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Cours conforme au programme de Sciences économiques et sociales de la classe de terminale, série ES (arrêté du 30 Juillet 2002).
Cours : Introduction
Introduction
Vous avez essayé de comprendre l'année dernière, en classe de première, comment fonctionnaient
l'économie et la société françaises. Cette année, la perspective change : d'une part, notre réflexion ne se
limitera pas à la France, même si cela restera souvent notre premier exemple, d'autre part l'accent sera
mis sur la dynamique, c'est-à -dire que nous essayerons de comprendre comment se font les
changements, tant économiques que sociaux au cours du temps.
Nous ne pouvons conduire cette étude sans utiliser des outils d'analyse qui ont été présentés en classe de
première. Certes, nous serons parfois amenés à les définir à nouveau mais il serait tout à fait judicieux
que vous commenciez par les revoir. Entre autres, nous utiliserons beaucoup cette année les instruments
de la Comptabilité nationale et les concepts de base de la sociologie (culture, classes sociales, catégories
socio-professionnelles).
Quand on regarde le monde et son histoire depuis deux siècles, ce qui frappe, c'est l'ampleur des
changements que l'on peut observer : le niveau de vie semble s'être considérablement élevé, les conditions
de vie se sont transformées. On a même l'impression que ces changements vont de plus en plus vite : il n'y
a certes rien de comparable entre les conditions de vie d'avant la seconde guerre mondiale et celles
d'aujourd'hui, mais c'est vrai sans remonter si loin : quelle différence, par exemple, entre les conditions
d'installation d'un jeune quittant sa famille aujourd'hui et celles qui existaient au début des années 70, où la
douche et le téléphone étaient considérés comme le luxe absolu ! Il n'empêche que ces changements
positifs, qui nous semblent évidents parce que nous les vivons, ne sont pas partagés par tous dans le
monde, ni même par tous dans les pays riches. Ce sont donc ces deux questions que nous aborderons dans
cette introduction : en quoi peut-on parler de croissance, de développement, de changement social
d'une part, et, d'autre part, ces changements ne se sont-ils pas accompagnés de différences et
d'inégalités de réalisation entre les pays et au cours du temps ? Cependant, avant de commencer cette
présentation, il est nécessaire de rappeler en quoi consiste le cadre de ces changements.
Nos sociétés sont d'abord des économies de marché, c'est-à -dire que les actions des différents
intervenants sont rendues cohérentes grâce au marché par le système des prix. Cela signifie qu'existe la
liberté d'entreprendre et de contracter. Cela ne signifie pas que l'Etat n'a pas à intervenir. Le marché,
comme vous l'avez vu en première, ne peut pas fonctionner sans être organisé et sans un contrôle du
respect des règles. L'Etat a aussi d'autres raisons d'intervenir dans une économie de marché. Il n'en reste
pas moins que le fonctionnement de l'économie reste essentiellement déterminé par le marché.
Nos sociétés sont d'autre part des sociétés qui sont marquées par la montée de l'individualisme : les
sociétés modernes laissent une place grandissante à l'individu, la conscience collective pesant de moins en
moins lourd sur la conscience individuelle. L'individu peut donc affirmer des choix et adopter des
comportements qui le différencient par rapport aux autres. Les normes et les valeurs vont donc pouvoir se
transformer plus rapidement qu'avant. Nous reviendrons sur ces transformations plus loin.
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1.1.2 - Le développement
Pour définir le développement, citons François PERROUX, un grand économiste français du 20ème siècle :
" le développement est la combinaison des changements sociaux et mentaux d'une population qui la rendent
apte à faire croître cumulativement et durablement, son produit réel global " (in L'économie du XXè siècle,
PUG, 1991). Autrement dit, le développement, c'est l'ensemble des changements sociaux et culturels
qui rendent possible l'accroissement des quantités produites sur le long terme (c'est-à -dire la
croissance économique).
Le développement est donc une notion moins quantifiable que la croissance économique. Parler de
développement, c'est se poser des questions sur ce que l'on fait des richesses produites grâce à la
croissance : la santé de la population s'accroît-elle, par exemple (ce qui permettra à long terme d'avoir une
main d'œuvre plus productive, ce qui contribuera à renforcer la croissance) ? Mesurer le développement
est donc difficile. L'ONU a donc construit des indicateurs plus qualitatifs, au premier rang desquels l'I.D.H.
