu'à celle
d'éboueur : on va dire qu'il y a une inégalité entre le groupe des médecins et celui des instituteurs (pas
seulement une différence). Une inégalité, c'est une différence qui se traduit en termes d'avantage et de
désavantage et qui fonde donc une hiérarchie. Ainsi la couleur des cheveux peut différencier deux
individus, mais, en règle générale, cette différence ne constitue pas la base d'une inégalité, ce qui n'est pas
le cas de la couleur de la peau dans de nombreuses sociétés. D'ailleurs, si on associe inégalités et
stratification sociale, c'est précisément parce que l'existence de groupes hiérarchisés se voit à travers les
inégalités qui les caractérisent.
Ceci étant, demandons-nous maintenant quelles sont les inégalités actuelles en nous appuyant ici
essentiellement sur l'exemple français, même si la question des inégalités mondiales et au sein des pays en
développement est tout aussi importante. Il faut souligner tout de suite que les inégalités ne sont pas
qu'économiques, même si les inégalités économiques sont sans doute les mieux connues, ce qui ne prouve
en rien qu'elles sont les plus importantes.
Page 2/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
ces derniers sont surtout perçus par les ménages les plus riches, ce qui a accru l'écart entre eux et
le reste de la population.
• Les inégalités de patrimoine sont les inégalités économiques les plus fortes.
Pour le patrimoine, on observe que 20 % de la population ne disposent d'aucun patrimoine. Dans
ces conditions, il devient difficile de mesurer un écart … Il vaut mieux parler de gouffre ! Par ailleurs,
le patrimoine provient de l'épargne des individus. Or, la capacité d'épargne augmente plus vite que
le revenu : une personne qui gagne 1000€ par mois en consommera sans doute 950 et aura donc
50€ d'épargne ; tandis qu'une personne gagnant 2000€ par mois, parce que ses besoins sont bien
satisfaits, consommera une moins grande part de son revenu et pourra épargner
proportionnellement plus, mettons 400€. L'écart entre les deux montants d'épargne est de 1 à 8
quand l'écart entre les revenus n'est que de 1 à 2. Cela explique en partie pourquoi les inégalités de
patrimoine sont nécessairement plus fortes que les inégalités de revenus. On peut ainsi estimer que,
en ce qui concerne les patrimoines, le rapport interdécile (D9/D1) est au moins de 1 à 70, c'est-à
-dire que la limite supérieure du patrimoine détenu par le neuvième décile des ménages est 70 fois
plus élevée que celle du premier décile. Ces inégalités se sont accrues ces 20 dernières années à
cause de la hausse du prix des actifs patrimoniaux (c'est-à -dire les titres ou les biens possédés par
les ménages, comme les actions, les obligations, les logements, …).
En conclusion, les inégalités économiques telles qu'on peut les mesurer restent importantes, ne se
réduisent plus, voire s'accroissent. Cependant, comparativement aux autres pays développés, la situation
française n'est pas particulière : du point de vue des écarts de salaire, par exemple, la France se situe dans
une position moyenne par rapport aux autres grands pays développés. Et les inégalités se sont beaucoup
plus accrues en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis qu'en France depuis le début des années 1980.
1.1.3 - Les inégalités sociales ne sont pas seulement la conséquence des inégalités
économiques.
Les inégalités sociales peuvent être la conséquence des inégalités économiques : par exemple, les
inégalités quant à la taille ou au confort des logements découlent bien naturellement d'inégalités de
revenus. Cependant, il y a des inégalités qui ne sont pas la conséquence d'un écart de revenu ou de
patrimoine, c'est-à -dire que la société valorise des différences autres qu'économiques. Nous allons en
donner quelques exemples.
• Les inégalités entre hommes et femmes. Elles ont des formes diverses, mais dans tous les cas,
c'est le genre (masculin / féminin) qui fonde la hiérarchisation et l'inégalité qui en découle. La place
des femmes dans la société est marquée par la domination masculine héritée du passé. Les
inégalités se vivent d'abord dans la sphère privée : ainsi, la répartition des tâches domestiques
reste-t-elle marquée par une profonde inégalité (les changements sont extrêmement lents, à l'heure
actuelle, on estime que les femmes assurent plus des 2/3 des tâches domestiques, on parle de
" double journée de travail " pour les femmes actives occupées) qui ne consiste pas seulement en
plus de temps passé par les femmes mais aussi au fait que ce sont elles qui effectuent les tâches
les moins épanouissantes (lavage du linge, nettoyage des toilettes et des salles de bain, etc.) alors
que les hommes font des tâches plus valorisées (jardinage, bricolage, accompagnement des
enfants, etc.). Ces inégalités se vivent aussi à l'école : malgré des résultats scolaires meilleurs pour
les filles (à tous les niveaux de l'enseignement), les orientations les plus valorisées socialement
(série scientifique, classes préparatoires aux grandes écoles) restent, majoritairement, l'apanage des
garçons. Elles se vivent encore dans la sphère professionnelle : le salaire des femmes est le plus
souvent considéré comme un salaire " d'appoint ", c'est-à -dire s'ajoutant à celui de l'homme, il peut
donc être plus faible (alors que de plus en plus de femmes vivent seules et que, de toutes façons, il
n'y a aucune raison pour considérer que le travail est moins important pour une femme que pour un
homme, même si l'identité masculine se construit sur l'activité professionnelle) ; les femmes ont du
mal à accéder aux postes de responsabilité malgré leur niveau de diplôme. Elles se vivent enfin
dans le domaine politique où, malgré la loi sur la parité, le nombre d'élues (en particulier aux
scrutins nationaux) est, proportionnellement au nombre de femmes dans la société, extrêmement
faible. Il faut aussi dire que ces inégalités font système. Qu'entend-on par là ? Les inégalités
Page 3/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
s'enchaînent les unes aux autres et on finit par avoir du mal à savoir quelle inégalité est à l'origine
des autres. On va le montrer en donnant des exemples. Il est ainsi très rationnel que ce soit la
femme, dans un couple, qui garde les enfants quand ils sont malades (elle perdra alors en général
son salaire pour ces jours d'absence) car, comme elle est moins payée que son conjoint, le ménage
perdra moins d'argent en faisant ce choix (qui n'est donc pas forcément lié au fait que la mère
saurait mieux s'occuper d'un enfant malade que le père, même si le couple le pense souvent,
l'argument économique ne jouant souvent qu'à la marge). On pourra ensuite dire que le salaire des
femmes est inférieur à celui des hommes, ou qu'on ne leur donne pas de responsabilité, car " elles
sont tout le temps absentes ". De la même manière, les femmes refusent parfois des postes de
responsabilité parce qu'elles savent que les réunions auront lieu justement à l'heure où elles
" doivent " être à la maison pour s'occuper des enfants rentrés de l'école, du fait de la répartition
inégalitaire des tâches domestiques. De ce fait, on continue dans l'entreprise à programmer les
réunions à 17h30, par exemple, et les hommes participant à ces réunions ne pourront pas (même
s'ils le souhaitaient) prendre leur part des tâches domestiques, ce qui contribue à perpétuer le
partage inégalitaire des tâches, et la boucle est bouclée !
• Les inégalités devant la mort. Alors même que l'accès aux soins médicaux est garanti à tous (en
France, toujours), on meurt plus jeune quand on est ouvrier non qualifié que quand on est cadre.
Ainsi, entre 1982 et 1996, le nombre de décès observés chez les ouvriers non qualifiés de 30 à 75
ans a été 30 % plus élevé que si leur mortalité avait été la même que celle de l'ensemble de la
population, et celui des décès observés chez les cadres de 40 % inférieur à celui qu'il aurait été aux
conditions de mortalité de l'ensemble de la population. L'écart est donc important. Résultat :
l'espérance de vie est moins longue chez les ouvriers que chez les cadres (aujourd'hui, l'espérance
de vie à 35 ans est de 46 ans pour les cadres de la fonction publique et de 37 ans pour les ouvriers
non qualifiés). Ces chiffres sont tirés de A. Mesrine, " Les différences de mortalité par milieu social
restent fortes ", in Données sociales 1999. Rappelons que ces chiffres signifient que les cadres qui
ont 35 ans aujourd'hui ont une chance sur deux d'atteindre ou de dépasser 81 ans (35+46) et les
ouvriers une chance sur deux d'atteindre ou de dépasser 72 ans (35+37), ce qui fait quand même 9
ans de moins en moyenne. Les chiffres montrent aussi des inégalités devant la mort en fonction de
la région où l'on habite.
• Les inégalités de réussite scolaire. L'école est, en France, publique et gratuite donc accessible à
tous également. Pourtant, le genre des études, leur durée, le niveau de diplôme atteint sont assez
nettement corrélés avec l'origine sociale. Donnons-en quelques exemples. Les statistiques du
Ministère de l'Education nationale montrent par exemple qu'en 1996, 80 % des enfants de cadres et
professions intellectuelles supérieures sortis de formation initiale entre 1991 et 1994 ont un diplôme
de l'enseignement supérieur alors que 20 % à peine des enfants d'ouvriers non qualifiés et
d'ouvriers agricoles sont dans cette même situation. Deuxième exemple : en 1993, les enfants de
cadres représentent 48,5 % des étudiants en classes préparatoires aux grandes écoles, les enfants
d'ouvriers 6,8 %, alors que les enfants de cadres représentent 15,8 % des jeunes de 20 à 24 ans et
les enfants d'ouvriers 37,5 %. Il faut ajouter que le diplôme n'est pas valorisé de la même manière
sur le marché du travail selon l'origine sociale : en 1990, 81,1 % des enfants de cadres ayant un
diplôme supérieur à bac + 2 sont eux-mêmes cadres entre 26 et 33 ans ; avec le même diplôme, les
enfants d'artisans et commerçants ne sont que 68,5 % à être eux-mêmes cadres entre 26 et 33 ans.
Nous reparlerons de ces inégalités de réussite scolaire à propos de la mobilité sociale.
On voit bien que toutes les inégalités ne se réduisent pas à la différence de revenu. Bien plus, l'inégalité
économique est souvent la conséquence d'une inégalité sociale, comme dans le cas de l'inégalité entre
hommes et femmes. C'est en cela qu'on peut dire que les inégalités sont multidimensionnelles, ce qui est
une autre façon de dire qu'elles n'ont pas toutes la même origine.
Conclusion : les inégalités dont nous venons de parler sont connues depuis longtemps. Nous avons vu
qu'elles se transformaient au cours du temps (diminution de l'écart des salaires entre 1960 et 1980,
réduction de certaines inégalités hommes-femmes, etc…). Mais il faut aussi se pencher sur la transformation
des groupes sociaux liée à l'évolution des inégalités.
Page 4/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
transforment, il est logique de penser que c'est en lien avec des transformations de la stratification sociale.
Ainsi tout un courant de pensée relie l'atténuation des inégalités visible au cours du 20ème siècle à la
constitution d'une vaste classe moyenne. Et les arguments ne manquent pas pour soutenir cette thèse.
Cependant, nous montrerons qu'on peut observer l'apparition de nouvelles inégalités, brouillant les frontières
traditionnelles entre les groupes sociaux, mais les recomposant plus qu'elle ne les supprimerait.
Page 5/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 6/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
français du fait de la mondialisation ? Pas grand-chose, assurément. On peut donc dire que la
trajectoire individuelle compte de plus en plus pour expliquer les inégalités, en particulier
économiques, observées.
• De nouvelles inégalités apparaissent, liées aux transformations du salariat. La précarisation du
contrat de travail d'un certain nombre de salariés engendre une inégalité qui a d'importantes
conséquences pour la vie quotidienne entre ceux qui ont un emploi stable, sûr (pas seulement les
fonctionnaires) et les autres qui craignent pour leur emploi, quand ils en ont un : ainsi il est beaucoup
plus difficile d'acheter un logement, et même d'en louer un, quand on a un emploi précaire (un CDD,
par exemple) que quand on a un emploi stable. D'autre part, on constate une personnalisation
croissante de la relation d'emploi : c'est la compétence personnelle de l'individu qui lui permet
d'exercer cet emploi, pas, ou de moins en moins, sa simple force de travail qui pouvait être
interchangeable avec celle de son voisin.
• Des inégalités " transversales " (qui traversent les groupes sociaux) sont apparues en tant
que telles. On a déjà parlé des inégalités entre hommes et femmes, on peut parler aussi des
inégalités en fonction de l'âge : toutes les générations n'ont pas et n'auront pas accès aux mêmes
avantages. Ainsi, les jeunes ont-ils aujourd'hui des difficultés majeures pour accéder à un emploi
stable, comme s'il y avait une sorte de " droit d'entrée " à payer (petits boulots, travail quasi non
rémunéré lors des stages, etc.).
Conclusion : les inégalités se transforment plus qu'elles ne disparaissent, accompagnant les
transformations économiques liées à la croissance. Ces transformations contribuent à ce que les inégalités
soient davantage vécues sur le mode individuel que collectif. La frontière des groupes sociaux est de ce fait
beaucoup moins claire. Cela ne signifie pas que la hiérarchie entre les groupes n'existe plus. Et la réduction
des inégalités devient également moins simple dans la mesure où celles-ci ne sont pas clairement attachées
à tel ou tel groupe. La question centrale devient, plus que jamais, celle de l'égalité des chances : comment
assurer à chaque individu dans une société qui se veut égalitaire et démocratique les mêmes chances
d'accès aux ressources valorisées par la société ? La réponse à cette question n'est évidemment pas
simple. Un aspect central de la question est de savoir dans quelle mesure la position sociale des parents
détermine la position sociale des enfants : s'il y a une forte " hérédité " sociale, les inégalités se reproduisent
sans que le mérite des individus soit réellement pris en compte. C'est la question de la mobilité sociale qui
est ainsi posée et que nous allons aborder maintenant.
Page 7/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 8/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
2.2.1 - La société française reste marquée par une forte hérédité sociale.
Pour le montrer, on peut utiliser le tableau suivant donnant les destinées des personnes nées entre 1950 et
1955.
Quelles conclusions peut-on tirer de cet ensemble de chiffres ? L'immobilité sociale peut paraître
relativement faible puisque le pourcentage d'individus mobiles est presque toujours supérieur à 50 (le chiffre
de la diagonale donne la part des immobiles, on peut donc facilement en déduire la part des individus
mobiles). Mais en réalité, l'hérédité sociale, c'est-à -dire la transmission du milieu social du père au fils reste
forte : en effet, les chiffres de la diagonale sont toujours plus élevés que ceux de la ligne " ensemble ". Par
exemple, un fils d'agriculteurs avait en moyenne 5,5 fois plus de chances de devenir agriculteurs que la
moyenne des Français (21,5 contre 3,9). S'il y avait une parfaite égalité des chances, on trouverait les
mêmes chiffres colonne par colonne. Ainsi, puisqu'il y a 15,7% de cadres dans la population (ligne " total ",
colonne " Cadres "), il devrait y avoir 15,7% de cadres parmi les fils de chaque groupe socioprofessionnel.
2.2.2 - Il existe cependant une certaine mobilité sociale, mais inégale selon les
PCS.
Cependant, en reprenant le même tableau, on peut voir qu'il y a une certaine fluidité sociale : si 51,4 % des
fils de cadres deviennent cadres, il y en a quand même 24,4 % qui deviennent professions intermédiaires et
7,1 % ouvriers. Cela nous conduit à constater d'abord que la mobilité sociale n'est pas forcément
ascendante. Mais il faut aussi souligner que la mobilité se fait surtout entre catégories socialement proches,
comme entre cadres et professions intermédiaires, ou entre employés et ouvriers. La CSP qui semble être la
plus mobile est celle des employés puisque 16,7 % des fils d'employés sont restés eux-mêmes employés
alors que 27,2 % sont devenus professions intermédiaires et 29,4 % ouvriers. En revanche, deux catégories
semblent plus nettement immobiles, les cadres et les ouvriers.
Page 9/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
individus (des acteurs, dit-on souvent) ou plutôt le résultat des transformations de la société qui rendent
nécessaires cette mobilité sociale ? C'est le débat entre une analyse de type holiste et une analyse de type
individualisme méthodologique.
Page 10/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
attachés.
2.3.3 - Le rôle de l'école : dans une société où le diplôme devient la clé de l'accès
aux emplois, l'école donne les moyens de la mobilité sociale.
En première analyse, c'est l'école, et l'école seulement, qui peut rendre possible la mobilité ascendante des
enfants originaires de milieux défavorisés. Si faire des études et avoir un diplôme ne garantissent ni un
emploi, ni un statut social, ne pas en faire, ne pas avoir de diplôme, garantit à coup presque sûr pour un
enfant de milieu populaire l'impossibilité de l'ascension sociale : dans les sociétés modernes, le diplôme est
souvent la clé de l'accès à l'emploi et à la promotion dans l'entreprise. Pendant les " Trente Glorieuses ",
dans un contexte de forts changements dans la structure des emplois, avec une progression de la part des
professions intermédiaires et des cadres, c'est l'école qui a permis de trouver parmi les enfants d'ouvriers ou
d'employés ceux qui étaient les plus aptes à exercer ces emplois et qui a donc rendu possible leur
ascension sociale.
Page 11/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Cependant, maintenant que le nombre d'emplois augmente moins vite, la concurrence pour l'accès aux
emplois les plus valorisés socialement s'accroît, surtout que la durée de la scolarisation s'est nettement
allongée, entraînant la progression du nombre de diplômés. Le lien entre diplôme et emploi est de moins en
moins net. Le diplôme des enfants peut être assez nettement supérieur à celui de leurs parents sans que
leur statut social le soit. C'est ce que l'on appelle le paradoxe d'Anderson.
Page 12/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
des parents est déjà élevés, il ne se satisferont pas, comme dans la famille précédente, d'un diplôme de
niveau bac+2, mais bac+5 et plus. De même, ils pousseront leurs enfants dans les cursus les plus sélectifs,
sachant bien que tous les diplôme de haut niveau ne permettent pas d'accéder aux meilleurs emplois et qu'il
faut donc encore bien choisir la filière et le type de formation. Ainsi, il peut y avoir de la part des parents une
stratégie résidentielle : dans quel quartier habiter pour que mes enfants aillent dans tel lycée réputé ? Il y a
aussi une stratégie dans le choix des langues vivantes et des options, l'objectif étant que l'enfant soit dans
une " bonne " classe, etc… Ces stratégies, différentes selon les familles parce que les intérêts ne sont pas
les mêmes, débouchent sur des résultats scolaires différents. Pour Boudon, les acteurs (familles, élèves,
enseignants) ont la possibilité de mener des stratégies personnelles, qui expliquent en partie les inégalités.
2.5.1 - La mobilité sociale n'est pas nécessairement bien vécue par les individus.
La mobilité sociale a paradoxalement des aspects négatifs, d'une part parce que la mise en compétition des
positions sociales crée de l'incertitude, et d'autre part parce qu'elle individualise l'échec et le rend ainsi plus
difficile à supporter.
• La mobilité sociale fait peur parce qu'une société mobile est une société incertaine. On a
tendance à ne considérer que les aspects positifs de la mobilité sociale parce qu'on ne l'envisage
que comme promotion sociale. Or, la mobilité sociale, ça peut être aussi la " démotion ", la
régression dans la hiérarchie sociale. Et cette mobilité descendante est très difficile à accepter pour
les individus. Il faut être psychologiquement très fort pour " repartir de zéro ", et cela est souvent
vécu comme un traumatisme. Une certaine immobilité sociale peut ainsi être vue comme la
contrepartie d'une relative protection contre la compétition. Inversement, la mobilité sociale peut faire
peur parce que chacun voit qu'il peut y gagner mais aussi y perdre beaucoup.
• Dans une société mobile, l'échec est un échec individuel et est plus difficile à accepter.
Paradoxalement, il est psychologiquement plus facile, pour l'individu, de ne pas pouvoir accéder à
une position sociale s'il est victime d'une ségrégation : dans ce cas, l'échec ne peut lui être reproché
puisque la compétition était en quelque sorte " truquée ". Mais échouer dans une société mobile, où
l'origine sociale ne pèse pas sur le destin des personnes renvoie chaque individu à ses propres
insuffisances : s'il échoue, il ne peut en imputer la faute qu'à lui-même. C'est pourquoi l'échec
scolaire est plus mal vécu dans une société où l'accès au diplôme est, au moins en apparence,
démocratisé. Quand l'accès à l'école était réservé aux classes supérieures, ceux qui échouaient
pouvaient toujours se dire que cet échec était d'abord une injustice faite à leur groupe social.
2.5.2 - Une société plus mobile n'est pas forcément plus égalitaire, et la mobilité
peut servir d'alibi à l'inégalité.
Mobilité sociale ne veut pas dire égalité des positions sociales. Il y a là un constat d'évidence, mais qu'il faut
bien rappeler parce que, dans nos sociétés démocratiques, on a tendance à confondre les deux - ce sont en
fait deux formes d'égalité, égalité des chances et égalité des positions, comme on le verra dans la troisième
section. Au-delà , il y a un débat fondamental de philosophie politique : la mobilité sociale permet-elle de
justifier les inégalités ?
• Une société plus mobile n'est pas forcément plus égalitaire : Comme on l'a vu plus haut, la
mobilité sociale désigne les déplacements d'individus entre des positions sociales hiérarchisées,
Page 13/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
donc inégales. Un accroissement de la mobilité sociale ne signifie pas que ces inégalités se
réduisent. Inversement, une société peut être très égalitaire mais n'avoir aucune mobilité sociale :
les individus restent fixés dans des positions sociales très voisines.
• La mobilité sociale peut-elle justifier l'inégalité ? C'est une question très controversée. Les
penseurs les plus libéraux soutiennent généralement que, dès lors que les positions sociales sont
également accessibles pour tous, peu importe qu'elles soient inégales. Les meilleures places seront
occupées par les plus méritants, et l'inégalité ne fait que récompenser les efforts. Inversement,
d'autres soutiennent qu'il importe peu que les positions sociales soient ouvertes si elles restent
inégales. On peut même dénoncer dans la mobilité sociale un moyen de faire oublier l'inégalité : les
individus se démèneront pour atteindre les meilleures places plutôt que de lutter collectivement
contre les inégalités.
On le voit, l'analyse de la mobilité sociale peut déboucher sur le lien entre inégalité et justice sociale, qui fera
l'objet de la section suivante.
Conclusion : Sous la question de la mobilité sociale, il y a donc des enjeux : comment les individus vont-ils
accéder aux positions socialement valorisées ? Est-ce sur la base des mérites personnels ? Est-ce en
fonction de l'origine sociale ? Vous avez là les deux pôles possibles. Mais la réalité conjugue les deux.
L'origine sociale pèse encore largement mais des choix, des stratégies individuels sont toujours possibles.
Ainsi les inégalités qui différencient et hiérarchisent les groupes sociaux entre eux sont pour une part
" héritables ". La question qui se pose est alors une question de légitimité : est-il juste qu'il en soit ainsi ?
C'est à chaque société de le dire en fonction des valeurs qui la sous-tendent. Voyons comment les sociétés
démocratiques abordent cette question.
3.1.1 - Les sociétés démocratiques reposent toujours sur l'idée d'égalité parce
qu'un ordre social ne peut être accepté que s'il repose sur une certaine égalité
entre les individus.
Vous avez sans doute l'habitude d'associer la démocratie à la liberté, notamment la liberté de parole,
d'opinion, et la liberté de vote. Or, vous avez sûrement remarqué que, depuis le début de cette section, nous
associons systématiquement la démocratie à l'égalité. Pourquoi ?
• D'abord parce que la démocratie est elle-même un principe d'égalité. En effet, la règle
démocratique de base (un homme = une voix) est une règle égalitaire, qui dit que, dans le processus
Page 14/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
de la décision publique, chacun dispose du même pouvoir, du même poids. Les avis individuels se
valent et c'est seulement quand une majorité de personnes partage la même opinion qu'ils peuvent
la faire prévaloir.
• Ensuite, parce que le principe égalitaire de la démocratie devient forcément une norme
politique. Quel succès aurait dans une société démocratique une doctrine politique qui accepterait
l'inégalité au profit d'une élite ? Comment rassembler une majorité sur un programme politique qui
ne promettrait pas au plus grand nombre l'accès à un certain bien-être ? Ainsi la démocratie est en
quelque sorte " obligée " de produire de l'idéal égalitaire - même si la définition de celui-ci peut
varier.
3.1.2 - Mais il y a plusieurs façons de définir l'égalité : égalité des droits, égalité
des chances, égalité des situations.
A égalité donc, mais égalité de quoi ? Il est tout à fait nécessaire de poser la question. En effet, on va voir
qu'il y a plusieurs façons de concevoir l'égalité, et que ces différentes conceptions ne sont pas toujours
compatibles. Bien plus, l'égalité dans un domaine entraîne souvent l'inégalité dans un autre : ainsi, le
principe " à travail égal, salaire égal " est un principe égalitaire bien accepté dans nos sociétés, mais qui
débouche sur des inégalités, puisqu'il conduit à ce que les salaires soient inégaux quand le travail n'est pas
le même. Alors de quelle égalité parle-t-on ?
• La première égalité est l'égalité des droits, c'est-à -dire l'égalité devant la loi. Elle consiste à
garantir à chacun le même ensemble de droits, ce qui est légalement possible pour un doit l'être
également pour tous les autres. Les sociétés démocratiques sont nées de l'aspiration à cette forme
d'égalité : la Révolution Française a mis fin aux privilèges de la noblesse et à l'hérédité des
positions. On passe d'une société d'ordres à une société démocratique dans laquelle tous les
individus sont assurés de bénéficier des mêmes droits (même si, rappelons-le, les femmes
françaises n'ont obtenu l'égalité des droits politiques qu'en 1946 !).
• La deuxième forme d'égalité est l'égalité des chances. Non seulement on donne à chacun le
droit d'accéder à n'importe quelle position sociale ou à n'importe quel bien, mais en plus on garantit
à tous les mêmes chances d'accès au départ. C'est une conception de l'égalité bien plus exigeante.
Ainsi, les femmes ont le droit de vote et sont éligibles depuis 1946, mais cela ne leur donne
manifestement pas les mêmes chances d'être élues, puisqu'il n'y a encore aujourd'hui que 12.3 %
de femmes parmi les députés.
• La troisième forme d'égalité est l'égalité des positions, ou égalité réelle. Il s'agit cette fois
d'assurer à chacun non pas les mêmes chances d'accès aux biens et aux positions, mais un même
accès effectif. Par exemple, en matière de revenu, l'égalité réelle consiste non pas à ce que chacun
ait les mêmes chances d'accéder par son mérite aux plus hauts revenus, mais que tous aient des
revenus au moins approximativement égaux. La loi sur la parité en politique vise ainsi à ce que les
femmes prennent effectivement leur place dans la vie politique en imposant non pas l'égalité des
chances dans la compétition électorale, mais bien la parité comme résultat puisqu'elle oblige les
listes de candidats à comporter 50 % de femmes.
On a donc là trois définitions bien différentes de l'égalité. Pour les mémoriser, on peut prendre la métaphore
d'une compétition sportive, par exemple courir le 100 m : il y a égalité des droits si on accorde à chacun le
droit de participer à la course, égalité des chances si on veille à ce que personne ne dispose d'avantage
avant la course (par le dopage ou en mordant sur la ligne de d épart), et égalité réelle si tout le monde arrive
en même temps sur la ligne d'arrivée. On voit bien que ces trois formes d'égalité ne sont pas forcément
compatibles. Ainsi, si l'on veut assurer l'égalité réelle dans le résultat de la course, il faudra imposer des
handicaps aux plus rapides, et l'égalité des chances ne sera plus respectée.
Page 15/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
curieuse, parce que traditionnellement, nous considérons que ce qui est égal est juste. Mais c'est là un
préjugé trompeur, parce que la relation entre égalité et justice sociale est bien plus complexe, comme nous
allons le voir dans un premier temps.
Page 16/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
quel que soit le revenu reviendrait à augmenter de la même façon les revenus des plus riches et
des plus pauvres, ce qui ne réduirait pas les inégalités.
• Les politiques d'aide sociale sont de plus en plus individualisées. Quand on sait que les
inégalités sont plus souvent dues qu'avant aux aléas de l'histoire personnelle des individus, il est
logique de prendre moins de mesures générales dont on a du mal à assurer l'efficacité. Ainsi, le RMI
est-il attribué non seulement sous condition de ressources mais aussi à la condition que le
bénéficiaire signe un contrat personnalisé de réinsertion, dont le contenu peut être très varié d'un
individu à l'autre, pour s'adapter aux besoins et aux possibilités de chacun. De même, le PARE
(plan d'aide au retour à l'emploi), qui permet aux chômeurs de continuer à bénéficier de certaines
allocations, a un contenu individualisé.
