Professional Documents
Culture Documents
technique en sous-sol
PAGES
MODERNE
LES PONTS HAUBANÉS 33 Revue d’information de l’industrie cimentière française
Haubans et dalle mince : 39 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Michael Téménidès
DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Bernard Darbois
la solution du juste milieu CONSEILLERSTECHNIQUES :
Bernard David ; Jean Schumacher
PAGE
CIM
bloc-notes • Livres
• Forum
40 CENTRE D’INFORMATION SUR
LE CIMENT ET SES APPLICATIONS
1
• internet : www.cimbeton.asso.fr •
Il est aujourd’hui devenu réalité. Mais avant son ouverture à la circulation des véhicules
et du chemin de fer, le 1er juillet prochain, le projet a d’abord été l’un des chantiers européens
les plus ambitieux. Vitrine du savoir-faire en matière de génie civil, ce lien de 16 km multiplie les
ouvrages : d’ouest en est, se succèdent un tunnel immergé, une île artificielle et enfin trois ponts.
1 2
10,2 m
❙❙❙ Coupe sur les viaducs d’accès
30,50 m
1 2
HISTORIQUE
La dalle supérieure du pont à haubans a l’objet d’un contrôle de température
été coulée sous une tente chauffée afin poussé. Base de ce contrôle, le Tempera-
de garantir un niveau de température et ture Monitoring System a permis de sur-
Les temps forts de l’Øresund
des conditions d’hygrométrie constan- veiller par informatique les données de ● 23 mars 1991 : les gouvernements danois et suédois s’accordent pour
tes, quel que soit le climat. À l’inverse, les températures collectées par des cap- la construction d’un “lien fixe” dans le détroit de l’Øresund.
dalles des viaducs d’accès, fabriquées à teurs. Un dispositif d’alarme a même été
● 27 janvier 1992 : création de l’Øresundskonsortiet, maître
Cadix, ont été coulées dans un bâtiment prévu afin d’alerter l’ingénieur spéciale-
d’ouvrage de l’opération.
climatisé afin de les préserver des fortes ment affecté au contrôle, y compris la
● 1 janvier 1993 : six groupements d’entreprises sont sélectionnés
er
températures de l’été espagnol. nuit sur son ordinateur portable ! Un des
points essentiels étant d’éviter des gra- pour la compétition en conception-construction.
dients de température trop importants ● 17 juillet 1995 : signature des contrats avec le groupement Øresund
● Un contrôle qualité
(10 °C maximum) entre la coulée précé- Tunnel Contractors et avec Øresund Marine Joint Venture pour les
exceptionnel
dente et la coulée en cours (ou entre le dragages.
Avant d’en lancer la production à grande cœur et la surface de cette dernière), les
● 18 octobre 1995 : commencement des dragages.
échelle, les éléments ont été testés en bétons “anciens” ont été réchauffés tan-
● 27 novembre 1995 : signature du contrat avec Sundlink Contrac-
vraie grandeur afin de vérifier la cohé- dis que la coulée en cours était refroidie
rence et la fiabilité des principes de par circulation d’eau froide dans des tors, chargé de la réalisation du pont à haubans et des ponts
formulation et de mise en œuvre canalisations. La société Setec Ingénierie d’approche.
(vibration notamment). Une des princi- a grandement participé à ces opérations ● 30 juillet 1997 : lancement de la construction du premier élément de
pales difficultés a résidé dans la protec- de contrôle et de vérification. pylône.
tion des ouvrages contre les chlorures,
● 2 décembre 1997 : lancement de la construction du premier cais-
spécialement dans la zone dite des
● Dimensionnement son de tunnel immergé.
embruns, située entre – 2 m et + 6 m
“au plus grand” ● 16 juillet 1997 : la grue flottante Svanen place la première pile de
par rapport au niveau de la mer. Pour évi-
ter la corrosion des armatures, le cahier Les éléments ont été dimensionnés en pont à Lernaken.
des charges déterminait une épaisseur fonction des moyens de levage et de ● 3 novembre 1997 : remorquage de la première section de tablier
de recouvrement minimale des fers de manutention disponibles. En l’occurrence, depuis Cadix.
8 cm. Il requérait également des bétons des capacités de la plus grande grue au ● 26 juin 1998 : pose de la première section du tablier du pont à haubans.
parfaitement “fermés”, et donc exempts monde, dénommée Svanen. Cette der-
● 6 janvier 1999 : mise en place du 20 et dernier élément de tunnel.
e
de toute fissuration, en particulier au nière, utilisée pour la réalisation du pont
● 8 mai 1999 : le pylône ouest atteint, trois mois après le pylône est,
jeune âge (48 h après le coulage). Pour de l’île du Prince-Édouard, au Canada, a
ce faire, les bétons – dont la formulation été rapatriée sur l’Ancien Continent spé- sa hauteur définitive de 204 m.
● 1 juillet 2000 : ouverture de la liaison au trafic.
er
comprend un entraîneur d’air – ont été cialement pour la circonstance. Non sans
1 38,8 m
7 9
8
6
5
2 3 4
3 5
L’autoroute
sous l’emprise du paysage
●●● Le 3 mars dernier, Jacques Chirac, président de la République, inaugurait la première section
de l’A 89, un tronçon reliant Ussel et le Sancy, entre Corrèze et Puy-de-Dôme. Il rendait ainsi
hommage au plus bel ouvrage d’art du moment, le viaduc du Chavanon, et par là même au savoir-
faire des entreprises françaises. Un savoir-faire qui a pu s’illustrer tout au long des 340 km
du tracé, relevant ainsi le défi d’une intégration très soignée à un paysage parfois très accidenté.
A71
BOURGES
LIMOGES PARIS
N PARIS
RIOM
A72
A20
viaduc du
POITIERS Chavanon ST-ÉTIENNE
PARIS viaduc de
la Barricade CLERMONT - LYON
FERRAND
USSEL
viaduc de
viaduc la Clidane
A89
A75
de Tulle viaduc des
Bergères
viaduc de
la Sarsonne
TULLE
A10
9
PÉRIGUEUX
A8
BRIVE
MONTPELLIER
A89
BORDEAUX
A20
1 2
pour la réalisation de la plupart des risé l’innovation technique.” Jean-Marc ➜ Le viaduc des Barrails :
ouvrages, poursuit Alain Robillard. Ce Tanis donne même une dimension plus
matériau permet de réaliser des tabliers large à son propos : “Les ouvrages d’art le plus long
à inertie variable qui offrent de grandes de l’A 89 traduisent, en ces temps sym-
portées, avec un nombre de piles limité, boliques marqués par l’année 2000, l’ex- Édifié sur la section libournaise de l’A89 culier à été apporté à la finition des piles
tout en demeurant dans le cadre des pression la plus achevée en matière d’art à Arveyres, à l’intérieur d’un méandre de en béton, habillées d’un parement de
contraintes budgétaires.” de l’ingénieur et d’architecture appliqués la Dordogne, le viaduc des Barrails assure béton préfabriqué de couleur sable. De
aux grands ouvrages. Elle a demandé le franchissement de la RN 2089 et de la section courbe, elles respectent les
une réflexion approfondie pour les voie de chemin de fer Paris-Bordeaux, contraintes hydrauliques, l’objectif étant
● Des ouvrages d’art de ne pas entraver l’écoulement de l’eau
phases de conception, tant du point de elle-même bâtie sur un viaduc, dit des
économiques à l’usage en cas d’inondation engendrée par la
vue technique que de l’intégration à l’en- “Cent Arches”.
Autre facteur d’économie souligné par vironnement.” Résultat : des réalisations Composé de deux tabliers parallèles crue de la rivière.
le directeur général adjoint des Auto- hors du commun, comme le viaduc du larges de 11 m portant chacun deux Reste que la principale difficulté du chan-
routes du sud de la France, la faible exi- Chavanon, la “vedette” de l’A 89, ou voies de circulation de 3,5 m, l’ouvrage tier aura été la pose de la travée surplom-
gence du béton en matière de dépenses encore le viaduc de Tulle, impressionnant est peu élevé (16 m au maximum). En bant la voie SNCF, menée durant les rares
d’entretien, contrairement au métal. par sa hauteur. revanche, le viaduc des Barrails détient le plages horaires “hors trains” disponibles
Ramené à une durée de vie d’un siècle, record de longueur des ouvrages d’art de sur cette ligne ferroviaire à fort trafic. ❚
cet avantage prend toute sa valeur. l’autoroute A 89 : 1 460 m. Un chiffre qui
● L’A 89, une vitrine
Une économie qui n’exclut ni la prouesse explique le nombre important de vous-
de la technologie française Maîtrise d’œuvre :
technique ni les qualités esthétiques. soirs préfabriqués (1 038). D’un poids
Scetauroute – Jean Muller
“Les ouvrages dans leur ensemble font Ces ouvrages d’art, au sens littéral du compris entre 43 et 50 t, ces voussoirs International
appel à des technologies avancées, terme, sont l’expression du degré de ont été mis en place de façon originale à
Architecte :
notamment des bétons hautes perfor- compétence exceptionnel des bureaux l’aide d’un mât de haubanage provisoire. Berdj Mikaelian
mances, dont l’aspect a été particulière- d’études et des entreprises de travaux Cette méthode de pose très rapide a per- Entreprises :
ment soigné, complète Jean-Marc Tanis, publics français. Il faut d’ailleurs rendre mis d’atteindre la cadence d’une travée Campenon Bernard SGE,
directeur général de Jean Muller Interna- hommage au maître d’ouvrage qui n’a par semaine (34 travées au total, d’une Campenon Bernard Ouest,
Quillery
tional (JMI) et directeur du département pas hésité à participer au risque résul- longueur comprise entre 28 m et 50 m).