(indicateur de développement humain). : il s'agit d'un indicateur synthétique qui prend en compte le niveau
de vie (mesuré par le P.I.B. réel par habitant), la durée de vie (mesurée par l'espérance de vie à la
naissance), le niveau de scolarisation (mesuré par 2 indicateurs : le taux brut de scolarisation des jeunes et
le taux d'alphabétisation des adultes de plus de 15 ans). On peut citer également l'I.P.H. (indicateur de
pauvreté humaine), qui intègre davantage d'éléments que l'I.D.H. (accès à l'eau potable, part des enfants de
5 ans victimes de malnutrition, etc).
[N'oubliez pas d'aller consulter la notion "I.D.H ." dans les notions du chapitre 1. Vous y trouverez bien
davantage de précisions].
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de la culture (normes et valeurs, par exemple) d'une société. G.Rocher, dans Introduction à la
sociologie générale (tome 3, le changement social, Le Seuil, 1986), définit le changement social comme
"étant toute transformation observable dans le temps, qui affecte d'une manière qui ne soit pas provisoire ou
éphémère, la structure ou le fonctionnement de l'organisation sociale d'une collectivité donnée et modifie le
cours de son histoire".
Soulignons l'importance de l'aspect collectif du changement social : quand quelques couples ont des
enfants sans être mariés, il s'agit d'exceptions sans grande signification ; quand la proportion des enfants
nés hors mariage progresse pour atteindre les deux tiers des premières naissances (le premier enfant de
chaque femme), ce qui est le cas en France aujourd'hui, c'est l'indicateur d'un réel changement social par
exemple.
Dans les deux derniers siècles, le changement social a été d'importance : transformation de la
stratification sociale (organisation de la société en groupe sociaux hiérarchisés), urbanisation,
bouleversement des valeurs (pensez, par exemple, à la transformation des croyances religieuses),
émancipation des femmes, et on pourrait ajouter bien d'autres exemples.
Le programme de la classe de terminale porte comme titre "croissance, changement social et
développement". Maintenant que vous savez à peu près ce que désigent ces trois termes, nous devons
présenter leurs liens et les questions qui sont posées par leurs relations: ce sont ces questions qui vont nous
intéresser tout au long de l'année.
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pense y risquer. Ce développement de la rationalité s'accompagne de (et a été rendu possible par) la
séparation entre le politique et le religieux qui étaient, dans les sociétés traditionnelles, confondus (en
France, par exemple, le roi était " de droit divin "). Le fait que la rationalisation se développe n'empêche pas
la persistance d'autres modes de comportement.
La rationalisation des activités a pour conséquence le " désenchantement du monde " ( Max Weber). On
entend par là l'idée que tous les phénomènes observables ont une explication scientifique, la magie ou le
surnaturel n'expliquant rien : s'il ne pleut pas, ce n'est pas parce que les dieux sont en colère contre les
hommes mais parce que l'anticyclone des Açores est placé de telle façon qu'il repousse tous les nuages
ailleurs ! Le monde n'est donc plus " enchanté ", c'est-à -dire explicable par la magie.
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Et si la tendance générale (le trend) de la production est à la hausse sur ces deux siècles, la production
augmente de manière très irrégulière (elle a parfois même diminué), comme nous pouvons le voir dans le
tableau ci-dessous.
Si vous voulez tester votre capacité à bien lire ce tableau, vous pouvez faire l'activité qui est en bas de
page.
Titre : Taux de croissance annuel moyen du P.I.B. par habitant (en %)
Source : d'après les données d'A. Maddison, L'économie mondiale : une perspective millénaire, OCDE 2001.
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femmes s'émancipent, etc. Les modes de vie (la façon de vivre) changent comme le montre
l'évolution des structures de la consommation : en 1946, les Français consacraient en moyenne
45.4% de leurs dépenses à l'alimentation contre seulement 13.7% en 2000. Cela laisse de la place
pour d'autres types de dépenses comme les dépenses de santé ou de logement.. Cette
transformation rendue possible par la hausse des revenus est allée de pair avec l'augmentation des
consommations collectives (éducation, santé, etc.) qui sont à la fois la conséquence de la hausse
du niveau de vie et les signes du développement et de la transformation du mode de vie.
2.1.3 - Mais les pays ont eu des rythmes de croissance très différents.
Les pays n'ont ni les mêmes rythmes de croissance économique, ni les mêmes points de départ de la
croissance, comme on peut le voir dans ce tableau.
Titre : Niveau de départ et évolution moyenne annuelle du P.I.B. par habitant (en %).