• L'Etat mène aussi des politiques de " discrimination positive ", c'est-à -dire des politiques
qui, explicitement, accordent plus à certains individus qu'à d'autres, du fait de leur inégalité
de situation initiale. L'exemple le plus fréquemment cité en France est celui des ZEP (zones
d'éducation prioritaire), dans lesquelles les établissements scolaires bénéficient de moyens
particuliers parce qu'ils scolarisent des élèves " en difficulté ". Ainsi une école primaire en ZEP peut-
elle disposer de 6 instituteurs alors qu'il n'y a que 5 classes, ce qui permet d'assurer des activités
individualisées en fonction des difficultés rencontrées, en dehors du groupe classe. Mais on peut
citer d'autres exemples de politiques de discrimination positive : quand la loi impose l'embauche d'un
certain quota de travailleurs handicapés dans les entreprises, il s'agit bien d'une discrimination
positive (on sait que, dans la réalité, ce quota n'est pas respecté car la loi permet aux entreprises de
se dispenser de cette embauche en versant une certaine somme à un fonds pour l'emploi des
handicapés).
• Enfin, on est amené à repenser la gratuité des services publics. En effet, on sait que ceux-ci
sont en général gratuits du fait qu'ils sont utiles à tous. Mais si les services publics sont gratuits,
cela ne signifie évidemment pas qu'ils ne coûtent rien. Quand un consommateur utilise un service
public, l'Etat paie pour lui le prix de ce service. Si tout le monde utilise également ce service, cela
peut se comprendre. Cela se comprend encore mieux si ce sont ceux qui sont le plus victimes des
inégalités qui l'utilisent le plus. Mais quand ce sont ceux qui disposent déjà de revenus élevés qui
utilisent le plus ce service, cela pose un problème du point de vue de l'équité. On peut donner un
exemple : les étudiants peuvent bénéficier, s'ils ne logent pas chez leurs parents, d'une allocation
logement sans condition de ressources (sauf personnelles : les étudiants qui travaillent, donc qui ont
un salaire, ne peuvent en bénéficier si ce salaire dépasse un certain montant), donc quelles que
soient les ressources de leurs parents. Or, on sait que les enfants de catégories aisées sont sur-
représentés dans la population étudiante. On peut donc se poser la question de la pertinence de
cette allocation du point de vue de l'équité, l'aspect positif de cette allocation étant bien sûr qu'elle
rend possible une certaine indépendance des jeunes vis-à -vis de leur famille. On reviendra sur la
question des services publics plus loin.
Conclusion : La complexité de la notion d'égalité rend donc difficile la définition et la mise en œuvre de
l'idéal égalitiare. Cela débouche sur un débat nécessaire à propos du contenu de la notion de justice sociale
et de la nature de l'intervention de l'Etat pour lutter contre les inégalités.
3.3.1 - L’inégalité est favorable à la croissance parce qu’elle incite les individus
à travailler, à investir et à innover.
Il y a là trois arguments différents soutenant l'idée que les inégalités sont économiquement efficaces. Nous
Page 17/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
3.3.2 - Mais l'inégalité peut aussi décourager l'effort individuel et nuire ainsi à la
croissance économique.
Il peut paraître paradoxal, au vu de ce qu'on a dit précédemment, de soutenir que l'inégalité décourage
l'effort individuel. Il y a pourtant des arguments forts qui peuvent être avancés à l'appui de cette thèse :
• L'inégalité, quand elle est injuste,décourage l'effort bien plus qu'elle ne le favorise. Ainsi,
soutenir que les inégalités de revenus sont la récompense de l'efficacité du travail, c'est supposer
que toutes ces inégalités sont justifiées par des écarts de productivité entre travailleurs. Or, c'est
bien loin d'être le cas en réalité. D'abord parce qu'il est très difficile de mesurer la productivité
individuelle d'un travailleur : l'efficacité d'un individu dépend du travail des autres et il n'est pas
toujours possible de distinguer la part de chacun. Ainsi, la vitesse de travail d'un ouvrier sur une
chaîne de montage dépend de celle de ses collègues, par définition. Ensuite, et c'est d'ailleurs la
Page 18/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
conséquence de cette difficulté d'apprécier la productivité individuelle, les rémunérations sont pour
une bonne part arbitraires, et dépendent de l'histoire, des habitudes, des rapports de force. Il est
donc plus que probable que des inégalités n'ont aucune justification économique. Par exemple,
l'écart de traitement entre un professeur certifié et un professeur agrégé n'est sans doute pas fondé
sur une différence d'efficacité pédagogique.Dans ce cas, les inégalités sont donc injustifiées et ceux
qu'elles défavorisent peuvent se sentir floués et découragés.
• L'inégalité n'a aucune vertu économique s'il n'y a pas égalité des chances. C'est une condition
trop souvent oubliée de l'efficacité économique des inégalités. En effet, si on veut, par les inégalités
de revenus, susciter une émulation entre les individus pour sélectionner les plus capables et les plus
méritants, encore faut-il s'assurer que la compétition est réellement ouverte et équitable. Autrement
dit, la première condition de l'efficacité économique est … l'égalité des chances, la mobilité sociale.
Or, on a vu que celle-ci est assez limitée dans nos sociétés modernes, ce qui peut faire douter de
l'efficacité des inégalités
• L'inégalité décourage l'effort individuel si les rémunérations les plus basses sont trop faibles.
L'inégalité permet de récompenser l'excellence, c'est entendu, mais ce n'est pas parce qu'un
travailleur n'est pas parmi les meilleurs de sa catégorie qu'il a forcément démérité. Par exemple, les
smicards qui sont au bas de l'échelle des salaires en raison de leur faible qualification ou de leur peu
d'expérience ne sont pas pour autant de mauvais travailleurs. Si le SMIC est trop faible, il peut là
encore en résulter un sentiment d'injustice très démobilisateur.
• Une certaine égalité de revenu est nécessaire pour assurer la qualité de la main d'œuvre et
donc sa productivité. Par exemple, une distribution relativement égale des revenus permet à
chaque famille de disposer d'un logement décent et avec un minimum de confort, ce qui favorise la
qualité des études des enfants et donc le niveau de qualification des travailleurs. De même, garantir
un revenu minimum suffisant à chacun peut permettre un accès plus général au système de soin, et
donc améliorer la santé de la population et, indirectement, la productivité du travail (en réduisant
l'absentéisme, en limitant les maladies professionnelles, …).
Que conclure de cette présentation de l'efficacité éventuelle des inégalités pour la croissance ? Au
fond, le débat est sans doute d'abord politique : quelle croissance veut-on ? une croissance rapide quelles
que soient les inégalités qui l'accompagnent, une diminution des inégalités au risque d'un ralentissement de
la croissance ? Les alternatives sont nombreuses et le choix ne devrait relever que d'un débat collectif, un
débat politique au vrai sens du terme. Il faudrait arriver à mettre sur pied un système fiscal qui permette à la
fois de ne pas trop perturber les mécanismes du marché et les incitations qu'il offre aux individus et de
dégager des ressources publiques suffisantes pour lutter contre les inégalités considérées comme injustes
par la société.
En conclusion de ce chapitre, on peut souligner que la tension entre l'idéal égalitaire et l'existence
d'inégalités est inhérente aux démocraties. Celles-ci ont sans cesse à réfléchir et à débattre sur comment
réduire cette tension. Mais la solution ne peut être définitive et le consensus est toujours à reconstruire car
les inégalités comme les valeurs qui sous-tendent l'idéal égalitaire se transforment au cours du temps,
composant ainsi le changement social.
Page 19/19
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Introduction
On vient de voir à quel point les sociétés démocratiques sont traversées par la tension entre les inégalités et
l'idéal égalitaire (chapitre 3). Inutile de dire que ces tensions se traduisent bien souvent dans la réalité par
des conflits. Les conflits vont donc être notre objet d'étude dans ce chapitre.
Pourquoi s'intéresser aux conflits ? A priori, on a souvent tendance à penser que les conflits ne servent à
rien, qu'il vaut mieux les éviter. Ce n'est pas du tout ce que pensent les sociologues : en effet, si l'on réfléchit
à la dynamique sociale, on est bien obligé de se demander comment elle se fait, et on constate en général
que le changement social ne peut se faire qu'à travers des conflits. Ceux-ci ont donc une vertu
essentielle : rendre le changement social possible. En effet, si l'on ne pensait pas que les changements
sont possibles, ce ne serait pas la peine de se battre. Les conflits sociaux, parce qu'ils mettent les individus
dans l'action, contribuent aussi à forger les identités et à développer des solidarités. La première difficulté,
pour vous, dans ce chapitre est donc de devoir envisager les conflits dans un rôle positif. La deuxième
difficulté sera de ne pas oublier que les relations entre changement social et conflits vont dans les deux
sens : certes le changement social entraîne des conflits, mais les conflits entraînent eux aussi du
changement social.
Reste dans cette introduction à définir ce que l'on appelle “ conflits sociaux ”. Un conflit social met en
jeu des acteurs regroupés, il y a donc une dimension collective dans le conflit social. Ces acteurs doivent
avoir entre eux des relations d'interdépendance : s'il n'y a pas ces relations entre eux, il y a peu de chance
qu'il y ait un conflit car il n'y aurait pas d'objet de conflit. Ces relations d'interdépendance sont dans un
rapport de domination, c'est-à -dire que la question du pouvoir est toujours essentielle dans un conflit
social : les acteurs n'ont pas tous le même pouvoir et ils essaient d'user de leurs pouvoirs respectifs pour
obtenir telle ou telle chose. Enfin, et bien sûr, le conflit social a toujours un enjeu – on peut gagner ou
perdre, quelque chose est disputé -, un objet. Cet objet a deux aspects : un aspect matériel, celui qui est
mis en avant, et un aspect plus symbolique (celui qui va “ gagner ” aura montré le pouvoir dont il disposait).
On le voit, le conflit social se situe entre les tensions, qui peuvent toujours exister entre les individus, et la
rupture : il suppose toujours qu'il y a une discussion possible dans le domaine concerné par le conflit, ce qui
n'est pas le cas dans la rupture. Les formes d'action changent au cours du temps, de la même façon que
change la façon dont la société s'organise pour résoudre les conflits.
Après avoir montré comment, depuis le 19ème siècle, les conflits sociaux ont été liés pour l'essentiel aux
transformations du travail et de l'emploi, nous nous interrogerons sur les nouvelles formes des conflits
sociaux aujourd'hui et nous emploierons le terme “ action collective ”. Quelle différence avec l'expression
“ conflits sociaux ” ? Dans l'action collective, des individus se regroupent pour agir, mais pas forcément pour
entrer en conflit directement avec un autre acteur collectif. Cela peut être pour promouvoir des idées, pour
revendiquer des changements très généraux, etc… Autrement dit, les relations d'interdépendance
hiérarchisées ne sont pas toujours présentes, en tout cas pas explicites. L'action collective intègre donc
les conflits sociaux mais englobe aussi d'autres formes d'action.
Page 1/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Nous allons d'abord nous demander comment, concrètement, les conflits sociaux se développent à partir de
la question du travail. Puis, à travers l'étude de la classe ouvrière, nous verrons comment les conflits
engendrent des classes sociales, c'est-à -dire comment le conflit agit sur la structure de la société.
Les conflits sociaux, on l'a dit plus haut, mettent en jeu des acteurs collectifs, des groupes. La mobilisation
de ces groupes ne va pas de soi : comment s'entendre sur les objectifs et les moyens d'action ? Qui
organise et dirige le conflit ? Nous nous interrogerons donc sur les difficultés de “ l'action collective ”. Enfin,
nous aborderons la question des syndicats et nous verrons le rôle complexe qu'ils jouent dans la gestion des
conflits sociaux.
1.1.1 - Les inégalités du monde du travail peuvent déboucher sur des conflits.
Nous avons vu dans le chapitre précédent que les sociétés modernes, et a fortiori les entreprises, sont
traversées par des inégalités nombreuses qui, même si elles tendent à se réduire sur le long terme, restent
encore très importantes. Il y a là un premier motif de conflit dans le monde du travail. Analysons-le plus en
détail :
• Les inégalités suscitent le conflit quand elles ne sont pas acceptées. C'est ce que l'on a vu
dans la troisième section du chapitre précédent – vous pouvez vous y reporter. Les inégalités font
partie du fonctionnement de l'économie, mais on a vu qu'il est très difficile de leur trouver une
justification consensuelle. Il n'est donc pas étonnant que les avantages accordés à une personne ou
à un groupe entraînent la jalousie – ou les justes récriminations ! – de ceux qui en sont privés. Les
inégalités sont souvent l'enjeu des conflits sociaux : on se bat pour accroître la part des salaires
dans la valeur ajoutée au détriment des profits, ou pour améliorer sa rémunération par rapport aux
autres métiers de l'entreprise.
• Mais les inégalités ne suffisent pas à engendrer un conflit social, parce qu'elles peuvent
susciter une compétition entre les individus plutôt qu'entre les groupes. C'est une analyse
somme toute assez classique et assez simple. Si un individu n'est pas satisfait de sa situation
sociale, il peut l'améliorer de deux façons : soit en changeant de position dans la société en obtenant
une promotion individuelle, soit en agissant pour améliorer le sort de tous ceux qui ont la même
position sociale que lui – c'est-à -dire de son groupe social. Dans ce dernier cas, il y a effectivement
un conflit collectif. Mais dans le premier cas, il n'y a qu'une compétition entre individus pour parvenir
aux meilleures places offertes par l'entreprise ou la société. On ne peut pas parler à ce moment-là
de “ conflit social ”.
• La plus ou moins grande mobilité sociale entre les métiers joue aussi sur la capacité de
mobilisation. S'il existe une grande fluidité entre les positions dans l'entreprise, si l'on peut
facilement obtenir une promotion individuelle, alors un individu peut espérer améliorer sa situation
personnelle par son seul mérite, sans agir au profit de l'ensemble de son groupe social. Mais si la
mobilité sociale est faible, si les métiers restent fermés les uns aux autres, alors les revendications
personnelles passeront d'autant plus par une revendication collective. C'est en substance ce que l'on
a vu au chapitre 2 sur la crise du système fordiste : les OS, de plus en plus qualifiés, se sont révoltés
collectivement contre une organisation du travail qui ne leur laissait entrevoir aucune possibilité de
promotion, qui ne témoignait guère de considération pour leurs mérites professionnels.
Vous voyez donc pourquoi les inégalités ne sont pas à elles seules la cause des conflits sociaux. Ce
point-là est important, parce qu'il permet de dissiper un préjugé un peu simpliste qui associe les gros conflits
Page 2/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
aux grosses injustices. Or, ce n'est pas toujours – loin s'en faut ! – là où il y a les plus fortes inégalités qu'il y
a les conflits les plus durs. Par exemple, il y a plusieurs millions de mal logés en France mais on ne les voit
jamais protester.
1.1.2 - Ces inégalités et ces conflits finissent par constituer les individus en
groupes rivaux.
Nous avons abondamment montré dans le chapitre 2 que les différentes organisations du travail aboutissent
toujours à différencier et hiérarchiser les tâches dans l'entreprise, mais cette division horizontale et verticale
du travail est aussi une division des travailleurs, donc une source de conflits potentiels. Comment passe-t-on
de la division au conflit social ? Ce n'est pas si simple qu'on peut le croire. Le point essentiel est que la
division du travail peut renforcer la conscience d'appartenir à un groupe social.
• La division du travail entraîne la différenciation des travailleurs et donc l'émergence
d'identités professionnelles distinctes. Construire son identité professionnelle, c'est revendiquer
certaines appartenances, se reconnaître une certaine position dans le groupe et dans sa hiérarchie,
se sentir différent d'autres individus (n'appartenant pas au groupe, en général). L'identité
professionnelle, c'est aussi les valeurs partagées au sein du collectif de travail, au sein d'un métier.
Ces valeurs peuvent changer en fonction de ce que l'on fait dans l'entreprise (on peut penser à la
solidarité des mineurs face à la pénibilité et la dangerosité de leur métier), mais aussi en fonction de
ce que l'on est (la féminisation d'un métier peut en changer les valeurs).
• Les identités professionnelles deviennent facilement concurrentes dans l'entreprise. On veut
dire par là que les valeurs des groupes sociaux s'opposent sur toutes les questions qui concernent
l'entreprise, et au-delà la société – un peu comme une culture et une contre-culture, revoyez votre
cours de première. Le premier point d'opposition est bien sûr les inégalités de rémunérations.
Chaque groupe a une idée différente de la valeur des métiers, et donc des inégalités “ justes ” ou
“ injustes ” – faut-il par exemple payer plus ceux qui fabriquent le produit ou ceux qui le
commercialisent ? Mais l'opposition s'étend aussi à la façon de gérer l'entreprise : on l'a vu dans le
cas de la fermeture des usines LU dans le nord de la France, où la logique entrepreneuriale de
l'encadrement (recentrer l'activité du groupe sur les productions les plus rentables) s'opposait à la
logique des salariés (maintenir les sites aussi longtemps que possible pour sauvegarder les
emplois). L'affirmation d'une identité professionnelle fait donc non seulement apparaître un
groupe social, mais elle lui donne aussi un adversaire.
• L'organisation matérielle du travail est un autre déterminant de la construction de la
conscience du groupe. Si les individus sont dispersés et travaillent séparément, sans se
rencontrer, il leur sera très difficile de se coordonner pour agir. Marx expliquait ainsi au 19ème siècle
que les paysans français étaient trop dispersés géographiquement pour agir, bien qu'ils aient eu
matière à se révolter. Inversement, le regroupement des ouvriers dans les ateliers puis dans les
grandes usines, où l'on travaille ensemble, fait la pause ensemble, mange ensemble, où l'on se
rencontre en allant au travail et en repartant chez soi, a incontestablement favorisé l'organisation de
la classe ouvrière. Plus près de nous, la connexion des individus sur Internet a facilité la réussite du
mouvement des chercheurs, en permettant la circulation des informations, des mots d'ordre et des
pétitions.
Pour qu'il y ait un conflit du travail, il faut donc qu'il y ait un conflit d'intérêt, autour des inégalités dans
l'entreprise. Il faut aussi qu'il y ait des identités collectives fortement affirmées pour que le conflit prenne
une dimension sociale, et oppose des groupes les uns aux autres. Enfin, il faut que ces groupes se
mobilisent, c'est-à -dire que les individus qui les composent acceptent d'agir ensemble avec des objectifs
communs. Mais la relation entre conflit et identité professionnelle fonctionne également dans l'autre
sens. Ainsi, un conflit peut déboucher sur l'affirmation renouvelée et vivante d'une solidarité retrouvée, et
donc reconstituer un groupe social. Ainsi, le conflit des infirmières, au milieu des années 90, permit à celles-
ci d'affirmer et d'afficher une solidarité qui ne s'était jamais réellement exprimée jusque-là et de s'éprouver
elles-mêmes comme membres d'un collectif de travail.
Page 3/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
1.1.3 - Les conflits portés par ces groupes finissent par déborder du cadre du
travail proprement dit pour concerner l'ensemble de la société --> conflit social.
Dans les chapitres 2 et 3, vous avez trouvé de quoi percevoir et comprendre la réalité de l’opposition entre
les ouvriers d’une part (qui représentent le travail), les dirigeants d’entreprise, les cadres et les contremaîtres
d’autre part (qui représentent directement ou indirectement le capital, et donc les “capitalistes” ou bourgeois,
détenteurs des capitaux). Voyons maintenant comment cette opposition au sein de l’entreprise est devenue
une opposition à l’échelle de la société entière.
• L’opposition entre ouvriers et bourgeoisie a pris une valeur politique. Au début du 20ème siècle,
le clivage entre la gauche et la droite s’est progressivement confondu avec le clivage entre
travailleurs et capitalistes. Au fur et à mesure que les ouvriers devenaient numériquement plus
importants (au détriment notamment des agriculteurs, qui avaient une toute autre vision du monde),
le conflit politique s’est cristallisé sur la question de la propriété, la gauche, représentant les salariés,
voulant “nationaliser” le capital, c’est-à -dire exproprier les capitalistes pour qu’ils ne contrôlent plus
les entreprises, et donc pour résoudre le conflit social par la disparition d’un des adversaires !
Symétriquement, la droite défendait le droit de propriété comme principe, et donc le pouvoir des
actionnaires dans l’entreprise. Moins radicalement, l’enjeu politique entre la droite et la gauche était
aussi l’adoption de lois et de règlements qui limitaient le pouvoir des employeurs sur les salariés
(Semaine de 40h, Congés payés, Droit du travail, protection contre les licenciements, mais aussi
indemnisation du chômage).
• L’opposition entre ouvriers et bourgeoisie a pris une valeur culturelle. Chaque groupe a affirmé
ses valeurs, et son mode de vie. La “culture ouvrière” était nourrie de la fierté du métier :
essentiellement masculin, le travail ouvrier supposait souvent la force physique, des connaissances
et astuces, essentiellement pratiques, qui se transmettaient au sein de l’atelier. La “culture
bourgeoise” était ce qu’on appellerait aujourd’hui la culture savante, celle qu’on transmet à l’école et
à l’université (littérature, musique classique, sciences, beaux-arts, …). Les loisirs des deux groupes
n’étaient pas non plus les mêmes, d’ailleurs l’obtention d’un droit aux congés payés en 1936 avait
une valeur conflictuelle symbolique : jusque-là les vacances étaient l’apanage de la bourgeoisie.
• L’opposition entre ouvriers et bourgeois a engendré une véritable ségrégation sociale. Elle
était visible dans la structure des villes, où les "quartiers ouvriers” – généralement les banlieues où
la périphérie des villes – s’opposaient aux “beaux quartiers” – le centre-ville. Mais on la retrouvait
aussi à l’école, puisque les enfants des classes populaires et supérieures ne fréquentaient pas les
mêmes cursus scolaires. Il a fallu attendre 1975 et la création du collège unique pour que tous les
écoliers suivent la même scolarité obligatoire.
On voit donc que le conflit social, initialement circonscrit à l’entreprise, s’est étendu à toute la société, ce qui
justifie que l’on parle de classes sociales plutôt que de groupes sociaux, puisque les groupes ne
rassemblent plus seulement, par exemple, les ouvriers d’une entreprise, mais tous les ouvriers de la société.
De même, le conflit social mérite l’appellation de “lutte des classes” parce qu’il prend une valeur générale.
1.1.4 - L'analyse du conflit social peut alors être menée en termes de lutte des
classes.
Karl Marx philosophe allemand du 19ème siècle (mais aussi économiste, historien, sociologue) a été un des
premiers à s'intéresser aux conflits sociaux et à les analyser non pas comme le signe d'un dérèglement
social, mais comme la conséquence normale du fonctionnement des sociétés. Il a aussi lié les conflits
sociaux à l'organisation sociale du travail, ce qu'il appelle les “ rapports de production ”. Il est donc logique
de l'évoquer à ce moment du cours. Dans la société contemporaine, le conflit social - la “ lutte des classes ”
dans la terminologie marxiste - oppose les salariés et les capitalistes, propriétaires des entreprises. Le conflit
d'intérêt repose sur une injustice faite aux salariés par les capitalistes – “ l'exploitation ” – et dégénère en
conflit social quand les groupes s'érigent en classes sociales.
• L'analyse de l'exploitation capitaliste. Les capitalistes sont ceux qui possèdent les moyens de
Page 4/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
production (machines, bâtiments, terrains), tandis que les salariés, que Marx appelle les “ prolétaires
”, ne disposent que de leur force de travail. Or, dans la société industrielle, il n'est guère possible de
produire avec son seul travail. Pour vivre, les salariés sont donc obligés de louer leur travail aux
capitalistes, qui s'accaparent la valeur de la production en échange du versement d'un salaire. C'est
le régime du salariat. Marx pense que cette domination des salariés par les capitalistes permet à ces
derniers “ d'exploiter ” les salariés, c'est-à -dire de leur verser un salaire inférieur à la valeur de la
production et de garder la différence, le profit. Comment est-ce possible ? Les salariés ne sont pas
en mesure de réclamer la totalité de la valeur ajoutée produite parce qu'ils ne sont pas organisés, et
que l'employeur peut jouer de la concurrence entre eux. De plus, un volant perpétuel de chômage,
caractéristique des sociétés industrielles (Marx l'appelle “ l'armée de réserve ” capitaliste), attise la
concurrence entre les salariés : les exclus de l'emploi sont toujours prêts à accepter un salaire plus
faible pour retrouver un travail et échapper à la misère. L'existence du profit est donc pour Marx la
conséquence d'un rapport de force, et donc une injustice parce qu'il estime que seul le travail est
source de valeur – une autre façon de dire que la productivité du capital est nulle, aspect très
critiquable et très critiqué de la théorie marxiste.
• La constitution des groupes en classes sociales. Il ne suffit pas d'un conflit d'intérêt pour que l'on
puisse parler de conflit social, il faut encore que les individus partageant une même situation dans
les rapports de production, ici les salariés, aient conscience de leur similitude et s'unissent pour
revendiquer contre un ennemi commun. Ils constituent alors ce que Marx appelle une “ classe
sociale ”. Cette opération n'est pas spontanée, et les conditions de travail déterminent souvent la
capacité des individus à s'unir. Ainsi, Marx note que les petits paysans français du 19ème siècle,
quoiqu'ayant objectivement des intérêts communs, ne constituaient pas une classe sociale parce
que leur dispersion géographique et la concurrence entre eux sur les marchés ou dans
l'appropriation de la terre les empêchaient de s'unir. De même, les ouvriers dans le système
artisanal médiéval, qui étaient logés chez leur patron, étaient plus proches de celui-ci que des autres
ouvriers et n'avaient donc pas de conscience de classe. Mais le développement des grandes usines
au 19ème siècle, rassemblant de nombreux ouvriers soumis à un contrôle hiérarchique très strict,
leur a fait prendre conscience de leur identité professionnelle, et l'habitude de s'opposer aux
employeurs leur a révélé qu'il constituaient une classe sociale. Il leur restait alors à s'organiser en
syndicats, en partis politiques, pour structurer leurs actions revendicatives et défendre leurs intérêts.
De leur côté, les capitalistes procédaient de même, en se structurant en organisations patronales.
L'analyse marxiste théorise donc les conflits du travail comme source principale de conflictualité
dans la société. Mieux, les conflits du travail structurent la société en groupes adverses, organisent
l'identité professionnelle comme la vie politique. Cette vision de la société peut paraître pessimiste, mais
Marx souligne qu'il en est de même à toutes les époques : dans l'antiquité, les maîtres dominaient les
esclaves, et au moyen âge les seigneurs féodaux dominaient les paysans. Il en va de même chaque fois que
la production est organisée de telle sorte qu'un groupe exerce un pouvoir sur un autre.
Page 5/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
1.2.1 - Les mutations du travail ont réduit le poids des ouvriers, brouillé leur
identité professionnelle et diminué leur capacité de mobilisation.
Les transformations du travail et les mutations de la classe ouvrière remettent-elles en cause la division de la
société française en classes sociales antagonistes ? C'est ce que pensent certains sociologues, et nous
allons présenter leurs principaux arguments.
• La diminution de la part des ouvriers dans la population active. Le recensement de mars 1999
en France met en évidence la poursuite du mouvement amorcé dès le milieu des années 1970 : les
ouvriers étaient encore plus de 7 millions en 1982, ils étaient 6.5 millions environ en 1990 et 5.9
millions seulement en 1999. Cela représente une diminution de plus de 15% des effectifs ouvriers
entre 1982 et 1999, alors que, dans le même temps, la population active occupée augmentait.
Résultat : la part de la P.C.S. “ ouvriers ” dans la population active occupée a encore plus nettement
diminué que ses effectifs : elle est passée de 32.8% de la population active occupée en 1982 à
25.6% en 1999 (Insee, recensements de la population), soit une diminution de 22% environ.
Aujourd'hui, la part des ouvriers dans la population active est inférieure à celle des employés.