ouvrages d’art de Scetauroute, intervenu tant du choix délibéré de l’innovation, et Ce rythme permettra d’assurer la livraison Coût :
en tant que maître d’œuvre et concep- qui a ainsi offert à la technologie fran- du viaduc en juillet 2000, après 29 mois 217 MF HT
teur des viaducs. “Par leurs choix, les çaise une “vitrine” dont l’impact a déjà de travaux (y compris terrassements 33 millions d’euros
Autoroutes du sud de la France ont favo- dépassé nos frontières. ❚ et réalisation des remblais). Un soin parti-
1 2
Édifié sur une brèche d’une profondeur susceptibles de dégrader l’environne- 3 Pour le viaduc des Bergères, le choix d’un tablier mis en
de l’ordre de 40 m, sur le territoire de la ment. Pousser un tel tablier n’était donc œuvre par poussage a permis de coffrer le tablier au sol, pour
commune d'Aix, dans le département de pas un mince exploit technique, surtout
quand on sait que le rapport entre la lon- assurer une qualité de réalisation exceptionnelle et limiter l’impact
la Corrèze, le viaduc des Bergères est
l’unique ouvrage poussé de la section gueur de l’outil et celle des travées est sur le milieu naturel de la brèche, les travaux se déroulant en altitu-
Ussel-Le Sancy. Mais ce n’est pas là son considéré comme la limite technique
de. 4 Du fait du porte-à-faux important pendant le poussage,
unique particularité, puisqu’il présente actuelle… À la fin du chantier, ce sont
aussi une courbure très importante, d’un 10 400 t qui ont été déplacées, avec un le tablier en béton du viaduc des Bergères a été renforcé par une
rayon de 1 300 m. effort de 700 t au décollage. Notons précontrainte provisoire qui lui a permis de supporter son propre poids.
Chacune des quatre piles – la plus haute encore – pour l’anecdote – qu’afin de
culmine à 33 m – repose sur une semelle faciliter le glissement du tablier, il a été
superficielle ancrée sur un massif de fait appel à des plaques de téflon lubri-
30 micropieux. Quant au tablier de l'ou- fiées avec… du produit vaisselle. ❚
vrage, long de 282 m pour une largeur
de 20 m, il se compose de cinq travées
d’une longueur comprise entre 42,5 m et Maîtrise d’œuvre :
65 m. Ce tablier est constitué de vous- Scetauroute
soirs à inertie constante (4 m de hauteur) Architecte :
poussés par tronçons de 13 m au fur et à Philippe Loupiac (Atelier 13).
1 2
Viaduc du Chavanon :
un pont emblématique entre le Limousin
et l’Auvergne
Un pari plus que réussi : à la fois majes- axiale, constituée de 122 torons, offre
P remier pont suspendu édi- nants massifs de fondation rayonnants
fié en France depuis trente tueux, élégant et original, l’ouvrage fait en béton qui reprennent 12 000 t (poutre aux automobilistes une vue dégagée sur
ans, le viaduc du Chavanon, mis preuve d’une réelle transparence, et curviligne en béton ancrée au sol par la vallée ; en contrepartie, elle a exigé
en service le 4 mars dernier, est répond donc au souci de limiter l’impact 43 tirants enracinés à 50 m de profon- du tablier, très large (22 m), une rigidité
l’ouvrage phare de l’A 89. Pour de l’autoroute sur la vallée sauvage du deur). Autre atout, la double suspension suffisante pour résister aux efforts de
marquer le 2 000e kilomètre d’autoroute Chavanon, classée ZNIEFF.
construit par ASF, mais aussi pour souli- TECHNIQUE
gner le passage entre le Limousin et l’Au-
● Suspension axiale et Un parement beau comme un marbre poli
vergne, le maître d’ouvrage s’est offert un
dalle béton
viaduc exceptionnel, qui marquera incon-
“La volonté du maître d’ouvrage d’obtenir une géométrie et une fini-
testablement son époque. Ses armes : Cette apparence de légèreté est le résul-
tion parfaites a déterminé la méthode de mise en œuvre des pylônes :
une architecture novatrice faisant appel à tat du choix effectué par Jean Muller
une suspension axiale, et une exigence International, concepteur de l’ouvrage, un béton coulé dans un parement en béton préfabriqué poli servant
de finition hors du commun. d’un pont suspendu de 360 m de long et de coffrage perdu. En termes d’aspect, le résultat est proche de la
de 300 m de portée, avec un tablier droit perfection. Il tient au soin remarquable apporté par le préfabricant,
accroché non pas latéralement, mais en qui a mis au point une technique de moule ‘vrillable’ répondant à la
● Un modèle de viaduc
partie centrale. Cette solution a été rete- géométrie complexe des piles. Chaque élément présente un aspect
Vitrine technologique offerte à l’ingénie- nue pour sa capacité d’intégration au
splendide, résultat d’un polissage en sept passes. L’arrondi dans les
rie française, ce viaduc est aussi un vec- site, sur le plan esthétique comme sur le
teur d’image pour le maître d’ouvrage, plan technique, les massifs d’ancrage des
angles est parfait, ainsi que le traitement des joints. Lorsque l’on est
désireux d’offrir aux usagers une vision câbles porteurs offrant la possibilité de se au pied du viaduc, on ne peut s’empêcher de le caresser, comme une
de l’autoroute fondée sur de nouvelles fixer au rocher (roche métamorphique de colonne de marbre antique. Ce matériau est très sensuel.”
valeurs autres que le strict fonctionnel. bonne qualité), moyennant d’impression- Jean-Vincent Berlottier, architecte
torsion. C’est pourquoi l’acier a été orientation longitudinale au sol, paral- “Nous avons utilisé un logiciel développé
écarté, au profit d’un monocaisson lèle au tablier, et une orientation trans- pour la réparation du pont de Tancar-
mixte faisant appel à une dalle de béton versale en tête, nécessaire à la reprise ville“, explique Alain Palacci. Dans un
B 40 de 22 cm d’épaisseur, précon- des efforts de la suspension.” Ingénieur même ordre d’idées, la technologie de la
trainte transversalement. Cette dalle a et projeteurs ont calculé chaque élément supension du viaduc et de la couverture
été coulée selon un phasage très étudié de coque pour obtenir un parfait parabo- du stade de France fait appel à des outils
pour ne pas imposer d’efforts trop loïde hyperbolique. et des méthodes similaires.” Il n’est donc
importants à la charpente métallique. pas étonnant que l’ouvrage fasse l’unani-
“La mise en œuvre du béton et des mité, et qu’il soit si abouti. “Si j’avais à le CHIFFRES-CLÉS
● Une œuvre collective
superstructures a provoqué un abaisse- refaire, je ferais exactement les mêmes
10 000 m3 de béton
ment du tablier de 2,70 m, valeur qui Bien qu’innovante, la conception du via- choix”, conclut Jean-Vincent Berlottier. ❚
1 000 t d’acier passif
correspondait à quelques centimètres duc du Chavanon s’est appuyée sur l’ex- TEXTE : JEAN-PHILIPPE BONDY
740 t pour la suspension
près à nos calculs”, souligne Alain périence des nombreux partenaires : PHOTOS : GUILLAUME MAUCUIT-LECOMTE ;
140 000 h de travail
Palacci, de GTM Construction. concepteur, architecte et entreprises. ASF/MICHEL GARNIER
210 MF HT
(32 millions d’euros)
● Les pylônes, éléments-clés TECHNIQUE
Le choix de la suspension a conditionné Maître d’ouvrage :
Autoroutes du sud de la France
la forme générale des pylônes, pièces Des butons actifs pour compenser
Maîtrise d’œuvre :
monumentales en forme de V renversé le poids des pylônes Scetauroute,Jean Muller
d’une hauteur de 70 m. La section des International
jambes évolue en fonction de la hauteur : “Contrairement à une pile normale, les jambes des pylônes du viaduc
Concepteur :
c’est un triangle isocèle dont la base et la du Chavanon sont inclinées. À mesure qu’on coulait le béton B 60,
Jean Muller International
hauteur varient respectivement de l’augmentation de masse engendrait une force transversale de plus
Architecte :
4,40 m et 5,20 m en tête à 8,50 m et en plus élevée. Il était donc impossible de maintenir l’écartement ini- Jean-Vincent Berlottier
2 m en pied. “J’ai proposé une forme tial des jambes avec des butons classiques. Nous avons donc opté Préfabricant :
vrillée en réponse à une exigence struc- Morin Système
pour des butons horizontaux actifs équipés de vérins, espacés verti-
turelle, à l’image des os du corps qui per- Architectonique
calement de 5 m, qui permettaient de réagir dynamiquement aux
mettent de transférer des efforts d’une Entreprises :
direction à une autre, explique l’archi- variations d’effort, et donc de conserver la position angulaire (20°) GTM,Cimolaï,
avec une extrême précision.” Baudin Châteauneuf
tecte Jean-Vincent Berlottier. Cette géo-
métrie assure une transition entre une Alain Palacci, directeur du bureau d’études de GTM Construction
Les éléments
préfabriqués
●●● LES ÉLÉMENTS EN BÉTON PRÉFABRIQUÉS ENTRENT DE PLUS EN PLUS
Le béton
prêt à l’emploi
●●● AUTRE VOLET DE L’OFFRE BÉTON EN MATIÈRE D’OUVRAGES D’ART, LE
ci sont parfois nécessaires lorsque le sol de fondation dissiper l’énergie en cas de séisme ;
après la pose des poutres.