1500 :PIB 1500- 1600- 1700- 1820- 1870- 1913- 1950- 1973-
moyen/hbt 1600 1700 1820 1870 1913 1950 1973 1998
Europe occidentale 137 0.14 0.14 0.10 0.90 1.30 0.80 4.10 1.80
Europe orientale 82 0.10 0.1 0.50 0.60 1.30 0.90 3.80 0.40
Ex-URSS 88 0.10 0.10 0.10 0.60 1.10 0.80 3.40 - 1.80
Pays d'immigration
71 0.00 0.20 0.80 1.40 1.80 1.60 2.40 1.90
européenne*
Amérique latine 74 0.05 0.20 0.20 0.10 1.80 1.40 2.50 1.00
Japon 88 0.04 0.10 0.13 0.20 1.50 0.90 8.10 2.30
Asie (sauf Japon) 101 0.00 0.00 0.00 - 0.10 0.40 0.00 2.90 3.50
Afrique 71 0.00 0.00 0.04 0.10 0.60 1.00 2.10 0.00
MONDE 100 0.05 0.004 0.07 0.50 1.30 0.90 2.90 1.30
Source : à partir des données d'A. MADDISON, L'économie mondiale : une perspective millénaire, OCDE
2001.
*il s'agit pour l'essentiel des Etats-Unis et du Canada.
[Lecture : la 1ère colonne donne le niveau de départ du P.I.B. par habitant en indices ayant pour base 100 le
P.I.B. moyen du monde. Cela signifie, par exemple, que l'Europe occidentale avait en 1500 un P.I.B. moyen
par habitant supérieur de 37% à celui du monde. De même, le P.I.B. moyen par habitant, en 1500 toujours,
est presque 2 fois plus élevé en Europe qu'en Amérique du Nord. Les autres colonnes donnent les taux de
croissance annuels moyens du P.I.B. par habitant pour une période. Ainsi, on peut voir que, entre 1700 et
1820, le P.I.B. par habitant de l'Europe occidentale a augmenté en moyenne de 0.1% par an.]
Que montre ce document ? D'abord que vers 1500, les écarts de développement étaient plus faibles, et
nettement, qu'aujourd'hui puisque, entre la zone la plus développée (l'Europe occidentale) et les zones les
moins développées (l'Afrique et les pays d'immigration européenne), l'écart n'est même pas de 1 à 2.
Ensuite, on voit que la zone européenne démarre sa croissance autour de 1820 (0.9% de croissance
annuelle moyenne entre 1820 et 1870, soit 9 fois plus vite que sur la période précédente) alors que
l'Amérique latine ou le Japon n'ont des taux supérieurs à 1% qu'à partir de 1870 et l'Asie après 1950
seulement. Quant à l'Afrique, elle n'a connu que deux fois des périodes de croissance supérieure à 1% par
an.
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2.2.2 - ... qui créent une hiérarchie dans les niveaux de développement,
Si l'on prend l'ensemble des pays du monde et qu'on essaie de les rassembler en groupes distincts, on
peut distinguer :
• Les pays développés (les pays d'Europe de l'ouest, les pays nord-américains, le Japon,
l'Australie) : ils ont commencé leur croissance au 19ème siècle, ils ont accumulé du capital et du
savoir-faire, ils ont la maîtrise des circuits financiers, ils ont un niveau de vie par habitant très élevé
(même s'il y a des différences entre eux) et ils dominent les échanges internationaux de
marchandises.
• Les pays pauvres, voire très pauvres : ils rassemblent la plupart des pays africains, des pays sud-
américains et certains pays asiatiques. Ces pays ont le plus grand mal à démarrer un réel
processus de développement. La production de richesses y augmente à un rythme à peine
supérieur à celui de l'augmentation de la population. Les infrastructures (par exemple de
communication) y sont très déficientes. La question du pouvoir politique y est souvent mal réglée : il
n'y a pas de réelle stabilité politique, la démocratie n'est souvent pas solidement installée, les
tensions entre communautés différentes à l'intérieur du pays sont souvent fortes, ce qui contribue à
rendre difficile la mise en place d'un processus de croissance économique. Il y a cependant une
grande diversité à l'intérieur de ce groupe de pays, tant dans le niveau de développement atteint
que dans les structures sociales et politiques. Les termes que l'on utilise pour désigner ces pays
sont assez variés (pays en développement, pays en voie de développement, pays sous-développés,
etc…). L'O.N.U. a constitué un groupe de pays qu'elle appelle les " pays les moins avancés "
(P.M.A.). On se rend bien compte que les appellations ne sont pas neutres : " les moins avancés ",
cela laisse entendre que tout le monde avance, mais plus ou moins vite, " sous-développés " ne dit
pas la même chose ! La question est évidemment de savoir pourquoi certains pays n'arrivent pas à
se développer et s'il n'y a pas des liens entre la diversité des rythmes de la croissance économique
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dans les différents pays. Autrement dit, on peut penser que ce qui se passe sur le plan économique
dans un pays n'est pas indépendant de ce qui se passe dans le reste du monde. C'est bien sûr une
des questions que nous aurons à nous poser quand nous étudierons la mondialisation.