• La transformation de la nature du travail des ouvriers : la première grande transformation est
que les ouvriers travaillent de plus en plus souvent dans les services, comme les chauffeurs routiers,
par exemple. Ainsi, en 2001, il y a plus d'ouvriers travaillant dans le tertiaire que d'ouvriers
travaillant dans le secondaire (attention, si ce résultat vous étonne parce que vous pensiez que
les ouvriers travaillaient forcément dans le secteur secondaire, cela signifie qu'il faut que vous
revoyiez comment on répartit les actifs occupés dans les trois secteurs d'activité) en France. Ces
ouvriers sont en particulier des ouvriers d'entretien et de maintenance. “ La classe ouvrière est
désormais disséminée dans les rouages de la société de services et non plus soudée au cœur du
système industriel ” (E. Maurin, Sciences humaines n°136, mars 2003). Même dans le secteur
secondaire, les ouvriers font beaucoup moins souvent qu'avant des tâches de production au sens
strict car celles-ci sont de plus en plus automatisées. On a donc un développement des tâches de tri,
d'emballage et de manutention en général d'un côté, et un développement des tâches de
surveillance, contrôle et réglage des machines automatisées d'un autre côté. La deuxième
transformation touche la qualification des ouvriers : la qualification personnelle des ouvriers s'est
plutôt élevée (il y a davantage de diplômes professionnels) mais ils exercent souvent un emploi dont
la qualification est inférieure à celle qu'ils possèdent (31% des salariés embauchés pour un emploi
ne nécessitant pas officiellement de qualification sont titulaires d'un CAP ou d'un BEP). Le nombre
des emplois d'ouvriers non qualifiés avait beaucoup diminué entre 1982 et 1994 mais il a
réaugmenté entre 1994 et 2001. Au total, la part des emplois d'ouvriers qualifiés dans l'ensemble
des emplois ouvriers progresse cependant.
• Taille des entreprises et du collectif de travail : parce que la nature du travail a changé, la taille
des entreprises dans lesquelles travaillent les ouvriers a beaucoup diminué. Cela s'explique d'une
part par l'automatisation des tâches de production proprement dites : certaines usines sont
aujourd'hui quasi “ désertes ”, d'autre part par le fait que les ouvriers travaillent de plus en plus
souvent dans des entreprises du tertiaire qui sont traditionnellement, en moyenne, de taille inférieure
à celle des entreprises industrielles. Le cadre de travail des ouvriers a donc été bouleversé : les
grands rassemblements ouvriers à l'ouverture des grilles de l'usine ne font bien souvent plus partie
de l'expérience vécue par les ouvriers. Mais le fait que la taille de l'entreprise diminue ne signifie pas
que les ouvriers seront plus proches du patron : en règle générale, ces petites entreprises
appartiennent à de grands groupes industriels et financiers et le pouvoir est en général bien loin du
lieu de production.
• Les transformations récentes du travail et de l'emploi (précarisation du travail, suppression de
certains emplois non qualifiés, par exemple d'ouvriers, individualisation de la carrière des salariés,
etc…) agissent aussi sur l'identité professionnelle : les frontières de l'emploi sont plus floues, les
métiers se transforment, les horaires sont “ à la carte ”, l'individu semble triompher et les collectifs
de travail semblent moins englobants, moins contraignants pour les individus, mais aussi moins
protecteurs. L'identité professionnelle semble donc moins “ imposée ” à l'individu qui doit bien
davantage trouver ses repères seul pour la construire. Dans ces conditions, on voit bien que la
Page 6/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
mobilisation en vue d'un conflit sera sans doute plus difficile à obtenir.
• La culture ouvrière recule avec la transformation du travail ouvrier. La précarisation du travail
et l'expérience du chômage (qui touche proportionnellement plus les ouvriers que les autres P.C.S.)
dévalorisent le travail ouvrier, tandis que le changement de la nature du travail ouvrier (moins
directement en contact avec la matière et la production) attaquent directement sa spécificité. De
même, les conditions de vie des ouvriers se sont transformées, semblant rejoindre celles d'une vaste
“ classe moyenne ” : d'une part, les revenus, et donc la consommation, se sont élevés rapidement
durant les années 1960 et 1970, permettant aux ouvriers d'accéder aux biens de consommation
durables comme la télévision, la machine à laver ou l'automobile ; d'autre part, les modes de vie des
ménages ouvriers se sont également transformés par le développement du travail des femmes
d'ouvriers, l'allongement de la durée de scolarisation des enfants d'ouvriers et le développement de
l'accession à la propriété grâce au crédit. Au final, les conditions de vie semblent s'égaliser avec
celles d'autres groupes sociaux et les éléments qui contribuent à forger et à transmettre la culture
ouvrière semblent peu à peu disparaître.
1.2.2 - Cependant, si l'influence politique et sociale des ouvriers est moins nette,
les raisons du conflit avec les classes supérieures restent fortes.
Il faut nuancer le diagnostic d'une disparition de la classe ouvrière, parce qu'il ne s'agit pas d'une disparition
des ouvriers, mais de la perte de leur statut de classe sociale, c'est-à -dire de la capacité à transposer leur
conflit à l'échelle de la société tout entière. De plus, les sources du conflit social, les inégalités, la faible
mobilité sociale, perdurent toujours et même parfois s'aggravent.
• Le poids numérique des ouvriers dans la population française reste important malgré leur
relatif déclin. Le groupe social des ouvriers disparaîtrait, faute de combattants en quelque sorte ?
Ce n'est pas si évident que cela. En effet, aujourd'hui, près d'un tiers des pères de famille sont
ouvriers et 40% des enfants sont élevés dans un ménage où un des deux adultes au moins est
ouvrier. Ce sont des proportions élevées qui montrent que la transmission de la culture ouvrière
reste toujours possible, au moins en partie. D'autre part, il semble bien que la diminution des effectifs
ouvriers soit stoppée depuis deux ou trois ans.
• La faible mobilité sociale enferme encore la classe ouvrière sur elle-même et la coupe des
classes supérieures. Louis Chauvel a montré à quel point depuis 20 ans, la mobilité sociale nette
est faible : les chances de monter dans la hiérarchie sociale, si l'on enlève les effets des
transformations de l'emploi, sont très faibles, et cela malgré la scolarisation allongée des enfants,
ceux des ouvriers en particulier. Aujourd'hui, on observe de plus en plus fréquemment des enfants
qui ont fait des études bien plus longues que celles de leurs parents et qui, pourtant, intègrent le
marché du travail, d'une part bien plus difficilement, d'autre part à un niveau équivalent, voire moins
élevé. Résultat de cette faible mobilité ascendante : l'écart social entre les groupes sociaux a
recommencé à s'accroître. Et ce d'autant plus que, on l'a vu dans le chapitre précédent, l'accès à
l'enseignement supérieur est encore très inégal selon l'origine sociale, au détriment des enfants
d'ouvriers.
• Enfin, les inégalités, y compris matérielles, demeurent importantes. On en a déjà parlé dans le
chapitre précédent mais on peut en reparler ici sous l'angle des classes sociales. Certes les ouvriers
ont accédé dans leur majorité à la consommation de masse, mais la distinction se porte sur de
nouveaux biens et surtout sur les services : les taux de départ en vacances restent très inégaux (et il
ne s'agit pas des mêmes vacances quand il y a départ), l'accès à Internet reste socialement très
inégalement réparti, les cadres ont largement développé leurs consommation de services à domicile
(femmes de ménage, garde d'enfants, …), l'habitat reste spatialement très différencié, etc.
Conclusion : les ouvriers constituent plus certainement un groupe social qu'une classe sociale au sens
marxiste du terme.
Page 7/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
1.3.1 - Si les syndicats ont favorisé l'émergence de conflits sociaux par leur
capacité d'organisation, ils ont également permis de les régler plus facilement
par l'institutionnalisation (des conflits et des organisations).
Voyons concrètement comment le développement des syndicats peut permettre le développement des
conflits sociaux dans les entreprises, et plus généralement au niveau de la société tout entière.
• Les syndicats rassemblent les moyens matériels et humains de l'action collective. L'action
collective coûte cher, et les syndicats sont d'abord un moyen de la financer. Ils collectent des
cotisations, reçoivent parfois des dons ou des subventions publiques, qui permettent de faire face
aux dépenses nécessaires à la mobilisation des salariés (presse syndicale, tracts, locaux et moyens
de communication, transports des militants, caisse de solidarité pour compenser les pertes de
salaires en cas de grève, …). Mais ces moyens permettent surtout de payer des permanents, c'est-à
-dire des personnes qui travaillent à temps plein pour le syndicat, assurent des permanences pour
informer ou aider les salariés, gèrent les aspects matériels de la vie syndicale, négocient avec les
employeurs. Les permanents et plus généralement les militants syndicaux assurent la coordination
et donc l'efficacité de la revendication. En effet, si on veut par exemple lancer une grève pour faire
pression sur l'employeur, il vaut mieux que tout le monde cesse le travail en même temps pour que
la démonstration de force soit plus convaincante : c'est le rôle des syndicalistes de coordonner les
actions individuelles de revendication. Et si on veut que la grève soit un succès, il faut aussi informer
les salariés à l'avance et essayer de les convaincre de participer, et là encore, les syndicats
fournissent un travail essentiel pour le développement de mouvements sociaux.
• Les syndicats sont un cadre institutionnel qui permet de faire émerger des décisions
collectives et de mener des négociations pour sortir des conflits. Enfin, pour mener une action
collective, il faut s'entendre sur les buts de l'action (que réclame-t-on ?), sur les moyens à mettre en
œuvre (grève, ponctuelle ou générale, manifestation, pétition, …). Pour prendre de telles décisions,
il faut un cadre institutionnel démocratique précis qui offre aux individus les moyens de s'exprimer,
de désigner des représentants, et pour ces représentants, il faut des instances de réunion et de
décision pour aboutir à des choix collectifs représentatifs de ce que souhaitent les adhérents. Pour
mettre un terme au conflit, il faut pouvoir discuter avec un “ interlocuteur ” représentatif, ne serait-ce
que pour savoir quelles sont les revendications de ceux qui protestent ! Il faut aussi pouvoir discuter
pour chercher d'éventuelles solutions de compromis, ou de conciliation des points de vue. Les
syndicats sont aussi nécessaires pour organiser une négociation permanente qui prévienne les
conflits. Avant de prendre une décision, la consultation des syndicats permet de repérer ce qui peut
éventuellement poser problème et susciter le conflit. On peut alors négocier les solutions a priori, et
ainsi faire l'économie d'une grève, par exemple.
• Les syndicats permettent de maintenir le conflit social dans des formes socialement
acceptables. Dès lors que l'on rentre dans un conflit social, la question des méthodes de
revendications se pose. Elle est importante parce que des “ dérapages ” sont toujours préjudiciables
à la cause que l'on défend. Si, par exemple, lors d'une manifestation, des violences ou des
dégradations sont commises par les manifestants, ils auront plus de mal à rallier l'opinion publique.
Les syndicats font ainsi fonction de “ service d'ordre ”, pour maintenir la revendication dans certaines
limites.
Page 8/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Les conflits antérieurs et les négociations successives ont amené les employeurs et les syndicats, et
souvent l'Etat, à s'entendre pour édicter des règles qui régissent les situations de conflits
potentiels . Ainsi, le droit du travail encadre les licenciements, en précisant quand un employeur peut
licencier et quelles compensations il doit éventuellement apporter. Cela permet d'éviter d'une part une
utilisation arbitraire, voire répressive, du licenciement, mais aussi de le rendre moins contestable par les
salariés. De même, les “ grilles de rémunération ”, qui prévoient quels salaires peuvent être versés en
fonction du métier ou de l'ancienneté, permettent d'éviter que les promotions soient un sujet de conflit entre
l'employeur et les salariés. L'émergence d'un droit du travail a aussi comme conséquence de faire rentrer le
juge dans l'entreprise. Le recours à la justice est en effet un moyen de faire arbitrer les litiges par les
tribunaux sans passer par le conflit social. De ce point de vue, les entreprises ressemblent de plus en plus à
la société, qui se civilise en remettant la charge de la résolution des conflits à une institution judiciaire
indépendante.
L'existence de syndicats facilite donc grandement l'action collective. En ce sens, le syndicalisme peut
être considéré comme un facteur de conflictualité sociale. C'est d'ailleurs en partie pour cette raison que les
grèves en France sont plus importantes dans le secteur public que dans le secteur privé : les syndicats y
sont encore relativement puissants et bien implantés. C'est pour cela aussi que les chefs d'entreprise sont
souvent réticents face à l'implantation de syndicats !
Le paradoxe n'est qu'apparent : les syndicats augmentent l'efficacité de la mobilisation collective et donc
favorisent les conflits sociaux, mais en même temps, ils permettent de “ piloter ” ces conflits et donc de
les rendre moins radicaux et de leur trouver une conclusion. Le syndicalisme rend en quelque sorte les
conflits sociaux plus efficaces, mais plus raisonnables.
1.3.2 - Mais, d'une part, les mutations du travail affaiblissent dans une certaine
mesure les syndicats.
Ce phénomène de la désyndicalisation est important à analyser, parce qu'il permet de comprendre
pourquoi il est nécessaire que les groupes sociaux soient organisés. Cela permet aussi de comprendre que
la “ mécanique ” du conflit social est parfois aussi essentielle que le fond de la discorde. Nous verrons dans
un premier temps la réalité de la désyndicalisation, puis quelques éléments d'explication et enfin les
conséquences sur les conflits sociaux.
• La désyndicalisation est un phénomène général dans les pays industrialisés. Le nombre de
conflits, mesuré par le nombre de journées de travail perdues du fait des grèves, a
considérablement diminué en France depuis 20 ans : entre 3 et 4 millions de journées perdues
par an pour fait de grève à la fin des années 1970, moins d'un million en général depuis 1985.
[faites l'activité située en bas de ce paragraphe !] Cette diminution peut étonner : on a parfois
l'impression, à tort, que les grèves sont plus nombreuses que jamais. En fait, elles ont beaucoup
plus diminué dans le secteur privé que dans le secteur public, où les grèves se “ voient ” plus car
elles touchent souvent des services publics. Mais le secteur public emploie moins de travailleurs que
le secteur privé. Le taux de syndicalisation (part des syndiqués dans la population active occupée) a
beaucoup décru depuis 30 ans. Aujourd'hui, en France, on estime que 8% environ des travailleurs
sont syndiqués (près de 40% l'étaient en 1950). Le taux de syndicalisation reste bien plus élevé
dans le secteur public que dans le secteur privé (où il est d'environ 3.5%), dans les grandes
entreprises que dans les petites, même s'il a diminué partout. La diminution de l'influence des
syndicats se voit aussi au fait que certains conflits, parmi les plus durs de ces dernières années,
démarrent en dehors des syndicats, comme nous le verrons plus loin.
• Premier élément d'explication de la désyndicalisation : la montée du chômage. C'est une
explication conjoncturelle : la montée du chômage peut expliquer que les salariés, craignant pour
leur emploi, renoncent à se mettre en grève ou à entamer un conflit avec leur employeur. Dans ce
cas, on peut penser que si la croissance repartait et si le chômage diminuait sensiblement et
durablement, le nombre des conflits pourrait repartir à la hausse.
• Deuxième élément d'explication de la désyndicalisation : les transformations du travail. Il
s'agit cette fois d'une explication structurelle à la désyndicalisation. La transformation de la
Page 9/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
structure des emplois joue en défaveur de la syndicalisation. En effet, le nombre d'emplois ouvriers,
et plus généralement dans les industries, a considérablement diminué depuis 1975, comme nous
l'avons vu. Or, le syndicalisme a une bonne part de ses racines dans le mouvement ouvrier. De plus,
le travail dans les usines s'est transformé, les horaires se sont flexibilisés, et les syndicats ont plus
de mal à entrer en contact avec l'ensemble des salariés. L'éclatement du collectif de travail fait que
tous les gens qui travaillent au même endroit n'ont pas forcément le même employeur (c'est le cas
quand il y a des travailleurs intérimaires) ce qui rend plus difficile la mobilisation. Et le
développement des firmes multinationales, qui éloigne encore les travailleurs de la direction réelle
de l'entreprise, rend plus difficile l'identification et l'atteinte du groupe avec lequel on peut rentrer en
conflit. Enfin, les emplois du tertiaire, qui se sont beaucoup développés, sont situés dans des
entreprises de taille inférieure à celle des entreprises industrielles. Or le syndicalisme se développe
plus facilement dans les grandes entreprises que dans les petites. Et la féminisation qui a
accompagné cette tertiairisation joue aussi en défaveur des syndicats car les femmes sont, en
moyenne, moins syndiquées que les hommes.
• Troisième élément d'explication : l'institutionnalisation des syndicats. Ce qu'on appelle
l'institutionnalisation, c'est le fait que les syndicats sont reconnus par les employeurs comme des
interlocuteurs légitimes et incontournables. C'est aussi le fait que le nombre de permanents, c'est-à -
dire de personnes qui travaillent à plein temps pour le syndicat, augmente. Cette évolution peut
couper les syndicats de leurs adhérents. Ceux-ci ne se sentent plus représentés réellement par les
permanents syndicaux qui négocient avec les organisations patronales. Les syndicats apparaissent
alors comme des organisations bureaucratiques dans lesquelles les adhérents ne se reconnaissent
plus, d'où la diminution du nombre d'adhésions. Il en résulte que les syndicats encadrent moins
qu'avant les conflits. Ce ne sont pas toujours eux qui appellent à la grève (certains conflits se
déclenchent “ à la base ”, sans appel des syndicats). Leur place est prise par des “ coordinations ”.
De quoi s'agit-il ? Les grévistes élisent des représentants, indépendamment de leur appartenance
syndicale, qui vont aller négocier avec la direction (alors que c'est le rôle traditionnellement dévolu
aux syndicats) et qui viennent rendre compte devant la “ base ” de l'évolution des négociations.
Dans le courant des années 90, on a vu par exemple le conflit des infirmières ou celui des
chauffeurs routiers être géré de la sorte. On peut lire ici une méfiance vis-à -vis des syndicats,
considérés comme des institutions coupées de la base des travailleurs.
1.3.3 - Et, d'autre part, la montée de l'individualisme, par certains aspects, peut
remettre en cause l'action collective.
Pour expliquer pourquoi un conflit social éclate ou pas, on peut d'abord se demander ce que les individus
ont à y gagner. On pourrait de prime abord penser qu'ils ont forcément intérêt à participer au conflit
puisqu'ils pourront de cette façon défendre ou améliorer leur situation. Mais l'analyse se complique dès lors
qu'on intègre les coûts que représente un conflit social pour les individus : par exemple, les journées de
salaires perdues lors d'une grève, le fait que l'employeur donnera sans doute moins de promotion à un
salarié peu accommodant, etc. Cela permet de comprendre les aléas de la mobilisation sociale :
• Les individus se comportent en “ passagers clandestins ” et renoncent au conflit social. Si
les gains tirés d'un conflit (par exemple, une hausse des salaires) profitent à tous (y compris à ceux
qui n'ont pas participé au conflit), les coûts de l'action ne reposent que sur ceux qui l'auront
entreprise (les grévistes, par exemple). Dès lors, il est rationnel pour un individu de ne pas participer
au conflit, même s'il a intérêt à ce que celui-ci réussisse. En effet, s'il s'abstient d'y participer, il évite
le coût lié au conflit mais en retire les bénéfices quand les autres auront fait aboutir la revendication.
Mais comme tout le monde fait le même calcul, personne ne s'engagera dans le conflit parce que
chacun espérera profiter de l'action des autres. Dans ce cas, il y a bien peu de chances qu'un conflit
social éclate.
• Mais alors, pourquoi y a-t-il quand même des conflits ? Pour rester dans la même grille
d'analyse, si des individus participent à un conflit, c'est qu'ils tirent un avantage direct de cette
participation, indépendamment du résultat du conflit. Il peut s'agir bien sûr d'avantages symboliques
(notoriété, reconnaissance des autres, amélioration de l'estime de soi, nouvelles solidarités, etc…).
Page 10/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Ainsi, par exemple, les mouvements qui se rattachent à la mouvance altermondialiste tissent-ils très
souvent des réseaux d'échanges personnels (produits bio, échanges de services, formations
réciproques, etc…), intéressants à la fois sur le plan matériel et sur le plan des relations sociales.
1.3.4 - Cet affaiblissement des syndicats n'est cependant pas sans risque et il
n'est peut-être que transitoire.
La désyndicalisation peut entraîner une augmentation et surtout une radicalisation des conflits
sociaux. C'est au fond facile à comprendre, puisque l'on a dit plus haut quel rôle pouvaient jouer les
syndicats dans la prévention et la régulation des conflits. Sans présence syndicale, difficile d'organiser une
consultation ou une négociation, difficile de savoir sur quoi céder pour mettre fin à une grève.
2.1.1 - On parle de "nouveaux" mouvements sociaux car ils sont menés par des
groupes définis hors de l'entreprise, sur des thèmes pas forcément liés au travail,
et avec des formes d'action nouvelles.
Les NMS vont mettre en scène de nouveaux acteurs, porter sur de nouveaux enjeux, et utiliser de nouvelles
formes d’action et de revendication.
• Les NMS mettent en scène de nouveaux acteurs : les “ travailleurs ” ne sont plus les seuls à
manifester leur mécontentement. On voit aujourd’hui, les étudiants, les chômeurs, les opposants à
l’installation d’une décharge nucléaire, les femmes, les Corses ou les homosexuels, par exemple,
manifester leur mécontentement. Autrement dit, des acteurs, qui peuvent être par ailleurs des
travailleurs, ont fait irruption sur la scène des conflits au nom d’intérêts non exclusivement matériels,
post-matérialistes comme le dit A.Touraine. Ces nouveaux acteurs se réunissent sur la base d’un
rejet commun d’une situation qu’ils jugent préjudiciable soit à leurs propres intérêts, soit aux intérêts
des générations futures (cas des écologistes, par exemple).
• Les NMS portent sur de nouveaux objets de conflits, qui révèlent des valeurs nouvelles. Ces
Page 11/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
nouveaux mouvements sociaux vont avoir pour objet, par exemple, la défense de l’environnement, la
réalisation de l’égalité entre hommes et femmes, la défense des consommateurs. Derrière ces
objets, apparaissent des valeurs altruistes : c’est au nom d’une certaine idée de l’intérêt collectif,
en particulier à long terme, que les militants se mobilisent, mais c’est aussi au nom de la défense
des minorités (les noirs, les homosexuels, …) ou de la défense des droits (mouvements des sans
papier, des sans logement, des sans …). Les plus grandes manifestations de ces dernières années
ont concerné la défense de l’école privée (en 1985), au nom des valeurs religieuses, et la défense
du service public (en 1995). Par l’affirmation de ces valeurs nouvelles, le groupe cherche parfois à
obtenir la reconnaissance d’une identité particulière (pensez aux revendications régionalistes, par
exemple).
• Les NMS utilisent des formes d’action nouvelles : dans ces nouveaux conflits, la grève
traditionnelle n’est pas toujours possible. L’expression prendra donc des formes différentes : boycott
de certains produits, marches de protestation, barrages routiers, occupations de locaux, destructions
matérielles, grèves de la faim, sit-in, pétitions, etc… Le registre est varié, mais vise souvent à
occuper l’espace public de manière à être visible et en particulier d’être médiatisé. Ces actions sont
destinées à faire pression sur les autorités politiques, seules habilitées à transformer les règles, et à
prendre à témoin le plus de citoyens possible. On peut aussi dire que la plupart de ces nouveaux
mouvements sociaux sont marqués par une méfiance vis-à -vis des organisations traditionnelles
(syndicats, partis politiques, par exemple) et de leurs méthodes, souvent dénoncées comme
centralisatrices et sclérosantes pour la spontanéité et l’initiative individuelles.
Page 12/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
notre société.
2.2.1 - Les NMS sont plus adaptés à nos sociétés individualistes, mondialisées, où
la place du travail se réduit.
Plusieurs éléments peuvent expliquer la montée des NMS et le recul relatif des formes traditionnelles de
conflit social.
• La montée de l’individualisme contribue à ce que les individus se mobilisent de plus en plus
dans une démarche personnelle. Cela ne signifie pas qu’ils défendent uniquement leur intérêt
particulier, mais qu’ils n’agissent pas uniquement en fonction de l’intérêt de leur groupe social. Le
droit du travail encadre aujourd’hui assez strictement les relations professionnelles, ce qui rend
moins nécessaire la défense collective des droits professionnels. De plus, l’expression de l’identité
se fait plus souvent hors du travail. Chacun souhaite construire son identité propre et revendique
qu’elle soit reconnue et prise en compte dans l’espace public, ce qui n’était pas le cas auparavant.
Ainsi, l’homosexualité a toujours existé mais le fait de vouloir que l’homosexualité soit reconnue
comme une composante “ officielle ”, publique, de l’identité des individus est nouveau.
• La mondialisation des échanges et des firmes peut aussi expliquer en partie l’émergence des
NMS. D’abord parce que la mondialisation génère des conflits particuliers (remise en cause de la
stratégie des firmes, par exemple par rapport aux pays pauvres), mais aussi parce que le cadre
national paraît parfois mal adapté pour revendiquer : ainsi la lutte contre les OGM ou, de manière
plus générale, la lutte pour la protection de l’environnement, dépasse forcément le cadre national.
• La place du travail dans la société se réduit et donc la solidarité se construit aussi en dehors
des relations au travail. Le temps de travail se réduit, tant au niveau de la semaine que de la vie
entière. En conséquence, puisque les individus vivent de plus en plus en dehors du lieu de travail, ils
construisent aussi de plus en plus de lien social sur d’autres bases que le travail. En effet, la
solidarité, si elle naît moins qu’avant des rapports du travail, doit bien être construite quelque part,
car une société, des individus, ne sauraient vivre sans elle. Les individus vont de plus en plus choisir
avec qui ils vont construire ces liens sociaux : voisinage, associations, etc. Ceux-ci seront donc
davantage choisis que subis. C’est ainsi que l’on peut expliquer la vitalité de la vie associative. Les
associations n’ont jamais été aussi nombreuses que ces dernières années en France, et même si on
doit relativiser les chiffres (car ils contiennent les clubs sportifs qui connaissent un fort
développement), ceux-ci sont significatifs d’une nouvelle forme de lien social.
2.2.2 - Mais les NMS ne sont pas si "nouveaux" que ça, et ils se mêlent en fait
aux conflits traditionnels.
Il serait dangereux de croire que les conflits sociaux avant 1968 étaient tous des conflits du travail
traditionnels dans leurs formes et circonscrits aux entreprises. On a vu plus haut que les conflits traditionnels
“ débordaient ” de l’entreprise et influençaient la société tout entière. De même, les NMS influencent aussi
les conflits du travail qui se renouvellent. C’est en fait une modification en profondeur de la conflictualité
sociale à laquelle on assiste.
• Il y a toujours eu des mouvements sociaux sans liens avec le travail. On peut se rappeler que
des mouvements interclassistes pour obtenir certains droits ou au contraire pour supprimer certaines
Page 13/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
inégalités existent depuis longtemps : on peut penser aux mouvements pour l’abolition de
l’esclavage ou de la peine de mort, au mouvement des suffragettes en Angleterre (début du 20ème
siècle) pour obtenir le droit de vote des femmes, par exemple.
• Ces N.M.S., un peu à l’image du mouvement des travailleurs, sont peu à peu reconnus
institutionnellement (vous pouvez penser, par exemple, à la création d’un ministère de
l’environnement). Ainsi, de plus en plus souvent, même au niveau international, dans les
manifestations “ officielles ”, une place est donnée à la tribune aux altermondialistes. Ou encore, la
reconnaissance officielle de certains groupes régionalistes, visible au fait que le gouvernement
négocie des accords avec eux (en dehors de toute représentativité politique, d’ailleurs). Autrement
dit, on peut penser que par certains côtés, ces mouvements s’institutionnalisent, comme l’ont fait les
syndicats de travailleurs dans leur temps.
• Les conflits du travail reprennent certains aspects des NMS. En effet, on observe ces dernières
années un renouveau des conflits du travail, en particulier lié à la fermeture ou à la réorganisation
d’entreprises. Et un nouveau syndicat, Sud, plus proche de ses adhérents et avec des formes
d’action moins traditionnelles, se développe dans plusieurs secteurs de l’activité. Cela montre que
finalement, il y a peut-être une certaine convergence de ces différentes formes de conflit. Et
l’opposition conflits traditionnels du travail / nouveaux mouvements sociaux est peut-être moins
pertinente qu’elle pouvait apparaître dans un premier temps.
Page 14/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
: celles-ci, grâce à leur pouvoir économique, imposent des décisions qui devraient relever, aux dires
des altermondialistes, du domaine politique et du débat démocratique.