est de mauvaise qualité, ou pour maintenir un gabarit – la suppression des joints de chaussée intermédiaires,
ou de la dallette de continuité sur pile intermédiaire, Les phases de construction ainsi que les défor-
de circulation sous l’ouvrage, ou encore en cas de fran-
chissement d’un obstacle (grande hauteur, ruisseau, assure un meilleur confort des usagers, au même titre mations différées (fluage, retrait et relaxation)
voie ferrée, etc.). que l’absence de festonnement du tablier ; celui-ci est et leurs conséquences dans la redistribution
habituellement provoqué par les libres déformations par des efforts dans le tablier sont prises en compte
● Mise œuvre aisée et rapide fluage du béton des tabliers à travées isostatiques, qui
par un calcul incrémental. Le fluage du béton
sont ici empêchées par la mise en continuité mécanique
est supposé linéaire et le principe de la super-
La pose des poutres préfabriquées se fait dans la majo- des travées ;
– la réduction du nombre d’appareils d’appui, disposés position est donc applicable ; la rhéologie est
rité des cas avec des grues courantes, dans des délais
très courts, ce qui ne nécessite que de brèves interrup- sur une seule file sur les piles au lieu de deux, facilite l’en- celle du BPEL (version révisée 1999) pour les
tions de la circulation lorsque le pont franchit une voie tretien lors du vérinage pour les vérifier et éventuelle- bétons traditionnels ou les bétons hautes
en service. La pose sur appuis provisoires (cas des ment les remplacer. ❚ performances.
➜ Solide, économique…
et plus rapide Un nouveau type de pont-rail
Ce pont à six travées rendues continues, toutes de por-
pour le TGV Est
tées différentes, présente un profil en long en pente Après une quinzaine d’années d’exploitation du
variable et un alignement non rectiligne. Il franchit une réseau TGV, la SNCF a convié entrepreneurs et
route départementale et une voie SNCF. Lors de l’ap-
industriels de la préfabrication en béton à partici-
pel d’offres, la solution PRAD a été préférée à la tech-
per au projet de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise
nique plus classique du pont à poutrelles enrobées,
usuellement utilisée pour le franchissement des voies d’œuvre du futur réseau TGV Est, sur le thème sui-
ferroviaires, mais qui s’est révélée trop chère. Parfaite- vant : comment réduire le coût et le délai de
ment respectueuse du cahier des charges en matière construction d’une plate-forme ferroviaire par une
de sécurité et de coût, elle a permis de procéder à la nouvelle conception des ouvrages d’art courants ?
construction du pont dans un délai plus court sans
En 1996, après étude d’une trentaine de concep-
remettre en cause l’aspect architectural du projet,
tions nouvelles, la SNCF a procédé à une première
grâce, en particulier, au maintien de la forme des piles.
Celles-ci présentent un seul fût à largeur variable et à sélection faisant apparaître l’intérêt économique
parements ouvragés. Les corniches en béton blanc qui et la fiabilité des ponts-rail à travées continues
règnent sur la hauteur du tablier masquent la pré- composés de poutres précontraintes par fils
sence des poutres et soulignent la simplicité et l’élé- adhérents, procédé déjà utilisé sur certains
gance du pont.
réseaux étrangers. Avant de s’engager, la SNCF a
PHOTOS : GUILLAUME MAUCUIT-LECOMTE
entrepris des essais de fatigue, en partenariat
Maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre : conseil général avec la FIB.Elle voulait s’assurer de la capacité de
de l’Hérault
ces poutres à supporter les charges ferroviaires
Assistance maîtrise d’œuvre études : CETE Méditerranée
Architecte : Forissier cabinet Intervia (ex-Urba 9) sur la durée de vie théorique d’un ouvrage. Menée
Entreprise : BEC Frères, agence de Lunel par le CERIB,l’étude a permis de valider le procédé.
BET : Sud Études de Pignan (34) Par la suite, en 1998-1999, une étude théorique de
Poutres PRAD : Feder Béton Bédarieux (34)
“sensibilité” sur un exemple concret a permis de
Montant total de l’opération : 12 MF
valider l’intérêt de ce type d’ouvrage et de fixer des
Montant de l’ouvrage : 5,3 MF
hypothèses de calcul de dimensionnement.
Ce nouveau type d’ouvrage courant Ra-PPAD
(ponts rails à poutres préfabriquées précon-
traintes par adhérence) devrait réduire les coûts
d’investissement et d’exploitation, ainsi que le
délai d’exécution de la plate-forme ferroviaire,
tout en respectant les critères techniques et
réglementaires de sécurité, de régularité et de
confort. Le double intérêt de la solution hypersta-
tique retenue tient à l’impact restreint des aléas
climatiques et géotechniques et à la séparation
physique des ateliers de terrassement et de réali-
sation des ouvrages d’art. D’autre part, le monoli-
thisme simplifie la maintenance puisqu’il permet
de stabiliser le ballast et de réduire les contraintes
portant sur les rails au droit des appuis.
●●● suite p 21
➜ A 29 : le BPE
comme seul fournisseur
LES PREMIERS TRAVAUX DE L’AUTOROUTE atteint une capacité de production de 30 à 35 m3 par
A 29 ONT DÉBUTÉ AU COURS DE L’ÉTÉ heure. Par ailleurs, ces centrales ont également ren-
forcé leur flotte de toupies et recouru à des entreprises
1999. LES ENTREPRISES DE BÉTON PRÊT
spécialisées dans le pompage en cas de nécessité.
À L’EMPLOI LOCALES FOURNISSENT
LA TOTALITÉ DES BÉTONS MIS EN ŒUVRE ● Des contrôles scrupuleux
DANS LES OUVRAGES D’ART.
Durant toute la durée du chantier, les opérations sont
E An cours de réalisation, l’autoroute placées sous haute surveillance. Les matériaux sont
29 reliera dans quelques années contrôlés, puis les process, le chargement, jusqu’à la
l’embouchure de la Seine au nord de la livraison sur site. Ensuite, ce sont les entreprises qui sont
France. La liaison Amiens – Saint-Quentin est actuel- contrôlées : ferraillage, vibration, mise en place. De
lement en construction et compte deux tronçons totali- nombreuses formulations de béton ont dû être mises au
sant 55 ouvrages d’art, depuis le franchissement des point, en BCN (béton à caractéristiques normalisées, 3
autres autoroutes jusqu’au rétablissement de routes B 30 et B 35 ou B 28 et B32, pour les ouvrages sous
>>> 1 Les 55 ouvrages d’art du tronçon
départementales et de voies de moindre importance, maîtrise d’œuvre SNCF) et en BCS (béton à caractéris-
pour un total de 36 900 m3 de béton qui seront fournis tiques spécifiées, pour les semelles notamment). Amiens-Saint-Quentin de l’A29 ont été coulés
par deux entreprises de béton prêt à l’emploi. Sur toute Au total, près de 35 formulations différentes ont été avec du béton issu de 5 centrales BPE.
la longueur du tracé, le béton est produit dans cinq cen- mises au point. Notons d’autre part que toutes les cen-
2 Avec le plan d’assurance-qualité, des
trales de béton prêt à l’emploi situées à Amiens (deux trales amenées à intervenir sur le chantier devaient être
centrales), Péronne, à mi-chemin (deux centrales), et à agréées NF. éprouvettes sont réalisées puis analysées soit
Saint-Quentin (une centrale). Chaque ouvrage reste Dans le cas de Péronne 2, une centrale installée spécia- par un contrôleur extérieur mandaté par le
dans la limite imposée en termes de temps de transport lement pour le chantier, c’est la réalisation de bétons de
maître d’œuvre, soit par le fournisseur du BPE.
du béton prêt à l’emploi. convenance qui a permis son homologation spécifique
pour ce chantier, en dépit de son manque d’ancienneté 3 Chaque toupie livrée sur le chantier fait
● Sur place, un coordinateur entre qui lui interdisait de prétendre à la norme NF. De plus, l’objet d’un contrôle : le slump test.
les centrales et l’entreprise avant le démarrage du chantier et pour satisfaire aux
conditions requises par le maître d’œuvre, chaque la mise en œuvre du béton assurait le suivi de la qualité.