• Les " nouveaux pays industrialisés " (N.P.I.) rassemblent des pays, essentiellement asiatiques,
qui ont réussi, semble-t-il, dans les trente dernières années du 20ème siècle, à amorcer un réel
processus de développement, même si celui-ci reste fragile, comme l'a montré la crise qui a affecté
les pays asiatiques dans les dernières années du 20ème siècle. Ces pays ont connu une croissance
économique forte, une élévation sensible du niveau de vie moyen, une transformation rapide de
leurs structures économiques et sociales (en particulier, chute de la part du primaire dans l'emploi et
la production). Il faut y inclure la Chine qui sera probablement le géant du 21ème siècle.
Du fait que la croissance économique est plus lente dans les pays déjà pauvres, l'écart entre les pays
développés et les autres n'a cessé de s'accroître, spécialement depuis 1945. C'est ainsi un fossé qui
s'est créé entre les pays riches et les pays pauvres et qui, pour le moment, ne cesse de s'agrandir si l'on
excepte certains pays asiatiques.
Titre : Croissance du P.I.B. par habitant entre 1820 et 2000 pour quelques pays et espérance de vie à la
naissance en 2000 ;
Source : d'après les données d'A. Maddison, L'économie mondiale : une perspective millénaire, OCDE 2001
et P.N.U.D., Rapport mondial sur le développement humain, 2001.
2.2.3 - sans que les inégalités à l'intérieur des pays, même développés, ne
disparaissent.
Les inégalités de niveaux de vie restent fortes à l'intérieur des pays, même dans ceux qui sont le plus
développés. Si toutes les inégalités ne sont pas condamnables, on peut quand même s'interroger sur
l'incapacité des pays les plus développés à régler la question de la pauvreté : dans tous ces pays, il
existe une partie de la population qui ne peut accéder au standard de vie considéré comme normal. Même
s'il est difficile de définir et de mesurer la pauvreté (nous reviendrons sur ces questions plus loin), on
observe qu'une partie significative de la population vit dans ce qu'il est convenu d'appeler la pauvreté dans
les pays occidentaux. Ainsi, à la fin des années 1980, la part de la population dont les ressources sont
inférieures à la moitié du revenu moyen de leur pays est variable selon les pays européens mais assez
élevée : environ 11% en Allemagne (partie ouest), 14% en France et au Royaume-Uni, 17% en Espagne,
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21% en Italie. Aux Etats-Unis, on estime que 15% environ des ménages sont pauvres, à cette même date.
(Ces données sont citées dans " Pauvreté et exclusion ", Rapport du Conseil d'Analyse économique, 1998)
Et cette partie, proportionnellement, ne régresse pas réellement, elle augmente même dans certaines
périodes, comme dans les 20 dernières années du 20ème siècle aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.
Dans les pays les moins développés, la grande pauvreté est encore plus frappante, d'autant qu'elle
est souvent juxtaposée à la richesse étalée par quelques uns.
La pauvreté pose la question de l'intégration sociale : la pauvreté économique se cumule avec d'autres
inégalités qui peuvent rendre difficile l'insertion dans la société et engendrer un processus d'exclusion. Or
une société ne peut se maintenir si elle n'intègrent pas ses membres. On voit là encore que les questions
sociales et les questions économiques sont imbriquées les unes dans les autres.
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le " comment ?", sur le " pour qui ?" et sur le " cela pourra-t-il durer ? " (c'est-à -dire les questions
posées pour l'avenir).
Dans une première partie, nous réfléchirons à ce qui rend possible (ou pas possible) la croissance
économique. Nous verrons dans une deuxième partie comment se réalisent les transformations sociales.
Enfin, nous verrons comment la mondialisation interagit sur la croissance et les transformations sociales.
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