• Par quelles méthodes d’action ? Celles-ci sont aussi variées que les revendications. Elles visent
toujours à rendre les actions visibles, en particulier au niveau des médias, de manière à informer le
plus de monde possible.Notons qu’Internet joue un rôle de plus en plus important dans le domaine
de la popularisation de ces luttes (diffusion de l’information sur de très nombreux sites, mais aussi
actions collectives via le net : signature de pétitions, blocage des sites officiels, etc.). On voit en tout
cas ici clairement l’influence des NMS dans le renouvellement et la diversification des formes de
revendications.
• Ce mouvement altermondialiste a-t-il créé du changement social ? La réponse est évidemment
positive : par exemple, les firmes transnationales ont dû prendre en compte les critiques sur le travail
des enfants (certaines ont même réussi à en faire un argument de vente dans leur publicité) et pour
les enfants en question et leurs familles, cela change évidemment quelque chose. Le mouvement
altermondialiste a également créé des solidarités transnationales, si l’on peut dire, et c’est aussi très
nouveau, les mouvements sociaux traditionnels se limitant pratiquement toujours au cadre national.
2.3.2 - Les NMS font émerger de nouvelles valeurs et de nouvelles normes, voire
des modèles culturels alternatifs.
Comment dénonce-t-on une inégalité ? Comment la fait-on passer pour une injustice ? Toujours en faisant
référence à des valeurs. Par exemple, le féminisme fait référence explicitement à l’égalité pour dénoncer le
sexisme de la société. S’il y a conflit, c’est que la ou les valeurs mises en avant ne sont pas partagées par la
société ou entrent en contradiction avec une autre valeur de la société. Les NMS sont donc l’occasion d’une
transformation culturelle de la société, parce qu’ils bousculent et renouvellent son système de normes et de
valeurs.
Pour reprendre encore l’exemple du féminisme, on a bien vu dans le débat autour de la loi sur la parité en
politique que deux valeurs s’opposaient : l’égalité entre les sexes et l’universalisme politique (c’est-à -dire le
fait qu’un citoyen français ne se définit pas par son sexe, son origine ethnique, ou ses croyances
Page 15/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
religieuses). De même, dans le cas du PACS, on a assisté à un conflit entre la revendication d’une
reconnaissance des couples homosexuels au nom de l’égalité (et aussi de l’universalisme dont on vient de
parler), et une vision plus traditionnelle (ce qui ne veut pas dire mauvaise !) de la famille, le débat étant
focalisé sur l’homoparentalité.
Conclusion
En conclusion de ce chapitre, il faut rappeler que les conflits, qu'ils soient du travail ou pas, sont un
passage obligé pour le changement social, on l'a largement montré dans ce chapitre. Il serait donc
complètement utopique de vouloir qu'il n'y en ait pas. On revient à ce que l'on disait dès l'introduction : les
conflits ont un côté très positif. Mais on veut souligner ici que les conflits ne sont pas forcément
révolutionnaires, ils peuvent être aussi conservateurs :
• Il y a des conflits conservateurs, c'est-à -dire qui visent à empêcher le changement de se
produire. Les exemples ne sont pas difficiles à trouver, qu'ils soient historiques (exemple du
mouvement des luddistes, c'est-à -dire des travailleurs qui s'opposaient au 19ème siècle à la mise
en place de machines parce qu'elles prenaient, disaient-ils, la place des travailleurs) ou
contemporains. Parmi ces conflits, il y en a que l'on peut qualifier de corporatistes quand ils visent à
défendre les intérêts d'un petit groupe, une profession par exemple, contre l'intérêt de la majorité. La
plupart du temps, les conflits naissent non pas du changement lui-même, mais de ses
conséquences sur une partie des travailleurs. Refusant ces changements, ces travailleurs se
mobilisent pour essayer de les empêcher.
• Il y a d'autres conflits qui visent à imposer des changements : si l'on pense à la grève générale
qui s'est produite en France en mai 1968, on a un mouvement qui ne vise pas d'abord une
amélioration des salaires. Ce que revendiquent essentiellement les travailleurs, c'est une “ autre
vie ”, c'est-à -dire une diminution du temps de travail et une autre qualité de vie au travail (davantage
de responsabilité, etc…). Le souhait était que la vie ne se résume pas au “ métro, boulot, dodo ”
traditionnel. Même si le conflit de mai 1968 s'est résolu essentiellement dans des hausses de
salaires, c'était l'amorce de changements très importants dans les revendications des salariés et
dans l'organisation du travail à l'intérieur des entreprises.
• Enfin, il est parfois difficile de déterminer si un conflit précis est plutôt porteur de
changements ou plutôt conservateur. Il peut apparaître simplement comme revendiquant une
amélioration des salaires, par exemple. Mais ses conséquences à long terme peuvent être une
Page 16/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
transformation des conditions de travail pas forcément désirée par les travailleurs : ainsi, si la
hausse des salaires impose un partage de la valeur ajoutée davantage en faveur des salariés, le
patron va essayer de mettre en œuvre une transformation de l'organisation de la production qui va
lui permettre d'économiser du travail et d'augmenter la productivité (production en flux tendus, par
exemple). Autrement dit, les changements engendrés par les conflits ne sont pas forcément
consciemment souhaités par les acteurs.
• De la même manière, la sphère du travail et la sphère “ hors travail ” si l'on peut dire, ne sont
pas étanches. Ainsi un changement dans les entreprises, par exemple le passage aux 35 heures,
pourrait générer des changements sociaux importants dans le partage des tâches entre hommes et
femmes. Mais le changement social peut aussi générer des conflits à l'intérieur de l'entreprise. Par
exemple, dans les années 50 et 60, la scolarisation s'est beaucoup développée en France. Les
jeunes arrivant sur le marché du travail, même sans beaucoup de diplômes, avaient tous été
scolarisés au moins huit ans et souvent plus. Leur compréhension de ce qui se passait dans
l'entreprise, leurs connaissances générales, les ont amenés à refuser de plus en plus souvent le
type de relations qui existaient souvent dans les ateliers alors (relations très hiérarchisées où
l'ouvrier n'avait rien à dire). Cela a débouché sur de nombreux conflits mettant en cause en
particulier l'encadrement le plus proche (les contremaîtres, par exemple, pour les ateliers), “ les
petits chefs ”, comme on disait à l'époque. Il faut donc aussi que l'organisation du travail s'adapte au
changement social. Cela prend souvent du temps et cela débouche sur des résistances, donc des
conflits.
Finalement, on voit que les conflits et le changement social interagissent les uns sur les autres : au cours du
temps, les conflits génèrent du changement social et le changement social transforme les conflits.
Aujourd'hui, ni les conflits, ni la société ne ressemblent plus à ce qu'ils étaient au 19ème siècle. Cette
transformation se poursuit évidemment. Mais la remise en cause de la centralité du travail, dont nous allons
parler dans le prochain chapitre, modifie les conflits. De nouvelles formes et de nouveaux objets de conflits
apparaissent, que ce soit dans le domaine du travail, que ce soit dans les autres domaines de la vie sociale.
Ces conflits tissent donc la vie sociale alors même qu'ils opposent les membres de la société entre eux.
C'est la question que nous allons aborder maintenant : comment, malgré ces conflits, et peut-être même
grâce à eux, la solidarité se crèe entre les membres d'une société ?
Page 17/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Introduction
Les sociétés modernes produisent de plus en plus de richesses, nous l'avons vu dans la première partie de
ce cours. Cela ne les empêche pas de connaître à la fois des inégalités variées et des conflits qui peuvent
être considérés comme des moteurs de changement social mais qui sont aussi parfois les conséquences
des transformations en cours. Pourtant, finalement, au cours du temps, nos sociétés se perpétuent tout en
se transformant, elles ne disparaissent pas sous la pression des inégalités et des conflits. Comment est-ce
possible ? Autrement dit, la question que nous allons aborder ici consiste à se demander comment les
sociétés " tiennent ", c'est-à -dire ce qui les cimente, ce qui relie les individus les uns aux autres
suffisamment solidement pour que la vie en société ne dégénère pas en guerre civile.
Ce ciment, que l'on appelle souvent " lien social " et qui produit de la solidarité entre les membres d'une
société, ne naît pas spontanément. Il est le résultat de ce que l'on appelle intégration qui peut être définie
comme le processus qui permet aux membres d'une société de se reconnaître comme équipiers d'un même
bateau, si l'on peut faire cette comparaison, c'est-à -dire solidaires les uns des autres parce que partageant
les mêmes valeurs, ayant chacun vis à vis des autres des obligations mais aussi des droits. Cette
intégration se construit, elle ne se produit pas " par hasard ". Elle se construit dans des lieux (exemples :
famille, associations, école) ou grâce à des dispositifs précis (exemple : la protection sociale). Elle permet
aux individus, grâce à la socialisation, de partager les mêmes valeurs. Or la transformation des valeurs, les
changements dans la vie économique et sociale affectent ces lieux d'intégration et ces dispositifs. Le résultat
peut donc être que la cohésion sociale soit menacée. La cohésion sociale n'est donc jamais
définitivement acquise, une société doit toujours veiller à la construire et, pour cela, à intégrer ses
membres.
Mais une étude de la cohésion sociale serait incomplète si on la limitait à l'analyse de la construction du lien
social, sans prendre en considération ce qui en est la traduction la plus concrète dans les sociétés
industrialisées au 20ème siècle : les systèmes de protection sociale. Depuis la fin du 19ème siècle et plus
particulièrement depuis la deuxième Guerre Mondiale, en effet, on a assisté au développement de droits et
de devoirs sociaux qui ont débouché sur une véritable solidarité collective face aux aléas économiques et
sociaux – la " Sécurité sociale ", en France, en est un exemple. La protection sociale, par l'ampleur qu'elle a
prise, n'est d'ailleurs plus seulement une manifestation de la solidarité entre les individus, mais elle a un
impact majeur sur le fonctionnement économique et social de la société.
Ce chapitre étudiera donc successivement les deux aspects de l'intégration : la construction du lien social et
ses difficultés dans une première section, le fonctionnement de la solidarité collective et les débats que cela
suscite par la suite.
Page 1/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
1.1.1 - Etre intégré à la société, c'est en partager la culture, les buts et y jouer un
rôle.
C'est Emile Durkheim qui a forgé le concept d'intégration sociale. L'intégration présente trois
caractéristiques :
• Les membres d'une société partagent une culture commune. Ils partagent des sentiments, des
pratiques, des croyances – revoyez la notion de culture en sociologie dans votre programme de
première.
• Les membres d'une société partagent des buts communs, c'est-à -dire qu'ils concourent à la
réalisation d'un même objectif. Ce peut être le cas quand les supporters soutiennent l'équipe
nationale dans une compétition importante, ou quand les salariés d'une entreprise travaillent à la
production, à l'amélioration des ventes. Cette soumission à des buts collectifs se manifeste aussi
de façon paroxystique dans les guerres, mais aussi plus spontanément, et plus discrètement, dans
la faculté qu'ont les membres d'une société de s'associer pour défendre une cause humanitaire par
exemple.
• Les membres du groupe sont en interaction avec les autres, en interdépendance. Lorsque l'on
vit en société, les actions des uns ont des répercussions sur les autres. L'intégration passe donc par
une coordination des actions individuelles, par une délimitation de ce que chacun peut faire ou ne
doit pas faire. En fait, être intégré, c'est jouer un rôle – petit ou grand – dans la société. Ces rôles
sociaux peuvent être les métiers ou les fonction dans l'entreprise, mais aussi les rôles familiaux
(père, mère, enfant), bref, tout ce par quoi nous réglons notre comportement les uns sur les autres.
On le voit, l'intégration sociale amène les individus à avoir une place, leur place, dans la société. On dira
que l'individu est " bien " intégré quand, grâce au processus de socialisation, il a acquis cette culture
commune et partage les buts que la société s'est fixés. Rappelons que la socialisation est le processus par
lequel les individus acquièrent les normes et les valeurs en vigueur dans la société dans laquelle ils vivent
(pour plus de détails, reportez-vous à votre cours de première et à la notion de socialisation figurant dans le
menu de droite de ce chapitre).
Page 2/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
culture et des valeurs communes, une certaine tendance au conformisme, même, car se différencier,
c'est déjà s'exclure. L'individualisme est logiquement très faible dans les sociétés à solidarité
mécanique. Pour désigner une collectivité unie par la similitude de ses membres, par ce qu'ils ont en
commun, on parle de " communauté ".
• Des exemples de solidarité mécanique, dans l'histoire mais aussi dans la société
contemporaine. Durkheim voyait dans la solidarité mécanique le mode de cohésion sociale des
sociétés traditionnelles : quand la société était composée d'agriculteurs vivant en relative autarcie, la
seule source de solidarité ne pouvait être que la similitude des personnes. D'ailleurs, ces sociétés
étaient marquées par une forte emprise de la culture commune (et particulièrement la religion),
puisque celle-ci était le seul ciment social. Cependant, on peut aussi identifier des phénomènes de
solidarité mécanique à l'œuvre dans les sociétés modernes. Les supporters d'un club de football,
par exemple, sont unis par une valeur commune (le soutien à leur équipe), qui se marque par des
signes d'identité (les vêtements, les couleurs, les chansons, …). A un autre niveau, on peut trouver
des solidarités de type mécanique dans les " groupes de pairs ", où la pression pour une certaine
unité des modes de vie (vêtements, loisirs, opinions, …), voire une certaine uniformité, peut être très
forte : cela peut être le cas, par exemple, parmi les élèves d'un même établissement ou d'une même
classe ou parmi les professeurs !
Page 3/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
1.2.1 - Le travail, parce qu'il donne une identité professionnelle, un revenu et des
droits sociaux, est le pilier essentiel de l'intégration.
Le travail comme activité centrale dans la société, comme activité donnant statut et rôle à l'individu,
n'apparaît en tant que tel qu'au 18è siècle, selon certains philosophes comme D.Méda. Sa place sociale
s'est considérablement accrue depuis cette époque et le travail est " le " moyen pour l'individu de se
construire une identité professionnelle et sociale, de s'assurer un revenu, et d'obtenir des droits sociaux.
• Le travail permet de se construire une identité professionnelle. Nous avons vu au chapitre
précédent que la division du travail permet à chacun de se rattacher à un collectif intermédiaire entre
la société et l'individu : le " métier ", la profession, la catégorie sociale. Par le travail on peut d'une
part se reconnaître des semblables, qui partagent notre profession ou notre situation économique et
sociale, et d'autre part se distinguer d'autres personnes, qui exercent un métier différent, et ont donc
d'autres valeurs, d'autres référence, avec qui on peut même être en conflit. Cela peut paraître
paradoxal, mais un individu a besoin de ce double mouvement de différenciation et d'assimilation
pour s'intégrer. L'identification à autrui nous rattache à la société, fait exister le collectif, et la
différenciation nous donne une place dans ce collectif. Dans le travail, cette " place " va se
caractériser par un statut social – en quelque sorte le rang du travailleur dans les différentes
hiérarchies sociales (prestige, pouvoir, mais aussi richesse) – et un rôle social – c'est-à -dire l'utilité
du travailleur dans l'entreprise et au-delà dans la société, ce à quoi " il sert ".
• Le travail assure un revenu et la participation à la société de consommation. Travailler, plus
précisément être actif, c'est s'assurer un revenu, qui est déjà une reconnaissance de l'utilité sociale
de ce que l'on fait. En ce premier sens, déjà , le travail est intégrateur. Mais le revenu permet aussi à
l'individu de consommer les biens valorisés par la société, et donc de s'y faire reconnaître. Si nous
consommons tous à peu près les mêmes choses (voitures, logement, loisirs, vêtements, etc.) ce
n'est pas seulement parce que ces biens sont objectivement utiles ou nécessaires, mais aussi parce
qu'ils nous donnent un certain statut social. Pensez à ce que cela peut représenter en termes
d'autonomie et d'identité personnelle d'acheter sa première voiture.
• Le travail assure des droits sociaux. Les droits sociaux sont les prestations sociales constitutives
de l'Etat providence dont on reparlera à la deuxième section de ce chapitre. C'est, par exemple, la
possibilité d'une indemnisation pour les salariés qui se retrouvent au chômage. Ces droits sociaux
matérialisent la solidarité entre les individus, et plus encore l'appartenance à la société : c'est bien
parce qu'on travaille en France que l'on bénéficie d'une panoplie de droits et de prestations, qui
diffèrent d'un pays à l'autre, chaque société organisant sa sphère de solidarité.
Le travail, parce qu'il permet à l'individu d'acquérir un statut social, de disposer de revenus et
d'accéder à des droits et des garanties sociales, est donc devenu un pilier de l'intégration sociale. La
nécessité impérieuse (pas seulement matériellement mais aussi socialement) d'avoir un emploi, la volonté
très marquée dans les enquêtes d'opinion de s'épanouir dans son travail, montrent bien que le travail n'est
pas seulement une activité parmi d'autres. Le travail est plus que cela, il est fortement chargé
symboliquement, autrement dit il fait partie du registre des valeurs.
Page 4/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
1.2.2 - La famille, parce qu'elle transmet dès la naissance des normes et des
valeurs, et parce qu'elle est le lieu d'activités communes, a un rôle fondateur
dans l'intégration.
C'est dans la famille que se passe une bonne partie de la socialisation primaire des individus. C'est là
d'abord que sont transmises les normes et les valeurs en vigueur dans la société. Mais la famille est aussi
un réseau d'entraide et de solidarité qui contribue à la cohésion sociale.
• La famille transmet les normes et les valeurs en vigueur dans la société. Vous avez abordé ce
mécanisme de la socialisation familiale en classe de première, et vous savez comment la famille
transmet le langage, les mœurs, les rôles sociaux (à commencer par ceux de parents et d'enfants !).
Nous n'allons pas analyser ce processus ici, mais simplement rappeler son importance pour bien
s'intégrer à la société. L'exemple de la langue est le plus parlant (si on peut dire !) : comment ne pas
se sentir étranger dans une société si on n'en parle pas la langue ? Comment interagir avec les
autres si on ne peut se comprendre ?
• La famille est le lieu d'activités communes. C'est vrai évidemment pour les activités quotidiennes,
comme les repas par exemple. Ces activités donnent lieu à un partage des tâches à l'intérieur de la
famille, un peu comme le travail est divisé dans l'entreprise, qui organise des rôles familiaux (qui
prépare le repas, qui s'occupe des tâches ménagères, des courses, des démarches administratives,
etc.). Les loisirs pris en famille permettent aussi de tisser des liens de socialisation . Enfin, la famille
peut aussi être un lieu d'activité économique, comme dans les familles d'agriculteurs traditionnelles
ou chez les ouvriers du textile au début du 19ème siècle (les " canuts " lyonnais par exemple).
• La famille constitue un réseau de solidarité. Il est évident que la famille implique un ensemble
d'obligations et de droits réciproques permanents entre ses membres, tant sur le plan légal que sur
le plan affectif. C'est notamment la relation entre parents et enfants, bien plus durable que la relation
de couple par exemple, ou encore la relation entre grands-parents et petits-enfants, avec ce qu'elle
implique souvent en termes d'échange de services ou de transferts financiers.Mais quel est l'impact
de ces liens sur l'intégration ? Comme le travail, la famille est un " échelon intermédiaire " entre la
société et l'individu, où celui-ci peut prendre place, donner du sens à sa présence parce qu'elle
s'insère dans un tissu de relations de proximité. La famille est en fait un " lieu ", un espace de
partage où la solidarité prend une dimension concrète. La famille est souvent, pour l'individu, le
premier recours en cas de " pépin ", mais aussi un recours pour organiser au mieux sa vie matérielle
(par exemple, la garde des enfants par les grands-parents, occasionnellement ou régulièrement).
1.2.3 - L'école transmet une culture et des valeurs partagées et rend possible
l'intégration professionnelle.
Avec la famille, l'école joue un rôle important dans la socialisation des futurs citoyens. Elle contribue donc à
l'intégration sociale des membres de la société, en transmettant des normes et des valeurs, mais aussi en
favorisant l'épanouissement individuel et en préparant l'entrée dans la vie active.
• Le rôle traditionnel de l'école : la transmission d'une culture commune. L' " école républicaine
", celle qui s'est construite au cours de la 3è République, en particulier avec les lois de Jules Ferry
rendant la scolarité obligatoire, est d'abord celle qui a comme objectif de " fabriquer des bons
français ". Elle a imposé la langue française au détriment des langues régionales de manière très
systématique (et vous savez depuis la classe de première combien la langue est un élément
essentiel de la culture d'une société). Elle a valorisé la science et la raison, et à travers elles, l'idée
d'une culture universelle dépassant les particularismes religieux. Elle a diffusé tout un ensemble de
valeurs patriotiques (les grandes dates de l'histoire de France, les " grands hommes ", le drapeau
français, la Révolution française, etc) qui ont contribué à construire réellement la Nation française :
les enfants, une fois passés par l'école, avaient à la fois une langue, des références culturelles et
des racines historiques communes, quelle que soit leur origine sociale, régionale, religieuse ou
ethnique. On mesure à quel point ce fonctionnement était en effet intégrateur.
• La préparation à la vie active. L'école prépare à l'entrée dans le monde du travail en dispensant
des qualifications et en les validant par des diplômes. On retrouve dans cette fonction utilitaire de
Page 5/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
l'école un peu la même fonction intégratrice que la division du travail : donner une place à chacun en
lui donnant une identité professionnelle. Le diplôme, c'est la reconnaissance de capacités et donc
d'une sorte " d'utilité sociale ", mais c'est aussi le début de l'appartenance à un monde professionnel.
• La construction des individus. L'école doit permettre à l'enfant de développer sa personnalité, de
s'épanouir, donc de construire son identité personnelle, par définition différente de celle des autres
enfants. Cela peut paraître paradoxal de dire que la construction de l'identité individuelle concourt à
l'intégration sociale, mais le paradoxe n'est qu'apparent. Emile Durkheim avait déjà souligné que
l'individu était nécessairement une construction sociale : ce n'est que dans un cadre social, par
opposition avec les autres et plus généralement dans l'interaction avec les autres que l'on peut
affirmer une personnalité propre.
Nous verrons plus loin les difficultés que rencontre aujourd'hui l'école dans sa mission intégratrice, mais ces
difficultés, largement évoquées dans les médias, ne doivent pas conduire à sous-estimer le rôle de l'école
dans la cohésion sociale. Le développement de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans, le prolongement et la
démocratisation des études font que le poids de l'école dans le processus d'intégration s'est
considérablement renforcé au cours du 20ème siècle.
Page 6/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Nous allons examiner successivement ces différents facteurs de crise du lien social, en mettant en évidence
les problèmes particuliers posés par chacun et les solutions qui s'esquissent.
Page 7/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
prennent très volontiers les congés liés à la réduction du temps de travail, ce qui prouve que la
valeur qu'ils accordent à leur travail se transforme. Comment interpréter ces évolutions ? Elles sont
au fond assez logique dans une société où la place du travail dans la vie de l'individu décroît : on est
actif plus tard, parce qu'on fait des études, on s'arrête de travailler plus tôt, grâce aux systèmes de
retraite, et la durée annuelle du travail a également diminué. Certains, comme la philosophe
Dominique Méda, en tirent argument pour dire qu'il faut développer d'autres modes d'intégration
sociale : valoriser les rôles familiaux, mais aussi la vie associative, syndicale, politique, etc. Si la
place du travail dans la société se rétrécit, il ne sert à rien de déplorer la perte de la " valeur travail ",
mais il faut lui substituer d'autres instances d'intégration.
• Le travail reste cependant un dispositif essentiel d'intégration. Par tous ces aspects, la place du
travail dans l'intégration se trouve donc modifiée et fragilisée. Est-ce à dire qu'il s'agit de la " fin du
travail ", comme le soutiennent certains (La fin du travail est le titre d'un livre d'un américain, J.
Rifkin) ? Cela semble bien difficile à soutenir. Le travail sous la forme d'un emploi stable, à temps
complet, assorti de droits et de garanties sociales a été central dans les deux derniers siècles. Cette
forme est en crise, elle est en train de se transformer et le développement des formes particulières
d'emploi en est un symptôme. Cependant il ne faut pas oublier non plus que si crise de l'emploi il y
a, elle ne touche cependant qu'une petite partie des emplois : la grande majorité des emplois sont
aujourd'hui en France stables et à temps complet.
Le travail a été associé depuis la révolution industrielle au devoir : il s'agissait d'une contrainte admise
comme nécessaire, voire essentielle par les membres de la société. Le système de valeurs se transforme
peu à peu et, aujourd'hui, avec les progrès de l'individualisme, les individus placent au premier plan de leurs
valeurs l'épanouissement personnel (considéré de plus en plus comme un " devoir "). Cela ne signifie pas
pour autant que le travail ait disparu des valeurs. Il a probablement perdu la première place, comme on l'a
déjà vu, et il est englobé dans la problématique de l'épanouissement personnel : l'individu va évaluer le
travail à l'aune du plaisir personnel qu'il y trouve, plus qu'à l'aune de l'utilité pour la société de ce travail.
Plus le décalage sera grand entre le travail tel qu'il est vécu dans un emploi précis et la représentation que
l'individu a d'un travail épanouissant, plus le travail sera contesté comme valeur et moins le travail jouera son
rôle intégrateur. Il y a donc là un enjeu essentiel pour la réussite de l'intégration par le travail : comment
rendre le travail compatible avec ces nouvelles valeurs individuelles ?
Page 8/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
qui fait parfois cruellement défaut aujourd'hui. Il faut aussi dire que le chômage et la pauvreté
peuvent entraîner en retour des ruptures familiales (les divorces sont plus nombreux dans les
couples comptant un chômeur) et sociales (le chômeur se coupe de ses amis parce qu'il a honte de
sa situation).
• Pauvreté et citoyenneté : de l'exclusion économique à l'exclusion politique. Pour s'exprimer
politiquement, il faut se sentir citoyen, c'est-à -dire réellement membre d'une Nation. Pour cela, il faut
en avoir les moyens, que ce soit sur le plan intellectuel ou sur le plan économique. On observe que
l'exclusion économique qui accompagne la montée du chômage et la précarisation de l'emploi se
double d'une exclusion politique : l'individu n'a plus les moyens et ne se sent plus les moyens de
participer aux décisions politiques (par exemple, il a perdu ses papiers d'identité, ne peut pas s'en
faire refaire et ne plus voter. De toutes façons, il a l'impression de n'être au courant de rien, n'ayant
souvent pas la télévision et ne pouvant lire les journaux).
• Le processus cumulatif de pauvreté et d'exclusion. Le fonctionnement de la société moderne est
ainsi fait qu'une pauvreté en entraîne fréquemment une autre, qu'une exclusion en entraîne
fréquemment une autre, tant et si bien que les individus peuvent se retrouver dans de véritables
spirales de marginalisation. Par exemple, la baisse des revenus liée au chômage peut déboucher
sur la perte du logement : l'individu, ou le ménage, s'était endetté pour acheter son logement et, du
fait de la baisse des revenus, ne peut plus rembourser les emprunts. Le logement est alors vendu et
le chômeur a le plus grand mal à trouver un logement en location car il n'a plus de feuilles de paie à
montrer. Or ne pas avoir d'adresse à donner, être " sans domicile fixe " est socialement très
excluant et les chances de trouver un emploi sans pouvoir fournir d'adresse sont minces.
L'exclusion est rarement totale. Mais les fragilités se cumulent, se transmettent même parfois (les enfants
des exclus sont plus fragiles socialement que les autres, en particulier parce qu'ils n'ont souvent ni les liens
familiaux ni les diplômes scolaires qui pourraient éventuellement les protéger). Le processus n'est
évidemment pas automatique. Tous les chômeurs de longue durée, et loin de là , ne sont pas des exclus.
Cependant on voit bien que l'allongement et la progression du chômage sont des facteurs de risque pour le
lien social.
Page 9/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
humaine, de liens affectifs, que l'entraide familiale ou de voisinage. De même, quand on paie ses
cotisations sociales ou ses impôts, on fait un acte de solidarité, mais qui peut ne plus être perçu
comme tel, ni par soi, ni par ceux qui en profitent, parce qu'il passe par l'interface de la Sécurité
Sociale ou de l'Etat. A la limite, cette anonymisation du lien détruit le sentiment de solidarité parce
que les individus se sentent dispensés personnellement du devoir d'entraide dès lors qu'il est
assumé collectivement. Ce mouvement est renforcé aujourd'hui par l'affaiblissement des identités
nationales dans un contexte de paix durable (les conflits aident à " souder " les communautés
nationales !) et de mondialisation économique et culturelle.