Pour mieux assurer la coordination des centrales, un entreprise a dû fournir des plans d’assurance qualité Les bons étaient contrôlés, la date de départ vérifiée, et
coordinateur spécialement dédié a été dépêché sur les dont la véracité et la conformité au marché étaient des cônes étaient réalisés pour vérifier que la plasticité
lieux pour gérer les relations entre entreprise et cen- contrôlées. Des bétons d’étude étaient réalisés, analy- du béton était conforme aux demandes et aux normes.
trales, depuis les plannings jusqu’à la gestion des pro- sés ensuite par des contrôleurs extérieurs mandatés par
blèmes pouvant survenir sur le chantier. Pour parer à le maître d’œuvre, et enfin il était procédé à une série de ● Difficiles franchissements
toute éventualité, et notamment aux pannes, les plans bétons de convenance pour chaque type de béton et
d’entretien des centrales ont également été renforcés, pour chaque centrale. Ils ont permis notamment de véri- La gestion de tels chantiers est parfois soumise à des
la maintenance étant assurée par des entreprises exté- fier la conformité de l’évolution des bétons lors du trans- contingences particulières liées à la configuration du site.
rieures. Une évolution nécessitée par le chantier de l’au- port, des mesures étant effectuées à T 0, T + 15 mi- Parmi les points les plus sensibles de cette nouvelle auto-
toroute et les cadences qu’il génère, mais également nutes,T + 30 et T + 60, de façon à pouvoir garantir une route,le double franchissement de la ligne TGV et de l’au-
par la mise en place des 35 heures. Chaque centrale a marge suffisante. Sur le chantier, l’entreprise chargée de toroute A 1 était sûrement le plus délicat : plusieurs
Eole : symphonie
technique en sous-sol
●●● Cinquième des lignes de RER, la toute nouvelle ligne E matérialise un véritable prodige :
réaliser en plein centre de Paris un tunnel de 3 km et deux gares enterrées aux dimensions
équivalentes à trois fois la cathédrale Notre-Dame, c’est d’abord une gageure ; quant à orchestrer
génie civil et de l’architecture, c’est même un autre stade… celui de l’aventure humaine.
1 2
E ole est mort le 14 juillet Mais plus qu’un simple lieu de passage, 2 La légèreté des escaliers et des équipements contraste
1999. Il a symboliquement les deux gares souterraines forment un
volontairement avec la massivité des structures. 3 Les volumes
disparu lors de son ouverture au espace porteur d’une véritable identité
public, laissant la place à la ligne qui concrétise le mariage entre génie civil monumentaux de ses gares souterraines favorisent un écoulement
E du RER. Dernière des grandes artères et architecture. Enfin, ces deux gigan- fluide des flux d’usagers. 4 Les voûtes empruntent à l’écriture
parisiennes de transport ferroviaire, la tesques volumes enterrés, au même titre
romane, un style auquel les architectes se réfèrent explicitement.
ligne nouvelle relie pour le moment Vil- que le tunnel, représentent un véritable
liers-sur-Marne et Chelles à la gare Saint- défi technique. Un défi d’autant plus dif-
Lazare en passant par la station ficile à relever que leur réalisation a dû
Magenta, construite entre la gare de l’Est composer avec un contexte géologique glaise avec une présence de lignite. Au 1 700 m de la première galerie – qui
et la gare du Nord. Destinée à désengor- assez tourmenté. total ce sont près de 200 forages qui ont pour sa part n’a rencontré aucun écueil
ger la ligne A du RER, la liaison a vocation été pratiqués avant le lancement des tra- majeur – a pu être réalisé en 386 jours
à être prolongée vers l’est jusqu’à Tour- vaux afin d’avoir une connaissance aussi de travail. Au terme de l’opération, et
● Le terrain : un sous-sol
nan-en-Brie et vers l’ouest depuis Pont- complète que possible des terrains ren- donc après la pose de 1 245 anneaux,
particulièrement diversifié
Cardinet, sans qu’aucune date, toutefois, contrés. Mais cette campagne de son- soit quelques 7 500 voussoirs en béton
n’ait été arrêtée pour ce dernier prolonge- Entre les gares Haussmann-Saint-Lazare dages n’a pas empêché quelques sur- préfabriqué, le tunnelier a été démonté
ment. Dans sa configuration actuelle, la et Magenta, les gares, le tunnel et les prises, voire des arrêts de chantier. et réacheminé jusqu’à son point de
nouvelle ligne procure un gain de temps puits de ventilation s’inscrivent dans des Pourtant, ce tracé en profondeur à départ pour commencer la seconde
d’une demi-heure entre ses gares termi- terrains d’une grande diversité. Depuis la – 30 m du niveau du sol avait été choisi galerie. Mais la géologie et l’hydrogéo-
nus et Paris-Saint-Lazare. Mais plus surface jusqu’aux points les plus pro- notamment pour réduire l’impact du logie du site ont largement conditionné
qu’une simple liaison, elle est un nœud de fonds, se succèdent des couches irrégu- chantier en surface, et la technique du le choix des dispositions techniques
correspondance cardinal pour les usagers lières de remblais et des éboulis argilo- creusement mécanisé par un tunnelier à adoptées pour les deux gares.
des transports parisiens. marneux, des marnes infragypseuses de pression de boue pour sa capacité à
Depuis les gares Haussmann-Saint- 6 à 10 m, des sables de Monceaux ou réduire les tassements de surface.
● Une excavation d’envergure
Lazare et Magenta, le voyageur se voit sables verts, des marnocalcaires de Quant à l’excavation au tunnelier, elle
menée progressivement
proposer 10 correspondances de RER Saint-Ouen sur 12 à 18 m, des sables de s’imposait aussi par un coût au mètre
(RER A, RER B, RER D) ou de métro Beauchamp avec présence d’argile, des linéaire près de deux fois inférieur à La réalisation des gares s’est déroulée
(lignes 3, 4, 5, 9, 12, 13 et 14, autrement marnes et caillasses avec calcaire gros- celui des techniques classiques pour pas à pas, afin d’éviter une décompres-
dénommée Météor) ainsi qu’un accès sier sur 10 à 16 m, des calcaires grossiers une galerie de 2 km, tout en autorisant sion trop brutale des terres. Précisons à
souterrain aux grandes lignes banlieue durs ou tendres sur 12 à 18 m ou encore des cadences 5 à 10 fois supérieures. À ce sujet que le volume des matériaux
de la gare de l’Est et de la gare du Nord. des sables supérieurs et de la fausse titre d’exemple, le creusement des extraits s’élève à environ 1,3 million de
mètres cubes, et ce, pour construire 3 000 colonnes ont été coulées par la REPÈRES
près de 150 000 m3 avec une emprise méthode du jet double, créant ainsi un
accordée par la ville de Paris limitée véritable bouclier pour permettre aux
La ligne E du RER en chiffres
2 000 m2. Pour limiter les perturbations machines à attaque ponctuelle d’interve-
“en surface”, les deux tiers des maté- nir en toute sécurité. ● 8 gares desservies de Chelles-Gournay à Haussmann-Saint-Lazare
riaux ont été évacués par voie souter- À l’instar de la plupart des puits destinés à par la branche nord du RER E.
raine, au moyen notamment d’une être conservés, les gares ont toutes deux ● 9 gares desservies de Villiers-sur-Marne à Haussmann-Saint-Lazare
bande transporteuse capable d’em- utilisé la technique de la paroi moulée.
par la branche sud.
porter 1 500 m3 par jour. Pas question, Des voiles de béton coulés dans le sol, en
● 3 minutes pour rallier les gares de Magenta et de Condorcet.
donc, d’envisager de tels mouvements particulier, ont servi à créer une enceinte
de terre sans un confortement parallèle résistante pour les 2 400 m2 à ciel ouvert ● 15 minutes gagnées grâce à la réalisation du tronçon central.
des terrains. du hall Caumartin,au-dessus de la station ● 30 minutes gagnées sur un trajet banlieue est – Paris-Saint-Lazare.
Haussmann-Saint-Lazare.Les deux ouvra- ● 2 nouvelles gares souterraines.
ges sont entièrement enfermés dans une ● 5 correspondances par métro ou par RER dans chacune des gares
● Le jet grouting à l’honneur
enveloppe étanche. Sur un béton de pro-
souterraines.