• Le communautarisme et la recherche d'un lien social moins abstrait. A l'opposé du mouvement
d'universalisation et de rationalisation du lien social que nous venons d'évoquer, on constate aussi
une tendance inverse de reconstitution de liens communautaires, basés sur l'appartenance, sur
l'identification de l'individu à un groupe intermédiaire. On trouve ainsi, par exemple, des médias de
type communautaire (" Pink TV ", " Filles TV "). Vous avez aussi entendu parler des revendications
régionalistes (Corse, Pays Basque, Lombardie, …) : utilisation de la langue régionale comme langue
administrative ou langue d'enseignement (ce qui discrimine évidemment ceux qui ne sont pas
originaires de la région), autonomie financière qui remet en cause la redistribution fiscale entre
régions et donc la solidarité nationale. Le développement des signes d'appartenance religieuses
ostensibles (on pense bien sûr au voile, mais ce n'est pas le seul exemple) est également l'indice
d'une montée du communautarisme religieux. Ces mouvements peuvent être vus comme
l'expression d'une forme d'individualisme : les individus affichent leurs particularités pour marquer
leur autonomie vis-à -vis de la société (c'est surtout vrai pour les identités minoritaires). En ce sens
on peut parler d'individualisme communautaire. Mais ce sont aussi des formes de lien social moins
abstraites, peut-être aussi plus spontanées, et qui tissent souvent des solidarités de proximité. Il est
par exemple plus facile de se fabriquer une identité en marquant son appartenance à un groupe
clairement différencié des autres. Et des mouvements de solidarité de voisinage (en cas de
catastrophe naturelle par exemple) sont plus ressentis comme des gestes personnalisés.
• Mais le communautarisme peut déboucher sur une remise en cause de la cohésion sociale.
Le communautarisme menace le lien politique, car si on cultive les différences entre les groupes
constituant la société, on met forcément à mal l'idée de citoyenneté qui se fonde justement sur les
points communs et non les différences entre individus. Dans les cas extrêmes, on peut arriver à ce
que les groupes aient des représentations politiques distinctes. Un autre danger du
communautarisme est qu'il peut limiter l'ampleur de la solidarité en la réservant au groupe (un parti
politique français demande par exemple des systèmes de sécurité sociale séparés pour les
immigrés et les Français).
Page 10/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
primordiaux.
• L'école face aux comportements calculateurs. Nous avons vu plus haut le rôle de l'école dans la
construction d'une culture commune. Mais du fait de l'importance du diplôme dans l'accès à
l'emploi, les familles développent des stratégies scolaires vis-à -vis des diplômes : choisir la bonne
filière, le bon lycée, la bonne option, la bonne université, etc. Le calcul l'emporte de plus en plus sur
le rapport gratuit à la culture : l'élève veut bien travailler, mais à condition que " ça rapporte ". Ces
comportements sont compréhensibles dans la mesure où l'accès à l'emploi est de plus en plus
difficile, mais ils vont à l'encontre de certains objectifs de l'école. L'égalité des chances, par
exemple, est remise en cause par la différenciation précoce des parcours scolaires. De même, la
diffusion d'une culture commune est parfois sacrifiée au profit de l'acquisition de compétences
" utiles " pour le cursus scolaire et l'intégration professionnelle.
• L'engagement citoyen est confronté aux calculs d'intérêt. La crise de la citoyenneté politique,
qui se manifeste surtout par le développement de l'abstention, peut être analysée comme une
conséquence de l'individualisme. Dans une société ou les individus ont accès à un certain confort
matériel, les citoyens sont moins intéressés par les affaires publiques, qui ne les concernent pas
directement. Déjà au 19ème siècle, Alexis de Tocqueville prédisait que la démocratie serait un jour
confrontée à l'indifférence des citoyens : est-on en train de vivre ce phénomène ? Il faut d'ailleurs le
rapprocher du comportement de " passager clandestin " qu'on a étudié dans le cas des conflits
sociaux (voir le chapitre 4).
• Cependant, l'individualisme n'est pas l'égoïsme, et il n'est pas forcément négatif. Dans le
langage courant, on tend parfois à assimiler l'individualisme et l'égoïsme, mais c'est abusif. Alors
que l'égoïsme est le fait de faire passer avant tout son intérêt personnel, l'individualisme consiste en
un développement dans la société des droits et des responsabilités individuelles, favorisant l'initiative
et l ‘indépendance des individus. Mais on peut être individualiste et altruiste, si l'on se soucie des
autres par une inclination de sa propre volonté, pas au nom d'un devoir social. De plus, la montée de
l'individualisme n'est sans doute pas aussi dangereuse qu'on veut parfois le croire. Par exemple, les
liens familiaux, s'ils se transforment, restent souvent extrêmement vivaces : les liens
intergénérationnels sont encore très forts, l'enfant devenant une valeur centrale de la famille. Ils se
développent même avec l'allongement de l'espérance de vie des grands-parents. De même, si la
participation politique décline, l'investissement citoyen reste fort mais sous des formes renouvelées,
notamment dans des associations humanitaires dont le caractère politique est évident.
On le voit, si la montée de l'individualisme complique beaucoup la mécanique de l'intégration sociale, c'est
sans doute surtout parce qu'il l'oblige à s'adapter à une nouvelle mentalité, à de nouvelles valeurs.
Conclusion :
Intégration et exclusion sont donc deux processus à l'œuvre simultanément dans nos sociétés. En effet,
pour survivre, toute société doit sans cesse chercher à intégrer ses membres, c'est-à -dire à leur faire
partager les normes et les valeurs reconnues à un moment donné comme essentielles. En même temps, la
liberté et l'égalité qui sont les principes fondateurs des sociétés démocratiques peuvent déboucher sur des
mécanismes qui excluent et marginalisent certains individus. Et intégrer ne doit pas signifier supprimer les
différences mais au contraire savoir les respecter tout en maintenant l'unité de la société. Tenir tous les
bouts à la fois est évidemment difficile, c'est le défi un peu fou que se lancent toutes les sociétés réellement
démocratiques. On retrouve ici l'idée que la démocratie est quelque part une utopie, sans cesse à
poursuivre et à construire. Rien n'est jamais gagné, comme le montrent tous les débats actuels, même pas
le combat pour la démocratie, comme le montre le retour de certains intégrismes.
Nous avons vu que l'intégration et la cohésion sociale reposaient largement sur des droits économiques et
sociaux, droits obtenus souvent dans la douleur (il ne faut pas l'oublier) et qui se sont constitués en un
système protecteur et émancipateur de l'individu. Ces droits sociaux peuvent être considérés d'une certaine
manière comme les conditions d'exercice des droits politiques. La construction de ce système est
indissociable de celle de l'Etat providence. Ce système assure la protection sociale des individus, il est
l'expression de la solidarité collective qui relie les membres de la société. C'est ce système sur lequel nous
allons réfléchir maintenant.
Page 11/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 12/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
plus riches vers les plus pauvres. C'est le cas notamment du RMI qui est financé par les impôts
payés par l'ensemble des Français, et notamment les plus riches, mais dont les prestations sont
réservées aux ménages les plus modestes.
Page 13/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
sociale et l'UNEDIC sont gérées par les partenaires sociaux : cela signifie que leurs conseils
d'administration sont composés, en principe, pour un tiers de représentants des employeurs, pour un
tiers de représentants des salariés et pour le dernier tiers par des représentants de l'Etat. Autrement
dit, la Sécurité sociale, l'UNEDIC, ce n'est pas la même chose que l'Etat. Ce sont des
Administrations publiques au même titre que l'Etat et les Collectivités territoriales.
2.1.3 - La solidarité peut être plus ou moins étendue : on dit que l'Etat
providence est universel, corporatiste, ou seulement résiduel.
Chaque pays a construit son propre système de protection sociale, en fonction de ses valeurs, de son
histoire, de ses ressources, etc On peut cependant observer qu'il y a des grands types d'Etats providence et
essayer de les regrouper en fonction de leur étendue, c'est-à -dire du degré de solidarité qu'ils impliquent
entre les personnes. C'est ce qu'a fait le Danois G. Esping-Andersen en proposant de distinguer trois types
principaux d'Etats providence :
• Le modèle universaliste, d'inspiration bévéridgienne : son objectif est de permettre un accès
universel (c'est-à -dire de tous les citoyens) à un niveau élevé de prestations et de services. Ces
services sont offerts gratuitement et sont donc financés par l'impôt. La protection sociale ne découle
pas du travail, elle est garantie à tous les citoyens. Ce système repose sur un Etat fortement
interventionniste et sur la volonté d'assurer la plus grande égalité possible entre tous les citoyens.
On parle également de système social-démocrate. On retrouve ce système essentiellement dans les
pays de l'Europe du Nord, spécialement en Suède.
• Le modèle corporatiste : le système repose pour l'essentiel sur les cotisations des actifs. C'est
donc l'activité (le travail) qui ouvre les droits. Ces droits sont souvent proportionnels aux cotisations,
selon la logique assurantielle. Les assurés sociaux peuvent compléter leur protection personnelle en
souscrivant des assurances privées ou en adhérant à des mutuelles. Le système français est un
système corporatiste, comme celui de l'Allemagne.
• Le modèle résiduel (ou libéral) : la protection sociale doit être assurée par les cotisations
personnelles, volontaires des individus. Il n'y a donc pas de système de protection sociale à
proprement parler, mais des assurances privées auxquelles chacun cotise en fonction de ses
moyens et de ses choix personnels. On a ici un Etat providence très réduit qui se contente
d'instaurer un minimum de protection sociale pour les plus démunis ne pouvant absolument pas
payer une assurance personnelle. L'aide publique sera donc réservée aux plus pauvres et
n'assurera que les prestations essentielles. L'exemple le plus connu de ce type de système est celui
des Etats-Unis (si vous regardez la série télévisée " Urgences ", vous savez à quel point la question
de l'assurance des patients arrivant à l'hôpital est cruciale).
Page 14/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 15/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
2.2.3 - La crise de légitimité : la protection sociale peut avoir des effets pervers,
et donc un surcroît de protection sociale n'est pas forcément un progrès social.
La crise de légitimité de l'Etat providence est une interrogation sur la justification morale et politique des
systèmes de protection sociale. Jusqu'où l'Etat doit-il prendre en charge les individus ? Doit-il se substituer
aux mécanismes de solidarité traditionnels ? Et à trop vouloir protéger les individus contre les risques de la
vie, ne va-t-on pas les déresponsabiliser ? On a là une rediscussion des objectifs de la protection sociale.
Par ailleurs, et dans le même ordre d'idée, se pose aussi la question de la rationalité économique des
dépenses de protection sociale.
• La protection sociale et le risque de déresponsabilisation individuelle. On reproche souvent à
l'Etat providence de développer une culture de l'assistance, de faire perdre aux individus les sens de
leur responsabilité. Dès lors que la société procure une aide en cas de difficulté, on n'a plus à se
soucier de risques que l'on court, on se repose sur l'idée que la collectivité interviendra en cas de
malheur. Par exemple, la gratuité des secours en haute montagne incite les touristes à prendre de
plus en plus de risques inconsidérés. De même, pourquoiun travailleur chercherait-il un emploi payé
au SMIC s'il peut bénéficier sans travailler d'allocations d'un montant voisin du SMIC. Au-delà de cet
effet pervers sur le comportement des individus, on peut dénoncer ici un recul du lien social dans la
mesure où les individus ne pensent plus qu'à leurs droits sur la société (et donc sur les autres) et
oublient les devoirs qu'ils ont envers elle (et donc envers les autres). C'est en cela que l'on peut
parler de déresponsabilisation.
• La protection sociale peut paradoxalement affaiblir le lien social. Il y a un risque, que certains
dénoncent, d'affaiblissement du lien social engendré par le système de protection sociale : l'Etat
ayant pris en charge la protection des individus, ceux-ci se sont dégagés des liens et des solidarités
traditionnelles - notamment les solidarités familiales et de voisinage. C'est potentiellement une forme
d'individualisme triomphant qui se développe : dès lors que l'on a payé nos impôts, nous ne nous
sentons plus responsable d'autrui (pourquoi m'occuper de mon voisin puisque l'Etat a mis en place
un système qui est précisément censé pourvoir à ses besoins ?) . Cela peut expliquer en partie
l'exclusion : ceux qui, pour une raison ou pour une autre, ne sont plus protégés par le système, ne
trouvent plus aucun secours dans la société, et sont renvoyés à leur responsabilité individuelle sur
un mode très culpabilisant.
• Dans un contexte financier plus difficile, les dépenses de protection sociale sont-elles
économiquement rationnelles ? C'est une des questions cruciales qui est invoquée pour remettre
en cause l'Etat providence. Toutes les ressources utilisées pour financer les prestations sociales font
défaut aux dépenses qui assurent la compétitivité de l'économie, sa capacité d'innovation et donc de
croissance. Une forte critique adressée par les économistes libéraux à l'Etat providence est que les
sommes ainsi détournées de l'investissement ralentissent la croissance économique et donc la
capacité à financer la protection sociale. Nos sociétés modernes vivraient " au-dessus de leurs
moyens ", plus soucieuses qu'elles sont de dépenser leurs richesses plutôt que de les produire.
On voit qu'on assiste à une remise en cause assez radicale de la solidarité collective. Que peut-on en
penser ? Il y a incontestablement des dérives de l'Etat providence, mais les résultats obtenus dans les pays
en pointe pour le recul de la protection sociale publique, comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne,
laissent sceptiques. Dans ces pays, en effet, des coupes claires ont été opérées dans les budgets sociaux.
Dans le même temps, les inégalités se sont fortement accrues, le nombre des gens sans protection sociale
s'est fortement accru, ce qui se traduit par un recours plus difficile au système de soins et par des conditions
de vie de plus en plus précaires pour une partie croissante de la population, y compris parfois celle ayant un
emploi.
Page 16/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
providence.
2.3.2 - D'où la nécessité de développer des mécanismes de solidarité avec les plus
pauvres.
L'Etat est donc appelé à construire une politique visant à maintenir le lien social avec tous les membres de
la société. Dans cet esprit, sont créés deux dispositifs dont l'objectif est de lutter contre les formes modernes
de pauvreté et d'éviter l'exclusion : le Revenu Minimum d'Insertion (R.M.I.), la Couverture Maladie
Universelle (C.M.U.) et la Prime Pour l'Emploi (P.P.E.).
• Le Revenu Minimum d'Insertion (créé en 1989) vise, comme son nom l'indique, à la fois à
fournir un revenu minimum et à favoriser l'intégration sociale. Il s'agit d'un revenu versé aux
Page 17/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 18/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
sans réelle contrepartie de la part du bénéficiaire. La réforme du RMI en 2003, en imposant aux
bénéficiaires l'acceptation des emplois proposés, reprend implicitement cette critique. Celle-ci
repose, en fait, sur l'idée selon laquelle les bénéficiaires de minima sociaux ont une " dette " vis-à -
vis de la société, et qu'ils lui sont redevables de ce qu'ils reçoivent. Il y a là une logique très libérale
et conservatrice qui voit dans l'assistance aux plus pauvres une générosité de la société, et non pas
un mécanisme de solidarité qui reposerait, lui, sur l'idée inverse que c'est la société qui a une dette
vis-à -vis de ceux qu'elle exclut.
• Le versement de compléments de revenu aux travailleurs pauvres encourage les entreprises
à verser de bas salaires. Cette critique est adressée à la PPE qui revient à ce que la collectivité
assure, par la redistribution fiscale, la hausse des salaires que les entreprises ne veulent pas
assumer. Ce faisant, on permet à une forme " d'exploitation " de perdurer en la rendant supportable
pour les salariés pauvres. La lutte contre le phénomène des " woorking poors " devrait, dans cette
optique, passer prioritairement par une revalorisation du SMIC. A l'opposé des points de vue
précédents, cette critique de la PPE est d'inspiration nettement antilibérale. L'accent est mis sur la
responsabilité des entreprises, et au-delà de la société toute entière, dans la pauvreté, le chômage
et le délitement du lien social. La difficulté de cette argumentation est qu'il est paradoxal de refuser
aux travailleurs pauvres un revenu supplémentaire au nom même de la lutte contre la pauvreté au
travail !
Page 19/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
aujourd'hui [1]) fait que la vieillesse n'est plus un risque à couvrir, mais une certitude : la plus grande
partie de la population atteint l'âge de la retraite et bénéficie du système. Il s'établit ainsi un
mécanisme de solidarité entre actifs et retraités, les plus jeunes subvenant par leur travail aux
besoins des plus âgés. Cependant, il faut noter que cette prise en charge ne se fait plus à travers la
solidarité familiale, mais par un mécanisme collectif, ce qui accorde aux retraités leur autonomie
financière (et permet à ceux qui n'ont pas d'enfants de bénéficier de la solidarité nationale).
[1] Gilles Pison, " France 2004 : l'espérance de vie franchit le seuil des 80 ans ", Population et sociétés,
INED, mars 2005.
Page 20/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 21/21
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Introduction
" Ouverture internationale ", " globalisation ", et surtout " mondialisation ", sont des expressions que vous
avez déjà souvent entendues, que ce soit à la télévision, en histoire-géographie, ou ailleurs. Mais quelle
réalité recouvrent-elles ? Et d'ailleurs, sont-elles synonymes ?
Il faut donc bien s'interroger sur ce qu'est la mondialisation et sur l'internationalisation des échanges qui
l'accompagne.
On peut définir le processus de mondialisation comme " l'émergence d'un vaste marché mondial des
biens, des services, des capitaux et de la force de travail, s'affranchissant de plus en plus des
frontières politiques des Etats, et accentuant les interdépendances entre les pays " (S. d'Agostino, La
mondialisation, Ed. Bréal, 2002).
L'internationalisation des économies nationales résulte de l'essor des échanges internationaux, résultat
d'une ouverture croissante des économies. Cet essor n'est pas récent : le commerce international s'est
développé très rapidement au 19ème siècle et le degré d'ouverture de nombreuses économies était plus
élevé en 1913 qu'il ne l'était à la fin des années 1960. Cependant depuis 1950, les échanges
internationaux progressent très rapidement, plus rapidement que les P.I.B. Ainsi, en deux siècles (le
19ème et le 20ème), les échanges de biens et services ont été multipliés par 1000 environ alors que le PIB
mondial n'a été multiplié que par 60 (ce qui est beaucoup quand même !). Cela signifie qu'une proportion
grandissante des productions nationales est exportée et que les économies nationales sont de plus en plus
insérées dans l'économie mondiale. Résultat : l'internationalisation des échanges est un vecteur de la
mondialisation, c'est-à -dire de la constitution d'un marché mondial ayant une logique propre qui n'est pas
celle des économies nationales.
Face à la mondialisation, les réactions, et les analyses, sont variées, de l'approbation sans question (car
elle est présentée comme inéluctable et favorable à la croissance) à l'acceptation avec fatalisme (car elle
est ressentie comme une situation que l'on subit sans rien y pouvoir) et à la contestation (par ceux qui
voudraient une altermondialisation, c'est-à -dire une autre mondialisation).
S'il y a des conflits autour de la mondialisation, c'est probablement que tous (tous les pays, ou tous les
citoyens des pays) n'en retirent pas les mêmes avantages : d'une part, certains pays pauvres, ou
certains citoyens fragilisés, peuvent être marginalisés par la mondialisation alors que d'autres (pays ou
citoyens) s'enrichiront grâce à la mondialisation ; d'autre part, les enjeux de la mondialisation ne sont pas
qu'économiques, mais aussi sociaux ou culturels : par exemple, on peut se demander si la domination
américaine dans le domaine du cinéma ne risque pas de déboucher sur une uniformisation culturelle du fait
de la libre circulation des films.
Finalement, dans ce chapitre, pour pouvoir ensuite nous demander dans quel monde nous voulons vivre
demain, il s'agit d'essayer d'abord de connaître la réalité actuelle, la mondialisation telle qu'elle est, ses
ressorts et ses risques.
Pour tenter de répondre à ces questions, nous commencerons par nous interroger sur les liens que l'on
peut établir entre le commerce international, la croissance et le développement : en quoi le commerce
international peut-il favoriser la croissance et le développement. Puis nous nous interrogerons sur le rôle
d'un des acteurs essentiels de ce processus, les entreprises, qui, par les stratégies qu'elles ont mises
en place, génèrent pour une bonne part la mondialisation. Enfin, nous essaierons de comprendre en quoi la
Page 1/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
mondialisation agit sur les évolutions sociale et culturelle et nous montrerons à la fois que la
mondialisation suppose une régulation mais aussi que cette régulation a bien du mal à se mettre en place,
ce qui est évidemment lié à la contestation actuelle autour de la mondialisation.
Page 2/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
productivité globale.
Dès lors que le commerce international lui permet de se spécialiser, chaque pays a intérêt à le faire
dans le secteur où il a le plus grand avantage comparatif, c'est-à -dire celui dans lequel ses
facteurs de production (capital et travail) auront la productivité la plus importante relativement à
l'étranger. C'est en effet la stratégie qui lui permettra de tirer le plus de richesse de sa production,
pour ses besoins propres comme pour importer les biens et services produits à l'étranger. Dans la
mesure où tous les pays se spécialisent selon leur avantage comparatif, alors la productivité des
facteurs augmente dans tous les pays et la production globale s'accroît. Des pays qui commercent
entre eux produisent plus et sont donc plus riches que s'ils vivaient chacun en autarcie.
• Chaque pays peut trouver sa place dans la DIT.
L'ouverture au commerce international entraîne toujours une crainte : celle d'être dépassé par la
concurrence internationale dans toutes les productions, et donc de ne pas avoir de place dans la
DIT. C'est D. Ricardo qui a montré que cette crainte était infondée. En effet, la règle de l'avantage
comparatif veut que chaque pays se spécialise non pas dans toutes les productions où il a
un avantage sur ses concurrents, mais dans la production où cet avantage est le plus grand.
Autrement dit, si deux pays commercent entre eux et que l'un est meilleur que l'autre dans tous les
secteurs, il a quand même intérêt à se spécialiser dans certains secteurs et à abandonner les
autres à son concurrent moins performant. L'important est chacun se spécialise dans les
productions où il est le plus efficace… ou le moins mauvais ! Ce point essentiel du raisonnement est
explicité dans les activités et l'encadré " pour aller plus loin : la théorie des avantages comparatifs de
D. Ricardo " qui vous sont proposés ci-dessous.
• Attention, les avantages comparatifs ne sont pas donnés une fois pour toutes, ils sont construits par
l'histoire et les politiques des pays.
Il y a avantage comparatif dès lors que les pays qui commercent ont des niveaux de productivité
différents. La spécialisation internationale permet à chacun de concentrer ses moyens de
production surles secteurs où ils seront relativement les plus efficaces. Mais d'où viennent les écarts
de productivité entre les pays ? Parfois ils peuvent être tirés d'avantages naturels – on pense par
exemple aux richesses minières du sous-sol où à la fertilité des terres agricoles. Mais dans la
plupart des cas, un avantage de productivité est le fruit d'une histoire : l'industrie anglaise
des débuts de l'ère industrielle surpassait ses concurrentes parce que ses entrepreneurs
avaient beaucoup investi, beaucoup innové, que les ouvriers anglais étaient bien formés.
Mais les autres pays, notamment l'Allemagne ou les Etats-Unis à la fin du 19ème siècle, ont pu
combler ce retard, notamment par des politiques publiques appropriées qui ont amélioré la
productivité industrielle.
Cela a deux conséquences : d'abord que les spécialisations commerciales ne sont pas nécessairement
stables, l'avantage comparatif d'un pays pouvant évoluer et se transformer. Mais surtout, cela implique
qu'un pays peut essayer de " choisir " son avantage comparatif. Par exemple, en développant la
recherche, en investissant dans la formation initiale et continue, en favorisant fiscalement l'investissement,
un Etat peut acquérir un avantage comparatif dans les secteurs industriels de pointe.
Quel est l'intérêt d'une telle politique ? Il découle de ce que l'avantage tiré du commerce international n'est
pas forcément réparti également entre les pays. Nous avons vu plus haut que, selon la théorie des
avantages comparatifs, la spécialisation internationale accroît le niveau de production global. Mais ce
surcroît de richesse, comment se distribue-t-il ? Là -dessus, la théorie ne dit rien. Or, il peut être plus
avantageux, par exemple, de se spécialiser dans le secteur des hautes technologies parce qu'il
entraîne des externalités positives pour le reste de l'économie, et donc procure un meilleur rythme
de croissance à l'économie nationale. Il peut aussi être plus avantageux de se spécialiser dans les
nouveaux secteurs, où les gains de productivité sont forts ce qui permet une plus grande
distribution de richesse. Vous avez là la racine des politiques de compétitivité que mènent actuellement
les pays engagés dans le commerce mondial, chacun voulant s'assurer dans la DIT la place la plus
avantageuse.
Page 3/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
On voit donc que le libre-échange génère des effets économiques favorables à la croissance
économique : abaissement des coûts de production et des prix, meilleure allocation des ressources
disponibles, économies d'échelle, diversité accrue des produits. On peut donc se demander pourquoi
le libre-échange ne se généralise pas plus vite, par exemple dans le domaine des services ou des produits
agricoles, ou pourquoi l'Union européenne, par exemple, a cherché à se protéger des importations textiles
chinoises. Il y a, derrière ces pratiques protectionnistes, des éléments qui montrent sans doute que le libre-
échange n'a pas que des effets positifs.
Page 4/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
sont ces raisons que nous allons d'abord exposer. Nous verrons ensuite quels sont les outils utilisés
aujourd'hui pour mettre en œuvre ce protectionnisme.
Page 5/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
que le prix du marché, ce qui rend évidemment l'échange très avantageux. D'où l'idée, pour l'Etat,
d'essayer de développer ce type d'entreprise.
Quelles branches sont concernées ? Il s'agit de celles où les économies d'échelle sont très
importantes (plus les quantités produites augmentent, plus le coût unitaire de production diminue)
du fait de l'importance des coûts fixes, où le ticket d'entrée dans la branche est très élevé (ce qui
décourage la concurrence) toujours du fait des coûts fixes et où les effets d'apprentissage sont
importants (plus on produit, plus on apprend et mieux on sait faire, ce qui fait gagner en coûts par
rapport aux concurrents moins expérimentés).
Ce soutien aux activités stratégiques s'ajoute souvent aujourd'hui à un choix fait autrefois largement
au nom de " l'intérêt national " : on estimait que certaines activités étaient tellement importantes
pour la vie économique du pays qu'on ne pouvait pas courir le risque de les laisser tomber dans des
mains étrangères (c'est l'argument utilisé pour nationaliser la production d'électricité en 1945 ou pour
la production d'énergie nucléaire), d'où en France par exemple, les nationalisations ; d'autre part, on
peut vouloir éviter, pour des raisons sociales en particulier, la disparition de certaines entreprises
nationales sous la pression de la concurrence internationale.
• Un exemple pour mieux comprendre : l'industrie aéronautique.
Face au premier constructeur mondial, l'américain Boeing, dans les années 1970-1980, il n'y avait
pas de rival en Europe. Certains pays européens ont créé un consortium (entreprise commune, au
sein de laquelle on répartit la production entre les pays) et l'ont soutenu de manières diverses pour
finalement parvenir à développer Airbus. L'aéronautique est une branche dans laquelle l'entrée est
très coûteuse (les équipements sont très spécialisés, la R&D doit être très poussée, le réseau clients
est très difficile à constituer). Les effets d'apprentissage et les économies d'échelle y sont très
importants. Une fois installé dans la branche, on peut y réaliser de gros profits, mais il faut parvenir
à s'y installer. C'est l'objet de la politique commerciale stratégique. Les Etats européens ont
largement subventionné Airbus, en particulier sur le plan de la R&D, mais aussi sur le plan des
implantations. Airbus n'aurait jamais pu se développer sans ce soutien qui a permis de développer
une industrie aéronautique, donc d'augmenter la production réalisée sur le territoire européen.
• Les limites de ce raisonnement
Ce type de protectionnisme est critiqué par un certain nombre d'économistes. D'abord, on peut
craindre les représailles : si un Etat avantage certaines entreprises, on peut penser que les autres
Etats vont très mal prendre la chose et essayer de faire la même chose ou de pénaliser sur leur
territoire les entreprises avantagées par leur pays. Ensuite, on peut soutenir que les Etats ne sont
pas toujours capables d'une part de repérer les branches " stratégiques ", et d'autre part de
concevoir des mesures protectionnistes efficaces et sans effet pervers. C'est la position de
l'économiste américain Paul Krugman, en particulier, qui défend le libre-échange alors même qu'il
est tout à fait d'accord sur ses imperfections.
Page 6/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 7/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 8/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
encore plus rapide des échanges avec les pays hors Union européenne.
• Le développement des échanges depuis 1945 se fait surtout entre les pays industrialisés mais ces
échanges se transforment.
• Le commerce international est essentiellement un commerce entre pays développés et ceci
n'a pas vraiment changé depuis la seconde guerre mondiale. En effet, en 1948 comme en
2003, le commerce international des PDEM représentait un peu moins de 70 % du
commerce mondial.
• Cette permanence est d'autant plus remarquable que la croissance du commerce mondial a
été particulièrement forte durant cette période. En effet, depuis 1950, le commerce mondial a
toujours augmenté plus vite que la production mondiale. Cela signifie que les économies
nationales sont de plus en plus " ouvertes ", c'est-à -dire que leur degré d'ouverture
augmente : une part croissante de la production nationale est vendue à l'étranger et,
parallèlement, une part croissante de la demande du pays est satisfaite par des produits
venant de l'étranger. Cela s'accompagne d'une interdépendance de plus en plus grande
entre pays (en terme de demande) et cela d'autant plus que les marchés financiers sont
reliés aussi entre eux (c'est la globalisation financière : voir pour en savoir plus).
• Cette croissance du commerce international s'est faite selon un rythme différent selon les
produits : elle est beaucoup plus rapide pour les produits manufacturés que pour les
produits primaires entre 1950 et 2005 . On pourrait penser que ce développement rapide
des échanges de produits industriels avantage les pays déjà développés qui les produisent.
Et cela a bien été le cas jusqu'au début des années 1970. Mais depuis, les choses ont bien
changé. Vous connaissez l'exemple de la Chine mais on pourrait l'élargir à d'autres pays
comme les NPI d'Asie : ceux-ci tendent à devenir " l'atelier du monde " comme il est souvent
dit. Et la part des produits manufacturés dans le total des exportations des pays en
développement (PED) est passé de 7% en en 1960 à environ 70 % aujourd'hui ! C'est donc
un changement majeur du commerce mondial : des concurrents de poids viennent
bousculer les PDEM. La Chine qui était le 21ème exportateur mondial de marchandises en
1973 est devenu le 4ème en 2003. Autres exemples : la Corée du Sud est passée du 38ème
rang au 12ème, la Malaisie du 40ème au 20ème, la Thaïlande du 51ème au 24ème !
• Quant aux échanges de services, leur croissance est plus récente mais très rapide.
Résultat : la part des services dans les échanges internationaux s'accroît rapidement,
elle est de l'ordre de 20% en 2002 alors qu'elle n'était que de 15% en 1980. Cependant une
part importante des services reste relativement difficilement exportable : services non
marchands comme l'enseignement (même si BRISES est utilisée dans le monde entier !),
services aux personnes comme la santé, par exemple car ils sont non stockables et leur
consommation est souvent liée à des habitudes culturelles. Ils constituent ce que l'on appelle
le " secteur abrité ", c'est-à -dire abrité de la concurrence internationale. Ce secteur abrité
peut être considéré comme un gisement d'emplois pour lesquels le coût salarial a peu
d'importance puisqu'il n'y a pas de concurrence venant d'autres pays.
Conclusion : les pays développés à économie de marché continuent de réaliser la part la plus importante
des échanges mondiaux (plus des deux tiers) mais ils sont de plus en plus concurrencés sur les produits
industriels par de nouveaux concurrents (Inde, Chine, par exemple). Le développement des échanges de
services est très rapide depuis le début des années 1980. Comme les échanges internationaux se
développent plus rapidement que la production, les économies sont de plus en plus ouvertes et
interdépendantes.
1.3.2 - Les pays en développement ont plus souvent utilisé des politiques
protectionnistes ou alors tenté un développement basé sur l'exportation de
matières premières, politiques dont le bilan est très mitigé !
• Le constat : depuis 1948, on observe que certains pays en développement ont vu leur part dans les
exportations mondiales s'accroître significativement (les pays asiatiques, essentiellement, mais aussi
Page 9/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
les pays pétroliers à cause de la hausse du prix du pétrole) alors que d'autres pays voient au
contraire leur part diminuer sensiblement : par exemple, alors que les exportations des pays
africains représentaient 7,3% des exportations mondiales en 1948, elles n'en représentent plus que
2,9% en 2005).
• Comment expliquer ce constat ? Tout d'abord, par le choix de stratégies différentes. Certains pays,
comme de nombreux pays d'Amérique latine dans les années 1960, ont choisi une stratégie
protectionniste et un développement axé sur le marché intérieur. Mais cette stratégie a buté sur
la taille des marchés intérieurs, insuffisante pour rentabiliser la production. Dès lors, la
croissance a été relativement faible. Inversement, de nombreux pays asiatiques ont choisi l'insertion
dans le commerce international. Cette stratégie d'ouverture internationale semble avoir été plus
efficace : en effet, les pays les plus ouverts, c'est-à -dire les plus intégrés au commerce mondial,
sont aussi ceux qui ont eu la croissance la plus rapide (4.6% par an en moyenne contre 1.2%
seulement pour les pays moins ouverts sur la période 1960-1973 , par exemple) .
Ceci étant dit, qu'en est-il des pays ayant voulu s'insérer dans le commerce international en utilisant comme
avantage spécifique la présence de matières premières sur leur sol ?
• Le choix d'une politique d'insertion par exportation de matières premières.
Pour autant, ce type de politique d'insertion internationale a-t-il été efficace ? Ne peut-on pas parler
d'échec des politiques de développement lors qu'elles sont fondées sur l'exportation de matières
premières ? En effet, ce type de politique ne contribue pas forcément à développer le marché
intérieur : on produit bien des haricots verts, si on garde notre exemple, mais ce n'est pas pour
nourrir la population du pays. Et la plupart du temps, c'est la bourgeoisie locale, liée à l'étranger, qui
utilise les montants issus des exportations pour satisfaire ses besoins, lesquels sont souvent
satisfaits par des produits importés. Et les revenus distribués à l'occasion de la production des
haricots verts ne servent pas réellement à constituer un marché intérieur, tout simplement parce que
la production supplémentaire n'est pas mise en vente sur le marché intérieur. Il n'y a donc pas de
production supplémentaire à acheter avec ces suppléments de revenu, il faut donc importer pour
répondre à la demande. Pire même : ces productions vont utiliser des surfaces cultivables, en
général les meilleures, qui ne pourront plus l'être pour les cultures vivrières, ce qui peut même
contribuer à diminuer les quantités mises sur le marché local. On peut tenir le même raisonnement
aujourd'hui pour les surfaces consacrées à la fabrication de bio-carburants.
En outre, faire reposer le développement du pays sur les produits primaires pose un problème lié
aux caractéristiques des prix des produits primaires. Ces prix ont deux caractéristiques
principales : d'une part, ils sont extrêmement fluctuants dans le temps, c'est à dire qu'ils
peuvent monter ou baisser très rapidement, beaucoup plus que les prix des produits
manufacturés ; d'autre part, sur le long terme, comparativement au prix des produits
manufacturés, leur pouvoir d'achat a en général diminué : cela signifie qu'avec la même quantité
d'un produit primaire, on achète de moins en moins de produits transformés. C'est ce que l'on
mesure grâce aux termes de l'échange [pour une définition des termes de l'échange, voir le " à
savoir avant de commencer "]. Or, ces termes de l'échange, pour les pays en développement, ont
été très instables et plutôt orientés à la baisse (sauf pour les pays exportateurs de pétrole) ce qui ne
permet pas de favoriser une croissance durable. (voir pour en savoir plus n°5)
Page 10/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
• L'endettement croissant des pays ayant choisi cette stratégie de développement et les
politiques d'ajustement structurel qui leur ont été imposées par les organisations
internationales.
Les pays en développement se sont beaucoup endettés dans les années 1970 car, à cette période,
les prix des produits primaires étaient relativement élevés ce qui permettait d'envisager le
remboursement. Mais cela n'a pas duré et, à partir du moment où la dette ne peut pas être
remboursée dans les délais prévus (à cause de la baisse des prix), on assiste en général à une
course sans fin : les pays empruntent de quoi payer la charge de la dette (la charge de la dette, c'est
ce qu'il faut payer chaque année, c'est-à -dire le montant des intérêts annuels et la fraction
remboursable du capital emprunté), ce qui accroît évidemment la charge future de remboursement,
d'autant que les taux d'intérêt consentis par les banques internationales sont élevés compte tenu du
risque encouru par les créanciers. On s'engage alors dans une spirale sans fin, qui ne peut que mal
finir : les pays finissent par ne plus trouver de banques qui acceptent de leur prêter de l'argent ou ils
déclarent ne plus pouvoir rembourser leurs dettes. Dans les deux cas, les conséquences pour le
pays en développement sont graves puisqu'il n'arrive plus à trouver les capitaux nécessaires à son
développement et qu'il doit chaque année se saigner (c'est-à -dire prélever sur ses ressources) pour
essayer de rembourser sa dette. Mais les conséquences peuvent être graves aussi pour les pays
développés car une banque qui a beaucoup prêté à un pays en développement peut se retrouver en
grande difficulté si le pays ne rembourse pas. Ce scénario s'est effectivement déroulé dans certains
pays latino-américains, comme le Mexique ou le Brésil, ou des pays africains. Les risques encourus
étant très graves (pas seulement pour les pays endettés), les organismes internationaux sont
intervenus dans cette crise et ils ont imposé aux pays en développement lourdement endettés une
politique visant à l'assainissement économique. Ce sont ce que l'on appelle les plans d'ajustement
structurel.
Les plans d'ajustement structurel sont des plans construits et imposés par les organisations
internationales et visant à remettre de l'ordre dans les déficits publics et commerciaux en échange
d'un refinancement de la dette (c'est-à -dire de prêts nouveaux et/ou d'un rééchelonnement de la
dette). Pour lutter contre le déficit public, le FMI ou la Banque mondiale imposent une réduction des
dépenses publiques. Pour lutter contre le déficit commercial, ils imposent l'ouverture des frontières
(pour rétablir la concurrence sur le marché intérieur) et une réduction de la demande intérieure
(l'excédent de production amené par cette réduction du marché intérieur peut être exporté, ce qui
réduit le déficit commercial, surtout si cela s'accompagne d'une réduction simultanée des
importations). Enfin, le pays doit mener une lutte sévère contre l'inflation : diminution du déficit
budgétaire, gel des salaires (ce qui contribue à la réduction de la demande intérieure) et hausse des
taux d'intérêt. Résultat : dans tous les pays concernés par un plan d'ajustement structurel, on
observe une chute du pouvoir d'achat de la population et une récession très sévère, donc la montée
du chômage. Dans des pays souvent déjà très pauvres, ces plans ont évidemment des effets
sociaux (et parfois politiques) désastreux.
Conclusion : sauf le cas particulier des pays exportateurs de pétrole (cette spécialisation étant
pertinente étant donné les besoins énergétiques de l'ensemble des pays du monde), on ne peut pas dire
que les politiques fondées sur l'exportation de produits primaires aient eu des effets positifs sur la
croissance et le développement des pays qui les ont mises en œuvre. Leur échec a amené ces pays à
devoir s'ouvrir davantage au commerce international, dans un contexte restrictif marqué imposé par le FMI
et la Banque mondiale.
1.3.3 - Les nouveaux pays industrialisés notamment d'Asie du sud-est ont décidé
de jouer la carte de l'insertion dans le commerce international par une politique
de remontée des filières largement organisée par l'Etat.
C'est ce pragmatisme entre acceptation du libre-échange et intervention de l'Etat qui a sans doute donné
des résultats plutôt satisfaisants en terme de croissance économique.
Page 11/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
C'est une stratégie qui vise le marché extérieur. Il s'agit d'une part de substituer aux
exportations de produits primaires des exportations de produits manufacturés, d'autre part,
une fois le processus engagé, de " remonter les filières ". La politique de remontée de filières
consiste par exemple, pour le textile, à commencer par fabriquer des vêtements de sport en
important le tissu, le fil, les accessoires, les machines, les services de stylistes, etc. ; ensuite on se
met à fabriquer le tissu (c'est le tissage), puis on se met au filage, enfin on n'hésite plus à
construire des machines textiles (et à les exporter, bien sûr !). On part donc d'un produit de grande
consommation, utilisant beaucoup de main d'œuvre, et on remonte la filière jusqu'à fabriquer les
machines-outils nécessaires à la production, quitte à laisser la fabrication des vêtements à des
pays moins avancés, donc à délocaliser la production. La cible de cette stratégie est d'abord le
marché extérieur mais, en fabriquant des produits manufacturés et en distribuant des revenus à
l'occasion de cette production, on vise aussi à développer le marché intérieur.
• L'expérience des NPI : Etat, marché et valeurs.
Ce sont surtout les pays d'Asie, par exemple la Corée du Sud, qui ont mis en œuvre cette stratégie.
Une des raisons essentielles de ce choix était souvent qu'il s'agissait de pays ne disposant pas de
matières premières. Pour exporter, et donc s'insérer dans les échanges mondiaux, il fallait qu'ils se
spécialisent dans des productions où ils avaient un avantage, cela ne pouvait être que des
productions industrielles nécessitant de la main d'œuvre peu qualifiée et nombreuse, le textile ou
l'électronique par exemple. Mais la mise en œuvre de cette stratégie s'est accompagnée de
caractéristiques particulières qui expliquent la réussite des NPI car il ne faut pas croire que l'insertion
dans le commerce international suppose (a)une croyance absolue dans l'efficacité des mécanismes
de marché et qu'elle puisse se faire spontanément. Regardons donc tout d'abord le rôle de l'Etat :
• L'Etat a joué un rôle majeur dans le processus. Il l'a initié et dirigé, tout en sachant laisser
une place grandissante à l'initiative privée. Il a, par exemple, dès le milieu des années 1970,
choisi d'aider au développement des industries à forte intensité de travail pouvant
concurrencer celles des pays occidentaux du fait du très bas coût relatif de la main d'œuvre
(en 1975, le salaire moyen d'un ouvrier du textile sud-coréen ne représentait que 8% de
celui d'un ouvrier français, par exemple). Il a aussi protégé le marché intérieur, de manière
sélective mais draconienne, de façon à assurer son développement dans les branches qu'il
semblait possible de développer tout en recourant massivement aux capitaux étrangers pour
l'industrialisation. Enfin, il a mené parallèlement un vigoureux effort de constitution des
infrastructures nécessaires au développement, qu'elles soient matérielles, comme le
développement d'un réseau de communications, ou immatérielles, comme la formation de la
main d'œuvre. Résultat : le pays a pu passer d'industries à forte intensité de travail à des
industries de plus en plus sophistiquées, nécessitant de plus en plus de capital et de travail
qualifié, en remontant les filières comme on l'a vu plus haut, et même en s'attaquant à la
production de services haut de gamme : la Corée du Sud est aujourd'hui un concurrent très
sérieux sur la scène internationale en ce qui concerne la fourniture d'usines clefs en mains,
elle rivalise donc avec les plus grands groupes multinationaux. Elle dispose d'un tissu
industriel diversifié satisfaisant largement par elle-même le marché intérieur. Elle pratique
également la délocalisation en faisant produire dans les pays asiatiques voisins, moins
développés, ce qu'elle ne veut plus produire chez elle. Mais ces résultats n'auraient pu être
obtenus sans l'intervention de l'Etat.
• Les valeurs ont également joué un grand rôle dans le développement des pays
asiatiques : il ne suffit pas que " l'Etat décide " pour que cela marche, les pays asiatiques en
font la preuve. Il y a eu parallèlement à cette volonté étatique une forte mobilisation de la
population autour des objectifs de l'Etat. En effet, la population relativement homogène et
connaissant peu d'inégalités a toujours valorisé le collectif incarné par l'Etat et a
accepté de payer un lourd tribut puisque l'industrialisation a été financée par le maintien d'un
faible pouvoir d'achat pendant longtemps, les syndicats étant, par ailleurs, peu présents.
Aujourd'hui, cependant, les salaires coréens ont quasiment rattrapé le niveau de ceux des
britanniques. Et leur spécialisation ne repose plus sur un avantage lié essentiellement au
Page 12/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
coût du travail mais sur la qualité de leurs produits. La plupart des études portant sur la
réussite des NPI insiste aussi sur le rôle actif de certaines minorités cherchant à s'intégrer
par l'enrichissement et sur le rôle positif des valeurs enseignées par le confucianisme
notamment le respect de la hiérarchie.
Le modèle de développement par insertion dans les échanges mondiaux en promouvant les exportations de
biens manufacturés et en remontant les filières semble donc avoir prouvé son efficacité. La Corée appartient
depuis 1996 à l'OCDE, organisation qui regroupe l'ensemble des pays développés. La crise financière
asiatique de 1997 a durement secoué ces pays. Pourtant les NPI asiatiques n'ont pas sombré et il semble
bien que ces pays soient définitivement sortis du sous-développement, ce qui ne signifie évidemment pas
que tous les problèmes sont réglés : en particulier, la question de la démocratisation de la vie politique est
aujourd'hui posée avec acuité, de même que celle des inégalités. Les pays en développement pourraient-ils,
devraient-ils, imiter les NPI ? On peut évidemment se poser cette question. Il est difficile d'y répondre mais
on peut penser que les choses ne sont pas si simples : si tous les pays pauvres avaient eu, en même temps
que la Corée, la même stratégie qu'elle, cela n'aurait pas pu réussir car tous ces pays auraient fabriqué le
même genre de produits.
1.3.4 - Ces différentes formes d'insertion dans les échanges internationaux ont eu
des effets ambigus sur l'évolution des écarts de niveau de vie entre les régions ou
les pays.
A long terme, depuis le début du XIXe siècle, il semble que les niveaux de vie des différents pays aient
augmenté de manière très différente (voir § 2.1.3. du chapitre introductif). Les inégalités se sont donc
accrues entre les pays.
• Comment expliquer cela ? Depuis le début du XIXe siècle, c'est la forte croissance économique des
pays aujourd'hui développés par rapport aux autres pays qui explique la croissance des écarts de
niveau de vie. Mais y a-t-il un lien entre ces différences de croissance et l'insertion dans le
commerce international ? En partie, oui. Une raison avancée pour faire le lien avec le commerce
international est que les pays développés sont plus insérés dans le commerce international
que les pays aujourd'hui en développement et ont profité des avantages de cette insertion
(voir partie sur les avantages comparatifs) à l'inverse des pays restés en dehors des
échanges internationaux.
Mais le caractère destructeur du commerce international pour la croissance de certains pays peut être
invoqué aussi! En effet, l'efficacité des entreprises des pays ayant connu la révolution industrielle a
pu faire disparaître les entreprises industrielles des autres pays : ces dernières n'ont pu se
développer ce qui a bloqué la croissance économique et donc accru les inégalités de niveau de vie
entre pays. L'exemple type est bien sûr les évolutions inverses de croissance économique et
d'augmentation de niveau de vie de l'Angleterre et de l'Inde du fait notamment de la disparition des
industries textiles en Inde.
• Depuis 1950, le constat de l'évolution des inégalités est moins net, nous l'avons vu. En fonction
des indicateurs retenus, on peut observer soit une poursuite de l'aggravation des inégalités, soit une
réelle réduction des inégalités. En utilisant un indice de Gini et en le pondérant par la taille de la
population (c'est-à -dire en calculant un indicateur par habitant), on observe une diminution de 12%
des inégalités par habitant entre 1952 et 2000. Cette diminution s'observe spécialement après 1970
et encore plus nettement depuis1990. Comment s'explique ce renversement de tendance ? On peut
penser que cela s'explique par le développement récent de deux pays très nombreux, la Chine et
l'Inde.
Pourquoi la Chine (notamment) a vu son niveau de vie se rapprocher un peu de celui des pays
développés ? Comment encore une fois expliquer la différence de croissance économique ? Quel
lien faire avec le commerce international ? La croissance de la Chine a été depuis le début des années
80 supérieure à 9 %, celle de l'Inde se rapproche de celle de la Chine alors que celle des pays développés
est restée inférieure à 3 %.En dehors des facteurs que vous connaissez comme l'importance des facteurs de
Page 13/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
production (importante main d'œuvre disponible en Chine comme en Inde, transferts de population active
vers des secteurs à forte productivité, etc.) ou comme les gains de productivité, il se peut que l'ouverture
extérieure ait pu jouer un rôle positif. La Chine, non seulement a abandonné un système économique
planifié pour une économie de marché, mais s'est intégrée au marché mondial en jouant sur le très
faible coût de sa main d'œuvre : c'est la base de sa stratégie de croissance qui a été une réussite :
elle est devenue un des " ateliers du monde ". De ce point de vue la mondialisation a pu réduire les
inégalités entre la Chine et les pays développés et, eu égard à la taille de la Chine, réduire les inégalités
mondiales. D'autres exemples pourraient être rappelés notamment celui de la Corée du Sud pour appuyer
cette analyse. (Relisez le paragraphe 133)
Cependant, et vous le savez déjà , une spécialisation sans avenir peut se révéler désastreuse pour
l'économie d'un pays comme dans le cas des matières premières agricoles dans de nombreux pays en
développement. Tout dépend dans ce cas de l'évolution des termes de l'échange : favorable dans les
années 70 pour les pays en développement, défavorable par la suite jusqu'à récemment.
Et, de manière plus générale, les gains à l'échange (si gains il y a) ne vont pas automatiquement , de toute
évidence, aux pays les plus pauvres.
Conclusion : l'insertion dans les échanges internationaux a été pour certains pays un levier réel pour
accéder au développement. Mais on l'a vu, il ne s'agit pas de simplement ouvrir le pays aux
échanges. Il faut une réelle volonté politique, collective, de construire son propre développement.
Les écueils sont donc nombreux et pour bon nombre de pays, le développement semble encore bien
lointain. L'insertion en elle-même n'est pas forcément source de développement. Elle peut même engendrer
des effets très négatifs sur le développement.
Le libre-échange a une utilité qui n'est plus contestée pour la croissance, il n'en reste pas moins que les
dangers auxquels il expose l'ensemble des acteurs économiques justifient sans doute qu'il soit encadré. Le
libre-échange oui, mais pas un libre-échange sauvage, un libre-échange qui prenne en compte les inégalités
de développement et les effets sociaux de la concurrence internationale exacerbée, bref ce que certains
appellent un libre-échange soutenable. Cela suppose que le libre-échange soit réglementé et, pour cela, qu'il
y ait une autorité politique mondiale capable d'imposer cette réglementation. Nous reparlerons de cette
question dans la dernière partie de ce chapitre. Auparavant, nous allons voir comment les entreprises ont
joué un rôle moteur dans le processus de mondialisation.
Page 14/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
à l'étranger. Une entreprise qui se contente d'exporter des marchandises (même en grande quantité) ne
peut être considérée comme une firme transnationale.
• Une FTN, en produisant et en vendant simultanément sur plusieurs territoires, acquiert une
dimension de firme globale : elle a le monde comme champ d'activité. Il est dès lors parfois difficile
d'attribuer à ces firmes une nationalité, économiquement parlant. Il n'en reste pas moins que
l'histoire ou la culture de ces entreprises s'ancrent encore largement dans un territoire. Ainsi, si
Danone est effectivement une firme transnationale, elle reste toujours attachée à la France dans
l'imaginaire collectif.
• L'instrument privilégié de l'internationalisation des firmes reste les IDE : Les Investissements
Directs à l'Etranger sont les sommes d'argent investies (ou reçues) par un pays vers (ou en
provenance de) l'étranger, dans le but soit de créer ou développer une firme nouvelle
localement, soit de prendre partiellement ou totalement le contrôle d'une firme locale
existante par une prise de participation au capital via des mécanismes financiers de fusions
acquisitions parfois complexes. On considère généralement que le seuil de 10% de prise de capital
d'une entreprise permet de définir un IDE : cela signifie que si le flux de capitaux entre deux pays a
comme résultat une prise de participation de 10%, il sera classé dans la balance des paiements des
deux pays comme IDE (entrant ou sortant selon le pays). Une firme transnationale est dès lors en
général constituée d'une maison mère et de filiales dont le capital est détenu, en totalité ou en
partie, par la maison mère. Il faut ajouter à ces entreprises reliées financièrement un ensemble
d'entreprises sous-traitantes, juridiquement indépendantes mais économiquement dépendantes.
Depuis une quinzaine d'années, les IDE ont littéralement explosé, surtout en faveur des pays développés
qui en sont les premiers bénéficiaires. Parmi les pays bénéficiaires d'IDE, la France se classe 4ème en
recevant plus de 63 millions de dollars d'IDE en 2005. L'Union européenne est, de manière générale, le
principal destinataire de l'investissement direct à l'étranger en recevant près de la moitié du flux
total. Il faut encore noter que parmi les pays destinataires autres que les pays industrialisés, les flux se
concentrent sur quelques pays seulement : essentiellement les pays asiatiques où la croissance
économique est rapide (Chine, Hong Kong et Singapour principalement) et certains pays latino-américains
dans une moindre mesure (Brésil notamment). Les pays africains sont complètement à l'écart de ces flux
d'I.D.E. On voit donc ici que les firmes transnationales génèrent l'internationalisation des économies, en
développant notamment une segmentation des productions.
Page 15/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 16/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
augmenter conjointement la valeur des productions importées en France. L'intérêt serait de réaliser
son profit dans l'autre pays plutôt qu'en France (grâce au prix des importations et exportations), pour
bénéficier de l'impôt sur les bénéfices le plus faible. Du fait de ces manipulations possibles, on ne
sait pas très bien quelle signification donner aux flux résultant de ces échanges intra-firme : leurs
valeurs ne peuvent pas être considérées comme extrêmement significatives.
• Il y aurait aujourd'hui 80 000 FTN dans le monde, disposant de 900 000 filiales. Un tiers au moins
des échanges mondiaux lierait les FTN à leurs sous-traitants. Si on ajoute aux échanges intra-
firme les échanges où l'un au moins des co-contractants est une firme transnationale, ce sont
92% des échanges mondiaux qui sont concernés. On voit que la mondialisation ne saurait se
passer des firmes transnationales ! Le processus est loin d'être achevé : on voit aujourd'hui se
développer des accords d'alliance/coopération entre firmes transnationales sur des produits
particuliers ou des segments de marché comme entre PSA Peugeot-Citroën et Fiat (production de
Peugeot Boxer, de Citroën Jumper et de Fiat Ducato) . On observe également le développement
de réseaux d'entreprises : les firmes transnationales, au lieu de continuer à augmenter le
nombre de leurs filiales en rachetant ou en créant des entreprises à l'étranger, se contentent
de conclure des contrats commerciaux avec des entreprises partenaires à l'étranger, contrats
prévoyant par exemple la fourniture de tel ou tel produit avec des caractéristiques bien précises
dictées par la firme transnationale comme le fait Nike avec des sous-traitant dans diverses régions
du monde. L'avantage est la souplesse qui en résulte pour la transnationale : un contrat commercial
peut être rompu ou non reconduit extrêmement facilement alors qu'une participation dans le capital
d'une entreprise est beaucoup plus difficile à liquider.
Conclusion : Les entreprises transnationales participent à la mondialisation des échanges en accentuant la
division internationale du travail par la DIPP, dans le but de bénéficier des avantages comparatifs propres
aux pays d'implantation. Leur développement s'observe statistiquement par la progression très rapide depuis
vingt ans des IDE. Ceci conduit naturellement à accélérer les échanges internationaux, notamment parce
que l'on observe un commerce intra-firme de plus en plus développé.
Page 17/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Les firmes transnationales vont avoir une stratégie de localisation de la production en fonction
des caractéristiques propres de chaque espace national de manière à maximiser leurs
profits. La division du processus de production entre des pays différents exploite les
différences de conditions de production entre les pays : dans certains pays, les matières
premières sont peu chères, dans d'autres ce sont les impôts ou le coût du travail. Les firmes
transnationales vont chercher à profiter de tous ces avantages à la fois. Comment ? En investissant
(par des IDE) dans les pays où les conditions de production les intéressent. Par exemple, si la
confection de vêtements est moins coûteuse en Corée du Sud du fait du très bas niveau des salaires
qu'en France, une FTN va implanter son usine de confection là -bas. Cependant, la firme peut
considérer que ce pays d'accueil ne dispose pas de stylistes de qualité et va donc installer son unité
de conception des vêtements en France. Elle divise donc le processus productif et localise sa
production là où cela lui coûtera globalement le moins cher, tout en bénéficiant des avantages de
chacun des pays.