En premier lieu, les deux gares ont large- preté de 10 cm d’épaisseur, trois couches
● 53 rames duplex accueillant 1 100 passagers assis.
ment recouru au jet grouting. La tech- sont successivement mises en place : un
feutre antipoinçonnement qui protège ● Capacité de la ligne E du RER : 30 trains/heure dans chaque sens
nique consiste à injecter le terrain au
moyen d’un mélange d’eau et de ciment l’extrados, une membrane PVC 20/10 qui (12 trains/heure dans chaque sens à l’inauguration).
à haute pression afin de créer des assure l’étanchéité proprement dite et ● Coût final du projet : 12 milliards de francs (2/3 pour les travaux,
colonnes de béton. Dans le cas de la gare une autre (17/10) qui protège l’intrados. 1/3 pour les rames).
de Haussmann-Saint-Lazare, c’est un L’ensemble du complexe est recouvert
total de 1 600 m de colonnes (1,20 m de d’une chape de protection de 3 cm
diamètre et 6 m de profondeur moyenne) d’épaisseur, coulée avant le bétonnage
qui ont été réalisés de la sorte. L’objectif du radier.
était double : améliorer la cohésion des Pourtant, bien qu’elles partagent cer-
sols, en supprimant les travaux d’injection taines techniques, les deux gares présen-
classiques, et ceinturer la zone par un tent aussi de notables différences dans
rideau étanche.Le radier de la gare se situe les méthodes de construction et le “pha-
en effet en dessous de la nappe phréatique sage” des opérations qui ont jalonné
(voir encadré p.31). À Magenta, près de leur réalisation. ❚
1 2
Gare Magenta :
progression pas à pas HISTORIQUE
Les dates-clés
● 13 octobre 1988 : Michel Rocard, Premier ministre, annonce
L ongue de 228 m, large de
50 m et haute de 15 m, la
tée par un boulonnage et un béton pro-
jeté additionné de fibres métalliques), la réalisation d’Eole.
gare Magenta est construite des tubes d’acier sont foncés dans les ● 15 novembre 1991 : déclaration d’utilité publique de la liaison.
dans les couches géologiques sols afin de créer une voûte protectrice ● 14 février 1994 : baptême du tunnelier Martine.
comprises entre les marnes permettant l’ouverture du tunnel central.
● 4 mai 1995 : achèvement du premier tunnel.
et les sables de Beauchamp. ➜ Troisième acte. – Abaissement des
● Fin novembre 1996 : achèvement du second tunnel.
Un sous-sol qui autorise des excavations galeries centrales et déplacement des
plus limitées qu’à Haussmann-Saint- travaux de jet grouting des galeries ● Mi-janvier 1999 : mise sous tension des installations de traction
Lazare. Ainsi, la progression des travaux ouest à la galerie centrale Est. électrique.
de génie civil du tunnel central et des ➜ Quatrième acte. – Achèvement de ● 14 juillet 1999 : mise en service commercial de la branche nord,
deux galeries latérales s’est faite essen- l’excavation de la galerie centrale Ouest jusqu’à Chelles-Gournay.
tiellement de haut en bas, suivant un et bétonnage de la culée creuse Est.
● 30 août 1999 : mise en service de la branche sud, jusqu’à Villiers-
“phasage” plus complexe, comportant ➜ Cinquième acte. – Achèvement de
sur-Marne.
huit temps. l’excavation de la galerie latérale Ouest,
avec bétonnage et boulonnage de sa
voûte et coulage d’une moitié de son
● Huit étapes dans le détail
radier. bas des creusements, suivie d’un béton- nière tient à la réalisation d’une voûte
➜ Premier acte. – Les entreprises exca- ➜ Sixième acte. – Application des nage du radier central. active. Cette technique consiste, après
vent des portions supérieures des gale- mêmes travaux à la galerie latérale Est La voûte de la gare se situe parfois à projection d’une couche de béton, à
ries longitudinales Est et Ouest, ainsi que avec, toutefois, un bétonnage intégral seulement 8 m des fondations des mettre en place un anneau définitif
la demi-section supérieure de la galerie de la culée pleine. immeubles, ce qui a entraîné de nom- constitué de voussoirs préfabriqués. Elle
centrale Ouest. ➜ Septième acte. – Excavation et réa- breuses reprises en sous-œuvre en cours autorise un gain de temps appréciable
➜ Deuxième acte. – Après creusement lisation de la voûte du tunnel central d’exécution, comme à Haussmann- sur les travaux de confortement et de
et renforcement de la demi-section supé- selon la technique de la voûte active. Saint-Lazare d’ailleurs. Une des diffé- ferraillage, tout en offrant l’assurance
rieure de la galerie centrale Est (confor- ➜ Huitième acte. – Progression vers le rences majeures par rapport à cette der- d’une qualité constante des bétons. ❚
46
42 43
D BUS 47 48 49 les matériaux, elles expriment la “vérité constructive” de l’ouvrage.
RER B
ru
rd M 4
eL
aF
ay
et
3 Le traitement angulaire des poteaux comme les sections circu-
te
faubourg Saint-Denis
rue du laires des poutres sont des éléments récurrents de l’architecture des
M 5
Gare du Nord
1 2
Gare Haussmann-Saint-Lazare : reprennent les descentes de charge des ouvrages “supérieurs” dont la
masse est parfois prise en compte pour contrer les effets de poussée
HISTORIQUE
Architecture façon
Construire Haussmann-Saint-Lazare “à pied sec”
Les voûtes des halls Nord et Sud de la station Haussman-Saint-Lazare
“grandes lignes”
se situent à la cote NGF 22, soit 10 m sous le niveau du sol et près de
2 m en dessous de la nappe phréatique libre. Maîtrise d’ouvrage et
L es stations Haussmann-
Saint-Lazare et Magenta
de l’architecte, une “vérité constructive”.
maîtrise d’œuvre ont donc décidé de rabattre cette nappe en dessous Cette idée de vérité se traduit par l’em-
du niveau des radiers (– 5 NGF). À cet effet, 24 puits de pompage ont marquent par leurs contrastes, ploi quasi systématique d’un béton
avec les gares parisiennes du siècle der- coulé en place et non préfabriqué, afin
été utilisés qui auront permis le pompage de près de 30 millions de
nier, faites de verre et d’acier, mais aussi de laisser apparente la trace du travail
mètres cubes en quatre ans. “L’association du jet grouting et du rabat-
avec les habituelles stations enterrées de l’homme.
tement a fait la preuve de son efficacité en permettant aux travaux de du transport au quotidien : espaces,
s’effectuer dans de bonnes conditions”, confirme Henry Weisberger, matières et lumières diffèrent du modèle
● L’étoffe des bétons
directeur technique du groupement Sogea. courant et se rapprochent plutôt des der-
nières nées des gares du TGV. Dues Le béton brut n’en devait pas moins par-
comme ces dernières à l’atelier d’architec- ticiper d’une logique architecturale fon-
Gare Saint-Lazare ture de la SNCF – l’Agence des gares – et dée sur une trilogie matériau-couleur-
zare
à l’architecte en chef Jean-Marie Duthil- lumière, ses différentes teintes et
int-La
rue Sa leul, elles en partagent les préceptes. Elles textures ayant pour but de produire des
M 12
Lazare signent ainsi une volonté d’unité dans le lumières différentes. Onze qualités de
Saint-
M 13 transport ferroviaire et donnent ses béton ont ainsi été sélectionnées, pré-
Lazare
Saint- lettres de noblesse à la ligne E du RER. sentant selon la nature des ciments et
Gare Haussmann-Saint-Lazare
des granulats une large palette de
rue Joubert teintes et de textures. Parois lisses et
ru ● Vérité du béton brut
rue du
ed
eR rugueuses alternent en fonction des
om
rue de Provence Exploiter au maximum la présence du espaces souterrains. Les piédroits des
Havre
e
rue de Mogador
boulevard gros œuvre a été une des idées majeures voûtes des quais recourent à un béton
Haussman
n M 9
Havre
du projet. Les structures ne sont pas bouchardé. Les striures mécaniques lais-
RER
A Caum
atin
masquées mais au contraire mises en sant apparaître les sables et les granulats
0 20 50 100 m Plan Gare Haussmann-Saint-Lazare valeur afin d’exprimer, selon l’expression blancs de Jouy-le-Châtel pour éclairer la
1 2
matière en accrochant la lumière, tout en technique consiste ici à mettre en œuvre ● Un éclairage “domestique” Maître d’ouvrage :
exprimant les forces reprises par ces un film plastique entre le béton et le cof- SNCF – direction déléguée Eole,
ouvrages. Les grands ouvrages comme frage. Le bois, matériau d’appoint, s’allie La lumière est une composante majeure assistée des bureaux d’études
Socotec (bureau de contrôle)
les voûtes des quais utilisent du béton avec le béton pour marquer l’univers du projet architectural. Naturelle à
et Méthodes et pilotage
satiné. Choisie pour sa faculté à réfléchir d’Eole. Présent dans les volets des accès l’abord de la surface grâce à de nom- (planificateur)
les lumières indirectes, cette texture est sur rue, il revêt également le traitement breuses verrières, elle devient artificielle
Maître d’œuvre études :
obtenue grâce au traitement des peaux acoustique des seuils souterrains de la en plongeant en profondeur. Les “tubes direction de l’Ingénierie
de coffrage. Enfin, dans les passages gare de Magenta ou des correspon- fluo” sont abandonnés au profit de de la SNCF
étroits où le matériau est très proche des dances RATP de Haussmann-Saint- lustres colorés sur les quais et les halls, Maître d’œuvre travaux :
usagers, l’architecte a opté pour un Lazare. Il jalonne aussi le cheminement de mâts qui balisent les galeries, d’ap- SNCF,direction des travaux Eole
béton glacé gris clair séduisant par son des voyageurs, notamment comme revê- pliques qui soulignent la trame des Entreprises :
aspect lisse et légèrement brillant. La tement du plancher des passerelles poteaux. La lumière affirme aussi le • groupement Chantiers
modernes/Dumez (Magenta),
caractère colossal des halls en mettant
DG Construction/Impreglio
en valeur le rythme des poteaux et des (tunnel) ;
butons, le strict calepinage des joints, et • groupement Sogea avec Spie
>>> Plus de cinq années surtout en offrant une “profondeur de Batignolles,Bouygues,
Fougerolle ;
de travaux “titanesques” pour champ” qui semble repousser les parois
Ballot et Picot
souterraines. ❚
ces deux cathédrales (gare Haussmann-Saint-Lazare)
à plusieurs titres : par la complexité de leurs structures hyperstatiques, mais aussi par la
recherche architecturale poussée qui sous-tend leur conception. Enfin, et c’est peut-être le plus
important, les ouvrages haubanés exigent de leurs concepteurs une totale maîtrise des exigences
et des mécanismes en jeu. Et le succès y est toujours le résultat d’un travail d’équipe.