Cette différenciation permet aussi de mieux prendre en compte les spécificités culturelles des
consommateurs : ainsi par exemple, alors que dans beaucoup de pays européens, on consomme
Page 18/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
des œufs à coquille complètement blanche, l'introduction de ces œufs en France s'est révélé un
échec commercial. En effet, les Français sont attachés à une coquille d'œuf colorée, gage de
qualité et de naturel, pensons-nous… Une entreprise qui veut produire pour un marché mondial ne
peut pas ne pas tenir compte de ces spécificités.
Le choix stratégique entre compétitivité-prix et compétitivité hors-prix dépend d'abord de la nature
du produit : quand on produit des chaussettes, par exemple, le prix est un argument de vente essentiel ;
quand on vend des machines outils pour la production industrielle, la fiabilité est essentielle pour le client ;
quand on vend des chaînes hi-fi, on doit choisir entre une stratégie relativement bas de gamme fondée sur
des prix compétitifs ou une stratégie haut de gamme fondée sur la qualité et les innovations technologiques.
La localisation de la production est une conséquence de cette décision stratégique
On parle de délocalisation [voir cette notion] quand une entreprise décide de fermer un de ses
établissements de production dans un pays pour aller en ouvrir un autre, à peu près
équivalent, dans un autre pays. On peut également parler de délocalisation quand une entreprise
abandonne un sous-traitant dans le pays en s'adressant à un sous-traitant étranger. Au sens strict,
on ne peut parler de délocalisation que quand un établissement est fermé et un autre ouvert dans un
pays étranger, ce qui est relativement peu fréquent. En revanche, ce qui arrive beaucoup plus
souvent, c'est qu'une entreprise crée à l'étranger des emplois qu'elle aurait pu créer dans le pays
d'origine.
• La décision de localisation des activités productives relève de la gestion de l'entreprise, dans une
optique de maximisation du profit. Les éléments qui vont entrer en ligne de compte dans la décision
peuvent être multiples : les coûts de production (coût du travail, coût du capital) peuvent être
moindres dans le pays d'implantation, mais ce peut être aussi les frais d'accès au marché (pour
vendre des automobiles aux Etats-Unis, les entreprises japonaises auront moins de frais en les
fabriquant sur place qu'en les exportant, par exemple). Les conséquences sur la vie économique
et sociale du pays où la délocalisation se réalise peuvent être considérables : montée du
chômage, pression à la baisse sur le coût du travail, et en particulier sur la protection sociale, effets
indirects sur la demande, etc. Le pays semble " subir " la délocalisation, c'est une contrainte qui
paraît s'imposer à lui. Cependant, il faut bien dire que les effets des délocalisations ne sont pas
Page 19/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
forcément aussi négatifs qu'ils peuvent apparaître de prime abord : des emplois sont supprimés
dans le pays mais d'autres sont créés ailleurs. Les salariés du pays d'accueil vont donc recevoir
davantage de pouvoir d'achat et cela permettra au pays d'acheter davantage, en particulier au pays
dans lequel s'était faite la délocalisation, ce qui permettra indirectement de créer des emplois. Les
études statistiques, très compliquées sur ce sujet, montrent dans l'ensemble que le nombre
d'emplois créés est presque équivalent au nombre d'emplois supprimés. Le problème, c'est
que ce ne sont pas les travailleurs qui ont été licenciés qui occuperont ces nouveaux emplois. Il y a
donc un réel problème social lié aux délocalisations.
Les conséquences sur la qualification des emplois et la montée des inégalités dans les pays
développés. Les stratégies des firmes transnationales face à la mondialisation ont des effets sur la
qualification des emplois proposés dans les pays développés. Dans le cas de la différenciation des produits,
les produits deviennent de plus en plus complexes, incorporant de plus en plus de technologies et les
incorporant de plus en plus rapidement. Cela nécessite une main d'œuvre de plus en plus qualifiée, excluant
ainsi les travailleurs les moins qualifiés de l'emploi dans les firmes transnationales mais aussi dans leurs
sous-traitants qui ont les mêmes exigences au niveau de la qualité. Les délocalisations aboutissent à peu
près au même résultat : en transférant les emplois les moins qualifiés dans d'autres pays, se développent
dans le pays d'origine des emplois de gestion, de contrôle, etc., tous emplois nécessitant des qualifications
élevées.
Quels sont les effets de ces transformations des emplois sur les inégalités ? Au même titre que le progrès
technique, la mondialisation supprime dans les pays développés les emplois les moins qualifiés. Les emplois
qu'elle développe sont d'une part des emplois qualifiés soit en amont du processus productif lui-même soit
pour gérer la complexité de la répartition des tâches entre les pays, et d'autre part des emplois nécessitant
une grande flexibilité pour permettre d'adapter l'offre aux variations de la demande.
Résultat : les travailleurs ne pouvant présenter des qualités sur un de ces deux plans ne trouvent
plus d'emploi. Cela accroît donc les inégalités puisque un travailleur peu qualifié, désavantagé sur le
plan du salaire, sera de plus menacé sur le plan de l'emploi, avec peu de perspective de sortir du
chômage s'il a été licencié. Ces travailleurs vont donc constituer le noyau dur du chômage.
Enfin, la recherche de la compétitivité à tout prix débouche sur une remise en cause de tout ce qui peut
contribuer à élever le coût du travail (protection sociale, en particulier) et/ou de tout ce qui peut limiter sa
flexibilité (réglementation du travail, par exemple). Elle augmente aussi le stress au travail, donc sa
pénibilité, comme le montrent toutes les études statistiques sur le sujet. Sur tous ces plans, la
mondialisation accroît la pression sur les travailleurs les plus fragiles et contribue donc à
l'augmentation des inégalités.
2.2.3 - Les Etats conservent-ils alors leur autonomie face aux firmes
transnationales ?
Certains se demandent si les Etats ont encore du pouvoir face aux FTN : le poids économique de ces
entreprises est parfois énorme, leurs décisions stratégiques semblent ne pas pouvoir être contrôlées, ce qui
fait apparaître les Etats comme impuissants à exercer une quelconque activité de contrôle.
De plus, les politiques économiques ont un cadre national. Non seulement elles ne peuvent pas
s'imposer aux firmes transnationales mais elles sont parfois contrecarrées directement par les décisions des
firmes transnationales : par exemple, quand un Etat décide de lutter contre le chômage dans une région
spécialement touchée et qu'une firme transnationale décide la délocalisation d'une de ses unités de
production située dans cette région, que peut faire l'Etat ? Et on peut ajouter que, parfois, les Etats se
concurrencent mutuellement pour attirer les FTN chez eux plutôt que chez le voisin. Le " chacun pour soi "
semble souvent primer, au détriment d'une solidarité, pourtant parfois affichée.
Enfin, les exigences de compétitivité et de flexibilité sont parfois présentées, en particulier par le
patronat, comme des nécessités auxquelles les Etats doivent se plier sans discuter en les imposant à
la nation toute entière (par la modification de la législation du travail ou l'abaissement des charges sociales,
par exemple). Les pays du nord de l'Europe, dans lesquels le poids de la fiscalité est très lourd,
montrent sans doute que les choses ne sont pas si simples et qu'il y aurait matière à discussion.
Les Etats pourraient sans doute avoir plus de poids qu'ils le pensent ou le disent.
Page 20/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
La période actuelle montre les difficultés de réguler les échanges internationaux quand le pouvoir politique
reste essentiellement national alors que les firmes, qui sont les acteurs essentiels des échanges mondiaux,
sont de plus en plus transnationales. Nous allons revenir sur ces difficultés de régulation dans la partie
suivante.
Page 21/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
impôts et les charges sociales sont des coûts pour les entreprises. Il y a donc une pression sur les
Etats pour une diminution de ces charges. Mais ce qui est une charge pour les entreprises est une
ressource pour les administrations publiques. Si leurs ressources diminuent, elles ont moins de
moyens pour financer des dépenses qui permettraient de réduire les inégalités. Indirectement, la
mondialisation peut donc là aussi être considérée comme responsable de la montée des inégalités.
3.1.3 - Et, dans les pays riches, les Etats ne perdent pas toute capacité de
redistribution et d'action contre les inégalités.
Il serait faux de penser que la mondialisation empêche les Etats de mener une réelle politique de lutte contre
les inégalités : les ressources des Etats développés restent importantes et les choix sont d'abord politiques.
Ainsi, par exemple, les Etats peuvent toujours cibler davantage leurs dépenses en fonction de leurs choix et
s'ils veulent réellement diminuer les inégalités, ils peuvent orienter leurs dépenses vers ceux qui en ont le
plus besoin. Il en est ainsi dans le domaine de l'éducation ou dans celui du logement, par exemple. De
même, les Etats peuvent choisir de développer les formations les mieux adaptées aux nouvelles exigences
de la mondialisation ou accompagner sur le plan social les transformations imposées par la mondialisation.
Conclusion : si par certains aspects, la mondialisation favorise bien la montée des inégalités à l'intérieur des
pays, il faut souligner les limites de cette affirmation. D'une part, la situation est très différente selon les pays,
en particulier entre les pays développés et les pays en train de se développer. D'autre part, les
conséquences de la mondialisation sur les inégalités ne sont pas, au moins dans les pays riches, une fatalité
: les Etats peuvent limiter ces effets négatifs s'ils le veulent vraiment. En ce qui concerne les pays les plus
pauvres, la mondialisation contribue à leur marginalisation. Ce faisant, elle creuse sans doute les inégalités
avec les autres pays. Pour les inégalités internes, il est plus difficile de tirer une conclusion.
Page 22/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 23/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
valeurs caractéristiques de la culture qui importe l'élément (la pizza américaine n'a plus grand chose à voir
avec la vraie pizza italienne). Ces réinterprétations finissent par intégrer la nouveauté à la culture, de
manière à ce qu'elle ne soit plus une nouveauté, c'est à dire qu'elle fasse partie intégrante de la culture
commune. Si la mondialisation contribue bien à la diffusion de la culture occidentale, on peut donc penser
que les autres cultures vont petit à petit " acclimater " ces nouvelles caractéristiques culturelles en les
transformant, de manière à ce qu'elles fassent système avec leur propre culture sans que celle-ci
disparaisse réellement.
Il faut donc se méfier d'une analyse trop rapide de l'évolution de la consommation comme uniformisation.
Parfois, l'emprunt à une autre société peut avoir un sens revendicatif ou alors la consommation peut avoir
une signification sociale différente d'une société à une autre. Ainsi, le port du jean pour une femme n'a sans
doute pas le même sens en France qu'en Iran aujourd'hui, de même, d'ailleurs, que le voile islamique.
Malgré tout, la mondialisation économique et culturelle est une réalité qui a pu déboucher sur un rejet des
valeurs qui se diffusent, par exemple les valeurs occidentales. Cela peut être une interprétation de la
révolution iranienne de 1979 qui a vu triompher l'imam Khomeini et ses partisans face à l'occidentalisation
forcée du régime précédent.
En conclusion, si l'on voit bien qu'il y aujourd'hui une tendance à la mondialisation culturelle, on peut dire
que celle-ci n'est pas forcément synonyme d'uniformisation. Le poids des pays occidentaux, et des Etats-
Unis en particulier, peut laisser craindre un affaiblissement des autres cultures. Mais il ne faut pas négliger le
fait que les cultures ont toujours su intégrer des éléments d'autres cultures et que, parce qu'elles sont le
ciment de la société, elles ont une force qui leur permet de résister à certains changements. Cependant, la
montée de la contestation de la mondialisation et des conflits à son propos montre bien la nécessité d'une
régulation qui ne va pas sans poser de nombreux problèmes. C'est ce que nous allons voir maintenant.
Page 24/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
pays leur offrant les conditions les plus avantageuses en termes fiscaux et réglementaires. Enfin, la
taille croissante des entreprises transnationales leur donne plus de puissance dans leurs relations
avec les Etats. Les Etats peuvent donc se trouver dans une position de relative faiblesse face aux
entreprises transnationales.
L'absence de solidarité politique : les Etats pourraient surmonter les problèmes posés par la libre circulation
des biens, des services et des capitaux s'ils s'entendaient entre eux sur les normes à imposer aux acteurs
économiques. Malheureusement, il n'existe pas de structure efficace de coordination des politiques des
Etats, où ils puissent élaborer des politiques communes et prendre des décisions en commun. Au contraire,
la mise en concurrence des Etats par les firmes transnationales pousse chacun à essayer de gagner au
détriment des autres, en attirant à soi les investissements internationaux, ou en favorisant ses exportations
par une fiscalité et une réglementation sociale accommodantes.
3.3.2 - ... Mais de nouveaux acteurs émergent qui tentent d'imposer des normes
environnementales ou sociales aux entreprises transnationales...
La relative impuissance des Etats à imposer des règles au commerce mondial ou aux entreprises
transnationales conduit d'autres acteurs, non gouvernementaux, à tenter de prendre le relais de la
régulation. Avec, bien sûr, d'autres méthodes et pas toujours les mêmes objectifs.
• Les ONG : les Organisations non gouvernementales sont des personnes morales, c'est-à -dire des
associations, indépendantes juridiquement et financièrement des gouvernements. Elles interviennent
au niveau international généralement pour y défendre des causes morales, comme la santé et
l'action caritative (Médecins Sans Frontières, par exemple), le développement (Action Contre la
Faim), ou encore la protection de la nature (Greenpeace, WWF, Les Amis de la Terre, etc.). Elles
peuvent aussi promouvoir une vision politique (Amnesty International ou les mouvements
altermondialistes comme ATTAC par exemple). Les ONG vont se comporter en groupes de pression
auprès des gouvernements et des entreprises pour faire avancer leur cause, parfois par des actions
très médiatiques. Elles peuvent à cette fin informer et mobiliser les citoyens à travers le monde,
pour qu'ils fassent pression sur leurs gouvernements ou sur les entreprises, par exemple en
boycottant certains produits. Mais elles peuvent aussi être consultées par des gouvernements et des
entreprises soucieux de mieux tenir compte de l'environnement international ou d'obtenir une caution
morale pour leurs actions.
Quoi qu'il en soit, ces ONG sont, au moins potentiellement, un moyen de faire valoir des normes
dans les relations économiques internationales. On peut citer comme exemple l'association Max
Havelaar, qui labellise certains produits respectant les règles du " commerce équitable ", c'est-à -dire
qui accorde une part plus substantielle du prix du produit aux producteurs de matières premières des
pays en développement. Cependant, l'origine privée de ces organisations et le fait qu'elles se
donnent des objectifs très spécifiques font douter certains qu'elles puissent réellement toujours
défendre l'intérêt général.
• Les syndicats : les syndicats de travailleurs avaient traditionnellement un cadre d'action national, ils
négociaient avec le patronat et l'Etat de leur pays pour faire avancer, par des lois ou des accords
d'entreprise et de branche, les intérêts des salariés. La mondialisation bouleverse ce schéma : les
Etats ne sont plus forcément des interlocuteurs pertinents compte tenu de la limitation de leur
capacité d'action, quant aux grandes entreprises, elles sont souvent transnationales et peuvent faire
peser sur les salariés, exactement comme face aux Etats, la menace de la délocalisation.
La réaction progressive des syndicats a été de se regrouper au niveau international pour pouvoir coordonner
leurs actions et peser plus fortement dans les négociations avec leurs interlocuteurs. C'est dans cette
optique qu'ont vu le jour la Confédération Européenne des Syndicats (CES) ou encore la Confédération
Syndicale Internationale (CSI). Les difficultés restent encore nombreuses sur la voie de l'internationalisation
des syndicats : les traditions et les cultures syndicales varient beaucoup d'un pays à l'autre, ce qui entraîne
des désaccords sur les modes d'action et la définition des objectifs prioritaires.
Page 25/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
3.3.3 - ...Et les Etats essaient de se regrouper pour peser sur la mondialisation.
Puisque les Etats nationaux sont, du fait de leur taille et de leurs caractéristiques, impuissants à réguler la
mondialisation, l'idée vient tout naturellement de coordonner, voire de regrouper, les Etats pour définir
ensemble les normes juridiques, sociales, environnementales, et les moyens de les faire respecter. Deux
voies différentes ont été suivies pour mettre en oeuvre cette stratégie, mais avec des difficultés certaines,
pour l'heure encore non surmontées.
• Les institutions internationales : la première voie a été de créer des institutions internationales, dont
sont membres les Etats, et qui se chargent de définir des règles applicables en matière économique
et sociale dans le monde entier. L'ONU a été le cadre naturel de création de ces institutions avec,
par exemple, le BIT (Bureau international du travail, qui rassemble Etats, employeurs et salariés "
pour promouvoir le travail décent à travers le monde ") ou le PNUD (Programme des Nations Unies
pour le Développement, qui essaie de promouvoir les politiques de développement humain et de
lutte contre la pauvreté).
Plus importante, peut-être, l'OMC (Organisation mondiale du commerce) est cette fois une
organisation indépendante de l'ONU, chargée de la régulation du commerce international. Elle est
d'abord un cadre où les Etats membres négocient pour se fixer des règles relatives aux échanges
commerciaux internationaux, c'est-à -dire qu'ils définissent les règles de la concurrence au niveau
mondial. Elle est aussi un organisme de règlement des différends commerciaux (c'est-à -dire des
conflits commerciaux) entre les Etats, une instance qui est censée arbitrer entre deux Etats
membres quand l'un accuse l'autre de pratiques protectionnistes ou de concurrence déloyale. En
pratique, les accords de l'OMC sont essentiellement des accords de libre-échange, visant à bannir
ou encadrer les pratiques protectionnistes des Etats, ce qui conduit certains à n'y voir qu'une
institution favorisant l'approfondissement de la mondialisation plutôt que sa régulation. En réaction,
l'OMC essaie d'intégrer dans ses négociations des préoccupations environnementales ou sociales,
mais les progrès en la matière sont minces, pour ne pas dire inexistants.
La difficulté de ces institutions internationales est d'abord qu'elles rassemblent des pays trop divers,
aux intérêts parfois divergents, pour s'entendre sur autre chose qu'un minimum de règles sans
grande portée réelle. De plus, elles rassemblent en leur sein des pays qui sont par ailleurs en
rivalité, voire en conflit, et qui ne sont donc pas enclins à se faire confiance ou à être solidaires,
même sur les questions sociales ou environnementales. Enfin, ces institutions prennent
généralement leurs décisions à l'unanimité, ce qui, compte tenu du nombre d'Etats membres, les
condamne pratiquement à l'immobilisme.
• Les unions régionales : pour contourner les difficultés rencontrées par les institutions internationales,
certains Etats ont décidé de se regrouper en unions régionales, comme, par exemple, l'Union
Européenne, le Mercosur (Mercado Comùn del Sur) qui regroupe l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay, le
Paraguay et le Venezuela, ou encore l'APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation) qui regroupe les
Etats-Unis, la Russie, l'Australie, la Chine, le Japon, mais aussi les pays d'Extrême-Orient, le
Mexique et le Canada.
L'idée de ces unions régionales est qu'il sera plus facile d'harmoniser les politiques et les objectifs de
pays qui sont proches géographiquement, historiquement ou politiquement. Derrière ces unions
régionales, il peut aussi y avoir l'esquisse d'un véritable Etat supranational, comme dans le cas de
l'Union Européenne, l'union économique pouvant déboucher sur une union politique (nous
étudierons le cas de l'Union européenne de façon plus approfondie dans le chapitre suivant). La
logique est aussi de faire émerger, par le regroupement des Etats, des acteurs très puissants qui
pourront peser dans les négociations avec les entreprises transnationales ou avec les autres Etats
(l'Union européenne, par exemple, n'envoie aux négociations de l'OMC qu'un seul représentant pour
ses 27 pays membres).
Les unions régionales ont débouché effectivement sur une coopération sensiblement plus poussée
que les institutions internationales, mais on est encore très loin, dans un cas comme dans l'autre,
d'une véritable régulation de la mondialisation. Pourquoi ? Là encore, même si les pays membres de
ces unions sont a priori plus homogènes, les différences de tradition politique et les divergences
Page 26/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
d'intérêts subsistent et freinent l'harmonisation des politiques. Par ailleurs, la perspective d'une perte
de souveraineté des Etats nationaux n'est pas forcément acceptée par les Etats membres et leurs
citoyens, d'autant que ces unions régionales ne sont pas porteuses de projets suffisamment
consensuels et que leur procédure de décision ne sont pas toujours perçues comme démocratiques
et transparentes. Même si une régulation mondiale des échanges économiques semble nécessaire
et est souvent réclamée, on voit qu'elle est encore loin d'être effectivement mise en place.
Page 27/27
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Introduction
Nous avons vu, dans le chapitre précédent, comment la mondialisation s'est développée. En particulier, la
création d'Unions régionales a favorisé le développement des échanges au sein d'une zone.
Vous vous souvenez sans doute aussi que ce libre échange est censé apporter un surcroît de croissance
économique. C'est pour cela que des Unions régionales ont vu le jour, comme la CEE devenue Union
Européenne mais aussi comme d'autres Unions régionales comme l'ALENA qui regroupe le Canada, les
Etats-Unis et le Mexique), le MERCOSUR en Amérique Latine ou l'ASEAN en Asie.. Vous n'avez pas oublié
aussi que le libre échange s'est épanoui dans le cadre du GATT puis de l'OMC dans lesquelles les
négociations se déroulent entre Etats. Et, si un principe bien connu veut que l'union fait la force, cela peut
être vrai aussi dans les négociations économiques internationales. On peut en effet penser que lorsque des
pays se regroupent pour négocier, ils auront plus d'influence si ensembles ils représentent une part plus
importante du commerce internationale, des IDE, etc. C'est aussi un des aspects qui peut expliquer
l'intégration poussée de l'Union européenne.
Cependant, l'Union européenne n'a pas été construite uniquement pour des raisons économiques et les
raisons économiques ne se résument pas aux bienfaits supposés du libre échange et de la spécialisation
internationale. S'il est vrai comme le dit Montesquieu que « partout où il y a du commerce, il y a des moeurs
douces », l'objectif de paix entre les Nations européennes, car c'était cela l'objectif fondamental des «
pères de l'Europe », pouvaient passer par des échanges plus libres pour rapprocher les peuples.
Mais il faut préciser que la construction européenne s'est faite aussi par une coopération entre Etats dans
des domaines d'activité clés à l'époque (énergie : charbon ; agriculture ; etc.) montrant la volonté des
Etats européens de nouer des liens forts susceptibles de rendre nécessaires leur bonne entente. Les
politiques communes, vous l'approfondirez dans ce chapitre, ont donc accompagné dès le début le
développement de l'Union européenne. Aujourd'hui, les questions essentielles que posent ces politiques
communes concernent plus particulièrement les contraintes liées à cette coopération économique, les
difficultés et les moyens de cette coopération mais aussi les bénéfices possibles d'une coopération réussie.
La paix étant une réalité au sein des pays de l'Union européenne, l'économique de simple moyen est
devenu l'enjeu principal des discussions européennes : quelles politiques budgétaires, quelle
politique monétaire, quelle politique de concurrence, etc. Avec bien sûrs tous les enjeux sociaux et
politiques qui en découlent !
Page 1/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
C’est ce processus que nous allons étudier maintenant, en examinant d’abord les différentes étapes de
l’intégration économique européenne, avec ses justifications économiques, pour ensuite étudier comment
cette intégration suscite la création d’institutions communautaires. Pour finir, nous essaierons de
comprendre pourquoi l’étape finale de ce processus – la création d’une Europe politique – est à la fois
plus nécessaire que jamais et toujours aussi difficile à concrétiser.
Page 2/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
1.2.1 - Une politique commerciale commune est nécessaire puisqu’il n’y a plus de
frontières économiques à l’intérieur de l’Europe
Les frontières entre les pays membres de l'UE sont totalement ouvertes au commerce: cela signifie donc
une liberté de circulation de tous les biens et services en Europe. Dans ces conditions, une politique
commerciale commune devient absolument indispensable pour éviter les distorsions de concurrence entre
pays.
• En ouvrant totalement les frontières à la circulation des biens et services, des capitaux et des
hommes, l’Europe ne peut plus accepter l’existence de politiques commerciales
indépendantes des Etats. En effet, comment pourrait-on avoir des droits de douane moins élevés
en France qu’en Allemagne pour un même produit, comme des écrans plasma venant de Corée,
alors qu’une fois importée en France, ces produits peuvent librement être expédiés en Allemagne? Il
y aurait à l’évidence une distorsion de concurrence entre le distributeur français et le distributeur
allemand. La politique commerciale extérieure commune consiste donc nécessairement à
appliquer un seul tarif extérieur (ce qui revient à fixer des droits de douane identiques) et une seule
politique en matière de quotas.
• Les 27 pays de l’Union Européenne, en appliquant cette règle, parlent donc d'une seule voix sur la
scène internationale: ils ont effectivement un tarif extérieur commun, et les mêmes barrières non
tarifaires quand cela est nécessaire. C’est par ailleurs désormais la Commission Européenne
Page 3/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
qui négocie directement avec l’O.M.C (Organisation Mondiale du Commerce) l’application des
règles du commerce international: les pays membres ne siègent plus à l'O.M.C. en tant que
tels, ils sont juste chargés de donner un mandat de négociation à la Commission et surveillent sa
mise en œuvre. Cela donne évidemment à l’Union Européenne plus de poids qu'à n'importe lequel
des pays membres s'il siégeait individuellement.
• Parallèlement, l'Union Européenne peut aussi décider d’accorder des préférences tarifaires
donnant un accès privilégié au marché européen à certains PED. L’objectif est ici un peu
différent que de s’accorder sur un tarif commun. Il s’agit en fait de participer au développement de
ces pays en proposant une coopération économique, par l’intermédiaire d’une politique commerciale
commune. C’est notamment le cas des accords de Cotonou signés entre les 27 membres de l’UE et
79 pays d’Afrique, des Caraïbes, et du Pacifique, connus sous le sigle ACP. Cet accord tarifaire
permet de garantir une certaine stabilité des prix à l’achat pour les produits agricoles ou miniers
venant des pays ACP.
1.2.2 - Une politique commune de concurrence est nécessaire pour réguler les
échanges marchands au sein de l’Europe
La Commission européenne a toujours affirmé que l'organisation d'une concurrence libre et non faussée
était une prérogative exclusivement européenne et que les Etats ne pouvaient fixer leurs propres règles de
concurrence. Trois séries d'arguments le justifient.
• Une politique commune de concurrence est tout d'abord nécessaire afin d'éviter que les pays
membres ne se fassent la guerre économique via des subventions, officielles ou déguisées,
qui avantageraient certains producteurs nationaux. Ce serait très coûteux pour le budget des
Etats, et au final inefficace, puisque tous les Etats seraient dans l’obligation d’apporter au minimum
le même montant de subvention que le pays voisin pour permettre à ses producteurs nationaux de
survivre. Pour éviter cela, la Commission Européenne dispose de pouvoir de police particulier: elle
sanctionne le versement d'aides gouvernementales indues. Elle précise aussi les conditions
exceptionnelles auxquelles un soutien à des entreprises en difficultés peut être acceptable. Ainsi, la
commission européenne a accepté que l'Etat français verse une aide de près de 4 milliard de francs
à la banque Crédit Lyonnais en 1997, à la condition express que la banque réduise de 20% le
nombre de ses agences et vende toutes ses filiales européennes. L'aide devait uniquement servir à
sauver cette banque très endettée et le Crédit Lyonnais ne pouvait donc pas utiliser la subvention
pour se développer, bien au contraire.
• De la même manière, il faut éviter que ne se constituent des entreprises géantes qui
disposeraient de pouvoirs exorbitants sur les marchés. En effet, la constitution de tels
monopoles remet en cause l’existence même d’une concurrence favorable aux consommateurs.
Une firme en monopole dispose d’un «pouvoir de marché» qui lui permet de proposer des biens et
services de qualité moindre, ou de pratiquer des prix plus élevés que la normale. Pour éviter cela,
l'Union Européenne, par la Commission, contrôle les fusions-acquisitions entre entreprises, et
interdit les ententes ou les cartels de producteurs. Cette pratique s’apparente à la politique
«antitrust» menée aux Etats-Unis. Les abus de position dominante sont elles aussi combattues.
C’est ainsi que la Commission a condamné lourdement la société Microsoft qui utilisait sa position
de leader sur les systèmes d’exploitation (avec XP ou Vista) pour imposer des logiciels associés
comme Mediaplayer ou Windows Messenger.