1 2
L es ponts à haubans se est allé un peu plus loin en croisant des renouveau du pont à haubans. 2 3 Extrême minceur
sont multipliés ces der- câbles porteurs venant des deux
nières années un peu partout pylônes, dans une disposition proche du tablier du pont d’Evripos, œuvre de Jorg Schlaich, qui relie
dans le monde. Ce sont des ouvrages d’un véritable haubanage. la Grèce continentale à l’île d’Eubée (à environ 100 km au
exceptionnels à plusieurs titres, par la Les premiers ponts à haubans mo-
nord d’Athènes).
complexité de leur structure mais aussi dernes ont été construits par Eduardo
par la recherche architecturale poussée Torroja – l’aqueduc de Tempul en 1926
qui sous-tend leur conception : pylônes, – et par Albert Caquot avec le pont sur
tablier et nappes de haubanage doivent le canal de Donzère en 1952, for- Mathivat, René Walther et Jorg Schlaich plus légers que dans le domaine des
exprimer le concept structurel tout en tement inspiré par les travaux de ont apporté à leur tour des idées nou- méthodes où la construction par encor-
s’inscrivant élégamment dans le site du l’Allemand Franz Dischinger ; il est à velles qui font des ponts à haubans des bellements successifs s’impose comme
franchissement. Mais la conception des noter que ces deux ouvrages ont été structures modernes, efficaces, écono- la plus efficace pour les grandes et
ponts haubanés nécessite de la part de construits en béton armé. miques et élégantes. moyennes portées.
leurs concepteurs – ingénieurs et archi- Les ponts à haubans de la première
tectes – une grande maîtrise de leur com- génération ne comportaient qu’un
● Un progrès d’origine ● Les tendances modernes
portement mécanique et des exigences nombre limité de haubans de grande
germanique
de la technologie. puissance, et le tablier devait avoir une La plus spectaculaire des évolutions des
Les premiers ponts à haubans ont été C’est en Allemagne que la technique grande rigidité, fonctionnant comme ponts à haubans est l’augmentation
construits au début du XIX e siècle. des ponts à haubans s’est vraiment une poutre continue soutenue de loin en des portées franchies : avec le pont de
Malheureusement, la mauvaise com- développée au cours des années cin- loin par des haubans qui jouent le rôle Normandie – 856 m en janvier 1995 –
préhension du fonctionnement de ces quante et soixante, avec en particulier d’appuis intermédiaires. Le progrès est les ponts à haubans commencent à
structures hyperstatiques et l’ignorance une remarquable série de grands ponts venu avec la construction du pont entrer en compétition avec les ponts
des effets du vent vont provoquer l’ef- sur le Rhin, à Düsseldorf, Cologne, Bonn, Friedrich-Ebert à Bonn par Helmut suspendus pour les très grandes por-
fondrement de ces premiers ouvrages. Duisbourg... Sans oublier les construc- Homberg, en 1967, qui introduit la tées, et le record vient d’être battu par
Si le haubanage n’a pas été complète- tions originales de Riccardo Morandi, notion de haubans multiples répartis : le le pont de Tatara au Japon, avec 890 m
ment abandonné, son rôle a été limité à et notamment le pont du lac Maracaïbo, tablier peut être assimilé à une poutre en mai 1999 ; tous les experts consi-
la rigidification des ponts suspendus ce sont Ulrich Finsterwalder, Fritz Leon- sur un appui élastique continu, selon dèrent qu’on atteindra rapidement des
par la mise en place de haubans au voi- hardt et Helmut Homberg qui ont établi une image de Jacques Fauchart. Ce sera portées de 1 200, voire 1 500 m si
sinage des pylônes suivant les idées de et fait progresser la technique et la l’origine d’un foisonnement de nou- l’occasion s’en présente.
John Roebling, notamment pour le pont conception des ponts à haubans. velles solutions, aussi bien pour la Mais l’augmentation des portées n’est
de Brooklyn. Le Français Albert Gisclard Plus récemment, Jean Müller, Jacques conception de tabliers plus souples et pas le seul progrès observé : il faut
tablier
léger
Pont suspendu massif d’ancrage
haubans porteurs
tendus peu nombreux
tablier rigide
construit sur cintre
compression
du pylône haubans multiples
répartis
traction des
haubans
compression tablier
léger
TECHNIQUE
évoquer les ponts à multiples travées Sans oublier les atouts esthétiques
Grands franchissements
haubanées – dont le pont de Rion- apportés par la grande minceur du et domaine de compétitivité des ponts haubanés
Antirion et le viaduc de Millau seront tablier et l’évidence du comportement Distance entre pylônes Configuration de l’ouvrage
les meilleurs exemples –, les ponts à structurel, que même les profanes res-
● 150 à 200 m Tablier dalle mince béton précontraint
précontrainte extradossée – imaginés sentent immédiatement en discernant
par Jacques Mathivat en s’inspirant du les rôles des pylônes et des haubans. ● 200 à 300 m Tablier-dalle à nervures en béton
pont du Ganter de Christian Menn, et précontraint
largement développés aujourd’hui au
● A la recherche de la légèreté ● 250 à 500/600 m Tablier-caisson précontraint
Japon – et surtout le développement
et de la simplicité profil aérodynamique
des ponts à haubans à tablier mince
en béton précontraint dont le pont sur Ulrich Finsterwalder, Fritz Leonhardt, ● 400 à 800 m Tablier mixte acier-béton à condition
le Rhône entre Beaucaire et Tarascon René Walther et Jorg Schlaich ont été d’étudier le profilage aérodynamique
est le dernier exemple. les précurseurs des ponts à haubans à ● 600 à 1 200 m Caisson profilé à dalle orthotrope
Ce type d’ouvrage offre de bonnes tablier mince que nous nous sommes
● Au-delà de 1 200 m Pont suspendu
perspectives de développement en efforcés d’introduire en France.