• De même, les normes (de toutes sortes) sont de plus en plus souvent décidées au niveau
européen: ces règles ou ces appellations sont un moyen d'uniformiser relativement les
standards de production des biens et services fabriqués en Europe. Ainsi, on ne peut plus
persuader les consommateurs que 2 produits équivalents sont en réalité de qualité très différente car
fabriqués selon des normes différentes. L'objectif est de limiter la concurrence monopolistique :
les producteurs ne sont plus en mesure de jouer sur la différenciation des produits pour justifier de
prix plus élevés. Ainsi, dans le domaine alimentaire, il n'y a pratiquement plus de normes nationales
(par exemple, l'appellation «chocolat», jusqu'alors strictement réglementée en France, dépend
Page 4/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
maintenant du droit européen qui autorise cette appellation pour des produits contenant autre chose
que du beurre de cacao). Toute une réglementation européenne s'est donc développée qui encadre
les réglementations nationales et qui s'impose à elles.
1.2.3 - Une politique d’aides structurelles est nécessaire pour aider les régions les
plus pauvres à se développer et rattraper le niveau de vie européen
La construction de l'Union Européenne, si elle est avantageuse économiquement parlant globalement, ne
profite pas également à toutes les régions. Certaines régions, en particulier parce qu'elles sont
excentrées ou à tradition agricole, peuvent accumuler des retards de développement. Il faut trouver
les moyens de les réduire.
• L'Union Européenne a donc tenté de lutter contre ces écarts par des aides financières
importantes versées aux régions en difficultés. La politique commune relève dans ces cas de
l’équité entre les territoires : il n'est guère acceptable d'avoir un marché commun unifié avec des
zones délaissées où le niveau de vie est plus faible. C'est à ce titre que des régions françaises
comme la Lorraine ont reçu des fonds européen leurs permettant un développement économique.
Après avoir bénéficié principalement au Portugal, à l'Espagne et à la Grèce, cette politique d'aide
sert désormais à promouvoir le rattrapage des nouveaux Etats membres de l'est européen, en
particulier en finançant le développement des infrastructures de transport ou de télécommunications.
• L'Europe dispose pour cela de fonds structurels dédiés au développement économique des
régions. Ces fonds sont désormais au nombre de deux : le fonds européen de développement
régional (FEDER) et le fonds social européen (FSE). Le FEDER finance des infrastructures, des
investissements productifs pour créer de l'emploi, des projets de développement local et des aides
aux PME; alors que le FSE favorise l'adaptation de la population active aux mutations du marché de
l'emploi ainsi que l'insertion professionnelle des chômeurs et des groupes désavantagés, notamment
en finançant des actions de formation et des systèmes d'aide à l'embauche.
• Pour la période 2007/2013, le budget total de ces fonds est estimé à plus de 300 Milliards d'euros.
Ces fonds financent jusqu'à 50% des travaux d'infrastructure et représentent 40% du budget
européen. Ils permettent d'assurer la nécessaire convergence des économies, l'attractivité des
régions et les coopérations transfrontalières. Il y a donc une vraie volonté européenne d'aider les
régions les plus pauvres à rattraper le revenu moyen de l'UE.
1.2.4 - Une politique monétaire commune est nécessaire puisqu’il n’y a plus
qu’une seule monnaie européenne dans l'UEM
La gestion de la monnaie unique est naturellement une prérogative européenne. La monnaie unique
européenne, l'euro, a consolidé les avantages de l’intégration économique (voir l’activité «les effets de la
création de l’euro»), mais la conduite de la politique monétaire demeure un exercice très difficile.
• Il est en effet indispensable d’avoir une politique monétaire commune pour asseoir la «crédibilité» de
la monnaie - c’est à dire la capacité à convaincre les agents économiques que les objectifs
monétaires annoncés seront effectivement atteint -, et ce alors que les situations économiques des
Etats membres sont parfois très diverses. A titre d’exemple, l’inflation en Irlande est en moyenne
deux fois plus forte que dans la zone Euro sur la période 2002-2008, du fait d’une croissance plus
forte. La politique monétaire commune doit donc permettre de développer à la fois la croissance de
la zone Euro dans son ensemble, et ne pas altérer les conditions économiques d’un Etat en
particulier. La Banque Centrale Européenne est chargée de conduire cette politique monétaire
commune, de manière totalement indépendante des pouvoirs politiques. Cette indépendance
est la garantie que la politique menée ne sera pas influencée par un ou des Etats membres à
leur seul avantage. Ainsi le président de la BCE, une fois désigné, est totalement libre des
décisions qu’il prend dans le cadre des missions de la banque centrale. Il allait de soi lors de la
constitution de l'euro que les décisions monétaires seraient du ressort d'une banque centrale
indépendante, mais qu'un organe de concertation serait maintenu: c'est l'Eurogroupe qui rassemble
Page 5/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
les ministres de l’économie et des Finances des pays de la zone euro, auxquels s’ajoutent le
président de la BCE et un représentant de la Commission.
• La mission principale de la BCE est de défendre la stabilité des prix, et donc d’éviter la
propagation de l’inflation dans la zone euro. Elle a notamment pour mandat de réagir à l’évolution de
l’indice des prix de l’ensemble de la zone euro (indice des prix à la consommation harmonisé
construit par EUROSTAT). En fonction de l’évolution de ces prix, la BCE agit avec deux instruments
principaux : le contrôle de la masse monétaire et les taux d’intérêt. En particulier, en maintenant
des taux d’intérêt relativement plus élevés qu’ailleurs, la BCE peut limiter l’accès au crédit et la
création monétaire (souvenez vous de vos cours de Première sur la monnaie). La création monétaire
est en effet une des sources importantes de l’inflation. Certains estiment cependant que la politique
monétaire commune privilégie davantage la lutte contre l’inflation que la croissance économique de
la zone (voir la question du pacte de stabilité et regardez bien la partie 212).
• Le niveau de taux de change n’est pas un objectif particulier de la BCE. Cependant le niveau de
l'euro face au dollar a notamment des effets sur l’inflation, via la variation des prix des produits
importés. L'Europe a donc implicitement intérêt à s'accorder sur un taux de change qui serait
«acceptable» pour l'économie européenne. Ainsi, si l'euro s’apprécie face au dollar, les produits
étrangers achetés en dollar paraissent après conversion en euro relativement moins chers :
l’inflation importée diminue. C'est en particulier intéressant pour les prix pétroliers.
Certaines politiques communes sont donc la contrepartie directe de l’intégration économique, quand d’autres
sont le résultat mécanique de la mise en place de la monnaie unique. Ces politiques communes montrent
par ailleurs clairement, par leur existence même, que l'Union Européenne est bien plus qu'une simple
zone de libre-échange. Peut-on pour autant parler d'union politique?
Page 6/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
politiques décidées ; fait appliquer le droit européen ; représente l’Union sur la scène internationale.
Le Conseil européen, à ne pas confondre avec le Conseil de l’Union européenne, est l’héritier des
conférences des chefs d’Etat et de gouvernement des pays de l’UE qui composent ce Conseil. Il fixe
les grandes orientations, les priorités et donne l’impulsion politique aux projets de l’Union. Il est donc
le centre de décision politique de l’UE, il est présidé par le chef d’Etat ou de gouvernement dont le
pays exerce pour six mois la présidence du Conseil de l’Union européenne.
Le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne exercent le pouvoir législatif. Le
Parlement européen représente les peuples, il est élu directement tous les 5 ans par les citoyens
des différents pays. Le Conseil de l'Union européenne, que l'on appelait autrefois Conseil des
Ministres, représente les Etats membres, c'est-à-dire les gouvernements de chaque pays. Sa
présidence change tous les six mois et chaque pays de l’UE l’occupe à tour de rôle. Ces deux
institutions, en collaboration, examinent et adoptent toute la législation s'appliquant dans l'Union et
approuvent le Budget européen. Le Conseil s'occupe aussi de toutes les questions relatives à la
coopération dans les domaines de la politique étrangère, de la sécurité et de la justice.
• Les institutions spécialisées: elles ont un domaine de compétences particulier. On peut citer, de
manière très limitative:La Cour de Justice : elle règle les différends (c'est-à-dire les conflits) entre
Etats membres quant à l'interprétation des traités et de la législation européenne. Elle peut imposer
des sanctions, par exemple des amendes. La Banque centrale européenne (B.C.E.): elle a pour
mission de gérer la monnaie unique, c'est-à-dire l'euro, par exemple en fixant les taux d'intérêt, dans
un objectif de stabilité des prix. Elle conduit donc la politique monétaire commune désormais des 15
pays membres de la zone euro depuis le 1er janvier 2008. Le Comité des Régions composé de
représentants des autorités locales et régionales, permet de consulter ces autorités sur des
questions relatives à l'éducation, aux transports, par exemple, domaines qui sont souvent de
compétence régionale plutôt que nationale. La Cour des comptes vérifie les recettes et les
dépenses du budget de l’UE gérée par la Commission et s’assure de la légalité des mouvements
financiers. Cependant si elle donne un avis, elle ne possède aucun pouvoir juridique.Le Comité
économique et social est aussi un organe consultatif qui représente les syndicats de salariés, les
employeurs, des représentants de groupes d’intérêt. Il représente la société civile.
On voit que l'Europe a construit des organes qui lui permettent de prendre des décisions politiques, bien au-
delà des aspects économiques. Munie de ces institutions, l'Union européenne a pu mettre en place des
politiques mais cela pose alors le problème de la supranationalité : dans quelle mesure les Etats membres
conservent-ils leur pouvoir national ? se soumettent-ils à un pouvoir supranational ? Quel partage des tâches
s’est mis en place entre l’UE et ses Etats membres ?
1.3.2 - Le partage des tâches entre l’Union et les Etats membres est normalement
déterminé par le principe de subsidiarité …
• Le principe de subsidiarité, affirmé lors du Traité de Maastricht en 1992, permet de décider ce qui
relève de compétences communautaires quand il y a doute ou désaccord. En quoi consiste-t-il ?
C'est l'affirmation que ne relèvent de la compétence communautaire, que les domaines dans
lesquels l'action de la Communauté sera plus efficace que l'action des Etats. Ce principe évite ainsi
que les Etats ne soient dessaisis de leur initiative et de leur responsabilité dans tous les domaines
où la décision ne s’impose pas au niveau communautaire.
• On peut penser, par exemple, que dans le domaine de la pollution, qui ne connaît pas les frontières
nationales, très souvent, l'efficacité sera plus grande si la lutte est menée au niveau européen plutôt
qu'au niveau national. Il existe également de nombreuses infrastructures, dont tout le monde
bénéficiera mais dont le coût est tel que, s'il devait être supporté par des Etats, elles ne seraient pas
financées. C’est l’exemple du projet en cours de la liaison ferroviaire Lyon – Turin passant par les
Alpes pour développer le ferroutage. Il est donc logique, par l'application du principe de subsidiarité,
que ce soit l'Union européenne qui le finance en partie.
Page 7/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 8/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
C’est tout l’enjeu du traité de Lisbonne : il faut que tous les Etats membres se mettent d'accord sur
les noms du président de l'Union et du haut représentant pour la politique étrangère, qui incarneront,
avec le président de la Commission, l'Europe de demain et son rôle international. De leur action
dépendra, pour une large part, l'influence de l'Union.
Vingt ans après le principe de l'Union monétaire, les architectes de l’Europe sont toujours divisés en
trois camps : les partisans d'une Union minimale, qui s'en tiennent à l'indépendance de la Banque
centrale, à la discipline budgétaire et au bon fonctionnement de la concurrence ; ceux qui veulent
plus de coordination entre les gouvernements des pays membres ; et ceux qui plaident toujours pour
une union politique fédérale.
Page 9/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 10/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
extérieure ne poserait pas problème, la hausse de la demande pouvant en effet se traduire par une
hausse des importations.
Disons, en quelques mots, qu’une politique de hausse des taux d’intérêt peut se traduire, à l’inverse,
par une réduction des crédits distribués et donc de la demande globale ce qui pourra favoriser la
désinflation et la compétitivité extérieure. Cette politique sera particulièrement adaptée à des
situations économiques où les problèmes sont ceux de l’inflation et d’un déficit de la balance des
paiements, la croissance économique et l’emploi ne posant, elle, pas de problème. Pour ce qui
concerne l’emploi, cette politique serait aussi adaptée aux cas où son évolution n’est pas liée à la
faible demande globale des produits mais à la faible demande de travailleurs parce que leur coût est
trop élevé, par exemple.
2.1.2 - Une politique monétaire unique est plus efficace mais n’est pas toujours
adaptée aux besoins de chaque Etat membre.
• Une monnaie unique empêche les crise de change, les dévaluations compétitives, attire les
capitaux et favorise une faible inflation.
Prenons un exemple précis pour montrer ce premier aspect. En 1992-93, une phase de récession
importante se développait en Europe et notamment en France. En toute logique, il aurait fallu
une baisse des taux d’intérêt pour relancer l’activité économique. Mais, en même temps, la
réunification allemande se traduisait par une forte augmentation de la demande intérieure qui
risquait de dégénérer en forte inflation. Les autorités monétaires allemandes ont donc décidé
une hausse des taux d’intérêt qui a attiré des capitaux (rémunération plus forte des placements en
Allemagne). Ces derniers ont fuit de nombreux pays européens d’où une baisse des taux de change
de diverses monnaies comme la lire, la peseta et la livre (dévaluation de ces monnaies ou sortie du
SME, système de change qui limitait les fluctuations de change entre des marges officielles ± 2,25 %
entre les monnaies jusqu’en 1993 : voir la notion « taux de change »), d’où aussi la nécessité
d’augmenter les taux d’intérêt dans les autres pays pour éviter cette fuite de capitaux. Une
politique monétaire unique, qui tienne compte de la situation de l’ensemble des pays
européens aurait pu être plus efficace : les taux d’intérêt aurait sans doute moins augmenté et la
France n’aurait peut-être pas connu la plus forte récession d’après guerre.
Le deuxième aspect est évident car avec une monnaie unique il n’existe pas de taux de change
entre les monnaies et les politiques de dévaluation compétitive ne sont plus possibles. Or,
par nature, ce genre de politique se fait au détriment des pays ayant des relations commerciales
avec le pays qui dévalue (voir là aussi la notion « taux de change »).
Enfin, la monnaie unique a été créée dans un cadre qui impose à la BCE de lutter contre
l’inflation ce qu’elle s’efforce de faire. Il semble que cette politique ait été efficace puisque
l’inflation est restée relativement faible malgré la forte hausse du prix des matières premières
et du pétrole depuis le début des années 2000 même si d’autres facteurs peuvent expliquer
comme la forte concurrence internationale qui freine la hausse des prix.
• Mais si les conjonctures nationales divergent, alors une politique monétaire unique n’est pas
adaptée.
En effet, avec une monnaie unique et une politique monétaire commune, chacun des pays
abandonne son autonomie dans la conduite de sa politique monétaire. L’inconvénient, vous le
comprenez bien, est grand quand un pays connaît une situation économique différente de
celle des autres pays européens. Quelques mots quand même pour préciser cela. Supposons que
dans l’Union européenne il existe un risque d’accélération de l’inflation. Supposons en même temps
que dans un des pays, à l’inverse, ce risque d’inflation soit moins ressenti alors que la croissance est
faible et le chômage élevé. Cette situation pousse la BCE a augmenté les taux d’intérêt ce qui est
néfaste au pays qui connaît déjà une faible croissance : la hausse des taux d’intérêt réduit la
demande et donc la croissance économique.
Page 11/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
2.1.3 - L’union monétaire est une contrainte pour les politiques budgétaires
nationales tandis qu’il n’est pas encore possible d’avoir une politique budgétaire
européenne.
Maintenant que l'union monétaire est réalisée et l'euro créé (1er janvier 1999 : voir le détail dans la notion «
UEM »), on pourrait penser que la politique budgétaire reste du ressort des seuls Etats (principe de
subsidiarité), et donc que, dans ce domaine au moins, ils sont autonomes. Qu'en est-il ?
• La nécessité d’un pacte de stabilité en UEM.
En réalité, il existe un pacte de stabilité et de croissance (PSC) depuis 1999 (réformé en 2005
pour plus de souplesse) qui encadre les politiques budgétaires des Etats membres de l’UEM.
Il faut notamment que le déficit des administrations publiques reste inférieur à 3 % du PIB, que la
dette publique reste inférieure à 60 % du PIB (voir notion « UEM »). Mais en cas de récession ou de
mise en œuvre d’une politique structurelle favorable à plus long terme aux finances publiques ces
limites peuvent être franchies.
Pourquoi les pays de l’UEM se sont-ils créés ces limites ? Deux raisons essentielles peuvent être
mises en avant.
Tout d’abord, il est possible que certains Etats membres profitent des efforts faits par d’autres
sans en subir les conséquences négatives. En effet, les faibles déficits se traduisent par un
moindre besoin d’emprunts sur les marchés financiers : la demande de fonds (en euros bien sûr)
étant moindre les taux d’intérêt sont plus faibles et cela pour tous les pays. A l’inverse, les pays qui
ne joueraient pas le jeu pourraient très bien avoir des déficits importants (impôts faibles, prestations
sociales importantes, subventions à la recherche/développement, etc.) qu’ils financeraient en
bénéficiant de ces faibles taux d’intérêt. La surveillance des Etats membres est donc nécessaire.
Ensuite, il est fort possible que, sachant les politiques budgétaires encadrées, la BCE ait moins
à craindre l’inflation et fixe des taux d’intérêt moins élevés. En effet, pour elle, un déficit des
administrations publiques risque de se traduire par une inflation plus forte : la hausse de la demande
pouvant se traduire par une hausse des prix avant que l’effet sur la production ne soit effectif.
• Le pacte de stabilité contraint les politiques budgétaires nationales.
Malgré ces avantages, il reste que le PSC est plus un moyen de surveillance des politiques
budgétaires nationales que de véritable coordination. Et cela, aussi bien entre pays de l’UEM
pour ce qui concerne leur seule politique budgétaire qu’entre la politique monétaire de la BCE et les
politiques budgétaires des pays membres. De plus, il se peut que les limites imposées par le PSC
soient considérées comme trop fortes. Aux Etats-Unis ou au Japon par exemple et dans le but de
relancer leur croissance, le déficit budgétaire en % du PIB peut être parfois bien plus important que
les 3 % du PIB que les pays de l’UEM s’imposent. Comme une politique monétaire autonome n’est
plus possible, le pacte de stabilité empêcherait de répondre efficacement à une forte récession,
d’autant que le seuil de 3 % n’a pas vraiment de justification économique.
Toutefois, jusqu’à présent, ces limites n’ont pas vraiment été appliquées lorsque deux grands pays
ne les ont pas respectées en 2002-2003 : l’Allemagne et la France. De plus, les contraintes ont été
adoucies depuis lors …
• L’impossibilité d’une politique budgétaire européenne : interdiction du déficit et faiblesse du
budget européen.
On pourrait aussi penser que la politique budgétaire commune de l’Union européenne (vous l’avez
vu l’année dernière, l’Union européenne a un budget) puisse faire face des difficultés économiques
conjoncturelles touchant l’ensemble des pays. La réalité actuelle montre son impossibilité puisque le
budget de l’Union européenne représente environ 130 milliards d’euros ce qui correspond à environ
1 % du revenu national brut de l’Union européenne. Les montants sont donc insuffisants pour
une politique de relance efficace d’autant que ces montants sont affectés pour presque la moitié à
l’agriculture même si cette part est en baisse et qu’un déficit est interdit. On voit aussi par là que le
vote du budget demeure un des attributs fondamentaux que veulent sans doute garder les
Parlements de chaque pays parce qu’il est un des fondements des démocraties européennes.
• Les contraintes de l’UEM ont été un des facteurs de la faible croissance.
Page 12/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Si l’on compare la croissance économique des Etats-Unis et des pays européens depuis le début
des années 90 (début de l’UEM), il est évident qu’elle a été nettement plus faible en Europe et
notamment dans les pays de l’UEM. Une des raisons souvent avancées est que la politique
économique a été moins efficace en Europe qu’aux Etats-Unis pour relancer la croissance
dans des périodes de ralentissement voire de récession comme en 1993. En effet, les
politiques monétaires ont privilégié la lutte contre l’inflation sans abaisser suffisamment vite les taux
d’intérêt quand la conjoncture se dégradait ; de même, les politiques budgétaires étaient trop
encadrées et pas coordonnées pour relancer l’activité économique. Ces phénomènes sont sans
doute amplifiés par les effets de la politique monétaire sur l’euro dont le cours s’est apprécié assez
fortement depuis son lancement. Or, un cours élevé défavorise les exportations (revoir la notion «
taux de change » dans le chapitre 6).
Toutefois, vous le savez, toute évolution d’un agrégat et particulièrement le PIB dépend de
nombreux facteurs. Peut-être que pour ce qui nous concerne ici, d’autres facteurs tout aussi
déterminants pourraient être mis en avant : l’effort d’investissement, l’effort de
recherche/développement etc. Aussi peut-il être intéressant de nous tourner vers les politiques
structurelles menées pouvant ou non favoriser ce genre de dépenses. Disons tout de suite, pour ce
qui concerne leurs effets sur la croissance, que les tendances à limiter l’ensemble des dépenses
publiques ne favorisent pas le développement d’infrastructures communes, l’accroissement des
dépenses de recherche/développement des entreprises etc. qui pourraient avoir à terme des effets
favorables sur la croissance.
Page 13/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
consommateurs ou que ces profits soient accaparés par les actionnaires privés, il est souvent justifié
de nationaliser ce type d’entreprise, c’est-à-dire que l’Etat en devienne propriétaire, l'Etat imposant la
fixation de prix bas ou les profits revenant alors à la collectivité.
Mais d’un autre côté, une entreprise en situation de monopole n’est pas incitée à améliorer la qualité
de ses produits, ni à rechercher à baisser ses coûts de production, ni même à innover : il n’y a pas
d’entreprise concurrente pour lui ravir ses clients – à fortiori si le monopole est institué par la loi !
Vous avez sans doute déjà entendu ce type de débat en France autour de la SNCF. La situation de
monopole public permet-elle à l’entreprise de produire moins cher ou de bien payer cher ses salariés
? Permet-elle de garantir la qualité et la sécurité parce qu’on ne regarde pas à la dépense ou
permet-elle de négliger l’accueil et le service dus aux clients ? Enfin, si l’on prend cette grande
innovation qu’a été le TGV, on peut estimer qu’elle n’aurait pas été possible sans les profits du
monopole, ou penser que cette innovation a été conduite sans tenir compte des besoins des
usagers qui réclamaient surtout des trains de banlieue plus nombreux et plus confortables.
• Secteur public, service public et service universel : l’exemple de l’électricité et de l’eau
potable.
Les services publics sont les activités dont la fourniture à la population est considérée comme
d’intérêt général. C’est le cas de l’électricité dans les sociétés modernes : en cas de coupure de
courant prolongée, comme après la tempête de décembre 1999, on s’aperçoit vite que le mode de
vie habituel n’est plus possible. Et le mécontentement des populations soumises à de telles
privations montre bien que l’on considère comme un devoir de l’Etat de garantir l’approvisionnement
en électricité. Cependant, que l’Etat doive garantir la fourniture d’un service ou d’un bien n’implique
pas nécessairement qu’il ait à la produire lui-même. Certes l’électricité est en France depuis
longtemps fournie par une entreprise publique (EDF), mais ce n’est pas le cas de l’eau potable, cet
autre bien indispensable à la vie moderne, qui est souvent produit en France par des entreprises
privées (comme Veolia). Pour ne pas confondre le service public, fourniture de biens et services
essentiels à l’ensemble de la population, et le secteur public, ensemble des administrations
publiques et des entreprises contrôlées par l’Etat, on parle parfois de services universels, ou de
service d’intérêt général (terme utilisé par les institutions européennes).
Un service public, ou service universel, ou service d’intérêt général, doit-il nécessairement
être assuré par le secteur public ? Si un bien est indispensable comme l’électricité, la production
par une entreprise publique peut garantir d’abord que l’électricité sera distribuée partout sur le
territoire, même dans les zones reculées où l’acheminement du courant coûtera cher. Ensuite, que
l’accès à l’électricité sera égal, c’est-à-dire qu’il se fera au même prix sur tous les points du territoire
– ce qui implique que les consommateurs paient un peu plus cher là où l’acheminement coûte peu,
comme en ville, pour permettre aux consommateurs plus isolés de payer moins cher que ce que
coûte réellement chez eux la distribution d’électricité;
Les partisans d’une privatisation des services publics objecteront à cela que ces contraintes peuvent
fort bien être imposées à des entreprises privées à qui l’Etat (ou les collectivités locales) confie la
production de ces services. Lorsque l’approvisionnement en eau d’une commune est confié à une
entreprise privée, celle-ci peut-être obligée par contrat de produire pour l’ensemble de la commune,
et à un tarif identique. Par ailleurs, une gestion privée et surtout une mise en concurrence peuvent
aussi favoriser l’innovation, les gains de productivité et la baisse des prix, qui rendent le service
encore plus accessible. En revanche, l’existence des profits peut poser problème : est-il « moral »
qu’une entreprise privée fasse des profits sur la distribution d’un bien aussi essentiel à la vie que
l’eau potable ou l’électricité ? Ne va-t-elle pas cacher ses véritables coûts et faire des bénéfices
excessifs ?
• La fiscalité et la redistribution fiscale : l’exemple de la TVA.
Du point de vue des recettes publiques, la TVA peut être pris comme exemple. Cette taxe semble
particulièrement bien adaptée à une économie de marché puisqu'elle est supportée par les
consommateurs et n'avantage ni les entreprises de main d'oeuvre ni les entreprises fortement
capitalistiques. Toutefois au sein d'économies dont les acheteurs circulent sans trop d'entraves,
elle peut être à l'origine de distorsion de concurrence comme le montre les achats de véhicules
dans les pays de l'Union européenne où le taux de TVA est le plus faible. Vous connaissez sans
doute d'autres exemples entre des pays comme la France et l'Espagne! La conséquence de cette
Page 14/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Page 15/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
ou chômage parce que les salariés de l’entreprise concurrente n’en disposent pas. Une politique
sociale européenne peut ainsi garantir la cohésion sociale. Enfin, dans la mesure où un haut niveau
de protection sociale est constitutif de ce qu’on appelle le "modèle social européen", c’est-à-dire de
l’idéal de société que les européens se donnent, l’institution d’une politique sociale européenne
serait l’occasion de réaffirmer ce modèle social et de cultiver une "identité" européenne qui serait là
encore facteur de cohésion.
D’une manière générale, une politique sociale européenne aurait les mêmes avantages qu’au niveau
national – les arguments qu’on a avancés ici auraient pu être utilisés lors de la création de la
sécurité sociale en France. Ces avantages prennent une importance toute particulière dans Europe
à 27 où les écarts de richesse entre les pays membres sont très forts.
Page 16/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés
BRISES-TERMINALES : Banque de Ressources Interactives en Sciences Economiques et Sociales : http://brises.org
Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
de pension, pas au-delà. Si le régime de retraite est unique, comme en Suède, alors la redistribution
se fait entre tous les actifs et retraités affiliés à ce régime de retraite, soit l’essentiel de la population.
La redistribution est alors de bien plus grande ampleur, la solidarité bien plus large. Choisir un
système de protection sociale, un mode financement, c’est donc aussi choisir de qui est-on
solidaire : de ses collègues d’entreprises ? Des autres clients du fonds de pensions ? Des
personnes d’un même secteur professionnel ? De tous les salariés ? De tous les actifs ? Il est
évident que la réponse à cette question varie selon les pays européens, qu’elle varie même dans un
pays selon l’époque ou selon la branche de la protection sociale (vieillesse, maladie, Chômage,
pauvreté, …), ce qui rend là encore très difficile la définition d’un « modèle social européen » et la
construction d’une politique commune.
Quels que soient les avantages structurels qu’elle procure, une politique sociale européenne
suppose donc un gros effort d’harmonisation dans des domaines fondamentaux pour la vie des
individus. La tâche est donc ardue et c’est pour cela que les avancées en la matière sont nulles, et
que les constructeurs de l’Europe n’en ont pas fait jusqu’à présent une priorité.
Pour conclure ce paragraphe, on peut souligner le paradoxe de la politique sociale, et au-delà des
politiques structurelles européennes. Dans une Europe économiquement intégrée, elles sont
d’autant plus nécessaires et efficaces que les pays sont différents, mais ce sont précisément
ces différences qui les rendent si difficiles à construire.
Page 17/17
Vous pouvez utiliser librement ces cours à la condition d'en faire un usage personnel ou un usage en classe gratuit et d'en indiquer la
source : http://brises.org.
BRISES - CRDP de l'académie de Lyon. 47 rue Phillipe-de-Lassale 69316 Lyon Cedex 04 - ©BRISES Tous droits réservés