France où il n’existe que peu de sites Pour le premier ouvrage de ce type qui
exigeant des franchissements de gran- a été construit, le pont sur le Rhin à Le pont d’Evripos, en Grèce, a été nous sommes intervenus en tant que
de portée, si bien que c’est dans le Dieppoldsau, René Walther a dessiné construit entre 1985 et 1993. Conçu consultants pour l’Administration
domaine des portées moyennes – de une dalle en béton précontraint d’épais- par Jorg Schlaich, c’est une simple dalle grecque, et avons assuré le contrôle du
120 à 250 m – que les ponts à hau- seur variable, de 35 cm en rive à 55 cm rectangulaire de 13,50 m de largeur et projet au SETRA en collaboration avec
bans doivent s’imposer par rapport à dans l’axe ; la largeur de la dalle est de 45 cm d’épaisseur (sauf au voisina- Ingerop, nous pouvons affirmer qu’il
des structures plus classiques de ponts de 14 m et la portée entre pylônes de ge des pylônes où elle est épaissie) ; n’en est rien, même s’il convient d’être
en caisson en béton précontraint ou de 97 m. L’élancement est ainsi de 1/200, avec une portée de 215 m, l’élance- particulièrement attentif dans la
ponts en ossature mixte acier-béton. en rupture totale avec les ordres de ment atteint 1/500. Toute la rigidité de conception des détails. Les essais
Pour cela, il faut réduire le coût de grandeur adoptés dans d’autres types la structure vient des pylônes, dont les menés à l’Ecole Polytechnique de
construction en jouant principalement d’ouvrages ; mais l’une des plus claires jambes sont des caissons carrés en Lausanne par le professeur Walther le
sur le prix du tablier par la recherche démonstrations de l’évolution des béton armé d’environ 4 m de côté. confirment s’il en était besoin.
d’un compromis optimal entre allège- ponts à haubans, c’est l’absence de Certains ont prétendu que cet ouvrage Malheureusement le règlement de cal-
ment et rigidité transversale, et par signification de l’élancement, rapport particulièrement audacieux n’assurait cul français du béton précontraint ne
l’utilisation de méthodes de construc- de la portée et de la hauteur structu- pas la sécurité nécessaire vis-à-vis du permet pas d’envisager des tabliers
tion simples, rapides et généralisables. relle du tablier. flambement du tablier ; mais comme aussi minces et aussi flexibles, compte
0,45 m
2%
13,50 m
1,03 m
5,12 m
15,54 m
0,81 m
12,10 m
Construction moderne : L’histoire Bourgogne, à Chalon-sur-Saône, basées sur des a priori… et malheureu- passé lors du concours du pont
contemporaine des ponts à haubans je me suis inspiré de travaux de Pierre sement les avis défavorables l’empor- Charles-de-Gaulle à Paris est typique
laisse apparaître une concurrence Xercavins et d’une proposition non taient souvent. Mais depuis le pont de de cet état d’esprit. Dix équipes avaient
entre solutions béton et solutions retenue de Jean Müller pour le pont de Normandie, il existe une sorte d’en- été qualifiées. Sur les neuf projets
acier. Est-ce réellement le cas ? l’île de Ré. Dans mon projet, les voitures gouement pour les ponts à haubans. rendus, deux seulement étaient réelle-
sont en haut et les piétons décalés. Certains maîtres d’ouvrage souhaite- ment constructibles. Parmi eux, celui
Michel Virlogeux : Dans le domaine Ainsi, avec un tablier d’une hauteur de de Louis Arretche et de Pierre Xerca-
raient même en réaliser dans des lieux
des ponts à haubans, en effet, la com- 1,03 m, on obtient une inertie identique vins , qui a été retenu, et celui de Jean
où les conditions ne s’y prêtent pas du
pétition entre l’acier et le béton a à celle d’un caisson de 1,03 m. Mais Müller et d’Alain Spielmann , un pont
tout. Cela dit, il existe aussi des consul-
longtemps été vive. En termes de por- le profil est beaucoup plus fin car à haubans semblable dans son esprit
tations où il est explicite que les ponts à
tée, le béton a même établi deux fois il reste dans la logique structurelle et à celui que j’avais imaginé pour Bou-
haubans n’ont a priori aucune chance.
le record devant l’acier : une première esthétique d’une dalle mince. Le pont logne-Billancourt. Je pense que le jour
J’ai le sentiment que les architectes
fois en Espagne en 1983 avec le pont de Beaucaire-Tarascon, avec ses où un très beau pont à haubans, des-
responsables des sites et les représen-
Barrios-de-Luna, dit aussi pont nervures très basses, peut être siné par un très bon ingénieur associé
tants des milieux culturels sont oppo-
Fernandez-Casado, d’une portée de considéré comme la suite directe du à un architecte de talent, aura été réa-
sés aux ponts à haubans parce qu’ils
430 m, et ensuite en 1991 avec le pont pont de Chalon et des ponts à tablier lisé en milieu urbain, cela fera date. Il
les voient comme des œuvres d’ingé-
du Skarnsund en Norvège, d’une nervuré en béton. existe dans ce domaine des références
nieurs. Il existe malheureusement
portée de 530 m. Aujourd’hui les 800 m intéressantes en Allemagne. Mais il est
quelques exemples de ponts à hau-
sont dépassés, et le béton, parce qu’il C. M. : Le pont à haubans est une
bans qui pèchent par leur esthétique et bien évident qu’un pont à haubans en
n’a pas la capacité à franchir des solution intéressante sur le plan
peuvent servir d’alibis à cette attitude milieu urbain et un autre en milieu
portées dépassant les 600 m, ne pour- architectural : l’ouvrage par lui-même
négative. Dans un ouvrage de ce type, “naturel”ne peuvent pas avoir les
rait plus détenir le record. En revanche, est original, et c’est une occasion de
il n’y a pas de droit à l’erreur : s’il est mêmes formes. Sans vouloir polémi-
pour des ponts à haubans ne dépas- mettre en valeur le paysage. Comment
“loupé”, on ne voit plus que lui. quer, il est important de combattre cer-
sant pas des portées de 400 à 500 m, ces ponts sont-ils perçus par les
taines idées reçues comme le carac-
le béton reste très compétitif. maîtres d’ouvrage en général ? C. M. : Apparemment, il existe
tère encombrant des haubans dans le
M. V. : Il n’y a pas de règle en la de nombreuses idées reçues sur
site. Au pont de Normandie, les hau-
C. M. : En tant que concepteur de les ponts à haubans. Quelles sont
matière et les avis sont partagés. De bans sont gris clair ; ils ne se voient
ponts, vous avez proposé des projets les plus répandues ?
nombreux ponts à haubans que même pas sous certaines ambiances
de ponts à haubans en France ?
j’ai projetés n’ont pas vu le jour car leur M.V. : On dit souvent que les ponts de lumière. À Seyssel, les haubans
M. V. : J’ai fait plusieurs projets architecture a été rejetée de façon très à haubans ne sont pas des ouvrages sont bleu clair, et seuls le tablier et le
de ponts à haubans qui n’ont pas été subjective. Dans les années quatre- urbains, mais plutôt des ouvrages mât ressortent. Il est aussi possible
construits : Cergy-Pontoise, Boulogne- vingt, les positions étaient souvent de pleine campagne. Ce qui s’est d’obtenir l’effet inverse : les haubans
Billancourt… Pour le pont de
du pont de Brotonne sont de couleur avant de dessiner la forme définitive du différentiel est faible, de l’ordre de 10 % permanente et fréquente, le tablier
jaune d’or et très visibles, mais cela pylône, on sait déjà qu’elle est détermi- au maximum. Il en ressort que le choix reste comprimé.
fait partie de l’esthétique générale de née par l’ensemble des choix tech- d’un pont à haubans de ce type permet
l’ouvrage. Cela montre que les concep- niques. Dans un projet conduit à un maître d’ouvrage de réaliser un C. M. : Cette question est un peu la
teurs disposent d’une large latitude de façon cohérente, c’est à partir de ouvrage original sans que son coût en suite de la précédente : la controverse
en matière d’expression esthétique et ces données définissant l’organisation devienne pour autant exorbitant. technique à propos de ces ouvrages
d’un registre varié d’effets. de la matière que l’architecte peut est-elle fondée ?
dessiner le profil du pylône et l’archi- C. M. : Dans le domaine des ponts à
C. M. : Le pylône joue un rôle tecture d’ensemble de l’ouvrage. dalle mince, peut-on dire qu’il existe M. V. : Il est vrai qu’il existe aussi en
important dans l’esthétique générale aujourd’hui deux versions, la dalle la matière des idées reçues. Certaines
de l’ouvrage, et son dessin est C. M. : Les ponts à haubans à dalle pure et la dalle nervurée ? personnes, par exemple, ont affirmé
induit par la structure même du pont. mince présentent-ils des avantages que les ponts à haubans à dalle mince
Pouvez-vous nous détailler ce travail par rapport aux autres modes de M. V. : Oui. Par rapport à la dalle pure, sont instables et qu’ils ne tiennent pas.
qui allie pensée technique et pensée construction ? la dalle légèrement nervurée a besoin Elles n’ont apparemment pas compris
architecturale ? d’entretoises. Cela amène un les particularités de ces ouvrages.
M. V. : L’avantage majeur des ponts à handicap économique.Tous les Pour les adversaires patentés des
M. V. : Pour chaque pylône, c’est un dalles minces est qu’ils sont beaucoup ouvrages qui ont des nervures longi- ponts à haubans à dalle mince, sous
travail technico-architectural qu’il faut plus économiques que les ponts à tudinales sont nervurés transversale- l’effet d’une charge locale il y a locale-
effectuer. À titre d’exemple, la forme du caisson. Le pont à dalle mince lutte ment. À cela s’ajoute le fait que ment création de rotules plastiques et
pont de Chalon-sur-Saône est dictée sur le plan économique avec les ponts la réglementation française n’est pas dans ces conditions, rien n’empêche
par plusieurs critères techniques : les à ossature mixte bipoutre. Ces derniers favorable à la dalle. Il n’existe en France le flambement de la poutre. La réponse
trottoirs sont à l’extérieur des deux sont en effet très performants dans que deux ouvrages à dalle pure. consiste tout simplement à dire qu’il
plans de haubanage et ceux-ci sont le domaine des portées comprises Le premier se trouve sur l’autoroute ne faut pas laisser la poutre en arriver à
verticaux, pour pouvoir bénéficier d’un entre 100 et 600 m. Dans le cas d’une A 64, il s’agit du pont de la Bidouse ; cette situation ! Il faut dimensionner la
ancrage très simple dans la tête de portée élevée, de l’ordre de 400 m, le second est à Bordeaux, sur le péri- poutre afin que les rotules plastiques
pylône et dans le tablier. Ces deux les ouvrages en béton sont à armes phérique : il s’agit de la passerelle du ne puissent pas se développer et la
choix ont dicté le dessin de l’ouvrage. égales avec les solutions en acier. Grand-Tressan, qui présente une dalle question est réglée. Je tiens à préciser
Le haut du pylône doit être vertical, S’il existe en plus des problèmes aéro- de 25 cm d’épaisseur. qu’un projet de pont à dalle mince
comme les plans de haubanage. En dynamiques, il faut employer des ne peut être conduit que par un
revanche, dans sa partie inférieure, caissons et les caissons en béton sont concepteur chevronné et expérimenté.
C.M. : La réglementation française
le pylône doit faire le tour du tablier, moins coûteux que leurs homologues Sans entrer dans les détails, les essais
n’est pas favorable aux ponts à
ce qui implique d’écarter les deux en acier. Pour les portées moyennes de effectués au laboratoire de l’École
haubans à dalle. Pour quelle raison ?
“branches”du pylône. Il est donc 100, 200 ou 300 m, les caissons en polytechnique fédérale de Lausanne
nécessaire d’avoir une entretoise sous béton ne peuvent aucunement concur- M. V. : Parce qu’elle n’accepte pas sous la direction de René Walther mon-
le niveau du tablier pour reprendre les rencer les solutions mixtes. Dans ce l’existence d’une fissuration sous trent que les ponts à haubans à dalle
effets de l’inclinaison. Enfin, pour ne cas, la voie à emprunter est celle charge permanente. Et par définition, mince ne présentent aucun
pas avoir un batardeau trop important des ouvrages à dalle mince en béton. le béton est fissuré, même sans problème de stabilité générale.
dans la rivière, il est indispensable de En général, un pont à haubans à dalle charge. Pour y remédier, il est néces-
resserrer les fondations, ce qui mince nervurée revient un peu plus saire d’avoir une précontrainte Propos recueillis par Norbert Laurent
implique la présence d’une barre. Donc, cher qu’un ouvrage classique, mais le partielle qui fait que sous charge
Beaucaire-Tarascon par des poutres préfabriquées en béton précontraint par fils adhérents.
C echissement
nouvel ouvrage de fran-
du Rhône, sur
portée plus grande : 192 m. Moins 0,81 m, ce qui correspond à un élance-
Maître d’ouvrage :
large (12,10 m), ce pont ne comporte ment de 1/240. Très mince – véritable
conseil général
le contournement par le sud pas de trottoirs. ruban de béton précontraint soutenu des Bouches-du-Rhône
des agglomérations de Beau- par des nappes de haubanage en Maître d’œuvre :
caire et de Tarascon, a été conçu ● Une minceur exceptionnelle éventail –, parfaitement équilibré, bien Service du pont de Beaucaire -
dans le même esprit que celui de Cha- proportionné, il apparaît à la fois élé- Tarascon,Frédéric Edon
Le tablier a donc une forme plus clas- et Jean - Luc Masson
lon-sur-Saône, pratiquement par la gant et audacieux. Avec des formes qui
même équipe, et il est construit par la sique avec des nervures latérales découlent une fois de plus de la Projet et contrôle des études :
SETRA et CETE Méditerranée,
même entreprise, Léon Grosse. Ses reliées par un hourdis supérieur et de logique des efforts, il correspond par- Daniel Le Faucheur,PhilippeVion,
pylônes en lyre ont une forme voisine multiples pièces de pont, là aussi pré- faitement à l’évolution la plus récente Jacques Resplendino
de ceux du pont de Bourgogne, mais fabriquées et précontraintes par fils de cette famille d’ouvrages. ❚ Ingénieur-
sont plus imposants, compte tenu de la adhérents. Son épaisseur n’est que de PHOTOS : GUILLAUME MAUCUIT-LECOMTE conseil conception :
MichelVirlogeux
Architecte :
Charles Lavigne
Entreprises :
Léon Grosse – Bauland :
>>> Finesse du tablier
Claude Letey,Philippe Bonneval,
et puissance des pylônes : Pierre Mouchel
Haubanage :
le pont de Beaucaire-Tarascon Freyssinet
est un bon exemple de pont Préfabrication béton :
CPB –Yves Brugeaud
à haubans moderne.
Ingénieur structures :
Alain Chauvin
Livres
➜ Les ponts modernes ➜ Ponts et viaducs ➜ Les grands ponts ➜ Construire avec
XXe siècle remarquables d’Europe du monde (hors d’Europe) les bétons
Bernard Marrey Marcel Prade Marcel Prade Sous la direction de CIMBÉTON
Collection Arts & Patrimoine Collection Arts & Patrimoine
Après un premier volume Conçu, rédigé et illustré sous
couvrant les XVIIIe et Retraçant, dans un premier L’auteur nous présente ici, la direction de CIMBÉTON, cet
XIXe siècles, Bernard Marrey chapitre, l’histoire des voies de près de 300 ponts ouvrage présente les diffé-
consacre un livre à l’histoire communication et des ponts, remarquables répartis sur rentes techniques de mise en
des ponts réalisés au XXe de l’Antiquité à nos jours, toute la planète. A travers œuvre du béton, leurs poten-
siècle. En effet, de nombreuses l’auteur nous conduit ensuite ce panorama, on notera que tialités et leur contraintes.
réalisations spectaculaires à la découverte des ponts et les ouvrages situés en Afrique, Il aborde aussi les multiples
et reconnues en béton armé viaducs remarquables des en Asie occidentale et en aspects de la pensée archi-
ou en béton précontraint différents pays d’Europe. Amérique du sud sont souvent tecturale du béton, sur le plan
ont marqué le siècle. Ce pano- La présentation de chaque marqués à différents titres technique comme sur
rama des ponts français, qui ouvrage est accompagnée par les périodes de colonisa- le plan formel. La première
expose aussi l’évolution des de photos et de dessins qui tion. En revanche, les pays partie du livre, intitulée
techniques de construction et illustrent le discours. Au fil d’Amérique du nord et “Penser béton”, traite des
de mise en œuvre, témoigne des pages, ces ouvrages d’art d’Extrême-Orient ont dévelop- questions liées à la conception
du talent et de l’ingéniosité apparaîssent comme d’admi- pé leurs propres techniques. des lieux de vie et de
des concepteurs de ces rables monuments qui Ce livre propose un ensemble l’architecture en béton. Elle
ouvrages. Chaque pont témoignent de l’histoire des de réalisations commentées traite également des struc-
est accompagné d’un com- hommes et des techniques. et illustrées, invitant à décou- tures et des éléments
mentaire retraçant l’histoire, vrir la diversité et les richesses constructifs en béton sous
Éditions Brissaud à Poitiers
et décrivant les techniques de des cultures techniques l’angle technique et architec-
construction et de mise en à travers le monde. tural, ainsi que du vaste
œuvre utilisées. éventail de formes et de
Éditions Brissaud à Poitiers
matières offert par le béton.
Éditions Picard
En parallèle, une vingtaine
d’opérations exemplaires,
étudiées en détail, complètent
et illustrent les propos.
Forum La seconde partie du livre,
“Connaître le béton”, conduit
le lecteur à découvrir en
profondeur le béton, la
Forum des associations du Génie Civil gamme des bétons contempo-
rains, la production des bétons
et les performances du béton.
Mettre en contact des acteurs de la construction qui, Le thème principal de ce forum concerne la qualité A cela s’ajoutent une présen-
s’ils travaillent ensemble et partagent les mêmes inter- de vie et l’environnement de l’homme. En effet, tation des aspects réglemen-
rogations, n’ont pas l’occasion de bien se connaître. depuis quelques années, l’émergence du concept taires et des outils de
Voilà le but de ce forum des associations du Génie civil de développement durable a fait prendre conscien- dimensionnement.
et urbain, organisé à Lyon par trois associations : ce de la nécessité d’intégrer la protection de l’envi- 600 illustrations ainsi que
350 schémas et dessins
ronnement comme élément fondamental d’amélio-
● l’AFGC (Association Française de Génie Civil). complètent les propos de cet
ration de la qualité de la vie : un thème qui sera ouvrage de 576 pages.
● l’AUGC (Association Universitaire de Génie Civil). abordé lors des conférences plénières, du 3e
Coédité par CIMBÉTON
● l’IREX (Institut pour la recherche appliquée congrès universitaire et du colloque AFGC.
et Le Moniteur
et l’expérimentation). À Lyon les 27 et 28 juin 2000